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Résolution 2289 (2019)

La Convention d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes: réalisations et défis

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 juin 2019 (22e séance) (voir Doc. 14908, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Zita Gurmai). Texte adopté par l’Assemblée le 25 juin 2019 (22e séance).

1. La violence à l’égard des femmes est un crime. Il s’agit de l'une des violations des droits humains les plus répandues, une forme de discrimination fondée sur le genre et une manifestation de l’inégalité profondément ancrée entre les femmes et les hommes. Elle se produit quel que soit le statut social de l'auteur ou de la victime et aucun pays n'est épargné par ce fléau. La violence à l'égard des femmes ne peut être justifiée ou normalisée sous aucun prétexte. Pourtant, une femme sur trois dans l'Union européenne déclare avoir été victime de violence fondée sur le genre, à une ou plusieurs reprises depuis l'âge de 15 ans.
2. Pour lutter contre ce fléau, une action coordonnée est nécessaire au niveau politique, législatif et institutionnel. L'Assemblée parlementaire a donc fermement soutenu l’élaboration de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d'Istanbul»). Depuis son entrée en vigueur le 1er août 2014, l’Assemblée appelle sans relâche à sa signature, sa ratification et sa mise en œuvre. Son Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence et ses rapporteurs généraux sur la violence à l’égard des femmes ont joué un rôle essentiel dans la promotion de la convention par des actions ciblées dans les parlements nationaux des États membres, ainsi qu'aux niveaux régional et international. Le réseau a également constitué un cadre utile au partage d'expériences et de pratiques prometteuses, ainsi qu’à la diffusion d'outils pratiques pour lutter contre la violence faite aux femmes.
3. L’Assemblée confirme son soutien indéfectible à la Convention d’Istanbul, qui demeure l’instrument juridique international le plus complet et le plus avancé en matière de prévention et de lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. La convention fixe des normes élevées et adopte une approche globale centrée sur la prévention, la protection des victimes et la poursuite des auteurs, et sur des politiques intégrées, et place les droits de la victime au cœur de toutes les mesures prises et mises en œuvre. Elle promeut également l’égalité de genre et lutte contre les stéréotypes de genre. Elle est l’«étalon-or» pour les Nations Unies qui l'utilisent comme norme de référence pour ses travaux.
4. À ce jour, la Convention d’Istanbul a été ratifiée par 34 États membres du Conseil de l'Europe, et signée par 11 autres États et l’Union européenne. Deux États membres du Conseil de l’Europe ne l’ont ni signée ni ratifiée. La convention est ouverte aux États non membres du Conseil de l’Europe et constitue un puissant outil de sensibilisation et un plaidoyer sur la nécessité de prévenir la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et de lutter contre celles-ci. Bien qu’élaborée en Europe, elle ne lui est pas exclusivement destinée, et plusieurs États non membres du Conseil de l'Europe et d'autres organisations régionales l'utilisent pour élaborer leurs propres politiques et cadres juridiques. L'Assemblée soutient fermement le travail accompli par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, en particulier la coordination qu'elle a mise en place entre les mécanismes régionaux.
5. Il est important d’assurer la mise en œuvre de normes régionales et internationales aux niveaux national et international, de renforcer l’impact positif de ces normes ainsi que la coopération et les partenariats entre les différents mécanismes régionaux et internationaux de promotion et de défense des droits des femmes, et de lutte contre les violences faites aux femmes. À cet égard, l'Assemblée se félicite que les présidences finlandaise et française du Comité des Ministres, ainsi que plusieurs présidences précédentes, se soient engagées à faire de la lutte contre la violence à l'égard des femmes une priorité et à intensifier les efforts pour promouvoir la ratification de la convention.
6. Le suivi de la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul est assuré par le Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), qui a déjà achevé la première évaluation de référence pour l'Albanie, l'Autriche, le Danemark, Monaco, le Monténégro, le Portugal, la Suède et la Turquie, dans un esprit de coopération et de dialogue constructifs avec les États. Les procédures d’évaluation concernant la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas et la Serbie seront bientôt achevées. L'Assemblée félicite le GREVIO pour son travail et ses résultats. Elle se félicite également de l'approche positive adoptée par les États qui ont fait l'objet d'un suivi dans leur réponse aux propositions avancées dans les rapports.
7. L'Assemblée rappelle que l’implication des parlements dans le suivi est prévue à l'article 70 de la Convention d'Istanbul, au niveau national et au niveau de l'Assemblée, qui est invitée à faire régulièrement le point sur la mise en œuvre de la convention. À cet égard, l'Assemblée se félicite de l'engagement du GREVIO auprès des parlementaires lors de ses visites d'évaluation.
8. Cinq ans après son entrée en vigueur, l'Assemblée estime que la Convention d'Istanbul a déjà eu un impact tangible et positif. Elle a contribué à sensibiliser les victimes et la société en général à la nécessité urgente de prévenir et de combattre la violence contre les femmes et la violence domestique. Des normes législatives et politiques plus élevées ont été introduites dans la législation nationale de plusieurs États membres du Conseil de l'Europe. Les discussions sur l'éventuelle ratification de la convention ont donné lieu à des débats sur la violence à l'égard des femmes, son ampleur et son impact sur les victimes, et sur l'urgence de la combattre pour sauver des vies. En outre, des formations spécialisées à l'intention des professionnels du droit et de la police se sont révélées importantes pour éliminer les obstacles qui limitent l’accès des femmes victimes de violences à la justice.
9. L’Assemblée regrette que plusieurs difficultés retardent l'adhésion de certains pays à la convention ou entravent son application par les États parties. Il subsiste trop souvent un écart important entre la loi et sa mise en œuvre. L’absence de données, de coordination et de ressources peut également retarder les changements législatifs et politiques. La Convention d'Istanbul est présentée à tort par ses opposants comme une attaque contre les valeurs familiales ou comme la promotion d’objectifs cachés. Ces idées fausses et ces interprétations délibérément trompeuses à des fins politiques sapent la valeur ajoutée et le potentiel élevé de la convention, ainsi que les résultats considérables obtenus ces dernières années et l'application effective de la convention.
10. L'Assemblée se réfère à sa Résolution 2274 (2019) «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel» ainsi qu’à la Recommandation CM/Rec(2019)1 du Comité des Ministres aux États membres sur la prévention et la lutte contre le sexisme, et souligne l'importance de compléter la Convention d'Istanbul par des actions visant à changer les mentalités et les stéréotypes de genre négatifs, ainsi qu'à combattre différents types de violence à l'égard des femmes.
11. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à signer et à ratifier, pour les États qui ne l’ont pas encore fait, la Convention d’Istanbul;
11.2. à mettre en œuvre la convention sans plus attendre, en tenant compte des observations, conclusions et propositions formulées par le GREVIO dans ses rapports d'évaluation de référence, et des recommandations adoptées par le Comité des Parties;
11.3. à coopérer avec le GREVIO pour associer les parlements nationaux à l'élaboration du rapport étatique à son attention et à la préparation des actions de suivi;
11.4. à soutenir et à promouvoir activement la Convention d'Istanbul, aux niveaux national et international, et à lutter contre les idées fausses et la désinformation relatives à la convention;
11.5. à mener des activités de sensibilisation sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes en vue de contribuer à faire évoluer les mentalités et les stéréotypes;
11.6. à renforcer les services d'assistance aux victimes de violence fondée sur le genre;
11.7. à tirer pleinement parti des outils de formation en ligne aux droits humains pour les professionnels du droit, fournis par le Conseil de l’Europe et consacrés à la violence à l'égard des femmes et à la violence domestique, afin de s'assurer que chaque maillon de la chaîne juridique se familiarise avec les dispositions de la Convention d'Istanbul;
11.8. à fournir ou à renforcer les formations à l’attention de tous les professionnels travaillant avec des victimes ou des auteurs de violences, qu’ils aient une expertise juridique ou non, en suivant l’esprit de la convention;
11.9. à reconnaître, encourager et soutenir, à tous les niveaux, le travail des organisations non gouvernementales pertinentes et des membres de la société civile actifs dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes, et à établir une coopération effective avec ces acteurs.
12. L'Assemblée invite l'Union européenne à accélérer son adhésion à la Convention d'Istanbul.
13. L'Assemblée encourage également les États non membres du Conseil de l'Europe à envisager d'adhérer à la convention.
14. L’Assemblée invite les parlements nationaux:
14.1. à participer activement à la procédure de suivi de la mise en œuvre de la convention;
14.2. à entreprendre des activités, telles que des débats et des auditions, pour discuter des conclusions et des propositions présentées dans les rapports d'évaluation du GREVIO, et des recommandations du Comité des Parties concernant leurs pays;
14.3. à intensifier les efforts de sensibilisation aux réalisations et à la valeur ajoutée de la Convention d'Istanbul, en vue de démystifier les idées fausses sur la convention;
14.4. à promouvoir activement la Convention d'Istanbul aux niveaux national, régional et international;
14.5. à soutenir les travaux du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence, dans le but d'apporter des solutions pratiques pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et à la violence domestique;
14.6. à soutenir l'initiative #PasDansMonParlement sur la prévention et la lutte contre le sexisme, le harcèlement et la violence à l'égard des femmes dans les parlements, et à suivre les propositions faites dans sa Résolution 2274 (2019).
15. L'Assemblée décide d'examiner les moyens d'intensifier sa coopération avec le GREVIO et la Commission pour l’égalité de genre du Conseil de l'Europe, afin de faire le point sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul. L’Assemblée décide aussi d’intensifier ses efforts afin de mobiliser les parlementaires en faveur de la Convention d'Istanbul.
16. L'Assemblée décide d'envisager l’établissement de partenariats et d’une coopération avec d'autres réseaux parlementaires pour promouvoir la Convention d'Istanbul. L’Assemblée décide également d’envisager un renforcement de son dialogue et de sa coopération avec les organisations non gouvernementales, les organisations de terrain, et les représentants de la société civile et du secteur académique actifs dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la violence à l’égard des femmes.