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Résolution 2289 (2019)
La Convention d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes: réalisations et défis
1. La violence à l’égard des femmes
est un crime. Il s’agit de l'une des violations des droits humains
les plus répandues, une forme de discrimination fondée sur le genre
et une manifestation de l’inégalité profondément ancrée entre les
femmes et les hommes. Elle se produit quel que soit le statut social
de l'auteur ou de la victime et aucun pays n'est épargné par ce
fléau. La violence à l'égard des femmes ne peut être justifiée ou
normalisée sous aucun prétexte. Pourtant, une femme sur trois dans
l'Union européenne déclare avoir été victime de violence fondée
sur le genre, à une ou plusieurs reprises depuis l'âge de 15 ans.
2. Pour lutter contre ce fléau, une action coordonnée est nécessaire
au niveau politique, législatif et institutionnel. L'Assemblée parlementaire
a donc fermement soutenu l’élaboration de la Convention du Conseil de
l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard
des femmes et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d'Istanbul»). Depuis son entrée en vigueur le 1er août
2014, l’Assemblée appelle sans relâche à sa signature, sa ratification
et sa mise en œuvre. Son Réseau parlementaire pour le droit des femmes
de vivre sans violence et ses rapporteurs généraux sur la violence
à l’égard des femmes ont joué un rôle essentiel dans la promotion
de la convention par des actions ciblées dans les parlements nationaux
des États membres, ainsi qu'aux niveaux régional et international.
Le réseau a également constitué un cadre utile au partage d'expériences
et de pratiques prometteuses, ainsi qu’à la diffusion d'outils pratiques
pour lutter contre la violence faite aux femmes.
3. L’Assemblée confirme son soutien indéfectible à la Convention
d’Istanbul, qui demeure l’instrument juridique international le
plus complet et le plus avancé en matière de prévention et de lutte
contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
La convention fixe des normes élevées et adopte une approche globale
centrée sur la prévention, la protection des victimes et la poursuite
des auteurs, et sur des politiques intégrées, et place les droits
de la victime au cœur de toutes les mesures prises et mises en œuvre. Elle
promeut également l’égalité de genre et lutte contre les stéréotypes
de genre. Elle est l’«étalon-or» pour les Nations Unies qui l'utilisent
comme norme de référence pour ses travaux.
4. À ce jour, la Convention d’Istanbul a été ratifiée par 34
États membres du Conseil de l'Europe, et signée par 11 autres États
et l’Union européenne. Deux États membres du Conseil de l’Europe
ne l’ont ni signée ni ratifiée. La convention est ouverte aux États
non membres du Conseil de l’Europe et constitue un puissant outil de
sensibilisation et un plaidoyer sur la nécessité de prévenir la
violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et de lutter
contre celles-ci. Bien qu’élaborée en Europe, elle ne lui est pas
exclusivement destinée, et plusieurs États non membres du Conseil
de l'Europe et d'autres organisations régionales l'utilisent pour
élaborer leurs propres politiques et cadres juridiques. L'Assemblée
soutient fermement le travail accompli par la Rapporteuse spéciale
des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les
femmes, ses causes et ses conséquences, en particulier la coordination
qu'elle a mise en place entre les mécanismes régionaux.
5. Il est important d’assurer la mise en œuvre de normes régionales
et internationales aux niveaux national et international, de renforcer
l’impact positif de ces normes ainsi que la coopération et les partenariats
entre les différents mécanismes régionaux et internationaux de promotion
et de défense des droits des femmes, et de lutte contre les violences
faites aux femmes. À cet égard, l'Assemblée se félicite que les
présidences finlandaise et française du Comité des Ministres, ainsi
que plusieurs présidences précédentes, se soient engagées à faire
de la lutte contre la violence à l'égard des femmes une priorité
et à intensifier les efforts pour promouvoir la ratification de
la convention.
6. Le suivi de la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul est
assuré par le Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à
l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), qui a déjà
achevé la première évaluation de référence pour l'Albanie, l'Autriche,
le Danemark, Monaco, le Monténégro, le Portugal, la Suède et la
Turquie, dans un esprit de coopération et de dialogue constructifs
avec les États. Les procédures d’évaluation concernant la Finlande,
la France, l’Italie, les Pays-Bas et la Serbie seront bientôt achevées. L'Assemblée
félicite le GREVIO pour son travail et ses résultats. Elle se félicite
également de l'approche positive adoptée par les États qui ont fait
l'objet d'un suivi dans leur réponse aux propositions avancées dans les
rapports.
7. L'Assemblée rappelle que l’implication des parlements dans
le suivi est prévue à l'article 70 de la Convention d'Istanbul,
au niveau national et au niveau de l'Assemblée, qui est invitée
à faire régulièrement le point sur la mise en œuvre de la convention.
À cet égard, l'Assemblée se félicite de l'engagement du GREVIO auprès
des parlementaires lors de ses visites d'évaluation.
8. Cinq ans après son entrée en vigueur, l'Assemblée estime que
la Convention d'Istanbul a déjà eu un impact tangible et positif.
Elle a contribué à sensibiliser les victimes et la société en général
à la nécessité urgente de prévenir et de combattre la violence contre
les femmes et la violence domestique. Des normes législatives et
politiques plus élevées ont été introduites dans la législation
nationale de plusieurs États membres du Conseil de l'Europe. Les
discussions sur l'éventuelle ratification de la convention ont donné
lieu à des débats sur la violence à l'égard des femmes, son ampleur
et son impact sur les victimes, et sur l'urgence de la combattre
pour sauver des vies. En outre, des formations spécialisées à l'intention
des professionnels du droit et de la police se sont révélées importantes
pour éliminer les obstacles qui limitent l’accès des femmes victimes
de violences à la justice.
9. L’Assemblée regrette que plusieurs difficultés retardent l'adhésion
de certains pays à la convention ou entravent son application par
les États parties. Il subsiste trop souvent un écart important entre
la loi et sa mise en œuvre. L’absence de données, de coordination
et de ressources peut également retarder les changements législatifs
et politiques. La Convention d'Istanbul est présentée à tort par
ses opposants comme une attaque contre les valeurs familiales ou
comme la promotion d’objectifs cachés. Ces idées fausses et ces interprétations
délibérément trompeuses à des fins politiques sapent la valeur ajoutée
et le potentiel élevé de la convention, ainsi que les résultats
considérables obtenus ces dernières années et l'application effective
de la convention.
10. L'Assemblée se réfère à sa Résolution 2274 (2019) «Pour des
parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel» ainsi qu’à la Recommandation CM/Rec(2019)1
du Comité des Ministres aux États membres sur la prévention et la
lutte contre le sexisme, et souligne l'importance de compléter la
Convention d'Istanbul par des actions visant à changer les mentalités
et les stéréotypes de genre négatifs, ainsi qu'à combattre différents types
de violence à l'égard des femmes.
11. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les États
membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à
signer et à ratifier, pour les États qui ne l’ont pas encore fait,
la Convention d’Istanbul;
11.2. à mettre en œuvre la convention sans plus attendre, en
tenant compte des observations, conclusions et propositions formulées
par le GREVIO dans ses rapports d'évaluation de référence, et des
recommandations adoptées par le Comité des Parties;
11.3. à coopérer avec le GREVIO pour associer les parlements
nationaux à l'élaboration du rapport étatique à son attention et
à la préparation des actions de suivi;
11.4. à soutenir et à promouvoir activement la Convention d'Istanbul,
aux niveaux national et international, et à lutter contre les idées
fausses et la désinformation relatives à la convention;
11.5. à mener des activités de sensibilisation sur toutes les
formes de violence à l’égard des femmes en vue de contribuer à faire
évoluer les mentalités et les stéréotypes;
11.6. à renforcer les services d'assistance aux victimes de
violence fondée sur le genre;
11.7. à tirer pleinement parti des outils de formation en ligne
aux droits humains pour les professionnels du droit, fournis par
le Conseil de l’Europe et consacrés à la violence à l'égard des
femmes et à la violence domestique, afin de s'assurer que chaque
maillon de la chaîne juridique se familiarise avec les dispositions
de la Convention d'Istanbul;
11.8. à fournir ou à renforcer les formations à l’attention
de tous les professionnels travaillant avec des victimes ou des
auteurs de violences, qu’ils aient une expertise juridique ou non,
en suivant l’esprit de la convention;
11.9. à reconnaître, encourager et soutenir, à tous les niveaux,
le travail des organisations non gouvernementales pertinentes et
des membres de la société civile actifs dans la lutte contre la
violence à l’égard des femmes, et à établir une coopération effective
avec ces acteurs.
12. L'Assemblée invite l'Union européenne à accélérer son adhésion
à la Convention d'Istanbul.
13. L'Assemblée encourage également les États non membres du Conseil
de l'Europe à envisager d'adhérer à la convention.
14. L’Assemblée invite les parlements nationaux:
14.1. à participer activement à la
procédure de suivi de la mise en œuvre de la convention;
14.2. à entreprendre des activités, telles que des débats et
des auditions, pour discuter des conclusions et des propositions
présentées dans les rapports d'évaluation du GREVIO, et des recommandations
du Comité des Parties concernant leurs pays;
14.3. à intensifier les efforts de sensibilisation aux réalisations
et à la valeur ajoutée de la Convention d'Istanbul, en vue de démystifier
les idées fausses sur la convention;
14.4. à promouvoir activement la Convention d'Istanbul aux niveaux
national, régional et international;
14.5. à soutenir les travaux du Réseau parlementaire pour le
droit des femmes de vivre sans violence, dans le but d'apporter
des solutions pratiques pour mettre fin à la violence à l’égard
des femmes et à la violence domestique;
14.6. à soutenir l'initiative #PasDansMonParlement sur la prévention
et la lutte contre le sexisme, le harcèlement et la violence à l'égard
des femmes dans les parlements, et à suivre les propositions faites dans
sa Résolution 2274 (2019).
15. L'Assemblée décide d'examiner les moyens d'intensifier sa
coopération avec le GREVIO et la Commission pour l’égalité de genre
du Conseil de l'Europe, afin de faire le point sur la mise en œuvre
de la Convention d’Istanbul. L’Assemblée décide aussi d’intensifier
ses efforts afin de mobiliser les parlementaires en faveur de la
Convention d'Istanbul.
16. L'Assemblée décide d'envisager l’établissement de partenariats
et d’une coopération avec d'autres réseaux parlementaires pour promouvoir
la Convention d'Istanbul. L’Assemblée décide également d’envisager un
renforcement de son dialogue et de sa coopération avec les organisations
non gouvernementales, les organisations de terrain, et les représentants
de la société civile et du secteur académique actifs dans le domaine
de la prévention et de la lutte contre la violence à l’égard des
femmes.