Imprimer
Autres documents liés

Résolution 2290 (2019)

Vers un agenda politique ambitieux du Conseil de l’Europe pour l’égalité de genre

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 juin 2019 (22e séance) (voir Doc. 14907, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Elvira Kovács). Texte adopté par l’Assemblée le 25 juin 2019 (22e séance).Voir également la Recommandation 2157 (2019).

1. Tant que les femmes et les hommes ne seront pas sur un pied d’égalité en matière d’autonomie, de participation, de visibilité et d’accès aux ressources, nous ne pourrons considérer que les droits humains sont respectés, ni que la démocratie et l’État de droit sont des réalités. La question de l’égalité de genre est donc au cœur de la mission du Conseil de l’Europe. Parallèlement, la paix, les droits humains, la démocratie et l’État de droit sont des éléments indispensables à la construction de l’infrastructure institutionnelle nécessaire pour parvenir à l’égalité de genre.
2. Depuis sa fondation, il y a soixante-dix ans, le Conseil de l’Europe promeut l’égalité et lutte contre la discrimination. Depuis 1979, lors de l’adoption du premier texte pertinent du Comité des Ministres, et encore plus au cours de ces trente dernières années, l’Organisation a redoublé d’efforts pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, et lutter contre la discrimination fondée sur le sexe. L’Assemblée note avec satisfaction que la question de l’égalité de genre a été considérée comme une priorité par les présidences successives du Comité des Ministres, et qu’elle continue de l’être actuellement, sous la présidence française.
3. La Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et ses protocoles additionnels, la Charte sociale européenne (STE no 35) et d’autres textes juridiquement contraignants – notamment la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) – forment un solide système de protection des droits humains consacrant le principe selon lequel les droits des femmes font partie intégrante des droits humains. Ces conventions définissent également la violence à l’égard de femmes comme une violation des droits humains et reconnaissent que la réalisation de l’égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes est un élément fondamental dans la prévention de ce fléau. Elles lancent un appel urgent à l’intégration d’une perspective de genre et à l’égalité entre les femmes et les hommes, en donnant des orientations uniques et précieuses dans ce domaine.
4. En outre, plusieurs textes non contraignants adoptés par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ont contribué à promouvoir l’amélioration de l’égalité de genre et orienté les efforts dans ce sens dans des domaines tels que l’émancipation économique, la participation à la vie publique et à la représentation politique, les femmes dans les médias, les droits des migrantes, l’intégration d’une perspective de genre dans le sport et les droits des femmes en situation de handicap. Plus récemment, ces textes ont aussi contribué à prévenir et à combattre le sexisme.
5. L’égalité en matière de participation ne se résume pas à une question de chiffres. L’autonomisation des femmes est fondamentale pour parvenir à l’égalité de genre: non seulement elle leur permet de prendre conscience du déséquilibre des rapports de pouvoir, mais aussi elle les dote des moyens nécessaires pour surmonter les inégalités dans tous les domaines de la vie.
6. L’Assemblée parlementaire, qui réunit des parlementaires de tous les États membres du Conseil de l’Europe, a été à la tête des travaux de l’Organisation dans ce domaine. Elle est à l’origine des progrès accomplis dans la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et a recommandé certaines mesures pour les combattre, telles que l’instauration de quotas de genre en politique, des politiques pour renforcer la participation des femmes dans la vie économique, ainsi que pour favoriser l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. L’Assemblée a adopté une position politique ferme contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes en élaborant des résolutions et des recommandations appelant à l’adoption de normes contraignantes sur la prévention et la protection contre la violence fondée sur le genre, et à l’engagement de poursuites contre ses formes les plus graves et les plus répandues, ces travaux ayant abouti à la préparation de la Convention d’Istanbul, un traité novateur. Le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence a soutenu la mise en œuvre de cette convention en sensibilisant les législateurs, les responsables politiques et le public au fléau de la violence fondée sur le genre, et en proposant des solutions pratiques et des orientations sur la manière d’y faire face.
7. Malgré certains progrès, on a constaté ces dernières années une opposition croissante aux droits des femmes et une érosion de ceux-ci dans le monde, y compris dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe. Certaines forces gouvernementales et certains acteurs non étatiques s’attaquent à des droits acquis de longue date, et des textes déjà adoptés sont remis en question. Cette situation appelle à faire preuve d’une vigilance accrue dans la défense des progrès réalisés en matière d'égalité de genre; pour permettre la réalisation d’autres avancées dans ce domaine, il faudra également faire preuve d’un fort engagement politique et d’une grande détermination.
8. La Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023 définit les domaines dans lesquels les parties prenantes doivent agir de façon prioritaire et de concert. Elle précise que l’objectif général de l’Organisation en la matière est de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes et d’autonomiser les femmes et les hommes dans les États membres du Conseil de l’Europe. Ses six objectifs stratégiques (prévenir et combattre les stéréotypes de genre et le sexisme; prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique; garantir aux femmes l’égalité d’accès à la justice; assurer une participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique; protéger les droits des femmes et des filles migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile; et, enfin, intégrer les questions d’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les politiques et mesures) devraient être les principes directeurs de l’action du Conseil de l’Europe en faveur de l’égalité de genre.
9. L’Assemblée attire l’attention sur le fait que la réalisation des objectifs de la stratégie nécessite des efforts concertés de la part de toutes les parties prenantes au sein de l’Organisation et des États membres, ainsi que des partenaires extérieurs, y compris le secteur privé et les médias. Elle s’engage à continuer d’apporter un soutien politique cohérent à cette fin.
10. L’action du Conseil de l’Europe dans ce domaine est guidée par la Déclaration de Beijing et le Programme d’action adoptés lors de la 4e Conférence mondiale sur les femmes en 1995, ainsi que par les documents élaborés dans ce cadre et adoptés au niveau des Nations Unies, et par le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies (adopté en 2015). Le cadre juridique aussi vaste que complet mis au point par le Conseil de l’Europe représente une contribution unique au processus consistant à soutenir ses États membres dans la réalisation des objectifs définis dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement durable, en particulier celle de l’objectif no 5, qui est de parvenir à l'égalité des sexes et d’autonomiser toutes les femmes et les filles.
11. De fait, la réalisation de progrès significatifs vers ces ambitieux objectifs requiert une forte volonté politique, des ressources adéquates, des mécanismes institutionnels et un changement dans les mentalités pour remettre en question les attitudes patriarcales, contrer les discours émergents qui déforment la réalité et attaquent les droits des femmes, et lutter contre les comportements qui banalisent – voire normalisent – la violence à l’encontre des femmes. L’éradication de toutes les formes de sexisme et des stéréotypes sexistes, y compris dans le langage et la communication, est une composante essentielle de ce processus. Faire appel à des personnes exemplaires, femmes et hommes, peut être très utile pour obtenir l’attention du public.
12. L’Assemblée est convaincue que les efforts nécessaires pour parvenir à l’égalité de genre ne doivent pas être conçus comme une lutte entre les femmes et les hommes, mais comme une quête de justice, de paix et de progrès. Il est donc fondamental d’associer les hommes et les garçons à la planification et à la mise en œuvre des stratégies et des mesures visant à atteindre l’égalité de genre, en particulier celles qui ont pour but de changer les mentalités et les attitudes. Nos institutions devraient adopter le principe de la démocratie de genre, fondé sur une répartition égale des pouvoirs et de l’influence entre les femmes et les hommes.
13. L’Assemblée est d’avis que, pour parvenir à l’égalité de genre, parallèlement à l’adoption de politiques spécifiques pour la promotion des femmes, il est de plus en plus nécessaire d’intégrer une perspective de genre dans toutes les mesures et les politiques, et elle est résolue à garantir que ses propres activités et politiques tiennent compte de la question du genre.
14. L’Assemblée rappelle sa Résolution 2274 (2019) «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel» et s’engage à faire de l’Assemblée un environnement sans harcèlement d’ici à 2020.
15. L'Assemblée s'efforce d'assurer l'équilibre entre les genres dans les groupes d'experts et les autres organes comptant au minimum deux membres.
16. Considérant ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
16.1. en ce qui concerne les stéréotypes de genre et le sexisme:
16.1.1. à prendre des mesures adéquates pour mettre en œuvre la Recommandation du Comité des Ministres CM/Rec(2019)1 sur la prévention et la lutte contre le sexisme, en mettant tout particulièrement l’accent sur la représentation non stéréotypée des femmes et des hommes, et sur la lutte contre le sexisme en ligne, y compris le discours de haine sexiste;
16.1.2. à renforcer la coopération avec les associations de journalistes, les organisations de médias traditionnels et en ligne et les fédérations de la publicité dans le but de promouvoir l’égalité de genre et de prévenir et de combattre le sexisme dans le langage et la communication, notamment au moyen de l’autorégulation, de mesures incitatives et d’une utilisation ciblée des subventions;
16.1.3. à avoir recours à des personnes servant de modèles, y compris des hommes, pour changer les mentalités et les attitudes;
16.1.4. à adopter et à mettre en œuvre des lignes directrices sur le langage et la communication non sexistes pour les activités institutionnelles d’information et de communication;
16.2. en ce qui concerne la violence à l’égard des femmes et la violence domestique:
16.2.1. à signer, à ratifier et à mettre effectivement en œuvre la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique;
16.2.2. à tenir dûment compte des recommandations émises dans les rapports d’évaluation concernant leur pays, à mettre ces recommandations en œuvre et à veiller à la participation de leur parlement à ce processus;
16.2.3. à veiller à la mise en œuvre des textes pertinents adoptés par l’Assemblée, notamment la Résolution 2084 (2015) «Promouvoir les meilleures pratiques dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes», la Résolution 2101 (2016) sur la collecte systématique de données relatives à la violence à l’égard des femmes et la Résolution 2274 (2019) «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel»;
16.3. en ce qui concerne la représentation politique des femmes:
16.3.1. à adopter des textes de loi et des mesures politiques pour mettre en œuvre la Résolution 2111 (2016) de l’Assemblée sur l’évaluation de l’impact des mesures destinées à améliorer la représentation politique des femmes;
16.3.2. à mettre en œuvre la Recommandation n° R (2003) 3 du Comité des Ministres sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique;
16.3.3. à promouvoir la parité hommes-femmes au sein des instances décisionnelles, notamment au moyen de mesures positives visant à garantir une représentation égale des femmes et des hommes dans les organes élus et non élus;
16.3.4. à se donner pour objectif de parvenir à une représentation égale des femmes et des hommes au sein des organes décisionnels d’ici à 2030;
16.4. en ce qui concerne l’émancipation économique des femmes:
16.4.1. à adopter une législation et des politiques pour mettre en œuvre la Résolution 2235 (2018) de l’Assemblée sur l’autonomisation des femmes dans l’économie, en particulier en ce qui concerne l’égalité de genre et l’égalité des chances en matière d’emploi, l’accès des femmes au financement pour la création d’entreprise, et la promotion des filières d’éducation et des carrières professionnelles dans les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) auprès des femmes et des filles;
16.4.2. à mettre en œuvre une législation antidiscrimination relative à la rémunération et à interdire effectivement les inégalités salariales pour un travail de valeur égale, en vue d’éradiquer l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes d’ici à 2030;
16.5. en ce qui concerne l’accès à la justice:
16.5.1. à veiller à la mise en œuvre de la Résolution 2054 (2015) de l’Assemblée sur l’égalité et la non-discrimination dans l’accès à la justice, en particulier à l’égard des femmes, notamment les victimes de violence fondée sur le genre; les migrantes, les réfugiées et les demandeuses d’asile; les femmes issues de minorités ethniques; les femmes roms; les femmes en situation de handicap; les femmes âgées et d’autres femmes en situation de vulnérabilité;
16.5.2. à utiliser les outils efficaces, disponibles en ligne, élaborés par le Programme européen de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit (HELP), notamment la formation en ligne sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique;
16.6. en ce qui concerne la santé et les droits sexuels et reproductifs:
16.6.1. à généraliser l'éducation sexuelle et relationnelle, à la rendre obligatoire, à veiller à ce qu’elle soit complète et inclusive, et à ce qu’elle transmette des informations sur la sexualité, les relations et les droits reproductifs qui soient neutres et adaptées à l'âge des participants;
16.6.2. à garantir l’accès à des moyens de contraception abordables et modernes, remboursés au même taux que d’autres services fournis par les systèmes de santé nationaux, et à assurer la diffusion d’informations adéquates et compréhensibles par le grand public;
16.7. en ce qui concerne les droits des femmes et des filles migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile:
16.7.1. à veiller à la mise en œuvre des textes pertinents adoptés par l’Assemblée, notamment la Résolution 2159 (2017) «Protéger les femmes et les filles réfugiées de la violence fondée sur le genre», la Résolution 2167 (2017) sur les droits en matière d’emploi des travailleurs domestiques en Europe, spécialement ceux des femmes, et la Résolution 2244 (2018) «Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d'être des actrices essentielles de l'intégration»;
16.7.2. à veiller à ce que les politiques et les mesures relatives aux migrations, à l’asile et à l’intégration des migrants intègrent pleinement une perspective de genre;
16.8. à utiliser régulièrement les outils et procédures d’évaluation de l’impact du genre dans la conception des législations, politiques, programmes et projets;
16.9. à mettre en œuvre à tous les niveaux d’administration une approche intégrée de l’égalité de genre lors de la conception, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de toutes les mesures et politiques, y compris les processus budgétaires favorables à l’égalité de genre;
16.10. à veiller à la pleine mise en œuvre des normes existantes et à l’affectation de ressources suffisantes aux politiques et mécanismes relatifs à l’égalité de genre ainsi qu’aux organisations de la société civile qui travaillent sur ces questions.