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Résolution 2296 (2019)
Dialogue postsuivi avec la Bulgarie
1. La Bulgarie a adhéré au Conseil
de l’Europe en 1992. Elle a fait l’objet d’une procédure complète
de suivi jusqu’en 2000. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution 1211 (2000) sur
le respect des obligations et engagements de la Bulgarie, dans laquelle
elle a décidé de clore la procédure de suivi et d’engager un dialogue
postsuivi sur un certain nombre de préoccupations non encore réglées
et sur toute autre question découlant des obligations qui incombent
à chaque État membre du Conseil de l’Europe en vertu de l’article
3 du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1)
en matière de démocratie, d’État de droit et de droits de l’homme.
2. En outre, l’Assemblée se réfère à sa Résolution 1915 (2013) sur le dialogue
postsuivi avec la Bulgarie, dans laquelle elle reconnaît les progrès
importants réalisés par la Bulgarie sur le plan des réformes cruciales et
du cadre législatif qui ont été mis en place depuis la clôture de
la procédure de suivi, en particulier depuis l’adhésion de la Bulgarie
à l’Union européenne en 2007, comme l’ont confirmé les rapports
annuels de la Commission européenne établis au titre du mécanisme
de coopération et de vérification.
3. L’Assemblée salue la volonté et l’engagement politiques permanents
dont les autorités bulgares ont fait preuve pour respecter pleinement
leurs obligations, comme le confirme leur coopération constante
avec les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, les experts
en droit et la Commission européenne pour la démocratie par le droit
(Commission de Venise).
4. L’Assemblée se félicite des progrès substantiels réalisés
par la Bulgarie en direction de l’établissement de l’indépendance
de la justice, conformément aux recommandations de l’Assemblée.
Globalement, les réformes adoptées entre 2015 et 2018 de la loi
relative au système judiciaire et la réglementation ultérieure du fonctionnement
du Conseil supérieur de la magistrature et de la magistrature dans
son ensemble ont représenté une avancée majeure vers le plein respect
des engagements et des obligations de la Bulgarie dans ce domaine.
5. La division du Conseil supérieur de la magistrature en deux
chambres, l’une pour les juges et l’autre pour les procureurs, exerçant
en toute indépendance leurs pouvoirs de nomination et de sanction
disciplinaire des juges, des procureurs et des juges d’instruction,
a permis de régler des préoccupations signalées depuis longtemps
par l’Assemblée et la Commission de Venise.
6. La procédure d’élection des membres du Conseil supérieur de
la magistrature s’est considérablement améliorée dans le sens des
recommandations de l’Assemblée. L’Assemblée constate avec satisfaction
que, depuis son élection en 2017, le Conseil supérieur de la magistrature
a nommé un certain nombre de responsables des instances judiciaires
en application d’une procédure transparente et sans susciter la controverse.
7. Les préoccupations signalées depuis longtemps par l’Assemblée
à propos des défaillances du système d’évaluation et de l’évolution
de carrière des magistrats ont été réglées par l’adoption, en 2016,
par le Conseil supérieur de la magistrature, du Règlement sur les
indicateurs, la méthodologie et la procédure pour l’évaluation préalable
d’un juge, président ou vice-président d’un tribunal et, en 2017,
du Règlement des concours aux postes de magistrat et l’élection
des chefs administratifs des organes judiciaires.
8. L’Assemblée observe avec satisfaction que ses recommandations
relatives à la répartition de la charge de travail et à la question
des retards ont été traitées de manière satisfaisante par la mise
en place d’un système unique, efficace et aléatoire d'affectation
nationale des affaires, ainsi que par la définition de critères clairs
pour évaluer la complexité des affaires et leur incidence sur la
répartition du volume de travail. Les mesures complémentaires prises
pour procéder à la répartition du surplus de la charge de travail
des juridictions les plus sollicitées, notamment le tribunal de
Sofia, méritent également d’être saluées.
9. L’Assemblée félicite les autorités pour la création de l’inspection
du Conseil supérieur de la magistrature chargé de renforcer la responsabilité
de la magistrature, en particulier en matière de prévention de la
corruption au sein de la magistrature et de procédures disciplinaires.
10. L’Assemblée reconnaît que les modifications apportées en 2017
au Code de procédure pénale et au Code pénal ont été en général
conformes aux recommandations de l’Assemblée, et constate avec satisfaction qu’elles
ont porté remède à la lenteur des procédures pénales et ont permis
une meilleure application des peines.
11. Concernant la corruption à haut niveau et la criminalité organisée,
l’Assemblée se félicite de l’adoption par le Parlement bulgare,
en janvier 2018, d’une nouvelle loi sur la lutte contre la corruption
et la confiscation des avoirs, qui est conforme à ses recommandations
antérieures. La loi a créé une nouvelle agence unifiée de lutte
contre la corruption, chargée de vérifier l’absence de conflits
d’intérêts des hauts fonctionnaires et de contrôler leur patrimoine,
de mener des enquêtes sur les allégations de corruption, d’établir
des garanties pour la prévention de la corruption et de mettre en
place des procédures de saisie et de confiscation des avoirs illicites.
12. L’Assemblée se félicite du fait que les recommandations adressées
par le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) à propos des
incriminations ont été mises en œuvre de façon tout à fait adéquate.
Elle se félicite aussi du fait que la Bulgarie ait consacré des
moyens considérables à la formation et à la sensibilisation d’un
grand nombre de juges, de procureurs et de membres des forces de
l’ordre aux questions relatives à la corruption et au trafic d’influence,
ainsi qu’à l’incrimination pour acceptation d’avantages immatériels
indus.
13. Il convient en outre de féliciter le Parlement bulgare d’avoir
mis en place des mesures particulières de lutte contre la corruption
au niveau parlementaire, qui ont suivi les recommandations du GRECO,
en particulier la modification en 2016 du règlement du parlement
afin d’assurer la transparence du processus législatif.
14. Pour ce qui est du Code électoral, l’Assemblée se félicite
de la série de modifications apportées entre 2014 et 2016, qui ont
remédié à un certain nombre de préoccupations formulées par la Commission
de Venise en 2013 et en 2014, en améliorant notamment les dispositions
relatives au financement des campagnes électorales et son contrôle,
l’inscription des électeurs et les dispositions relatives à la couverture médiatique.
15. L’Assemblée reconnaît les progrès accomplis par la Bulgarie
dans l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme portant sur la durée excessive des procédures judiciaires
et l’absence de recours effectif à cet égard. Des progrès ont également
été constatés dans la mise en œuvre des groupes d’affaires portant
sur les mauvaises conditions de détention et les mauvais traitements
infligés par des agents des forces de l’ordre.
16. L’Assemblée félicite la Bulgarie pour l’adoption, à la suite
de la recommandation du Comité européen pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT),
des modifications apportées à la loi relative à l’exécution des
peines et à la détention en 2017. Ces modifications ont porté sur les
conditions de détention, le régime, les libérations anticipées et
le contrôle judiciaire des actes de l’administration pénitentiaire;
en outre, l’Assemblée reconnaît que d’importants progrès ont été
faits ces dernières années pour améliorer les conditions de détention
dans les prisons.
17. S’agissant de la minorité rom, l’Assemblée reconnaît qu’un
certain nombre de programmes, de Stratégies et de plans d’action
ont été adoptés ces dernières années pour améliorer la situation
des Roms, dont la stratégie nationale pour l’intégration des Roms
(2012-2020), qui a notamment eu pour effet d’augmenter le nombre
de Roms ayant suivi des études supérieures, y compris des études
universitaires.
18. Bien que les progrès d’ensemble réalisés par la Bulgarie dans
le respect de ses engagements et obligations ne soient pas remis
en question, un certain nombre de préoccupations subsistent, en
particulier:
18.1. dans le domaine
de la magistrature:
18.1.1. bien que la réforme de la structure
et du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ait
répondu à la majorité des préoccupations de l’Assemblée, sa composition
n’est pas pleinement conforme à la Recommandation CM/Rec(2010)12
du Comité des Ministres sur les juges: indépendance, efficacité
et responsabilités, qui précise qu’«au moins la moitié des membres
de ces conseils devraient être des juges choisis par leurs pairs
issus de tous les niveaux du pouvoir judiciaire». Dans la composition
actuelle du Conseil supérieur de la magistrature, les juges choisis
par leurs pairs représentent 6 membres sur 25. Ce paramètre soulève
un certain nombre de préoccupations, car le Conseil supérieur de
la magistrature réuni en formation plénière conserve d’importantes
compétences à l’égard du pouvoir judiciaire;
18.1.2. la Commission de Venise juge préoccupant le degré auquel
les procureurs, et le procureur général en particulier, sont toujours
impliqués dans la gouvernance des juges au sein du Conseil supérieur
de la magistrature;
18.1.3. aucune suite n’a été donnée à la recommandation formulée
depuis longtemps par l’Assemblée à propos de la suppression ou de
la réduction de la période probatoire de cinq ans prévue pour les
juges;
18.1.4. les pouvoirs disciplinaires étendus de l’inspection du
Conseil supérieur de la magistrature, qui découlent en particulier
du mode d’élection actuel de ses membres, suscitent un certain nombre
de préoccupations. Malheureusement, aucune suite n’a été donnée
aux recommandations de la Commission de Venise sur la nomination
et la révocation des inspecteurs, et sur la répartition des compétences
entre l’inspection et le Conseil supérieur de la magistrature;
18.1.5. les initiatives législatives importantes ne font l’objet
d’aucun grand débat public et l’ensemble des parties prenantes ne
sont pas suffisamment consultées. Il convient de souligner que la
pérennité et l’irréversibilité des réformes reposent notamment sur
le bon déroulement du processus législatif, qui suppose la participation
de l’ensemble des parties prenantes et l’existence d’un grand débat
public;
18.2. concernant la corruption à haut niveau:
18.2.1. si
la création d’une nouvelle agence unifiée de lutte contre la corruption
représente une évolution positive, l’un des principaux défis à relever
sera de gérer efficacement le large éventail de ses compétences,
notamment en matière de prévention, d’enquête et de confiscation
des avoirs. Le critère ultime de son efficacité sera le nombre d’affaires
portées devant les tribunaux et le nombre de condamnations prononcées.
L’enquête actuellement menée sur le scandale de l’acquisition de
propriétés luxueuses à des prix avantageux par de hauts responsables
politiques et de hauts fonctionnaires peut être considérée comme
une mise à l’épreuve déterminante de la sincérité de la lutte contre
la corruption menée par les autorités;
18.2.2. la recommandation du GRECO visant à établir des critères
clairs, objectifs et transparents de rémunération supplémentaire
au sein du système judiciaire n’a pas été mise en œuvre. Une pratique
préoccupante subsiste: les présidents de tribunaux usent de leur
pouvoir discrétionnaire pour accorder des primes de fin d’année
aux juges placés sous leur autorité, primes qui auraient été utilisées
pour assurer certaines allégeances au sein des tribunaux;
18.3. concernant les médias:
18.3.1. la situation de
la liberté des médias en Bulgarie a connu une détérioration systématique ces
dernières années, le plus préoccupant étant la concentration de
leur propriété et l’absence de transparence dans ce domaine, l’ingérence
politique dans les médias, l’influence exercée par l’État sur les
entreprises de médias au moyen des budgets de communication des
programmes opérationnels de l’Union européenne, ainsi que l’intimidation
des journalistes et les violences dont ils font l’objet. L'Assemblée
regrette le manque de données appropriées sur la propriété des médias.
L'Assemblée se félicite de l'adoption d'une législation appropriée
sur la transparence de la propriété des médias, qui reflète la Recommandation
CM/Rec(2018)1 du Comité des Ministres sur le pluralisme des médias
et la transparence de leur propriété. Les violences contre les journalistes
doivent faire l’objet de condamnations rapides et décisives ainsi
que d’enquêtes approfondies de la part des autorités bulgares;
18.4. concernant les droits de l’homme:
18.4.1. l’Assemblée
se félicite des modifications importantes apportées au Code pénal
le 16 janvier 2019 et note que, selon le CPT, le traitement des
personnes placées en garde à vue a connu une légère amélioration,
surtout sur le plan de la gravité des mauvais traitements allégués
depuis 2015; elle déplore cependant l’absence de véritable progrès
dans l’application des garanties contre les mauvais traitements,
à savoir le droit reconnu à l’intéressé d’informer un tiers de sa
détention, le droit d’accès à un avocat et à un médecin, et le droit
d’être informé des droits susmentionnés;
18.4.2. le discours de haine raciste et intolérant employé dans
les déclarations politiques qui ciblent les Roms, les musulmans,
les juifs, les Turcs et les Macédoniens continue à poser un grave
problème en Bulgarie. Les autorités bulgares doivent déployer des
efforts importants pour condamner systématiquement et inconditionnellement
les discours de haine, notamment en se conformant aux recommandations
du dernier rapport de la Commission européenne contre le racisme
et l'intolérance (ECRI) sur la Bulgarie;
18.4.3. malgré les initiatives prises par les autorités bulgares,
la situation de la population rom ne s’est pas améliorée de manière
tangible. Les représentants roms sont exclus du processus démocratique,
ne font aucun usage des instruments démocratiques déjà en place
et ne sont présents à aucun niveau du processus décisionnel. Il
n’existe aucun dialogue constructif entre les représentants roms
et les autorités. La situation matérielle et sociale des Roms est
en général très médiocre et leur discrimination sur le marché du
travail demeure un obstacle à leur intégration. La récente flambée
de violence interethnique perpétrée par des Bulgares de souche à
l'encontre des Roms à Gabrovo, notamment la démolition et l'incendie
de maisons appartenant à des Roms, illustre l'ampleur de ce problème;
18.4.4. la minorité macédonienne n’est pas reconnue comme telle
par les autorités bulgares en raison de la stricte application de
critères formels, bien que ce groupe ait manifesté à plusieurs reprises
son souhait de bénéficier de la protection de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales (STE no 157);
18.4.5. la Bulgarie a signé (en 2016), mais n’a pas encore ratifié,
la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210, «Convention d’Istanbul»),
ce qui est profondément regrettable. Bien que les modifications
récemment apportées au Code pénal, qui offrent une protection juridique supplémentaire
contre la violence domestique et la violence à l’égard des femmes,
aillent dans le bon sens, elles devraient être suivies de la fourniture
de ressources adéquates, y compris dans les domaines de l’éducation
et de la prévention, ainsi que du soutien psychologique, qui permettraient
d’assurer une véritable protection des victimes.
19. En conclusion, l’Assemblée reconnaît que la Bulgarie a réalisé
des progrès substantiels depuis l’adoption du dernier rapport consacré
au dialogue postsuivi en 2013. Elle a partiellement mis en place
une législation qui, à plusieurs exceptions près, est conforme aux
normes du Conseil de l’Europe et a permis de régler plusieurs préoccupations
formulées par l’Assemblée et d’autres mécanismes de suivi du Conseil
de l’Europe. Mais la question de la pérennité et de l’irréversibilité
des réformes ainsi que l’efficacité des mesures qui visent à combattre
la corruption à haut niveau continuent à dépendre de la bonne application
de la législation.
20. Malheureusement, en raison de la période d’instabilité politique
traversée entre 2013 et 2016 et d’une succession d’élections, certaines
réformes ont fait l’objet d’une procédure législative hâtive en
2016 et en 2017, sans véritable consultation ni participation de
l’ensemble des parties concernées. Il reste désormais à voir si elles
apporteront des améliorations durables. La situation politique actuelle,
marquée depuis février 2019 par le boycott du parlement par le Parti
socialiste bulgare (BSP), pourrait avoir des répercussions négatives
sur les avancées à réaliser et pourrait affaiblir le processus démocratique
dans le pays.
21. L’Assemblée observe que, afin d’assurer la pérennité et l’irréversibilité
des réformes, certaines mesures, dont une modification de la législation
le cas échéant, doivent encore être prises.
22. Au vu de ces éléments, l’Assemblée décide de poursuivre un
dialogue de postsuivi avec la Bulgarie et d’évaluer, en juin 2020,
les progrès réalisés dans les domaines suivants:
22.1. le système judiciaire: la Bulgarie
devrait démontrer que les mesures remarquables prises en faveur
d'un meilleur système judiciaire sont durables et efficaces;
22.2. la corruption à haut niveau: la nouvelle agence anticorruption
a commencé à fonctionner il y a quelques mois à peine. Au cours
des prochains mois, des progrès tangibles dans la lutte contre la corruption
à haut niveau doivent être constatés. Cela n'a jusqu'à présent pas
été visible;
22.3. les médias: l'un des principaux défis est la transparence
de la propriété des médias. La Bulgarie doit prendre des mesures
législatives pour garantir cette transparence;
22.4. les droits de l'homme des minorités: la Bulgarie doit
améliorer l'intégration des Roms et d'autres groupes minoritaires.
Les droits des réfugiés doivent être pleinement respectés, conformément
aux normes européennes;
22.5. les discours de haine: ils ne devraient pas faire l'objet
de discussions politiques. Les membres du gouvernement, notamment,
ont une obligation particulière à cet égard;
22.6. la violence à l'égard des femmes: l’Assemblée demande
à la Bulgarie de faire tous les efforts possibles pour ratifier
la Convention d'Istanbul.