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Résolution 2298 (2019)

Situation en Syrie: des perspectives de solution politique?

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 juin 2019 (27e séance) (voir Doc. 14889, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteure: Mme Theodora Bakoyannis). Texte adopté par l’Assemblée le 28 juin 2019 (27e séance).

1. Huit ans après le début des hostilités, la guerre en Syrie se solde par une des pires crises humanitaires que le monde ait connues depuis la seconde guerre mondiale. Elle continue d’avoir des conséquences dramatiques pour le peuple syrien, a déjà coûté la vie à plus de 400 000 personnes et a contraint environ 11,7 millions de personnes à fuir leur maison, dont plus de 5,6 millions ont cherché refuge dans les pays voisins et au-delà.
2. Le conflit a un impact déstabilisateur non seulement sur le Proche-Orient et le monde arabe, mais également sur le continent européen, notamment à cause des divergences politiques et sectaires exacerbées à l’intérieur de la Syrie; l’implication d’acteurs internationaux poursuivant leurs propres intérêts et aggravant la complexité du conflit; la montée en puissance de Daech et d’autres groupes terroristes violents, qui ont également généré le phénomène des combattants étrangers et les problèmes liés au retour de ces derniers dans leur pays d’origine.
3. Comme le processus politique est parvenu à un stade décisif, l’Assemblée parlementaire prie instamment la communauté internationale de s’unir et de consentir des efforts importants en vue de parvenir sans délai à un accord commun, et de soutenir sans réserve les efforts de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie récemment nommé, M. Geir O. Pedersen, pour obtenir la création d’un comité constitutionnel, mécanisme nécessaire à la transition politique vers la paix et la stabilité, fondé sur le Communiqué final du Groupe d’action pour la Syrie du 30 juin 2012 et la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies.
4. L'Assemblée est extrêmement alarmée par la situation des 13 millions de Syriens qui ont besoin d'une aide humanitaire, dont un tiers vit dans des secteurs coupés du reste de la Syrie, y compris 2 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, dans la zone dite «de désescalade» d'Idlib.
5. Les progrès dans la reconquête de territoires de Syrie qui étaient aux mains de Daech et d’autres groupes terroristes méritent certes d'être salués, mais l’Assemblée prie instamment toutes les parties impliquées dans les opérations militaires qui les ciblent:
5.1. de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de blesser les milliers de civils piégés entre les frappes aériennes et les combats au sol, conformément à leurs obligations prévues par le droit international humanitaire;
5.2. de poursuivre la désescalade dans la zone démilitarisée convenue et de protéger les civils.
6. L’Assemblée salue les progrès réalisés dans les négociations par l'ancien envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie et par la communauté internationale, y compris dans le processus d'Astana, et exhorte toutes les parties au conflit:
6.1. à renforcer le cessez-le-feu dans toutes les parties du pays, à permettre aux convois humanitaires de passer et à faciliter l'envoi rapide, en toute sécurité et sans entraves, d'une assistance humanitaire soutenue;
6.2. à mobiliser des fonds pour répondre aux besoins immédiats et vitaux du peuple syrien, en particulier des enfants, y compris pour garantir le respect de leurs droits à la vie, à une nourriture suffisante, à un abri et à des soins médicaux;
6.3. à continuer de prendre des mesures conformes au droit international pour entraver et tarir l'afflux de combattants terroristes étrangers qui rejoignent Daech et d’autres groupes terroristes, en accord avec les décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies et conformément à la Résolution 2091 (2016) et à la Recommandation 2084 (2016) de l’Assemblée parlementaire sur les combattants étrangers en Syrie et en Irak;
6.4. à créer les conditions nécessaires à un retour volontaire, sûr et digne des réfugiés et des personnes déplacées, dans le respect des normes internationalement acceptées des droits de l'homme et du droit humanitaire, y compris des droits au logement, à la terre et à la propriété.
7. L'Assemblée exhorte également les États membres du Conseil de l'Europe à rapatrier les combattants étrangers capturés et leur famille, qui ont combattu avec Daech en Syrie, et à les traduire en justice.
8. L’Assemblée soutient pleinement la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et à la déclaration finale de Sotchi du 30 janvier 2018.
9. De plus, l’Assemblée exhorte toutes les parties à respecter la feuille de route pour la paix, conformément au processus politique mené par la Syrie, sous les auspices de l'Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, et à saisir l'actuelle opportunité d'instaurer une paix durable:
9.1. en réalisant des progrès vers la création d'un comité constitutionnel dont la composition serait légitime, crédible, diversifiée et équilibrée, chargé de préparer une réforme de la Constitution, en tant que contribution au règlement politique et à l'instauration d'une Syrie d'après-guerre démocratique, conformément à la déclaration finale de Sotchi;
9.2. en veillant à ce que le comité constitutionnel permette une participation inclusive de l'opposition politique et de la société civile, comprenant des délégués représentant des experts syriens, des organisations non gouvernementales, des chefs tribaux et un minimum de 30 % de femmes, tel que proposé par les Nations Unies et appuyé par les membres du Conseil consultatif des femmes syriennes, et conformément à la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies intitulée «Les femmes, la paix et la sécurité».
10. L’Assemblée estime que le Conseil de l'Europe pourrait soutenir les efforts des Nations Unies, étant donné son expertise dans le domaine institutionnel et les objectifs fixés par la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le comité constitutionnel pourrait s’appuyer sur l’expérience et le savoir-faire de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans le processus de réforme constitutionnelle à venir.
11. L'établissement des responsabilités pour les violations graves du droit international humanitaire et des droits de l'homme, en particulier la persécution des communautés religieuses et ethniques, ainsi que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, est essentiel pour parvenir à une paix durable en Syrie et faciliter le processus de réconciliation nationale et de justice transitionnelle. C’est pourquoi l’Assemblée:
11.1. appelle toutes les parties au conflit, notamment le Gouvernement syrien, les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe et les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, la société civile et l’ensemble de la communauté internationale, à pleinement coopérer avec le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011, mis en place par l'Assemblée générale des Nations Unies, en fournissant notamment les informations et la documentation pertinentes;
11.2. demande que la situation en Syrie, dont les crimes contre l'humanité ou même les allégations de génocide commis par Daech, fasse l’objet d’une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) par le Conseil de sécurité des Nations Unies, fondée sur l'article 13.b du Statut de Rome de la CPI.
12. Vivement préoccupée par les dernières allégations d'attaques chimiques contre Alep le 24 novembre 2018, l’Assemblée:
12.1. condamne dans les termes les plus forts l'utilisation des armes chimiques par qui que ce soit et en toutes circonstances, soulignant que tout recours aux armes chimiques est inadmissible et contraire aux normes et principes internationaux, dont la Convention de 1997 sur les armes chimiques, ratifiée par 192 États, dont la Syrie;
12.2. considère qu’il est impératif de veiller à ce que tous les responsables du recours aux armes chimiques soient identifiés et appelés à rendre des comptes, et soutient sans réserve les travaux de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).
13. En outre, l’Assemblée insiste sur le fait que la crise des réfugiés syriens relève de la responsabilité non seulement des États voisins et de l'Europe, mais aussi de toute la communauté internationale. Elle salue vivement les efforts considérables consentis par les pays voisins – le Liban, la Jordanie, la Turquie et l'Irak – pour accueillir les réfugiés syriens et, conformément à sa Résolution 2224 (2018) sur la situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie, renouvelle son appel aux États membres du Conseil de l'Europe:
13.1. à une augmentation des contributions financières au Plan régional des Nations Unies pour les réfugiés et la résilience, pour satisfaire les besoins de financement permettant de soutenir les efforts nationaux consentis en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Irak;
13.2. à un partage plus effectif des responsabilités grâce à des programmes de réinstallation et d’autres formes d'admission légale des réfugiés de la région dans leur pays;
13.3. à la mise en œuvre de tous les moyens diplomatiques existants pour favoriser un partage plus équitable des responsabilités avec les pays non membres de l'Union européenne.
14. Enfin, l’Assemblée s’associe pleinement à l'objectif des Nations Unies de mettre un terme aux souffrances du peuple syrien et de parvenir à un règlement durable et pacifique du conflit grâce à un processus politique inclusif, dirigé par la Syrie, menant à l'établissement d'une société multiethnique incluant tous les groupes religieux et ethniques de Syrie et répondant aux aspirations légitimes du peuple syrien.