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Résolution 2298 (2019)
Situation en Syrie: des perspectives de solution politique?
1. Huit ans après le début des hostilités,
la guerre en Syrie se solde par une des pires crises humanitaires que
le monde ait connues depuis la seconde guerre mondiale. Elle continue
d’avoir des conséquences dramatiques pour le peuple syrien, a déjà
coûté la vie à plus de 400 000 personnes et a contraint environ 11,7 millions
de personnes à fuir leur maison, dont plus de 5,6 millions ont cherché
refuge dans les pays voisins et au-delà.
2. Le conflit a un impact déstabilisateur non seulement sur le
Proche-Orient et le monde arabe, mais également sur le continent
européen, notamment à cause des divergences politiques et sectaires
exacerbées à l’intérieur de la Syrie; l’implication d’acteurs internationaux
poursuivant leurs propres intérêts et aggravant la complexité du
conflit; la montée en puissance de Daech et d’autres groupes terroristes
violents, qui ont également généré le phénomène des combattants
étrangers et les problèmes liés au retour de ces derniers dans leur
pays d’origine.
3. Comme le processus politique est parvenu à un stade décisif,
l’Assemblée parlementaire prie instamment la communauté internationale
de s’unir et de consentir des efforts importants en vue de parvenir sans
délai à un accord commun, et de soutenir sans réserve les efforts
de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie récemment nommé,
M. Geir O. Pedersen, pour obtenir la création d’un comité constitutionnel, mécanisme
nécessaire à la transition politique vers la paix et la stabilité,
fondé sur le Communiqué final du Groupe d’action pour la Syrie du
30 juin 2012 et la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité
des Nations Unies.
4. L'Assemblée est extrêmement alarmée par la situation des 13 millions
de Syriens qui ont besoin d'une aide humanitaire, dont un tiers
vit dans des secteurs coupés du reste de la Syrie, y compris 2 millions
de personnes déplacées à l’intérieur du pays, dans la zone dite
«de désescalade» d'Idlib.
5. Les progrès dans la reconquête de territoires de Syrie qui
étaient aux mains de Daech et d’autres groupes terroristes méritent
certes d'être salués, mais l’Assemblée prie instamment toutes les
parties impliquées dans les opérations militaires qui les ciblent:
5.1. de prendre toutes les précautions
nécessaires pour éviter de blesser les milliers de civils piégés entre
les frappes aériennes et les combats au sol, conformément à leurs
obligations prévues par le droit international humanitaire;
5.2. de poursuivre la désescalade dans la zone démilitarisée
convenue et de protéger les civils.
6. L’Assemblée salue les progrès réalisés dans les négociations
par l'ancien envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie et par
la communauté internationale, y compris dans le processus d'Astana,
et exhorte toutes les parties au conflit:
6.1. à renforcer le cessez-le-feu dans toutes les parties du
pays, à permettre aux convois humanitaires de passer et à faciliter
l'envoi rapide, en toute sécurité et sans entraves, d'une assistance humanitaire
soutenue;
6.2. à mobiliser des fonds pour répondre aux besoins immédiats
et vitaux du peuple syrien, en particulier des enfants, y compris
pour garantir le respect de leurs droits à la vie, à une nourriture suffisante,
à un abri et à des soins médicaux;
6.3. à continuer de prendre des mesures conformes au droit
international pour entraver et tarir l'afflux de combattants terroristes
étrangers qui rejoignent Daech et d’autres groupes terroristes,
en accord avec les décisions du Conseil de sécurité des Nations
Unies et conformément à la Résolution
2091 (2016) et à la Recommandation 2084 (2016) de l’Assemblée
parlementaire sur les combattants étrangers en Syrie et en Irak;
6.4. à créer les conditions nécessaires à un retour volontaire,
sûr et digne des réfugiés et des personnes déplacées, dans le respect
des normes internationalement acceptées des droits de l'homme et
du droit humanitaire, y compris des droits au logement, à la terre
et à la propriété.
7. L'Assemblée exhorte également les États membres du Conseil
de l'Europe à rapatrier les combattants étrangers capturés et leur
famille, qui ont combattu avec Daech en Syrie, et à les traduire
en justice.
8. L’Assemblée soutient pleinement la souveraineté, l’indépendance,
l’unité et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne,
conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations
Unies et à la déclaration finale de Sotchi du 30 janvier 2018.
9. De plus, l’Assemblée exhorte toutes les parties à respecter
la feuille de route pour la paix, conformément au processus politique
mené par la Syrie, sous les auspices de l'Envoyé spécial des Nations
Unies pour la Syrie, et à saisir l'actuelle opportunité d'instaurer
une paix durable:
9.1. en réalisant
des progrès vers la création d'un comité constitutionnel dont la
composition serait légitime, crédible, diversifiée et équilibrée,
chargé de préparer une réforme de la Constitution, en tant que contribution
au règlement politique et à l'instauration d'une Syrie d'après-guerre
démocratique, conformément à la déclaration finale de Sotchi;
9.2. en veillant à ce que le comité constitutionnel permette
une participation inclusive de l'opposition politique et de la société
civile, comprenant des délégués représentant des experts syriens,
des organisations non gouvernementales, des chefs tribaux et un
minimum de 30 % de femmes, tel que proposé par les Nations Unies
et appuyé par les membres du Conseil consultatif des femmes syriennes, et
conformément à la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité
des Nations Unies intitulée «Les femmes, la paix et la sécurité».
10. L’Assemblée estime que le Conseil de l'Europe pourrait soutenir
les efforts des Nations Unies, étant donné son expertise dans le
domaine institutionnel et les objectifs fixés par la Résolution
2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le comité
constitutionnel pourrait s’appuyer sur l’expérience et le savoir-faire
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) dans le processus de réforme constitutionnelle à venir.
11. L'établissement des responsabilités pour les violations graves
du droit international humanitaire et des droits de l'homme, en
particulier la persécution des communautés religieuses et ethniques,
ainsi que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité,
est essentiel pour parvenir à une paix durable en Syrie et faciliter
le processus de réconciliation nationale et de justice transitionnelle.
C’est pourquoi l’Assemblée:
11.1. appelle
toutes les parties au conflit, notamment le Gouvernement syrien,
les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe et les États
dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, la société
civile et l’ensemble de la communauté internationale, à pleinement
coopérer avec le Mécanisme international, impartial et indépendant
chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves
du droit international commises en République arabe syrienne depuis
mars 2011, mis en place par l'Assemblée générale des Nations Unies,
en fournissant notamment les informations et la documentation pertinentes;
11.2. demande que la situation en Syrie, dont les crimes contre
l'humanité ou même les allégations de génocide commis par Daech,
fasse l’objet d’une saisine de la Cour pénale internationale (CPI)
par le Conseil de sécurité des Nations Unies, fondée sur l'article
13.b du Statut de Rome de
la CPI.
12. Vivement préoccupée par les dernières allégations d'attaques
chimiques contre Alep le 24 novembre 2018, l’Assemblée:
12.1. condamne dans les termes les
plus forts l'utilisation des armes chimiques par qui que ce soit
et en toutes circonstances, soulignant que tout recours aux armes
chimiques est inadmissible et contraire aux normes et principes
internationaux, dont la Convention de 1997 sur les armes chimiques,
ratifiée par 192 États, dont la Syrie;
12.2. considère qu’il est impératif de veiller à ce que tous
les responsables du recours aux armes chimiques soient identifiés
et appelés à rendre des comptes, et soutient sans réserve les travaux
de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).
13. En outre, l’Assemblée insiste sur le fait que la crise des
réfugiés syriens relève de la responsabilité non seulement des États
voisins et de l'Europe, mais aussi de toute la communauté internationale.
Elle salue vivement les efforts considérables consentis par les
pays voisins – le Liban, la Jordanie, la Turquie et l'Irak – pour
accueillir les réfugiés syriens et, conformément à sa Résolution 2224 (2018) sur
la situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la
Syrie, renouvelle son appel aux États membres du Conseil de l'Europe:
13.1. à une augmentation des contributions
financières au Plan régional des Nations Unies pour les réfugiés
et la résilience, pour satisfaire les besoins de financement permettant
de soutenir les efforts nationaux consentis en Turquie, au Liban,
en Jordanie et en Irak;
13.2. à un partage plus effectif des responsabilités grâce à
des programmes de réinstallation et d’autres formes d'admission
légale des réfugiés de la région dans leur pays;
13.3. à la mise en œuvre de tous les moyens diplomatiques existants
pour favoriser un partage plus équitable des responsabilités avec
les pays non membres de l'Union européenne.
14. Enfin, l’Assemblée s’associe pleinement à l'objectif des Nations
Unies de mettre un terme aux souffrances du peuple syrien et de
parvenir à un règlement durable et pacifique du conflit grâce à
un processus politique inclusif, dirigé par la Syrie, menant à l'établissement
d'une société multiethnique incluant tous les groupes religieux
et ethniques de Syrie et répondant aux aspirations légitimes du
peuple syrien.