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Rapport | Doc. 14961 | 09 septembre 2019

La Banque de développement du Conseil de l’Europe: contribuer à la construction d'une société plus inclusive

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Nicole TRISSE, France, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Renvoi N˚ 4311 du 30 juin 2017. 2019 - Quatrième partie de session

Résumé

La Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB), un accord partiel du Conseil de l’Europe, soutient les investissements sociaux dans ses 41 Etats membres. Les liens avec l’Organisation sont au cœur de l’identité d’entreprise de la CEB et de la mission sociale qui la distingue dans la grande famille des institutions financières internationales. Le rapport note, que malgré les contraintes économiques, financières et réglementaires complexes qui régissent son activité, sa taille relativement réduite et certaines rigidités structurelles, la CEB réussit avec succès à gérer les risques et à soutenir des projets à caractère social générant une forte valeur ajoutée tout en développant les capacités institutionnelles.

Le rapport souligne les efforts de la CEB pour soutenir une croissance inclusive et durable, l’intégration des réfugiés et des migrants, ainsi que l’attention qu’elle porte aux investissements « verts ». Le plan de développement de la CEB pour la période 2020-2022 serait l’occasion de mettre en avant le rôle que la CEB peut jouer dans la mobilisation collective de ses parties prenantes, afin de réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies, notamment en mettant l’accent sur les besoins des groupes de population les plus défavorisés, aussi bien en milieu urbain que rural.

Le rapport recommande dans ce but de continuer à rationaliser la gouvernance de la CEB et le processus de sélection des projets, d’amplifier son action afin de s’attaquer aux causes et aux conséquences des inégalités socio-économiques et d’améliorer la prestation de services publics, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux soins médicaux, au logement et à l’emploi.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adoptée à l’unanimité par la commission le 25 juin
2019.

(open)
1. La Banque de développement du Conseil de l’Europe («la CEB» ou «la banque»), créée en 1956 sous forme d’accord partiel du Conseil de l’Europe, soutient les investissements sociaux dans ses 41 Etats membres. Les liens avec le Conseil de l’Europe sont au cœur de l’identité d’entreprise de la CEB et de la mission sociale qui la distingue dans la grande famille des institutions financières internationales. Ces liens ont inspiré des milliers de projets concrets réalisés dans les États membres et sont aussi à la base de l’évolution de la mission et de la vision stratégique de le CEB.
2. Malgré les contraintes économiques, financières et réglementaires complexes qui régissent son activité, sa taille relativement réduite et certaines rigidités structurelles, la CEB montre une remarquable capacité à gérer les risques et à soutenir des investissements à caractère social générant une forte valeur ajoutée dans ses États membres. En plus de soixante ans d’activité, elle a cumulé un savoir-faire unique et une vaste expérience de la gestion de projets dans des pays présentant des niveaux de développement, des capacités institutionnelles et des besoins sociaux très différents. L’Assemblée parlementaire encourage la CEB à continuer d’accroître ses investissements dans les pays qui ont besoin de plus de soutien et d’assistance technique pour développer leurs capacités institutionnelles.
3. L’Assemblée soutient pleinement les efforts constants de la CEB pour soutenir une croissance inclusive et durable, l’intégration des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants ainsi que l’attention qu’elle porte aux investissements «verts» à la lumière du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’accord de Paris sur le changement climatique. L’Assemblée est convaincue que les discussions en cours sur le prochain plan de développement de la CEB pour la période 2020-2022 sont l’occasion de mettre plus clairement en lumière le rôle que la CEB peut jouer dans la mobilisation collective de ses parties prenantes pour réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies.
4. De plus, au vu de l’attention croissante portée aux droits sociaux au Conseil de l’Europe, du rapport du Secrétaire Général au Comité des Ministres (Helsinki, 16-17 mai 2019) et de l’objectif déclaré d’édifier une société plus inclusive, l’Assemblée pense que les décideurs politiques nationaux devraient, avec la CEB, s’intéresser prioritairement aux besoins des groupes de population les plus défavorisés, aussi bien en milieu urbain que rural. L’Assemblée perçoit le potentiel qu’offrent les études thématiques de la banque sur les défis posés par les inégalités socioéconomiques en Europe pour inspirer des interventions politiques et des projets structurels dans ce domaine afin de traiter avec l’attention requise les causes et les effets des inégalités croissantes conduisant à la pauvreté.
5. L’Assemblée regrette que certains États membres du Conseil de l’Europe (l’Andorre, l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, Monaco, la Fédération de Russie, l’Ukraine et le Royaume-Uni) n'aient pas encore adhéré à la CEB et encourage ces huit États à reconsidérer leur position, dans l'intérêt de leurs populations.
6. L’Assemblée salue l’usage accru que fait la CEB d’instruments de financement novateurs, du financement direct de collectivités locales dans ses États membres et des partenariats public-privé pour des projets de développement social et durable. Au sujet des premiers, l’Assemblée note que la CEB a émis en 2017 son premier prêt plurisectoriel (CSL), dont le but est de donner aux collectivités locales une plus grande souplesse pour financer leurs projets d’infrastructures sociales relevant de plusieurs secteurs d’intervention. Elle a également émis sa première obligation d’inclusion sociale, renforçant ainsi sa propre capacité à financer des projets prioritaires dans les domaines du logement social, de l’éducation et de la formation professionnelle ainsi que de la création d’emplois. En conséquence, les collectivités territoriales ont été les bénéficiaires directes d’environ 33 % des prêts approuvés par la CEB en 2018.
7. L’Assemblée se félicite de la gestion avisée que la CEB fait de ses ressources en capital et de ses réserves. Elle relève que l’affectation régulière des bénéfices annuels aux réserves permet à la banque d’accroître progressivement sa capacité à cofinancer un plus grand nombre de projets à forte valeur sociale. Cette capacité pourrait augmenter de manière encore plus sensible si les actionnaires de la banque pouvaient envisager de ne pas exclure une nouvelle augmentation de capital, de reconstituer de manière plus substantielle les fonds fiduciaires existants et de solliciter un soutien supplémentaire de la part des donateurs et des institutions partenaires.
8. L’Assemblée apprécie l’avancée progressive de la réforme de la gouvernance de la CEB, dont le but est de continuer à améliorer son efficience, comme l’indique la Résolution 434 (2018) de son Conseil de direction, notamment en ce qui concerne le réexamen, en temps utile, des compétences, des fonctions et du nombre des vice-gouverneurs. L’Assemblée encourage le Conseil de direction à poursuivre dans cette voie, en particulier pour ce qui est des propositions de réforme les plus consensuelles.
9. L’Assemblée salue le professionnalisme, l’engagement et l’efficacité des agents de la CEB, dévoués à la mission de la banque et essentiels à la poursuite sans heurt de ses ambitions futures. Il convient de continuer à cultiver cette force interne, qui s’appuie sur des «pôles de talents» caractérisés par un bon équilibre entre les hommes et les femmes, une grande expérience professionnelle et la diversité des nationalités représentées, en offrant aux agents, qu’ils soient déjà en poste ou nouvellement recrutés, des possibilités de développement personnel satisfaisantes grâce à la formation et à la mobilité afin qu’ils puissent acquérir de nouvelles qualifications et compétences dans des domaines tels que l’intelligence artificielle et la prospective.
10. Au vu des considérations qui précèdent, l’Assemblée recommande au Conseil de direction de la CEB:
10.1. de continuer à rationaliser la gouvernance de la banque afin d’optimiser ses structures et procédures internes pour permettre une plus grande souplesse et une plus grande rapidité dans la prise de décisions et pour alléger le système de vote de manière à harmoniser ces aspects avec les pratiques modernes de gestion en vigueur dans les organisations similaires;
10.2. de profiter des discussions en cours sur le prochain plan de développement de la CEB pour la période 2020-2022:
10.2.1. pour aligner plus étroitement les activités de la banque sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses 17 objectifs de développement durable afin de permettre le renforcement des capacités institutionnelles dans les États membres;
10.2.2. pour axer plus fermement la stratégie de la banque sur l’assistance à ses États membres afin:
10.2.2.1. de s’attaquer plus efficacement aux causes et aux conséquences des inégalités socioéconomiques;
10.2.2.2. de réaliser une plus grande cohésion territoriale dans l’offre de services publics en milieu urbain et rural, notamment s’agissant de l’accès à l’éducation, aux soins médicaux, au logement et à l’emploi;
10.2.3. pour soutenir l’action de la banque visant à faciliter l’intégration à long terme des migrants et des réfugiés, en particulier par l’intermédiaire du marché du travail, des équipements éducatifs, des soins de santé et du logement social;
10.2.4. pour envisager de renforcer les activités de prêt portant sur la création de centres de jeunesse à vocation multiple qui offrent des services d’orientation professionnelle et d’aide sociale, favorisent l’engagement civique, la diversité culturelle et l’égalité des chances et proposent une aide pour la garde des enfants aux familles vivant dans la pauvreté ou en risque de pauvreté;
10.2.5. pour accroître le soutien aux efforts déployés par la banque afin de créer de nouvelles opportunités d’activité économique dans une conjoncture difficile marquée par la faiblesse des taux d’intérêt, de lever des fonds au moyen d’émissions obligataires «thématiques» répondant à des objectifs sociaux spécifiques et de poursuivre le développement des outils internes de sélection et d’évaluation des projets en fonction de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance et contribuer à transformer ainsi les risques en opportunités;
10.2.6. pour s’assurer que la CEB se réfère aussi, au besoin, aux conclusions annuelles du Comité européen des Droits sociaux (CEDS) concernant les différents pays lors de la sélection des projets en fonction de leurs retombées sur le plan social;
10.3. d’entretenir les liens avec le Conseil de l’Europe pour examiner les moyens qui pourraient permettre d’améliorer la visibilité de la CEB, par exemple en utilisant des voies de communication communes, et pour inciter de nouveaux États à adhérer à la banque;
10.4. de profiter des opportunités pour exploiter plus intensivement le savoir-faire généré par divers groupes de réflexion et institutions de recherche, en particulier par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
11. L'Assemblée attend avec intérêt la réponse écrite du Conseil de direction de la CEB aux recommandations ci-dessus.

B. Exposé des motifs de Mme Nicole Trisse, rapporteure

(open)

1. Introduction: une banque européenne à vocation sociale

1. La Banque de développement du Conseil de l’Europe («la CEB» ou «la banque») est une institution discrète mais agile, un instrument d’action pour ses États membres. De par son statut, elle est liée au Conseil de l’Europe à titre d’accord partiel et tout État membre peut y adhérer; 41 pays sont aujourd’hui membres (et en même temps parties prenantes) de la CEB, dont deux ont des relations d’une nature différente avec le Conseil de l’Europe 
			(2) 
			Albanie, Belgique,
Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque,
Danemark, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Allemagne, Grèce,
Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg,
Malte, République de Moldova, Monténégro, Pays-Bas, Macédoine du
Nord, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Saint-Marin, Serbie,
République slovaque, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse et Turquie.
Le Saint-Siège (qui a statut d’observateur auprès du Conseil de
l’Europe) et le Kosovo* (*toute référence au Kosovo dans ce texte,
que ce soit à son territoire, à ses institutions ou à sa population,
doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244
du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjuger de son
statut) sont également membres de la banque.. L’Assemblée parlementaire suit de plus près les travaux de la banque depuis le début des années 1990, lorsque la CEB a transformé son fonctionnement et intégré de nombreux nouveaux membres d’Europe centrale et orientale.
2. Créée initialement, en 1956, sous forme de fonds 
			(3) 
			En novembre 1999, le
«Fonds de développement social du Conseil de l’Europe» a pris le
nom de «Banque de développement du Conseil de l’Europe». par huit pays, la CEB s’est concentrée pendant de nombreuses années sur l’aide au rétablissement des réfugiés et des personnes déplacées, ainsi que sur l’aide d’urgence en cas de catastrophes naturelles. Plus tard, les immenses besoins de développement des nouveaux États membres ont pris le dessus, puis les séquelles des effets sociaux de la crise financière de 2009 ont incité à une action plus étendue afin de soutenir les populations les plus vulnérables et défavorisées. De plus, l’afflux massif de migrants et de réfugiés de ces dernières années a poussé certains systèmes sociaux nationaux à leurs limites, rendant sa pertinence à la mission historique de la CEB dans le contexte du soutien aux populations vulnérables.
3. Dans ces circonstances et compte tenu de la résurgence d’un sentiment de rivalité en matière d’emploi et de ressources sociales, l’appel du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe 
			(4) 
			Rapport 2018 du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe «Situation de la démocratie, des
droits de l’homme et de l’État de droit: Rôle des institutions,
Menaces aux institutions». à bâtir des sociétés plus inclusives à travers l’Europe est au cœur même des préoccupations des États membres. La CEB est à même d’aider les États membres – aux côtés d’autres contributeurs – à défendre des valeurs communes et la dignité humaine pour tous grâce à des projets de grande qualité qui vont dans le sens du progrès social au niveau local.
4. Ce rapport de la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable passe en revue les travaux de la banque au cours des cinq dernières années, examine les suites données aux recommandations antérieures de l’Assemblée et fait des propositions visant à renforcer encore l’utilité, la visibilité et la force de la CEB pour les États membres. Mon travail en tant que rapporteure de la commission s’est basé sur des entretiens avec des responsables de la banque et du Conseil de l’Europe, des membres choisis du Conseil de direction (qui sont également les représentants permanents des États membres auprès du Conseil de l’Europe), ainsi que sur des recherches documentaires et les délibérations de la commission (notamment le 19 mars 2019, lorsqu’elle a eu un échange de vues avec le président du Conseil de direction de la CEB, M. Dominique Lamiot). J’ai également effectué une visite d’information au siège de la banque, à Paris, le 20 mars 2019.

2. Aperçu de l’action de la banque sur la période 2014-2018: faire face aux répercussions de la crise et relever de nouveaux défis

5. La crise financière de 2009 a profondément transformé le paysage économique européen. Les mesures d’austérité budgétaire ont pesé sur la capacité de diverses institutions et États à financer les projets en cours et les investissements à caractère social. Avec le resserrement des exigences prudentielles en matière de fonds propres et d’endettement, la CEB a dû modérer son activité de prêt, tandis que ses clients – les États membres – étaient également confrontés à des contraintes en matière d’emprunt et à des handicaps socioéconomiques tels que le chômage, toujours élevé, et des taux de pauvreté en hausse. Le ralentissement économique a réduit l’activité globale de prêt aux pays cibles 
			(5) 
			Albanie,
Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque,
Estonie, Géorgie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, République
de Moldova, Monténégro, Macédoine du Nord, Pologne, Roumanie, Serbie,
République slovaque, Slovénie et Turquie. de la banque autour de 2012-2013, mais l’activité a ensuite repris, notamment pour ce qui est du volume de projets approuvés. Alors qu’il y a actuellement 194 projets en cours, il n’y a pas eu le moindre défaut ou retard de paiement des prêts correspondants. Toutefois, la baisse continue des taux d’intérêts sur les marchés financiers – plus bénéfiques pour les emprunteurs – se sont traduits par la baisse du résultat net et du Compte des dividendes sociaux de la CEB entre 2014 et 2018 (voir tableau ci-dessous).
6. C’est dans ce contexte qu’un autre défi est apparu à la mi-2015: celui de l’aide d’urgence et de l’intégration à long terme des migrants et des réfugiés. En réponse, la CEB a mis en place un nouvel outil de financement fondé sur des dons: le Fonds pour les migrants et les réfugiés 
			(6) 
			Dans
un premier temps, ce fonds a été doté d’une enveloppe de 5 millions
d’euros par la CEB, qui a, par la suite, levé 20 millions d’euros
supplémentaires auprès de pays membres et d’autres donateurs. Un
autre don de la CEB, d’un montant de 3 millions d’euros (provenant
du Compte des dividendes sociaux), a été versé au fonds en septembre
2018, portant le total des ressources à 28 millions d’euros., dont le but est de soutenir les efforts nationaux visant à garantir les droits humains fondamentaux, principalement par le financement prioritaire de centres d’accueil et de transit pour les migrants et les réfugiés. À fin 2018, les 28 millions d’euros affectés au fonds avaient permis à la banque de soutenir 24 projets dans 14 pays; la moitié de ces projets sont encore en cours et devraient être achevés d’ici avril 2021. La Macédoine du Nord et la Grèce ont été les principales bénéficiaires de ces financements, avec respectivement 6,35 millions d’euros et 5,5 millions d’euros de dons. Parallèlement, la portée du Programme régional de logement, déjà existant, a été élargie pour aider à la réinstallation de personnes déplacées: fin 2018, 120 millions d’euros de subventions provenant de ce programme avaient permis de financer des solutions de logement pour 4 300 familles de réfugiés vulnérables en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, au Monténégro et en Serbie.
7. Les activités financières générales de la banque au cours de la période 2014-2018 sont résumées dans le tableau ci-dessous:

Principales données chiffrées sur la CEB et ses activités (en millions d’euros; données en fin d’année)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2014-2018

Prêts décaissés dans l’année

dont part des pays cibles

1 746

924

1 843

1126

2 037

1156

2 302

1150

2 773

1233

+58,8 %

+33,4 %

Projets approuvés dans l’année

dont part des pays cibles

2 065

1320

2 301

1499

3 451

1144

3 908

1448

3 898

1664

+88,8 %

+26 %

Encours total des prêts

12 992

13 416

13 715

14 057

14 883

+14 %

Capital souscrit

5 472

5 472

5 472

5 472

5 472

0

Capital versé

612

612

612

612

612

0

Réserve générale

1 895

2 030

2 150

2 255

2 353

+24,2%

Résultat net

134

127

104,9

112,0

97,5

-27,2%

Compte des dividendes sociaux*

70,3

60,6

63,1

59,1

52,2

-25,7%

* Le Compte des dividendes sociaux est alimenté par les bénéfices de la banque et peut être utilisé pour subventionner des projets à fort impact social.

8. En termes d’activités, la CEB s’est largement concentrée sur la cohésion sociale par le soutien à la création d’emplois (notamment dans les petites et moyennes entreprises), au logement social, à l’amélioration de la qualité de vie en milieu urbain et rural, aux écoles et aux institutions de formation professionnelle. La part des projets dans ces domaines est restée supérieure à 76 % tout au long de la période 2014-2018. Le financement d’équipements de santé publique et de projets respectueux de l’environnement (y compris d’investissements dans l’efficacité énergétique) a également été important, avec une moyenne de 8 % et 9 % par an respectivement. Bien que l’aide d’urgence aux réfugiés, aux migrants et aux personnes déplacées ne représente qu’un pourcentage modeste du total, les efforts d’intégration à long terme de ce groupe de population, ainsi que le soutien à d’autres groupes vulnérables, sont en fait beaucoup plus importants grâce aux investissements classiques dans les projets de cohésion sociale.
9. En ce qui concerne le nombre de pays qui empruntent activement à la CEB, il était de 20 en 2014, 13 en 2015, 19 en 2016, 22 en 2017 et 32 en 2018. Les grands pays, qui ont contribué de manière importante au capital de la banque, sont également de grands utilisateurs de ses prêts, comme la Pologne, l’Espagne, la Turquie et la France, suivis de l’Allemagne, de la République tchèque de la République slovaque et des Pays-Bas, qui sont aussi d’importants bénéficiaires. Certains pays sont des contributeurs nets au capital de la banque sans lui emprunter activement (Danemark, Estonie, Saint-Siège, Kosovo*, Liechtenstein, Luxembourg, Norvège, Saint-Marin et Suisse). Dans le même temps, huit États membres du Conseil de l’Europe (Andorre, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Monaco, Fédération de Russie, Ukraine et Royaume-Uni) restent en marge de l’accord partiel sur la CEB, ne contribuant donc pas à cet outil d’investissement social et de solidarité et n’en bénéficiant pas. Malheureusement, les perspectives de leur adhésion semblent actuellement incertaines.
10. La banque cofinance des projets sociaux 
			(7) 
			La CEB peut financer
les projets proposés à concurrence de 50 % de leur coût. Le montant
de ses prêts va de 2 millions d’euros (par exemple pour le développement
de très petites entreprises en Bosnie-Herzégovine) à 77 millions d’euros
(comme pour la construction d’une nouvelle prison en Roumanie),
voire plus, dans le cadre de prêts destinés à financer une série
de projets dans un État membre donné (notamment pour le logement
social, l’aide aux PME, les équipements de santé ou la protection
contre les inondations), avec des durées de remboursement qui vont
généralement de sept à 20 ans. avec ses pays membres en mettant à disposition ses ressources propres et les fonds levés sur les marchés financiers dans des conditions reflétant la qualité de sa notation (AAA avec perspective stable pour Standard & Poor’s, Aa1 avec perspective stable pour Moody’s, et AA+ avec perspective stable pour Fitch Ratings). En 2018, par exemple, la banque a levé 5 milliards d’euros sur les marchés internationaux (contre 3 milliards d’euros en 2017). La CEB peut également accorder des prêts aux institutions financières et aux collectivités locales de ses États membres pour des projets de développement social et durable. En 2017, elle a mis en place un nouvel instrument financier, le prêt plurisectoriel, qui vise à donner aux collectivités locales une plus grande flexibilité dans le financement de projets d’infrastructures sociales portant simultanément sur plusieurs secteurs. La même année, elle a lancé sa première obligation d’inclusion sociale, renforçant ainsi sa capacité à financer des projets prioritaires dans les domaines du logement social, de l’éducation et de la formation professionnelle ainsi que de la création d’emplois. Globalement, les collectivités territoriales ont été les bénéficiaires directes des financements de la CEB à hauteur d’environ 33 % des prêts approuvés en 2018.
11. Au fil des ans, la CEB a conclu un certain nombre de partenariats avec des investisseurs multilatéraux (dans le cadre d’accords bilatéraux avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque mondiale, la Banque nordique d’investissement (NIB), la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), le Mécanisme européen de stabilité, le réseau «100 Resilient Cities» (100RC) établi par la Fondation Rockefeller) et des organisations internationales, principalement l’Union européenne et plusieurs agences spécialisées de l’ONU telles que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), tandis que les accords de coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’UNICEF sont en cours de renouvellement. Ces initiatives conjointes sont particulièrement pertinentes pour promouvoir l’agenda social et les objectifs de développement durable dans toute l’Europe.
12. Parmi les partenariats établis par la CEB, les relations avec l’Union européenne sont particulièrement importantes. L’Union est en effet le plus grand donateur de la CEB pour le soutien de projets à fort impact social dans les pays les plus nécessiteux. Pour la seule année 2018, l’Union a contribué à hauteur de 39,5 millions d’euros aux fonds fiduciaires de la CEB, sur un total de 41 millions d’euros, permettant ainsi l’octroi d’aides à divers projets en Turquie et dans les pays des Balkans occidentaux, projets qui ont bénéficié à plus de 5 000 personnes vulnérables, principalement des réfugiés et des personnes déplacées dans leur pays, et portaient sur l’accès aux soins et le logement social. De plus, plusieurs pays de l’Union européenne ont récemment établi des fonds fiduciaires distincts afin de renforcer l’assistance technique pour ce type de projets (Compte slovaque pour la croissance inclusive, Fonds italien pour les projets novateurs, Fonds espagnol de cohésion sociale) 
			(8) 
			À fin 2018, la CEB
administrait 26 fonds fiduciaires, dotés de 169 millions d’euros.
Les dons décaissés en 2018 se sont montés au total à 49 millions d’euros.. En outre, avec sa Facilité de cofinancement européenne, qui est un instrument de crédit, la CEB peut aider ses États membres à accéder aux fonds de l’Union pour financer leurs besoins d’investissements sociaux.
13. Un autre aspect important de l’activité de la CEB est sa relation avec le Conseil de l’Europe et le soutien apporté à ses valeurs. À cet égard, je tiens à mentionner le financement des réformes dans le secteur de la justice, en particulier pour l’amélioration des infrastructures publiques judiciaires et des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Cette dernière activité est à peu près sans égale en Europe et aide les États membres à appliquer les Règles pénitentiaires européennes. Pour évaluer les projets proposés, la banque communique au besoin avec le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT).
14. De plus, et dans le même ordre d’idées, la CEB participe à la rénovation d’établissements psychiatriques afin de mieux protéger la dignité des patients, conformément aux normes européennes et à celles de l’Organisation mondiale de la santé. S’agissant des projets financés au titre du Fonds pour les migrants et les réfugiés, la banque travaille en étroite coopération avec le Conseil de l’Europe et son Représentant spécial sur les migrations et les réfugiés. La CEB suit aussi les travaux de la Commissaire aux droits de l’homme et se réfère régulièrement à ses conclusions, notamment à l’issue de ses visites dans les pays, pour la sélection des propositions de projets. Enfin, je dois signaler que le statut actuel de la CEB ne prévoit pas la possibilité d’un soutien budgétaire direct au Conseil de l’Europe.

3. Exemples choisis de projets de la banque

15. Parmi les nombreux projets cofinancés par la CEB ces dernières années, j’en ai retenu trois pour illustrer son action. Le premier est mis en œuvre avec les autorités françaises dans le domaine de la santé (traitement du cancer et recherche), le deuxième a pour but de soutenir divers investissements publics au niveau régional en Pologne et le troisième porte sur un programme de microcrédit réalisé par une fondation locale en Bosnie-Herzégovine et incluant une garantie via le Compte des dividendes sociaux de la CEB.

3.1. CYCLHAD: cofinancement du développement de traitements novateurs contre le cancer en France

16. Le projet CYCLHAD initial a débuté en 2013 avec un prêt de la CEB de 50 millions d’euros destiné au financement d’une action nationale qui s’inscrivait dans le plan de lutte contre le cancer lancé en France en 2002. Ce projet a été prolongé en 2018 par un prêt supplémentaire de 42 millions d’euros et devrait être achevé d’ici la fin 2023. Les prêts de la CEB (couvrant au final 48 % du coût total du projet) ont été conçus de manière à contribuer à réduire les niveaux d’endettement des collectivités locales (qui garantissent les prêts) et des banques consécutifs à la crise économique et financière. Le premier de ces prêts de la CEB a été décaissé en trois tranches sur 2015 et 2016.
17. Comme le résumé du projet l’indique, environ 355 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chaque année en France, dont seulement la moitié peuvent être guéris avec les méthodes classiques de traitement chirurgical, chimiothérapique et radiothérapique. L’Institut national du cancer a lancé le programme France Hadron (en 2012) pour coordonner la recherche nationale sur l’hadronthérapie. Cette méthode innovante de radiothérapie est capable de détruire les cellules cancéreuses radiorésistantes et inopérables en les irradiant avec un faisceau de protons ou d’ions carbone et représente une vraie solution d’avenir. Elle sera particulièrement utile pour le traitement des très jeunes patients.
18. En France, le centre Archade de Caen (en Normandie) pilote la recherche en amont sur les ions carbone, recherche financée partiellement par l’entreprise CYCLHAD et par la CEB. Le projet a été conçu pour développer des traitements du cancer compétitifs en termes de coûts en finançant la construction du centre de recherche, l’achat du système d’hadronthérapie et le développement du traitement clinique. La première phase du projet s’est achevée fin 2018 avec l’inauguration du centre de recherche et le début du traitement des premiers patients par protonthérapie. Selon l’évaluation réalisée par la CEB, la mise en œuvre de cette première phase est très satisfaisante. La deuxième phase du projet, qui court de 2018 à 2022, a pour but de développer des options technologiques plus abordables pour les traitements cliniques afin qu’un plus grand nombre d’hôpitaux français puissent les acquérir et les utiliser. Pour terminer, le prototype de traitement sera déployé et exploité par CYCLHAD dans la troisième phase du projet, à compter de 2023.
19. Dans son avis de recevabilité, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a relevé que ce projet était conforme aux objectifs politiques et sociaux de l’Organisation (tels qu’énoncés à l’article premier de son Statut), qui consistent notamment à favoriser le progrès économique et social de ses membres. Il est également conforme à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo), dont l’article 3 porte sur «l’accès équitable à des soins de santé de bonne qualité», à la Recommandation du Comité des Ministres CM/Rec(2012)8 sur «la mise en œuvre des principes de bonne gouvernance dans les systèmes de santé», et aux résolutions de l’Assemblée parlementaire, notamment à la Résolution 1946 (2013) sur «l’égalité de l’accès aux soins de santé», qui reconnaît que «le droit à la santé est un droit fondamental de l’être humain» et appelle les États membres «à assurer l’accessibilité aux établissements et aux professionnels de santé sur l’ensemble du territoire par des mesures appropriées».

3.2. Projets dans la région des Basses-Carpates: amélioration de la qualité de vie et des services de santé en milieu urbain et rural

20. La CEB a approuvé en 2018 la Facilité de financement public des infrastructures en faveur de la Région des Basses-Carpates, l’une des plus pauvres de Pologne, sous forme d’un prêt de 43 millions d’euros. Cette facilité se base sur le plan financier pluriannuel de la région concernée et permettra de soutenir toute une série de sous-projets destinés à améliorer l’accessibilité des transports (modernisation des équipements routiers et ferroviaires afin de réduire la congestion et d’optimiser la sécurité) et la connectivité avec les régions et pays voisins, à réaliser des investissements dans le patrimoine culturel (rénovation du remarquable château-musée de Łancut et d’édifices historiques à Krosno) et à soutenir la capacité des communes à assurer des services publics (aménagement du territoire, informatisation et création de centres médicaux). Le prêt de la CEB complétera les efforts de la région et devrait porter le montant cumulé des investissements à environ 310 millions d’euros sur la période 2018-2020 
			(9) 
			En
tout, la CEB a approuvé jusqu’ici huit projets en faveur de régions
polonaises, à savoir: la Silésie (2003 et 2004), la Mazovie (2007),
la Petite-Pologne (2008), la Poméranie (2009), les Basses-Carpates
(2010), la Voïvodie de Łódź (2011) et, plus récemment, la Podlachie
(2018), pour un montant total de 360 millions d’euros de prêts.
Elle a aussi financé divers projets dans des villes polonaises (Varsovie,
Cracovie, Szczecin, Gdańsk, Łódź, Katowice et Lublin), pour un montant
total de plus de 500 millions d’euros..
21. La CEB soutient la région des Basses-Carpates dans la réalisation de ses projets depuis 2010, date à laquelle les compétences et responsabilités des collectivités territoriales polonaises ont été étendues. Elles doivent maintenant relever le défi financier qu’imposent la modernisation des infrastructures locales et l’offre de services publics aussi variés que l’éducation, la santé, l’action sociale, l’ordre public, la culture, les transports en commun et la protection de l’environnement. De plus, il est urgent d’exploiter pleinement le potentiel économique de la région et de renforcer la cohésion sociale en créant un plus grand nombre d’emplois de meilleure qualité pour la population locale. À cet effet, une forte dose de fonds structurels et de cohésion de l’Union européenne a déjà été injectée dans la région pour compléter les apports locaux.
22. La Facilité de financement de la CEB permettra aux autorités régionales des Basses-Carpates de gérer plus facilement leur propre contribution financière aux investissements ciblés. Les sous-projets devraient améliorer la qualité de vie des 2,1 millions d’habitants de la région et avoir des effets positifs sur le développement durable. Dans son avis de recevabilité, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe considère que les objectifs du projet sont conformes aux droits énoncés dans la Charte sociale européenne révisée 
			(10) 
			La Pologne a signé
la Charte sociale européenne (révisée) en 2005 mais ne l’a pas encore
ratifiée. (notamment en ce qui concerne la protection de la santé) et aux normes défendues par la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122).
23. De plus, ce projet fait écho aux recommandations de l’Assemblée relatives à la priorité en matière de santé publique que constitue la sécurité routière (Résolution 2129 (2016)), au fonctionnement de l’administration et des services publics (Résolution 2008 (2014)), à l’accessibilité des soins de santé en tant que condition essentielle de la cohésion sociale et de la stabilité économique (Résolution 1946 (2013)) et à l’impact de la crise économique sur les investissements stratégiques dans les services publics aux niveaux local et régional (Résolution 1886 (2012)).

3.3. Le microcrédit pour soutenir la création et le maintien d’emplois viables en Bosnie-Herzégovine.

24. Bien que d’ampleur modeste, le prêt-programme de 2 millions d’euros lancé en 2018 en faisant appel à la garantie du Compte des dividendes sociaux apportera un soutien essentiel à des microentrepreneurs en Bosnie-Herzégovine par l’intermédiaire de la MI-BOSPO Microcredit Foundation, affiliée au réseau Women’s World Banking. Cette fondation travaille principalement avec des très petites et petites entreprises appartenant à des femmes, qui n’ont généralement pas de revenus stables et n’ont pas accès au crédit. Ce prêt-programme contribuera à l’émancipation économique et à l’inclusion des femmes et leur permettra d’améliorer leurs conditions de vie. Les hommes entrepreneurs ne seront cependant pas exclus, car la fondation peut leur accorder des financements à concurrence de 25 % du volume de projets.
25. Le financement de la CEB dans le cadre de ce projet sera limité à 5 100 d’euros par prêt, ce qui permettra à au moins 800 ménages et très petites entreprises d’en bénéficier. Un aspect important du projet est que la fondation MI-BOSPO n’apportera pas seulement un soutien financier à ces bénéficiaires, mais aussi des conseils en gestion d’entreprise. La formule des prêts-programmes de microcrédit a déjà été testée avec succès en Bosnie-Herzégovine, avec une première opération d’un montant de 2,5 millions d’euros en 2014, distribué par une autre institution partenaire spécialisée dans le microcrédit en Bosnie-Herzégovine 
			(11) 
			Dans
le domaine de la microfinance, la CEB a aussi fait des prêts en
faveur de la Bulgarie, de la Géorgie, de l’Italie, de la Macédoine
du Nord et de l’Espagne..
26. Comme les incertitudes politiques dans lesquelles se trouve le pays freinent l’investissement étranger, il est encore plus difficile d’amorcer le développement économique de l’intérieur. Le taux de chômage atteignait un niveau record de 37 % en mars 2018, ce qui pourrait dissimuler un niveau d’activité économique informelle considérable. Les femmes sont touchées de manière disproportionnée car elles sont souvent confinées à la maison (en raison du manque de structures de garde d’enfants) ou sont en situation de travailleuses familiales non rémunérées. Les retombées socioéconomiques du prêt-programme de la CEB devraient être particulièrement importantes.
27. Il n’est pas surprenant que l’avis de recevabilité émis pour ce projet mentionne aussi la valeur ajoutée élevée que pourrait générer le financement de la CEB, notamment au vu des engagements de la Bosnie-Herzégovine au titre de la Charte sociale européenne révisée (STE n° 163) et des conclusions critiques rendues par le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) pour la période 2011-2014. De plus, le projet est conforme aux objectifs de la Stratégie 2018-2023 du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes et à toute une série de résolutions de l’Assemblée. Ces dernières concernent notamment l’autonomisation des femmes dans l’économie (Résolution 2235 (2018)), la lutte contre les inégalités de revenus (Résolution 2158 (2017)), les défis d’un nouveau modèle social européen (Résolution 2068 (2015)) et la nécessité d’un travail décent pour tous (Résolution 1993 (2014)), ou encore les dangers des mesures d’austérité pour la démocratie et les droits sociaux (Résolution 1884 (2012)).

4. La gouvernance et les orientations stratégiques de la CEB au-delà de l’horizon 2019

28. La structure de gouvernance de la CEB reflète à la fois l’histoire de sa création (notamment les liens avec le Conseil de l’Europe) et l’évolution des circonstances. Le Conseil de direction, composé d’ambassadeurs des États membres (les représentants permanents de ces États auprès du Conseil de l’Europe), est «l’organe suprême de la banque»: il détermine les orientations générales de l’activité de la CEB, fixe les conditions d’adhésion, élit ses hauts dirigeants et approuve le rapport annuel, les comptes et le bilan. Le Conseil d’administration, où siègent principalement des représentants des ministères des finances nationaux, gère tous les aspects financiers et approuve les projets et le budget. Le Comité de surveillance, qui compte trois membres, inspecte les comptes et le bilan de la banque après leur examen par un auditeur externe.
29. Le/la Gouverneur(e), élu(e) pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, est le/la représentant(e) légal(e) de la CEB, dont il/elle dirige les services opérationnels. Il/elle est assisté(e) de trois vice-gouverneur(e)s, chargé(e)s respectivement de la stratégie financière, de la stratégie de développement social et des pays du groupe cible. En fonction de l’issue des discussions en cours au Conseil de direction, le nombre de vice-gouverneur(e)s pourrait être ramené à deux, avec une nouvelle répartition de leurs champs de compétences respectifs. Il convient de rappeler que c’est l’une des propositions qui avaient été formulées lors de la Revue stratégique de la CEB, en 2008, que l’Assemblée avait énergiquement soutenue.
30. Le Gouverneur actuel, M. Rolf Wenzel, qui est à la tête de la CEB depuis 2012, travaille sans relâche à rendre cette institution «plus utile, plus transparente et plus efficace, pour le bien de toutes les parties prenantes». Sous sa direction, le travail de la CEB a encore été modernisé et rationalisé au moyen de restructurations internes, d’un cadre prudentiel renforcé, d’une sélection en quatre volets des projets axée sur la valeur ajoutée sociale, d’un dialogue intensifié avec les parties prenantes et les partenaires de la CEB, d’un renforcement des fonctions d’évaluation et d’un suivi étroit des paramètres macroéconomiques critiques pour l’activité de la CEB 
			(12) 
			Voir le Doc. 13513 du 26 mai 2014, sur Les défis qui se posent à la Banque
de développement du Conseil de l’Europe (Rapport de M. Tuur Elzinga
pour la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable)..
31. À la suite des recommandations de cette Assemblée, qui appelaient à «continuer à rationaliser la gouvernance de la CEB» (Résolution 2007 (2014)), il m’est apparu qu’il n’y a toujours pas eu de progrès vers une simplification des structures décisionnaires de la banque et en ce qui concerne la simplification du système de vote au Conseil de direction. Ce système pourrait donner plus de poids aux petits et moyens pays, même si une «égalité parfaite» au sens de «un pays, une voix» – comme c’est le cas au Comité des Ministres – ne serait probablement pas réaliste. En fait, les droits de vote à la banque sont corrélés directement à la part des pays membres au capital de la banque. Il convient que la réforme de la gouvernance de la CEB se poursuive afin de continuer à améliorer son efficience, comme indiqué dans la Résolution 434 (2018) du Conseil de direction de la banque, en particulier avec le réexamen, en temps utile, des compétences, des fonctions et du nombre des vice-gouverneurs.
32. La Stratégie de la CEB pour 2017-2019 a été élaborée dans un contexte marqué par la faiblesse persistante des taux d’intérêt et l’évolution constante de la réglementation bancaire applicable aux institutions financières internationales. La position adoptée dans cette stratégie était lucide et permet à la CEB de s’adapter aux exigences des IFRS 
			(13) 
			International Financial Reporting Standards (Normes
internationales d'information financière). en matière d’adéquation des fonds propres grâce à l’augmentation progressive de ses réserves par l’incorporation des bénéfices annuels. Toutefois, la CEB atteindra probablement dans les années à venir le volume maximal de financements qu’elle peut offrir à ses États membres. Si ces dernières veulent que la CEB continue à accroître son activité de prêt, ils devront envisager une augmentation de capital (la dernière ayant pris effet fin 2011). La CEB dispose actuellement d’une autorisation d’emprunt à long terme de 5 milliards d’euros (pour l’année 2019).
33. Les lignes d’action définies dans la stratégie actuelle de la CEB sont les suivantes: (1) la croissance durable et inclusive; (2) l’intégration des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants; (3) l’action en faveur du climat par le biais de l’élaboration de mesures d’atténuation et d’adaptation. Ces trois lignes d’action ont le même degré d’importance, sont étroitement liées et mettent l’accent sur les conditions sociales et environnementales des droits humains compris au sens large. En tant que rapporteure de l’Assemblée sur la CEB, je pense que ces trois grandes lignes d’action conservent toute leur validité pour l’activité de la banque dans les années à venir. Il pourrait toutefois être utile de les lier plus explicitement aux Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD), au vu de la revue thématique de la banque et de récents rapports de l’Assemblée (Résolution 2272 (2019) sur la «Mise en œuvre des Objectifs de développement durable: la nécessaire synergie de tous les acteurs, des parlements aux collectivités locales»; Résolution 2271 (2019) sur le «Renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030», et «Mettre fin à la violence à l’égard des enfants: une contribution du Conseil de l’Europe aux Objectifs de développement durable» – actuellement en préparation).
34. Dans ce contexte, et en pensant à l’avenir, je dois aussi mentionner le rapport du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour la Session ministérielle d’Helsinki, les 16 et 17 mai 2019 
			(14) 
			«Relever les défis
à venir – Renforcer le Conseil de l'Europe», publié le 5 avril 2019.. Il vient rappeler à point nommé que l’Organisation «repose sur deux textes majeurs: la Convention européenne des droits de l’homme […] et la Charte sociale européenne», qui sont le «pivot central» de son développement. La défense des droits sociaux fondamentaux consacrés par la Charte est donc la tâche primordiale du Conseil de l’Europe et de la CEB; elle est «le ciment qui assure la cohésion de nos sociétés» et «garantit aux Européens la possibilité de mener une vie digne et décente». Je ne doute pas que cette importance croissante accordée aux droits sociaux inspirera les discussions en cours au Conseil de direction sur le prochain Plan de développement(2020-2022), qui devrait être approuvé par le Conseil de direction et le Conseil d’administration de la CEB d’ici la fin de l’année.
35. En m’appuyant sur le rapport du Secrétaire Général, je voudrais souligner qu’il est urgent de mieux combattre les effets des inégalités croissantes dans l’Europe d’aujourd’hui, qui pénalisent très durement les groupes de population vulnérables. La CEB partage manifestement cette préoccupation et a publié deux documents thématiques (“Les inégalités en matière de logement en Europe” et “Une introduction aux inégalités en Europe”) dont pourraient s’inspirer les décideurs politiques. Je tiens juste à ajouter que nous devrions aussi analyser les causes de ces inégalités et privilégier les investissements sociaux présentant le plus fort potentiel de réduction des inégalités profondes et de protection des populations les plus vulnérables exposées à la pauvreté ou au risque de pauvreté.
36. Dans ce contexte, la construction d’une société plus inclusive exige des décideurs politiques qu’ils observent de plus près les besoins des populations les plus défavorisées en milieu urbain mais aussi rural. C’est une mission essentielle pour la CEB et ses parties prenantes. Le rôle que les collectivités locales peuvent jouer à cet égard ne doit pas être sous-estimé. Les activités de prêt pourraient être développées pour créer des centres de jeunesse à vocation multiple qui offrent des services d’orientation professionnelle et d’aide sociale, favorisent l’engagement civique, la diversité culturelle et l’égalité des chances et proposent une aide pour la garde des enfants aux familles vivant dans la pauvreté ou en risque de pauvreté. De plus, lors de la sélection des projets en fonction de leurs retombées sur le plan social, la CEB pourrait aussi se référer, au besoin, aux conclusions annuelles du Comité européen des Droits sociaux (CEDS) concernant les différents pays.
37. Au sujet des parties prenantes, je voudrais rappeler les discussions de cette commission sur l’adhésion à la banque et les questions des parlementaires des pays non membres sur les conditions d’adhésion à la CEB. Il apparaît que la banque fixe les modalités d’adhésion sur la base de la contribution des membres potentiels à l’Accord partiel sur la CEB (qui découle du taux de contribution au budget ordinaire du Conseil de l’Europe). En conséquence, un nouveau membre doit acquérir sa part du capital souscrit de la CEB (constitué des parts versées et appelables). La part versée par chaque membre représente 11,1 % de sa part souscrite au capital. De plus, tout nouveau membre doit payer sa part aux réserves de la banque (qui sont en augmentation constante avec l’incorporation des bénéfices annuels) – cette part étant actuellement nettement plus élevée que la valeur de la part respective des pays au capital versé. Pour résumer, un nouveau pays membre doit souscrire au capital, payer une part fixe (11,1 %) à titre de capital versé et contribuer aux réserves de la banque (dont le montant augmente chaque année, le taux de contribution étant propre à chaque pays).
38. Les montants à mobiliser pour adhérer à la CEB peuvent être perçus comme un obstacle de taille en valeur absolue. Ils ne représentent cependant qu’un investissement de départ qui permet ensuite au pays concerné d’emprunter à la banque des montants beaucoup plus élevés à des conditions très avantageuses. Si l’on prend l’exemple de la Pologne, en 2018, sa part au capital versé était de 14,24 millions d’euros et sa contribution aux réserves était environ trois à quatre fois plus élevée, tandis que le total des fonds de la CEB (prêts en cours et engagements de financement) en sa faveur s’élevait, fin 2018, à 2 770 millions d’euros. Je pense que l’argument est convaincant et que l’exemple parle de lui-même: l’adhésion à la CEB a un effet multiplicateur considérable sur la capacité de ses actionnaires à réaliser des projets pertinents sur le plan social. Les huit États membres du Conseil de l’Europe qui ne font pas encore partie de la CEB devraient sérieusement reconsidérer leur position. 
			(15) 
			Andorre,
Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Monaco, Fédération de Russie, Ukraine
et Royaume-Uni.
39. À la suite de mes entretiens avec les représentants de la CEB, j’ai pris la mesure du travail considérable accompli par le personnel de la banque, notamment en faisant un usage prudent des dons destinés à financer l’assistance technique nécessaire à la concrétisation de certains projets, ce qui permet le développement des capacités institutionnelles dans les pays cibles et leur permet de mieux absorber les fonds et d’apporter leur juste contribution à la réussite des projets. À cet égard, il convient tout particulièrement de mentionner le Programme régional de logement, lancé en 2012 dans le cadre d’une initiative conjointe de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, du Monténégro et de la Serbie (les pays partenaires) et de nombreux donateurs. Après la phase initiale de constitution des capacités au niveau local, ce programme en est maintenant à un stade décisif puisqu’il doit livrer des solutions de logement durables pour plus de 34 000 personnes vulnérables dans les quatre pays partenaires d’ici 2021 
			(16) 
			Le
montant total du Programme est de 287 millions d’euros, l’Union
européenne étant le plus grand donateur, avec une contribution représentant
plus de 80 % de ce montant.. Cet effort et cette expérience sont vraiment impressionnants et pourraient être reproduits dans d’autres parties de l’Europe, pas uniquement pour répondre aux besoins de logement, mais aussi pour contribuer à intégrer les principes de développement durable sur le même modèle.

5. Conclusions et recommandations pour les activités futures

40. Malgré la complexité des contraintes économiques, financières et réglementaires qui régissent son activité, sa taille relativement réduite et certaines rigidités structurelles profondément enracinées, la CEB montre une remarquable capacité à gérer les risques et à soutenir des investissements à caractère social présentant une forte valeur ajoutée dans ses États membres. En plus de soixante ans d’activité, elle a cumulé un savoir-faire unique et une vaste expérience de la gestion de projets dans des pays présentant des niveaux de développement, des capacités institutionnelles et des besoins sociaux très différents. Elle doit être encouragée à poursuivre les projets dans des pays qui ont un besoin accru de soutien et d’assistance technique pour renforcer leurs capacités institutionnelles.
41. La banque doit continuer à entretenir ses liens avec le Conseil de l’Europe et à encourager les activités découlant des valeurs de l’Organisation, qui constituent son avantage comparatif. L’élaboration du prochain plan de développement, au-delà de l’horizon 2019, peut être l’occasion pour la banque de prendre en compte les préoccupations des États membres quant à la promotion du développement durable et la réalisation des ODD, à la lutte contre les causes et les effets des inégalités croissantes génératrices de pauvreté, à l’intégration à long terme des migrants et des réfugiés et aux moyens d’assurer une meilleure qualité des services publics, aussi bien en milieu rural qu’urbain. À cette fin, il pourrait aussi être utile que la banque développe son action à destination des collectivités territoriales de ses États membres.
42. Enfin, la CEB devrait continuer à œuvrer à la consolidation de ses partenariats avec des institutions européennes et internationales choisies et à optimiser ses structures et sa gouvernance internes afin de gagner en souplesse décisionnelle et d’alléger son système de vote.

Annexe – Prêts CEB approuvés par pays (2014-2018), en millions d’euros

(open)

Les pays cibles apparaissent en italique et les montants les plus élevés sont en gras

Pays

2014,

montant et %

2015,

montant et %

2016,

montant et %

2017,

montant et %

2018,

montant et %

Albanie

44.6

2.2

-

-

-

-

-

-

-

-

Belgique

100

4.8

206.4

9.0

-

-

285

7.3

-

-

Bosnie-Herzég.

7.5

0.4

-

-

11

0.3

-

-

4.5

0.1

Bulgarie

35

1.7

150

6.5

200

5.8

20

0.5

-

-

Croatie

40

1.9

-

-

-

-

100

2.6

50

1.3

Chypre

-

-

-

-

32

0.9

-

-

-

-

Rép. tchèque

220

10.7

100

4.3

50

1.5

300

7.7

300

7.7

Finlande

60

2.9

-

-

140

4.1

-

-

220

5.6

France

239.8

11.6

200

8.7

515.6

14.9

255

6.5

42

1.1

Géorgie

-

-

-

-

16.5

0.5

-

-

5

0.1

Allemagne

-

-

-

-

652

18.9

200

5.1

380

9.7

Grèce

-

-

2

0.1

-

-

-

-

-

-

Hongrie

50

2.4

-

-

65.7

1.9

-

-

167

4.3

Islande

-

-

-

-

-

-

10

0.3

-

-

Irlande

-

-

233

10.1

200

5.8

85

2.2

-

-

Italie

-

-

-

-

150

4.3

350

8.9

447

11.5

Lettonie

-

-

50

2.2

-

-

12

0.3

15

0.4

Lituanie

100

4.8

-

-

-

-

35

0.9

15

0.4

Malte

-

-

-

-

-

-

29

0.7

-

-

Rép. de Moldova

10

0.5

-

-

-

-

-

-

12

0.3

Monténégro

8

0.4

10

0.4

-

-

40

1.0

-

-

Pays-Bas

-

-

-

-

100

2.9

366.6

9.4

400

10.3

Pologne

250

12.1

450

19.6

486

14.1

550

14.1

566.4

14.5

Portugal

15

0.7

-

-

80

2.3

80

2

145

3.7

Roumanie

50

2.4

175

7.6

-

-

50

1.3

179

4.6

Serbie

8

0.4

-

-

-

-

-

-

250

6.4

Rép. slovaque

150

7.3

464.5

20.2

73

2.1

112

2.9

50

1.3

Slovénie

-

-

-

-

-

-

50

1.3

50

1.3

Espagne

330

16.0

160

7.0

309

9.0

628

16.1

600

15.4

Suède

-

-

-

-

160

4.6

200

5.1

-

-

Macédoine du Nord

97

4.7

-

-

10

0.3

-

-

-

-

Turquie

250

12.1

100

4.3

200

5.8

150

3.8

-

-

Total

2 065

100

2 301

100

3 451

100

3 908

100

3 898

100

N.B. Danemark, Estonie, Saint-Siège, Kosovo*, Liechtenstein, Luxembourg, Norvège, Saint-Marin et Suisse n’ont pas emprunté de la CEB dans la période 2014-2018.