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Résolution 2305 (2019)
Sauver des vies en Méditerranée: le besoin d’une réponse urgente
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
avoir attiré l’attention sur la tragédie qui se joue en Méditerranée depuis
sa Résolution 1872 (2012) «Vies
perdues en Méditerranée: qui est responsable?». D’autres textes
ont suivi, en particulier la Résolution
1999 (2014) «Le ̏bateau cercueil̋: actions et réactions»,
la Résolution 2000 (2014) sur
l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes,
la Résolution 2050 (2015) «La tragédie
humaine en Méditerranée: une action immédiate est nécessaire» et
la Résolution 2088 (2016) «La Méditerranée:
une porte d’entrée pour les migrations irrégulières». Le 27 juin
2018, l’Assemblée a tenu un débat d’urgence intitulé «Les obligations
internationales des États membres du Conseil de l’Europe: protéger les
vies en mer» et adopté plusieurs autres textes dans lesquels il
est question de la situation en mer Méditerranée et de la nécessité
de trouver des solutions.
2. L’Assemblée demeure consternée par le nombre élevé de vies
perdues en Méditerranée par des migrants tentant désespérément de
rejoindre l’Europe sur des embarcations de fortune. Elle appelle
les États membres à respecter leurs obligations internationales
et à coordonner leurs efforts pour protéger les vies en mer. Bien
que les flux migratoires aient désormais diminué et ne représentent
plus qu’une faible proportion des chiffres enregistrés en 2015,
la situation peut encore être qualifiée d’urgente. Dans le cas de
la Grèce, par exemple, le nombre de migrants a augmenté de 150 %
au cours des derniers mois. Dans les six dernières années, près
de 20 000 personnes sont mortes lors de leur périlleux voyage à
travers la Méditerranée. Cette situation est intenable et il convient
d’y remédier sans délai. L’Assemblée se félicite de l’accord émergeant entre
certains États membres de l’Union européenne sur la réinstallation
de personnes sauvées en mer par des organisations non gouvernementales
(ONG) et autres, et exhorte d'autres États à rejoindre cet accord.
De même, elle appelle chaque pays membre de l’Union européenne à
prendre ses responsabilités, et elle accueille favorablement la
volonté des États méditerranéens à coopérer.
3. Les opérations aéronavales successives Triton et Sophia (actuellement
uniquement aériennes), menées par l’Union européenne, ont permis
de faire baisser de près de 32 % les arrivées sur les côtes italiennes
entre novembre 2016 et novembre 2017, et de sauver plus de 200 000
vies depuis 2014. Toutefois, la priorité que continue d’accorder
l’Union européenne au contrôle des frontières et sa tendance à promouvoir l’externalisation
du traitement des demandes d’asile vers des pays et régions en dehors
de ses frontières n’ont pas produit de résultats convaincants et
pourraient même avoir accru les risques que courent les réfugiés
et les demandeurs d’asile, qui sont prêts à s’exposer à de plus
grands dangers dans leurs efforts pour se mettre en sécurité.
4. L’Assemblée se félicite de l’engagement des organisations
non gouvernementales, mais insiste sur le fait qu’il est du devoir
des États d’empêcher qu’on puisse périr en Méditerranée. Face au
déni des droits fondamentaux auxquels continuent de se heurter les
migrants en Méditerranée, l’Assemblée, soucieuse d’éviter davantage
de morts tragiques et de donner aux migrants le droit d’obtenir
la protection internationale et l’accès aux procédures d’asile,
demande instamment aux États membres:
4.1. de placer le sauvetage des hommes, des femmes et des enfants
en Méditerranée au-dessus de toute considération politique ou autre
et d’en faire un impératif pour garantir la mise en œuvre des principes
universels qui sous-tendent le respect de la vie humaine et l’assistance
aux personnes en danger de mort;
4.2. en rappelant la Résolution
2299 (2019) «Politiques et pratiques en matière de renvoi
dans les États membres du Conseil de l'Europe», de s’abstenir de
toute action qui entraîne des renvois ou des expulsions collectives,
car ces actes constituent une violation du droit international sur
l’asile: le droit d’asile, le droit à la protection contre le refoulement
et le droit d’accès à la procédure d’asile;
4.3. de consacrer une attention spéciale à l’assistance aux
réfugiés et aux migrants vulnérables comme les enfants, les personnes
appartenant aux communautés LGBT+, les femmes, les personnes handicapées
et celles ayant besoin d’un soutien médical ou psychologique spécial;
4.4. de lancer une nouvelle mission de secours de l'Union européenne;
4.5. de mener une action unifiée, conformément à la Convention
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE n° 197), pour faire cesser la traite des êtres humains et combattre
le trafic d’individus, en coopération avec d’autres organisations
internationales;
4.6. de respecter les dispositions des conventions internationales,
en particulier la Convention internationale sur la recherche et
le sauvetage maritimes, ainsi que le Protocole contre le trafic
illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée;
4.7. de respecter le principe de non-refoulement, notamment
dans le contexte d’opérations de sauvetage conjoint, où l’interdiction
du refoulement ne saurait être collectivement éludée, en vertu des obligations
découlant de la législation concernant les réfugiés et de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE n° 5);
4.8. de contribuer, pour les pays concernés, à la mise en œuvre
du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières,
et du Pacte mondial sur les réfugiés, des Nations Unies;
4.9. d’appuyer toutes les propositions visant à mettre en œuvre
une relocalisation plus efficace, et de partager ainsi les responsabilités
pour la gestion des migrations sur la base d’une solidarité fiable
et efficace;
4.10. de saluer l’accord conclu à Malte par les ministres de
l’Intérieur de l’Allemagne, de la Finlande, de la France, de l’Italie
et de Malte, le 23 septembre 2019, en espérant vivement que le plus
d’États membres de l’Union européenne possible s’y associeront;
4.11. de veiller à ce que ces initiatives soient prises dans
le plein respect des principes énoncés par l’Assemblée dans ses
précédentes résolutions et recommandations, ainsi que par d’autres
instances du Conseil de l’Europe, en particulier la Commissaire
aux droits de l’homme dans sa recommandation de juin 2019 intitulée
«Combler le manque de protection des réfugiés et des migrants en
Méditerranée»;
4.12. de s’assurer en outre que toute mesure prise est conforme
aux normes et aux principes proposés par les partenaires internationaux,
notamment la proposition conjointe de 2018 du Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés et de l’Organisation internationale
pour les migrations, en faveur d’un mécanisme de débarquement régional;
4.13. d’autoriser les organisations non gouvernementales, comme
indiqué dans des textes antérieurs de l’Assemblée, à effectuer leurs
missions de sauvetage en Méditerranée, en reconnaissant leur capacité
à organiser rapidement les secours, et en s’abstenant de stigmatiser
les travaux des ONG;
4.14. en particulier, de faire en sorte que les capitaines de
tous les navires secourant les migrants et les réfugiés en Méditerranée
puissent les débarquer dans le premier port sûr (comme prévu par
la loi maritime internationale) et que, une fois secourus en mer,
les migrants soient amenés dans des lieux d’accueil sûrs qui répondent
à leurs besoins essentiels: des conditions de vie décentes, le respect
de leur droit de demander l’asile et des procédures en la matière
appliquées de manière efficace. Une attention particulière devrait
être apportée aux soins et aux conditions d’accueil des enfants,
ainsi qu’à un soutien et à des informations adaptés aux enfants;
4.15. d’augmenter les voies régulières et légales vers l’Europe
par le biais de programmes de réinstallation, de visas humanitaires
et de procédures plus rapides de regroupement familial, entre autres,
afin que ces personnes aient recours à ces possibilités plutôt que
de s’embarquer dans une traversée irrégulière et mortelle de la
Méditerranée;
4.16. de réexaminer la formation, le financement, l’équipement
et le soutien logistique des garde-côtes libyens, fournis par l’Union
européenne et par ses États membres. Une condition préalable à toute coopération
devrait être la pleine application des normes des droits de l’homme
énoncées par le Conseil de l'Europe et d’autres institutions européennes
et internationales, ainsi que le plein respect de la Convention
de Genève relative au statut des réfugiés et des traités connexes
des Nations Unies.
5. L’Assemblée exhorte également l’Union européenne à accélérer
ses travaux concernant la révision du Règlement de Dublin, ainsi
que l’accord et les normes concernant les pays tiers sûrs, sans
mettre indûment l’accent sur l’externalisation du traitement des
demandes d’asile. Elle recommande que les futures présidences de
l’Union européenne accordent une priorité plus grande aux efforts
visant à mettre un terme aux morts évitables en Méditerranée et
qu’elles tirent parti des débats positifs en cours parmi les États
membres qui souhaitent partager la responsabilité de l’accueil et
de l’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile, afin de
garantir un partage égal de la responsabilité entre les États membres.