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Résolution 2306 (2019)
Violences obstétricales et gynécologiques
1. Selon l’Agence des droits fondamentaux
de l’Union européenne, une femme sur trois est victime de violence
fondée sur le genre en Europe. Cette violence est une violation
des droits humains et la manifestation d’une discrimination fondée
sur le genre; elle a des conséquences à long terme sur la vie des
victimes. Aucun domaine n’est épargné par ce fléau qui a été reconnu
comme un problème public engageant clairement la responsabilité
des autorités avec l’adoption et l’entrée en vigueur de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique («Convention d’Istanbul»,
STCE n° 210).
2. L’Assemblée parlementaire rappelle son soutien indéfectible
à la Convention d’Istanbul, confirmé dans la Résolution 2289 (2019) «La Convention
d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes: réalisations et défis».
Elle soutient la prévention et la lutte contre toutes les formes
de violences faites aux femmes et rappelle que des activités de
sensibilisation auprès de l’opinion publique sont essentielles afin
d’y mettre fin.
3. Les violences obstétricales et gynécologiques sont une forme
de violence restée longtemps cachée et encore trop souvent ignorée.
Dans l’intimité d’une consultation médicale ou d’un accouchement,
des femmes sont victimes de pratiques violentes ou pouvant être
perçues comme telles. Il s’agit d’actes non appropriés ou non consentis,
tels que des épisiotomies et des touchers vaginaux pratiqués sans
consentement, l’utilisation de l’expression abdominale ou la non-utilisation
de l’anesthésie pour des interventions douloureuses. Des comportements
sexistes ont aussi été recensés lors de consultations médicales.
4. Les violences obstétricales sont reconnues et sanctionnées
par la loi en Argentine et au Venezuela. La Convention d’Istanbul
condamne spécifiquement les avortements forcés et les stérilisations
forcées, dans son article 39, mais elle ne traite pas de manière
générale des violences gynécologiques et obstétricales. Dès 2014,
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénoncé les traitements
non respectueux et abusifs dont peuvent être victimes les femmes
lors de leur accouchement dans des hôpitaux. En août 2019, Dubravka Šimonović,
Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les
femmes, ses causes et ses conséquences, a soumis à l’Assemblée générale
de cette organisation un rapport sur l’adoption d’une démarche fondée
sur les droits de la personne dans la lutte contre les mauvais traitements
et les violences infligés aux femmes dans les services de santé
procréative, en particulier les violences commises pendant l’accouchement
et les violences obstétricales.
5. Dans quelques États membres du Conseil de l’Europe, des campagnes
de sensibilisation ont été lancées sur les réseaux sociaux et de
nombreux témoignages ont été recueillis ces dernières années. Cette libération
de la parole et ce partage d’expériences ont permis aux femmes victimes
de violences gynécologiques et obstétricales de comprendre qu’il
ne s’agissait pas de cas isolés. Ces violences reflètent une culture
patriarcale encore dominante dans la société, notamment dans le
domaine médical. L’Assemblée réaffirme son engagement à promouvoir
l’égalité de genre dans tous les domaines, qui permettra de prévenir et
de lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes,
y compris les violences gynécologiques et obstétricales.
6. L’Assemblée salue le travail et l’engagement du personnel
soignant. Elle reconnaît que ses conditions de travail au sein des
établissements de santé peuvent être difficiles à cause d'un manque
d’effectif et de moyens, et d’une surcharge de travail susceptibles
d’avoir un impact sur l’accueil des patient·e·s et des parturientes.
Néanmoins, elle déplore toutes les formes de violences faites aux
femmes, dont les violences gynécologiques et obstétricales, et appelle
à ce que toutes les mesures soient prises afin de les prévenir et
de garantir le respect des droits humains de toutes et de tous,
notamment dans le cadre de soins de santé.
7. La prévention et la lutte contre les violences gynécologiques
et obstétricales ne sont pas encore considérées comme des priorités,
mais des pratiques bienveillantes peuvent être promues afin d’assurer
un accueil et un accompagnement humains, respectueux et dignes des
patient·e·s et parturientes. L’Assemblée soutient pleinement les
bonnes pratiques recensées par l’OMS et encourage leur diffusion
au sein des États membres du Conseil de l’Europe.
8. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée appelle les
États membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à prévenir les discriminations, quel qu’en soit le motif,
dans l’accès aux soins de manière générale, et à lutter contre elles;
8.2. à assurer une prise en charge respectueuse des droits
humains et de la dignité humaine lors de consultations médicales,
de soins et de l’accouchement;
8.3. à demander aux ministères responsables des questions de
santé et d’égalité de recueillir des données concernant les actes
médicaux pratiqués lors des accouchements et les cas de violences gynécologiques
et obstétricales, de mener des études sur ce sujet et de les rendre
publiques;
8.4. à diffuser les bonnes pratiques promues par l’OMS et à
demander aux ordres nationaux des médecins de débattre de cette
question et d’élaborer des recommandations afin de prévenir des violences
gynécologiques et obstétricales, notamment dans le cadre d’une commission
de promotion de la bientraitance en gynécologie;
8.5. à mener des campagnes d’information sur les droits des
patient·e·s et de sensibilisation à la prévention et à la lutte
contre le sexisme et la violence à l’égard des femmes, comprenant
les violences gynécologiques et obstétricales;
8.6. à adopter et à mettre en œuvre une législation relative
au consentement éclairé des patient·e·s et à leur droit à l’information
aux différentes étapes des procédures médicales, si cela n’est pas
encore fait;
8.7. à garantir un financement adéquat aux établissements de
santé afin d’assurer des conditions de travail dignes au personnel
soignant, un accueil respectueux et bienveillant des patient·e·s
et parturientes, et un accès aux traitements antidouleur;
8.8. à assurer une formation spécifique des gynécologues obstétriciens
et à mener des actions de sensibilisation aux violences gynécologiques
et obstétricales dans le cadre de cette formation;
8.9. à s’assurer que la formation des médecins, des sages-femmes
et des infirmier·ère·s accorde une place importante à la relation
entre le personnel soignant et les patient·e·s, à la notion de consentement éclairé,
à l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’accueil des personnes
LGBTI, des personnes en situation de handicap et des personnes vulnérables,
à la communication, à la prévention du sexisme et des violences,
et à la promotion d’une approche humaine des soins;
8.10. à proposer des mécanismes de signalement et de dépôt de
plainte spécifiques et accessibles aux victimes de violences gynécologiques
et obstétricales, au sein des hôpitaux et en dehors, notamment auprès
des défenseurs des droits;
8.11. à prévoir un mécanisme d’examen des plaintes pour violences
gynécologiques et obstétricales excluant toute médiation, et à prévoir
des sanctions, si tel n’est pas encore le cas, à l’égard des professionnels
de santé lorsqu’une plainte pour ce type de violences est avérée;
8.12. à proposer un service d’assistance aux victimes de violences
gynécologiques et obstétricales, et à assurer la prise en charge
des soins;
8.13. à signer et à ratifier, pour les États qui ne l’ont pas
encore fait, la Convention d’Istanbul, et à la mettre en œuvre;
8.14. à mettre en œuvre la Recommandation CM/Rec(2019)1 du Comité
des Ministres sur la prévention et la lutte contre le sexisme.
9. L’Assemblée demande également aux parlements nationaux de
débattre de la protection des droits des patient·e·s dans le cadre
des soins et des violences gynécologiques et obstétricales afin
de contribuer au débat public et à la levée des tabous.
10. L’Assemblée encourage les organisations non gouvernementales
à poursuivre leurs actions de sensibilisation et d’information de
l’opinion publique afin de prévenir et de lutter contre toutes les
formes de violence à l’égard des femmes, dont les violences gynécologiques
et obstétricales.