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Résolution 2310 (2019)

L’émigration de travail en Europe de l’Est et son impact sur l’évolution sociodémographique dans ces pays

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 4 octobre 2019 (35e séance) (voir Doc. 14956, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Ionuţ-Marian Stroe). Texte adopté par l’Assemblée le 4 octobre 2019 (35e séance).

1. La migration de travail des pays d’Europe orientale vers l’Union européenne et d’autres pays d’Europe est un phénomène complexe, avec des conséquences positives et négatives pour les pays d’origine. Les effets positifs comprennent la réduction du chômage et des tensions sociales qui en résultent; les afflux constants provenant d’envois de fonds qui, au niveau individuel, augmentent le niveau de vie des familles au pays et, au niveau national, améliorent l’équilibre commercial des pays d’origine; les investissements possibles dans des entreprises communes; et la promotion de la culture de ces pays à l’étranger.
2. Des conséquences négatives existent également, qui ne peuvent être ignorées. Certains pays connaissent une fuite des cerveaux, une baisse démographique ou un manque de contributions aux fonds sociaux, ce qui pourrait devenir problématique à long terme. Les pays d’origine sont parfois confrontés à de graves problèmes sociaux dans les familles et les communautés locales. La situation des enfants laissés au pays par les parents qui émigrent afin de travailler est particulièrement préoccupante.
3. L’Assemblée parlementaire appelle à une action concertée des pays d’origine et des pays d’accueil afin d’atténuer les conséquences négatives pour les pays d’origine de la migration de travail, tout en faisant le nécessaire afin de préserver les aspects positifs.
4. L’Assemblée invite les parlements nationaux à régulièrement faire le point sur la mise en œuvre de la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) en donnant spécifiquement la priorité dans ce contexte à toutes les dispositions de l’article 19 de la Charte révisée; elle invite les pays qui ne l’auraient pas encore fait à ratifier la Charte révisée.
5. Concernant les pays d’origine, l’Assemblée:
5.1. invite les parlements nationaux à régulièrement faire le point sur la question des migrations de travail dans les États membres et à atténuer les conséquences négatives de celles-ci, notamment par la création d’emplois dans des secteurs où les travailleurs migrants sont employés à l’étranger, par la lutte contre les mauvaises pratiques de gestion et la corruption, par l’introduction de réformes législatives encourageant le retour des travailleurs qualifiés et par la prévention de la traite des êtres humains et du trafic de migrants, en particulier de femmes;
5.2. appelle les autorités des pays d’origine à prendre d’urgence des mesures d’aide aux populations vulnérables, surtout les familles affectées par le départ du principal pourvoyeur de soins de la famille, en particulier s’il s’agit de la mère, pour éviter les crises dans la famille, l’affaiblissement des liens entre parents et enfants, et les risques d’une séparation durable qui pourrait couper les enfants de leurs parents et, à long terme, nuire à leur équilibre psychosocial;
5.3. appelle à une amélioration des systèmes d’aide et d’assistance sociale afin de prévenir l’abandon et la négligence à l’égard des enfants laissés au pays par les parents travaillant à l’étranger, et d’y remédier, car cela nuit à leur développement. Des mesures spécifiques devraient être également prises pour accompagner ces enfants dans la transition vers l’âge adulte. Des dispositifs du type «SOS familles», accueillant des enfants jusqu’au moment où ils peuvent retrouver leurs parents, devraient être soutenus. Toutes les mesures prises doivent respecter l’intérêt supérieur de l’enfant;
5.4. appelle à prendre des mesures pour prévenir le décrochage scolaire ou le risque d’abaissement du niveau d’éducation des enfants laissés au pays parce que les parents travaillent à l’étranger. Des mesures spécifiques de soutien psychologique et de conseil devraient être mises en place dans ce contexte, selon les besoins;
5.5. encourage les pouvoirs publics à instaurer des dispositifs d’assistance destinés aux candidats à l’émigration, comportant des informations claires sur les perspectives et les dangers liés à une émigration pour le travail, y compris dans le cadre de campagnes de sensibilisation du public. Des canaux de communication devraient être instaurés, y compris dans les campagnes, pour informer les travailleurs migrants de toute nouvelle opportunité dans leur pays d’origine;
5.6. propose que les gouvernements adoptent des mesures facilitant le retour et la réinstallation des travailleurs migrants dans leur pays d’origine, avec une reconnaissance et une validation de l’expérience professionnelle acquise à l’étranger;
5.7. encourage les États membres à envisager d’autres mesures spécifiques et bonnes pratiques telles que: des correspondants locaux pour les migrations pour faire le lien entre les diasporas et leurs communautés d’origine; des bases de données permettant de cartographier l’impact des migrations et d’identifier les opportunités d’investissement; la consultation des migrants sur les priorités locales et l’intégration de leurs suggestions dans les plans de développement; la mise en place d’«associations de villes natales» réunissant des gouvernements locaux, des populations locales, des migrants internes et la diaspora pour collaborer autour d’initiatives de développement local et renforcer, au cours du processus, la transparence et la confiance entre les diasporas et les gouvernements locaux.
6. Comme la plupart des pays d’origine ne sont pas membres de l’Union européenne, l’Assemblée appelle les institutions de l’Union européenne à garder à l’esprit les conséquences à la fois positives et négatives des migrations de travail quand elles élaborent leurs politiques de mobilité des travailleurs. Elle invite les institutions de l’Union européenne à inclure des mesures spécifiques dans leurs programmes de coopération et dans leurs plans d’action à l’attention des États membres du Conseil de l'Europe non membres de l’Union européenne dont proviennent les travailleurs migrants de l’Union européenne.
7. En ce qui concerne les pays d’accueil, l’Assemblée appelle:
7.1. à intensifier les efforts de lutte contre l’immigration clandestine de travailleurs qui peut, dans les cas extrêmes, engendrer diverses formes d’esclavage moderne et de traite, comme l’a révélé le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) du Conseil de l’Europe;
7.2. à intensifier les efforts d’intégration des pouvoirs publics à l’égard des travailleurs migrants afin d’améliorer les retombées positives des migrations pour l’emploi et de promouvoir la diversité et le vivre ensemble, en veillant à ce que ces processus deviennent évidents et s’ancrent naturellement dans le fonctionnement quotidien des sociétés européennes;
7.3. à améliorer l’intégration sociale des travailleurs migrants par des mesures spécifiques élaborées à leur intention, disponibles dans les langues des pays d’origine et publiées par divers moyens, y compris via les organisations des diasporas et les réseaux sociaux;
7.4. à améliorer les cadres de reconnaissance des qualifications des ressortissants de pays tiers et les procédures connexes de promotion de l’insertion professionnelle;
7.5. à prévoir d’étendre les régimes nationaux de pension de retraite aux travailleurs migrants temporaires et à garantir la préservation des droits qu’ils acquièrent par leur travail.
8. L’Assemblée appelle les États membres de l’Union européenne:
8.1. à constituer des bases de données à l’échelle de l’Union européenne pour faire correspondre l’offre et la demande en matière d’emploi, qui soient compatibles avec les voies migratoires et les programmes sur les migrations de main-d'œuvre;
8.2. à augmenter les possibilités de mobilité intracommunautaire en réduisant les obstacles, comme les conditions de revenus, pour les travailleurs saisonniers, les étudiants diplômés et les autres ressortissants de pays tiers légalement présents sur leur territoire;
8.3. à harmoniser les procédures administratives et la portabilité des droits de travail et de séjour, en veillant à une certaine normalisation des procédures de vérification et des formulaires de demande pour les travailleurs migrants, par exemple.
9. Les pays d’accueil devraient également offrir aux réfugiés un accès aux régimes plus favorables de migration de travail. L’Assemblée appelle à faire un plus large usage des initiatives du Conseil de l'Europe pour la reconnaissance des qualifications des réfugiés et, en particulier, du Passeport européen des qualifications des réfugiés.
10. Enfin, l’Assemblée, rappelant sa Résolution 2175 (2017) et sa Recommandation 2109 (2017) sur «Les migrations: une chance à saisir pour le développement européen», invite les parlements nationaux à faire le point sur la mise en œuvre des recommandations qu’elle y énonce. Elle renouvelle son invitation à intensifier la coopération entre le Conseil de l'Europe, l’Organisation internationale pour les migrations, l’Organisation internationale du travail, l’Organisation de coopération et de développement économiques et l’Union européenne afin de promouvoir une image positive des migrants en Europe en élaborant des activités communes dans les domaines du développement humain, économique et social.