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Résolution 2331 (2020)
Autonomiser les femmes: promouvoir l'accès à la contraception en Europe
1. L’accès à
la contraception moderne est essentiel à l’émancipation des femmes,
car il renforce leur pouvoir décisionnel et leur autonomie, aussi
bien à titre personnel qu’au sein du ménage, leur permet de planifier
plus efficacement leur carrière et leur développement professionnel
ainsi que de concilier plus facilement vie privée et vie professionnelle.
2. Les femmes n’accèdent pas toutes à la contraception sur un
pied d’égalité. Des disparités géographiques existent entre les
États membres du Conseil de l’Europe et en leur sein, et les difficultés
sont plus fortes dans les zones rurales et reculées.
3. Par ailleurs, des obstacles financiers et économiques entravent
l’accès à la contraception. La situation économique et financière
est particulièrement importante pour les jeunes et les personnes
à faible revenu qui ont du mal à accéder à la contraception en l’absence
d’une prise en charge ou d’un remboursement.
4. Les barrières culturelles et sociales, notamment les normes
culturelles, les stéréotypes de genre, les préjugés et les jugements
moraux, nuisent également à l’accès à la contraception et entraînent
une méconnaissance ou une connaissance insuffisante des méthodes
contraceptives, de la possibilité d’y recourir et de leur utilisation
correcte. Ces obstacles affectent les utilisateurs potentiels, en
particulier les femmes, les jeunes et les personnes non mariées,
en les dissuadant de rechercher des dispositifs contraceptifs et
des conseils. De surcroît, les mythes et idées fausses, qui présentent
de façon mensongère la contraception comme étant inutile ou potentiellement
nocive, sont largement répandus.
5. Les groupes vulnérables et marginalisés, notamment les femmes
lesbiennes et bisexuelles, et les personnes trans et intersexes,
les personnes issues de l’immigration, les personnes handicapées
et les minorités ethniques et linguistiques, sont particulièrement
exposés aux obstacles tant financiers que culturels à l’accès à
la contraception, ce qui nécessite une attention et des mesures
spécifiques.
6. L’Assemblée parlementaire estime que les pouvoirs publics
à tous les niveaux devraient accorder une priorité élevée à la protection
de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes, en
tant que composante importante des politiques en faveur de l’égalité
de genre, en vue de bâtir des sociétés justes et égalitaires, et
de promouvoir la santé et le bien-être.
7. L’Assemblée est convaincue qu’une éducation sexuelle complète
à tous les niveaux de la scolarité est un élément indispensable
de l’éducation des enfants et des jeunes. Il s’agit d’un investissement
dans une société plus saine, qui améliore la compréhension des libertés
individuelles et des limites en matière de sexualité; qui contribue
à prévenir les grossesses précoces et non désirées, à accroître
l’utilisation de la contraception moderne; à prévenir les maladies
sexuellement transmissibles; à améliorer la connaissance, les attitudes
et les compétences nécessaires au bien-être des jeunes; à promouvoir
des normes de genre et des normes sociales plus équitables; à prévenir
la violence sexuelle, fondée sur le genre et dans les relations intimes;
et à promouvoir l’autodétermination, l’autonomie, l’égalité, la
non-discrimination et le respect de la diversité.
8. L’Assemblée est d’avis que tous les types de contraception
moderne, dont les méthodes contraceptives réversibles à longue durée
d’action, devraient être accessibles et abordables financièrement
pour tous, indépendamment de toute considération de sexe, d’origine
sociale ou nationale et de toute autre situation, et qu’ils devraient
être accompagnés de conseils et d’informations fiables. Les responsabilités
devraient, dans la mesure du possible, être partagées entre les
femmes et les hommes.
9. La pandémie de covid-19 a affecté différemment les femmes
et les hommes, a accru les inégalités entre les sexes et a rendu
les femmes et les filles plus vulnérables aux violations de leurs
droits fondamentaux dans des domaines tels que la violence fondée
sur le genre et la violence domestique, ainsi que la santé et les
droits sexuels et reproductifs. Les politiques de réponse à la pandémie
devraient tenir compte des aspects de la crise liés au genre. La
santé et les droits sexuels et reproductifs doivent rester prioritaires,
et des ressources adéquates devraient être allouées.
10. Considérant ce qui précède, l’Assemblée invite les États membres
et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que ceux dont le parlement
bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie
auprès de l’Assemblée parlementaire:
10.1. en ce qui concerne l’éducation, l’information et la sensibilisation
en matière de sexualité:
10.1.1. à
introduire une éducation sexuelle complète dans tous les programmes
scolaires et à faire en sorte qu’une telle éducation, adaptée à
l’âge des élèves, ait caractère obligatoire pour tous, sans possibilité
pour ces enfants de s’y soustraire. Ces cours devraient satisfaire
à des critères d’objectivité et de rigueur scientifique, et aborder
des questions telles que la prévention des grossesses précoces et
des maladies sexuellement transmissibles; la promotion de l’égalité de
genre; les relations intimes; le consentement; la prévention de
la violence sexuelle fondée sur le genre et dans les relations intimes,
et la protection contre celle-ci; et les normes liées au genre, à
l’orientation sexuelle, à l’identité, à l’expression de genre et
aux caractéristiques sexuelles;
10.1.2. à réviser les manuels utilisés dans les programmes d’éducation
sexuelle et à veiller à ce que leur contenu et leurs illustrations
soient scientifiquement exacts;
10.1.3. à dispenser aux enseignants, aux médecins scolaires et
au personnel infirmier des écoles une formation spécifique et des
ressources pour une éducation sexuelle complète;
10.1.4. à mener des campagnes d’information et de sensibilisation
sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, notamment en
donnant des informations détaillées sur toutes les méthodes contraceptives
modernes et l’ensemble des autres questions couvertes par l’éducation sexuelle
à l’école, en ciblant les jeunes dans le cadre scolaire et en dehors,
les parents et le grand public, sur internet et les médias sociaux
ainsi que dans les médias traditionnels, comme la presse, la radio
et la télévision, y compris la télévision publique;
10.1.5. à créer et promouvoir des sites web fournissant des informations
détaillées et factuelles sur la contraception, comprenant tous les
types de méthodes contraceptives modernes, leur coût et les lieux
où l’on peut les obtenir. Les informations devraient également être
accessibles aux habitants des zones rurales et reculées, aux personnes
appartenant à des minorités linguistiques, aux personnes handicapées
et aux migrants;
10.2. en ce qui concerne l’accès à la contraception:
10.2.1. à faire en sorte que toutes
les méthodes modernes de contraception, dont la contraception d’urgence
sans prescription, soient mises à la disposition du public, notamment dans
les zones rurales et reculées, ainsi qu’aux groupes marginalisés
et vulnérables;
10.2.2. à veiller à ce que les méthodes contraceptives soient
financièrement abordables en prévoyant un remboursement ou une prise
en charge adéquate grâce à leur inclusion dans les régimes nationaux
d’assurance maladie;
10.2.3. à mettre au point des systèmes spécifiques de remboursement
ou de prise en charge pour les jeunes, les groupes vulnérables et
les personnes à faible revenu, en vue de lutter contre les obstacles
économiques qui contribuent à l’inégalité d’accès à la contraception,
et à réexaminer régulièrement ces systèmes pour en garantir l’efficacité;
10.2.4. à donner des conseils individuels peu coûteux, confidentiels
et sans jugement aux personnes qui souhaitent recourir à la contraception,
en vue de fournir aux utilisatrices et utilisateurs toutes les informations
nécessaires et personnalisées, notamment quant au choix des méthodes
contraceptives les mieux adaptées à leurs besoins, et de les aider
le cas échéant à revoir ce choix;
10.2.5. à assurer une formation obligatoire sur la contraception,
tant au niveau de l’enseignement universitaire supérieur qu’à celui
de la formation continue des professionnels de santé, ainsi qu’à
fournir régulièrement des informations sur les données scientifiques
pertinentes;
10.2.6. à élaborer, à l’intention des professionnels de santé,
des lignes directrices factuelles sur la contraception moderne,
fondées sur les normes établies par l’Organisation mondiale de la santé;
10.2.7. à veiller à ce que l'accès à la contraception soit individualisé
et fondé sur les besoins de la personne, et non sur son marqueur
de genre juridique;
10.3. en ce qui concerne la recherche et la collecte de données:
10.3.1. à améliorer les systèmes de
collecte de données existants ou à en développer de nouveaux, de
manière à assurer une vaste collecte de données comparables sur
la contraception, ventilées par sexe, âge, revenu, condition sociale
et niveau d’éducation;
10.3.2. à entreprendre ou améliorer les recherches sur l’utilisation
de toutes les méthodes de contraception, leur prévalence, leur évolution,
leur coût et leur impact sur les utilisatrices et utilisateurs;
10.3.3. à promouvoir et soutenir la recherche scientifique sur
les méthodes de contraception masculine, en vue de concevoir et
mettre à disposition des moyens et des dispositifs innovants à l’usage
des personnes auxquelles est attribué le sexe masculin à la naissance;
10.4. en ce qui concerne la coopération avec la société civile,
les professionnels de santé et les prestataires de services: à renforcer
la coopération et le soutien des organisations de la société civile
et de celles des professionnels de santé, qui s’emploient à promouvoir
la contraception et à fournir des moyens contraceptifs, à collecter
des données et à mener des recherches, à concevoir et mener des campagnes
d’information et de sensibilisation, à assurer la formation du personnel
médical et l’éducation sexuelle; et à fournir un environnement favorable
et des fonds pour les organisations de la société civile actives
dans ce domaine;
10.5. en ce qui concerne la réponse à la pandémie de covid-19:
10.5.1. à considérer la contraception,
y compris la contraception d'urgence, et les soins de santé maternelle
avant, pendant et après l'accouchement, comme des services de santé essentiels
à maintenir pendant la crise, et à prendre toutes les mesures d'accompagnement nécessaires
pour garantir la fourniture et l’accès à ces services;
10.5.2. à garantir l'accès sans discrimination aux services de
santé sexuelle et reproductive, et à le faciliter, y compris en
autorisant les consultations par téléphone et en ligne, et l'accès
à la contraception sans ordonnance, notamment en cas de restriction
de la circulation des personnes liées à la pandémie de covid-19;
et à maintenir ces mesures en vigueur autant que possible après la
fin de la crise sanitaire.