Imprimer
Autres documents liés
Résolution 2358 (2021)
Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
1. Bien que, en vertu de l’article
46.2 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5,
«la Convention») signée il y a près de soixante-dix ans, la responsabilité
première de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme («la Cour») incombe avant tout
au Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire contribue largement,
depuis sa Résolution 1226
(2000) sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme, à ce processus, comme le précise sa Résolution 2277 (2019) intitulée
«Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis
pour l’avenir».
2. L’Assemblée rappelle en particulier ses Résolutions 2178 (2017), 2075 (2015), 1787 (2011), 1516 (2006) et ses Recommandations 2110 (2017) et 2079 (2015) sur
la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme dans lesquelles elle encourage les parlements nationaux
à s’engager dans ce processus. Elle rappelle par ailleurs que l’exécution
des arrêts de la Cour, imposée à l’article 46.2 de la Convention,
recouvre non seulement le paiement de la satisfaction équitable
octroyée par la Cour, mais aussi l’adoption d’autres mesures individuelles
(visant à assurer la restitutio in integrum aux
requérants) et/ou générales (visant à prévenir de nouvelles violations
de la Convention).
3. Depuis le dernier examen de cette question en 2017, l’Assemblée
constate de nouveaux progrès dans l’exécution des arrêts de la Cour,
notamment une diminution régulière du nombre d’arrêts pendants devant
le Comité des Ministres (5 231 à la fin de 2019) et l’adoption de
mesures individuelles et générales dans de nombreuses affaires complexes
toujours pendantes. Cela montre l’efficacité de la réforme du système
de la Convention, entamée en 2010 à la suite de la Conférence de
haut niveau d’Interlaken sur l’avenir de la Cour européenne des
droits de l’homme, et l’impact du Protocole no 14
à la Convention (STCE no 194), entré
en vigueur en juin 2010, pour faire face à la situation extrêmement
critique de la Cour et aux quelque 10 000 affaires pendantes devant
le Comité des Ministres à cette époque. L’Assemblée se félicite
des mesures prises par le Comité des Ministres en vue de rendre
plus efficace sa surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, ainsi
que des synergies qui se sont développées dans ce cadre, tant au
sein du Conseil de l’Europe qu’entre ses organes et les autorités
nationales.
4. L’Assemblée reste toutefois profondément préoccupée par le
nombre d’affaires révélant des problèmes structurels qui sont pendantes
devant le Comité des Ministres depuis plus de cinq ans. Le nombre
de ces affaires n’a que très légèrement baissé au cours des trois
dernières années. L’Assemblée observe par ailleurs que la Fédération
de Russie (y compris la Crimée, annexée illégalement, et les territoires
temporairement occupés des régions de Donetsk et de Lougansk), la
Turquie, l’Ukraine, la Roumanie, la Hongrie, l’Italie, la Grèce,
la République de Moldova, l’Azerbaïdjan et la Bulgarie comptent
le plus grand nombre d’arrêts de la Cour non exécutés et sont toujours
confrontés à de graves problèmes structurels ou complexes, dont
certains durent depuis plus de dix ans. Cette situation pourrait
être due à des problèmes fortement enracinés, tels que les préjugés
persistants à l’encontre de certains groupes de la société, une
organisation nationale inadéquate, l’absence de ressources nécessaires
ou de volonté politique, voire l’existence d’un désaccord manifeste
avec un arrêt de la Cour.
5. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par les difficultés
juridiques et politiques croissantes qui entourent l’exécution des
arrêts de la Cour et relève qu’aucune mesure législative ou administrative
nationale ne peut ajouter de nouveaux obstacles à ce processus.
L’Assemblée souligne que les États membres ne sont pas fondés à
légitimer la possibilité de ne pas mettre en œuvre les décisions
de la Cour.
6. L’Assemblée exprime en outre son inquiétude quant aux obstacles
à l’exécution des arrêts rendus par la Cour dans des affaires interétatiques
ou présentant des caractéristiques interétatiques. Elle appelle
tous les États parties à la Convention impliqués dans l’exécution
de tels arrêts à ne pas entraver ce processus et à coopérer pleinement
avec le Comité des Ministres.
7. L’Assemblée condamne une fois de plus les retards pris dans
l’exécution des arrêts de la Cour et rappelle que l’obligation juridique
faite aux États parties à la Convention d’exécuter les arrêts de
la Cour lie toutes les branches du pouvoir étatique et que celles-ci
ne peuvent s’en exonérer en invoquant des problèmes ou obstacles
techniques dus, en particulier, au manque de volonté politique,
à l’insuffisance des ressources ou à l’évolution du droit interne,
y compris de la Constitution.
8. Ainsi, près de soixante-dix ans après la signature de la Convention,
l’Assemblée invite tous les États parties à la Convention à réaffirmer
leur engagement primordial envers la protection et la promotion
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment par
l’exécution pleine, effective et rapide des arrêts et des termes
des règlements amiables rendus par la Cour. À cet égard, elle appelle
fermement les États parties à la Convention:
8.1. à coopérer, à cette fin, avec le Comité des Ministres,
la Cour et le Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme, ainsi qu’avec les autres organes concernés
du Conseil de l’Europe;
8.2. à soumettre, en temps utile, au Comité des Ministres,
des plans d’action, des bilans d’action et des informations sur
le paiement de la satisfaction équitable; et à répondre aux communications présentées
par les requérants, les institutions nationales de protection et
de promotion des droits de l’homme et les organisations non gouvernementales
(ONG) au titre de la règle 9 des Règles du Comité des Ministres
pour la surveillance de l’exécution des arrêts et des termes des
règlements amiables;
8.3. à mettre en place des recours internes effectifs pour
remédier aux violations de la Convention;
8.4. à accorder une attention particulière aux affaires soulevant
des problèmes structurels ou complexes identifiés par la Cour ou
le Comité des Ministres, notamment celles qui sont pendantes depuis
plus de dix ans;
8.5. à ne pas adopter de lois ni prendre de mesures susceptibles
d’entraver le processus d’exécution des arrêts de la Cour;
8.6. à tenir compte des avis pertinents de la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) lors de l’adoption
de mesures visant à exécuter les arrêts de la Cour;
8.7. à consacrer suffisamment de ressources aux organes compétents
du Conseil de l’Europe et aux parties prenantes nationales chargées
de l’exécution des arrêts de la Cour, y compris les bureaux des agents
du gouvernement, et à les encourager à coordonner leurs travaux
dans ce domaine;
8.8. à renforcer le rôle de la société civile et des institutions
nationales de protection et de promotion des droits de l’homme dans
le processus d’exécution des arrêts de la Cour;
8.9. à condamner les déclarations qui discréditent l’autorité
de la Cour et les attaques contre les agents du gouvernement qui
travaillent à la mise en œuvre des arrêts de la Cour et contre les
ONG qui interviennent pour promouvoir et protéger les droits de
l’homme.
9. À la lumière de l’avis de la Commission de Venise n° 981/2020
du 18 juin 2020 sur le projet d'amendement à la Constitution de
la Fédération de Russie (tel que signé le président de la Fédération
de Russie le 14 mars 2020) relatif à l'exécution dans la Fédération
de Russie des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme,
l’Assemblée appelle la Fédération de Russie à modifier les récents
amendements apportés aux articles 79 et 125.5.b de
la Constitution.
10. Se référant à sa Résolution
1823 (2011) sur «Les parlements nationaux: garants des
droits de l’homme en Europe», l’Assemblée invite les parlements
nationaux des États membres du Conseil de l’Europe à mettre en œuvre
les «Principes fondamentaux du contrôle parlementaire des normes
internationales relatives aux droits de l’homme», annexés à ladite
résolution. À ce propos, elle souligne une fois de plus la nécessité
de mettre en place des structures parlementaires pour contrôler
le respect des obligations internationales relatives aux droits
de l’homme, notamment celles qui découlent de la Convention et de
la jurisprudence de la Cour.
11. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe
qui n’ont pas encore ratifié les Protocoles nos 15
et 16 à la Convention (STCE nos 213 et 214)
à le faire rapidement.
12. Étant donné le besoin urgent d’accélérer l’exécution des arrêts
de la Cour, l’Assemblée décide de rester saisie de la question et
de continuer à lui donner la priorité.