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Résolution 1553 (2007)

Personnes disparues en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie dans les conflits touchant les régions du Haut-Karabakh, d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 24 mai 2007(voir Doc. 11196, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population,rapporteur: M. Platvoet).

1. La question des personnes disparues en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie continue de causer une souffrance considérable aux familles des disparus. Elle alimente également les tensions dans la région et entrave les efforts pour trouver une solution pacifique aux conflits au sujet des régions du Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.
2. C’est aux parties à un conflit ou à une situation de violence interne qu’incombe au premier chef la responsabilité d’empêcher les disparitions, d’élucider le sort des personnes disparues et de répondre aux besoins des familles.
3. La question des personnes disparues est un problème humanitaire avec des implications en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire. Elle ne doit pas être traitée comme une question politique et ne devrait par conséquent pas dépendre du règlement politique des conflits dans la région.
4. Le règlement de la question des personnes disparues pourrait contribuer à réduire les niveaux d’hostilité, de méfiance et d’intolérance, à instaurer la confiance dans la région et à faciliter les efforts pour trouver un règlement politique aux conflits dans la région.
5. Le temps est une donnée essentielle lorsqu’on veut résoudre la question des disparus. Les retards ne font qu’accroître l’incertitude et la souffrance des familles, et réduire la probabilité de retrouver, d’identifier et de restituer les disparus.
6. Le nombre total de personnes disparues dans la région de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie s’élève à 7 538 personnes, dont, selon les parties respectives, 4 499 Azerbaïdjanais et 947 Arméniens à la suite du conflit au sujet de la région du Haut-Karabakh, et 1 763 Géorgiens et 197 Abkhazes à la suite du conflit au sujet de la région de l’Abkhazie. S’agissant du conflit au sujet de la région de l’Ossétie du Sud, les autorités géorgiennes ont signalé la disparition de 10 Géorgiens et de 122 Ossètes du Sud à la suite du conflit.
7. Le droit de connaître le sort des proches disparus est un droit fondamental des familles concernées qui doit être garanti. Le droit de savoir est fermement ancré dans le droit international humanitaire. En outre, la pratique publique établit comme norme du droit international coutumier, applicable à la fois aux conflits armés internationaux et non internationaux, les obligations qui incombent à chaque partie au conflit armé de prendre toutes les mesures possibles pour retrouver les personnes portées disparues à la suite d’un conflit armé, et de fournir aux membres de leur famille toute information qu’elle détient sur leur sort. Le droit de savoir est également ancré dans les droits protégés par la Convention européenne des Droits de l’Homme (STE no 5), notamment ses articles 2, 3, 5, 8, 10 et 13.
8. L’Assemblée parlementaire, tout en reconnaissant les efforts déployés par les autorités, regrette que la question des disparus en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie n’ait en grande partie pas été résolue, alors même que plus de douze ans se sont écoulés depuis la fin des hostilités dans la région.
9. L’Assemblée est préoccupée par les allégations constantes de détention au secret de personnes portées disparues et considère que de telles allégations devraient être transmises au Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) afin que toute la lumière soit faite à leur sujet. Les rumeurs persistantes ne font qu’accroître les tensions dans la région et ajouter à la souffrance des familles, en particulier dans la mesure où les chances que les personnes disparues soient encore en vie après une si longue période sont très minces.
10. L’Assemblée souligne que la question des disparus ne peut être réglée unilatéralement par l’une des parties concernées et qu’une coopération étroite et une coordination sont nécessaires entre les différentes parties au conflit. A cet égard, l’Assemblée considère qu’il est indispensable d’adresser ses recommandations non seulement à l’Arménie, à l’Azerbaïdjan et à la Géorgie, mais également aux «administrations» des régions du Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, par l’intermédiaire des autorités des pays concernés. Elle réaffirme la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie, et les recommandations qui figurent dans la présente résolution n’impliquent aucune forme de reconnaissance politique des régions du Haut- Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.
11. En conséquence, l’Assemblée invite instamment l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ainsi que les «administrations» des régions du Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud:
11.1. à apporter tout leur soutien au règlement de la question des disparus;
11.2. à dépolitiser la question et à la considérer en tant que problème humanitaire et de droits de l’homme;
11.3. à ne pas agir sur la base de la réciprocité pour traiter la question des disparus. Le fait d’échanger des informations ou de prendre des mesures, par exemple, ne devrait pas être conditionné au fait que l’autre partie fournisse également des informations ou prenne des mesures;
11.4. à adopter et mettre en oeuvre, conformément aux normes internationales applicables, un cadre juridique interne approprié, assorti des mesures réglementaires nécessaires, pour faire face à la question des disparus et tenir compte des obligations internationales applicables;
11.5. à se mettre d’accord sur des listes consolidées des disparus avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les autres parties au conflit;
11.6. à veiller à la mise en place et au fonctionnement des commissions chargées de la question des disparus, et à garantir leur fonctionnement quotidien au moyen de structures adéquates telles que des groupes de travail ou d’autres mécanismes appropriés. Ces commissions et leurs structures associées devraient avoir un mandat clair établi par la loi, ainsi que les ressources et les pouvoirs nécessaires:
11.6.1. pour collecter, centraliser et traiter activement toutes les informations concernant les personnes disparues, les événements liés et les lieux de sépulture;
11.6.2. pour organiser, mettre en oeuvre et contrôler toutes les activités nécessaires pour retrouver toutes les personnes disparues (combattants et civils de toutes les parties), y compris retrouver et identifier les restes humains;
11.6.3. pour informer les familles sur les progrès accomplis dans le règlement de la question des disparus et leur apporter un soutien en fonction de leurs besoins spécifiques;
11.6.4. pour établir des liens et des relations de travail avec leurs homologues d’autres commissions et groupes de travail, et pour élaborer ensemble des protocoles d’accord appropriés pour les guider dans leurs activités;
11.6.5. pour garantir la fonction humanitaire et non judiciaire de leurs activités;
11.6.6. pour inclure, le cas échéant, les représentants des familles des disparus dans la composition des commissions et des structures associées;
11.7. à mettre en place un mécanisme de coordination multilatéral pour chaque conflit respectif (Haut-Karabakh, Abkhazie et Ossétie du Sud) afin de définir et de mettre en oeuvre les procédures d’élucidation du sort des personnes disparues, en particulier pour ce qui est de retrouver et d’identifier les restes humains;
11.8. à collecter, gérer et protéger les données, telles que les données ante mortem, afin d’identifier les disparus; à apporter à cet égard un soutien psychologique et de formation à ceux qui collectent ces données ainsi qu’un soutien psychologique aux membres des familles qui fournissent ces données;
11.9. à prendre toutes les mesures nécessaires pour retrouver et identifier les restes humains des disparus, notamment:
11.9.1.
11.9.2. localiser les lieux de sépulture possibles et échanger des informations à leur sujet;
11.9.3. convenir des procédures à suivre pour l’exhumation des tombes et l’identification des restes humains;
11.9.4. former ceux qui manieront des restes humains de manière à garantir le respect des normes et à harmoniser les techniques;
11.10. à fournir un cadre juridique interne approprié afin de clarifier le statut juridique, de garantir les intérêts de toutes les personnes disparues et de prévoir les mesures juridiques et administratives appropriées pour répondre aux besoins matériels et juridiques des membres de la famille et personnes à charge, couvrant ainsi des questions comme la garde des enfants de la personne disparue, les droits successoraux, les droits de remariage, les droits à pension et le droit à une assistance publique;
11.11. à apporter une aide matérielle, sociale et psychologique aux familles des disparus;
11.12. à prendre des mesures pour protéger la mémoire des disparus, notamment en apportant un soutien aux livres du souvenir, aux monuments et aux musées des disparus, aux journées consacrées à la mémoire des disparus.
12. L’Assemblée invite instamment l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ainsi que les «administrations» des régions du Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud:
12.1. à apporter un soutien aux initiatives de la société civile en faveur des familles des disparus et à celles liées au règlement de la question des disparus;
12.2. à faciliter les contacts, y compris les contacts transfrontaliers, entre les familles des disparus;
12.3. à prendre position publiquement au plus haut niveau en faveur du règlement de la question des disparus et à s’abstenir de toute déclaration en relation avec les disparus susceptible d’engendrer des sentiments d’animosité et de haine à l’égard des autres parties au conflit;
12.4. à garantir un contrôle parlementaire sur la question des disparus, notamment en organisant un débat sur le contenu de la présente résolution.
13. L’Assemblée reconnaît que les progrès pour résoudre la question des disparus varient d’un conflit à l’autre, et propose par conséquent de soumettre plusieurs recommandations prioritaires à chacune des parties. Ces recommandations ne devraient en aucune façon être considérées comme limitant la priorité, pour toutes les parties, de disposer de commissions bien établies et opérationnelles, de collecter activement des informations, d’établir des mécanismes de coopération, de fournir le cadre juridique nécessaire, de pourvoir aux besoins des familles des disparus, et d’appliquer les autres mesures mentionnées précédemment.
14. L’Assemblée invite instamment l’Arménie, à titre prioritaire:
14.1. à veiller à ce que la commission devienne pleinement opérationnelle et à ce qu’un groupe de travail soit mis sur pied pour traiter les questions qui se présentent au quotidien;
14.2. à veiller à ce que des contacts de travail soient établis avec la commission mise en place en Azerbaïdjan;
14.3. à poursuivre la collecte des données ante mortem;
14.4. à recueillir et échanger les informations pertinentes au sujet d’éventuels lieux de sépulture.
15. L’Assemblée invite instamment l’Azerbaïdjan, à titre prioritaire:
15.1. à ratifier les deux Protocoles additionnels à la Convention de Genève;
15.2. à veiller à ce que des contacts de travail soient établis avec la commission instituée en Arménie et à ce qu’un modus operandi soit mis en place pour travailler avec la commission dans la région du Haut-Karabakh;
15.3. à poursuivre la collecte des données ante mortem;
15.4. à recueillir et échanger des informations pertinentes au sujet d’éventuels lieux de sépulture.
16. L’Assemblée invite instamment l’«administration» de la région du Haut-Karabakh, à titre prioritaire:
16.1. à mettre en place un modus operandi pour travailler avec la commission en Azerbaïdjan;
16.2. à poursuivre la collecte des données ante mortem;
16.3. à recueillir et échanger des informations pertinentes au sujet d’éventuels lieux de sépulture.
17. L’Assemblée invite instamment la Géorgie, à titre prioritaire:
17.1. à poursuivre son travail d’identification des lieux de sépulture et à partager ces informations avec les parties abkhaze et de l’Ossétie du Sud;
17.2. à continuer à former les personnes chargées des exhumations et à procéder à ces exhumations avec les autres parties dès lors que les normes et les techniques seront harmonisées;
17.3. à s’abstenir d’appliquer toute conditionnalité dans le cadre de sa coopération avec la commission abkhaze.
18. L’Assemblée invite instamment l’«administration» de la région de l’Abkhazie, à titre de priorité:
18.1. à adopter le mandat de la commission chargée de la question des personnes disparues, en tenant pleinement compte des recommandations du CICR;
18.2. à apporter un soutien et des ressources supplémentaires à la commission de manière à ce qu’elle dispose de la capacité de traiter au quotidien la question des personnes disparues;
18.3. à s’abstenir d’appliquer toute conditionnalité dans le cadre de sa coopération avec la commission géorgienne;
18.4. à travailler avec la commission géorgienne à l’identification d’autres lieux de sépulture;
18.5. à continuer de former les personnes chargées des exhumations et à procéder à ces exhumations avec les autres parties dès lors que les normes et les techniques seront harmonisées.
19. L’Assemblée invite instamment l’«administration» de la région de l’Ossétie du Sud, à titre prioritaire:
19.1. à rétablir la commission sur les disparus;
19.2. à travailler avec la partie géorgienne à l’identification d’éventuels lieux de sépulture.
20. L’Assemblée invite également les gouvernements des Etats membres:
20.1. à aider les autorités et les «administrations» de la région concernées par le règlement de la question des disparus;
20.2. à soutenir les activités du CICR;
20.3. à apporter un soutien aux associations des familles des disparus et aux acteurs de la société civile s’occupant de la question des disparus, notamment en facilitant les rencontres entre les familles des disparus des différentes parties.
21. L’Assemblée invite le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à suivre de près la question des personnes disparues dans la région et à se servir de son influence pour promouvoir la coopération régionale sur cette question.
22. L’Assemblée invite sa commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre également en compte la question des personnes disparues dans ses activités de suivi concernant l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie.
23. L’Assemblée invite également la commission ad hoc du Bureau sur la mise en oeuvre du paragraphe 5 de la Résolution 1416 (2005) sur le conflit du Haut-Karabakh, traité par la Conférence de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à prendre en compte la question des personnes disparues dans ses travaux.
24. L’Assemblée invite le représentant personnel de la présidence en exercice pour le conflit objet de la Conférence de Minsk de l’OSCE à veiller à ce qu’un soutien total soit apporté pour régler la question des disparus, qui doit être dépolitisée et considérée en tant que problème humanitaire et de droits de l’homme.
25. L’Assemblée invite la mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (UNOMIG) à apporter tout son soutien au processus de règlement de la question des personnes disparues dans la région de l’Abkhazie.
26. L’Assemblée reconnaît le rôle joué par le CICR qui travaille avec les parties au conflit dans la région pour les aider à régler la question des disparus. L’Assemblée encourage le CICR à poursuivre cette tâche essentielle dans cette région.