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Résolution 1889 (2012) Version finale
Image des migrants et des réfugiés véhiculée pendant les campagnes électorales
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
que l’Europe a un long passé en termes d’émigration, et que, face à
une population vieillissante, elle se trouve à présent partagée
entre la nécessité d’accueillir des immigrants et la crainte de
les voir éroder petit à petit certaines traditions et pratiques
culturelles des sociétés européennes.
2. L’Assemblée est d’avis que la montée de la xénophobie met
en cause les principes démocratiques et le respect de la dignité
humaine.
3. Bien que les Etats membres du Conseil de l’Europe se soient
déjà dotés de recours juridiques pour lutter contre la xénophobie
et les discours racistes, l’Assemblée estime qu’il est nécessaire
de mettre en place une véritable stratégie de lutte contre la xénophobie,
notamment pendant les campagnes électorales.
4. Pendant les campagnes électorales, certains candidats et certains
partis politiques présentent souvent les migrants et les réfugiés
comme une menace et un fardeau pour la société, ce qui entraîne
une augmentation de réactions négatives de l’opinion publique face
à l’immigration et aux immigrants.
5. Ces réactions négatives sont associées à des facteurs tels
que le sentiment de perte de contrôle de l’immigration, la peur
des différences et les craintes liées à l'identité culturelle, l’effondrement
du marché de l’emploi et un sentiment d’insécurité diffus.
6. Ces facteurs sont ainsi devenus des enjeux électoraux pour
certains partis politiques. Ils contribuent non seulement à accroître
les manifestations de xénophobie, mais également à encourager la
montée des partis populistes xénophobes, qui s’inscrivent de plus
en plus dans un mouvement de radicalisation des politiques publiques
antimigratoires.
7. L'Assemblée, se référant à sa Résolution 1754 (2010) et à sa Recommandation 1933 (2010) sur
la lutte contre l'extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs,
condamne les groupes et les responsables politiques qui, s'inspirant
d’idéologies racistes et xénophobes, encouragent la violence ou
sont prêts à la tolérer. Elle appelle à renforcer l'éthique en politique
pour contribuer à faire diminuer les tendances racistes dans la
société. Elle réaffirme qu’une responsabilité particulière incombe
aux dirigeants politiques qui se doivent d’éliminer du discours
politique les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de minorités
ou de groupes de migrants, y compris en période de campagne électorale,
et elle considère que les missions internationales d’observation d’élections
devraient prendre en compte la question des dérives racistes et
xénophobes pendant les campagnes électorales, et refléter ces préoccupations
dans leurs rapports.
8. L’Assemblée constate que les médias jouent un rôle primordial
et portent une grande responsabilité dans la construction de l’image
des migrants et de leurs descendants.
9. Elle note également qu’internet et les réseaux sociaux jouent
un rôle grandissant dans la diffusion d’attitudes xénophobes et
anti-immigrants.
10. L’Assemblée souhaite aussi attirer l’attention sur le caractère
biaisé de certains sondages d’opinion dont les résultats et la complexité
des enjeux ne reflètent pas toujours l’ensemble de l’opinion publique,
ce qui peut être contreproductif, surtout pour les questions liées
aux migrants et à la migration.
11. En conséquence, l’Assemblée recommande aux Etats membres ainsi
qu’aux Etats observateurs, et en particulier aux parlements:
11.1. de prendre des mesures visant:
11.1.1. à la mise en place d’une politique de communication sur
la réalité des flux migratoires fondée sur les valeurs des droits
de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie;
11.1.2. à veiller à ce que les migrants puissent s’intégrer pleinement
dans la société d’accueil en les aidant, entre autres, à apprendre
la langue locale et les coutumes et les lois du pays d’accueil;
11.1.3. à la réduction des entrées irrégulières et à l’aide au
retour dans leur pays des migrants en situation irrégulière, ou
à la régularisation pour ceux qui ne peuvent plus et ne pourront
plus être renvoyés;
11.1.4. à la mise en œuvre de mesures visant à empêcher les employeurs
de mettre à mal les normes de rémunération et de travail;
11.1.5. à mettre en œuvre une politique de lutte contre la discrimination;
11.1.6. à lever les obstacles à la participation démocratique
en accordant aux migrants des droits électoraux, notamment le droit
de vote et le droit d’éligibilité aux élections locales et régionales
au bout de cinq ans, ou moins, de résidence légale;
11.2. de promouvoir, le cas échéant, des débats politiques ouverts
et équilibrés sur la question des migrations, afin de répondre au
mieux aux questions et aux préoccupations du public, et de combattre toutes
les idéologies xénophobes;
11.3. d’encourager les responsables politiques à assumer leurs
responsabilités lors des débats sur les questions de migrations
et de combattre la rhétorique et l’idéologie xénophobes;
11.4. d’encourager les médias à utiliser des formulations factuellement
correctes, équilibrées et justes en leur fournissant des données
et des statistiques appropriées;
11.5. d’élaborer des lignes directrices pour les sondages d’opinion
et tous les exercices de démocratie directe, afin d’éviter toute
partialité ;
11.6. de développer et de renforcer le rôle des commissions
électorales afin qu’elles puissent sanctionner les responsables
politiques en cas d’inconduite avant ou pendant les campagnes électorales;
11.7. d’encourager les autorités locales et régionales à travailler
plus étroitement avec les communautés de migrants afin de parvenir
à une meilleure compréhension mutuelle;
11.8. de mener une analyse objective de l’impact des stratégies
politiques des partis populistes et xénophobes radicaux;
11.9. d’inviter instamment tous les partis politiques à adhérer
aux principes contenus dans la Charte des partis politiques européens
pour une société non raciste, signée par le Président de l'Assemblée parlementaire
et par le Président du Parlement européen en 2003, à mettre ces
principes en œuvre et à les promouvoir activement;
11.10. de diffuser aux autorités électorales des Etats membres,
avant les campagnes électorales, la Déclaration de 2005 de la Commission
européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur l'utilisation
d'éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours
politique.
12. Par ailleurs, l’Assemblée invite la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), notamment
son Conseil des élections démocratiques, à réaliser une étude sur
l'utilisation de l’image des migrants et des réfugiés pendant les
campagnes électorales, en vue d’amender éventuellement le Code de
bonne conduite en matière électorale.