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| Doc. 14326
| 29 mai 2017
Observation de l'élection présidentielle en Serbie (2 avril 2017)
1. Introduction
1. Le Bureau de l’Assemblée parlementaire
a décidé, lors de sa réunion du 23 janvier 2017, d’observer l’élection
présidentielle en Serbie, sous réserve de la réception d’une invitation,
et de constituer à cet effet une commission ad hoc composée de 20
membres et des deux corapporteurs de la commission de suivi. Lors
de sa réunion du 27 janvier, le Bureau a approuvé la composition
de la commission ad hoc et nommé à sa présidence Mme Ingebjørg
Godskesen (Norvège, CE) (voir annexe 1). Le 7 mars, Mme Maja
Gujković, Présidente du Parlement de Serbie, a invité l’Assemblée
parlementaire à observer l’élection présidentielle.
2. En vertu de l’article 15 de l’Accord de coopération signé
entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise) le 4 octobre 2004,
«[l]orsque le Bureau de l’Assemblée décide d’observer des élections
dans un pays où la législation électorale a été précédemment examinée
par la Commission de Venise, l’un des rapporteurs de la Commission
de Venise sur cette question pourra être invité en qualité de conseiller
juridique à participer à la mission d’observation de l’Assemblée».
Conformément à cette disposition, le Bureau de l’Assemblée a invité
un expert de la Commission de Venise à se joindre à la commission
ad hoc en qualité de conseiller.
3. L’Assemblée parlementaire a été la seule organisation parlementaire
européenne, parmi toutes ses organisations partenaires habituelles
dans le cadre de la mission internationale d’observation des élections (MIOE),
à observer l’élection présidentielle. La délégation de l’Assemblée
s’est réunie à Belgrade du 31 mars au 3 avril 2017. Elle a rencontré
en particulier des candidats et représentants de candidats, le chef
de la mission d’évaluation des élections du Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) et des membres
de son équipe, des membres de la Commission électorale de la République,
des représentants d’organisations et de missions internationales
ainsi que des représentants de la société civile et des médias.
Le programme des réunions de la commission ad hoc figure en annexe
2. La commission ad hoc tient à remercier le personnel du Bureau
du Conseil de l’Europe à Belgrade pour sa coopération et l’efficacité
de son assistance.
4. Le jour du scrutin, la commission ad hoc s’est scindée en
sept équipes, chacune observant l’élection dans un nombre limité
de bureaux de vote à Belgrade et dans les environs, ainsi qu’à Novi
Sad, Užice, Kragujevac, Kraljevo, Valjevo, Požarevac et Pančevo.
5. La commission ad hoc a conclu que le jour du scrutin avait
été calme, le vote bien organisé et que les électeurs avaient pu
faire leur choix librement, même si quelques manquements procéduraux
ont été constatés. Au cours de la campagne électorale, tous les
candidats à l’élection présidentielle ont pu faire campagne librement,
sans subir de restrictions importantes. Cela étant, la couverture
médiatique de la campagne n’a jamais été aussi déséquilibrée en
faveur du candidat de la coalition au pouvoir, bien que la législation
prévoie l’égalité d’accès aux médias de tous les candidats à l’élection
présidentielle. Le candidat de la coalition au pouvoir a bénéficié
de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne, ce qui a
pénalisé ses adversaires. La déclaration publiée après l’élection
est reproduite en annexe 3.
2. Cadre juridique et contexte politique
6. Le cadre juridique est composé
de la Constitution de Serbie de 2006, de la loi sur l’élection du
Président de la République, de la loi sur le financement des activités
politiques (amendée la dernière fois en octobre 2014), et des lois
sur les médias électroniques et sur l’information du public et les
médias. Ce cadre juridique constitue dans l’ensemble une base solide
pour la conduite d’élections démocratiques.
7. La législation électorale a été considérablement amendée en
2011, suivant largement en cela les recommandations formulées dans
l’avis conjoint de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH de
mars 2011
.
Par contre, les principales recommandations exprimées dans l’avis
conjoint de 2014 sur la loi sur le financement des activités politiques
sont
pour l’essentiel restées lettre morte.
8. D’après la loi, les campagnes électorales sont financées par
des fonds publics et par les partis, les candidats eux-mêmes et
des dons privés. Le financement par des sources étrangères, gouvernementales, publiques
et anonymes est interdit. Un particulier peut effectuer annuellement
un don ne pouvant excéder 20 salaires moyens mensuels, et une entité
juridique peut faire de même à hauteur de 200 salaires mensuels. Cette
limite est doublée en année électorale.
9. La loi interdit également la collecte de fonds au profit d’une
entité politique (article 13). En 2014, la Commission de Venise
et l’OSCE/BIDDH ont publié un avis conjoint sur les amendements
à la loi sur le financement des activités politiques qui a été ensuite
adopté par l’Assemblée nationale en novembre 2014. Cet avis conjoint
de 2014 formulait notamment quatre recommandations principales:
- inclure dans la loi des dispositions
et des lignes directrices sur le mandat autonome de l’Agence de
lutte contre la corruption, en particulier sur ses compétences à
appliquer une série de mesures contre les comportements illégaux,
tout en ajoutant des dispositions qui garantissent des sanctions proportionnées;
- réexaminer le niveau du financement public;
- envisager l’introduction d’une limitation des dépenses
totales de campagnes et d’un plafond de financement des partis;
- abaisser les limites concernant le financement privé des
particuliers et des sociétés privées.
10. Au cours des réunions à Belgrade le 31 mars 2017, plusieurs
interlocuteurs ont informé la délégation de l’Assemblée que ces
recommandations n’avaient pas encore été intégralement prises en
compte et que le système réglementaire n’assurait pas la transparence
et la responsabilité du financement de la campagne électorale. La
délégation de l’Assemblée, dans son rapport sur l’observation des
élections législatives anticipées en Serbie (24 avril 2016), avait
fait remarquer que «cette insécurité juridique engendre des difficultés
dans la mise en œuvre des dispositions de la loi sur le financement
des activités politiques». Elle avait également souligné que «ce
manque de transparence dans l’allocation de financement privé a
souvent été critiqué par différents interlocuteurs de la société
civile. Sur un plan général, il semble que le soutien accordé par
le milieu des affaires profite en priorité à la majorité au pouvoir,
et pénalise par conséquent les partis d’opposition. La limitation
des dépenses de campagne demandée par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH
pourrait atténuer le risque de niveau disproportionné des dépenses
d’un parti à l’autre»
.
11. Le Président est élu pour cinq ans et peut exercer au maximum
deux mandats. Un candidat doit obtenir plus de 50 % des suffrages
exprimés pour être élu au premier tour. A défaut, un deuxième tour
est organisé dans les 15 jours entre les deux candidats ayant obtenu
le plus grand nombre de voix. Le candidat qui recueille le plus
de voix au second tour est élu.
12. Depuis 2000, l’Assemblée a observé toutes les élections présidentielles
et législatives en Serbie. A l’issue des dernières élections législatives
anticipées du 24 avril 2016, les partis et coalitions suivants siègent au
parlement: la coalition menée par le Parti progressiste serbe (SNS)
– 131 sièges; la coalition menée par le Parti socialiste de Serbie
(SPS) – 29 sièges; le Parti radical serbe (SRS) – 22 sièges; la
coalition menée par le Parti démocratique (DS) – 16 sièges; le mouvement
«Enough is Enough» – 16 sièges; le Parti démocrate serbe – 13 sièges;
la coalition du Parti libéral démocrate de Serbie (LDP), du Parti
social-démocrate et de la Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine
(LSV) – 13 sièges.
13. Suite aux élections législatives anticipées qui se sont déroulées
en Serbie le 24 avril 2016, la délégation de l’Assemblée avait conclu
que les électeurs ont pu exercer un véritable choix dans le respect
de leurs libertés fondamentales et les citoyens de Serbie ont fait
librement leur choix entre un grand nombre de partis politiques. Cependant,
elle avait relevé plusieurs points préoccupants, dont «les règles
peu claires concernant la vérification des signatures et l’absence
de transparence de ce processus» (déjà critiquées par l’Assemblée dans
son rapport d’observation des élections de 2014), l’utilisation
abusive par les partis sortants des avantages administratifs incombant
à leurs fonctions; des pressions et des intimidations exercées sur
des électeurs, en particulier sur des agents de la fonction publique;
une couverture médiatique en faveur des partis au pouvoir malgré
un environnement médiatique ouvert; [et] le manque de transparence
pleine et entière du financement des partis politiques et de la
campagne électorale». Elle a noté par ailleurs que «si, sur le plan légal,
la “culture” des élections anticipées ne pose pas de problème, il
n’en reste pas moins que l’on peut s’interroger sur l’impact que
des élections systématiquement anticipées ont sur le fonctionnement
efficient du parlement selon le mandat constitutionnel, indépendamment
des forces politiques qui sont au pouvoir»
.
14. A l’issue des élections législatives anticipées, juste avant
l’expiration du délai légal, en août 2016, le nouveau gouvernement
de la République de Serbie a été formé par Aleksandar Vučić.
15. Le 2 mars 2017, le Président du Parlement serbe a annoncé
que l’élection présidentielle se tiendrait le 2 avril 2017. Bon
nombre des interlocuteurs de la délégation d’observation de l’Assemblée
ont estimé que la campagne pour l’élection présidentielle était
courte. La convocation des élections a été précédée par de longues
discussions pour décider qui serait le candidat du parti au pouvoir,
le Parti progressiste serbe, à briguer la présidence. Bien qu’étant
éligible, le Président en place, Tomislav Nikolić, a annoncé qu’il
ne se représenterait pas. Le Premier ministre, Aleksandar Vučić,
a décidé de se présenter au poste suprême bien qu’il ait affirmé
précédemment ne pas envisager de présenter sa candidature. La candidature
du Premier ministre a bénéficié du soutien du Parti progressiste
serbe et d’autres membres de la coalition au pouvoir.
16. Le fait qu’Aleksandar Vučić, candidat à la présidence, occupe
la fonction de Premier ministre n’est pas contraire à la loi, même
si à cet égard, de nombreux candidats et d’autres interlocuteurs
de la délégation de l’Assemblée ont exprimé des préoccupations.
La délégation de l’Assemblée, dans sa déclaration publiée à l’issue
de sa mission, a précisé que «le candidat de la coalition au pouvoir
a bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne,
ce qui a pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs
de la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources
administratives au cours de la campagne».
17. Certains candidats potentiels de l’opposition ont annoncé
leur candidature avant même la convocation de l’élection. Plusieurs
partis politiques ont appelé à la désignation d’un candidat unique
de l’opposition, mais l’opposition n’a pas réussi à parvenir à un
consensus sur un candidat commun.
3. Administration
des élections, listes électorales et enregistrement des candidats
18. L’élection présidentielle a
été gérée par un système à deux niveaux, comprenant la Commission électorale
de la République (CER) et 8 396 bureaux de vote. Selon la CER, 53
bureaux de vote étaient ouverts à l’étranger et 90 au Kosovo*
.
Malgré les recommandations de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH,
il n’existe pas de niveau intermédiaire de l’administration électorale,
c’est-à-dire à l’échelon régional
.
19. La CER est un organe permanent chargé de préparer et de conduire
les élections, composé de membres permanents (dont le secrétaire
de la Commission et un représentant de l'Institut national de la statistique
de Serbie, qui ne disposent ni l’un ni l’autre du droit de vote)
nommés pour un mandat renouvelable de quatre ans par l’Assemblée
nationale. Les membres permanents (hormis le représentant de l'Institut national
de la statistique) représentent les groupes parlementaires et en
respectent les proportions. Dans sa composition étendue – en période
électorale – la CER compte également un représentant désigné par
chaque candidat au scrutin. Ces membres «élargis» disposent des
mêmes droits et obligations que les membres permanents. La délégation
d’observation de l’Assemblée estime que cette composition de la
CER conduit à une politisation excessive de l’administration électorale,
au détriment de sa neutralité.
20. Les bureaux de vote sont composés selon le même principe que
la CER, de trois membres permanents et de leurs suppléants, ainsi
que, dans leur composition élargie, de membres et suppléants désignés
par les candidats et nommés par la CER. Dans ses précédents rapports
d’observation, l’Assemblée avait remarqué la présence de nombreuses
personnes sans identification précise dans les locaux exigus des
bureaux de vote. Pour l’élection présidentielle du 2 avril 2017,
ce problème a été résolu et tous les membres des bureaux arboraient
un badge d’identification.
21. Selon de nombreux interlocuteurs de la délégation de l’Assemblée,
la Commission électorale de la République a réalisé un travail transparent
et efficace et les candidats ont globalement exprimé leur confiance en
son action.
22. Un candidat à l’élection présidentielle peut être désigné
par un parti politique, une coalition de partis ou un groupe de
citoyens et doit recueillir au minimum 10 000 signatures d’électeurs
soutenant sa candidature
. Les
candidats autoproclamés ne sont pas acceptés. L’enregistrement des
candidats commence dès la convocation de l’élection et s’achève
20 jours avant la date du scrutin, ce qui ne laisse potentiellement
que 10 jours pour l’enregistrement. La CER publie au journal officiel
la liste des candidats au plus tard 15 jours avant la date du scrutin
.
23. L’enregistrement des candidats a été réalisé dans le cadre
d’un «processus inclusif». La CER a informé la délégation de l’Assemblée
qu’une personne s’était vue refuser son enregistrement en raison
d’un défaut de signatures de soutien et d’autres documents indispensables.
Onze candidats ont ainsi été enregistrés et habilités à participer
au premier tour de scrutin: Aleksandar Vučić, (Parti progressiste
serbe – SNS); Miroslav Parović (Mouvement populaire de la liberté);
Saša Radulović (Enough is enough (DJB)); Boško Obradović (Dveri);
Vuk Jeremić, candidat indépendant (soutenu par: Nouvelle Serbie,
Ensemble pour la Serbie, le Parti social-démocrate, le Mouvement
populaire de Serbie); Vojislav Šešelj (Parti radical serbe – SRS);
Aleksandar Popović (Parti démocratique de Serbie); Luka Maksimović
– candidat indépendant, «Ljubisa Preletacevic Beli, Beli – Samo
jako»; Milan Stamatović, candidat indépendant, «For Healthier Serbia
– Milan Stamatović»; Saša Janković – candidat indépendant (soutenu
par le Parti démocratique, le Nouveau parti, l’Union sociale-démocrate,
et plusieurs mouvements civiques) et Nenad Čanak (Ligue des sociaux-démocrates
de Voïvodine (LSV)). Les 11 candidats ont été invités à rencontrer
la délégation d’observation de l’Assemblée, mais seuls cinq candidats
et/ou leurs représentants ont répondu à l’invitation.
24. La délégation d’observation de l’Assemblée a noté avec satisfaction
que, contrairement aux scrutins précédents, aucune préoccupation
majeure n’a été exprimée quant à l’enregistrement des candidatures
et aux procédures de vérification des signatures de soutien.
25. Le droit de vote actif est accordé à tout citoyen de plus
de 18 ans, disposant de la capacité juridique et domicilié en Serbie.
Depuis l’entrée en vigueur, en 2012, de la loi sur la circonscription
électorale unique, un registre électoral électronique unifié a été
employé et sert de source de données unique pour l’établissement de
la liste électorale de chaque bureau de vote. L’enregistrement des
électeurs est un acte passif, les électeurs n’ayant aucune action
à entreprendre pour être inclus dans la liste électorale. Le ministère
de l’Administration publique et de l’Autonomie locale assure la
maintenance et la mise à jour du registre électoral à partir des registres
municipaux et des demandes des électeurs. Quinze jours avant le
scrutin, la liste électorale ne peut plus être modifiée. Après cette
date, des changements peuvent être apportés par la Commission électorale
de la République jusqu’à 48 heures avant le jour de l’élection.
26. La CER a informé la délégation d’observation de l’Assemblée
que pour l’élection présidentielle du 2 avril, 6 724 949 électeurs
étaient enregistrés, dont 11 590 personnes votant à l’étranger.
Conformément aux amendements de 2011 à la loi électorale, les électeurs
peuvent s’enregistrer pour voter dans un lieu de résidence temporaire
ou à l’étranger. L’exactitude de la liste électorale des citoyens
serbes résidant au Kosovo et des communautés roms a soulevé des
préoccupations.
4. Campagne
électorale et environnement médiatique
27. La campagne de l’élection présidentielle
a officiellement démarré le 2 mars, elle a été calme, sans violence
et brève. Tous les candidats à l’élection présidentielle ont pu
faire campagne librement, sans subir de restrictions importantes.
Selon de nombreux candidats et leurs représentants que la délégation
de l’Assemblée a rencontrés, le candidat de la coalition au pouvoir
a bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne,
ce qui a pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs
de la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources
administratives au cours d’une campagne dominée par les questions économiques,
sociales et de sécurité, l’intégration européenne et la lutte contre
la corruption.
28. L’élection présidentielle a été principalement caractérisée
par une campagne de dénigrement. Selon des représentants d’organisations
non gouvernementales (ONG) et d’autres interlocuteurs, elle s’est transformée
en un référendum «en faveur» ou «contre» le Premier ministre Aleksandar
Vučić. Tout ceci a créé une atmosphère dominée parfois par les discours
de haine et l’intolérance.
29. La législation prévoit l’égalité d’accès aux médias de tous
les candidats à l’élection présidentielle. Néanmoins, cette élection
présidentielle a une nouvelle fois démontré que la couverture médiatique
et la transparence du financement de la campagne soulevaient de
sérieuses préoccupations. Concernant la couverture médiatique de
la campagne, elle est régie par la loi sur l'information publique
et les médias, la loi relative au service public de radiodiffusion
et la loi sur les médias électroniques. Les dispositions de la loi
sur l'information publique et les médias garantissent le pluralisme
des médias
. L’article 47 établit le
cadre de l’identification des menaces susceptibles de peser sur
le pluralisme des médias. En cas de menace de ce type pesant sur
la presse, il est de la responsabilité du ministre de l’Information
d’engager une procédure à l’encontre du média concerné. Au sein
du cadre juridique qui garantit sur un plan général la liberté et
le pluralisme des médias, cette disposition peut s’avérer problématique
car sa mise en œuvre dépend d’un membre du pouvoir exécutif.
30. L’Assemblée, dans ses précédents rapports d’observation des
élections, s’est montrée très critique à l’égard de la couverture
médiatique des élections en Serbie. Malheureusement, bon nombre
des préoccupations graves dans ce domaine n’ont pas été résolues.
Si le cadre juridique actuel semble moderne et assurer une bonne
protection de la liberté d’expression et de la liberté des médias,
sa mise en œuvre reste un problème majeur, surtout en période électorale.
Le problème systémique clé est la structure de propriété des médias.
Beaucoup de médias sont la propriété de l’Etat, que ce soit à l’échelon
local, régional ou national. Le nouvel ensemble de lois requiert
la privatisation des médias détenus par l’Etat. Mais, comme l’a
souligné l’Agence de lutte contre la corruption
, lorsque les médias relèvent du
secteur privé, le problème principal devient la transparence de
la structure de propriété. Le manque de transparence des structures
de propriété mène à un manque de transparence des sources de financement,
permettant le développement de connexions entre médias, structures
politiques et grandes entreprises.
31. L’Etat reste la principale source de financement des médias
par le biais de l’achat d’espace publicitaire, l’octroi de subventions
du budget de l’Etat, le financement direct de projets grâce au mécanisme
nouvellement établi d’appel à projets
,
et les allègements fiscaux. Selon divers interlocuteurs de la délégation
de l’Assemblée, cette situation peut altérer l’indépendance et le
pluralisme des médias, et potentiellement favoriser la majorité
au pouvoir.
32. Beaucoup de candidats à la présidence et de représentants
d’ONG et de la communauté des médias ont informé la délégation de
l’inégalité de traitement médiatique dont avaient été victimes les
candidats à l’élection. Les activités des candidats ont fait l’objet
d’une couverture relativement équitable dans les programmes du service
public sur les premières chaînes de la Radio-Télévision de Serbie
(RTS, dirigée par l’Etat) et la Radio-Télévision de Voïvodine (RTV).
Aleksandar Vučić a été le candidat le plus présent dans la presse
et les médias électroniques, notamment à la une des quotidiens.
Selon des études menées par diverses associations de médias de Serbie,
les partis de la coalition au pouvoir et leur candidat ont occupé
une place considérable dans les programmes d’information des principales
chaînes de télévision: sur les 30 676 secondes consacrées aux activités
pré-électorales des candidats sur sept chaînes de télévision, 58,45 %
ont été dévolues à Vučić, 6,99 % à Vuk Jeremić et 6,75 % à Saša
Janković. En plus de sa position de candidat à l’élection présidentielle,
Aleksandar Vučić est également apparu dans les médias en sa qualité
de Premier ministre.
33. Concernant la couverture médiatique de la campagne électorale,
la délégation d’observation de l’Assemblée a souligné à l’issue
du scrutin, dans sa déclaration, que la couverture médiatique de
la campagne n’avait jamais été aussi déséquilibrée en faveur du
candidat de la coalition au pouvoir et que la surveillance du traitement
médiatique (y compris électronique) pendant la campagne n’avait
pas été efficace. Le candidat de la coalition au pouvoir a bénéficié
de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne, ce qui a
pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs de
la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources administratives
au cours de la campagne.
5. Jour
du scrutin
34. Le jour du scrutin, les membres
de la délégation de l’Assemblée se sont rendus dans un nombre limité de
bureaux de vote à Belgrade et dans les environs, ainsi qu’à Novi
Sad, Užice, Kragujevac, Kraljevo, Valjevo, Požarevac et Pančevo.
Le jour du scrutin a été calme et le vote bien organisé. Les électeurs
ont pu faire leur choix librement, même si quelques manquements
procéduraux et techniques ont été constatés dans les bureaux de
vote visités:
- présence d’un
grand nombre de personnes dans des bureaux de vote souvent trop
exigus;
- la conception des isoloirs – particulièrement la fragilité
des cloisons – n'était pas de nature à assurer le secret du vote.
Néanmoins, aucune tentative pour tirer profit de cette anomalie
n'a été mentionnée. Le même problème avait déjà été rapporté à l‘occasion
des élections législatives anticipées d’avril 2016;
- dans certains des bureaux de vote visités, les urnes n'étaient
pas correctement scellées;
- de façon générale, les bureaux de vote n'étaient pas accessibles
aux personnes handicapées. Néanmoins, ces dernières pouvaient voter
depuis chez elles (vote avec urne mobile);
- des cas isolés de non-respect des procédures de dépouillement
dans certains bureaux de vote ont été observés, pour l’essentiel
dans les localités rurales;
- des cas isolés de vote familial dans certains bureaux
de vote;
- des cas de présence de représentants du SNS dans certains
bureaux de vote et aux alentours, à Pančevo, dans le but d’influencer
les électeurs;
- des cas très limités de présence de citoyens observateurs.
35. Le 5 avril, la Commission électorale de la République a annoncé
les résultats de l’élection présidentielle. Aleksandar Vučić a remporté
le scrutin avec 55,02 % des voix. Les autres candidats ont obtenu
les résultats suivants: Saša Janković – 16,36 %; Luka Maksimović
– 9,43 %; Vuk Jeremić 5,65 %; Vojislav Šešelj – 4,51 %. Les autres
candidats ont recueilli moins de 3 % des voix. Le taux de participation
a été de 54,57 %. Du fait de certaines irrégularités, la CER a décidé
d’organiser de nouvelles élections le 11 avril dans un bureau de
vote de chacune des municipalités de Backa Palanka et Zrenjanin.
6. Conclusions
et recommandations
36. La commission ad hoc de l’Assemblée
a conclu que le jour du scrutin a été calme, et le vote bien organisé;
les électeurs ont pu faire leur choix librement, même si quelques
manquements procéduraux et techniques ont été constatés dans un
nombre limité de bureaux de vote visités le 2 avril 2017.
37. La délégation d’observation de l’Assemblée a souligné que
l’élection ne se limite pas au jour du scrutin et qu’en ce qui concerne
la campagne électorale, si les candidats ont pu faire librement
campagne sans subir de restrictions importantes, le candidat de
la coalition au pouvoir a cependant bénéficié de sa fonction de Premier
ministre pendant la campagne, ce qui a pénalisé ses adversaires.
De plus, de nombreux interlocuteurs de la délégation ont déploré
l’utilisation abusive des ressources administratives au cours de
la campagne.
38. Alors que le cadre juridique constitue dans l’ensemble une
base solide pour la conduite d’élections démocratiques s’il est
appliqué de bonne foi, la Commission de Venise du Conseil de l'Europe
avait déjà noté dans le passé que la législation gagnerait à être
révisée en profondeur pour combler les lacunes et clarifier les dispositions
ambiguës. La plupart des recommandations de la Commission de Venise
n’ont pas été appliquées, en particulier celles qui concernent le
processus de résolution des litiges électoraux et la nécessité d’adopter
des dispositions efficaces pour prévenir et sanctionner l’utilisation
abusive des ressources administratives et l’abus de pouvoir.
39. L’Assemblée, dans ses précédents rapports d’observation des
élections, s’est montrée extrêmement critique à l’égard de la couverture
médiatique des élections en Serbie. Malheureusement, beaucoup de préoccupations
graves dans ce domaine n’ont pas été résolues. Si le cadre juridique
actuel semble moderne et assurer une bonne protection de la liberté
d’expression et de la liberté des médias, sa mise en œuvre reste un
problème majeur, surtout en période électorale. La délégation d’observation
de l’Assemblée a souligné que la couverture médiatique de la campagne
n’avait jamais été aussi déséquilibrée en faveur du candidat de
la coalition au pouvoir. En outre, la surveillance du traitement
médiatique (y compris électronique) pendant la campagne n’a pas
été efficace.
40. Concernant le financement de la campagne électorale, la délégation
de l’Assemblée a rappelé que de nombreuses recommandations n’ont
pas encore été suivies d’effet et que la Commission de Venise avait recommandé
en particulier d’inclure dans la loi sur l’élection du Président
de la République des dispositions sur le mandat autonome de l’Agence
de lutte contre la corruption, de réexaminer le niveau du financement public;
d’envisager l’introduction d’une limitation des dépenses totales
de campagnes et d’un plafond de financement des partis et d’abaisser
les limites concernant le financement privé des particuliers et
des sociétés privées. Toutes ces recommandations, si elles sont
mises en œuvre, peuvent réduire le risque de dépenses disproportionnées
des partis.
41. La délégation d’observation de l’Assemblée estime que le système
actuel de composition de la Commission électorale de la République
pourrait mener à une politisation excessive de l’administration électorale,
au détriment de sa neutralité. Cela étant, la CER a réalisé un travail
transparent et efficace. L’enregistrement des candidats a été complet
et aucun grief majeur n’a été signalé au sujet de l’exactitude des listes
électorales.
42. La délégation d’observation de l’Assemblée a identifié un
certain nombre d’irrégularités et de lacunes au cours du processus
électoral du scrutin présidentiel. La Serbie a besoin d’améliorer
son cadre juridique en matière électorale, ainsi que certaines pratiques
électorales, en tenant compte des enseignements tirés des élections
passées, afin de renforcer la confiance des citoyens dans les élections
démocratiques. Ce travail devrait être accompli dans le cadre de
la procédure de suivi de l’Assemblée et en étroite coopération avec
la Commission de Venise.
Annexe 1 – Composition
de la commission ad hoc
(open)
Sur la base des propositions des groupes
politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme
suit:
- Ingebjørg GODSKESEN
(Norvège CE), Présidente
Groupe du Parti populaire européen
(PPE/DC)
- Giuseppe
GALATI, Italie
- Jordi ROCA, Espagne
- Egidijus VAREIKIS, Lituanie
- Adão SILVA, Portugal
Groupe socialiste (SOC)
- Paolo CORSINI, Italie
- Renata DESKOSKA, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
- Luis Alberto ORELLANA, Italie
- Predrag SEKULIĆ, Monténégro
Groupe des conservateurs européens
(CE)
- Ingebjørg GODSKESEN,
Norvège
- Arkadiusz MULARCZYK, Pologne
Alliance des démocrates et des
libéraux pour l’Europe (ADLE)
- Eerik-Niiles KROSS, Estonie
- Anne MULDER, Pays-Bas
Secrétariat
- Chemavon CHAHBAZIAN, Chef de
la Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
- Danièle GASTL, Assistante, Division de l’observation des
élections et de la coopération interparlementaire
- Gaël MARTIN-MICALLEF, Conseiller juridique, Commission
de Venise
Annexe 2 – Programme
de la mission d’observation de l’élection présidentielle
(open)
Vendredi
31 mars 2017
09h00 – 09h45 Réunion de la commission ad hoc:
- Ouverture par Ingebjørg Godskesen,
Chef de la délégation
- Briefing sur le cadre juridique par le membre et le secrétariat
de la commission de Venise
10h00 – 10h30 Interventions par les chefs des bureaux internationaux
en Serbie:
- Andrea Orizio, Chef
de la mission de l’OSCE en Serbie
- Oskar Benedikt, Adjoint au chef de la délégation de l’Union
européenne en Serbie
10h30 – 11h30 Réunion avec le chef de la mission d’observation
des élections du BIDDH/OSCE en Serbie et des membres de son équipe:
- Ambassadeur Alexandre Keltchewsky,
chef de mission (France)
- Tatyana Hilsher Bogussevich, chef de mission adjointe
(Kazakhstan)
- Armen Mazmanyan, analyste juridique (Arménie)
- Andreas Raab, analyste politique (Allemagne)
- Vania Angeluova, analyste des élections (Bulgarie)
- Ivan Godarsky, analyste des médias (République slovaque)
11h45 – 12h30 Réunion avec des représentants de la société
civile:
- Sonja Biserko, Comité
Helsinki pour les droits de l'homme
- Rasa Nedeljkov, Center for Research, Transparency and
Accountability (CRTA)
- Emilija Brkic, CESID
- Ana Janković Jovanović, Comité des juristes pour les droits
de l’homme (YUCOM)
13h45 – 14h45 Réunion avec Tamara Skrozza, Conseil de la presse
15h00 – 15h45 Réunion avec des représentants de la Commission
électorale de la République
16h00 – 20h00 Réunion avec les candidats à l’élection présidentielle:
- Marija Obradović et Aleksandra
Djurović, représentantes du Parti progressiste serbe (SNS)
- Miroslav Parović, Mouvement populaire de la liberté
- Vuk Jeremić, candidat indépendant (soutenu par: Nouvelle
Serbie, Ensemble pour la Serbie, le Parti social-démocrate, le Mouvement
populaire de Serbie)
- Vojin Biljic, membre du comité électoral de Saša Radulović,
Enough is enough (DJB)
Samedi 1er avril
2017
10h00 – 10h30 Milan Stamatović, candidat indépendant, “For
Healthier Serbia – Milan Stamatović”
11h00 – 12h00 Réunion de la commission ad hoc:
- Exposé de Tim Cartwright, Chef
du bureau du Conseil de l’Europe à Belgrade
- Informations du Secrétariat; déploiement; réunion avec
les chauffeurs et interprètes
Dimanche 2 avril 2017
06h30 – 07h30 Observation de l’ouverture des bureaux de vote
08h00 – 20h00 Observation des élections
20h00 Observation de la fermeture des bureaux de vote, dépouillement
et présentation des résultats
Lundi 3 avril 2017
09h00-11h00 Débriefing par les membres de la commission ad
hoc sur l’observation des élections et préparation de la déclaration
Annexe 3 – Déclaration
de la commission ad hoc
(open)
Élection présidentielle
en Serbie: Déclaration de la délégation d’observation de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe
Belgrade, 03.04.2017 – À l’invitation des autorités serbes,
une délégation multipartite de l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe (APCE) a observé l’élection présidentielle qui s’est
déroulée en Serbie le 2 avril 2017. Depuis l'an 2000, l'Assemblée
a observé toutes les élections législatives et présidentielles en Serbie.
Hier, la délégation de l’APCE s’est rendue dans un nombre
limité de bureaux de vote à Belgrade et dans les environs, ainsi
qu’à Novi Sad, Užice, Kragujevac, Kraljevo, Valjevo, Požarevac et
Pančevo. Le jour du scrutin a été calme et le vote bien organisé.
Les électeurs ont pu faire leur choix librement, même si quelques manquements
procéduraux ont été constatés.
De nombreux candidats et d’autres interlocuteurs de la délégation
de l’APCE ont souligné que la couverture médiatique de la campagne
n’avait jamais été aussi déséquilibrée en faveur du candidat de
la coalition au pouvoir, bien que la législation prévoie l’égalité
d’accès aux médias de tous les candidats à l’élection présidentielle.
En outre, la surveillance du traitement médiatique (y compris électronique)
pendant la campagne n’a pas été efficace.
La délégation de l’Assemblée a noté que la campagne s’était
généralement déroulée dans un climat pacifique. Tous les candidats
à l’élection présidentielle ont pu faire campagne librement, sans
subir de restrictions importantes. Le candidat de la coalition au
pouvoir a bénéficié de sa fonction de Premier ministre pendant la campagne,
ce qui a pénalisé ses adversaires. De plus, de nombreux interlocuteurs
de la délégation ont déploré l’utilisation abusive des ressources
administratives au cours d’une campagne dominée par les questions économiques,
sociales et de sécurité, l’intégration européenne et la lutte contre
la corruption.
Alors que le cadre juridique constitue dans l’ensemble une
base solide pour la conduite d’élections démocratiques s’il est
appliqué de bonne foi, la Commission de Venise du Conseil de l'Europe
a déjà noté dans le passé que la législation gagnerait à être révisée
en profondeur pour combler les lacunes et clarifier les dispositions
ambiguës. La plupart des recommandations de la Commission n’ont
pas été appliquées, en particulier celles qui concernent le processus
de résolution des litiges électoraux et la nécessité d’adopter des dispositions
efficaces pour prévenir et sanctionner l’utilisation abusive des
ressources administratives et l’abus de pouvoir.
Un grand nombre de candidats à l’élection présidentielle et
d’autres interlocuteurs ont fait part de leur inquiétude au sujet
du système disproportionné de financement des partis politiques
et des campagnes électorales. À ce propos, la délégation de l’Assemblée
rappelle que l’APCE, dans ses différentes résolutions, et la Commission
de Venise, dans ses avis, ont recommandé à maintes reprises aux
autorités serbes de réduire le niveau des financements publics et
privés et de plafonner les dépenses générales de campagne et le
financement des partis. Par ailleurs, il n’y a pas de mécanismes
juridiques effectifs qui permettraient d’accroître la transparence
et le contrôle du financement des partis politiques et des campagnes
électorales, ainsi que l’obligation de rendre des comptes dans ce
domaine.
La Commission électorale de la République a réalisé un travail
transparent et efficace et les candidats ont globalement exprimé
leur confiance en son action. L’enregistrement des candidats a été
complet et aucun grief majeur n’a été signalé au sujet de l’exactitude
des listes électorales.
La délégation a rencontré les candidats à l’élection présidentielle
ou leurs représentants ainsi que des représentants de la Commission
électorale de la République, de la mission d’évaluation de l’OSCE/BIDDH, des
organisations internationales, de la société civile et des médias.