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Résolution 2183 (2017)

Évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement de Jordanie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 10 octobre 2017 (31e séance) (voir Doc. 14399 et addendum, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteure: Mme Josette Durrieu; et Doc. 14412, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Andrea Rigoni). Texte adopté par l’Assemblée le 10 octobre 2017 (31e séance).

1. Le 26 janvier 2016, l’Assemblée parlementaire adoptait la Résolution 2086 (2016) sur la demande de statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement de Jordanie, par laquelle elle octroyait à celui-ci le statut de partenaire pour la démocratie. Le Parlement de Jordanie est ainsi devenu le quatrième parlement à demander et à se voir attribuer ce statut mis en place par l’Assemblée en 2009 pour développer la coopération institutionnelle avec les parlements d’États voisins du Conseil de l’Europe.
2. En adressant sa demande officielle pour obtenir ce statut, le Parlement de Jordanie a déclaré qu’il partageait les mêmes valeurs que celles défendues par le Conseil de l’Europe et a pris une série d’engagements politiques, conformément à l’article 64.2 du Règlement de l’Assemblée. Ces engagements sont énoncés au paragraphe 3 de la Résolution 2086 (2016).
3. En outre, l’Assemblée a estimé, au paragraphe 9 de la résolution susmentionnée, qu’un certain nombre de mesures spécifiques étaient essentielles pour renforcer la démocratie, l’État de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales en Jordanie. Elle a souligné que l’avancement des réformes était le but principal du partenariat pour la démocratie et constituait le critère d’évaluation de son efficacité.
4. L’Assemblée juge important que les Jordaniens veuillent moderniser et stabiliser leurs institutions politiques pour se positionner fermement sur la voie démocratique. Elle suit avec attention les réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques et juridiques qui continuent d’être poursuivies en Jordanie, sous l’impulsion du roi Abdallah II, malgré l’instabilité dans la région et aux frontières du pays.
5. Comme l’Assemblée l’a déjà souligné, la guerre en Syrie a provoqué un afflux sans précédent de réfugiés en Jordanie. Ce petit pays fait un effort considérable pour les accueillir dans des conditions convenables. L’Assemblée félicite de nouveau vivement la Jordanie pour ses efforts et son hospitalité exemplaire. Elle appelle une fois de plus instamment la communauté internationale à accroître son soutien aux autorités jordaniennes, soit directement, soit par le biais des organisations internationales actives sur le terrain, et note avec satisfaction que plus de 700 millions d’euros ont été alloués à la Jordanie par l’Union européenne.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée:
6.1. se félicite des efforts déployés par le Parlement de Jordanie pour essayer de respecter les engagements politiques pris en tant que partenaire pour la démocratie, malgré les difficultés et obstacles liés à l’instabilité dans la région;
6.2. considère comme positive la poursuite des réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques et juridiques, notamment dans les domaines de la justice, des partis politiques, de la décentralisation et de l’éducation, et encourage la Jordanie à poursuivre dans cette voie;
6.3. se félicite de l’adoption de la nouvelle loi électorale et de la tenue d’élections législatives anticipées le 20 septembre 2016, qu’elle avait été invitée à observer. Elle a regretté le faible taux de participation mais a noté avec satisfaction que ces élections ont été libres et bien organisées, même si les forces tribales et financières sont restées dominantes. Elle note aussi le fait que la représentation des femmes au parlement a sensiblement progressé;
6.4. se félicite également de la tenue d’élections locales, municipales et de gouvernorats le 15 août 2017, selon la nouvelle législation de décentralisation. Ce processus électoral, au demeurant complexe, s’est correctement déroulé. Ces élections ont été libres et bien organisées, même si les forces tribales et financières sont restées dominantes. Il faut également regretter le faible taux de participation, bien qu’on note avec satisfaction que la représentation des femmes, notamment des jeunes, a fortement progressé et confirme le mouvement important de l’entrée des femmes en politique. Tout en notant que les compétences des conseils ne sont pas encore clairement définies et que leurs ressources relèvent en partie de dotations de l’État, l’Assemblée considère que cette volonté de décentralisation est un progrès;
6.5. regrette que l’article 6.1 de la Constitution jordanienne, qui établit une discrimination envers les femmes, n’ait pas été révisé;
6.6. se félicite de la modification du Code pénal jordanien, notamment de la suppression de l’article 308 qui stipulait qu’un violeur ne serait pas sujet à des poursuites judiciaires s'il épousait sa victime; de la révision de l’article 98, qui réduisait la peine pour les crimes d’honneur si le crime était «impulsif»; mais regrette que l’article 340 du Code pénal, qui exempte de peine les hommes qui ont tué leurs épouses, ou une femme de leur famille, prises en flagrant délit d'adultère, et qui réduit la peine s’il y a présomption d’adultère concernant la victime, n’ait pas été supprimé;
6.7. reconnaît les efforts entrepris, notamment par les organisations de femmes, pour promouvoir la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, pour lutter contre la discrimination fondée sur le genre, pour assurer une égalité effective entre les femmes et les hommes, et pour lutter contre la violence sexiste. Elle appelle les autorités jordaniennes à agir de manière résolue contre ce fléau, en coopération avec la société civile et plus spécifiquement les organisations de femmes;
6.8. regrette que les tribunaux aient continué de prononcer des condamnations à la peine capitale, alors qu’un moratoire de fait sur les exécutions est censé être en place depuis 2006. En décembre 2014, la Jordanie avait procédé à l’exécution de 11 hommes, un mois plus tard elle a exécuté 2 prisonniers et, le 4 mars 2017, elle a encore procédé à l’exécution de 15 personnes. L’Assemblée condamne fermement toute forme de peine capitale. Elle invite instamment le Parlement de Jordanie à intervenir auprès des autorités pour mettre un terme aux exécutions et à réinstaurer le moratoire en attendant l’abolition de la peine de mort dans le Code pénal, conformément à l’attente de l’Assemblée lors de l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie;
6.9. salue le caractère généralement libre et pluraliste des médias en Jordanie, mais déplore une certaine pression des autorités, qui mène à l’autocensure;
6.10. note positivement les efforts menés dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Ces efforts sont à soutenir et à poursuivre.
7. L’Assemblée rappelle sa Résolution 2122 (2016) sur la détention administrative, qui souligne l’importance du droit à la liberté et à la sûreté, et rappelle que la détention purement préventive de personnes soupçonnées d’avoir l’intention de commettre une infraction pénale n’est pas autorisée par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme. Elle réitère par conséquent l’appel qu’elle avait adressé au Parlement jordanien pour qu’il prenne des mesures en faveur de l’abolition de la détention administrative dans des situations qui ne respectent pas le droit à la liberté et à la sûreté, garanti par la Convention, ainsi que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel la Jordanie est Partie.
8. L’Assemblée appelle le Parlement de Jordanie à accélérer la mise en œuvre de son engagement général pour la promotion des valeurs fondamentales de l’État de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tout en s’attelant résolument aux problèmes qui existent dans ces domaines, y compris ceux que signalent les organisations de la société civile et les médias. L’Assemblée offre, sur demande, son assistance à la délégation jordanienne, pour lui permettre d’exercer pleinement son droit de participation aux travaux de l’Assemblée.
9. L’Assemblée rappelle que, en accordant le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement de Jordanie, elle souhaitait favoriser le rapprochement et la coopération entre la Jordanie et le Conseil de l’Europe. Ces relations ne se sont toutefois pas établies réellement. L’expertise des organes du Conseil de l’Europe (Assemblée, Secrétariat, Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), Congrès des pouvoirs locaux et régionaux) est à la disposition des autorités jordaniennes pour aider au renforcement des droits de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie en Jordanie.
10. L’Assemblée regrette vivement que, depuis l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie, la Jordanie n’ait adhéré à aucune convention ou accord partiel du Conseil de l’Europe, pas davantage qu’aux instruments internationaux pertinents en matière de droits de l’homme, comme l’Assemblée l’avait demandé.
11. Cependant, l’Assemblée salue la participation active de la délégation parlementaire jordanienne aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions. Cela permet à l’Assemblée de se tenir informée de l’évolution politique du pays dans le sens des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe. Elle encourage les membres de la délégation à rester vigilants et à jouer un rôle actif dans la mise en œuvre du processus de réformes nécessaires à l’établissement de l’État de droit, et au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, conformément aux engagements pris dans le cadre du partenariat.
12. Même si les réformes avancent plus lentement que prévu, des réformes essentielles ont été réalisées, tant sur le plan de la démocratie et des élections prévues que sur le plan de la décentralisation ou sur le plan social (les lois favorables aux femmes). L’Assemblée doit donc soutenir la Jordanie en ces moments difficiles, et poursuivre et élargir son accompagnement dans une démarche progressive et de confiance vers plus de démocratie et plus de droits. La Jordanie et l’Europe ont tout à gagner de ce partenariat. La Jordanie est sur la bonne voie.
13. En conclusion, l’Assemblée décide de continuer à suivre de très près la mise en œuvre des réformes en Jordanie et d’offrir toute son assistance au Parlement jordanien. Elle réévaluera ce partenariat dans un délai de deux ans à compter de l’adoption de la présente résolution.