Rapport | Doc. 11467 | 18 décembre 2007
La nécessité de préserver le modèle sportif européen
(Ancienne) Commission de la culture, de la science et de l'éducation
Résumé
Le modèle sportif européen est profondément ancré dans la société civile européenne et est l’expression de la culture et de l’attitude européennes à l’égard des valeurs du sport. Il s’agit d’un modèle démocratique servant à garantir que le sport reste ouvert à tous, fondé sur les principes jumeaux de solidarité financière et d’ouverture des compétitions.
Le développement sans précédent de la dimension économique de certains sports professionnels, notamment en raison des droits de retransmission télévisée, met en péril ce modèle sportif européen.
Pour sauvegarder les intérêts du sport et les bienfaits que le sport, aussi bien professionnel qu’amateur, dispense à la société, l’Assemblée parlementaire invite les gouvernements des Etats membres à soutenir le modèle sportif européen en reconnaissant la spécificité du sport et en protégeant l’autonomie des fédérations sportives.
Elle appelle aussi les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à adhérer à l’Accord partiel élargi sur le sport.
A. Projet de résolution
(open)B. Exposé des motifs, par M. José Luís Arnaut
(open)1. Principales caractéristiques du modèle européen
2. Traits distinctifs du sport – Une «activité commerciale» pas comme les autres
3. Autonomie et bonne gouvernance
4. Le développement du sport comme «activité commerciale» et son internationalisation accrue
5. Autres problèmes: les matches truqués, les paris illégaux et la corruption
6. Racisme et xénophobie
7. Violence
8. Dopage
9. Conclusions
Annexe – Compte rendu de l’audition tenue au Conseil de l’Europe (Strasbourg, 14 septembre 2007)
(open)L’audition est ouverte à 10 h 45 par M. Schneider (France), président de la sous-commission, qui souhaite la bienvenue à tous les participants.
M. Arnaut (Portugal), rapporteur, remercie les représentants des organisations sportives internationales de leur présence. L’Europe a des valeurs communes qui sont reconnues à l’échelon mondial: la culture, les droits de l’homme et le sport. Il invite les participants à l’aider à recenser les questions sur lesquelles l’Assemblée devrait se pencher pour préserver le modèle sportif européen.
Le modèle sportif européen est démocratique, ouvert, fondé sur la promotion/relégation des équipes et sur la solidarité financière; il a une structure pyramidale. Le sport est différent des autres activités économiques et a besoin, par conséquent, de règles spécifiques. A l’heure de la mondialisation et des pressions économiques, les paris illégaux, le racisme, la xénophobie, les matches arrangés et la corruption figurent au nombre des principaux problèmes auxquels se heurte le sport. Il faut préserver l’autonomie des organismes sportifs et assurer leur bonne gouvernance.
Avec ce rapport, le Conseil de l’Europe devrait adresser un signal politique fort.
M. Weingärtner, directeur de la Jeunesse et du Sport, présente les travaux du Conseil de l’Europe en matière de sport et notamment l’Accord partiel élargi sur le sport, signé en mai 2007.
M. Pescante, membre du conseil exécutif du Comité international olympique (CIO), souligne que le monde du sport attend beaucoup des institutions européennes et notamment du Conseil de l’Europe qui a une base beaucoup plus large que l’Union européenne (UE). Sans les travaux du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre le dopage, la création de l’AMA n’aurait pas été possible. M. Arnaut a présenté un excellent rapport qui est, toutefois, axé en grande partie sur le football professionnel: il devrait être à présent étendu au football non professionnel et à d’autres sports. Les problèmes mentionnés n’existent pas dans la plupart des sports. Ces problèmes sont souvent engendrés par les spectateurs et non par les athlètes.
Dans le monde entier, la plupart des sports sont organisés selon une structure pyramidale. Il convient, toutefois, de préserver des valeurs fondamentales, comme l’autonomie et la spécificité. Le Conseil de l’Europe pourrait faire beaucoup pour sensibiliser les gouvernements et les parlements nationaux aux millions de bénévoles qui travaillent dans le domaine du sport.
M. Arnaut insiste sur le fait que le modèle sportif européen est différent du modèle américain. En Europe, le football occupe une place prépondérante et, par conséquent, ses problèmes sont beaucoup plus visibles. Il convient que le sport continue à jouer un rôle dans la lutte contre le racisme et la xénophobie.
M. Champagne, délégué aux affaires spéciales, Fédération internationale de football association (FIFA), estime que le modèle européen est en fait un modèle mondial. Il est menacé car beaucoup de personnes veulent exploiter le sport au lieu de le servir. On observe déjà certaines conséquences, comme le manque de jeunes joueurs européens (car les clubs préfèrent engager des joueurs confirmés d’autres continents plutôt que de former de jeunes Européens). Les problèmes étant mondiaux, leur solution ne peut pas être seulement européenne. Les institutions européennes devraient s’occuper du manque d’harmonisation fiscale qui, par exemple, donne un avantage notable aux clubs britanniques et a des incidences sur les résultats sportifs. La liberté de circulation a pour conséquence d’avantager les clubs qui ont un plus grand nombre de joueurs non locaux. Ces treize dernières années, la FIFA a demandé sans succès la reconnaissance de la spécificité du sport.
M. Poczobut, de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF), fait observer que les débats tournent autour des mêmes idées depuis plus de dix ans. L’Europe peut partager ses valeurs avec d’autres régions du monde, comme dans le cas de la lutte contre le dopage qui a donné lieu à la création de l’AMA à l’initiative des pays européens. Une branche spéciale d’Interpol devrait être créée pour s’occuper de ce problème. En outre, l’Europe devrait prendre des mesures concernant le financement public du sport en général et non pas seulement du football.
M. Gaillard, directeur de la communication et des affaires publiques, Union des associations européennes de football (UEFA), représente également la FIBA Europe (basket-ball), l’EHF (handball), l’IIHF (hockey sur glace) et la CEV (volleyball). La pollution du sport par l’argent ne se limite pas au football; la Formule 1, le tennis et le golf, par exemple, mobilisent aussi des moyens financiers considérables. Le rapport de
M. Arnaut ouvre des perspectives intéressantes. L’injection massive de fonds non européens dans le sport européen en vue de constituer des fortunes rapidement est inquiétante et il y a toujours des menaces de fermeture de ligues. L’ingérence de la justice est également préoccupante: la Cour européenne de justice a récemment refusé de reconnaître la spécificité du sport lorsqu’elle a délibéré sur le nombre de grammes de nandrolone qui constitue le seuil au-delà duquel on peut considérer qu’il y a effectivement dopage. Il est pourtant urgent que la spécificité du sport soit reconnue.
M. Arnaut rappelle que le Conseil de l’Europe n’a pas de pouvoir exécutif. Il espère que le représentant de la présidence du Conseil de l’UE rapportera à l’UE les propos tenus dans cette enceinte. Un autre exemple de la mauvaise influence de l’argent sur le sport est la déclaration du club français de football Paris Saint-Germain selon laquelle le but du club pour l’année en cours est d’obtenir 8 % de retour sur investissement plutôt que de gagner le championnat.
M. Géveaux (France) regrette le manque de cohérence entre les différents systèmes juridiques européens. Il faudrait prendre des mesures pour empêcher une personne ou une institution de posséder plus d’un club. Le Conseil de l’Europe joue un rôle important dans l’AMA, mais il a besoin du soutien des fédérations sportives.
M. Gjeloshaj, directeur des services éducatifs, Fédération internationale du sport universitaire (FISU), estime que la plupart des rapports concernent les sports qui attirent l’attention des médias. Le rôle que le sport pourrait jouer dans l’éducation n’est pas assez mis en avant. Il faut veiller à ce que les stades ne deviennent pas des lieux de non-droit, ce qui se produirait si, par exemple, les racistes avaient le sentiment d’être libres, dans ces enceintes, d’exprimer leur point de vue.
Mme Brasseur (Luxembourg) relève que la présente réunion est marquée par un déséquilibre entre les sexes qui illustre le fait que les organismes sportifs restent largement l’affaire des hommes. Elle est favorable à une large autonomie des fédérations sportives qui, cependant, ne devraient pas adopter des règlements trop stricts comme ceux qui ont, de fait, empêché l’organisation de matches de football au Luxembourg. Elle a participé à la réunion des ministres européens du Sport lorsqu’ils ont examiné la question de l’intégration du sport dans le traité constitutionnel européen. Au Luxembourg, la loi ne prévoit pas de sanctions contre les athlètes, car l’application des sanctions est considérée comme relevant de la compétence des fédérations.
M. Gaillard l’assure de la solidarité de l’UEFA.
M. Verbruggen, président par intérim de l’Association générale des fédérations internationales du sport (AGFIS/ GAISF), souligne que les problèmes ne sont pas spécifiques au sport, mais concernent l’ensemble de la société. Le rapport de
M. Arnaut est trop centré sur les sports d’équipe et notamment sur le football. La FIFA, l’UEFA et les deux ou trois autres grandes fédérations sportives sont à mille lieues des 60 ou 70 fédérations sportives qui n’ont pas assez de moyens humains ou financiers. La plupart d’entre elles ont un personnel composé de 9 à 15 personnes et nombre d’entre elles sont beaucoup plus petites que leurs membres nationaux.
M. Arnaut déclare qu’il n’avait pas l’intention de s’intéresser au sport professionnel au détriment du sport amateur. Il est bien conscient des problèmes particuliers des petites fédérations. Cependant, si petites soient-elles, ces fédérations devraient fonctionner dans la transparence et avec professionnalisme.
M. Bertels, directeur exécutif de la Fédération internationale de hockey (FIH), informe les participants que sa fédération compte 122 associations membres, dont 42 en Europe. Seules 13 personnes composent le personnel de la FIH. Il se demande dans quelle mesure le modèle sportif européen doit être prioritaire par rapport aux besoins des autres continents. Il importe que le sport reste intéressant, comme l’a affirmé M. Arnaut au paragraphe 9 de son rapport, et qu’il exporte ses valeurs vers d’autres continents. Par ailleurs, il n’est pas d’accord sur les problèmes recensés dans le rapport.
M. Arnaut rappelle que le Conseil de l’Europe est une organisation européenne et que, par conséquent, son rapport aborde le sport dans une perspective européenne. Il demande à
M. Bertels de faire une autre proposition en indiquant les problèmes qu’il convient de traiter selon sa fédération.
M. Ryan, directeur de l’Association des fédérations internationales des jeux d’été (ASOIF), souligne que le modèle sportif européen doit être envisagé dans le contexte mondial.
M. Mazzi, président de l’Union européenne de motocyclisme (UEM), déplore que les participants s’appesantissent outre mesure sur les sports d’équipe et pas assez sur les sports individuels. Il attire leur attention sur le fait que des lois environnementales trop contraignantes risquent de tuer certains sports. Par ailleurs, une harmonisation fiscale s’impose au niveau européen.
M. Legendre (France), président de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, complimente les participants pour la qualité et la franchise du débat.
M. Geistlinger, secrétaire général de l’Union internationale de biathlon (IBU), se demande comment l’Europe peut offrir un modèle sportif attrayant pour les autres continents sans risquer de perdre ses propres valeurs.
M. Guillaume, président de la Fédération internationale de billard et de snooker (IBSF), déclare que sa fédération est composée à 100 % d’amateurs et compte 38 millions de joueurs rien qu’en Chine. En Angleterre, il existe une ligue professionnelle liée à Eurosport qui ne suit pas du tout le modèle sportif européen. Le terme «bénévole», qui est un élément clé du sport européen, ne figure pas dans le rapport. Certains pays sont dépourvus de traditions démocratiques, ce qui a une incidence sur le sport.
M. Pescante remercie les organisateurs de l’audition et appelle à la poursuite du dialogue. Le monde du sport est le meilleur allié du Conseil de l’Europe s’agissant d’éduquer les jeunes. Le Conseil de l’Europe est qualifié pour appeler les gouvernements à éviter de s’ingérer dans le sport. Le racisme, même dans le domaine du sport, relève du droit.
M. Arnaut remercie tous les participants pour le dialogue ouvert et constructif qu’ils ont pu avoir.
M. Schneider clôt l’audition à 13 h 30.
Liste des participants
Assemblée parlementaire du Conseil de Europe
M. José Luís Arnaut, Portugal, rapporteur Mme Anne Brasseur, Luxembourg
Mme Ase Gunhild Woie Duesund, Norvège
M. Jean-Marie Gevaux, France Mme Sinikka Hurskainen, Finlande
M. Luchezar Ivanov, Bulgarie
M. Jacques Legendre, président, commission de la culture, de la science et de l’éducation, France
Mme Maria Manuela Melo, Portugal
M. Edward O’Hara, Royaume-Uni
M. Azis Pollozhani, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
Lord Russell Russell-Johnston, Royaume-Uni
M. André Schneider, président de la sous-commission de la jeunesse et du sport, France
Experts
M. Hans Bertels, directeur exécutif de la Fédération internationale de hockey (FIH)
M. Jérôme Champagne, délégué aux affaires spéciales, Fédération internationale de football association (FIFA)
Mme Monika Flixeder, senior manager, Fédération de handball européen (EHF)
M. William Gaillard, directeur de la communication et des affaires publiques, Union des associations européennes de football (UEFA)
M. Michael Geistlinger, secrétaire général de l’Union internationale de biathlon (IBU)
M. Kolë Gjeloshaj, directeur des services éducatifs, Fédération internationale du sport universitaire (FISU)
M. Pascal Guillaume, président de la Fédération internationale de billard et de snooker (IBSF)
M. Vincenzo Mazzi, président de l’Union européenne de motocyclisme (UEM)
M. Andrew Moger, coordonnateur News Media Alliance et conseiller auprès du Conseil européen des éditeurs
M. Mario Pescante, membre du conseil exécutif du Comité international olympique (CIO)
M. Jean Poczobut, Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF)
M. Andrew Ryan, directeur de l’Association des fédérations internationales des jeux d’été (ASOIF)
M. Hein Verbruggen, président par intérim de l’Association générale des fédérations internationales du sport (AGFIS/ GAISF)
M. José Eduardo Vieira, présidence du Conseil de l’UE, conseiller, secrétariat d’Etat à la jeunesse et au sport (Portugal)
Excusé
Mme Judit Faragó, vice-présidente exécutive, Fédération internationale de tennis de table (ITTF)
Secrétariat du Conseil de Europe
Direction générale IV – Education, Culture et Patrimoine, Jeunesse et Sport:
Direction de la jeunesse et du sport:
M. René Weingärtner, directeur, Direction de la jeunesse et du sport
Mme Ita Mirianashvili, Service du sport
M. Stanislas Frossard, Service du sport
M. Irena Aradavoaicei, Service du sport
Secrétariat de l’Assemblée parlementaire:
M. Christopher Grayson, chef du secrétariat de la commission de la culture, de la science et de l’éducation
M. João Ary, secrétaire de la commission de la culture, de la science et de l’éducation
M. Rüdiger Dossow, co-secrétaire de la commission
Mme Julie Bertalmio, assistante administrative
Mme Sandra Kssis, assistante
Commission chargée du rapport: commission de la culture, de la science et de l’éducation.
Renvoi en commission: Doc. 11159 et Renvoi no 3315 du 16 mars 2007.
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 10 décembre 2007.
Membres de la commission: M. Jacques Legendre (Président), Baroness Hooper, M. Wolfgang Wodarg, Mme Anne Brasseur (Vice-Présidents), M. Hans Ager, M. Kornél Almássy, Mme Donka Banović, M. Lars Barfoed, M. Rony Bargetze, M. Walter Bartoš, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, M. Radu Mircea Berceanu, M. Levan Berdzenishvili, Mme Oksana Bilozir, Mme Guđfinna Bjarnadóttir, Mme Maria Luisa Boccia, Mme Margherita Boniver, M. Ioannis Bougas, M. Ivan Brajović, M. Osman Coşkunoğlu, M. Vlad Cubreacov, M. Ivica Dačić, M. Joseph Debono Grech, M. Ferdinand Devínsky, M. Daniel Ducarme, Mme Åse Gunhild Woie Duesund, M. Detlef Dzembritzki, Mme Anke Eymer, M. Relu Fenechiu, Mme Blanca Fernández-Capel, Mme Maria Emelina Fernández-Soriano, M. Axel Fischer, M. José Freire Antunes, M. Ioannis Giannellis-Theodosiadis, M. Stefan Glǎvan, M. Vladimir Grachev, M. Andreas Gross, M. Raffi Hovannisian, M. Rafael Huseynov, M. Fazail İbrahimli, Mme Halide İncekara, Mme Evguenia Jivkova, M. Morgan Johansson, Mme Liana Kanelli, Mme Cecilia Keaveney, M. Ali Rashid Khalil, M. József Kozma, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Markku Laukkanen, M. Yves Leterme, Mme Jagoda Majska-Martinčević, Mme Milica Marković, M. Tomasz Markowski, Mme Muriel Marland-Militello, M. Andrew McIntosh, M. Ivan Melnikov, Mme Maria Manuela Melo, Mme Assunta Meloni, M. Paskal Milo, Mme Christine Muttonen, Mme Miroslava Nĕmcová, M. Edward O’Hara, M. Kent Olsson, M. Andrey Pantev, Mme Antigoni Papadopoulos, M. Azis Pollozhani, Mme Majda Potrata, M. Lluís Maria de Puig, M. Zbigniew Rau, Mme Anta Rugāte, M. Indrek Saar, M. André Schneider (remplaçant: M. Philippe Nachbar), M. Urs Schweitzer, M. Vitaliy Shybko, Mme Geraldine Smith (remplaçant: M. Robert Walter), Mme Albertina Soliani, M. Yury Solonin, M. Christophe Spiliotis-Saquet, M. Valeriy Sudarenkov, M. Petro Symonenko, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Piotr Wach, M. Emanuelis Zingeris.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.
Voir 7e séance, 24 janvier 2008 (adoption du projet de résolution); et Résolution 1602.