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Rapport | Doc. 11538 | 27 mars 2008

Prévenir la première des violences faites aux enfants: l’abandon à la naissance

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteur : M. Mike HANCOCK, Royaume-Uni, ADLE

Résumé

L’abandon de nouveau-nés est un phénomène qui est loin de se tarir en Europe. C’est un fait complexe qui met en jeu des droits autres que ceux de la mère, à savoir les droits de l’enfant et les droits du père.

L’Assemblée affirme le droit de l’enfant de vivre en famille et son droit de connaître ses origines, droit constitutif de l’être humain et vital pour son développement.

Pour lutter contre l’abandon, l’Assemblée invite les Etats membres à, entre autres, assurer aux femmes le libre choix de la maternité, un accompagnement social et des aides appropriées aux futures jeunes mères et au couple mère-enfant, l’enregistrement gratuit des enfants nouveau-nés et des procédures d’abandon transparentes et équitables aux fins d’adoption.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est consciente que l’abandon d’enfants, notamment de nouveau-nés, a toujours existé et qu’il existera toujours. Il y aura toujours des mères en détresse qui estimeront avoir de très bonnes raisons d’abandonner leur enfant à la naissance (déni de grossesse, grossesse hors mariage, grossesse précoce, pauvreté, VIH/sida, etc.). Il y a eu également par le passé dans certains Etats de l’Europe orientale des politiques qui ont «institutionnalisé» l’abandon d’enfants ou incité à la remise systématique à l’Etat des enfants de parents en difficultés; ces politiques ont laissé des traces dans les mentalités des populations et dans celles des personnels des maternités.
2. L’Assemblée est toutefois préoccupée car aujourd’hui, malheureusement, le phénomène de l’abandon d’enfants est loin de se tarir. Les difficultés économiques, la pauvreté, le VIH/sida font qu’un fort taux d’abandons d’enfants à la naissance perdure dans certains des Etats de l’Europe centrale et orientale et que ce phénomène réapparaît dans les Etats d’Europe occidentale, même s’il n’est certainement pas d’une ampleur comparable.
3. Elle note d’ailleurs que les données sur la problématique sont rares; pour répondre à ce défi par des mesures pertinentes, il importerait de mieux quantifier le problème et de disposer de données chiffrées et notamment une répartition des abandons par sexe. Il convient également de mieux connaître et de définir avec certitude le profil type de la mère qui abandonne son enfant. En Europe occidentale, il semble s’agir le plus souvent de très jeunes femmes sans autonomie (soit d’origine étrangère, migrantes irrégulières, prostituées).
4. L’Assemblée note que l’adoption est devenue un marché et que le manque de bébés adoptables en Occident apparaît comme un facteur aggravant. L’adoption est étroitement liée à la problématique de l’abandon, tout comme le trafic d’enfants. Un reproche souvent avancé par les organisations non gouvernementales est de ne pas suffisamment informer les mères en détresse sur les possibilités qui leur sont offertes et de profiter de leur faiblesse pour favoriser en quelque sorte l’abandon des nouveau-nés.
5. L’abandon d’enfants à la naissance est une question complexe qui par ailleurs met en jeu des droits autres que ceux de la mère: les droits de l’enfant et les droits du père. Il est impossible aujourd’hui d’ignorer les droits de l’enfant, en particulier le droit de l’enfant de vivre dans une famille et le droit de connaître ses origines; il est tout aussi difficile de passer sous silence les droits des pères.
6. L’Assemblée constate qu’en Europe et dans le monde entier, on assiste au retour controversé des tours à bébés du Moyen Age. Dans de nombreux pays, l’abandon d’enfants est considéré comme un crime et ce système est alors perçu par certains comme une incitation à commettre un crime et à déresponsabiliser les mères. Les tenants du système invoquent pour arguments en faveur de sa généralisation la lutte contre l’avortement, la prévention des infanticides, de la maltraitance, de l’abandon des bébés dans les lieux publics et la certitude de voir les enfants adoptés.
7. Pour l’Assemblée, l’abandon de nouveau-nés pose nettement la question de l’accessibilité des femmes – et notamment des femmes migrantes – aux droits sexuels et aux services de santé reproductive. Même lorsque l’interruption volontaire de grossesse est permise, elle reste soumise à de nombreuses formalités administratives qui sont autant d’obstacles pour bien des femmes en détresse.
8. L’Assemblée réaffirme sa position en faveur de la désinstitutionnalisation des enfants abandonnés et de la priorité à donner aux formes alternatives et familiales de prise en charge de ces enfants. Elle réaffirme également que l’adoption nationale doit primer sur l’adoption internationale.
9. L’Assemblée invite les Etats membres:
9.1. à articuler leur politique familiale autour d’un principe intangible et prioritaire: le respect des droits de l’enfant, en particulier le droit de l’enfant de vivre dans sa famille et son droit de connaître ses origines, droit constitutif de l’être humain et vital pour son développement;
9.2. à prévoir un accompagnement des futures mères et des jeunes mères: ce qui implique notamment un suivi médicosocial de la grossesse, la protection contre le virus VIH/sida et des mesures pour prévenir la transmission mère-enfant, l’accompagnement à l’accouchement, la non-séparation de l’enfant de la mère lors de la délivrance, ainsi que le suivi médicosocial postnatal du couple mère-enfant;
9.3. à prendre en compte de façon appropriée la charge financière que représente la venue d’un enfant;
9.4. à reconnaître pleinement le droit des femmes au libre choix de la maternité, ce qui signifie un accès légalisé et facilité aux droits sexuels et aux services de santé reproductive;
9.5. et à porter une attention particulière aux groupes de jeunes filles et femmes particulièrement vulnérables comme les femmes migrantes, les femmes porteuses du VIH/sida, ou les femmes originaires de groupes minoritaires.
10. Les Etats membres sont également invités à élaborer une politique proactive de prévention de l’abandon des nouveau-nés qui:
10.1. bannisse toutes pressions sur la mère et toutes mesures incitatives à l’abandon d’enfant de la part du personnel médical et paramédical ou des autorités gouvernementales;
10.2. prévienne l’abandon sauvage qui met la vie du nouveau-né en danger, par des mesures appropriées comme le développement de structures d’accueil accessibles;
10.3. assure la prévention des maternités précoces et non désirées notamment par l’information et l’éducation sexuelle à l’école;
10.4. assure une meilleure information des mères appartenant en particulier aux groupes vulnérables sur toutes les possibilités offertes pour les aider, notamment financières pour faire face à la charge économique supplémentaire que représente l’enfant;
10.5. et aide à la création et au développement de lieux d’accueil et d’hébergement temporaire du couple mère-enfant.
11. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent inciter les mères à laisser leur identité même si par ailleurs il convient de développer des formes d’accouchement protégé dans la discrétion au bénéfice de la mère. L’enfant ne doit pas être privé de son droit de connaître ses origines, et ce avant même sa majorité.
12. Pour lutter contre le trafic d’enfants nouveau-nés, l’Assemblée recommande que l’enregistrement de tous les enfants à la naissance soit une obligation totalement gratuite pour les parents; des mesures incitatives pour une telle déclaration peuvent être prévues comme l’octroi de primes à la naissance.
13. L’Assemblée demande aux Etats membres de prévoir des procédures transparentes d’abandon des nouveau-nés aux fins d’adoption nationale et internationale; des délais raisonnables doivent permettre à la mère de se rétracter si elle le souhaite et dans toute la mesure du possible le consentement du père ne doit pas être négligé; le recours à l’adoption nationale ou internationale ne doit pas priver l’enfant d’accéder à la connaissance de ses origines ni le lui interdire.
14. Enfin, l’Assemblée considère qu’il y aurait manquement à ses obligations pour tout Etat membre du Conseil de l’Europe qui n’adopterait pas une politique donnant à chaque enfant – quels que soient ses origines et le lieu où il vit – l’opportunité de développer au mieux son potentiel. Chaque Etat doit avoir l’obligation d’assurer à tout instant un environnement familial sécurisé pour chaque enfant que ce soit dans sa propre famille, sa famille d’accueil ou sa famille d’adoption. Aucun enfant ne doit sans nécessité subir de préjudice dans les structures éducatives, sanitaires et sociales disponibles. Un manquement à ces obligations serait indigne de tout Etat et du maintien de sa qualité de membre du Conseil de l’Europe. Le Conseil de l’Europe, dans son ensemble, se doit de s’assurer que chaque Etat assume ses obligations vis-à-vis des enfants et des rapports réguliers doivent être présentés à l’Assemblée quant à leur respect par les Etats membres.

B. Exposé des motifs, par M. Hancock

(open)
1. La proposition «Prévenir la première des violences faites aux enfants: l’abandon à la naissance», Doc. 10921, initialement présentée par Mme Bargholtz (Suède), a été confiée au président de la sous-commission de l’enfant Michael Hancock (Royaume-Uni), nommé rapporteur.
2. Le rapporteur a souhaité adresser un questionnaire directement aux différents Etats membres; il tient tout particulièrement à remercier ses assistantes Mmes Vanessa Metcalf et Ekaterina Zatuliveter, qui grâce à leur travail diligent, ont permis de collecter une vingtaine de réponses (Autriche, Belgique, Bulgarie, République tchèque, Finlande, Grèce, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suisse, Turquie, Royaume-Uni et Ukraine) et d’en tirer quelques enseignements et conclusions.
3. Lors d’une réunion à Berlin, la commission a notamment entendu sœur Chiara, directrice de l’hôpital Saint-Joseph qui a explicité le fonctionnement de la tour à bébés installée en 2001. Le rapporteur a été autorisé à se rendre en visite d’étude en Ukraine (27-30 août 2007). Il remercie les autorités ukrainiennes et tous ses interlocuteurs pour l’accueil qui lui a été réservé et l’intérêt des informations recueillies sur place.
4. L’abandon d’enfants notamment des nouveau-nés a toujours existé et existera toujours. Il y aura toujours des mères en détresse qui estimeront avoir de très bonnes raisons d’abandonner leur enfant à la naissance (déni de grossesse, grossesse hors mariage, grossesse précoce, pauvreté, etc.). Il y a eu également par le passé dans certains Etats de l’Europe orientale des politiques qui ont «institutionnalisé» l’abandon d’enfants ou incité à la remise à l’Etat des enfants de parents en difficultés; ces politiques ont laissé encore des traces dans les mentalités des populations et dans celles des personnels des maternités.
5. Aujourd’hui, malheureusement, il apparaît que le phénomène de l’abandon d’enfants est loin de se tarir. Les difficultés économiques, la pauvreté, le VIH/sida, etc., font qu’un fort taux d’abandons d’enfants à la naissance perdure dans certains des Etats de l’Europe centrale et orientale. Même si, en comparaison, ce phénomène reste relativement mineur dans les Etats d’Europe occidentale, il est également bien réel et semble en augmentation. L’adoption devenue un marché et le manque de bébés adoptables en Occident apparaissent comme des facteurs aggravants.
6. Les données chiffrées nationales quant aux abandons de nouveau-nés semblent rares, voire inexistantes (par exemple en Belgique). On trouve des données statistiques sur les enfants remis aux institutions. Certains Etats avancent que chez eux le phénomène de l’abandon d’enfants nouveau-nés n’existe pas (par exemple en Slovénie et au Liechtenstein) ou est très rare (Finlande). L’Ukraine qui reconnaît la sous-estimation du phénomène (1 549 abandons en 2004 mais 998 seulement en 2006) a récemment décidé d’adopter une gestion informatisée de ces données.
7. Les nouveau-nés sont retrouvés abandonnés dans des poubelles, sur des trottoirs, etc.: on parle alors d’abandon sauvage et les chances de survie des bébés sont minimes; certains ont plus de chance et sont abandonnés de façon anonyme dans une structure prévue à cet effet ou sont de façon légale donnés aux fins d’adoption à l’hôpital ou dans une institution pour enfants.
8. On assiste au retour controversé des tours à bébés du Moyen Age en Europe: en Allemagne, Suisse, Autriche, Hongrie, Slovaquie, Belgique, Italie, des boîtes à bébés sont installées, accessibles de l’extérieur; on peut y déposer le bébé, ce qui déclenche en général une alarme; le bébé est alors pris en charge, soigné, nourri et confié à des parents nourriciers en attendant son adoption. L’enfant est en principe immédiatement enregistré; il reçoit un nom et un prénom.
9. L’Europe n’est pas seule en cause. C’est un phénomène mondial. Le Japon vient de créer le même système dans la ville de Kumamoto. Aux Etats-Unis depuis l’entrée en vigueur des lois «Safe Haven» en 1999, la plupart des Etats permettent la dépose anonyme des bébés (de la naissance jusqu’à un an!) dans certains lieux sécurisés sans risque de poursuites pénales.
10. Le plus souvent une lettre est remise à la mère qui lui indique comment faire pour reprendre son bébé si elle change d’avis et l’informe des diverses aides qui pourraient lui permettre d’assumer la charge de son enfant.
11. Ces boîtes à bébés font l’objet d’une grande controverse; dans beaucoup de pays l’abandon notamment sauvage est considéré comme un crime et ce système est alors perçu par certains comme une incitation à commettre un crime et à déresponsabiliser les mères. Le plus souvent, ces initiatives n’ont pas de base légale (par exemple en Belgique). L’Allemagne a récemment décidé d’en autoriser la publicité.
12. Les tenants du système invoquent pour arguments en faveur de la généralisation de ces boîtes à bébés la lutte contre l’avortement, la prévention des abandons sauvages, celle des infanticides, de la maltraitance et la certitude de voir les enfants adoptés.
13. Ces mêmes arguments valent en faveur de l’accouchement dans l’anonymat qui semble cependant peu répandu. La plupart des Etats connaissent l’obligation légale des parents et notamment de la mère de faire enregistrer l’enfant à sa naissance.
14. Ce genre d’accouchement anonyme trouve son expression extrême en France qui est un des rares pays à connaître depuis longtemps la procédure de l’accouchement sous X. L’accouchement sous X donne à la femme la possibilité d’accoucher dans l’anonymat complet et l’enfant est privé de filiation maternelle et devient adoptable.
15. Récemment pour respecter les droits de l’enfant, et notamment son droit à connaître ses origines (voir la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant de 1989), cette procédure a été quelque peu modifiée: les femmes sont incitées à décliner leur identité sous le sceau du secret et l’enfant devenu adulte pourra ainsi retrouver ses origines, si toutefois la mère en est d’accord. On parle alors d’accouchement dans la discrétion!
16. Il est impossible aujourd’hui d’ignorer les droits de l’enfant; il est tout aussi difficile de passer sous silence les droits des pères. Quid donc des droits du père en cas d’accouchement sous X ou dans la discrétion? Le père n’a rien à dire, il peut ignorer la grossesse et ne participe pas à la décision d’anonymat. Il sera privé de sa paternité. En France, l’accouchement sous X prive en principe le père de tout droit même en cas de reconnaissance de la paternité in utero; ce qui a été remis en cause tout récemment dans un arrêt de la Cour de cassation d’avril 2006 (affaire Peter).
17. La France connaît encore environ 500 accouchements sous X par an, contre les 10 000 cas des années 1960 avant la légalisation de la contraception et de l’avortement.
18. Il est difficile de connaître et de définir avec certitude le profil type de la mère qui abandonne son enfant. En Europe occidentale, il semblerait qu’il s’agit le plus souvent de très jeunes femmes, souvent d’origine étrangère, sans autonomie (soit migrantes irrégulières, soit prostituées ou encore jeunes filles de milieu musulman), qui pour une raison donnée n’ont pu recourir à la contraception et à l’avortement.
19. L’abandon d’enfant pose en effet la question de l’accessibilité des femmes (et notamment des femmes migrantes) à la contraception et à l’avortement. Ce dernier n’est pas dépénalisé dans tous les pays. Même lorsqu’il est permis, il reste soumis à de nombreuses formalités administratives qui sont autant d’obstacles pour bien des femmes en détresse. Dans certains cas et dans certains pays, la clause de conscience des médecins ou encore des délais stricts mis à l’interruption de grossesse peuvent parfois vider de son contenu ce droit reconnu en principe aux femmes.
20. Dans les pays d’Europe centrale et orientale, le nombre d’enfants abandonnés en institutions reste élevé. Le cas de la Roumanie est connu et dans ce pays les mentalités restent encore imprégnées de l’héritage de la dictature communiste en ce qui concerne l’abandon des enfants à l’Etat. Aujourd’hui la pauvreté et l’incapacité pour les parents de faire face à la charge que représente l’enfant expliquent les abandons en nombre. En Ukraine les raisons avancées pour comprendre l’abandon des enfants sont les pressions familiales sur la mère, le défaut de logement ou de ressources suffisantes, le fait que la mère était elle-même enfant abandonnée et les problèmes de drogue ou d’alcoolisme. Dans ce pays persiste parfois une mentalité favorable à l’institutionnalisation, pourvoyeuse d’emplois et de revenus; mais grâce aux efforts actuels du gouvernement, cette tendance est contrecarrée et l’Ukraine connaît de réelles améliorations, tout comme la Roumanie et la Bulgarie. Le rapporteur à ce sujet rappelle ses rapports précédents (Recommandation 1601 (2003), Doc. 9692, et Recommandation 1698 (2005), Doc. 10452) consacrés au sort des enfants en institutions.
21. Il y a également le cas particulier des mères atteintes du virus VIH/sida qui abandonnent leur enfant nouveau-né porteur ou susceptible d’avoir le virus. Ce phénomène touche notamment la Russie, l’Ukraine, la Géorgie, etc. Faute de structures adéquates et du fait de la stigmatisation attachée à la séropositivité, les nouveau-nés sont victimes de ségrégation dans des institutions spécialisées (quand elles existent et à défaut dans les hôpitaux: Human Rights Watch avançait en 2005 le chiffre de 50 % de ces enfants dans ce cas) au motif qu’ils sont alors plus faciles à soigner. Les institutions existantes refusent bien souvent de les accueillir même si c’est illégal; des prétextes sont toujours trouvés!
22. Le plus souvent, ces enfants ne bénéficient pas de l’attention et de l’éducation nécessaires faute de personnel approprié dans ces institutions, et souffrent de retards importants de développement, ce qui est particulièrement dommageable pour tous ces enfants et notamment ceux qui, à 18 mois, ont la chance d’avoir un test VIH qui s’avère finalement négatif.
23. Dans un grand nombre de pays qui ont répondu au questionnaire envoyé par le rapporteur, il semble qu’il existe une obligation légale pour les autorités de rechercher la famille d’origine de l’enfant trouvé abandonné (par exemple en Allemagne, Norvège, Pologne, Slovaquie, Suisse, République tchèque). Toutefois, peu d’information est disponible sur les formes et les délais que prend cette recherche!
24. Le rapporteur n’a pas voulu approfondir ici la question des modalités juridiques très complexes des procédures légales d’abandon des enfants qui mériteraient cependant d’être étudiées en détail, mais dans un autre rapport. Ces procédures comportent des conditions diverses selon les pays. Ces conditions peuvent être orientées selon que l’on veut favoriser ou non la rupture totale ou partielle des liens avec la famille d’origine, favoriser ou non l’adoption des enfants en bas âge ou encore viser à la réinsertion future de l’enfant dans la famille d’origine à plus long terme. Il s’agit là alors de choix relevant de la politique familiale.
25. L’adoption est étroitement liée à la problématique de l’abandon, tout comme le trafic d’enfants. L’adoption est devenue un véritable marché juteux. Les bébés se font rares en Europe de l’Ouest; souvent le reproche est avancé par les associations de ne pas suffisamment informer les mères en détresse sur les possibilités qui leur sont offertes et de profiter de leur faiblesse pour favoriser en quelque sorte l’abandon des nouveau-nés.
26. Le rapporteur a déjà mentionné plus haut les pratiques incitatives à l’abandon qui ont sévi longtemps en Europe centrale et orientale et qui ont laissé des traces dans les mentalités. Les journaux des pays européens font régulièrement état de vente et trafic de nouveau-nés aux fins d’adoption illégale. Le rapporteur a consacré déjà plusieurs rapports à la situation des enfants en institutions et il tient à rappeler que l’adoption nationale, voire internationale, est toujours préférable à l’institutionnalisation des enfants.
27. Compte tenu de la situation alarmante que connaissent certains pays d’Europe centrale et orientale quant aux abandons d’enfants, de nombreuses ONG et organisations internationales comme l’UNICEF sont amenées à créer des centres d’accueil pour offrir aux jeunes mères et à leur enfant un accueil temporaire qui évite l’abandon en institution. L’UNICEF ainsi a créé d’ores et déjà plusieurs centres en Ukraine qui accueillaient en 2006 une soixantaine de femmes et leurs nouveau-nés et dont l’action aboutit à la reconstitution de la vie familiale. Le rapporteur, au cours de son séjour en Ukraine, a visité un tel centre à Cherniliv. La Géorgie connaît des centres de ce type également depuis 2003.

Conclusions

28. L’abandon d’enfants à la naissance est une question complexe qui par ailleurs met en jeu des droits autres que ceux de la mère: les droits de l’enfant et les droits du père. La première constatation à retenir est que les données sur la problématique sont rares: il importerait de quantifier le problème et de disposer de données chiffrées, et notamment une répartition des abandons par sexe. Les raisons de l’abandon sont complexes et varient selon les cas et certaines échappent au domaine politique.
29. Mais en Europe notamment centrale et orientale les principales raisons semblent être la pauvreté, la précarité et l’incapacité de la mère de faire face à la charge économique que représente l’enfant.
30. Cela implique des choix de politique familiale qui prennent en compte la charge financière que représente la venue d’un enfant et le nécessaire suivi de la maternité et accompagnement des jeunes mères.
31. Toutes les mesures proposées devraient s’articuler autour d’un principe intangible et prioritaire: le respect des droits de l’enfant, en particulier le droit de l’enfant de vivre dans sa famille et de connaître ses origines, droit constitutif de l’être humain et vital pour son développement.
32. Une attention particulière devrait être portée à des groupes vulnérables comme les jeunes femmes migrantes, les femmes atteintes du VIH/sida, ou originaires de groupes minoritaires.
33. Une politique proactive de prévention de l’abandon des nouveau-nés devrait:
33.1. bannir toutes pressions sur la mère et toutes mesures incitatives à l’abandon d’enfant de la part du personnel médical et paramédical ou des autorités gouvernementales;
33.2. prévenir l’abandon sauvage qui met la vie du nouveau-né en danger par des mesures appropriées comme le développement de structures d’accueil accessibles;
33.3. refuser de permettre légalement la maternité secrète; il devrait y avoir obligation pour la mère de laisser son identité même si on peut évidemment développer des formes d’accouchement protégé dans la discrétion pour la mère; mais l’enfant ne doit pas être privé de son droit de connaître ses origines et ce même avant sa majorité;
33.4. inciter à l’enregistrement de tous les enfants à la naissance; il doit être une obligation et totalement gratuit pour les parents; des mesures incitatives, notamment l’octroi de primes à la naissance, devraient être prévues. Un système d’allocations financières suffisantes pour charge d’enfants doit être instauré et ce dès le premier enfant;
33.5. prévoir des procédures transparentes d’abandon des nouveau-nés aux fins d’adoption; des délais raisonnables doivent permettre à la mère de se rétracter si elle le souhaite et dans toute la mesure du possible le consentement du père ne doit pas être négligé; le recours à l’adoption nationale et internationale ne doit pas priver l’enfant d’accéder à la connaissance de ses origines ni le lui interdire;
33.6. reconnaître pleinement le droit des femmes au libre choix de la maternité, ce qui signifie un accès légalisé et facilité à la contraception et à l’avortement;
33.7. prévenir les maternités précoces et non désirées par l’information et l’éducation sexuelle notamment à l’école;
33.8. prévoir un accompagnement des futures mères et des jeunes mères: ce qui implique un suivi médicosocial de la grossesse, la protection contre le virus VIH/sida et sa transmission mère-enfant, l’accompagnement à l’accouchement, la non-séparation de l’enfant de la mère lors de la délivrance, ainsi que le suivi médicosocial postnatal du couple mère-enfant;
33.9. assurer une meilleure information des mères appartenant notamment aux groupes vulnérables sur toutes les possibilités offertes pour les aider, notamment financières, pour faire face à la charge économique supplémentaire que représente l’enfant;
33.10. et aider à la création de lieux d’accueil et d’hébergement temporaire du couple mère-enfant.

Commission chargée du rapport: commission des questions sociales, de la santé et de la famille.

Renvoi en commission: Doc. 10921 et Renvoi no 3244 du 26 juin 2006.

Projet de résolution adopté par la commission le 14 mars 2008.

Membres de la commission: Mme Christine McCafferty (Présidente), M. Denis Jacquat (1er Vice-Président), Mme Minodora Cliveti (2e Vice-Présidente), M. Konstantinos Aivaliotis, M. Farkhad Akhmedov, M. Vicenç Alay Ferrer, Mme Sirpa Asko-Seljavaara, M. Jorodd Asphjell, M. Lokman Ayva, M. Zigmantas Balčytis, M. Miguel Barceló Pérez, M. Andris Bērzinš, M. Jaime Blanco García, M. Roland Blum, Mme Olena Bondarenko, Mme Monika Brüning, Mme Bożenna Bukiewicz, M. Igor Chernyshenko, M. Imre Czinege, Mme Helen D’Amato, M. Karl Donabauer, Mme Daniela Filipiová, M. Ilija Filipović, M. André Flahaut (remplaçant: M. Philippe Monfils), M. Paul Flynn, Mme Pernille Frahm, Mme Doris Frommelt, M. Renato Galeazzi, M. Henk van Gerven, Mme Sophia Giannaka, M. Stepan Glăvan, M. Marcel Glesener, M. Luc Goutry (remplaçant: Geert Lambert), Mme Claude Greff, M. Michael Hancock, Mme Olha Herasym’yuk, M. Vahe Hovhannisyan, M. Ali Huseynov, M. Fazail Ibrahimli, Mme Evguenia Jivkova, Mme Marietta Karamanli (remplaçant: M. Jean-Paul Lecoq), M. András Kelemen, M. Peter Kelly, Baroness Knight of Collingtree, M. Haluk Koç, M. Slaven Letica, M. Andrija Mandić, M. Michal Marcinkiewicz, M. Bernard Marquet, M. Ruzhdi Matoshi (remplaçant: M. Aziz Pollozhani), Mme Liliane Maury Pasquier, M. Donato Mosella, M. Felix Müri, Mme Maia Nadiradzé, Mme Carina Ohlsson, M. Peter Omtzigt, Mme Vera Oskina, Mme Lajla Pernaska, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Cezar Florin Preda, Mme Adoración Quesada Bravo (remplaçante: Mme Bianca Fernández-Capel), Mme Vjerica Radeta, M. Walter Riester, M. Andrea Rigoni, M. Ricardo Rodrigues, Mme Maria de Belém Roseira, M. Alessandro Rossi, Mme Marlene Rupprecht, M. Indrek Saar, M. Fidias Sarikas, M. Andreas Schieder, M. Ellert B. Schram, M. Gianpaolo Silvestri, Mme Svetlana Smirnova (remplaçant: M. Vladimir Zhidkikh), Mme Anna Sobecka, Mme Šojdrová, Mme Darinka Stantcheva, M. Oleg Ţulea, M. Alexander Ulrich, M. Mustafa Ünal, M. Milan Urbáni, Mme Nastaša Vučković, M. Victor Yanukovych, Mme Barbara Žgajner-Tavš.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.