1. Introduction
1. En janvier 2004, l’Assemblée
parlementaire a adopté la
Résolution
1366 (2004) et la
Recommandation 1649
(2004). Dans ces textes, elle confirme la nécessité de maintenir
la procédure de sélection qu’elle a mise au point en 1996. Elle
a, dans ce contexte, mis l’accent sur la nécessité d’avoir des candidats
ayant le niveau requis pour l’exercice de la fonction de juge en
vertu de l’article 21 de la Convention européenne des droits de l’homme
(«CEDH») et sur le besoin de respecter l’équilibre homme-femme.
2. En mars 2005, la
Résolution
1366 (2004) a été amendée par la
Résolution 1426 (2005) selon laquelle l’Assemblée prend en considération les
listes comportant des candidats d’un seul sexe, si les candidats appartiennent
au sexe sous-représenté à la Cour (moins de 40 % du total des juges).
3. Selon le libellé actuel de la résolution, la souscommission
sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme
n’a d’autre choix que de préconiser de rejeter une liste ne comportant
que des candidats du même sexe, s’il s’agit du sexe surreprésenté.
4. Le 5 octobre 2006, avec plusieurs de mes collègues, j’ai déposé
une proposition de résolution (
Doc. 11067) pour permettre des dérogations exceptionnelles à la
règle existante. Lors de sa réunion du 6 octobre 2006, la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme a soutenu cette
proposition, dans laquelle nous avons suggéré l’ajout d’une phrase
au paragraphe 3.ii de la
Résolution
1366 (2004), telle qu’amendée par la Résolution 1426 (2005). En
même temps, la commission m’a nommée rapporteuse dans l’hypothèse
qu’elle soit saisie pour rapport.
5. S’étant penché sur cette question, le Bureau de l’Assemblée
a chargé la commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles de lui rendre un avis à ce sujet.
6. Dans son avis du 25 janvier 2007, la commission du Règlement,
des immunités et des affaires institutionnelles a indiqué que «si
l’Assemblée a clairement défini, dans sa
Résolution 1366 (2004) modifiée, la procédure d’examen des candidatures des
juges à la Cour européenne des droits de l’homme et les critères auxquels
les listes de candidats doivent satisfaire, alors on ne peut pas
changer la procédure sans modifier formellement cette résolution.
Toute modification de la procédure nécessite donc que l’Assemblée
elle-même en décide, sur la base d’un nouveau rapport et d’un nouveau
projet de résolution qui lui serait soumis pour adoption» (voir
document AS/Pro (2007) 02 rév.).
7. Lors de sa réunion du 26 janvier 2007, après avoir examiné
l’avis de la commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles, le Bureau a décidé de charger la commission des
questions juridiques et des droits de l’homme de préparer un rapport
sur la base de la proposition de résolution susmentionnée (
Doc. 11067).
8. Le même jour, notre commission a été saisie, pour rapport,
et la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les
hommes, pour avis.
10. Le 17 juillet 2007, le Comité des Ministres a demandé à la
Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») de donner, conformément
à l’article 47 de la Convention européenne des droits de l’homme,
un avis consultatif en particulier sur la question du refus de l’Assemblée
d’examiner une liste de candidats au poste de juge à la Cour de
Strasbourg du seul fait de considérations de sexe.
11. Le 12 février 2008, la Cour a dégagé la conclusion suivante:
«En ne permettant aucune exception à la représentation du sexe sous-représenté,
la pratique actuelle de l’Assemblée parlementaire n’est pas conforme à
la Convention: là où une Partie contractante a pris toutes les mesures
nécessaires et adéquates en vue d’assurer la présence du sexe sous-représenté
sur sa liste mais sans succès, et à plus forte raison quand elle a
suivi les recommandations de l’Assemblée préconisant une procédure
ouverte et transparente avec appel à candidatures (paragraphe 22
ci-dessus), l’Assemblée ne saurait rejeter la liste en question
pour la seule raison que cette présence n’est pas réalisée» et «il
faut dès lors que des exceptions au principe de la présence obligatoire
du sexe sous-représenté soient formulées dès que possible»
.
12. Par la suite, j’ai présenté, avec plusieurs de mes collègues,
une nouvelle proposition de résolution (
Doc. 11532) pour permettre des dérogations exceptionnelles à la
règle existante. Le 18 avril 2008, le Bureau a renvoyé cette question
à notre commission pour rapport et à la commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes pour avis. Le 2 juin 2008,
la commission m’a nommée rapporteuse.
2. Modifier la Résolution 1366 (2004) pour prendre en compte des circonstances exceptionnelles
13. Dans sa réponse à la
Recommandation 1649 (2004), le Comité des Ministres a indiqué que «dans certaines
circonstances exceptionnelles,
du fait de l’application scrupuleuse des cinq autres critères [énoncées
au paragraphe 19 de la Recommandation], une Partie contractante
pourrait se trouver dans l’obligation de soumettre une liste comportant
des candidats d’un seul sexe, dérogeant ainsi à cette règle (…) Dans
ce contexte, le Comité souligne qu’une telle obligation pourrait
dans certaines circonstances engendrer des difficultés à satisfaire
aux exigences de l’article 21 de la Convention» (
Doc. 10506, soulignement ajouté).
14. Par conséquent, le Comité des Ministres a invité l’Assemblée
«à considérer la possibilité de modifier ses propres règles afin
de permettre des dérogations exceptionnelles à
la règle lorsque les autorités de la Partie contractante concernée
présentent des arguments convaincants au Comité des Ministres ou
à l’Assemblée selon lesquels, pour satisfaire aux conditions requises
concernant les qualifications individuelles des candidats, ils ne
peuvent pas faire autrement que de soumettre une liste de candidats
d’un seul sexe» (à nouveau, soulignement ajouté).
15. L’Assemblée dans son ensemble, et sa sous-commission sur l’élection
des juges à la Cour européenne des droits de l’homme en particulier,
attachent une grande importance à l’équilibre des sexes à la Cour. L’Assemblée
a défini des critères pour veiller à ce que les listes comportent
des candidats du sexe sous-représenté à la Cour. Au fil des années,
le maintien de cette position s’est révélé efficace et le nombre
de femmes juges à la Cour a augmenté de façon significative
.
16. La rapporteuse se félicite du soutien que la Cour accorde
à cette politique. De fait, cette dernière estime que le souci de
l’Assemblée «de réaliser un certain équilibre entre les sexes ou
les professions juridiques représentées par une liste ou au sein
de la Cour» est «légitime»
.
17. La Cour souligne que «ce critère procède d’une politique de
reconnaissance de l’égalité des sexes, laquelle politique reflète
l’importance de cette égalité dans la société contemporaine et le
rôle que jouent l’interdiction de la discrimination et les mesures
de discrimination positive en vue d’atteindre cet objectif. Or les mesures
dont il s’agit en l’espèce relèvent bien de cette dernière catégorie.
On observe par ailleurs un large consensus sur la nécessité de favoriser
l’équilibre des sexes au sein de l’Etat et dans les emplois publics nationaux
ou internationaux, y compris dans l’appareil judiciaire»
.
18. Telles sont précisément les raisons qui expliquent l’exigence
de l’inclusion de candidats de chaque sexe (sauf quand les candidats
appartiennent au sexe sousreprésenté à la Cour), comme l’Assemblée parlementaire
l’a prévu à l’article 3.ii de la
Résolution 1366 (2004), telle que modifiée par la
Résolution 1426 (2005) .
19. Cependant, au vu des difficultés pouvant être rencontrées
dans l’examen d’une liste présentant une caractéristique ne laissant
d’autre choix procédural que d’en proposer le rejet – alors que
cette caractéristique pourrait se justifier exceptionnellement,
en prenant en considération le respect des autres critères de sélection des
juges définis par l’Assemblée –, une dérogation à la règle devrait
être envisagée.
20. En effet, le respect d’un seul des critères définis par l’Assemblée
dans sa procédure de sélection des juges peut, poussé à l’excès,
avoir pour effet contraire de ne pas assurer le respect des autres
critères de sélection.
21. On retiendra dans ce contexte le paragraphe 49 du rapport
explicatif du Protocole no 14 à la Convention européenne des droits
de l’homme qui précise que: «Il a été décidé de ne pas amender le
premier paragraphe de l’article 22 de manière à ce que les listes
de trois candidats présentés par les Hautes Parties contractantes contiennent
impérativement des candidats des deux sexes, car cela aurait pu
nuire à la priorité qui doit être accordée aux compétences des candidats
potentiels. Toutefois, les Parties devraient faire tout leur possible pour
que leurs listes contiennent à la fois des candidats des deux sexes».
au principe de la présence obligatoire d’un candidat du sexe sous-représenté
soient formulées dès que possible».
22. De plus, dans son avis au Comité des Ministres du 12 février
2008, la Cour précise «en ne permettant aucune exception à la représentation
du sexe sous-représenté, la pratique actuelle de l’Assemblée parlementaire
n’est pas conforme à la Convention: là où une Partie contractante
a pris toutes les mesures nécessaires et adéquates en vue d’assurer
la présence du sexe sous-représenté sur sa liste mais sans succès, et
à plus forte raison quand elle a suivi les recommandations de l’Assemblée
préconisant une procédure ouverte et transparente avec appel à candidatures
(paragraphe 22 ci-dessus), l’Assemblée ne saurait rejeter la liste
en question pour la seule raison que cette présence n’est pas réalisée»
et «il faut dès lors que des exceptions
23. Dès lors qu’un Etat a fait tout son possible pour que la liste
comporte aussi des membres du sexe sousreprésenté – mais sans succès
du fait de l’obligation de satisfaire aux autres critères – et qu’il
peut justifier cet état de fait par des explications objectives
et raisonnables, l’Assemblée devrait se réserver la possibilité, sous
des conditions strictement définies et dans des cas tout à fait
exceptionnels, d’accepter une telle liste.
24. L’Etat visé devra prouver qu’il a pris toutes les mesures nécessaires et adéquates pour assurer
la présence du sexe sous-représenté sur la liste, mais qu’il n’a
pas été en mesure de trouver un candidat de ce sexe qui réponde
aux exigences du paragraphe 1 de l’article 21 de la CEDH.
25. La rapporteuse s’attend à ce que les critères définis par
l’Assemblée – un certain nombre desquels a été reconnu comme tels
par la Cour
–
soient remplis par les candidats. Ces critères pourraient aussi
être renforcés par l’Assemblée dans le futur
.
26. Il existe une hiérarchie claire entre les différents critères
pour cette fonction. La Cour reconnaît à l’Assemblée une certaine
latitude à prendre en compte des critères additionnels
, cependant il est
évident que les exigences de l’article 21, paragraphe 1, restent
sine qua non
.
La Cour note avec justesse que bien que «les Parties contractantes
[aient] certes accepté en principe de présenter des candidats du
sexe sous-représenté à la Cour», il s’agit d’une obligation «de
moyens, pas d’une obligation de résultat»
.
27. Un refus automatique de telles listes reviendrait à réduire
la faculté de l’Assemblée à se décider entre trois candidats répondant
aux autres critères de sélection. Tous les candidats figurant sur
une liste doivent remplir les conditions de l’article 21, paragraphe
1, afin de garantir que l’Assemblée ait un réel choix
. Toute obligation automatique
d’inclure dans la liste un candidat de sexe féminin ou masculin,
même si aucun des candidats, femme ou homme, potentiels ne répond
au critère en question, aurait pour effet de réduire le choix qui
s’offre à l’Assemblée et irait à l’encontre de l’esprit des règles
qui exigent la pluralité homme-femme sur la liste.
28. Dans des cas exceptionnels le justifiant, la décision de la
sous-commission d’accepter une telle liste devrait être approuvée
à une majorité des deux tiers des voix exprimées et à la majorité
des membres autorisés à voter de la sous-commission et de la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme. Cette position devra être entérinée
par l’Assemblée dans le cadre du rapport d’activité du Bureau de
l’Assemblée (après l’approbation du Bureau). De plus, dans ces cas
exceptionnels, la sous-commission sur l’élection des juges à la
Cour européenne des droits de l’homme pourrait envisager d’inviter
le/la président(e) de la commission sur l’égalité des chances pour
les femmes et les hommes ou son/sa représentant(e) à prendre part
en qualité d’observateur (sans droit de vote) à un échange de vues
éventuel avec le président de la délégation nationale concernée
auprès de l’Assemblée.
29. La sous-commission sur l’élection
des juges à la Cour européenne des droits de l’homme était une sous-commission
ad hoc jusqu’en octobre 2007. Elle est aujourd’hui permanente (voir
la note de bas de page relative à l’article 48.6 du Règlement de
l’Assemblée, Strasbourg 2008, p. 72, et le document AS/Jur/Cdh (2008)
05).
4. Proposition
31. L’Assemblée devrait donc amender
la
Résolution 1366 (2004), telle que modifiée par la
Résolution 1426 (2005):
i. en supprimant les
mots «ad hoc» au paragraphe 1;
ii. en ajoutant un nouveau paragraphe 4 libellé comme suit:
«L’Assemblée
décide de prendre en considération les listes de candidats d’un
seul sexe, si ces candidats appartiennent au sexe surreprésenté
à la Cour, dans les cas exceptionnels où une Partie contractante
a pris toutes les mesures nécessaires et adéquates pour garantir
la présence du sexe sous-représenté sur la liste, mais n’a pas été
en mesure de trouver un candidat de ce sexe qui satisfasse aux exigences
du paragraphe 1 à l’article 21 de la Convention européenne des droits
de l’homme.
Ces cas exceptionnels doivent
être considérés comme tels à une majorité des deux tiers des voix exprimées
et à la majorité des membres autorisés à voter de la sous-commission
et de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
Cette position doit être entérinée par l’Assemblée dans le cadre
du rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée.»
Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques
et des droits de l’homme.
Renvoi en commission: Doc. 11532 et Renvoi no 3434 du 18 avril 2008.
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission
le 24 juin 2008.
Membres de la commission: Mme Herta Däubler-Gmelin (Présidente), M. Christos Pourgourides, M. Pietro Marcenaro,
Mme Nino Nakashidzé (Vice-Présidents),
M. Miguel Arias,
M. José Luis Arnaut,
Mme Meritxell Batet, Mme Marie-Louise
Bemelmans-Videc, Mme Anna Benaki, M. Erol Aslan
Cebeci, Mme Ingrida Circene, Mme Alma
Čolo, M. Joe Costello, Mme Lydie Err,
M. Valeriy Fedorov, Mme Mirjana
Ferić-Vac,
M. Aniello Formisano, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, Mme Svetlana Goryacheva, Mme Carina Hägg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin
Hajiyeva, Mme Karin Hakl, M. Andres Herkel, M. Serhiy Holovaty,
M. Michel Hunault, M. Rafael Huseynov,
Mme Fatme Ilyaz,
M. Kastriot Islami,
M. Željko Ivanji, Mme Iglica Ivanova, Mme Kateřina
Jacques, M. Karol Karski,
M. András Kelemen, Mme Kateřina
Konečná, M. Eduard Kukan,
M. Oleksandr Lavrynovych (remplaçant: M. Ivan Popescu), Mme Darja
Lavtižar-Bebler, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger,
M. Humfrey Malins,
M. Andrija Mandić, M. Alberto Martins,
M. Dick Marty, Mme Assunta
Meloni, M. Morten Messerschmidt, Mme Ilinka
Mitreva, M. Philippe Monfils,
M. Felix Müri, M. Philippe
Nachbar, M. Fritz Neugebauer,
M. Tomislav Nikolić, M. Anastassios Papaligouras,
M. Ángel Pérez Martínez, Mme Maria Postoico, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. John Prescott,
M. Jeffrey Pullicino Orlando, M. Valeriy Pysarenko, Mme Marie-Line
Reynaud,
M. François Rochebloine, M. Francesco Saverio Romano,
M. Paul Rowen, M. Armen Rustamyan,
M. Kimmo Sasi,
M. Ellert Schram, M. Christoph
Strässer, Lord John Tomlinson,
M. Mihai Tudose, M. Tuğrul Türkeş,
Mme Özlem Türköne,
M. Vasile Ioan Dănuţ Ungureanu, M. Øyvind Vaksdal, M. Hugo
Vandenberghe, M. Egidijus Vareikis, M. Klaas de Vries,
M. Dmitry Vyatkin, Mme Renate Wohlwend,
M. Marco Zacchera,
M. Krzysztof Zaremba, M. Łukasz Zbonikowski.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Voir 31e séance, 30 septembre 2008 (adoption du projet de
résolution amendé); et Résolution
1627.