1. Introduction
1. Au Conseil de l’Europe, la question de l’accès aux
droits des personnes handicapées est pratiquement aussi ancienne
que l’institution elle-même. En 1957, l’Assemblée parlementaire
adoptait la
Recommandation 118 relative
à la conclusion d’un accord destiné à assurer des facilités de circulation réciproques
aux mutilés et aux invalides de guerre à l’occasion de leurs voyages
par chemin de fer à l’étranger. Cette recommandation, qui n’a jamais
eu beaucoup d’effet, notamment pour des motifs financiers, a été néanmoins
l’une des premières des nombreuses mesures adoptées par le Conseil
de l’Europe pour donner l’égalité des chances aux personnes handicapées
de ses Etats membres.
2. Les travaux du Conseil de l’Europe sur les handicaps ont débuté
en 1959 par le transfert des activités correspondantes, initiées
en 1948 par l’Organisation du Traité de Bruxelles et poursuivies
par l’Union de l’Europe occidentale (UEO), et enfin confiées au
Conseil de l’Europe en 1959 afin d’être menées dans le cadre juridique
de l’Accord partiel dans le domaine social et de la santé publique.
La première résolution correspondante date de 1960: Résolution ResAP(60)2
sur la «Réadaptation des handicapés dans le cadre du travail». En
2007, plus de 60 recommandations et résolutions politiques avaient
déjà été élaborées. Cette année-là, les activités du domaine des
handicaps ont été transférées de l’Accord partiel dans le domaine
social et de la santé publique au Programme d’activités/Budget ordinaire
du Conseil de l’Europe pour tous ses Etats membres à partir du 1er
janvier 2008.
3. Ces deux dernières décennies, l’Assemblée parlementaire a
produit plusieurs recommandations relatives aux personnes handicapées.
Elle a à la fois adopté des textes spécifiques tels que celui sur
les lésions de la moelle épinière (
Recommandation 1560 (2002)) ou la
protection des langues des signes (
Recommandation 1598 (2003)), et
deux grandes recommandations générales et exhaustives, les
Recommandations 1185 (1992) et
1592 (2003).
4. L’Assemblée a adopté sa
Recommandation
1185 (1992) un an après la première Conférence ministérielle
européenne sur le handicap (Paris, 1991) et a vivement soutenu la
Recommandation no R (92) 6 relative à une politique cohérente pour
les personnes handicapées, adoptée le 9 avril 1992 par le Comité
des Ministres. La
Recommandation
1592 (2003) sur la pleine intégration sociale des personnes
handicapées a été adoptée pendant l’Année européenne des personnes
handicapées, tandis que le Conseil de l’Europe organisait la 2e
Conférence ministérielle européenne sur le handicap (Malaga).
5. Pour faire en sorte que les personnes handicapées puissent
bénéficier de tous les droits de l’homme, de la pleine citoyenneté
et de conditions de vie de qualité, le Conseil de l’Europe a récemment
créé le Plan d’action 2006-2015 pour les personnes handicapées,
un effort concerté et de grande envergure qui aborde non seulement
les problèmes les plus graves et les plus courants rencontrés par
les personnes handicapées en ce qui concerne l’égalité des chances
dans les domaines de l’emploi, de l’accès aux infrastructures ou
de l’éducation, mais recommande aussi un vaste plan d’action pour
améliorer la situation des personnes handicapées dans tous les aspects
de la vie quotidienne. Par le présent rapport, le rapporteur vise
à donner un aperçu de l’évolution de la condition des personnes
handicapées et des principaux enjeux actuels, qui ont aussi été
traités dans le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes
handicapées
.
2. Faits, chiffres, tendances
6. Définir le mot «handicapé» est en soi une tâche difficile.
La définition la plus couramment citée est celle donnée en 1980
par l’Organisation mondiale de la santé, qui distingue la déficience,
l’incapacité et le handicap
. Cependant, de nombreux militants et organisations
spécialisées estiment que cette définition est imprécise et inadaptée,
ce qui illustre la complexité du problème; il y a absence de consensus
sur l’objet même du débat. L’OMS en a elle-même pris conscience
et a donc entrepris de 1987 à 1996, avec le concours du Conseil
de l’Europe, une révision majeure de la CIFHS qui a abouti à la
nouvelle Classification internationale du fonctionnement, du handicap
et de la santé (CIF) de l’OMS, publiée à Genève en 2001, dont les
définitions sont totalement nouvelles et différentes des anciennes.
La plupart des gouvernements nationaux utilisent également leurs
propres définitions, qui sont souvent révélatrices de leur volonté
politique et de leur capacité à véritablement traiter le problème.
D’où la propension des gouvernements à changer et à utiliser leurs définitions
du handicap en fonction de leur volonté et de leurs intentions.
7. Il est important de souligner un changement important de l’approche
du problème du handicap. Historiquement, le handicap a été perçu
par le prisme du «modèle médical», qui considère que la personne handicapée
est un problème et qu’il faut s’efforcer de l’adapter au monde tel
qu’il est. Le traitement ou la gestion de la maladie ou du handicap
consiste donc à identifier la maladie ou le handicap, à les comprendre et
à apprendre à modifier leur cours. Il s’agit dès lors d’apporter
une compensation sociale au handicap en s’appuyant sur l’action
caritative et l’élaboration de services de santé spécialisés en
dehors du champ de la société. Quels que soient son utilité et son
bien-fondé, ce modèle a compliqué le problème de l’exclusion et
de la sous-participation des personnes handicapées.
8. Au cours des deux ou trois dernières décennies, cette approche
traditionnelle a lentement cédé le pas au modèle social du handicap,
selon lequel les obstacles, les préjugés et l’exclusion sociale
(volontaire ou fortuite) sont autant de facteurs qui définissent
qui est handicapé et qui ne l’est pas dans une société donnée. De
nombreuses mesures récentes ont donc mis l’accent sur l’identification
et la suppression des obstacles à l’égalité des chances et la participation
pleine et entière à toutes les activités de la vie sociale. La pression exercée
par la communauté des personnes handicapées a, dans plusieurs cas,
contraint les gouvernements à abandonner la politique d’aide sociale
au profit d’une démarche axée sur les droits civils, qui donnent
aux personnes handicapées la possibilité de mener une vie autonome
et indépendante. Cette nouvelle approche est déjà appliquée dans
de nombreux pays, selon des modalités et des rythmes différents.
9. Plus d’une personne sur dix souffre d’une forme quelconque
de handicap, ce qui représenterait 650 millions de personnes dans
le monde. L’Europe est même davantage concernée; selon une enquête récente
,
près de 15 % de la population en âge de travailler (de 16 à 64 ans)
de 15 pays membres de l’Union européenne présenteraient une forme
de handicap. La part serait de 25 % en ce qui concerne les 10 nouveaux Etats
ayant intégré l’Union européenne en 2004.
10. Les résultats de l’enquête ont aussi souligné la corrélation
entre l’âge et le handicap. Sous l’effet du vieillissement de la
population et de l’amélioration des soins de santé, le nombre de
personnes handicapées en Europe augmente et continuera d’augmenter.
Remarquons également que seules 42 % des personnes handicapées ont
un emploi (contre près de 65 % des personnes non handicapées), et
que 52 % des personnes handicapées sont économiquement inactives
(contre 28 % de personnes non handicapées). Même si elles éprouvent
des difficultés pour trouver du travail, les personnes handicapées
représentent donc un potentiel non utilisé pour le développement
de la croissance économique. Parallèlement, le handicap et les coûts
qu’il induit (soins de santé, aide sociale, coûts du travail, etc.)
constituent une charge économique énorme pour la société.
11. A cet égard, l’année 2003, déclarée «Année européenne des
personnes handicapées», a été une occasion unique pour les personnes
handicapées de l’ensemble des pays d’Europe de faire entendre leur
voix et d’exprimer leurs principales préoccupations. Elle a également
donné la possibilité aux gouvernements d’intensifier leur action
en la matière et de mettre à jour leurs législations sur les droits
civils des personnes handicapées, ce que beaucoup ont effectivement
fait. Cela étant, compte tenu de la taille et de l’hétérogénéité de
la population concernée, il est difficile, voire impossible, de
ne donner qu’une seule solution au problème économique et social
soulevé par l’intégration complète des personnes handicapées. Il
conviendrait donc de mener des recherches pour trouver de nouvelles
mesures et d’agir rapidement pour éviter la détérioration de la
situation actuelle.
12. Ce sont les principales raisons pour lesquelles le Conseil
de l’Europe s’efforce de contribuer à faire évoluer ce domaine et
à mettre en œuvre des mesures efficaces pour donner l’égalité des
chances aux personnes handicapées, en s’appuyant sur le Plan d’action
pour les personnes handicapées.
3. Aperçu des instruments nationaux et internationaux
3.1. Efforts divers et inégaux au niveau national
13. Les gouvernements nationaux étant les premiers responsables
de la protection de leurs citoyens, il est logique qu’ils élaborent
aussi un certain nombre d’instruments pour faire avancer les droits
des personnes handicapées. Ce sont naturellement les pays développés
et industrialisés qui, de manière quasiment exclusive, peuvent se
permettre de diffuser des valeurs aussi essentielles que l’égalisation
des droits des personnes handicapées.
14. En 1994, le Parlement allemand a, par exemple, modifié la
Constitution allemande afin d’inclure une clause de non-discrimination
et d’égalité des chances pour les personnes handicapées. Le droit
allemand garantit aux handicapés la gratuité des transports publics
et la détaxe des véhicules spécialisés, ainsi que de nombreux autres
avantages. La nouvelle loi sur l’égalité de traitement des personnes
handicapées a été mise en œuvre parallèlement à une législation-cadre
antérieure.
15. La Constitution portugaise fait également référence aux personnes
handicapées et définit les principes de la non-discrimination. Cependant,
l’octroi de la pleine citoyenneté rencontre encore des obstacles importants,
car il n’existe pas de politiques spécifiques visant à promouvoir
l’intégration des personnes handicapées. En Finlande, la discrimination
professionnelle fondée sur l’état de santé ou le handicap fait désormais
l’objet d’amendes ou de peines de prison pouvant atteindre six mois.
Le Danemark, qui est l’un des pays à la pointe en matière de services
aux personnes handicapées, a créé le Conseil du handicap en 1980, remplacé
en 1993 par le Centre pour l’égalité des chances des personnes handicapées,
un organe de consultation et de supervision financé par le ministère
des Affaires sociales. Le conseil dialogue de manière efficace avec
les autorités pertinentes afin de fournir des solutions spécifiques
aux problèmes qu’il a répertoriés au cours de ses travaux ou de
ses échanges avec ses partenaires civils. A titre d’exemple, un
plan d’action pour les personnes handicapées sera financé dans le
but de créer de 800 à 1 200 nouveaux logements pour les personnes
handicapées.
16. La Slovaquie est un autre exemple de pays ayant accompli des
progrès notables au cours de ces dernières années. Par exemple,
le Conseil des citoyens handicapés a été créé il y a plusieurs années
afin d’examiner et de débattre des questions concernant le handicap.
Ce groupe de travail sert d’organisme consultatif gouvernemental
en la matière. Le ministre du Travail, des Affaires sociales et
de la Famille préside ce conseil. Plusieurs ONG ont mené des campagnes
d’éducation publiques sur la maladie mentale et ont coopéré avec
le ministère de la Santé à l’élaboration du programme national de
santé. Le gouvernement a lancé un concours pour récompenser le gouvernement
local le plus accessible aux personnes handicapées.
17. Cependant, d’autres exemples montrent la nature ambiguë et
les résultats mitigés de certaines politiques gouvernementales sur
la question du handicap, voire le manque total d’engagement de l’Etat
en vue d’améliorer la qualité de vie des personnes handicapées.
18. La législation turque assure une protection de base contre
la discrimination dans l’emploi, l’éducation ou la santé. Cependant,
une ONG internationale a constaté, sur la base d’une étude de deux
ans sur ce thème, que le soutien de la communauté turque à la cause
des malades mentaux était insuffisant et qu’il n’existait aucune
alternative aux institutions publiques, où les malades mentaux étaient
isolés de la société, dans des conditions «proches de celles du
milieu carcéral». Le rapport dénonçait notamment les abus suivants:
malades mentaux envoyés dans des hôpitaux psychiatriques sans procédure
judiciaire; malnutrition et déshydratation; absence de thérapies
physiques et de techniques de réadaptation; recours excessif aux
méthodes de contention
.
19. La législation française sur le handicap prévoit que toutes
les entreprises publiques ou privées d’au moins 20 employés doivent
compter au moins 6 % de personnes handicapées dans leur personnel.
En 2005, seuls 45 % des établissements concernés respectaient cette
règle. La nouvelle loi sur le handicap, adoptée au début de 2005,
avait pour but de durcir les sanctions financières appliquées pour
le non-respect de cette loi et d’introduire plusieurs autres mesures,
notamment la création du principe d’un droit de compensation accordé sous
la forme d’un avantage compensatoire du handicap, ou le droit de
l’enfant handicapé de fréquenter une école primaire ou secondaire
locale. Des systèmes de quota analogues concernant l’emploi de personnes handicapées
sont en place dans plusieurs autres pays comme la Pologne, l’Italie,
l’Espagne, l’Autriche et l’Allemagne. Dans ces pays, les personnes
gravement handicapées jouissent d’une protection spéciale contre le
licenciement. Cela étant, les employeurs préfèrent souvent payer
une amende que de respecter le quota, d’autant que les Etats se
montrent incapables d’appliquer leurs lois.
20. En Hongrie, le gouvernement a récemment annoncé un projet
prévoyant la suppression d’ici à 2010 de tous les problèmes d’accès
aux 9 000 bâtiments publics. Il a également introduit des mesures
visant à compenser les frais de carburant des familles qui transportent
leur enfant handicapé jusqu’à l’école, ainsi que des réductions
d’impôts pour les personnes handicapées qui achètent des voitures
spécialisées. En outre, le Gouvernement hongrois réforme actuellement
son Code civil, en particulier les dispositions sur la capacité juridique
et la tutelle. Il travaille en étroite collaboration avec les ONG,
notamment avec des personnes handicapées, pour que la loi accorde
davantage d’autonomie aux personnes handicapées en matière de prise de
décisions ou d’exercice de leurs droits, conformément à la Convention
des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
21. La tradition nationale est souvent à l’origine des efforts
déployés pour assurer le bien-être des personnes handicapées. Dans
l’idéal, la nation a en effet le devoir de protéger ceux de ses
citoyens qui ne peuvent pas obtenir seuls ce bien-être, par manque
d’autonomie. Dans certains cas, cependant, cette tradition n’est
pas suffisamment inscrite dans la culture nationale et les politiques
relatives aux personnes handicapées ont besoin de s’inspirer des
divers instruments internationaux que les communautés européenne
et internationale s’efforcent constamment d’améliorer et de perfectionner.
3.2. Besoin d’instruments directeurs au niveau international
22. Plusieurs pactes et traités, comme la Déclaration
universelle des droits de l’homme ou le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, s’appliquent à la condition des
personnes handicapées. Ils sont complétés par des instruments concernant
des questions particulières comme l’emploi ou l’insertion sociale
et qui contiennent également des clauses sur les personnes handicapées.
Il existe par ailleurs de nombreux outils législatifs traitant spécifiquement
du handicap. L’évolution susmentionnée (le passage d’un modèle médical
à un modèle axé sur les droits humains et sociaux) trouve son expression
dans ces instruments internationaux.
23. Les Nations Unies ont abordé la question de la protection
des droits des personnes handicapées dès 1950, lorsque la Commission
sociale a examiné les rapports sur la réadaptation sociale des personnes handicapées
et sur la réadaptation sociale des aveugles. La Déclaration des
droits des personnes handicapées, adoptée par l’Assemblée générale
des Nations Unies en décembre 1975, a encouragé la protection des
droits des personnes handicapées aux niveaux national et international.
24. Plus récente et très attendue, la Convention des Nations Unies
relative aux droits des personnes handicapées est le premier instrument
international du droit de la personne humaine du XXIe siècle et
compte déjà près de 100 signataires. Le but principal de la convention
est de contribuer à une modification radicale des comportements
à l’égard des personnes handicapées dans le monde entier, et de
leur permettre à toutes de vivre «une vie digne et productive».
La convention invite les pays à adopter de nouvelles lois contre
la discrimination et à supprimer certaines lois et pratiques qui
sont source de discrimination, d’exploitation et d’abus envers les
personnes handicapées, tout en protégeant les droits dont ces personnes
bénéficient déjà. Les Etats parties devront présenter périodiquement
un rapport au Comité des droits des personnes handicapées, responsable
du suivi de la mise en œuvre de la convention. Cette convention
est une avancée marquante pour la communauté internationale, et
seul le temps dira si elle est un outil aussi puissant et efficace que
prévu.
25. La Hongrie a été l’un des premiers pays signataires, en 2007,
de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes
handicapées, conjointement avec 80 autres Etats et l’Union européenne. Cependant,
sur les 82 parties, seules 44 ont signé le protocole facultatif
à la convention qui contraint les Etats accusés de violer ses dispositions
de répondre à une plainte instruite par un comité spécial saisi
de l’affaire, ce qui affaiblit les protections vitales que la Convention
prévoit pour les personnes handicapées. A ce jour (mai 2008), le
nombre des signataires atteint déjà 127, et ceux du Protocole facultatif
71 – et grâce aux 25 ratifications de ce traité et aux 15 ratifications
du protocole facultatif, il est entré en vigueur le 3 mai 2008.
26. Pour sa part, pendant longtemps, l’Union européenne n’a pas
eu de compétences claires dans le domaine du handicap. La politique
de l’Union européenne a changé en 1996, à la suite de l’adoption
de la fameuse communication de la Commission sur l’égalité des chances
pour les personnes handicapées, entérinée par le Conseil. Ce changement
est incarné dans le Traité d’Amsterdam (1997), qui comprend des dispositions
renforcées sur l’égalité des chances et l’élimination de l’exclusion
sociale. L’article 13 du traité a permis à l’Union européenne d’adopter
des directives contre toute forme de discrimination fondée sur le handicap
(parmi d’autres motifs). La Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, proclamée en 2000 à Nice, contient également d’importantes
dispositions relatives aux personnes handicapées – notamment l’article
21, interdisant toute forme de discrimination fondée sur le handicap
(parmi d’autres motifs) et l’article 26, sur l’intégration des personnes
handicapées. Cette charte n’a cependant pas de caractère contraignant.
27. L’instrument juridique européen le plus important est la directive
portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement
en matière d’emploi et de travail, dont le socle légal est l’article
13 du Traité d’Amsterdam, qui est à l’origine de nombreuses réformes
et de jurisprudences en Europe, y compris dans des Etats non membres
de l’Union européenne. Pour maintenir le rythme, la Commission européenne
a publié en 2003 son propre plan d’action intitulé «Egalité des
chances pour les personnes handicapées – Un plan d’action européen».
Le plan de la Commission propose d’intensifier les efforts visant
à coordonner l’approche juridique du handicap dans les différents
champs de compétences et présente des similitudes avec le Plan d’action
du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées
.
28. La Commission européenne a proclamé 2007 «Année européenne
de l’égalité des chances pour tous», dans le cadre d’un effort concerté
pour promouvoir l’égalité et la non-discrimination dans l’Union
européenne. Après 2003, cette initiative, qui n’a pas reçu l’écho
médiatique qu’elle mérite, devrait permettre de souligner l’importance
de l’égalité des chances pour toutes les personnes handicapées.
29. Pour sa part, le Conseil de l’Europe s’est montré très actif
en matière de protection des droits des personnes handicapées. Son
traité le plus important, la Convention européenne des droits de
l’homme, est à ce jour l’un des instruments européens les plus importants
en ce qui concerne le handicap. La Cour européenne des droits de
l’homme, créée en 1959, est l’organe principal d’application de
la Convention européenne des droits de l’homme. Les individus, les
ONG et les Etats peuvent saisir la Cour en cas de violations de
leurs droits par des Etats parties, et la Cour prononce des jugements
qui sont juridiquement contraignants. Plusieurs de ses arrêts ont
fait date sur la question des personnes handicapées. Elle crée constamment
de nouvelles normes et précise un certain nombre de définitions
concernant des droits fondamentaux comme la vie familiale et privée,
le traitement inhumain et dégradant ou le droit à la vie.
30. La Charte sociale européenne (1961, révisée en 1996) est son
complément naturel pour ce qui est de la protection des droits économiques
et sociaux. Son article 15 invite les Etats à garantir aux personnes handicapées
l’exercice effectif du droit à l’autonomie, à l’intégration sociale
(y compris en matière d’éducation et d’emploi) et à la participation
à la vie de la communauté. La Charte révisée crée un mécanisme de supervision,
le Comité européen des Droits sociaux, qui garantit le respect des
droits et des libertés qu’elle proclame. Ce comité peut être saisi
de plaintes collectives concernant des violations de la Charte.
Il examine également les rapports nationaux annuels soumis par les
Etats parties et vérifie que les législations et les pratiques de
ces Etats sont conformes à la Charte.
31. 31. Le Comité des Ministres a également adopté plusieurs résolutions
et recommandations pertinentes telles que la Recommandation no R
(92) 6 de 1992 relative à une politique cohérente pour les personnes handicapées,
qui contient des principes de politique concernant la réadaptation
et l’intégration des personnes handicapées. Cette recommandation
a fixé des normes nationales et internationales qui ont contraint
les Etats membres à apporter de nombreux amendements à leurs législations.
D’autres documents importants existent, notamment la Recommandation
no R (99) 4 sur les principes de la protection juridique des majeurs
incapables, la Résolution ResAP(95)3 relative à une Charte sur l’évaluation
professionnelle des personnes handicapées, la Résolution ResAP(2001)1
sur l’introduction des principes de conception universelle dans
les programmes de formation de l’ensemble des professions travaillant
dans le domaine de l’environnement bâti («Résolution de Tomar»),
la Résolution ResAP(2001)3 «Vers une pleine citoyenneté des personnes
handicapées grâce à de nouvelles technologies intégratives», la
Résolution ResAP(2005)1 sur la protection des adultes et enfants handicapés
contre les abus, la Résolution ResAP(2007)3 intitulée «Parvenir
à la pleine participation grâce à la conception universelle», et
la Résolution ResAP(2007)4 sur l’éducation et l’intégration sociale
des enfants et des jeunes atteints de troubles du spectre autistique.
L’étape la plus importante depuis la révision de la Charte sociale
a été la Déclaration ministérielle de Malaga (2003) relative aux
personnes handicapées, «Progresser vers la pleine participation
en tant que citoyens», suivie par la
Recommandation 1592 (2003) correspondante
de l’Assemblée, «Vers la pleine intégration sociale des personnes
handicapées», qui a conduit à l’adoption en 2006 de la Recommandation
Rec(2006)5 sur le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la promotion
des droits et de la pleine participation des personnes handicapées
à la société: améliorer la vie des personnes handicapées en Europe
2006-2015 (ou Plan d’action pour les personnes handicapées).
32. Néanmoins, les instruments juridiques du Conseil de l’Europe
et notamment la Convention européenne des droits de l’homme ne garantissent
pas le plein exercice des libertés fondamentales reconnues aux personnes
handicapées, comme le droit à la protection contre la pauvreté et
l’exclusion sociale, le droit à un logement décent, le droit de
vivre au sein de la collectivité, le droit à l’instruction, le droit
au travail et le droit au respect de la vie privée et familiale.
33. A titre d’exemple, on peut évoquer plus particulièrement la
liberté de circuler, qui concerne au quotidien les personnes souffrant
d’un handicap moteur: citons ainsi la difficulté d’accéder à certains
lieux publics ne bénéficiant pas d’aménagements adéquats. Qui plus
est, les enfants et adultes handicapés qui vivent dans des établissements
spécialisés n’ont pas suffisamment de liberté de mouvement. Une
grande partie d’entre eux restent confinés toute leur vie dans des
établissements isolés de la société.
34. En ce qui concerne le droit à l’instruction, la scolarisation
des enfants handicapés n’est pas généralisée: des milliers d’enfants
ne sont inscrits ni dans un établissement d’enseignement classique
ni dans un établissement spécialisé, ce qui est en contradiction
avec l’article 2 du Protocole additionnel no 1. En outre, pour ce
qui concerne le respect de la vie privée et familiale, la liberté
d’avoir des relations sexuelles est rarement reconnue aux personnes
handicapées, soit pour des causes physiques soit à cause d’un handicap mental
qui fait présumer l’abus. Ainsi les handicapés souffrent-ils de
ne pas se voir accorder les droits de tout un chacun.
35. Système très répandu, la tutelle illustre de façon frappante
comment les personnes handicapées se voient refuser une reconnaissance
égale et des droits égaux devant la loi. Dans la majorité des tribunaux européens,
les personnes jugées ne pas avoir les capacités requises pour faire
des choix, prendre des décisions et satisfaire leurs besoins sont
privées de leur capacité juridique et placées sous tutelle: leurs
choix, décisions et pouvoirs sont donc confiés à un tuteur qui exerce
son rôle avec peu d’égard, si ce n’est aucun, pour leurs préférences.
Par conséquent, les personnes placées sous tutelle sont privées
de leurs droits les plus fondamentaux, comme le droit de choisir
leur lieu de résidence, de travailler, de se marier, de faire exécuter
un testament, de refuser ou d’accepter un traitement médical, de
voter, de faire valoir leurs droits parentaux et leurs droits de
propriété, et même de défendre leurs intérêts ou de faire appel
à la justice. A l’heure actuelle, la Cour européenne des droits
de l’homme commence seulement à reconnaître la gravité des conséquences
des régimes de tutelle qui, par nature, s’étendent à tous les domaines
de la vie, et à préférer les solutions «sur mesure» adaptées à la
situation des personnes concernées (Shtukaturov
c. Fédération de Russie, no44009/05, 27 mars 2008).
36. D’autre part, il a été jugé par la Cour européenne des droits
de l’homme qu’il existe une discrimination contraire à la Convention
«lorsque, sans justification objective et raisonnable, les Etats
n’appliquent pas un traitement différent à des personnes dont les
situations sont sensiblement différentes» (Cour européenne des droits
de l’homme, affaire 34369/97, Thlimmenos
c. Grèce, 6 avril 2000). Il en va ainsi en particulier
en ce qui concerne la détention des personnes handicapées, mais
aussi l’indemnisation du handicap lui-même: si l’indemnisation des
handicapés par le biais de prestations sociales pour les aider à
faire face aux frais de la vie quotidienne est admise, en revanche
l’indemnisation du préjudice lié à la naissance alors que le handicap était
prévisible reste encore juridiquement en question.
37. Ainsi, «l’égalité de traitement» n’offre généralement pas
une protection suffisante aux personnes victimes d’un handicap.
Pire, l’égalité de traitement peut parfois leur être défavorable
lorsque ces personnes revendiquent des mesures adaptées à leur situation.
Le droit à une différence de traitement se mesure également chichement,
sachant de surcroît que, conformément à l’arrêt
Thlimmenos c. Grèce, il peut être écarté
si l’Etat partie peut se prévaloir de «justifications objectives
et raisonnables» de ne pas offrir des mesures différenciées aux
personnes se trouvant dans des situations «sensiblement différentes»,
comme celle du handicap
.
38. L’Europe est désormais consciente qu’il est important de garantir
l’égalité des droits pour chacun de ses citoyens et de défendre
les valeurs d’égalité et les droits de l’homme. Il nous incombe
donc, à nous législateurs, de nous préoccuper de la question du
handicap, centrale pour la cohésion sociale, en proposant des directives
et des mesures spécifiques à nos Etats membres.
4. Tâches pour un avenir proche
4.1. Domaines prioritaires
39. Constatant que des instruments régionaux et internationaux
tenant compte des spécificités nationales sont désormais en place
et qu’un certain nombre de processus de transition sont en cours
dans plusieurs Etats membres, le Conseil de l’Europe, comme son
plan d’action l’indique, encourage désormais ses Etats membres à
prendre des mesures concrètes au niveau national pour élaborer et
mettre en œuvre des stratégies viables donnant aux personnes handicapées
la possibilité de participer pleinement à la vie de la communauté.
Il les invite également, à plus long terme, à intégrer les questions
du handicap dans tous les domaines de la décision politique.
40. Il s’agit notamment d’intégrer les services fournis aux personnes
handicapées dans ceux fournis aux autres citoyens, l’objectif étant
de s’écarter des politiques qui appuient la ségrégation et de privilégier l’intégration
lorsqu’elle est possible. Mais l’intégration généralisée ne doit
pas se substituer aux politiques conçues spécifiquement pour les
personnes handicapées, notamment lorsqu’elles sont dans leur intérêt.
41. Certes, les efforts à accomplir pour que les personnes handicapées
puissent jouir de la pleine citoyenneté sont aussi divers que multiples.
Mais il existe certains domaines dans lesquels il est primordial d’intervenir
afin d’accroître la qualité de vie des personnes handicapées.
4.1.1. Capacité juridique
42. La Convention des Nations Unies relative aux droits
des personnes handicapées et le plan d’action du Conseil de l’Europe
reconnaissent aux personnes handicapées une capacité juridique égale
à celle des autres membres de la société. Les personnes handicapées
disposent donc de droits, peuvent agir sur la base de ces droits
et les faire valoir – ce qui leur permet d’être autonomes et de
participer activement à la vie sociale. Or, les mesures de tutelle
vont à l’encontre de cette nouvelle vision des choses: elles nuisent
à l’indépendance des individus en confiant les décisions à un tiers
au lieu de les aider à prendre eux-mêmes les décisions les concernant.
43. Les mesures spéciales qu’il convient de prendre consistent
notamment:
- à proposer des solutions
de remplacement à la tutelle, adaptées à chacun et moins restrictives;
- à créer des services d’aide à la prise de décision, qui
permettent de préserver totalement la capacité juridique tout en
proposant l’assistance de tiers/de réseaux et des garanties suffisantes
pour protéger les personnes contre les abus et l’exploitation;
- à développer au maximum l’autonomie en s’assurant que
les personnes conservent leur droit de décision dans tous les domaines
de la vie où elles ont une capacité fonctionnelle, en particulier:
- abolir la privation automatique des droits fondamentaux
des personnes sous tutelle (droits d’avoir un emploi, une vie de
famille, de posséder des biens, de se marier, de voter, de s’associer,
de faire appel à la justice, de rédiger un testament);
- exiger des tuteurs qu’ils optent pour les modes de logement
les moins restrictifs pour les personnes concernées;
- à empêcher que les personnes sous tutelle ne soient victimes
d’abus et à proposer des garanties suffisantes du droit à une participation
significative depuis le début du processus de tutelle et tant que celui-ci
dure, en particulier:
- définir dans la législation des bases suffisamment claires
et concises concernant les requêtes pour déclarer une personne incapable,
précisant notamment que la déclaration d’incapacité se fonde sur
un lien démontrable entre le diagnostic et les capacités fonctionnelles
en pratique;
- s’assurer que la personne concernée est correctement avisée
et a accès aux informations sur l’ensemble des procédures relatives
à la privation de la capacité juridique, qu’elle est présente lors
des procédures et tenue au courant de leur déroulement;
- s’assurer que la personne concernée est consultée et que
sa volonté est dûment prise en compte à tous les stades de la procédure,
notamment lors de la désignation du tuteur (avec le droit de contester);
- mettre en place une procédure d’examen périodique de l’attitude
du tuteur par un organe indépendant devant tenir compte des informations
transmises par le majeur concerné;
- s’assurer que la législation prévoit des examens obligatoires,
réguliers et significatifs de la tutelle auxquels la personne concernée
est pleinement associée et pour lesquels elle est convenablement représentée
sur le plan juridique .
4.1.2. Vie sociale
44. Pour permettre la participation active des personnes
handicapées dans la société, il est nécessaire de leur donner la
chance d’interagir avec la collectivité. La pratique consistant
à placer des personnes mineures et majeures handicapées dans des
établissements spécialisés nuit à leur intégration, puisqu’elles
sont séparées du reste de la société et que leur épanouissement
personnel et l’exercice de leurs droits sont entravés. La désinstitutionnalisation
est une condition essentielle pour permettre aux personnes handicapées de
devenir aussi indépendantes que possible et d’occuper une place
de citoyens à part entière ayant accès à l’éducation et à l’emploi,
ainsi qu’à l’ensemble des services proposés.
45. Les mesures spéciales qu’il convient de prendre incluent:
- la fermeture des établissements
spécialisés, à commencer par l’arrêt des nouvelles admissions; et
un changement profond du financement des institutions pour réaffecter
les ressources vers les services de proximité et restructurer ces
derniers;
- la concentration des ressources et des politiques sur
la mise en place de solutions alternatives au placement en établissements
spécialisés par le développement de services et réseaux de proximité
à l’écoute des besoins des mineurs et majeurs handicapés, de leurs
familles et des personnes qui les aident;
- une assistance durable et adaptée pour les familles qui
s’occupent d’un proche handicapé à domicile;
- le développement d’organes efficaces et indépendants d’inspection
des établissements spécialisés existants;
- la consolidation et la diffusion des recherches sur les
bonnes pratiques au sein de la collectivité;
- la participation pleine et active des personnes handicapées
à ces processus.
4.1.3. Emploi
46. L’indépendance économique est d’une extrême importance
car elle donne les moyens d’être autonome dans de nombreuses sphères
de l’existence. L’accès à un emploi durable est donc crucial pour
les personnes handicapées. Les politiques visant à accroître leur
taux d’activité doivent être diversifiées – selon le potentiel d’employabilité
des personnes handicapées – et globales, afin de pouvoir éliminer
tous les obstacles à la participation au marché du travail.
47. Parmi les mesures spécifiques à prendre, citons:
- les mesures dissuadant les personnes
handicapées de travailler (avantages, allocations, etc.) qui devraient
être supprimées afin d’encourager les bénéficiaires à travailler
lorsqu’ils le peuvent. Ces mesures ne seront possibles que si l’on
évalue objectivement et individuellement l’employabilité des personnes
handicapées et si on les aide à trouver un emploi approprié ou à
retrouver leur emploi précédent;
- la protection contre la discrimination devant être assurée
à toutes les étapes de l’embauche, de la sélection au recrutement,
et tout au long du parcours professionnel;
- les employeurs devant être encouragés à employer des personnes
handicapées en appliquant des procédures de recrutement qui garantissent
que les offres d’emploi sont effectivement proposées aux personnes
handicapées, et en procédant à des aménagements raisonnables du
lieu ou des conditions de travail;
- la législation et les réglementations en matière de santé
et de sécurité devant tenir compte des besoins des personnes handicapées
et n’être en aucun cas discriminatoires à leur égard;
- des mesures de soutien telles que l’emploi protégé ou
aidé devant être en place pour les personnes qui ont besoin d’une
aide personnalisée sur le marché du travail. Il faut également faire
en sorte que les personnes handicapées puissent passer d’un emploi
protégé ou aidé à un emploi normal sur le marché du travail.
48. A terme, les personnes handicapées doivent être en mesure
de trouver un véritable emploi sur le marché du travail, grâce à
l’action combinée de mesures antidiscriminatoires et positives garantissant
que les personnes handicapées jouissent d’une totale égalité des
chances dans le domaine de l’emploi.
49. L’intégration au sein du monde du travail constitue également
pour les personnes handicapées un facteur de socialisation. Comme
le rappelle Cédric Fabre, coordinateur du Service d’accompagnement régional
des apprentis handicapés (SARAH) pour le Haut-Rhin: «La communication
entre collègues permet au travailleur handicapé mental de prendre
conscience de son identité, de sa “ressemblance” aux autres dans
ce contexte. S’ouvrir aux autres favorise l’épanouissement. La personne
handicapée mentale a l’habitude d’évoluer dans un système dont la
structure est faite de relations personnelles. Elle découvre une
structure de relations fonctionnelles.»
4.1.4. Education
50. Toutes les personnes, quelles que soient la nature
et la gravité de leur handicap, qu’elles vivent dans des établissements
spécialisés ou dans leur milieu familial, doivent avoir un accès
égal à l’éducation, à tous les niveaux. Les structures d’enseignement
général et d’enseignement spécialisé doivent être incitées à travailler
de concert pour aider les personnes handicapées dans leurs communautés
locales, mais cette initiative doit être cohérente avec l’objectif
de la pleine inclusion sociale.
51. Parmi les mesures spécifiques à prendre, citons les suivantes:
- renoncer aux établissements
spécialisés et aux pratiques d’isolement des élèves handicapés,
qui ne font qu’exacerber la marginalisation, et se tourner vers
un système éducatif où les établissements scolaires ordinaires sont
ouverts à tous les enfants handicapés;
- appuyer et promouvoir l’apprentissage tout au long de
la vie des personnes handicapées; il est important que des transitions
puissent être assurées entre chaque phase de leur éducation et entre
l’éducation et l’emploi;
- veiller à ce que tous les programmes et matériels pédagogiques
fournis par le système d’enseignement général soient accessibles
aux personnes handicapées;
- garantir l’accès à une éducation non formelle afin que
les personnes handicapées puissent développer des aptitudes qu’elles
ne pourraient pas acquérir par le biais de l’éducation normale.
52. Il est extrêmement important d’encourager le respect des droits
des personnes handicapées à tous les niveaux du système éducatif,
dès le plus jeune âge. On peut y parvenir en sensibilisant les élèves
au handicap dans le cadre des programmes d’enseignement dispensés
dans les écoles et les institutions d’enseignement général.
4.1.5. Environnement bâti
53. L’objectif universel de créer une société pour tous
ne peut être atteint que si tous les citoyens ont un accès égal
à l’environnement dans lequel ils vivent. Rendre l’environnement
accessible aux personnes handicapées et supprimer les obstacles
existants qui les empêchent de participer pleinement à la vie quotidienne
et de jouir de leurs droits fondamentaux est vital.
54. Comme le prescrit la Résolution ResAP(2001)1 sur la «conception
universelle», les principes de la conception universelle doivent
être intégrés dans tous les métiers concernant les environnements
bâtis, tels que les architectes, les ingénieurs ou les urbanistes,
afin de simplifier la vie de tous en rendant l’environnement plus
accessible, utilisable et compréhensible.
55. Parmi les mesures spécifiques à prendre, citons celles-ci:
- supprimer les obstacles existants
dans les bâtiments publics et les espaces publics intérieurs et extérieurs,
et empêcher la création de nouveaux obstacles. Toutes les nouvelles
constructions doivent être conformes aux principes de la conception
universelle, notamment les nouveaux trottoirs, qui ne doivent pas
être construits sans bordures inclinées;
- accorder une attention particulière à la sécurité des
personnes handicapées en ce qui concerne la conception des procédures
d’évacuation et d’urgence;
- laisser les animaux d’aide aux personnes handicapées accéder
librement à tous les bâtiments et espaces publics.
4.1.6. Transport
56. La question de l’accessibilité des environnements
bâtis recoupe celle du transport, qui est un autre domaine prioritaire.
De nombreux Etats ont progressé dans la mise en œuvre de politiques
de transport accessibles, mais il reste encore beaucoup à faire.
L’ensemble de la chaîne de transport doit être accessible afin que
les personnes handicapées puissent utiliser les systèmes de transport
public.
57. Parmi les mesures spécifiques à prendre, citons les suivantes:
- incorporer une formation à la
sensibilisation au handicap dans les cours de formation standard
du personnel des transports publics;
- encourager les opérateurs de services de transport public
à fournir des services accessibles à tous les utilisateurs;
- permettre aux animaux d’aide (les chiens d’aveugles, par
exemple) qui accompagnent les personnes handicapées de trouver leur
place dans tous les transports publics;
- proposer des parkings protégés pour les véhicules des
personnes handicapées à mobilité réduite.
58. Les mesures concernant le transport en particulier sont omniprésentes
et bénéficient à tous les utilisateurs des réseaux de transport
public, y compris d’autres groupes ayant des besoins spéciaux comme les
personnes âgées ou les parents d’enfants en bas âge.
4.2. Autres points importants
4.2.1. Soins de santé
59. Les personnes handicapées ont droit, au même titre
que les autres membres de la société, à des services de santé de
qualité, ainsi qu’à un traitement et une technologie adaptés, afin
d’être en meilleure santé possible. Cependant, les personnes handicapées
exigent parfois des soins de santé spécialisés qui améliorent leur
qualité de vie. Dans ce cas, elles – ou leurs représentants – doivent
être consultées et impliquées dans le processus de décision relatif
à leur plan de soins, et il convient de veiller à ce que toutes
les informations pertinentes leur soient fournies dans un format
compréhensible. Cette approche permet aux individus de prendre les
décisions qui s’imposent concernant leur santé.
60. Planifier et fournir des services de soins de santé suppose
de donner la priorité aux interventions précoces. En effet, il convient
d’adopter des mesures efficaces de détection, de diagnostic et de
traitement du handicap à un stade précoce, et d’élaborer des directives
appropriées pour la détection précoce ainsi que des mesures d’intervention.
Toute politique nouvelle doit tenir compte du vieillissement de
la population et des conséquences sanitaires qui en découlent, notamment
pour les personnes handicapées.
61. Les professionnels des soins de santé de tous les Etats membres
doivent accepter le modèle des droits humains et sociaux des personnes
handicapées et ne pas se concentrer uniquement sur l’aspect médical
du handicap.
4.2.2. Réadaptation
62. Des services de réadaptation complets doivent être
organisés et élargis afin de permettre aux personnes handicapées
de parvenir à une autonomie maximale et d’exploiter le plus possible
leurs capacités physiques, mentales, professionnelles et sociales.
Ces programmes de réadaptation doivent être accessibles et adaptés
aux besoins individuels des personnes handicapées. Ils doivent être
élaborés et exécutés avec le consentement et la participation des
personnes handicapées, de leurs familles et des organisations représentatives.
Il faut aider les personnes qui deviennent handicapées à retrouver
leur travail dès que l’opportunité se présente, en impliquant les
employeurs et les employés dans l’effort de réadaptation professionnelle.
4.2.3. Protection sociale et juridique
63. Afin que la mise en œuvre de certains droits sociaux
comme le droit à la sécurité sociale, le droit aux prestations sociales
ou le droit à une aide médicale et sociale soit possible, les personnes
handicapées doivent avoir un accès égal à la protection sociale.
Par ailleurs, des politiques doivent être élaborées pour privilégier l’emploi
et l’indépendance des personnes handicapées afin de les rendre moins
dépendantes des avantages sociaux. Leur autonomie et leur intégration
sociale en seront renforcées. Un équilibre cohérent entre les mesures
de protection sociale et des politiques axées sur l’emploi doit
être trouvé afin de décourager la dépendance passive des avantages
sociaux. En général, les services sociaux doivent tenir compte des besoins
particuliers des personnes handicapées et de leurs familles.
64. L’accès au système juridique est un autre droit fondamental
de chaque citoyen, y compris les personnes handicapées. Pour autant,
celles-ci exigent dans une certaine mesure des protections supplémentaires
afin de jouir pleinement de leurs droits et de participer autant
que les autres citoyens à la vie de la communauté. Les obstacles
empêchant les personnes handicapées d’accéder au système et aux
mécanismes juridiques, comme la tutelle, doivent être éliminés par
des mesures et des actions positives, notamment l’information et
la sensibilisation, ainsi qu’une formation spécifique des professions
juridiques aux droits de l’homme et aux questions relatives au handicap.
Le principe de non-discrimination doit régir les politiques nationales
visant à donner aux personnes handicapées un accès non discriminatoire
à la justice.
4.2.4. Recherche
65. Outre ces questions fondamentales, les Etats membres
doivent reconnaître que la dynamique de leur population change.
Il est donc nécessaire de s’appuyer sur une recherche approfondie,
diversifiée et spécialisée sur toutes les questions relatives aux
personnes handicapées afin que ces changements démographiques soient
suivis sous l’angle du handicap. Le manque de données concernant
les personnes handicapées est considéré comme un frein à l’élaboration
de politiques.
4.2.5. Vieillissement
66. La population des Etats membres vieillissant, le
nombre croissant de personnes âgées en Europe augmente, ce qui accroît
la probabilité du handicap, de l’autonomie réduite, du recours accru
à divers services et de la diminution de la qualité de la vie. Il
est admis que de nombreux facteurs de risque concernant le handicap
chez les personnes âgées, dont plusieurs sont liés à des critères
socioéconomiques et aux conditions de vie, sont modifiables. Il
est donc urgent d’effectuer des recherches sur les soins de santé
propres aux personnes âgées handicapées et de conduire des études
économiques en la matière, ainsi que des recherches sur les facteurs
de risque liés à l’environnement, qui n’ont pas fait l’objet d’un
intérêt particulier auparavant. Des recherches approfondies doivent
être également conduites sur les mesures visant à réadapter et réintégrer
les personnes handicapées dans la communauté. Par ailleurs, il faut
encourager la recherche scientifique appliquée, notamment en ce
qui concerne les nouvelles technologies, les appareils et les produits
pouvant contribuer à une vie indépendante et à la participation
des personnes handicapées à la vie de la communauté.
4.2.6. Sensibilisation
67. Enfin, sachant que la plupart des personnes handicapées
considèrent que l’attitude de la société est l’obstacle le plus
important à leur pleine intégration, le rapporteur souhaite insister
sur le fait qu’il est fondamental de mettre en place des campagnes
d’information et de sensibilisation du grand public aux questions
relatives au handicap. Dans de nombreux cas, les personnes handicapées
sont encore confrontées à des attitudes inacceptables, et aucun
changement ne peut avoir lieu si les personnes non handicapées ne sont
pas informées des difficultés que rencontrent les personnes handicapées
chaque jour, souvent à cause des préjugés, de la peur ou de la méfiance.
Chacun doit comprendre que les personnes handicapées ont les mêmes
droits fondamentaux que les autres citoyens. A cet égard, il semble
important de diffuser des exemples de bonnes pratiques dans tous
les domaines de la vie courante, afin de faire mieux comprendre
la portée de ce problème, que ce soit dans la société civile, dans
l’environnement professionnel ou dans le milieu éducatif, et ce
dès le plus jeune âge.
4.2.7. Participation des personnes handicapées
68. Il importe surtout que chacune des mesures décrites
dans le présent rapport soit débattue et mise en œuvre avec la participation
active des personnes handicapées. De cette façon, le principe de
participation pleine et entière pourra être mis directement en pratique
et contribuer à l’instauration d’une société véritablement soucieuse
de n’exclure personne.
5. Conclusions
69. Le rapporteur considère que le présent rapport intervient
à un moment historique: 2008 est l’année de l’entrée en vigueur
de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes
handicapées (le 3 mai), la première année où toutes les activités
du Conseil de l’Europe sur les handicaps sont menées dans le cadre
du Programme d’activités/Budget ordinaire de l’ensemble des 47 Etats
membres, et plus uniquement dans le cadre limité de l’Accord partiel
dans le domaine social et de la santé publique (18 Etats membres
en 2007), tandis que le Plan d’action pour les personnes handicapées
et l’organe correspondant de contrôle de la promotion, de la mise
en œuvre du suivi de ce plan d’action («Forum européen de coordination
pour le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes
handicapées 2006-2015» (CAHPAH)) ont été mis en place.
70. Le rapporteur est persuadé que si l’on veut assurer l’égalité
des chances et la pleine citoyenneté des personnes handicapées,
le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées
doit servir de document de référence à toutes les nouvelles politiques
et actions adoptées dans le domaine du handicap. Tous les Etats
membres devraient s’en servir comme d’un outil politique pratique
pour les assister dans la mise en œuvre, en Europe, de la Convention
des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
71. A l’évidence, les Etats membres ont la responsabilité première
de conduire ces actions et de mettre en œuvre les changements de
politique au niveau national. Au niveau européen, le suivi doit
être axé sur le renforcement de la coopération, l’échange d’informations,
d’expériences et de pratiques optimales, d’une manière structurée.
De plus, les parlements nationaux devraient charger leurs gouvernements
respectifs de leur soumettre à intervalles réguliers un rapport
sur la condition des personnes handicapées, comportant notamment
des informations relatives à la mise en œuvre, au plan national,
du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées.
_____
Commission chargée du rapport: commission des questions sociales,
de la santé et de la famille.
Renvoi en commission: Doc. 10675 et
Renvoi no 3262 du 30 juin 2006.
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés par
la commission le 23 juin 2008.
Membres de la commission: Mme Christine McCafferty (Présidente), M. Denis Jacquat (1er Vice-Président), Mme Minodora Cliveti (2e Vice-Présidente),
Mme Darinka Stantcheva (3e Vice-Présidente),
M. Francis Agius, M. Konstantinos Aivaliotis, M. Farkhad Akhmedov,
M. Vicenç Alay Ferrer, Mme Sirpa Asko-Seljavaara, M. Jorodd Asphjell, M. Lokman Ayva, M. Zigmantas Balčytis, M. Miguel
Barceló Pérez, M. Andris Bērzinš, M. Jaime Blanco García, M. Roland Blum, Mme Olena
Bondarenko, Mme Monika Brüning, Mme Bożenna Bukiewicz, Mme Karmela Caparin, M. Igor Chernyshenko (remplaçante:
Mme Tatiana Volozhinskaya), M. Imre Czinege, M. Karl Donabauer, Mme Daniela
Filipiová, M. Ilija Filipović, M. André Flahaut, M. Paul Flynn, M. Pernille Frahm, Mme Doris
Frommelt, M. Renato Galeazzi (remplaçant: M. Manfred Pinzger), M. Henk van Gerven, Mme Sophia
Giannaka, M. Stepan Glăvan, M. Marcel Glesener,
M. Luc Goutry, M. Claude Greff (remplaçant: M. Laurent Béteille) M. Michael Hancock, Mme Olha
Herasym’yuk, M. Ali Huseynov, M. Fazail Ibrahimli, Mme Evguenia
Jivkova, Mme Marietta Karamanli, M. András
Kelemen, M. Peter Kelly, Baroness Knight of Collingtree (remplaçant:
M. Tim Boswell), M. Haluk Koç, M. Andrija Mandić, M. Michal
Marcinkiewicz (remplaçant: M. Marek Wikiński),
M. Bernard Marquet, M. Ruzhdi
Matoshi, Mme Liliane Maury Pasquier, M. Donato Mosella,
M. Felix Müri (remplaçante: Mme Doris Stump) Mme Maia Nadiradzé,
Mme Carina Ohlsson,
M. Peter Omtzigt, Mme Lajla Pernaska, Mme Marietta
de Pourbaix-Lundin, M. Cezar Florin Preda, Mme Adoración
Quesada Bravo (remplaçante: Mme Blanca Fernández-Capel), Mme Vjerica
Radeta, M. Walter Riester, M. Andrea Rigoni, M. Ricardo Rodrigues,
Mme Maria de Belém Roseira, M. Alessandro
Rossi, Mme Marlene Rupprecht, M. Indrek Saar, M. Fidias Sarikas, M. Andreas Schieder, M. Ellert
B. Schram (remplaçante: Mme Kristinn
H. Gunnarsson), M. Gianpaolo
Silvestri, Mme Anna Sobecka, Mme Michaela Šojdrová, M. Oleg Ţulea, M. Alexander
Ulrich, M. Mustafa Ünal,
M. Milan Urbáni, Mme Nataša Vučković,
M. Dmitry Vyatkin (remplaçante: Mme Svetlana Goryacheva), M. Victor Yanukovych (remplaçant:
M. Ivan Popescu), Mme Barbara
Žgajner-Tavš, M; Vladimir Zhidkikh, Mme Naira Zohrabyan.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Ce texte sera débattu ultérieurement.