1. Introduction
1. Dans un contexte où les énergies fossiles sont limitées
et où leur accessibilité est synonyme de sécurité nationale, et
devant la situation alarmante du réchauffement climatique, la substitution
des combustibles fossiles par les agrocombustibles peut paraître
comme une solution miracle.
2. La grande majorité des spécialistes s’accordent aujourd’hui
à affirmer que la consommation des combustibles fossiles est l’une
des principales causes du réchauffement planétaire et du changement climatique.
Parmi les alternatives aux combustibles fossiles, l’agriculture
présente indéniablement un intérêt spécifique. En effet, certains
végétaux permettent la production de carburants en remplacement
des carburants «classiques», provenant du pétrole.
3. Il semble toutefois que la production à grande échelle de
végétaux destinés à la fabrication des «agrocarburants» (c’est-à-dire
les agrocombustibles qui peuvent être utilisés dans les moteurs
des voitures), tout en contribuant à la réduction de la dépendance
énergétique et de la consommation de combustibles fossiles, pose
des problèmes d’un autre ordre. En effet, l’affectation des terres
(servant auparavant à la production de denrées alimentaires) à la
culture d’agrocarburants risque d’avoir des répercussions néfastes sur
la production alimentaire.
4. Certains affirment que l’utilisation des agrocarburants contribue
ou pourrait même être à l’origine d’une augmentation importante
du prix des produits agricoles entrant dans la consommation humaine
et animale. C’est ce qui s’est produit en Amérique du Sud, où cette
hausse de prix a compromis l’accès aux denrées alimentaires, tandis
que le maïs qui devait nourrir les hommes était vendu pour la production
d’agrocarburants. Qui plus est, le choix des agriculteurs de faire
pousser du maïs (devenu plus rentable) à la place du blé a provoqué
une hausse spectaculaire de cette denrée devenue rare.
5. Au Brésil, 6 millions d’automobiles roulent déjà avec un mélange
de 25 % d’éthanol dans leur essence. Pour 2020, l’Union européenne
a fixé à 10 % la part d’agrocarburants dans la consommation totale
de carburants. Elle a même envisagé la suppression des jachères,
avec pour conséquence une augmentation potentielle de la production
céréalière de 10 à 17 millions de tonnes qui devrait aider à mettre
un frein à la hausse générale du prix des produits agricoles. D’après
la FAO, la production céréalière mondiale en 2007 atteindrait les
2 095 milliards de tonnes, soit une augmentation de 4,8 % par rapport
à 2006 – qui s’explique au moins en partie par une augmentation
des surfaces agricoles cultivées pour la production d’agrocarburants. Cela
étant, il conviendrait de prendre également en compte la forte hausse
de la consommation alimentaire dans les grandes économies émergentes
comme la Chine.
6. Par ailleurs, les végétaux cultivés pour la production d’agrocarburants
peuvent être fertilisés avec des substances non autorisées pour
les cultures destinées à la production alimentaire. Or, ces substances
– en particulier lorsqu’elles sont utilisées en quantités importantes
– peuvent avoir des effets nocifs sur l’environnement. Ainsi, paradoxalement,
les agrocarburants pourraient avoir des incidences négatives tant
sur l’agriculture que sur l’environnement, sur les ressources en
eau, et contribuer également à la déforestation, à la désertification
et à la famine dans certaines régions du monde.
7. Il est donc important, tant du point de vue de l’environnement
que de l’agriculture, ainsi que dans une perspective économique
à moyen et long termes, de ne pas développer à l’excès ce nouveau
secteur qui pourrait non seulement mettre en péril le rôle traditionnel
de l’agriculture – à savoir, nourrir l’humanité –, mais aussi endommager,
par des effets pervers, l’environnement planétaire, et appauvrir
et affamer certaines populations.
2. Aperçu
technique
8. Il y a de très nombreux types d’agrocombustibles
– depuis le bois utilisé pour cuire les aliments jusqu’aux combustibles
modernes très sophistiqués obtenus à partir de la biomasse cultivée
à cet effet.
9. Les résidus agricoles – comme les déchets d’origine animale
– peuvent aussi être des agrocombustibles. Dans certains pays européens
comme l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, les déchets animaux
deviennent un problème pour l’environnement. Mais ils peuvent servir
à la production d’énergie par un procédé de fermentation. En Chine,
on utilise cette technologie depuis plus de vingt ans. Ce pays compte maintenant
10 millions de digesteurs de biogaz utilisant des déchets animaux.
10. Les végétaux utilisés comme agrocombustibles peuvent provenir
d’arbres à croissance rapide, de céréales, d’huiles végétales, de
résidus agricoles ou, dans le cas du Brésil, de canne à sucre.
11. En ce qui concerne, par exemple, la canne à sucre, on peut
utiliser soit le sucre soit la bagasse comme source d’énergie. La
bagasse est ce qui reste une fois que les tiges ont été pressées,
et elle est très utile comme combustible, fourrage et matériau de
construction. Les sucreries utilisent la bagasse comme source d’énergie
pour fournir la chaleur nécessaire au processus de production de
sucre. La technologie moderne permet d’utiliser la bagasse beaucoup
plus efficacement, de sorte qu’une bonne partie peut servir à la production
d’électricité par une centrale normale de combustion et de production
d’énergie. De la sorte, une industrie alimentaire devient aussi
une industrie productrice d’énergie.
12. Les agrocarburants ne sont pas une ressource nouvelle. Ils
étaient déjà connus lors des premiers pas de l’industrie automobile.
En effet, à la naissance du moteur à explosion, son inventeur, Niklaus
Otto, comptait utiliser l’éthanol comme carburant. De plus, le premier
moteur diesel, du nom de son inventeur Rudolf Diesel, fonctionnait
à l’huile d’arachide. Enfin, Henry Ford, pour faire rouler la célèbre
Ford T, construite de 1903 à 1926, avait pensé à utiliser l’éthanol
comme carburant.
13. Après les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, l’intérêt
pour les agrocarburants s’accrut. Mais cet engouement retomba vite
en 1986 avec la baisse du prix du pétrole. Dans les années 2000,
l’intérêt pour les agrocarburants a repris de plus belle face à
la nouvelle hausse du prix du pétrole, à la situation instable de certains
grands exportateurs de pétrole et à la volonté de lutter contre
l’effet de serre.
14. Il existe deux principales familles d’agrocarburants: les
éthanols (destinés aux moteurs à essence) et les agrodiesels (Esters
méthyliques d’huiles végétales (
EMHV)) pour les véhicules fonctionnant au diesel. Actuellement,
l’
agrodiesel est beaucoup plus utilisé que l’éthanol en
Europe, dans une proportion de 80 % pour le premier et 20 %
pour le second. Dans le futur, ce rapport pourrait évoluer avec
l’apparition de voitures équipées de moteurs «bicombustible» (dits
«
flex-fuel»), utilisant au maximum 85 % d’éthanol pour 15 % d’essence.
Les éthanols sont issus de la betterave à sucre, du blé, du maïs
ou de la canne à sucre. Le procédé consiste à en extraire le sucre,
directement ou par hydrolyse de l’amidon pour le blé, pour le faire
ensuite fermenter et le transformer en éthanol. Les agrodiesels
sont extraits de la transformation des huiles végétales (
colza, tournesol, soja et palme) dont on obtient des esters
d’huiles pour les mélanger aux diesels.
15. En Europe, la France est le premier producteur d’alcool éthanol
avec 33 % de la production européenne
. Cependant
l’Espagne reste le premier producteur d’éthanol destiné à la fabrication
de carburants. La France a produit durant la campagne 2005-2006
plus de 9 millions d’hectolitres d’alcool, dont 7,6 d’alcool agricole
d’origine betteravière (81 %) et céréalière (19 %).
16. Sur le plan mondial, les principaux producteurs d’éthanol
d’origine agricole sont les Etats-Unis (près de 200 millions d’hectolitres
en 2006) et le Brésil (près 170 millions d’hectolitres en 2006).
Ces deux pays sont par ailleurs des «modèles» d’agriculture industrielle,
très mécanisée et tournée vers la monoculture, l’intensification
et les biotechnologies modernes. En 2006, la production mondiale
d’éthanol d’origine agricole était de presque 500 millions d’hectolitres,
le Brésil et les Etats-Unis en assurant à eux seuls près des trois quarts.
3. Les impacts sur
l’environnement
17. Le revers de la médaille est que les agrocarburants
peuvent dans plusieurs cas produire plus d’émissions de gaz à effet
de serre que les combustibles fossiles qu’ils remplacent, si l’on
prend en compte tous les facteurs de leur chaîne de production.
La déforestation et le changement d’utilisation des sols provoquent
la libération d’importantes quantités de CO2 qui
y étaient emmagasinées; à cela s’ajoutent les émissions de gaz qui
résultent de la production, de la transformation et du transport
des agrocarburants, réalisés en grande partie par de la machinerie
et des technologies qui utilisent des dérivés du pétrole et d’autres
éléments producteurs de gaz à effet de serre.
18. Selon une étude parue dans la revue Science, il
serait plus efficace de conserver ou de restaurer forêts et prairies
pour préserver le climat plutôt que de développer des cultures permettant
de produire des agrocarburants. L’étude montre que la reforestation
permettrait de capter entre deux et neuf fois plus de CO2 sur
trente ans que les émissions de CO2 qui seraient
économisées par l’utilisation d’agrocarburants pendant la même période
de temps.
19. L’OCDE estime que les agrocarburants ne contribueraient à
la réduction des émissions de CO2 qu’à hauteur
de 3 % au mieux, pour un coût de 360 euros par tonne de CO2 économisée,
et critique les encouragements fiscaux accordés par certains Etats
aux producteurs d’agrocarburants.
20. En outre, le développement des agrocarburants est très controversé
même du point de vue du bilan énergétique. On a besoin de plus de
pétrole pour fabriquer de l’agrocarburant. Par exemple, dans le
cas de l’éthanol de maïs, on a besoin de 1,3 kilocalorie de pétrole
pour produire une kilocalorie de bioéthanol.
21. Du point de vue alimentaire, on constate qu’avec la quantité
de céréales nécessaire pour remplir le réservoir d’un camion avec
de l’agrocarburant, on peut nourrir une personne durant une année
entière.
22. Il semble que les effets nocifs des agrocarburants sur la
santé ne soient pas négligeables. Une étude de l’université de Stanford
a révélé qu’à terme l’utilisation de l’éthanol va causer un problème
de santé publique bien plus important que les actuelles pathologies
liées à la pollution provoquée par les hydrocarbures. Les moteurs
à combustion d’éthanol font grimper les taux de toxicité en ozone
de l’air, notamment dans les grandes villes déjà affectées par le
smog. L’utilisation de l’éthanol à la place de l’essence devrait
en conséquence causer 9 % de morts en plus dus à la pollution atmosphérique.
23. Certains décideurs politiques (dont des membres du Gouvernement
du Royaume-Uni) ont déjà exprimé des préoccupations contre les tendances,
jugées trop proagrocarburants, de la Commission européenne (qui a
fixé à 10 % le niveau des agrocarburants dans les carburants à atteindre
en 2020, malgré la multitude d’interrogations soulevées par ces
derniers). L’Allemagne s’apprête à renoncer au développement massif
des agrocarburants, car des études ont montré que mélanger 10 %
d’éthanol dans l’essence classique risque d’user trop vite les moteurs.
24. Il en est de même des travaux réalisés par le département
scientifique interne de la Commission européenne (le Centre commun
de recherche de la Commission, Joint Research Centre – JRC), qui
n’ont pas été publiés mais qui tirent des signaux d’alarme: l’incertitude
est trop grande pour pouvoir déterminer si l’objectif de 10 % d’agrocarburants
développé par l’Union européenne conduira ou non à une économie
en gaz à effet de serre, et les émissions indirectes causées par
la conversion des terres arables ou boisées pour la production d’agrocarburants
pourraient contrebalancer les avantages apportés par les agrocarburants.
Il est également précisé dans ces études que, si l’on veut réduire
les gaz à effet de serre, il est substantiellement plus efficace
d’utiliser la biomasse à la production d’électricité plutôt que
de produire des agrocarburants conventionnels. C’est aussi la conclusion
atteinte par un rapport publié en mai 2007 par la division énergie
des Nations Unies.
4. Les impacts sur
l’agriculture
25. Au-delà de la préoccupation écologique, il y a d’autres
problèmes qui sont d’importance: ceux de l’accès à la terre, de
la souveraineté alimentaire et de la faim à l’échelle planétaire.
26. L’augmentation rapide de la demande pour les agrocarburants
aura pour conséquence que des milliers d’hectares de terres fertiles
ne vont plus produire des aliments mais des combustibles. Ces terres
seront concentrées entre les mains de quelques grandes multinationales
de l’agroalimentaire et du secteur énergétique, ce qui aura pour
effet de «déplacer» les petits paysans vers la misère des centres
urbains surpeuplés ou de les convertir en travailleurs ruraux sans
terre.
27. De la même manière, les forêts vont cesser de garantir la
subsistance de milliers de personnes, les sources d’eau de ces régions
seront contaminées et les sols de ces écosystèmes déjà fragiles
seront graduellement épuisés par cette agriculture intensive et
l’utilisation massive de produits chimiques (dont une bonne partie
sont interdits pour les cultures alimentaires, tolérés pour les
cultures non alimentaires, mais pas moins nuisibles à l’environnement).
Cela s’est déjà produit en Amérique du Sud (surtout en Colombie,
en Amazonie et au Brésil), où le développement des monocultures
de soja, de canne à sucre ou de palme africaine a conduit à des
déforestations massives. Ces monocultures mécanisées utilisent de
hautes doses d’engrais (par exemple de l’atrazine, qui est un herbicide
très nuisible avec un effet endocrinien).
28. Des études ont été réalisées qui exposent les risques d’une
exploitation à large échelle des agrocarburants pour la qualité
des sols. Les résultats d’une de ces études, réalisée en Suisse,
montrent que la culture des agrocarburants (qui, malheureusement,
sont souvent aussi appelés «biocarburants», ce qui est propice à
une confusion avec les produits agricoles portant le label «bio»)
est incompatible avec une agriculture biologique durable, car elle
ne restitue pas aux sols une partie suffisante des substances nutritives prélevées.
29. En effet, l’agriculture biologique vise des cycles fermés
de substances alimentaires: les substances nutritives tirées du
sol y sont ramenées sous forme de compost, de fumure organique ou
de fumier. Par contre, dans la production de plantes énergétiques,
près de 100 % de la biomasse quitte les sols de l’exploitation.
Le risque de dégradation des sols qui en résulte doit alors être
réduit par des apports externes.
30. Pour ces raisons, nombre d’organisations paysannes dénoncent
le développement des agrocarburants comme une nouvelle forme d’exploitation
industrielle de l’agriculture, qui nécessite encore plus de terres cultivables,
de mécanisation et de produits chimiques et qui laisse prévoir le
développement rapide de «déserts de monoculture» aux dépens des
agricultures paysannes et familiales. Elles perçoivent cette tendance
comme une vraie menace pour l’agriculture familiale qu’ils pratiquent
car, à long terme, les multinationales seront non seulement favorisées
par des législations permissives et des subventions, mais elles
auront aussi le contrôle des moyens de production (semences, machines,
transport). Les organisations paysannes dénoncent aussi la naissance
d’un lobby autour de cette nouvelle source d’énergie. Cette question
a été soulevée lors du Forum mondial pour la souveraineté alimentaire
(Nyéléni, Mali, 2007), où les participants venus des cinq continents ont
attiré l’attention sur les dérives et les dangers de ce qui risque
de devenir le nouveau lobby d’un nouveau pétrole.
31. De plus, selon une perspective économique, on a pu constater
que la production de combustibles à partir de produits agricoles
a déjà contribué d’une manière très importante à faire monter les
prix des denrées alimentaires sur le marché mondial, avec des conséquences
dramatiques sur l’alimentation de millions de personnes.
32. Comme il a été expliqué lors de la Conférence sur les changements
climatiques à Bangkok, en avril 2008, chaque fois qu’une surface
cultivée est dédiée aux agrocarburants, le prix de la denrée cultivée
monte et, en outre, d’autres agriculteurs en produisent davantage,
en s’étendant en bonne partie sur des forêts et des pâturages (zones
par ailleurs fortement absorbantes de CO2).
En outre, la question a été soulevée de savoir si la quantité d’agrocarburants
nécessaire pour atteindre les objectifs envisagés par la Commission européenne
peut être produite entièrement sur le sol européen ou s’il faut
procéder à des importations. Comme le président de la Commission
de l’agriculture du Parlement britannique l’a dit, si le seul moyen
d’atteindre ces objectifs est d’importer des agrocarburants, l’Europe
sera aussi vulnérable qu’avec l’importation du pétrole ou du gaz.
33. Le président de Nestlé a prévenu en mars 2008 que si l’on
veut couvrir 20 % du besoin croissant en produits pétroliers avec
des agrocarburants, comme cela est prévu, il n’y aura plus rien
à manger.
5. Les avantages
34. Les industries les plus puissantes de la planète
voient dans le développement des agrocombustibles une source de
profits importants, et la possibilité d’être appuyées par les gouvernements
par des lois et des subventions rend la situation encore plus attrayante.
Les principales intéressées sont les entreprises automobiles (qui
espèrent qu’avec les nouveaux agrocarburants les gens vont être
obligés de changer de voiture), pétrolières (qui contrôlent le système
de distribution de combustibles), celles qui contrôlent le commerce
mondial du grain (elles gagneront beaucoup tant par l’augmentation
de la demande d’agrocombustibles que par la hausse des prix des
aliments qui devront concurrencer ceux-ci) et les transnationales
productrices d’OGM.
35. Les autres secteurs économiquement gagnants sont les grandes
transnationales forestières et de production de cellulose (qui aujourd’hui
produisent pour l’industrie du papier mais qui, avec un minimum
de changements technologiques, peuvent se transformer en usines
de traitement d’éthanol) ainsi que les fabricants industriels d’aliments
pour poulets et bétail, qui envisagent un éventuel développement
de la fabrication d’agrodiesel à partir de la graisse animale.
6. Les agrocarburants
de deuxième génération
36. Après les sévères critiques apportées au développement
des agrocarburants (dont celle du rapporteur spécial de l’ONU pour
le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, qui a parlé d’un «crime
contre l’humanité», et celle du premier directeur général adjoint
du FMI, John Lipsky, qui a estimé que le développement des agrocarburants
est responsable à 70 % de la hausse du prix du maïs et à 40 % de
celui du soja), les industriels ont essayé de mettre au point une
seconde génération d’agrocarburants, fondée sur la biomasse, qui valoriserait
donc la partie non comestible des cultures.
37. Les agrocarburants de deuxième génération seront donc fabriqués
non plus à partir des graines et des plantes, mais avec les matières
organiques non comestibles des plantes, dont la dégradation naturelle
sur le sol participe à la constitution de l’humus nécessaire à leur
régénération, ou encore avec le bois des arbres. N’importe quelle
plante pourrait donc être utilisée pour la production d’agrocarburants
de deuxième génération.
38. Il reste toutefois des problèmes à prendre en compte lors
du développement de cette deuxième génération d’agrocarburants:
celui des stocks d’humus, qui jouent un grand rôle dans la fertilité
des sols et dans le stockage du carbone, et l’utilisation du bois
qui ne doit pas conduire à la déforestation.
39. Les résidus agricoles sont toutefois limités en volume. L’enjeu
prioritaire des agrocarburants est donc celui de la productivité.
Or pour l’instant, les rendements énergétiques des agrocarburants
de deuxième génération restent très bas. Il faudra attendre au moins
une dizaine d’années encore avant de passer à une production industrielle.
40. Cependant, l’Allemagne a déjà décidé de jouer un rôle de pionnier
dans le développement d’agrocarburants de la deuxième génération.
Une usine qui produira un carburant BTL («biomass
to liquid») va être construite, dont la production devrait
démarrer au début de l’année 2009. L’usine est conçue pour produire
18 millions de litres de carburant par an.
41. Une autre piste à explorer dans l’avenir serait celle des
algues microscopiques, capables de développer un rendement 30 fois
supérieur à celui des oléagineux terrestres. Le prix de l’agrocarburant
algal, certes élévé, resterait quand même inférieur au prix du pétrole.
7. Conclusions
42. Le «boom» des agrocarburants peut sembler facilement
justifiable par certaines théories, surtout lorsqu’on le présente
comme la solution miracle aux problèmes énergétiques de la planète.
Cependant, plus le sujet est étudié en profondeur, plus il devient
évident que le développement trop poussé des agrocarburants entraîne
de nouveaux problèmes pour la société.
43. Il a été plutôt surprenant de constater que la Commission
européenne avait choisi d’appuyer fortement le développement des
agrocombustibles malgré les signaux d’alarme des scientifiques,
des agriculteurs et des militants de l’environnement. Le Président
de la Commission européenne avait reconnu les problèmes environnementaux
que pouvait causer la production d’agrocombustibles, mais avait
déclaré avec assurance qu’une telle situation pourrait être évitée,
et que davantage de recherche améliorerait la production. Le commissaire
européen chargé du commerce s’est dit convaincu que les consommateurs
paieraient pour les agrocombustibles uniquement s’ils ont la garantie
que leur production ne polluera pas l’environnement, et le commissaire
européen à l’énergie, de son côté, a affirmé que le développement
des agrocarburants entraînait des réductions significatives des
émissions de gaz à effet de serre, en comparaison avec leur alternative,
le pétrole. Ensuite, en juillet 2008, la Commission européenne a
reconsidéré sa position, en soulignant qu’en fait ses objectifs
n’incluaient aucun objectif précis sur le recours aux agrocarburants,
mais concernaient les énergies renouvelables.
44. Les décideurs politiques, en Europe comme ailleurs à travers
le monde, doivent fonder leurs actions sur des informations complètes,
fiables et portant sur tous les domaines pouvant être affectés par
la manière dont évoluera l’industrie des agrocombustibles. C’est
pourquoi ce rapport appelle à un moratoire sur le développement
des agrocarburants de première génération, en parallèle avec des
efforts dirigés vers l’augmentation de l’efficacité énergétique
et la promotion de véhicules moins émetteurs de CO2.
45. Il serait donc souhaitable que les Etats membres et non membres
du Conseil de l’Europe, ainsi que la Commission européenne et les
autres organisations internationales concernées, s’engagent sans
tarder à essayer de trouver une solution d’équilibre entre les besoins
en carburant de la planète (surtout des pays riches) et les besoins
en nourriture (surtout des pays pauvres). Dans ce contexte, ils
devraient, entre autres:
- mieux
tenir compte des effets nocifs du développement trop poussé des
agrocarburants sur l’agriculture et sur l’alimentation;
- éliminer progressivement toute subvention accordée aux
producteurs d’agrocarburants;
- encourager le développement des agrocarburants de deuxième
génération;
- soutenir la recherche sur les agrocarburants à base d’algues;
- mettre l’accent sur le développement de véhicules à la
fois moins polluants et plus efficaces du point de vue énergétique.
__________
Commission chargée du rapport: commission
de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales.
Renvoi en commission: Doc. 11443 et Renvoi no 3398 du 21 janvier
2008.
Projet de résolution adopté
à l’unanimité par la commission le 18 décembre 2008.
Membres de la commission: M.
Alan Meale (Président), Mme Maria
Manuela de Melo (1re Vice-Présidente), M. Juha Korkeaoja (2e Vice-Président),
M. Cezar Florin Preda (3e Vice-Président),
M. Ruhi Açikgöz, M. Miloš Aligrudić,
M. Alejandro Alonso Núñez, M. Gerolf Annemans, M. Miguel Arias Cañete,
M. Alexander Babakov, M. Rony Bargetze, M. Fabio Berardi, Mme Guðfinna
S. Bjarnadóttir, M. Ioannis Bougas, M. Ivan Brajović, Mme Elvira
Cortajarena Iturrioz, M. Valeriu Cosarciuc, M. Taulant Dedja, M.
Hubert Deittert, M. Miljenko
Dorić, M. Gianpaolo Dozzo, M. Tomasz Dudziński,
M. József Ékes, M. Savo Erić, M. Bill Etherington,
M. Nigel Evans, M. Joseph
Falzon (remplaçant: M. Joseph Debono
Grech), M. Gianni Farina,
M. Iván Farkas, M. György Frunda, Mme Eva
García Pastor, M. Zahari Georgiev, M. Peter Götz, M. Rafael Huseynov,
M. Jean Huss, M. Fazail Ibrahimli, M. Ilie Ilaşcu, M. Ivan Ivanov, M. Igor Ivanovski, M. Bjørn
Jacobsen, M. Gediminas Jakavonis, Mme Danuta
Jazłowiecka, M. Stanisław Kalemba, M. Ishkhan Khachatryan, M. Haluk
Koç, M. Gerhard Kurzmann, M. Dominique Le Mèner, M. François Loncle,
M. Aleksei Lotman, Mme Kerstin Lundgren (remplaçant:
M. Kent Olsson), M. Theo
Maissen, M. Yevhen Marmazov, M. Bernard Marquet, M. Mikheil Matchavariani,
M. José Mendes Bota, M. Pasquale Nessa (remplaçant: M. Marco Zacchera), M. Tomislav Nikolić,
Mme Carina Ohlsson,
M. Joe O’Reilly, M. Germinal Peiro (remplaçant: M. Jean-François Le Grand), M. Ivan Popescu, M.
Jakob Presečnik, M. René
Rouquet, Mme Anta Rugāte, M. Giacinto
Russo, M. Fidias Sarikas, M. Hermann Scheer, M. Andreas Schieder,
M. Hans Kristian Skibby (remplaçant: M. Morten Messerschmidt), M. Ladislav Skopal,
M. Rainder Steenblock, M. Valeriy Sudarenkov, M. Vilmos Szabó, M. Vyacheslav
Timchenko, M. Bruno Tobback, M. Nikolay Tulaev, M. Tomas Úlehla,
M. Mustafa Ünal, M. Henk van
Gerven, M. Rudolf Vis, M.
Harm Evert Waalkens, M. Hansjörg Walter, Mme Roudoula
Zissi.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Secrétariat de la commission: Mme
Nollinger, M. Torcătoriu et Mme Karanjac.