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Rapport | Doc. 11859 | 09 avril 2009

Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie : suites données à la Résolution 1648 (2009)

(Ancienne) Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteure : Mme Corien W.A. JONKER, Pays-Bas, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi no 3326 du 30 janvier 2009. 2009 - Deuxième partie de session

Résumé

Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie restent graves. Sur les 130 000 personnes déplacées à l’origine à la suite du conflit, on en compte encore 26 000 en Géorgie. En Ossétie du Sud, sur les 33 000 à 38 000 personnes déplacées à l’origine, toutes à l’exception de 1 200 sont revenues.

En Ossétie du Sud, les besoins humanitaires urgents ont pu être satisfaits et il faut maintenant réparer les habitations et les infrastructures, et fournir aux gens des moyens de subsistance et un revenu. Malheureusement, la destruction totale de nombreux villages de souche géorgienne a été confirmée.

Les Géorgiens de souche de la région d’Akhalgori ne sont actuellement pas contraints de quitter cette zone, mais la situation en matière de droits de l’homme reste inquiétante. Les problèmes et préoccupations sont à peu près les mêmes dans la région de Gali en Abkhazie.

L’Assemblée parlementaire doit favoriser un dialogue avec toutes les parties au conflit, sans lequel ces dernières risquent de se retrancher davantage sur leurs positions, et la confiance, y compris avec la communauté internationale, n’en sera que plus compromise. Des mesures doivent être prises pour garantir que les frontières administratives entre l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie d’une part, et la Géorgie d’autre part, resteront ouvertes. Si ces frontières apparaissent complètement fermées, il y aura un exode de masse de la population de souche géorgienne vivant encore au nord de celles-ci. Cela provoquera une nouvelle crise humanitaire. La question des retours volontaires en toute sécurité et dans la dignité reste un sujet de préoccupation et il convient en priorité d’accélérer ces retours.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution 1648 (2009) sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie. Elle estime qu’il est important de donner suite à cette résolution en examinant plus en détail la situation humanitaire particulière en Ossétie du Sud et certaines des évolutions les plus récentes ayant un effet sur la situation humanitaire dans le reste de la Géorgie et dans les zones de conflit.
2. Sur les 130 000 Géorgiens de souche déplacés pendant le conflit, il reste environ 26 000 personnes déplacées vivant dans des centres collectifs à Tbilissi et dans d’autres régions de Géorgie. Sur les 33 000 à 38 000 personnes d’origine ethnique sud-ossète déplacées vers l’Ossétie du Nord pendant le conflit, environ 1 200 ne sont toujours pas revenues en Ossétie du Sud.
3. Les besoins humanitaires immédiats découlant du conflit ont pu être satisfaits pendant l’hiver, grâce à la Géorgie et aux pays ou organismes donateurs internationaux et à leurs activités en faveur de personnes se trouvant sur le territoire placé sous le contrôle du Gouvernement géorgien. De même, il faut souligner que la Russie a fourni une assistance humanitaire en particulier en Ossétie du Nord et en Ossétie du Sud. Il convient de mentionner également la contribution essentielle du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour son travail humanitaire en dehors de Tbilissi, ainsi que pour son action aux alentours de Tskhinvali, où il était le seul acteur humanitaire international présent.
4. Il convient maintenant d’accorder la priorité, après l’assistance humanitaire d’urgence, au développement, notamment à la reconstruction des habitations et des structures détruites pendant la guerre et comme conséquence de celle-ci. Le rétablissement et les garanties d’un approvisionnement en gaz, en eau et en électricité sont une priorité.
5. Les retours volontaires de toutes les personnes déplacées, y compris les réfugiés, doivent être encouragés en sécurité et dans la dignité. Cela s’applique à ceux qui ont été touchés par le récent conflit mais également à ceux victimes de conflits antérieurs.
6. S’agissant de l’Ossétie du Sud, l’assistance humanitaire et l’aide au développement sont en cours de négociation pour la somme de 10 milliards de roubles proposées par la Russie. Ce montant permettra de réparer des bâtiments et des infrastructures, et un nouveau gazoduc sera construit depuis l’Ossétie du Nord jusqu’à Tskhinvali. Ces mesures permettront d’améliorer la situation difficile dans laquelle vivent les personnes en Ossétie du Sud, notamment plus de 3 000 personnes qui sont toujours hébergées dans des centres collectifs depuis les conflits antérieurs.
7. La sécurité est toujours un sujet de préoccupation pour de nombreuses personnes vivant en Ossétie du Sud, ainsi que pour celles qui vivent dans le reste de la Géorgie et notamment celles vivant près de la frontière administrative. Il existe toujours de nombreux motifs d’insécurité et de peur pour toutes les parties en raison des incidents autour de cette frontière, des prises d’otages, et également de l’éventualité d’une reprise des combats.
8. Les villages d’Ossétie du Sud précédemment sous contrôle géorgien ont été entièrement rasés, à l’exception de quelques maisons. L’intention de procéder à un nettoyage ethnique des Géorgiens dans cette zone est évidente.
9. La situation des Géorgiens de souche dans le district occupé d’Akhalgori est source de graves préoccupations; si ces personnes ne sont actuellement pas obligées de quitter leur maison à cause de menaces ou d’actes de violence, elles doivent néanmoins faire face à de nombreux problèmes qui, s’ils ne sont pas traités, aboutiront à un nouvel exode dans la région. Ces problèmes incluent des restrictions pour traverser la frontière administrative, l’incertitude quant au système éducatif et à l’éducation en langue géorgienne, des pressions exercées afin qu’elles demandent des passeports sud-ossètes, des actes de discrimination individuels et des problèmes d’accès aux soins de santé.
10. Les dommages de guerre, les recherches et les témoignages qui sont clairement ressortis après la fin de la guerre attestent de violations de droits de l’homme et du droit humanitaire commises par toutes les parties au conflit, qui doivent faire l’objet d’une enquête internationale indépendante. Plus particulièrement, il convient d’enquêter sur les allégations d’attaques aveugles de civils, notamment à l’aide de bombes à sous-munitions qui auraient été utilisées à la fois par les Géorgiens et par les Russes, ainsi que sur les attaques présumées de civils d’origine ethnique sud-ossète cherchant à fuir la zone de combats de Tskhinvali et de Géorgiens de souche cherchant à fuir la zone de combats, y compris dans les environs d’Eredvi.
11. La situation en Abkhazie reste également tendue. Les questions des restrictions pour traverser la frontière administrative au sud du district de Gali, des droits, notamment le droit à l’éducation dans la langue maternelle, des Géorgiens de souche vivant dans une situation de minorité de fait dans le district de Gali et du processus consistant à contraindre des personnes à adopter des passeports abkhazes sont particulièrement inquiétantes. Le récent incident survenu dans le village d’Otobaia, où 50 familles ont été expulsées puis autorisées ultérieurement à revenir, est également un grave sujet de préoccupation pour l’Assemblée.
12. L’avenir et le rôle des organisations internationales dans la région restent incertains. Le bureau de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Géorgie est en cours de fermeture, bien que le mandat des observateurs militaires non armés ait été renouvelé jusqu’au 30 juin 2009. S’agissant de l’Abkhazie, les Nations Unies ont réussi à négocier le renouvellement du mandat de leur mission d’observation jusqu’au 15 juin 2009, mais un nouveau mandat devra être négocié. La Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) n’a toujours pas accès aux territoires qui échappent au contrôle du Gouvernement géorgien.
13. De nouvelles initiatives doivent être prises pour établir un dialogue et instaurer la confiance entre toutes les parties au conflit et la communauté internationale. Cela ne pourra pas se faire si les frontières administratives sont totalement fermées et si les communautés sont totalement isolées. Des organisations internationales, dont le Conseil de l’Europe, doivent être présentes dans ces régions afin de promouvoir le dialogue et la confiance.
14. Au vu des considérations qui précèdent, l’Assemblée demande instamment à la Géorgie, à la Russie et aux autorités de facto de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie:
14.1. de mettre pleinement en œuvre les recommandations faites dans la Résolution 1648 (2009) de l’Assemblée sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie;
14.2. de laisser les frontières administratives de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud ouvertes et de rester souples et pratiques quant à la question de l’accès à la région depuis le nord et depuis le sud, au moins à des fins humanitaires;
14.3. de veiller à ce que tous les approvisionnements de base, comme le gaz, l’électricité et l’eau, ne soient pas interrompus. Cela est particulièrement important en ce qui concerne l’approvisionnement en gaz à Tskhinvali et à l’approvisionnement en eau depuis l’Ossétie du Sud vers les villages situés au sud de la frontière administrative;
14.4. d’œuvrer à l’identification des personnes portées disparues et de traiter le problème des prises d’otages et des échanges de prisonniers, en faisant usage de manière appropriée des bons offices des différents médiateurs dans la région et du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe;
14.5. de soutenir les initiatives de la société civile, essentielles pour l’autonomisation des personnes, notamment des jeunes, et le développement de la société, afin de garantir une forte culture humanitaire et des droits de l’homme dans les anciennes zones de conflit;
14.6. d’accorder la priorité, dans le contexte humanitaire, à trouver un accord flexible et novateur relatif au mandat et au rôle des organisations internationales opérant dans la région, afin de promouvoir la paix et la stabilité et de surveiller la situation humanitaire et relative aux droits de l’homme. Plus particulièrement, à cet égard:
14.6.1. d’accepter que la Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie poursuive ses travaux;
14.6.2. d’autoriser les officiers militaires non armés de l’OSCE à poursuivre leur mandat de surveillance et de négocier le renouvellement de la présence de l’OSCE dans la région d’Ossétie du Sud;
14.6.3. de renforcer le mandat de la MSUE et de l’autoriser à accéder à toutes les zones de conflit;
14.6.4. d’étudier la nécessité de mettre en place une nouvelle force de maintien de la paix internationalisée dans la région.
15. L’Assemblée demande instamment aux autorités de facto d’Ossétie du Sud et à la Russie:
15.1. de trouver dès que possible un accord sur la proposition d’aide globale de 10 milliards de roubles qui servira à reconstruire des habitations, à permettre à des personnes hébergées dans des centres collectifs d’être relogées et à réparer les infrastructures endommagées et négligées;
15.2. de prendre des mesures contre toute personne ayant participé à la destruction ou au pillage de maisons et de veiller à ce que les habitations, les biens et les effets personnels ainsi que la sécurité physique de toutes les personnes d’origine ethnique géorgienne soient préservés et, pour ce qui est des habitations et des biens, qu’ils soient restaurés et partout où cela est possible restitués;
15.3. de garantir le retour volontaire de toutes les personnes déplacées en sécurité et dans la dignité, conformément au droit international;
15.4. de garantir un plein et libre accès à tous les lieux de détention pour les mécanismes internationaux de suivi, notamment le Comité européen pour la prévention de la torture et le CICR;
15.5. de s’abstenir de toute initiative qui contribuerait à de nouveaux départs de Géorgiens de souche notamment du district occupé d’Akhalgori, et de favoriser le retour de ceux qui sont déjà partis. A cet égard, des mesures doivent être prises pour:
15.5.1. faciliter les déplacements de la population locale du district d’Akhalgori de part et d’autre de la frontière administrative méridionale;
15.5.2. aider à reconstruire tous les biens endommagés ou détruits dans le district;
15.5.3. garantir les droits à l’éducation, notamment l’éducation dans leur langue maternelle, des Géorgiens de souche vivant dans le district d’Akhalgori;
15.5.4. garantir que la population n’est pas obligée de prendre des passeports sud-ossètes;
15.5.5. lutter contre tout acte de discrimination, qu’il soit le fait d’individus ou des autorités.
16. L’Assemblée demande instamment aux autorités de facto d’Abkhazie et à la Russie:
16.1. de garantir un plein et libre accès à tous les lieux de détention pour les mécanismes internationaux de suivi, notamment le Comité européen pour la prévention de la torture et le CICR;
16.2. de laisser la frontière administrative méridionale ouverte, en particulier pour ceux qui vivent ou souhaitent revenir dans le district de Gali;
16.3. de veiller à ce que des incidents comme l’expulsion de villageois du village d’Otobaia ne se reproduisent pas;
16.4. de garantir le retour volontaire en sécurité et dans la dignité, y compris le retour de personnes dans la vallée de Kodori;
16.5. de garantir les droits à l’éducation, notamment l’éducation dans leur langue maternelle des Géorgiens de souche.
17. L’Assemblée demande instamment à la Géorgie:
17.1. de poursuivre la stratégie nationale révisée pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, en coopération et consultation avec le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies et d’autres partenaires internationaux;
17.2. de réviser la loi relative aux territoires occupés ou de s’abstenir de la mettre en œuvre d’une manière incompatible avec les droits de l’homme et les normes du droit international humanitaire telles qu’elles ont été définies par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
18. L’Assemblée demande instamment à la Russie d’étudier les besoins en logement et autres besoins humanitaires des personnes déplacées et des réfugiés issus du récent conflit ou de conflits antérieurs en Géorgie, quelle que soit leur origine ethnique, et à accélérer le relogement des personnes vivant actuellement pour de longues durées dans des centres collectifs en Ossétie du Nord.
19. L’Assemblée appelle la communauté internationale à redoubler d’efforts pour être présente en Ossétie du Sud et également en Abkhazie afin de diminuer la méfiance de la population locale et de renforcer la possibilité de dialogue avec toutes les parties.
20. L’Assemblée encourage le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à poursuivre son important travail en matière de droits de l’homme dans la région.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2009) sur «Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie: suites données à la Résolution 1648 (2009)».
2. Elle estime que le Conseil de l’Europe a un rôle fondamental à jouer dans la région en proie au conflit, notamment en Ossétie du Sud, en Abkhazie et dans les territoires occupés de la vallée de Kodori, du district d’Akhalgori et de Perevi.
3. Par conséquent, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de prendre pleinement en compte les recommandations contenues dans la Recommandation 1857 (2009) sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie, et en particulier:
3.1. de rester en liaison avec l’Union européenne, les Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les autres acteurs internationaux;
3.2. d’apporter son soutien plein et entier aux Nations Unies dans leurs efforts en vue de négocier un nouveau mandat pour la Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG);
3.3. d’adopter un plan d’action, en particulier avec des activités spécifiques centrées sur la protection et la promotion des droits de l’homme et des normes humanitaires en Ossétie du Sud et en Abkhazie, et d’examiner comment le Conseil de l’Europe peut être présent dans ces deux régions, soit de son plein droit, soit en tant que participant à une autre mission internationale menée par les Nations Unies ou d’autres organisations;
3.4. de fournir un soutien et un financement aux activités et au programme du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en Ossétie du Sud et en Abkhazie;
3.5. de veiller à ce que les rapports réguliers sur la situation des droits de l’homme dans les zones affectées par le conflit demandés par le Comité des Ministres au Secrétaire Général (lors de la 1048e réunion des Délégués des Ministres les 11 et 12 février 2009) prennent pleinement en compte les préoccupations humanitaires, notamment celles concernant les nouvelles et anciennes personnes déplacées à l’intérieur du pays. En outre, les rapports devraient couvrir toutes les zones affectées par le conflit en Géorgie, dont les régions d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, et également l’Ossétie du Nord, ainsi que le sort des nouveaux et anciens réfugiés et personnes déplacées dans toutes ces zones;
3.6. de prendre des initiatives pour établir un dialogue et instaurer la confiance entre toutes les parties, et en particulier toutes les parties au conflit et la communauté internationale;
3.7. de soutenir les initiatives de la société civile, essentielles pour l’autonomisation des personnes, notamment des jeunes, et le développement de la société, afin de garantir une forte culture humanitaire et des droits de l’homme dans les anciennes zones de conflit.

C. Exposé des motifs, par Mme Corien W.A. Jonker

(open)

1. Introduction

1. L’Assemblée parlementaire a adopté, en janvier 2009, la Résolution 1647 sur la mise en œuvre de la Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie ainsi que la Résolution 1648 sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie. Ce rapport, censé faire suite à la Résolution 1648, présente notamment une analyse plus approfondie de la situation humanitaire en Ossétie du Sud 
			(1) 
			Dans ce document, les
expressions «Ossétie du Sud» et «Abkhazie» sont employées pour la
commodité du lecteur, sans préjudice de la position de l’Assemblée
sur l’intégrité territoriale de la Géorgie..
2. Pour préparer ce rapport, le rapporteur s’est rendu en Ossétie du Nord les 12 et 13 mars 2009 et en Ossétie du Sud les 13 et 14 mars 2009. Ce document s’appuie sur les observations faites par le rapporteur au cours de sa visite et sur les informations qu’elle a recueillies lors de ses précédents travaux sur la question des conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie (voir l’Avis sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie (Doc. 11730) et le rapport sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie (Doc. 11789)).
3. Pour entrer en Ossétie du Sud, le rapporteur a dû transiter par la Russie depuis le nord (à travers le tunnel de Roki). Son voyage a été organisé avec l’accord des autorités géorgiennes. En donnant leur accord, celles-ci ont tenu compte du fait que le rapporteur avait déjà tenté, en novembre 2008, de se rendre en Ossétie du Sud par le sud (en passant par Ergneti) mais s’était vu refuser l’accès par les autorités de facto en Ossétie du Sud.
4. Le rapporteur désire remercier les personnes qui l’ont aidée à préparer sa visite et son rapport. Elle souhaite remercier les autorités géorgiennes et russes et les délégations parlementaires pour avoir facilité cette visite. Elle désire également remercier les autorités en Ossétie du Nord et le parlement ainsi que les autorités et le parlement de facto en Ossétie du Sud pour leur coopération, leur hospitalité et leur franchise, pour l’assistance logistique qu’ils ont fournie et la sécurité qu’ils ont assurée. Le rapporteur a été accompagné tout au long de sa visite en Ossétie du Sud par M. Juri Dzitstsoyty. Le rapporteur souhaite également rendre hommage aux différentes organisations non gouvernementales, au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ainsi qu’au médiateur de facto de l’Ossétie du Sud pour les informations fournies et le temps accordé.
5. Ce rapport examine principalement les problèmes humanitaires. Le rapporteur a choisi, comme dans son dernier rapport, de prendre ses distances par rapport aux questions politiques suscitées par le conflit. Elle n’a pas cherché à se prononcer sur les violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire commises par chacune des parties au conflit. Le rapporteur souscrit à tous les appels, y compris celui du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui ont été lancés pour que soit menée une enquête indépendante et impartiale sur les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme commises pendant et après le conflit.

2. Approche du rapport

6. Dans la première partie de ce rapport, le rapporteur met l’accent notamment sur la situation humanitaire actuelle en Ossétie du Sud. Elle fournit des informations, lorsqu’elles sont disponibles, sur la région occupée d’Akhalgori. Dans la deuxième partie de son rapport, elle fait rapidement le point sur certaines questions importantes soulevées dans le précédent rapport (Doc. 11789). Pour bien comprendre les conséquences humanitaires de la guerre en général et avoir une vision équilibrée de celles-ci, il est nécessaire de prendre en compte tant le rapport précédent que le présent rapport.

3. Partie 1 – Ossétie du Sud

3.1. Visite en Ossétie du Sud

7. Dans le cadre de sa mission d’information, le rapporteur s’est rendu le mercredi 11 mars à Moscou, où elle a rencontré des représentants du CICR, de Human Rights Watch et de l’ONG «Mémorial».
8. Le jeudi 12 mars, elle s’est rendue à Vladikavkaz, en Ossétie du Nord, où elle a été reçue par le vice-président du Parlement de l’Ossétie du Nord (M. Gesayev) et par le vice-président de facto du Parlement de l’Ossétie du Sud (M. Dzitstsoyty). Elle a rencontré des personnes du ministère des Migrations d’Ossétie du Nord ainsi que des personnes déplacées et des représentants des organisations non gouvernementales locales pour examiner la situation des personnes déplacées et des réfugiés à la suite du dernier et des précédents conflits.
9. Le vendredi 13 mars, le rapporteur s’est rendu en Ossétie du Sud par le tunnel de Roki. Elle a visité un certain nombre de villages qui étaient contrôlés par les autorités géorgiennes avant le conflit, dans la vallée de Didi Liakhvi (qui descend depuis le nord vers Tskhinvali) et la vallée de Proné (située à l’ouest de Tskhinvali). Elle a rencontré le Président de facto, M. Kokoity, le ministre des Affaires étrangères de facto, M. Dzhioev, ainsi que le ministre de facto responsable du logement et de la santé, M. Gabaraev. Elle a également tenu une réunion avec le CICR.
10. Le samedi 14 mars, le rapporteur a rencontré le médiateur de facto, M. Sanakoev, a visité deux centres collectifs accueillant les personnes déplacées, a tenu des réunions avec des ONG locales et s’est rendu dans la vallée de Patara Likhvi, à l’est de la ville, où elle a visité plusieurs villages qui étaient sous le contrôle des autorités géorgiennes avant le conflit. Au terme de sa visite, elle est sortie au sud, par le poste de contrôle no 1 d’Ergneti.
11. Les autorités de facto de l’Ossétie du Sud se sont montrées accueillantes et serviables; elles ont emmené le rapporteur partout où elle a voulu se rendre et ont organisé des réunions avec toutes les personnes qu’elle a désiré rencontrer. La seule exception était Akhalgori, que le rapporteur avait demandé de visiter en hélicoptère. Les autorités de facto n’ont pas fourni d’hélicoptère, invoquant des raisons indépendantes de leur volonté, mais elles ont accepté de fournir des véhicules routiers appropriés pour transporter le rapporteur sur place. Cette solution s’est cependant révélée impraticable étant donné le temps à prévoir pour ce déplacement (voyage de dix heures) et le peu de temps à disposition du rapporteur.

3.2. La situation humanitaire des personnes vivant en Ossétie du Sud

3.2.1. Besoins humanitaires immédiats

12. On estime qu’il reste environ 50 000 personnes en Ossétie du Sud, dont 35 000 vivant à Tskhinvali.
13. Au lendemain du conflit, le ministère de la Fédération de Russie chargé de la protection civile, des situations d’urgence et de l’élimination des conséquences de catastrophes naturelles (EMERCOM) ainsi que le CICR ont fourni l’assistance humanitaire d’urgence et de première nécessité.
14. Le CICR a prêté assistance à 14 000 cas prioritaires, soit environ un tiers de la population totale restée en Ossétie du Sud. A la fin du mois de décembre 2008, le CICR a décidé de ne pas procéder à une deuxième distribution de nourriture et d’assistance d’urgence, étant donné que les besoins essentiels avaient déjà été pris en compte et que cela n’était pas nécessaire. Cependant, 100 personnes vulnérables ont été identifiées et continuent à recevoir une assistance directe du CICR.
15. La priorité du CICR consiste à présent à favoriser la reprise et à créer des projets générateurs de revenus, notamment des outils pour permettre de recommencer l’exploitation agricole. Plusieurs centaines de projets générateurs de revenus seront financés au moyen de subventions atteignant environ 1 000 dollars.
16. Pendant l’hiver, le problème le plus urgent était celui du chauffage et de la fourniture de gaz, d’électricité et d’eau. Bien que le différend entre Tbilissi et Tskhinvali relatif à la ligne de gaz semble avoir été réglé en février dernier, avec l’assistance de l’OSCE, la distribution de gaz est restée coupée la plupart du temps jusqu’à la veille de la visite du rapporteur dans la région, le 13 mars 2009. Le rapporteur considère que le problème immédiat est à présent résolu. Elle a été informée que la construction d’un gazoduc entre la Fédération de Russie et Tskhinvali était prévue pour l’avenir et que, d’après les autorités de facto, celui-ci serait prêt d’ici à la fin 2009.

3.2.2. Assistance médicale

17. Une assistance médicale est encore nécessaire, bien que la fourniture de médicaments soit – a-t-on dit – suffisante. Le matériel et la formation du personnel médical sont un problème. L’hôpital principal de Tskhinvali a été endommagé pendant la guerre et le CICR prévoit d’offrir une assistance pour garantir l’alimentation de l’hôpital en eau salubre. Le CICR a facilité l’évacuation des cas médicaux graves par le sud, mais la plupart des personnes nécessitant des soins médicaux particuliers doivent les demander en Fédération de Russie. Les autorités de facto sud-ossètes disposent d’un budget qui leur est attribué par Moscou pour la réalisation de ces soins. Malgré ces dispositions, il est clair que les restrictions posées pour franchir la frontière administrative sont lourdes de conséquences pour les personnes se trouvant dans des conditions médicales graves ou urgentes, et le rapporteur invite instamment les autorités de chacune des parties à adopter une position souple, sans discrimination fondée sur l’ethnicité, en cas de nécessité de soins médicaux urgents ou de conditions de santé graves.

3.2.3. Reconstruction

18. La reconstruction fait partie des besoins urgents. A Tskhinvali, un nombre considérable de bâtiments ont été couverts d’un nouveau toit. De nouvelles fenêtres apparaissent également sur nombre de bâtiments. Il reste cependant beaucoup à faire. Les autorités ont informé le rapporteur que l’on était à quelques jours de la signature d’un accord avec le ministère des Finances russe qui permettrait de reconstruire non seulement des immeubles endommagés par la guerre mais aussi d’autres restés à l’abandon pendant les dernières décennies. Une somme de 10 milliards de roubles russes a été évoquée. Ce chiffre contraste avec la somme de 1,5 milliard de roubles russes déjà versée par la Russie depuis l’explosion du conflit.
19. Le rapporteur est toutefois conscient qu’il existe des divergences entre les parties russe et sud-ossète sur la manière dont cette aide doit être fournie et sur le choix des responsables de sa mise en œuvre; la presse a récemment indiqué que l’accord relatif à la fourniture de cette assistance pourrait être différé.
20. La crainte de la corruption pose un problème dans la distribution de l’aide et de l’assistance. Lorsqu’elles ont été interrogées sur cette question, les autorités de facto ont expliqué qu’il était extrêmement difficile de «répertorier» l’aide d’urgence reçue. Il n’existait jusque-là aucun réseau de distribution clair et des erreurs ont été faites. On a indiqué que des enquêtes judiciaires pourraient être ouvertes à la suite d’une mauvaise gestion de l’aide. D’après les informations actuelles, une commission interagences pour l’assistance aux blessés, aux malades et autres personnes civiles composée de 15 membres a été mise en place. Cette commission est responsable de la prioritisation et de la catégorisation des bénéficiaires de l’aide. Environ 10 000 personnes, réparties sur sept catégories, sont considérées comme des cas prioritaires (personnes dont les logements ont été détruits, personnes vulnérables, etc.). La plupart de l’aide reçue jusqu’ici provenait de différentes structures régionales russes et les autorités exigent à présent une garantie de transparence dans la distribution de cette aide (publication des listes informatiques de l’aide reçue et distribuée). L’aide est bien accueillie tant qu’elle provient du Nord.
21. Les autorités de facto se sont déclarées soucieuses de vouloir éviter que se crée une situation de dépendance vis-à-vis de l’aide et que l’économie se déstabilise davantage. Elles se sont montrées désireuses de créer des emplois et de faire une utilisation correcte de la terre, en pratiquant par exemple l’agriculture biologique.
22. Le rapporteur se félicite de la démarche généreuse de la Fédération de Russie dans la fourniture de l’aide et elle espère que les négociations en cours sur l’aide supplémentaire ne seront pas différées et que l’assistance sera mise en œuvre de façon transparente. Le rapporteur invite instamment des autorités de facto sud-ossètes à adopter une ligne de conduite souple vis-à-vis de la fourniture de l’aide et de l’assistance afin de permettre que celle-ci arrive également d’autres pays, y compris par le sud.

3.2.4. Centres d’accueil

23. Le rapporteur a eu l’opportunité de visiter deux centres (l’ancien centre d’accueil touristique «Ossétie» et l’ancienne école technique) parmi les huit centres collectifs pour les personnes déplacées de longue date, où vivent encore environ 3 000 personnes depuis le conflit précédent. Ces centres étaient délabrés mais relativement bien tenus à l’intérieur. Par exemple, les installations électriques avaient récemment été refaites et les espaces communs étaient propres et nets. Les familles disposaient de plusieurs pièces. Les résidents ne se plaignaient pas des conditions de logement mais ils désiraient savoir quand des solutions d’hébergement à long terme pourraient leur être proposées.
24. Le rapporteur a été informé que les conditions dans ces centres étaient probablement meilleures que dans certains autres centres. Si les conditions qu’elle a constatées étaient relativement bonnes, elles n’en restaient pas moins totalement inadéquates pour l’hébergement à long terme des résidents, et le rapporteur invite instamment les autorités de facto à veiller à ce que le relogement de toutes les personnes résidentes dans ces centres collectifs soit aussi privilégié lorsque la reconstruction aura lieu.

3.2.5. Regroupement familial

25. Le CICR a encouragé le regroupement familial au-delà de la frontière administrative et environ 310 personnes ont été transférées et regroupées depuis la fin du conflit. Ce mouvement a eu lieu dans les deux sens, mais principalement du nord vers le sud. Le rapporteur espère que les deux camps continueront à se montrer compréhensifs et à faciliter ce processus.

3.2.6. Déminage

26. Le déminage a été entrepris par l’armée russe immédiatement après la guerre. Un accident récent dans lequel deux enfants d’un centre collectif ont été blessés a fait prendre conscience de la nécessité d’éduquer les enfants sur le danger que représentent encore les mines et les munitions non explosées. EMERCOM est en train de mettre en œuvre un programme d’éducation pour tous les enfants scolarisés et le CICR a offert son soutien pour cette action. Le rapporteur est cependant conscient du fait qu’un programme éducatif ponctuel n’est pas suffisant et que la sensibilisation devrait être considérée comme une nécessité constante pour les enfants tant que des risques subsistent.

3.3. Villages détruits, auparavant contrôlés par les autorités géorgiennes

27. Le rapporteur a visité en voiture plusieurs villages qui étaient sous le contrôle des autorités géorgiennes avant le conflit. Il s’agissait de villages situés dans la vallée de Didi Liakhvi, sur la route descendant du nord vers Tskhinvali, notamment Kekhvi, Kurta et Tamarasheni, de villages à l’ouest de Tskhinvali dans la vallée de Proné, notamment Avnevi, et à l’est de Tskhinvali dans la vallée de Patara Likhvi, notamment Eredvi et Vanati.
28. Ces villages n’existent plus. Ce n’est plus qu’un champ de ruines et il ne reste aucune trace d’effets appartenant à leurs habitants dans les décombres des maisons. Le rapporteur n’a trouvé que quelques maisons isolées qui avaient été laissées intactes. Dans deux de ces maisons restées debout, elle a parlé avec leurs habitants, qui étaient d’origine mixte géorgienne et sud-ossète. Ils ont été incapables de lui raconter ce qui était arrivé aux maisons qui les entouraient et ont seulement déclaré qu’elles avaient été détruites par des jeunes pendant la nuit. Interrogées sur la question, les autorités de facto ont répondu que de nombreuses maisons avaient été détruites lors des combats et que les Géorgiens qui s’étaient enfuis avaient mis le feu à leurs propres maisons pour ne pas les laisser aux mains des Sud-Ossètes. Elles ont toutefois reconnu que certains dégâts avaient été causés par des Sud-Ossètes après le retrait des Géorgiens.
29. Le rapporteur n’exclut pas qu’un certain nombre de maisons aient été endommagées pendant le conflit, avant le retrait des Géorgiens. Cependant, la destruction systématique de chaque habitation indique clairement qu’il y a eu une intention de faire en sorte qu’aucun Géorgien ne dispose plus d’aucun bien pour pouvoir regagner ces villages. Selon votre rapporteur, peu importe si cette action a été accomplie suivant les instructions des autorités de facto ou par des personnes isolées sans qu’interviennent ni l’armée de la Fédération de Russie ni les autorités de facto. Au bout du compte, on a fait en sorte qu’aucun Géorgien ne puisse regagner ces villages et ce résultat corrobore l’accusation selon laquelle ces villages ont fait l’objet d’un «nettoyage ethnique» contre les Géorgiens.
30. Le rapporteur est fortement préoccupé par l’absence de responsabilité en Ossétie du Sud concernant des actes comme la destruction de biens et le pillage. Elle croit comprendre qu’une ligne de conduite plus sévère est désormais adoptée sur cette question et que sept procédures pénales et 70 procédures administratives (affaires moins graves portant sur le recel de biens volés ou pillés) ont été ouvertes.
31. Etant donné la nature et l’étendue des dégâts et du pillage des biens, le nombre de procédures engagées est extrêmement faible et décevant. Le rapporteur insiste pour que les autorités de facto exercent fermement leur action pénale dans le cadre des quelques procédures existantes et qu’elles s’efforcent activement d’engager de nouvelles poursuites lorsqu’elles disposent d’éléments, afin de punir les personnes impliquées et de faire passer le message que les personnes seront tenues responsables de leurs actes.

3.4. Retours

32. Le rapporteur a soulevé la question du retour des personnes d’origine ethnique géorgienne avec le Président de facto, M. Kokoity. Celui-ci a expliqué que les retours auraient lieu conformément aux principes du droit international et dépendraient de trois conditions. La première condition est que la sécurité doit être garantie. La deuxième condition est que le retour doit être volontaire et la troisième que des conditions de vie adéquates puissent être offertes. Il a expliqué en outre que certaines personnes, qui avaient déjà été mises sous enquête par le ministère public, ne seraient jamais autorisées à retourner chez elles au vu de leurs activités criminelles avant et pendant le conflit. Ce message a aussi été repris par le médiateur de facto de l’Ossétie du Sud, M. Sanakoev.
33. Il semblerait que le retour des personnes originaires de certains villages placés sous le contrôle géorgien avant le conflit, comme ceux situés immédiatement au nord de Tskhinvali dans la vallée de Didi Liakhvi, où était installée l’administration locale géorgienne, soit accueilli moins favorablement. Pourtant, à titre d’anecdote, l’un des villageois sud-ossètes d’un village géorgien de la vallée de Proné a déclaré: «Ce serait bien de voir les gens revenir. J’ai passé ma vie avec eux. Mes voisins géorgiens n’ont jamais rien fait de mal».
34. Les autorités de facto se sont déclarées prêtes à indemniser les personnes qui retourneront chez elles et ont indiqué que le retour des personnes ayant été déplacées ou ayant demandé asile en Ossétie du Nord pendant le dernier ou les précédents conflits serait également organisé.

3.5. Géorgiens en Ossétie du Sud

35. Le rapporteur s’est intéressé à évaluer le nombre de personnes d’origine ethnique géorgienne qui se trouvaient encore en Ossétie du Sud. Elle a rencontré deux personnes de souche géorgienne ayant contracté des mariages mixtes dans deux des villages qu’elle a visités. Elle a également rencontré quatre autres personnes de souche géorgienne dans les centres d’accueil pour les personnes déplacées qu’elle a visités. Elle a été informée par une source indépendante que 2 000 à 3 000 Géorgiens de souche (principalement des personnes ayant contracté des mariages mixtes ou des personnes âgées) vivaient à Tskhinvali. Personne, parmi les quelques Géorgiens de souche qu’elle a rencontrés, ne s’est plaint de sa situation. Le rapporteur ne dispose pas d’informations suffisantes pour tirer des conclusions sur le traitement des Géorgiens de souche restés en Ossétie du Sud. La situation des Géorgiens de souche dans la région d’Akhalgori est examinée plus loin dans ce rapport.

3.6. Sécurité

36. La sécurité est l’une des premières préoccupations non seulement des autorités de facto mais aussi de nombreux gens dans la rue avec qui le rapporteur a parlé. Ils craignent une nouvelle attaque de l’armée géorgienne. Ils s’inquiètent également des incidents autour de la frontière administrative. Ils pensent que les troupes géorgiennes sont en train de se concentrer à nouveau dans les zones proches de cette frontière et affirment que la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) ferme les yeux sur ce renforcement militaire.
37. Le rapporteur estime qu’il convient de se pencher sur ces préoccupations dès que possible, notamment dans l’intérêt de l’ensemble de la population d’Ossétie du Sud. Une plus grande transparence de la MSUE sur les résultats de son action de surveillance serait utile et d’autres mesures doivent être prises pour démontrer que la MSUE agit de façon impartiale. Les propositions de mécanismes conjoints de signalement des incidents adoptées en février lors des pourparlers de Genève représentent une possibilité pour améliorer la sécurité mais, à la connaissance du rapporteur, pratiquement aucune mesure n’a été prise pour les mettre en pratique.
38. Le rapporteur est d’avis que le problème de la sécurité est lié à celui de la surveillance internationale. Elle estime que tant qu’un mécanisme de surveillance et de maintien de la paix acceptable pour toutes les parties n’aura pas été adopté, peu de progrès pourront être réalisés dans les deux camps sur le plan de la sécurité.

3.7. Personnes disparues, personnes emprisonnées et regroupement familial

39. Le rapporteur a été informé du fait que le problème des personnes disparues restait une préoccupation majeure pour la population en général en Ossétie du Sud. D’après le CICR, plusieurs dizaines de personnes géorgiennes et ossètes sont toujours portées disparues. Un officier russe a disparu au combat et des efforts sont actuellement entrepris pour établir son identité à l’aide d’échantillons d’ADN.
40. Le problème des personnes disparues dans tous les camps fait l’objet d’un suivi par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le médiateur de facto sud-ossète et le défenseur public de Géorgie. Le rapporteur encourage toutes les parties concernées à poursuivre leurs efforts pour résoudre le problème des personnes disparues, qui tient particulièrement à cœur aux familles concernées mais qui touche aussi profondément la population en général.
41. S’agissant des personnes emprisonnées, le rapporteur a été informé par le médiateur de facto sud-ossète que 15 Sud-Ossètes étaient actuellement détenus par les autorités géorgiennes (quatre personnes ayant été emprisonnées pendant les hostilités et les autres après la fin du conflit). D’après lui, les autorités géorgiennes auraient admis qu’elles détenaient huit de ces personnes mais indiqué qu’elles ne possédaient aucune information concernant les sept autres personnes. Les informations récentes indiquant que trois des sept prisonniers non identifiés auraient été repérés dans une prison géorgienne n’ont pas été confirmées par les autorités géorgiennes. Votre rapporteur croit savoir que l’on est encore en train d’essayer de faire la lumière sur les déplacements des trois personnes qui auraient été retrouvées, avec la participation également du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, et elle espère que ces personnes et les autres personnes non identifiées, dans chaque camp, finiront par être identifiées.
42. Le rapporteur en déduit également que le problème de la prise d’otages 
			(2) 
			Le rapporteur
a reçu des plaintes concernant des prises d’otages tant du camp
sud-ossète que du camp géorgien. Le rapporteur estime que les médiateurs
respectifs ont un rôle à jouer, aux côtés des autorités, pour régler
ces problèmes et faire abolir cette pratique. et de la détention privée subsiste et renouvelle son appel pour que cette pratique soit abolie et punie.
43. Le rapporteur est conscient que tant le camp géorgien que le camp sud-ossète sont en désaccord sur les motifs pour lesquels nombre de ces personnes sont détenues (terrorisme, prise d’otage, erreurs de passage de la frontière administrative, etc.). Elle n’est pas en mesure de se prononcer sur cette question et estime qu’il est extrêmement important que les médiateurs respectifs et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe continuent à se pencher sur ce problème.
44. Le rapporteur a évoqué avec le Président de facto, M. Kokoity, la question de deux personnes d’Akhalgori récemment arrêtées pour trahison: une institutrice, Mme Tamar Charaeva, et un membre de l’administration locale, M. Givi Chigoev. Le rapporteur a été informé que ces deux personnes feraient l’objet de mesures de clémence et que les chefs d’accusation ne seraient pas retenus contre elles. Ces personnes ont été libérées une semaine après la visite du rapporteur.
45. Le rapporteur croit comprendre que le CICR a été en mesure de rendre visite à ces personnes et continue à suivre leur cas. Il est fondamental que les autorités de facto de l’Ossétie du Sud reconnaissent au CICR la possibilité de rendre visite librement et conformément aux modalités du CICR à toutes les personnes emprisonnées. Le rapporteur croit savoir que des discussions sont en cours à ce sujet et elle encourage les autorités de facto à conclure ce dialogue avec le CICR dès que possible et de façon positive.
46. De la même manière, le rapporteur considère que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a également un rôle important à jouer en ce qui concerne les visites aux personnes emprisonnées en Ossétie du Sud et elle encourage les autorités de facto à collaborer pleinement avec le CPT en lui permettant d’accéder pleinement et librement à tous les lieux de détention.

3.8. Méfiance à l’encontre de la communauté internationale

47. En Ossétie du Sud, on remarque clairement une forte méfiance à l’encontre de la communauté internationale. Elle est invoquée comme étant la cause des problèmes rencontrés par les organisations internationales pour accéder à la région. Cette méfiance se manifeste tant au niveau des autorités de facto que dans la rue. Pendant sa visite, on a constamment rappelé au rapporteur que les troupes géorgiennes avaient attaqué Tskhinvali et que la communauté internationale n’aurait rien fait pour empêcher ces attaques, en dépit des divers avertissements reçus. La communauté internationale et la communauté européenne sont visiblement considérées comme progéorgiennes, antirusses et anti-sud-ossètes.
48. Le rapporteur considère que les autorités de facto sud-ossètes endossent, en tout cas partiellement, la responsabilité de cette méfiance actuelle parmi la population en général (par exemple, elles ne se sont pas engagées avec la communauté européenne et internationale), mais le fait est que la population continue à se montrer profondément méfiante vis-à-vis de la communauté européenne et internationale.
49. La communauté européenne et internationale doit faire le nécessaire pour instaurer la confiance. Elle peut s’y prendre à sa manière, mais pour que ce processus ait lieu, le problème de l’isolation de l’Ossétie du Sud doit être examiné et tant les autorités sud-ossètes que les autorités géorgiennes doivent faire preuve d’une plus grande souplesse à cet égard.

3.9. Accès à l’Ossétie du Sud par le nord et par le sud

50. Les autorités de facto en Ossétie du Sud ne donnent aucun signe d’assouplissement de leurs restrictions d’accès à l’Ossétie du Sud par le sud. De même, la Géorgie ne donne aucun signe d’assouplissement de ses restrictions d’accès à l’Ossétie du Sud par le nord. Si cette situation stationnaire persiste, elle aura des conséquences néfastes sur l’assistance humanitaire et les camps de chaque côté de la frontière administrative se retrancheront davantage sur leurs positions sans rien faire pour lutter contre la méfiance qui se manifeste de part et d’autre.

3.10. Le district occupé d’Akhalgori

51. Le rapporteur n’a pas été en mesure de se rendre dans le district d’Akhalgori (strictement parlant district de Leningori pour les autorités de facto d’Ossétie du Sud) pour les raisons mentionnées dans l’introduction. Elle a cependant pu s’entretenir de la situation y existant avec un certain nombre de sources, dont certaines indépendantes. Elle a donc pu se faire une idée de l’état des choses mais elle pense qu’il sera indispensable de se rendre dans la région dans un proche avenir afin d’avoir une vision plus précise de la situation.
52. Avant le déclenchement du conflit, on estimait à quelque 7 700 le nombre des personnes vivant dans le district. On estime maintenant qu’il en reste entre 2 000 et 3 000, originaires tant d’Ossétie du Sud et que de Géorgie. Selon les autorités géorgiennes, 5 348 personnes auraient quitté le district d’Akhalgori.
53. Beaucoup des Géorgiens de souche restants sont vieux. Beaucoup de personnes préfèrent ne pas rester dans la région et elles ne font qu’y entrer et en sortir: la frontière administrative est ouverte pour les habitants du district et un bus et cinq minibus la traversent chaque jour.
54. Les écoles sont ouvertes et tous les élèves doivent apprendre la langue ossète, et l’enseignement de l’histoire se fait en ossète.
55. L’infrastructure médicale est rudimentaire et les services médicaux limités: les personnes qui pouvaient facilement aller à Gori pour y recevoir un traitement (y compris de nombreuses personnes natives d’Ossétie du Sud venant de villages comme Tsingari) ont maintenant des difficultés à s’y rendre et doivent compter sur les services médicaux limités disponibles dans le district d’Akhalgori ou se rendre à Tskhinvali par une longue petite route traversant les montagnes ou essayer de se faire traiter en Russie.
56. Selon les autorités de facto d’Ossétie du Sud et des sources indépendantes, les Ossètes du Sud ne veulent pas que les Géorgiens de souche quittent la région et la désertent. Ils aimeraient que les ressortissants reviennent et ils ne veulent pas administrer une région déserte.
57. Selon des sources indépendantes, s’il y a eu des problèmes de sécurité et paramilitaires après l’occupation du territoire et s’il reste encore des préoccupations sécuritaires, y compris des cas de pillage signalés par les autorités géorgiennes, la population géorgienne de souche restant dans la région n’est plus menacée physiquement ni obligée de partir.
58. Des procès au pénal ont été ouverts sur le passage à tabac de deux personnes de souche géorgienne, dont l’une est morte. Le rapporteur demande instamment aux autorités de facto de veiller à ce que les responsables de ces attaques ou d’autres soient punis. Il est important que les forces d’occupation russes présentes dans la région et que les autorités de facto de l’Ossétie du Sud prennent les mesures voulues pour assurer la sécurité des résidents.
59. Les autorités de facto d’Ossétie du Sud cherchent à faire en sorte que l’administration locale soit aux mains de personnes de la région d’Akhalgori d’origine ethnique ossète du Sud plutôt que de personnes venant de Tskhinvali et elles ont soumis un nouveau budget pour la région.
60. Selon des informations reçues par le rapporteur, au nombre des grandes préoccupations de la population de souche géorgienne restant dans la région il faut citer les incertitudes concernant de futures restrictions sur le passage de la frontière administrative (contacts avec la famille, perception des pensions, commerce, etc.). Le système éducatif (programmes, langue de l’enseignement, etc.), la politique actuelle des passeports (les individus sont obligés de prendre des passeports d’Ossétie du Sud et manquent d’informations sur les implications de cette obligation), le système de santé, etc., sont aussi sources de préoccupations. Des cas de discrimination ont été signalés mais, selon des sources indépendantes, il ne s’agit pas d’un mouvement organisé par les autorités mais d’actions menées par des particuliers.
61. Le rapporteur est d’avis que si les autorités de facto d’Ossétie du Sud ne veulent pas que les ressortissants continuent de quitter le territoire mais qu’ils y reviennent, elles doivent prendre d’urgence des mesures pour calmer les inquiétudes de la population locale.
62. Selon certains rapports, de nombreux soldats russes sont stationnés dans le district d’Akhalgori. Certains seraient mal nourris et se comportent de manière indisciplinée, mendiant de la nourriture. Bien que ces soldats ne menacent pas directement la population, leur mendicité constitue une expérience dérangeante et vaguement menaçante.
63. Il est difficile d’entrer dans le district. Le CICR y a accès et vient régulièrement y apporter assistance et aide humanitaire. Le rapporteur croit savoir que des discussions sont en cours pour permettre au CICR d’ouvrir un bureau à Akhalgori et demande instamment au CICR et aux autorités de facto de convenir de cela.
64. Des enquêteurs de Human Rights Watch ont pu entrer dans le district à la fin de 2008 pour y recueillir des informations mais les autorités les ont obligés de le quitter au milieu de leur travail. Le rapporteur estime qu’il est indispensable que les organisations non gouvernementales soient autorisées à travailler dans le domaine des droits civiques en toute liberté dans la région et à fournir des informations de première main sur la situation y existant.
65. De l’avis du rapporteur, la situation dans le district d’Akhalgori reste préoccupante et c’est pour cette raison qu’elle aimerait avoir l’occasion de s’y rendre bientôt. Elle envisage, avec l’accord de la commission des migrations, des réfugiés et de la population et de l’Assemblée parlementaire, d’y retourner mais pour cela, elle devra aussi obtenir l’accord des autorités appropriées.

3.11. Perevi

66. Le rapporteur croit savoir que la situation à Perevi n’a pas changé et que les forces d’occupation russes sont toujours stationnées à l’extérieur du village et contrôlent la route et le pont y menant, rendant ainsi difficile le retour des villageois à une vie normale. Elle ne s’est pas personnellement rendue à Perevi.

3.12. Réfugiés et personnes déplacées en Ossétie du Nord

67. Pendant sa visite, le rapporteur a aussi pu recueillir des informations en Ossétie du Nord sur la situation des réfugiés et des personnes déplacées dans cette région tant pendant le récent conflit que pendant les conflits antérieurs.
68. Selon le ministère des migrations d’Ossétie du Nord, on y trouve 12 490 personnes déplacées lors de conflits antérieurs et 70 personnes qui ont obtenu le statut de réfugiés.
69. Après le conflit du mois d’août 2008, entre 33 000 et 38 000 personnes d’Ossétie du Sud ont cherché refuge en Ossétie du Nord et ont été enregistrées par les autorités. Environ 1 200 d’entre elles y restent encore dans des résidences privées; ce sont avant tout des personnes âgées, des personnes dont les maisons ont été détruites, des enfants ou des personnes qui restent pour des raisons économiques.
70. Outre ces personnes déplacées, on trouve aussi un groupe de quelque 1 500 personnes qui, selon le ministère, ont demandé le statut de réfugiés après avoir fui la Géorgie. Parmi elles, on compte 990 Ossètes de souche, 221 Géorgiens de souche (dont un certain nombre a refusé la conscription dans l’armée géorgienne et des déserteurs) et 30 Russes de souche. Des décisions ont été prises concernant 887 d’entre elles et 22 ont obtenu le statut de réfugiés. On trouve aussi 446 Kistes tchétchènes qui ont fui la Géorgie pour se réfugier en Ossétie du Nord.
71. Le rapporteur est très préoccupé par les conditions dans lesquelles vivent les personnes déplacées et les réfugiés de longue date en Ossétie du Nord. Les autorités de l’Ossétie du Nord reconnaissent elles-mêmes que leurs conditions de vie ne sont pas décentes. Il existe 39 centres d’accueil pour ces personnes qui sont alors logées dans d’anciens hôtels, des entrepôts et des fermes. Dix mille d’entre elles attendent toujours un logement. A cela il faut ajouter que certaines d’entre elles sont apatrides et que d’autres ont perdu leur statut de personnes déplacées et que leur accès à l’aide est donc limité. Le rapporteur ne dispose pas de suffisamment d’information pour ajouter d’autres commentaires sur la situation de ces personnes mais elle est d’avis que leur sort et celui des autres personnes déplacées dans le Caucase du Nord devraient être examinés par l’Assemblée et la commission des migrations, des réfugiés et de la population dans un proche avenir.
72. S’agissant des personnes que les autorités d’Ossétie du Nord disent avoir fui la Géorgie après ou pendant le récent conflit, le rapporteur s’efforce de mieux comprendre les raisons de leur départ en aussi grand nombre.

4. Partie 2 – Mise au point sur certaines des questions les plus importantes soulevées dans le rapport de novembre 2008 sur les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie (Doc. 11789)

4.1. Personnes déplacées à l’intérieur et aide humanitaire dans les régions sous contrôle de la Géorgie

73. Sur les 130 000 Géorgiens enregistrés comme personnes déplacées dans leur propre pays (ou personnes déplacées internes, PDI) après le conflit d’août, 104 000 sont retournés dans leurs résidences permanentes après le retrait des troupes russes des districts de Gori et Kareli, laissant 26 000 d’entre elles dans les centres collectifs de Tbilissi et d’autres régions de Géorgie 
			(3) 
			Selon les autorités
géorgiennes, on compte 19 381 PDI de l’ancien district autonome
de l’Ossétie du Sud, 1 983 de la Haute Abkhazie et 5 348 du district
d’Akhalgori..
74. En plus de ces personnes récemment déplacées, les autorités géorgiennes font état de 225 000 PDI de conflits antérieurs, en provenance notamment d’Abkhazie. Le manque de logements convenables reste la question la plus préoccupante pour ces PDI de longue date. On estime que les conditions de vie dans 70 % des centres collectifs sont inférieures aux normes acceptables ce qui peut avoir des conséquences négatives sur la santé et le bien-être des PDI, notamment des enfants et des personnes âgées.
75. En février 2007, le Gouvernement géorgien a adopté une Stratégie d’Etat pour les PDI afin de satisfaire leurs principaux besoins; il a adopté le Plan d’action sur la stratégie pour les PDI le 30 juillet 2008. En décembre 2008, une annexe y a été ajoutée pour prendre en compte la situation de l’après-guerre d’août. Le principal objet de cette stratégie est d’offrir des solutions durables de logement et d’accroître l’autonomie des PDI. Elle s’attache principalement au processus d’autoprivatisation des unités de vie dans les centres collectifs par les PDI elles-mêmes. Bien que la communauté internationale se félicite de cette initiative (envisagée comme l’une des possibilités de solutions durables dans le plan d’action sur les PDI qui a été annulé par le même décret qui a fait adopter l’annexe à la stratégie), l’approche du processus global demeure un sujet de préoccupation. L’autoprivatisation a été lancée rapidement et indépendamment de la réhabilitation des centres collectifs. Comme il n’y a pas eu de campagne d’information accompagnant l’élaboration des dispositions relatives à la privatisation ou informant de l’existence d’autres solutions, les PDI ne sont pas en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause quant à cette privatisation. Compte tenu du fait que cette approche (autoprivatisation des centres collectifs) ne propose pas un espace suffisant ou adapté par famille, il faut continuer à rechercher des solutions durables pour les PDI résidant actuellement dans des centres collectifs.
76. Selon les autorités géorgiennes, des bâtiments résidentiels ont été construits dans diverses régions de la Géorgie, surtout dans celles de Shida Qartli, Qvemo Qartli et Mstkheta-Mtianet, et des bâtiments existants ont été aménagés en résidences. A l’heure actuelle, 18 000 PDI habitent dans 38 nouvelles zones de peuplement. Quelque 1 000 familles ont reçu une aide financière et les autres PDI sont toujours dans des centres collectifs ou des familles d’accueil autour de Tbilissi en attendant la reconstruction de leurs logements détruits ou la possibilité d’emménager dans les nouvelles zones ou de recevoir des indemnisations. Le groupe des PDI qui vivent dans des logements temporaires et pour lesquels la question de logement n’a pas encore été réglée est particulièrement vulnérable et a besoin d’aide.
77. Le rapporteur salue les efforts que fait le gouvernement pour fournir des logements et des abris aux PDI, et pour les faire rentrer dans leurs foyers; elle est cependant préoccupée par des rapports faisant état de personnes forcées de rentrer dans leurs foyers.

4.2. La loi sur les territoires occupés

78. Le rapporteur se félicite de ce que la Commission européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise) ait présenté ses commentaires avertis sur cette loi et sa conformité avec les normes des droits de l’homme et du droit international humanitaire. La loi limite l’entrée des étrangers et des apatrides en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Elle s’applique aux résidents des pays tiers, y compris au personnel des organisations internationales et des ONG et aux citoyens russes. Il n’est pas certain qu’elle s’applique aux personnes vivant dans les régions concernées ou qui ont récemment acquis la citoyenneté russe. La Commission de Venise note que si elle est appliquée au personnel des organisations internationales et des ONG, il faudra veiller qu’elle ne freine ni ne complique la fourniture de l’aide humanitaire. La Commission de Venise note également que si la Russie est considérée comme une puissance occupante, elle est tenue de fournir aide et abri et ne doit pas être empêchée de remplir son devoir.
79. La loi interdit un large éventail d’activités économiques et tente d’imposer une responsabilité pénale sur ceux qui les pratiquent. Cette disposition a été critiquée par la Commission de Venise tout comme l’ont été celles restreignant la fourniture d’aide humanitaire et les clauses précises portant sur la liberté de circulation, les droits fonciers, les activités économiques et la non-reconnaissance des lois d’Etat des Etats non reconnus. Le rapporteur demande instamment aux autorités géorgiennes de prendre acte des commentaires de la Commission de Venise et de modifier la loi en conséquence, et de veiller à ce que, lors de sa mise en œuvre, les mises en garde de la Commission soient prises en compte.

4.3. La situation dans la zone dite «tampon» avec l’Ossétie du Sud

80. La sécurité dans la zone proche de la frontière administrative reste aléatoire même si la fréquence des incidents a diminué pendant les mois d’hiver. Certaines personnes ne sont toujours pas revenues dans la région et beaucoup continuent de ne pas se sentir en sécurité, craignant les tirs des snipers, les enlèvements et les milices errantes de l’Ossétie du Sud. La collecte de bois de feu pose problème pour certaines familles. Le 10 février 2009, un groupe d’observateurs militaires de l’OSCE a été arrêté par la milice d’Ossétie du Sud. Le 16 janvier un policier a été tué par balles et le 27 février deux Géorgiens de souche ont été enlevés par des séparatistes d’Ossétie du Sud. Les autorités de facto de l’Ossétie du Sud affirment que ces personnes ont été arrêtées alors qu’elles traversaient illégalement la frontière administrative. Le rapporteur pense que la question doit être résolue en priorité par le médiateur concerné avec l’aide du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, selon les besoins.
81. Le rapporteur pense qu’elle doit rappeler les inquiétudes qu’elle avait exprimées dans son dernier rapport sur le danger réel de confrontations à la frontière administrative, et sur la facilité avec laquelle elles pourraient dégénérer. A de nombreux postes de contrôle, la police géorgienne armée et les forces de l’Ossétie du Sud sont en face à face et à courte distance. A l’évidence, d’autres solutions s’imposent, comme l’envoi d’une force internationale de maintien de la paix et la création d’une zone démilitarisée à la frontière administrative.
82. Le rapporteur se dit aussi préoccupé par les progrès qui restent à faire sur les propositions de mécanismes conjoints de prévention et de réaction aux incidents qui avaient été avancées lors des discussions des 17 et 18 février 2009 à Genève.

4.4. La situation en Abkhazie et dans la vallée de Kodori

83. Le Commissaire aux droits de l’homme s’est rendu en Abkhazie du 9 au 11 février 2009. Après sa visite, il a conclu qu’une présence internationale était de la plus haute importance et que la reconduction technique du mandat des Nations Unies au 15 juin 2009 ne suffirait pas à garantir la sécurité dans l’ancienne zone de conflit. A son avis, la présence internationale doit être plus significative et plus importante pour garantir la sécurité et la protection humanitaire et les droits de l’homme de la population. Il a également rappelé qu’il importait de renforcer les mesures de sécurité et d’informer les personnes déplacées de leurs droits et de leurs options.
84. Le rapporteur est complètement d’accord avec le Commissaire aux droits de l’homme. Elle estime aussi que les grands sujets de préoccupation qu’elle avait mentionnés dans son rapport précédent – notamment sur la libre circulation à la frontière administrative, la protection des doits des minorités y compris des droits à l’éducation pour les Géorgiens de souche de la région de Gali, et les questions de passeports et de citoyenneté – restent d’actualité et doivent être examinés d’urgence.
85. Le rapporteur continue de demander instamment au Conseil de l’Europe de s’impliquer pleinement en Abkhazie et de soutenir une présence internationale négociée dans la région. Elle salue la visite du Commissaire aux droits de l’homme dans la région en février 2009 et attend avec impatience la publication de son rapport.
86. S’agissant de la vallée de Kodori, 180 civils y vivraient encore selon les autorités abkhazes de facto (130 selon le CICR et 150 selon les autorités géorgiennes). La situation humanitaire y a été particulièrement difficile du fait de la rigueur de l’hiver en haute altitude. Les services publics, y compris les pharmacies, etc., ont été détruits et n’ont pas été reconstruits. La route qui relie la vallée aux territoires contrôlés par le gouvernement central de Géorgie est toujours fermée et le rapporteur demande instamment sa réouverture pour assurer un accès plus facile de l’aide humanitaire et la libre circulation des citoyens.
87. Le rapporteur estime que le retour des personnes qui avaient fui la région devrait être une priorité maintenant que le printemps est de retour. A son avis, il faudrait faire pression sur les autorités abkhazes de facto et russes pour qu’elles garantissent un retour dans la sécurité et la dignité.
88. Le rapporteur condamne un incident récent au cours duquel 50 familles géorgiennes ont été expulsées du village d’Otobaia, dans le district de Gali, par des milices abkhazes. Selon le ministère géorgien de l’Intérieur, dont la version des faits est contestée par les autorités abkhazes de facto, ces familles se seraient vu interdire de revenir dans leurs foyers tant qu’elles n’auraient pas livré un jeune dissident qui avait refusé de servir dans la soi-disant armée abkhaze. Le rapporteur croit savoir que les familles sont maintenant revenues mais que les débats se poursuivent concernant le retour du jeune résident en cause dans l’affaire.

4.5. Le rôle de la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE)

89. Le rapporteur note que les observateurs de la MSUE ne peuvent toujours pas traverser la frontière administrative pour entrer en Ossétie du Sud ou en Abkhazie. Elle regrette également que les observateurs aient uniquement un mandat de surveillance et pas un mandat de protection. Vu les incertitudes quant à l’avenir de la MONUG et la fermeture en cours de la mission de l’OSCE en Géorgie, le rôle de la MSUE ne peut que devenir plus important.
90. Il importe de surveiller la situation dans et autour des zones de l’ex-conflit et d’offrir une protection aux populations civiles des deux côtés des frontières administratives.
91. Le rapporteur est frustré et contrarié par le fait que la MSUE ne partage toujours pas ses rapports. A l’heure actuelle, ce travail se fait hors de tout contexte et les rapports ne sont communiqués qu’à quelques rares privilégiés à Bruxelles. Une plus grande ouverture de la part de la MSUE n’aiderait pas seulement les acteurs internationaux comme le Conseil de l’Europe à suivre la situation sécuritaire, mais pourrait aussi aider les personnes de la région à mieux comprendre les réalités sur le terrain et à avoir plus confiance dans le travail de la MSUE.
92. Le rapporteur croit savoir que des observateurs de la MSUE ont récemment été remplacés, le mandat d’un certain nombre d’entre eux étant arrivé à expiration. Beaucoup de nouveaux observateurs ne sont pas formés aux techniques de suivi des droits de l’homme et le rapporteur estime qu’il est indispensable qu’ils reçoivent une formation appropriée dispensée par le Conseil de l’Europe, comme cela a été le cas jusqu’à présent, ou par d’autres acteurs internationaux.

4.6. Le rôle de l’OSCE

93. Le rapporteur se réjouit de ce que les Etats membres de l’OSCE soient convenus de proroger la présence des observateurs militaires non armés de l’organisation jusqu’au 30 juin 2009. Elle regrette cependant que l’on n’ait pas pu trouver de consensus sur la poursuite de la présence de la mission de l’OSCE en Géorgie, puisque la Russie n’a pas accepté la proposition de bureaux parallèles sur le terrain à Tbilissi et à Tskhinvali, demandant plutôt des présences séparées de l’OSCE en Géorgie et à Tskhinvali.
94. Le rapporteur se réjouit de la disponibilité des rapports quotidiens de l’OSCE et des rapports hebdomadaires fournis par les observateurs de l’OSCE et souligne le rôle important qu’a joué l’OSCE dans la reprise de l’approvisionnement en gaz de la population de Tskhinvali. Elle espère que la mission de surveillance de l’OSCE sera encore prorogée.

5. Conclusions

95. Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie continuent de se faire sentir. Les tensions persistent ainsi que la peur des différentes parties en présence quant à une reprise des hostilités.
96. Si les besoins d’aide humanitaire d’urgence ont pu être satisfaits pendant les mois d’hiver, il faut maintenant trouver des solutions au problème des personnes déplacées et des réfugiés qui ne peuvent pas rentrer chez eux prochainement. Le retour volontaire doit constituer une priorité à chaque fois qu’il pourra se faire dans le respect des normes du droit international.
97. L’avenir de l’aide internationale, du suivi et du maintien de la paix dans la région n’est pas clair et il faut, en priorité, trouver des solutions pour maintenir une présence internationale effective dans la région garantissant la sécurité, les droits de l’homme et les besoins humanitaires de tous.
98. Un des plus grands dangers réside dans la fermeture complète des frontières administratives. Elle ne créerait pas seulement un isolement complet, mais amènerait en outre l’exode des Géorgiens de souche des régions de Gali et d’Akhalgori.
99. L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont des régions isolées politiquement et géographiquement. Cela a des répercussions sur l’aide et l’assistance mais aussi sur les informations y entrant et en sortant: le reste du monde ne sait pas exactement ce qui se passe dans les deux régions et leurs habitants ne savent pas non plus quelle est la position de la communauté internationale ni ce qu’elle pense.
100. Il faut trouver de nouvelles manières d’ouvrir le dialogue entre la communauté internationale et les autorités de facto et les ressortissants de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. La responsabilité de ce faire incombe à la Géorgie et à la Russie.

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Commission chargée du rapport: commission des migrations, des réfugiés et de la population.

Renvoi en commission: Renvoi no 3326 du 30 janvier 2009.

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés par la commission le 27 mars 2009, avec une abstention.

Membres de la commission: Mme Corien W.A. Jonker (Présidente), M. Hakki Keskin (1er Vice-Président), M. Doug Henderson (2e Vice-Président), M. Pedro Agramunt (3e Vice-Président), Mme Tina Acketoft, M. Francis Agius, M. Ioannis Banias, M. Alexander van der Bellen, M. Márton Braun, M. André Bugnon, M. Sergej Chelemendik, M. Vannino Chiti, M. Christopher Chope (remplaçant: M. Bill Etherington), M. Boriss Cilevičs, M. Telmo Correia, Mme Claire Curtis-Thomas, M. David Darchiashvili, M. Arcadio Díaz Tejera, M. Mitko Dimitrov, M. Vangjel Dule, M. Tuur Elzinga (remplaçant: M. Pieter Omtzigt), M. Valeriy Fedorov, M. Oleksandr Feldman, Mme Doris Fiala, M. Bernard Fournier, M. Paul Giacobbi, Mme Gunn Karin Gjul, Mme Angelika Graf, M. John Greenway, M. Andrzej Grzyb, M. Michael Hagberg, Mme Gultakin Hajibayli, M. Davit Harutyunyan, M. Jürgen Herrmann, M. Bernd Heynemann, M. Jean Huss, M. Tadeusz Iwiński, M. Mustafa Jemiliev (remplaçante: Mme Oksana Bilozir), M. Tomáš Jirsa, M. Reijo Kallio, M. Ruslan Kondratov (remplaçant: M. Ivan Savvidi), M. Franz Eduard Kühnel, M. Andros Kyprianou, M. Geert Lambert, M. Pavel Lebeda, M. Younal Loutfi, M. Arminas Lydeka, M. Andrija Mandić, M. Jean-Pierre Masseret, M. Slavko Matić, Mme Nursuna Memecan, Mme Ana Catarina Mendonça, M. Gebhard Negele, M. Hryhoriy Omelchenko, M. Alexey Ostrovsky, M. Grigore Petrenco, M. Jørgen Poulsen, M. Cezar Florin Preda, M. Milorad Pupovac, Mme Mailis Reps, M. Gonzalo Robles, M. Branko Ružić,M. Giacomo Santini, M. André Schneider, M. Samad Seyidov, M. Steingrímur J. Sigfússon, Mme Miet Smet, M. Dimitrios Stamatis, M. Fiorenzo Stolfi, M. Giacomo Stucchi, M. Vilmos Szabó, M. Dragan Todorović, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Michał Wojtczak, M. Marco Zacchera, M. Yury Zelenskiy, M. Andrej Zernovski, ZZ. (remplaçant: M. Frank Fahey).

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.

Secrétariat de la commission: M. Neville, Mme Odrats, M. Ekström.