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Rapport | Doc. 11968 | 23 juin 2009

La situation en Iran

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Göran LINDBLAD, Suède

Origine - Renvoi en commission: Renvoi n° 3579 du 22 juin 2009. 2009 - Troisième partie de session

Résumé

Le soulèvement populaire dont l’Iran est le théâtre depuis le 13 juin 2009 est le plus important que le pays ait connu depuis la révolution de 1979. Les manifestations de masse qui ont suivi l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 12 juin, les appels en faveur de l’annulation du vote par les partisans de l’opposition et la réaction des autorités, qui ont eu recours à la violence contre des manifestants pacifiques, ont détenu plusieurs centaines d’entre eux et ont imposé de lourdes restrictions à la liberté d’expression, suscitent les plus vives inquiétudes au sujet de la tournure que pourraient prendre les événements

Tandis qu’une enquête indépendante et crédible doit clarifier l’ensemble des inquiétudes sur les irrégularités et les résultats contestés, la principale inquiétude du moment concerne la situation des droits de l’homme en Iran et le recours à la force et à la violence à l’encontre des manifestations pacifiques

La seule voie vers une solution pacifique et durable à la situation actuelle en Iran, ainsi que vers la stabilité et la paix dans la région, passe par la démocratie, le respect des droits de l’homme et l’Etat de droit. L’Assemblée est prête à nouer un dialogue constructif avec le Parlement iranien et les forces démocratiques en Iran ainsi qu’avec la société civile de ce pays.

A. Projet de résolution

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1. L’Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par la situation qui règne en Iran depuis l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 12 juin 2009 créditant le président sortant Mahmoud Ahmadinejad de 66 % des suffrages.
2. Les nombreuses irrégularités survenues lors du scrutin, selon les trois candidats battus à l’élection présidentielle, ainsi que les 646 plaintes pour fraude déposées auprès du Conseil des gardiens soulèvent des doutes justifiés quant à la régularité du déroulement du scrutin tel que défini par la loi iranienne. En particulier, plusieurs observateurs de l’opposition se seraient vu refuser l’accès aux bureaux de vote et un grand nombre d’urnes mobiles n’auraient pas pu été contrôlées par les observateurs, ce qui est manifestement incompatible avec les règles électorales de base.
3. Les protestations non-violentes et les manifestations pacifiques massives en faveur du principal candidat d’opposition, M. Hossein Moussavi, dont l’Iran est le théâtre depuis le 13 juin 2009, constituent une action politique légitime qui s’inscrit dans le principe démocratique de la liberté d’expression. Le recours à la violence contre des manifestants pacifiques est une violation grave des droits de l’homme et des principes fondamentaux de la démocratie.
4. L’Assemblée déplore les récentes interventions de la police d’État et des miliciens bassidjis, qui ont fait au moins 18 morts selon des sources officielles, et bien plus d’après des sources indépendantes, ainsi qu’un grand nombre de blessés.
5. De même, l’Assemblée regrette l’usage excessif de la force et la brutalité de la police, ainsi que l’arrestation de plus de 400 manifestants.
6. En outre, les déclarations officielles des autorités iraniennes et les mesures répressives qu’elles ont prises en réaction aux manifestations massives suscitent les plus vives inquiétudes quant à la tournure que pourraient prendre les événements. En particulier, l’arrestation de plusieurs personnalités politiques, de membres de leurs familles et de journalistes – parmi lesquels cinq membres de la famille de M. Rafsanjani et M. Ebrahim Yazdi, le dirigeant du Mouvement pour la libération de l’Iran, qui a aussi été ministre des affaires étrangères –, la fermeture de journaux d’opposition, le blocage de sites internet et de services de téléphone mobile et les restrictions imposées aux journalistes iraniens et étrangers montrent bien que le gouvernement a l’intention de réduire l’opposition au silence et d’éviter toute forme de dialogue politique, comme il réussit à le faire depuis 30 ans.
7. Le Conseil de l’Europe et son Assemblée, en sa qualité de principale organisation européenne parlementaire pour la défense des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, ne saurait garder le silence face à une telle violation des valeurs universelles et au risque sérieux de nouvelles violences, qui pourraient avoir des conséquences dramatiques.
8. L’Assemblée s’inquiète depuis longtemps de la situation en Iran, en particulier de la question nucléaire, qui a fait l’objet de plusieurs débats et a inspiré les résolutions 1436 (2005) et 1567 (2007) sur le programme nucléaire de l’Iran: nécessité d’une réaction internationale. Un autre rapport est en cours d’élaboration au sein de la commission des questions politiques.
9. De plus, le rôle déstabilisateur de l’Iran dans la région, notamment son soutien d’activités terroristes, ses déclarations provocatrices, son refus de reconnaître Israël et sa négation de l’Holocauste, ont été condamnés à l’occasion de nombreux débats sur la situation au Proche-Orient.
10. L’Assemblée est fermement convaincue que la seule voie vers une solution pacifique et durable à la situation actuelle en Iran, ainsi que vers la stabilité et la paix dans la région, passe par la démocratie, le respect des droits de l’homme et l’Etat de droit.
11. L’Assemblée constate que l’élection de M. Barak Obama à la présidence des États-Unis et ses déclarations attestent de sa volonté de nouer un dialogue renforcé avec les autorités iraniennes et créent une nouvelle occasion d’instaurer la confiance et de permettre au peuple iranien de prendre la place qui lui revient au sein de la communauté internationale.
12. L’Assemblée est prête à contribuer aux efforts visant à instaurer la confiance et à promouvoir les valeurs démocratiques en nouant un dialogue avec le Parlement iranien et les forces démocratiques en Iran ainsi qu’avec la société civile iranienne.
13. L’Assemblée prie instamment les autorités iraniennes:
13.1. de s’abstenir de recourir à la force et à la violence à l’encontre de manifestants pacifiques;
13.2. de libérer les personnes, dont le nombre s’élève à plus de 400, arrêtées lors des manifestations pacifiques de ces derniers jours;
13.3. de libérer les personnalités politiques, les membres de leurs familles et les journalistes détenus suite aux manifestations – plus de 170 personnes au total;
13.4. de lever les mesures de restriction de la liberté d’expression, en particulier:
13.4.1. à cesser la fermeture de médias d’opposition;
13.4.2. à cesser d’interrompre les services Internet et de téléphonie mobile;
13.4.3. à cesser de sanctionner et d’expulser des journalistes étrangers et à les autoriser, tout comme les journalistes iraniens, à rendre compte librement de la situation;
13.5. de permettre une enquête indépendante et crédible sur les allégations d’irrégularités lors du processus électoral;
13.6. d’instaurer un dialogue constructif dans la vie politique intérieure;
13.7. de répondre positivement à la nouvelle approche de l’administration américaine et de nouer un dialogue avec la communauté internationale dans le but d’instaurer une confiance mutuelle.
14. L’Assemblée appelle tous les acteurs de la vie politique iranienne de s’abstenir de toute forme de violence pour parvenir à leurs objectifs politiques et à privilégier le dialogue.
15. L’Assemblée appelle les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe:
15.1. à renforcer les contacts avec les autorités iraniennes dans le but de relayer les inquiétudes de la communauté internationale;
15.2. à établir un dialogue politique accru.
16. L’Assemblée appelle le Parlement iranien à contribuer à la stabilité régionale et à nouer un dialogue constructif avec la communauté internationale.
17. L’Assemblée décide
17.1. de renforcer ses contacts avec le Parlement iranien et les forces démocratiques en Iran ainsi qu’avec la société civile iranienne;
17.2. de suivre attentivement l’évolution de la situation en Iran.

B. Exposé des motifs par M. Lindblad, rapporteur

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1. Introduction

1. Le soulèvement populaire dont l’Iran est le théâtre depuis le 13 juin 2009 est le plus important que le pays ait connu depuis la révolution de 1979. Les manifestations de masse qui ont suivi l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 12 juin, la contestation des résultats du scrutin, les appels en faveur de l’annulation de ce dernier lancés par les partisans de l’opposition et la réaction des autorités, qui ont eu recours à la violence contre des manifestants pacifiques et ont imposé de lourdes restrictions à la liberté d’expression, suscitent les plus vives inquiétudes au sujet de la tournure que pourraient prendre les événements.
2. Les nombreuses allégations d’irrégularités lors du scrutin dénoncées par les trois candidats malheureux à l’élection présidentielle soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à l’équité du processus électoral. Même si la législation électorale en vertu de laquelle est organisée l’élection présidentielle ne correspond pas aux normes du Conseil de l’Europe, il importe que ses dispositions soient respectées dès lors qu’elles ont été établies par le Conseil des gardiens. Il convient qu’une enquête indépendante et crédible dissipe l’ensemble des doutes sur la régularité du scrutin et ses résultats.
3. Cela dit, la principale inquiétude du moment concerne la situation des droits de l’homme en Iran et le recours à la force et à la violence des autorités iraniennes à l’encontre des manifestations pacifiques. Les heurts, qui ont déjà entraîné la mort d’au moins 18 personnes selon les sources officielles, un chiffre bien supérieur selon des sources indépendantes, ainsi que de nombreux blessés et plus de 400 arrestations, risquent d’avoir des conséquences imprévisibles et tragiques, qui pourraient échapper à tout contrôle.
4. Les manifestations pacifiques sont un mode d’expression acceptable de l’opinion publique et constituent un acte politique compatible avec un régime qui aspire à la démocratie. Elles font partie des principes fondamentaux de liberté d’expression et de réunion.
5. L’Iran est un membre important de la communauté internationale et un acteur essentiel de la stabilité de la région. Malheureusement, le pays a été, ces dernières années, un facteur de déstabilisation régionale en soutenant les actions terroristes et en poursuivant son programme nucléaire. La situation en Iran suscite légitimement l’intérêt de la communauté internationale.
6. L’élection du Président Barack Obama aux États-Unis et la nouvelle attitude de l’administration américaine, favorable au dialogue et à la coopération avec les autorités iraniennes, ont ouvert des perspectives positives pour l’avenir. Il serait regrettable de gâcher une telle occasion. Il importe que la communauté internationale ne ménage aucun effort pour instaurer un climat de confiance indispensable à l’établissement de nouvelles relations.
7. L’Assemblée, en sa qualité d’organisation paneuropéenne majeure de défense des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, ne saurait garder le silence face aux atteintes aux valeurs démocratiques et aux droits de l’homme les plus fondamentaux, quel que soit le pays où elles sont commises. Les conséquences dramatiques que peut avoir la situation actuelle accroissent encore la responsabilité de la communauté internationale et lui imposent de tout mettre en œuvre pour remédier à cette situation.
8. Le présent rapport, établi selon la procédure d’urgence, représente une première tentative d’identifier la contribution possible que l’Assemblée pourrait apporter au règlement pacifique de la situation en Iran à l’issue de l’élection présidentielle. Ma profonde conviction étant que la démocratie, le respect des droits de l’homme et l’État de droit représentent le meilleur moyen d’assurer la stabilité et la sécurité, je propose également que l’Assemblée prenne une part plus active à la promotion de ses valeurs, par le dialogue à l’échelon parlementaire.

2. Chronologie des événements

9. La campagne électorale qui a précédé l’élection présidentielle fixée au 12 juin 2009, au cours de laquelle ont eu lieu des débats télévisés sans précédent entre les candidats et des rassemblements auxquels ont assisté des milliers de personnes, a été animée et a soulevé les passions. La société iranienne est politiquement active et le taux de participation aux élections est d’ordinaire élevé.
10. Parmi les quatre candidats autorisés à se présenter à l’élection de 2009 figuraient le président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, M. Hossein Moussavi, ancien Premier ministre qui avait quitté la scène politique pendant plusieurs années et y faisait son retour en qualité de réformateur modéré, M. Mohsen Rezai, ancien chef des gardiens de la révolution, qui se montre aujourd’hui critique à l’égard de la politique étrangère et de la gestion de la question nucléaire adoptées par le président Ahmadinejad, et enfin un réformateur, M. Mehdi Karroubi, ancien président du Parlement.
11. Le taux de participation a atteint le jour du scrutin le chiffre de 85 %, pour plus de 46 millions d’électeurs inscrits. De longues files d’attente ont été signalées devant les bureaux de vote et le scrutin a été prolongé d’au moins quatre heures.
12. Dès la fermeture des bureaux de vote, les deux candidats favoris, Mr Hossein Moussavi et le président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, ont annoncé leur victoire. M. Moussavi s’est déclaré «vainqueur incontestable» du scrutin et a affirmé que de très nombreuses irrégularités avaient eu lieu.
13. Le 13 juin, le ministère de l’Intérieur a annoncé la victoire de M. Ahmadinejad avec 62,6 % des voix, contre 33,8 % en faveur de M. Moussavi. 1,7 % des voix s’étaient portées sur M. Rezai, tandis que M. Karroubi avait obtenu 0,9 %. Les trois candidats de l’opposition ont tous contesté l’élection et ont demandé son annulation et la tenue d’un nouveau scrutin. Plus de 600 plaintes ont été déposées.
14. Le Guide suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, a qualifié ces résultats de véritable célébration, a instamment prié l’opposition à les admettre et a appelé au calme. Lors d’une allocution adressée en direct au pays, M. Ahmadinejad a parlé de scrutin «libre et sain».
15. À Téhéran, la foule s’est massée dans les rues pour marquer son soutien aux candidats malheureux. Elle protestait contre l’irrégularité de l’élection et demandait la tenue d’un nouveau scrutin. Plusieurs affrontements ont eu lieu avec la police nationale.
16. Dans le même temps, les partisans de M. Ahmadinejad sont descendus dans la rue en agitant des drapeaux et en actionnant leurs klaxons.
17. Le 14 juin, le Guide suprême, l’Ayatollah Ali Khamenei, a annoncé qu’il avait demandé au Conseil des gardiens, l’instance législative suprême du pays, d’ouvrir une enquête sur les allégations de fraude électorale.
18. Dans l’intervalle, les manifestations se sont poursuivies et ont occasionné plusieurs confrontations violentes avec les forces de sécurité, tandis que plusieurs dizaines de milliers de personnes assistaient à un rassemblement organisé à un autre endroit de la capitale pour célébrer la réélection de M. Ahmadinejad.
19. Selon les groupes politiques réformateurs d’Iran, une centaine de personnes au moins, parmi lesquelles le frère de l’ancien président Mohammad Khatami, ont été arrêtées au cours de la nuit.
20. Les autorités iraniennes ont bloqué la diffusion des émissions en persan de la BBC.
21. Le 15 juin, le chef de l’opposition, Mr Hossein Moussavi, est apparu en public pour la première fois depuis l’élection, lors d’un gigantesque rassemblement qui a réuni à Téhéran des centaines de milliers de personnes. Des violences ont éclaté à l’issue de ce rassemblement, lorsque les manifestants ont été attaqués par la police.
22. Le même jour, le Conseil des gardiens a confirmé qu’il avait été saisi d’une plainte de MM. Moussavi et Rezai et s’est engagé à rendre sa décision dans un délai de 10 jours.
23. Le président américain, Barack Obama, et le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-moon, ont fait part de leur inquiétude au sujet de la situation en Iran.
24. Le 16 juin, le Conseil des gardiens s’est dit prêt à procéder à un nouveau décompte des voix dans les régions où les résultats étaient contestés, après avoir déclaré que les résultats étaient uniquement «provisoires». Il a cependant ajouté qu’il n’annulerait pas l’élection.
25. La radio nationale iranienne a annoncé que sept personnes avaient été tuées lors de la manifestation de l’opposition le soir précédent. Les rassemblements organisés par l’opposition se sont poursuivis.
26. Selon les informations recueillies, les troubles se sont propagés à d’autres villes, notamment à Mashhad, Isfahan et Shiraz.
27. Le nombre de personnes arrêtées depuis le début des manifestations a dépassé le chiffre de 100. Parmi elles figurent l’éminent journaliste et universitaire Ahmad Zeidabadi, ainsi qu’un proche collaborateur de l’ancien président Mohammad Khatami, Mohammad Ali Abtahi.
28. Des manifestations ont été signalées à l’université de Téhéran et plus de 120 de ses enseignants ont démissionné.
29. Les autorités ont annoncé la mise en place de nouvelles sévères restrictions pour les médias étrangers, en imposant aux journalistes d’obtenir l’autorisation expresse de traiter un sujet. Il leur est également interdit d’assister à une manifestation non autorisée ou d’en rendre compte.
30. Le 19 juin, l’Ayatollah Khamenei a critiqué les gouvernements occidentaux pour leur réaction suite à la réélection du président Ahmadinejad. Il a accusé l’Occident de tenter de fomenter des troubles dans le pays. Il a invité les protestataires à cesser leur action et a déclaré que les responsables politiques auraient à rendre compte de tout acte de violence.
31. A Washington, le président Barack Obama a indiqué que les Etats-Unis n’avaient pas l’intention de s’immiscer dans la situation en Iran, tout en faisant part une nouvelle fois de ses inquiétudes à l’égard des scènes de violence.
32. Le 20 juin, une manifestation de masse a eu lieu au centre de Téhéran. Les forces de police sont intervenues contre les manifestants. De source officielle, 10 personnes ont été tuées et de très nombreuses autres blessées. Plus de 400 personnes ont été arrêtées lors de la manifestation, dont cinq membres de la famille de M. Rafsanjani.
33. Les 21 et 22 juin, les manifestations se poursuivaient.

3. Sujets de préoccupation

34. Comme je l’ai déjà indiqué, le code électoral iranien ne correspond pas aux critères du Conseil de l’Europe. Toutes les candidatures doivent être approuvées par le Conseil des gardiens et le Guide suprême. Il n’y a pas de règles claires et précises pour les campagnes électorales; les médias d’Etat soutiennent ouvertement le président sortant et le principe de la liberté d’expression n’est pas respecté.
35. Mais même dans ces conditions difficiles, il est possible, pour un candidat d’opposition, de battre le président sortant, comme ce fut le cas en 1997, lorsqu’un réformiste modéré, M. Mohammad Khatami, l’emporta avec 70 % des voix sur l’élite conservatrice au pouvoir.
36. Cette victoire s’est répétée aux élections législatives de 2000, qui ont vu les libéraux et les partisans de M. Khatami prendre le contrôle du Parlement aux conservateurs.
37. Les inquiétudes sur l’équité des élections sont apparues même avant la date du scrutin. Dans sa lettre au Guide suprême de l’Iran, le 11 juin 2009, M. Moussavi faisait état d’un certain nombre d’irrégularités, comme la confiscation des badges des observateurs de l’opposition et les instructions contradictoires qui leur ont été données pour l’accès aux bureaux de vote.
38. Les inquiétudes ont grandi tout de suite après la première annonce des résultats partiels, quatre heures seulement après la clôture du scrutin. La manière dont les résultats ont été annoncés, par blocs de millions de voix et en pourcentage, plutôt que province par province, comme lors des élections précédentes, a paru tout à fait inhabituelle. De plus, à mesure que les résultats pour les blocs étaient connus, le pourcentage de voix de chacun des candidats n’a que très peu varié, laissant à penser que M. Ahmadinejad a obtenu d’aussi bons résultats dans les zones rurales et urbaines. À l’inverse, Il en ressortait que les trois candidats battus auraient perdu même dans leurs propres régions et provinces. De manière tout à fait inhabituelle, ces résultats ne faisaient pas apparaître les variations classiques entre différentes régions et villes, rompant en cela avec toutes les tendances observées lors des élections précédentes.
39. Peu après, de nombreuses autres irrégularités ont été signalées: il n’y aurait pas eu assez de bulletins de vote, ce qui fait que des millions de personnes se seraient vus dénier le droit de vote. Les observateurs de l’opposition n’auraient pas été autorisés à accéder comme il se doit aux bureaux de vote, nombre d’entre eux auraient reçu des cartes d’identification non valides ou se seraient tout simplement vus refuser l’entrée. Le nombre de bureaux de vote mobiles était très largement supérieur au nombre prévu, les urnes étant transportées d’un endroit à l’autre par des agents du ministère de l’Intérieur sans que les observateurs puissent les surveiller.
40. Le système de messages textuels des téléphones portables, que l’opposition espérait utiliser pour faire remonter les informations de ses observateurs dans les bureaux de vote et les résultats du dépouillement, était en grande partie hors service.
41. Les résultats du dépouillement publiés le 15 juin font apparaître un renversement improbable des préférences des électeurs dans certaines régions par rapport à 2005. Ainsi, Mehdi Karoubi a rassemblé 5 % des suffrages dans le Lorestan alors qu’il en avait obtenu 55 % il y a quatre ans. En outre, dans certaines provinces, notamment dans le Khorasan ou le Mazandaran, le nombre de votants a été supérieur au nombre d’inscrits.
42. Cela étant dit, je tiens à préciser que la prudence est de mise pour évaluer la situation: on ne peut ignorer la réelle popularité du président Ahmadinejad et exclure la possibilité qu’il ait réellement remporté cette élection. Un sondage indépendant, réalisé en mai par l’organisation américaine Terror Free Tomorrow, indiquait que 34 % des électeurs avaient l’intention de voter pour M. Ahmadinejad, 14  % pour M. Moussavi, tandis que 27 % étaient encore indécis.
43. Les observateurs n’ayant pu assister au scrutin et au dépouillement, il est difficile pour l’opposition de prouver qu’il y a eu fraude. À ce stade, le seul moyen de clarifier les résultats contestés est de conduire une enquête crédible et indépendante sur le déroulement du processus électoral.
44. Toutefois, ces derniers jours, c’est la situation des droits de l’homme en Iran qui a suscité de vives inquiétudes. Le recours à une force et à une violence excessive contre des manifestants pacifiques, qui a fait des morts et des blessés, les arrestations massives de manifestants et d’opposants politiques, de membres de leurs familles et de journalistes, parmi lesquels M. Ebrahim Yazdi, ancien ministre des Affaires étrangères et chef du Mouvement de la liberté de l’Iran, doivent mettre la communauté internationale en alerte.
45. Les autorités ont aussi imposé des mesures de restriction aux journalistes et médias nationaux et étrangers et limité les communications, les empêchant par là-même de rendre compte de la situation réelle.
46. Tous ces événements risquent de faire perdre le contrôle de la situation et d’entraîner des conséquences dramatiques.

4. Ce qui est en jeu

47. L’Iran n’est pas une démocratie au regard des critères universels défendus par le Conseil de l’Europe. Le système combine des autorités religieuses non élues avec des civils élus qui leur sont subordonnés. Il est conçu pour donner au peuple la possibilité d’exprimer ses préférences, ce qui lui conférerait une sorte de légitimité.
48. La constitution dispose en effet que le peuple est la source du pouvoir et des élections présidentielles et parlementaires ont lieu tous les quatre ans.
49. Comme déjà indiqué, les élections en Iran ne peuvent être considérées comme démocratiques au regard des critères du Conseil de l’Europe. Chaque candidature doit être approuvée par le Guide suprême de l’Iran et tous les candidats doivent accepter les principes de la révolution. De même pour ce qui est de la campagne électorale, les conditions en Iran ne se prêtent pas à la liberté et à l’expression de la presse. Le pays est critiqué en raison d’un manque de respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit.
50. L’électorat de M. Moussavi espérait plus de liberté personnelle, davantage de possibilités et de meilleures relations avec la communauté internationale. L’Occident espérait que cette élection entraînerait des réformes pacifiques en Iran et l’instauration d’un dialogue sur la question nucléaire et qu’elle mettrait un terme au rôle déstabilisateur de l’Iran au Moyen-Orient.
51. Les décisions prises sous la présidence de M. Ahmadinejad étaient antilibérales et autoritaires, souvent cruelles dans la répression des opposants et leur mépris des droits de l’homme. L’Iran est le pays où le taux de sentences capitales exécutées est le plus élevé au monde. Les femmes sont privées de nombreux droits fondamentaux. La corruption y est très répandue et le taux de pauvreté élevé.
52. Les partisans de M. Ahmadinejad le félicitent d’avoir fait avancer le programme nucléaire et pensent qu’il fait davantage respecter l’Iran sur la scène internationale.
53. Mais aujourd’hui, l’enjeu va au-delà de l’avenir politique de telle ou telle personne. L’important est vraiment la direction dans laquelle ce pays va aller.
54. Le gouvernement a encouragé le peuple à voter et à faire campagne, lui donnant ainsi l’illusion d’avoir une influence réelle sur la vie politique du pays mais, à un certain moment, il a perdu le contrôle de la situation et n’a pu endiguer le désir du peuple d’exercer réellement cette influence.
55. Si les protestations ne sont pas traitées avec attention et dans le respect des droits de l’homme, l’avenir du régime tout entier pourrait être remis en cause et l’issue pourrait être imprévisible. Jusqu’à présent, les dirigeants iraniens ont cherché à s’assurer à la fois la légitimité et le monopole du pouvoir. Le temps est venu de choisir entre les deux.

5. La communauté internationale

56. La communauté internationale devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider les autorités iraniennes à faire les bons choix en ce qui concerne les droits de l’homme et les valeurs démocratiques.
57. Le signal a clairement été envoyé à l’Iran que le monde a les yeux sur lui, comme le président des Etats-Unis l’a souligné dans sa déclaration. Le recours à la force et à la violence doit être condamné sans équivoque. Les autres mesures répressives prises par le gouvernement, notamment les arrestations et les restrictions à la liberté d’expression et de communication, doivent aussi être dénoncées.
58. Dans le même temps, la communauté internationale doit s’abstenir de s’ingérer dans la politique intérieure iranienne.
59. L’approche adoptée par le président Obama a pour but de laisser toutes les portes ouvertes et n’exclut pas la possibilité d’un dialogue constructif.

6. La contribution de l’Assemblée

60. L’Assemblée est bien placée pour contribuer à promouvoir les valeurs démocratiques, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme.
61. Le Troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe a souligné l’importance du dialogue interculturel.
62. L’Assemblée et sa commission des questions politiques ont acquis une grande expérience du dialogue continu au niveau parlementaire avec des parlements d’Etats non membres.
63. Il y a maintenant longtemps que la commission suit la situation en Iran; du reste plusieurs résolutions sur la question nucléaire iranienne ont été présentées à l’Assemblée pour débat. La situation en Iran a également été évoquée dans le contexte de la situation au Moyen-Orient.
64. L’Assemblée devrait faire savoir qu’elle est prête à nouer un dialogue constructif avec le Parlement iranien et la société civile de ce pays.

***

Commission chargée du rapport: commission des questions politiques

Renvoi en commission: Renvoi n° 3579 du 22 juin 2009

Projet de résolution adopté à l’unanimité le 23 juin 2009

Membres de la commission: M. Göran Lindblad (Président), M. David Wilshire (Vice-Président) (remplaçant: M. John Austin), M. Björn Von Sydow (Vice-Président), Mme Kristina Ojuland (Vice-Présidente), Mme Fátima Aburto Baselga, M. Françis Agius, M. Alexandre Babakov (remplaçant: M. Sergey Markov), M. Viorel Badea, M. Denis Badré, M. Ryszard Bender, M. Andris Bērzinš, M. Pedrag Boškovic, M. Luc Van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Lorenzo Cesa (remplaçant: M. Pietro Marcenaro), M. Titus Corlătean, Mme Anna Čurdová, M. Rick Daems, M. Dumitru Diacov, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Piero Fassino (remplaçant: M. Andrea Rigoni), M. Per-Kristian Foss, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. Marco Gatti, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hancock, M. Davit Harutiunyan, M. Joachim Hörster, Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Bakir Izetbegović, M. Michael Aastrup Jensen, Mr Miloš Jevtić (remplaçant: M. Milos Aligrudic), M. Emmanouil Kefaloyiannis, Mme Birgen Keleş, M. Victor Kolesnikov, M. Konstantion Kosachev (remplaçant: M. Alexander Pochinok), M. Jean-Pierre Kucheida (remplaçant: M. Laurent Béteille), Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. René van der Linden, M. Dariusz Lipiński, M. Juan Fernando López Aguilar, M. Younal Loutfi, M. Gennaro Malgieri, M. Dick Marty (remplaçante: Mme Liliane Maury-Pasquier), M. Frano Matušić, M. Dragoljub Mićunović, M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova, M. Aydin Mirzazada (remplaçant: M. Sabir Hajiyev), Mme Lilja Mósesdóttir, M. Joāo Bosco Mota Amaral, Mme Olga Nachtmannová, M. Gebhard Negele, Mme Miroslava Nemcova, M. Zsolt Németh, M. Fritz Neugebauer (remplaçant: M. Franz-Eduard Kühnel), M. Hryhoriy Omelchenko, M. Theodoros Pangalos (remplaçant: M. Konstantinos Vrettos), M. Ivan Popescu (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, M. Gabino Puche (remplaçant: M. Pedro Agramunt), M. Amadeu Rossell Tarradellas, M. Ilir Rusmali, M. Oliver Sambevski, M. Ingo Schmitt, M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke, Lord Tomlinson, M. Petré Tsiskarishvili, M. Mihai Tudose, M. Ilyas Umakhanov, M. José Vera Jardim, M. Luigi Vitali, M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm, M. Emanuelis Zingueris.

Ex-officio: MM. Mátyás Eörsi, Tiny Kox

N.B.:Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras

Secrétariat de la commission: Mme Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner, Mme Alleon