1. Introduction
1. Le 14 mai 2007, la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme m’a chargé, en tant que rapporteur, de
préparer un rapport sur la situation des Roms en Europe et les activités
pertinentes du Conseil de l’Europe (
Doc. 11206). Ce rapport a été élaboré
minutieusement suivant diverses étapes complémentaires. Deux auditions
sur le sujet ont été organisées devant la sous-commission des droits
des minorités: l’une lors de sa réunion de Bratislava, le 22 novembre
2007
,
et l’autre le 26 juin 2008
.
Une autre audition a eu lieu devant la commission plénière le 18
mai 2009 à Targu Mures, qui portait plus précisément sur la situation
des Roms en Roumanie
.
En outre, le rapporteur a effectué des visites d’information au Danemark
(28-29 mai 2008) et en République tchèque (17-18 mars 2009).
2. Malgré les nombreux efforts déployés au niveau international,
y compris de manière très dynamique au Conseil de l’Europe, la situation
des Roms est un problème global qui touche tous les Etats membres
de l’Organisation.
3. Dans ma note introductive initiale, j’ai déjà décrit en détail
les activités du Conseil de l’Europe en la matière et souligné le
rôle pionnier qu’il joue pour améliorer la situation des Roms. Depuis,
ce document a été déclassifié par la commission et figure sur le
site web de l’Assemblée
.
Considérant que les informations qu’il contient font partie intégrante
du rapport, nous ne les répéterons pas (sauf pour mettre l’accent
sur certaines recommandations). Dans cette seconde partie de mon
travail, nous examinerons les aspects spécifiques de la situation
actuelle des Roms en Europe. En outre, la commission des migrations,
des réfugiés et de la population et la commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes étant toutes deux saisies pour
avis, nous n’aborderons pas les questions qui relèvent de leurs
compétences respectives.
2. Définitions et chiffres
4. Les termes «Roms» et «Gens du voyage» sont définis
comme suit dans l’annexe à la Recommandation CM/Rec(2008)5 du Comité
des Ministres sur les politiques concernant les Roms et/ou les Gens
du voyage en Europe: «l’expression “Roms et Gens du voyage” (…)
désigne les Roms, les Sintés, les Kalés, les Gens du voyage et les
groupes de populations apparentés en Europe, et vise à englober
la grande diversité des groupes concernés, y compris les personnes
qui s’identifient comme “tsiganes”»
.
Dans le présent rapport, le terme «Roms» englobe les Roms et les
Gens du voyage au sens qui leur est donné dans la définition ci-dessus.
5. On estime que la population rom compte entre 10 ou 12 millions
de personnes dans toute l’Europe. Dans certains Etats membres, le
pourcentage de la population rom avoisine même les 10 %. Les Roms,
qui sont la plus importante minorité en Europe, sont présents dans
quasiment tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
6. De plus, il est important de noter que les Roms sont en Europe
la plus importante minorité sans territoire compact et qu’ils ne
bénéficient pas, comme les autres minorités nationales, de l’assistance
d’un Etat-parent. Dans certains pays, la minorité rom n’est pas
reconnue en tant que telle alors qu’elle y est implantée depuis plusieurs
siècles
.
3. Un signal d’alarme
7. Je me suis demandé comment décrire au mieux la gravité
de la situation dans mon rapport. J’ai décidé de laisser les faits
parler d’eux-mêmes et de relater des événements et circonstances
scandaleux dont les Roms ont été victimes récemment dans un grand
nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Ces événements –
lors desquels un certain nombre de droits fondamentaux des Roms
ont été violés – sont plus éloquents qu’une longue analyse.
8. Rappelons que les faits choquants que nous exposons ci-après
ne sont que quelques-uns des exemples d’une tendance à un antitsiganisme
délétère qui se généralise en Europe.
9. Il ressort clairement de ces exemples que le processus d’intégration
des Roms n’a pas atteint ses objectifs ces vingt dernières années.
Leur intégration n’est pas suffisante pour leur éviter de devenir
une cible facile pour les responsables politiques extrémistes et
populistes.
3.1. Violence raciste/discours de haine raciale
10. Toute l’Europe connaît une montée de l’extrémisme,
fortement alimenté par la crise économique. Comme le commissaire
de l’Union européenne à l’égalité des chances, Vladimir Spidla,
l’a si bien dit, «il semble que les Roms sont devenus la cible d’une
violence raciste organisée alimentée par le populisme politique,
le discours de haine et la médiatisation. Dans certains cas, les
Roms sont les boucs émissaires des grands problèmes sociaux»
.
11. Les extrémistes accusent les forces politiques de leur pays
de ne pas protéger les citoyens contre la «criminalité tsigane».
Dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe (par exemple
en Hongrie et en République tchèque), plusieurs manifestations provocatrices
ont été organisées par des groupes/partis nationalistes radicaux
dans des quartiers habités par des Roms.
12. Pendant sa visite à Litvinov
(République
tchèque), le rapporteur a appris qu’une telle manifestation
avait été organisée le 17 novembre 2008 par le Parti des travailleurs
tchèques (DS). Un groupe de 500 néonazis voulait défiler dans Janov
(quartier habité principalement par des Roms, et que le rapporteur
a visité). La police a réussi à les arrêter mais les combats de
rue ont duré des heures. La police aurait découvert des douzaines d’armes
dans les voitures des extrémistes. Au cours des mois qui ont suivi,
plusieurs marches analogues ont eu lieu en République tchèque. Dans
son rapport publié en septembre 2008, l’ECRI note que «des slogans contre
les Roms ont été utilisés dans le cadre de campagnes électorales,
notamment au niveau local, et la tenue de propos incendiaires contre
les Roms semble parfois avoir été récompensée par des nominations
à des postes plus élevés»
. Pendant
sa visite, les autorités ont confirmé au rapporteur que l’on constatait
un changement qualitatif dans la mouvance extrémiste: son professionnalisme
accru (approche de la population, actions bien organisées sur le
plan des médias). Le Gouvernement tchèque tente de répondre à cette
évolution très dangereuse d’une manière organisée, notamment par
le biais d’une campagne médiatique. Une plate-forme antiextrémiste
– placée sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et de
la Police mais aussi d’autres organismes compétents – a été mise
en place pour assurer une réponse coordonnée. Comme un représentant
des autorités l’a dit au rapporteur, il est aussi nécessaire de
mettre au point un outil pour prévenir l’infiltration systématique
et globale des extrémistes dans la police, dans l’armée et dans
les administrations pénitentiaires.
13. Outre les défilés anti-Roms, le nombre d’agressions brutales
contre les Roms augmente aussi dans un certain nombre d’Etats membres.
14. En Bulgarie, en août
2007, un groupe d’environ 12 skinheads a agressé six Roms qui rentraient
chez eux à Fakulteta, quartier majoritairement rom de Sofia. Quatre
personnes ont été blessées dont l’une a dû être hospitalisée. Les
victimes ont été interrogées par la Fondation Romani Baht, organisation
de défense des droits des Roms, qui a déclaré que les victimes avaient
demandé de l’aide par téléphone à la police du district mais que
celle-ci avait refusé d’envoyer une patrouille.
15. En
Croatie, des discours
de haine raciale auraient été publiés en ligne après l’annonce que
le gagnant du show télévisé populaire
Big
Brother choisi par les spectateurs était un Rom musulman.
Ces propos extrêmement violents auraient été publiés en ligne sur
un forum de suprématistes blancs
.
16. Au cours du premier semestre de 2009, de violentes agressions
racistes au cocktail Molotov ont visé des Roms en République tchèque. En avril, des
cocktails Molotov ont été lancés dans la maison familiale de Robert
Kudrik dans le village de Vitkov. L’incendie a complètement détruit
la maison et gravement blessé les parents. Leur fille de 2 ans,
Natálka, a été gravement brûlée à 80 % et est tombée dans le coma.
Après cette agression, la police a arrêté quatre hommes, auteurs
présumés du crime, les a inculpés de tentative de meurtre et les
a placés en détention. En mai 2009, des incendiaires ont jeté deux
cocktails Molotov dans la maison d’une autre famille rom dans le
village de Zdiby, près de Prague. La télévision tchèque n’a fait
état d’aucun blessé; la famille a réussi à éteindre le feu à temps.
Les autorités pensent que les motifs de cet incendie étaient de
nature raciste. En 2008, des Roms ont été blessés à l’occasion de
plusieurs agressions.
17. Pendant la visite du rapporteur, les autorités ont insisté
sur le fait que le ministère de l’Intérieur avait accompli beaucoup
au cours des dernières années, par exemple grâce à des projets pilotes
comme le recrutement d’assistants de police roms à Ostrava (et dans
cinq autres villes du pays). La police est désormais tenue d’enquêter
sur la nature éventuellement raciste de chaque crime. A Litvinov,
les autorités ont signalé au rapporteur qu’il y avait depuis longtemps
des Roms policiers dans la ville.
18. En France, au cours
du second semestre de 2009, un campement rom a été investi par des fonctionnaires
qui ont apposé des tampons sur la main ou sur le bras des personnes
pour «mieux les identifier».
19. Le 24 juillet 2008, le Comité des droits de l’homme des Nations
Unies a conclu, dans l’affaire de Andreas Kalamiotis
c. Grèce, que le Gouvernement grec avait violé l’article
2, paragraphe 3 (droit à une réparation effective), ainsi que l’article
7 (interdiction de la torture) du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques. L’affaire concernait l’absence d’une
enquête effective sur des allégations de brutalités policières à
l’encontre d’un Rom, Andreas Kalamiotis, le 14 juin 2001.
20. En février 2009, le Premier ministre de
Hongrie a
mis en garde sur la banalisation des agressions verbales à l’égard
des Roms, des Juifs et des gays, devenues un «phénomène quotidien»
. Selon les médias, depuis
le début de 2008, au moins 15 incidents ont eu lieu en Hongrie:
bombes incendiaires contre des habitations roms, deux logements
de Roms attaqués à la grenade à main. A cette même époque, au moins
six personnes d’origine rom ont été assassinées et d’autres grièvement
blessées pendant ces incidents et d’autres. Dans la plupart des
cas, la police a confirmé que les meurtres étaient motivés par le
racisme
.
21. Le 23 février 2009, un cocktail Molotov a été lancé sur la
maison de la famille Csorba. Alors que M. Csorba tentait d’échapper
à l’incendie, portant son fils Robi et tenant par la main sa fille
de 10 ans, son fils et lui ont été abattus. Le 22 avril 2009, un
Rom âgé de 54 ans, Kóka Jenő, a été abattu devant sa maison à Tiszalök.
Le 3 août 2009, la violence a atteint un niveau record avec l’agression
du domicile d’une femme rom de 45 ans, Maria Balogh. Celle-ci a
été abattue et sa fille de 13 ans, Ketrin, grièvement blessée. L’enquête
de police a établi un lien entre ces agressions.
22. Le 11 mai 2008, le journal italien La
Repubblica a cité M. Roberto Maroni, ministre de l’Intérieur
italien disant que «tous les campements roms doivent être démantelés
sur-le-champ et les habitants soit expulsés soit incarcérés». Cette
rhétorique contre l’insécurité a conduit à des abus évidents en Italie. Les autorités ont, entre
autres, relevé les empreintes digitales de Roms, photographié des
enfants roms, expulsé brutalement des Roms de leurs camps et laissé
impunis de nombreux incendies criminels des cabanes où ils habitaient.
23. Le 12 mai 2008, trois jeunes Italiens ont mis le feu à l’entrée
d’un campement rom à Ponticelli (Naples) après avoir répandu de
l’essence autour du camp. Un certain nombre de cabanes isolées ont
aussi été incendiées. Le 13 mai, un groupe d’environ 300 à 400 personnes
de la population locale a attaqué l’un des plus grands campements
roms du district qui abrite 48 familles roms. Cette nuit-là, un
autre campement à Ponticelli a été évacué; ses habitants ont été
relogés temporairement dans une école. Le 14 mai, deux groupes de
cabanes ont été brûlés sous les acclamations de la population locale
.
24. Parmi les autres faits rapportés, citons les incidents suivants:
le 20 juin 2008, un missionnaire rom de l’Eglise pentecôtiste a
été brutalement agressé par quatre policiers pour avoir relaté à
la télévision l’agression subie par sa fille de 12 ans deux jours
auparavant; le 29 juin, un jeune Rom a été roué de coups et chassé
de la ville de Pesaro et un autre menacé de mort à Fano; un cocktail
Molotov a été lancé sur un campement rom à la Magliana, près de
Rome, le 23 juillet; un petit camp rom à Pise a été réduit en cendres
le 26 juillet et ses habitants ont perdu tous leurs biens; le 28
juillet, un cocktail Molotov a été lancé sur un campement rom de 20 véhicules
où vivaient des Sintés italiens en Toscane; le 19 août, un petit
camp à Mestre a été incendié et le 2 septembre un campement proche
de Padoue habité par des Sintés italiens a été réduit en cendres
et deux jeunes personnes brûlées vives.
25. Pour de plus amples informations, le rapporteur renvoie aux
rapports très complets du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe qui s’est rendu en Italie plusieurs fois après ces événements inquiétants
.
D’autres incidents graves ont eu lieu en grand nombre depuis 2004
.
26. En 2008, certaines communes de Roumanie, comme
Brasov, ont construit des murs pour séparer les Roms de la communauté
non rom. Un mur de ce genre a récemment été érigé dans le district
de Beja au Portugal.
27. Le 10 septembre 2007, des hommes masqués ont fait irruption
dans l’habitation d’une famille rom, les Lyalikov, à Ordzhonikidze,
en Ingouchie (Fédération de Russie), et abattu le père et les deux
fils adultes. La police a déclaré aux médias que le crime était
motivé par la «haine ethnique». En outre, le 10 novembre 2005, dans
la ville d’Iskitim (région de Novosibirsk en Russie), deux maisons
de Roms ont brûlé dans des incendies apparemment criminels. Une
femme rom a été grièvement blessée et son enfant de 7 ans est mort
trois jours plus tard des suites de l’incendie.
28. Le Comité des Nations Unies contre la torture, saisi d’une
affaire de violences et d’injures racistes à l’encontre d’un Rom,
a rendu, le 8 mai 2009, une décision concluant que la Serbie avait violé plusieurs dispositions
de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. M. Osmani a été battu et injurié
par ce que l’on pense être des policiers en civil, en présence de policiers
en uniforme pendant une expulsion forcée et une opération de démolition
du campement «Antena» à Novi Beograd, qui abrite quelque 107 Roms.
Pendant l’incident, le fils de M. Osmani, âgé de 4 ans, a également
été frappé.
29. A Košice, en République slovaque, six
enfants roms (âgés de 11 à 16 ans) ont été victimes de sévices infligés
par la police, en avril 2009. Ils ont été contraints par des policiers
à se déshabiller, à se gifler et s’embrasser les uns les autres.
Les scènes ont été filmées par les policiers.
30. Dans son rapport publié en septembre 2009, l’ECRI «note avec
inquiétude qu’il y a eu des cas d’antitsiganisme ces dernières années
en
Suisse, notamment au travers
de propos tenus par des figures politiques aux niveaux local et
national et repris dans les médias»
.
31. Dans les régions de Chernigiv et d’Odessa en Ukraine, des affiches ont été placardées
dans les rues, demandant à la population d’appeler immédiatement
la police pour signaler les Roms.
32. En juin 2009, la diaspora rom de South Belfast (Royaume-Uni) a été victime de violentes
agressions racistes. Plus de 100 personnes ont été chassées de chez
elles à la suite de ces incidents où des gangs ont brisé des fenêtres
des logements et s’en sont pris aux voitures.
3.2. Discrimination dans le domaine de l’éducation
33. Tout le monde s’accorde à dire que l’accès à l’éducation
est fondamental. Pourtant, les enfants roms restent exclus d’une
éducation de qualité dans de nombreux Etats membres. Soit ils sont
victimes de ségrégation et mis dans des classes réservées aux Roms,
abusivement considérés comme inadaptés aux classes normales (et
casés dans des écoles pour enfants handicapés) soit – pire – ils
ne peuvent tout simplement pas être scolarisés. La langue et l’isolement
géographique sont également autant d’obstacles auxquels se heurtent
les Roms pour accéder à l’éducation.
34. Tant que les Roms auront un accès limité en termes de scolarisation,
leurs perspectives d’emploi futures resteront limitées. En conséquence,
il sera extrêmement difficile d’améliorer la participation de cette communauté
à la vie économique et politique, et donc sa situation globale.
35. L’accès à une éducation de qualité est un facteur fondamental
pour aider à améliorer substantiellement la situation des Roms en
Europe. L’absence d’une éducation correcte rend difficile l’accès
à un bon emploi. Il incombe aux autorités de briser ce cercle vicieux,
en proche coopération avec la minorité rom dans toute l’Europe.
36. Le rapporteur salue dans ce contexte les efforts notables
déployés par plusieurs Etats pour scolariser les enfants roms ou
pour éliminer la ségrégation à l’école (dont plusieurs bons exemples
sont donnés ci-dessous). Dans de nombreux Etats membres, la ségrégation
des enfants roms à l’école reste toutefois une réalité.
37. En
République tchèque, la
ségrégation des Roms dans l’enseignement primaire reste très inquiétante. Les
élèves roms sont souvent placés dans des écoles spéciales «(…) conçues
pour des enfants et des élèves âgés de 3 à 19 ans atteints de handicaps
mentaux et/ou physiques, souffrant de déficiences auditives, visuelles
et/ou de parole, et de troubles du développement»
. La Grande Chambre de la
Cour européenne des droits de l’homme a condamné la République tchèque
dans l’affaire
D.H. et autres c. République
tchèque, en concluant à une violation de l’article 14
combinée avec l’article 2 du Protocole no 1
(droit à l’éducation) parce que les requérants avaient été placés
dans des écoles spéciales à cause de leur origine rom
. Cet arrêt est d’autant plus important
que la pratique des écoles spéciales, qui est condamnée depuis plusieurs
années maintenant, est très répandue. Pendant la visite du rapporteur
en République tchèque, les autorités ont mis en avant le rôle des
assistants pédagogiques considéré comme très positif. A la suite
du «rapport Gabal» (établi par un consultant indépendant) et du
jugement de la Cour, le rôle et la nécessité des écoles préparatoires
ont été réévalués. Le ministre de l’Education est favorable à une
discrimination positive et à une action affirmative pour améliorer
l’accès des Roms à l’éducation. Toutefois, les autorités n’ont pu,
faute de données ethniques, dire au rapporteur si les mesures prises
jusqu’à présent avaient porté leurs fruits. C’est la raison pour
laquelle le ministère de l’Education a commandé, en complément,
d’autres études sur l’éducation des Roms et leurs possibilités d’être
scolarisés dans des établissements ordinaires. Il est évident que
les enfants d’origine rom devraient avoir accès aux structures préscolaires
et c’est l’angle d’attaque adopté par le ministère de l’Education
qui souhaite renforcer les mesures pour les enfants «socialement
vulnérables» de 0 à 4 ans. Par ailleurs, les autorités ont insisté
sur leur volonté d’aborder la question du point de vue des enseignants.
Les enseignants ne connaissent pas suffisamment les conditions de
vie des enfants «socialement vulnérables» (dont les Roms). C’est
pourquoi le ministère de l’Education a l’intention de promouvoir
une meilleure préparation des enseignants pendant leurs études universitaires.
Le rôle positif des assistants pédagogiques d’origine rom a été
mis en avant.
38. Il est particulièrement inquiétant que la persistance de classes
réservées aux Roms, même dans les établissements scolaires ordinaires,
ait été confirmée au rapporteur. Autre problème: jusqu’à présent,
la législation ne permet qu’aux écoles spéciales de recevoir un
soutien financier pour les enfants «socialement vulnérables». Le
vice-ministre de l’Education a assuré au rapporteur que les autorités
souhaitaient modifier la loi pour permettre aux écoles ordinaires
de recevoir ce type de soutien financier.
39. S’agissant des «écoles spéciales», les représentants des ONG
estiment que la réforme de 2004 (la nouvelle loi sur l’école de
2004 – loi no 561/2004) n’a été qu’une
simple opération cosmétique: les établissements scolaires ont changé
de nom mais sont restés les mêmes
. Toutefois, une mesure
importante a été prise: il est maintenant possible de passer des
écoles primaires «spéciales» aux écoles secondaires générales (même
si cela restera probablement très difficile dans la pratique).
40. En
Bulgarie également,
le taux de scolarisation des enfants roms est largement inférieur
à celui des enfants issus du reste de la population. En outre, les
écoles où la ségrégation est appliquée (qui accueillent principalement
des enfants roms) disposent de moins bonnes infrastructures que
les écoles générales, et de moins de ressources et de matériel
.
Selon le recensement de 2001, 18,1 % des Roms étaient alors analphabètes.
41. Au Danemark, la pratique
des classes réservées aux Roms dans la ville de Helsingor (où réside
la plus grande communauté rom du pays: environ 200 familles) a été
jugée illégale en 2004, en vertu de la loi sur les établissements
scolaires publics. Si ces classes sont fermées depuis 2005, les
représentants des ONG signalent que la ségrégation persiste dans
les faits. A Helsingor, les autorités locales ont décidé de réduire
les allocations financières en cas d’absentéisme scolaire. A la
suite d’une décision du conseil municipal, qui a jugé cette pratique
illégale, la loi a été modifiée pour légaliser la pratique à condition
de respecter des critères très stricts. Les enseignants sont formés
pour pouvoir enseigner le danois en deuxième langue. Avec l’aide
de «dames du matin» (consultantes du conseil municipal qui sont
chargées d’aller chercher chez eux les enfants qui ne viennent pas
à l’école), les autorités locales espèrent faire augmenter la fréquentation
scolaire des enfants roms. Elles ont signalé au rapporteur qu’aucune
initiative n’avait été prise à ce jour pour sauvegarder la langue
romani.
42. L’ECRI, dans son
Troisième Rapport
sur la France, s’inquiète de ce que certains enfants
roms n’ont pu s’inscrire dans des écoles de ce pays
. Qui plus est, le
Commissaire aux droits de l’homme, dans son mémoire de novembre 2008
consécutif à sa visite en France, a signalé que malgré l’obligation
de scolarité et une demande de plus en plus insistante des Gens
du voyage français d’envoyer leurs enfants à l’école, certaines
communes continuent de refuser d’admettre ces enfants dans les écoles
primaires, en prétextant de la brièveté de la période de scolarité
due au mode de vie itinérant, d’une procédure d’expulsion en cours
ou du manque de place dans les écoles. En février 2007, la Haute
Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE)
a rendu une décision concernant un maire qui avait refusé l’accès
à l’école à 14 enfants Gens du voyage français
.
43. Dans son rapport sur la
Grèce, publié
en septembre 2009, l’ECRI «note avec préoccupation que les Roms
continuent d’être défavorisés en matière d’éducation. Certaines
écoles refusent toujours d’inscrire des enfants roms»
.
44. Pendant l’audition devant la commission, à Targu Mures, des
représentants des ONG ont fait part de certains progrès accomplis
dans le domaine de l’éducation en Roumanie, principalement
grâce aux 400 médiateurs scolaires (eux-mêmes Roms) et aux inspecteurs
roms. Des places sont aussi réservées aux Roms dans les écoles secondaires
et à l’université. Un nouveau programme appelé «L’école maternelle
pour tous», qui devrait toucher 8 000 enfants qui ne fréquentent
actuellement pas l’école maternelle, pour les préparer à entrer
directement à l’école primaire, devait commencer en août 2009. Les
questions de discrimination dans l’éducation et de ségrégation scolaire
seraient régulièrement à l’ordre du jour du ministère de l’Education.
Le ministère a adopté un arrêté pour interdire la ségrégation scolaire
et des méthodes visant à la prévenir dans la pratique.
45. Selon Amnesty International, les enfants roms en
Slovaquie sont recensés comme élèves
de «milieux socialement défavorisés» et, à ce titre, perçus comme
ayant des besoins pédagogiques spéciaux à l’instar des élèves handicapés.
La politique du Gouvernement slovaque concernant la minorité rom
comprend un objectif de différenciation des enfants roms des élèves
handicapés; toutefois, cette distinction importante est toujours absente
de la loi sur l’éducation de 2008. Faute de définition claire, le
placement scolaire des enfants roms reste ouvert à la discrimination
.
46. En Espagne, on a signalé
des incidents où des parents non roms se sont opposés avec véhémence
à l’intégration d’enfants roms dans les écoles.
3.3. Discrimination dans le domaine du logement
47. En octobre 2009, l’Agence des droits fondamentaux
de l’Union européenne a conclu qu’«il est clair (…) qu’un grand
nombre de Roms et de Gens du voyage dans l’Union européenne ne bénéficient
pas de l’égalité de traitement dans ce domaine et vivent dans des
conditions médiocres bien inférieures aux critères minimums de logement
convenable»
.
Dans son rapport de situation 2008, l’OSCE note que «les conditions
déplorables de logement et de vie d’un grand nombre de Roms et de
Sintés restent un problème urgent» et s’inquiète de l’augmentation
du nombre d’expulsions forcées et d’opérations de démantèlement
des campements
.
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe partage
ces opinions et, tout en rappelant que les Roms sont parmi les personnes
qui se heurtent aux plus grandes difficultés à cet égard, il a publié
une recommandation sur les droits au logement
. Dans ce contexte, il souligne
que les droits au logement sont d’une importance fondamentale pour
la jouissance effective de la plupart des droits fondamentaux et
qu’ils doivent être mis en œuvre en parfaite conformité avec le
principe de non-discrimination. Dans son rapport susmentionné, l’Agence
des droits fondamentaux va jusqu’à considérer que la ségrégation
en matière de logement est parfois «le résultat d’une politique
délibérée du gouvernement».
48. Dans le domaine du logement, l’absence de sécurité de bail
(combinée aux expulsions forcées), l’absence de sites d’accueil
permanents ou transitoires, le racisme et la discrimination sont
les problèmes les plus aigus auxquels sont confrontés les Roms.
49. Pendant sa visite en République
tchèque, le rapporteur a visité le «dortoir» des «inadaptables»
(on peut s’interroger sur la justesse de ce terme…) U Bileho sloupu,
à Litvinov. Le rapporteur a constaté que le dortoir – des sortes
de baraquements très sommairement équipés (probablement l’un parmi
les nombreux que compte le pays) n’était pas en bon état. Des problèmes
réguliers de chauffage et d’électricité ont été signalés (et confirmés
par les autorités); le rapporteur a été très surpris du montant
du loyer, 3 600 couronnes par adulte (environ 140 euros) et 300 couronnes
par enfant. Ce prix semble très élevé comparé au salaire moyen en République
tchèque, compte tenu des ressources évidemment très limitées de
ses habitants et, surtout, vu l’état des lieux. Le rapporteur a
été informé par le gouvernement que 60 projets avaient été montés
pour lutter contre l’exclusion sociale des Roms, dont un prévoit,
par exemple, la réhabilitation du logement pour les Roms à Prěrov.
Une chose plus que nécessaire!
50. Le rapporteur s’inquiète aussi beaucoup d’une pratique qui
lui a été signalée par les autorités locales pendant sa visite à
Litvinov. Selon celles-ci, l’augmentation considérable du nombre
des habitants roms dans la ville était due à la pratique de l’agence
publique pour l’immobilier de Prague qui consistait à payer les
dettes des familles roms pour obtenir d’elles, en contrepartie,
qu’elles acceptent de quitter leurs appartements à Prague et de
s’installer dans des villes plus petites comme Litvinov, et spécialement
Janov. Apparemment, cela permettrait à cette agence d’avoir de nouveaux
accès aux appartements dans certains quartiers de Prague en vue
de les réhabiliter pour obtenir des loyers plus élevés.
51. Dans son
Troisième Rapport sur
la France, l’ECRI a noté des allégations d’expulsions
collectives forcées de familles roms de leur campement sans possibilité
de relogement. L’ECRI a aussi fait part de son inquiétude, car ces
expulsions auraient été violentes et suivies de la destruction immédiate
des biens et des effets personnels qui étaient restés à l’intérieur
. Le Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe a aussi noté que les expulsions
étaient un problème particulièrement aigu – plongeant les familles dans
un climat de peur – surtout quand elles ne font pas l’objet de négociations
préalables et que les habitants ne reçoivent aucun préavis. Le Commissaire
aux droits de l’homme a relevé aussi que la plupart des groupes roms
en France vivaient dans des bidonvilles sordides, souvent sans accès
à l’eau ou à l’électricité. Les ordures ne sont collectées que de
manière sporadique et les conditions d’hygiène sont souvent déplorables. Certains
camps n’ont même pas de toilettes
. Cependant, le rapporteur
se félicite que la loi française oblige les autorités locales à
mettre des sites équipés à la disposition des Roms.
52. Dans une lettre adressée le 19 décembre 2007 à M. Prokopis
Pavlopoulo, ministre de l’Intérieur de
Grèce,
de l’Administration publique et de la Décentralisation, M. Hammarberg,
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a fait
état de son inquiétude à propos de la situation de la commune athénienne
de Votanikos où un grand nombre de Roms sont menacés d’expulsion
imminente. De plus, tout en encourageant les autorités grecques
à poursuivre la mise en œuvre du système de prêts au logement pour
les Roms, l’ECRI se dit préoccupée par les conditions de vie de
certains Roms «qui ne répondent pas aux normes découlant du droit
international, ce qui est inadmissible», dans les campements d’Aspropyrgos
et de Spata près d’Athènes
.
53. Amnesty International signale qu’en
Italie, en
mars 2009, les Roms vivant sous la bretelle de contournement de
Bacula au nord de Milan ont été expulsés sous la contrainte par
les autorités locales. Selon les journaux locaux, 70 des 150 Roms
qui y vivaient ont été dispersés sans possibilité de relogement.
Des descentes de police illégales ont lieu fréquemment
dans
les habitations et campements roms et plusieurs exemples d’expulsion/démolition
de masse très médiatisés de campements roms ont été signalés au
cours du premier semestre de 2008
.
54. Les conditions de logement déplorables sont courantes au
Monténégro où un grand nombre de
Roms vivent dans des camps de fortune ou non officiels d’où sont
souvent absents les équipements et services rudimentaires. L’expulsion
des campements illégaux ou parfois des résidences légales reste
un problème grave
.
55. En
Serbie, environ 250
Roms, y compris des enfants en bas âge, des personnes âgées et des
infirmes, ont été expulsés d’un campement provisoire à Novi Beograd
le 3 avril 2009. Les bulldozers accompagnés de policiers sont arrivés
pour nettoyer le site très tôt le matin avant même que l’avis officiel
d’expulsion n’ait été présenté à la population. Au moins 50 habitations
de fortune ont été détruites sous le regard impuissant de leurs
anciens occupants. Des possibilités temporaires de relogement dans
des conteneurs ont été mises à disposition dans un autre quartier
de Belgrade mais la population locale a tenté de les incendier pour
empêcher les Roms de s’y installer
.
56. Selon l’ECRI, au
Royaume-Uni, les
Roms qui achètent des terrains ont beaucoup de mal à obtenir des permis
de construire. Compte tenu des difficultés qu’elle rencontre pour
accéder à un logement répondant à ses besoins, une partie importante
de la population rom non sédentarisée vit dans des campements non autorisés,
souvent situés dans des endroits inadaptés, sans accès aux services
et équipements rudimentaires
.
3.4. Discrimination en matière d’accès à l’emploi
57. L’absence d’instruction et de qualifications figure
parmi les raisons qui expliquent le taux de chômage beaucoup plus
élevé chez les Roms que dans le reste de la population. Dans ce
domaine, le rapporteur exhorte les Etats membres à mettre pleinement
en œuvre la Recommandation Rec(2001)17 du Comité des Ministres sur
l’amélioration de la situation économique et de l’emploi des Roms/Tsiganes
et des Gens du voyage en Europe.
58. L’ECRI constate la discrimination généralisée contre les Roms
dans le secteur de l’emploi au
Danemark, en
relevant que nombre d’entre eux sont relégués à des emplois subalternes
.
A Helsingor, deux travailleurs sociaux ont été chargés par le service
de l’emploi de travailler spécifiquement avec les Roms. Les Roms
leur étaient toujours adressés quel que soit le but de leur requête.
Cette mesure – ostensiblement destinée à fournir de meilleures réponses
aux besoins des Roms – n’était pas facultative: les Roms avaient
l’obligation de ne s’adresser qu’à ces deux personnes. Cette mesure
a donc été considérée comme discriminatoire.
59. En Lettonie, le 25 mai
2006, le tribunal de la cité de Jelgava a conclu à un acte de discrimination
en matière d’accès à l’emploi dans une affaire civile dont il a
été saisi par le Bureau national letton des droits de l’homme (LNHRO)
au nom d’une femme rom. A la fin de 2005, cette femme rom s’était
rendue au LNHRO après s’être portée candidate pour un emploi de
vendeuse à la société Palso. Envoyée pour l’entretien par le bureau
de placement de Lettonie, elle se plaignait de ce que la personne
qui avait procédé à l’entretien lui aurait dit qu’elle ne convenait
pas au poste à cause de son accent en letton, sans même considérer
ses qualifications. Cette femme rom pensait que la réaction de cette
personne était due à son appartenance ethnique; c’est pourquoi,
faute d’accord à l’amiable avec Palso, le LHNRO a intenté une action
au civil, en demandant une réparation pour dommages moraux. Dans
sa décision du 25 mai, le tribunal de la ville de Jelgava a ordonné
à Palso de verser 1 000 lats lettons (environ 1 420 euros) de dommages
et intérêts à cette femme rom.
60. Selon l’ECRI, au
Royaume-Uni, les
Roms sont victimes de discrimination concernant le recrutement et de
harcèlement sur le lieu de travail. Les Roms sont aussi défavorisés
sur le marché du travail, faute d’avoir une adresse permanente,
notamment en ce qui concerne la création d’entreprises privées
.
61. Ces dernières années, de bonnes pratiques ont été mises en
place. Citons, entre autres, la création et la formation de «médiateurs
pour l’emploi des Roms» en Bulgarie et
des «foires de l’emploi» visant à favoriser l’accès des Roms au
marché du travail en Roumanie.
Des initiatives spéciales pour l’emploi en Irlande pour les
Gens du voyage, lancées par l’Autorité nationale de la formation
et de l’emploi (FAS) en 2005-2006, ainsi que la création de «groupes
interorganismes sur les Gens du voyage», chargés de la promotion
de la coordination locale des organismes compétents et des représentants
des Gens du voyage; la résolution adoptée en 2008 par le Gouvernement
de la République tchèque pour
promouvoir l’Agence de l’intégration sociale des Roms et le projet
Dobra – qui aurait permis la diminution du chômage des Roms dans
la ville de Janov (de 900 à 500) – sont des exemples de bonnes pratiques
qui méritent d’être relevés. On a fait remarquer que l’une des idées
maîtresses de l’Agence pour l’intégration sociale des Roms est de
s’appuyer sur des partenariats locaux, qui sont les mieux placés
pour évaluer les besoins et mettre en œuvre le programme au niveau
local. Le rapporteur note également avec intérêt la création, pour
l’instant dans cinq bureaux de l’emploi en République
tchèque, et de «certificats de non-discrimination» pour
les employeurs qui soumettent leurs règlements et procédures à un
audit. Le «Programme de stages pour les Gens du voyage» dans la
fonction publique en Irlande est
aussi une initiative particulièrement intéressante.
62. Pour être couronnés de succès, les projets et mesures visant
à intégrer les Roms sur le marché du travail doivent prendre en
compte les besoins et les difficultés de la population rom – causées
non seulement par le chômage, souvent de longue durée, qui les touche,
mais aussi par les problèmes de diversité culturelle et leur mode
de vie – ainsi que les spécificités du marché local de l’emploi
dans les zones où ils vivent.
3.5. Discrimination dans le domaine de la santé
63. Comme le note l’OSCE dans son rapport de situation
2008, «l’espérance de vie moyenne des Roms est inférieure d’environ
dix ans à celle de la majorité de la population». Cela illustre
l’évidente inégalité entre les Roms et le reste de la population
en matière d’accès aux services de santé préventive et de soins.
Là aussi, la question de l’accès à la santé est liée à d’autres
problèmes auxquels les Roms sont confrontés (manque d’instruction,
pauvreté, exclusion sociale…). En outre, les Roms qui vivent dans
des zones de ségrégation et des ghettos (qui manquent pour la plupart
des équipements de base comme l’eau courante, l’électricité et les sanitaires)
ont encore plus de mal à accéder aux services de santé que ceux
qui vivent dans des villes au sein de la population majoritaire.
Une étude récente montre que l’isolement géographique et les barrières linguistiques
jouent aussi un rôle important dans les difficultés des Roms à accéder
aux services de santé et à comprendre les réformes de santé
.
Selon cette étude, c’est la pauvreté qui est l’obstacle le plus
important à l’accès des Roms aux services de santé (à cause du coût
des transports publics pour se rendre au centre sanitaire le plus
proche et du prix prohibitif des médicaments).
64. Le Comité européen des Droits sociaux a conclu en 2008 à une
violation par la
Bulgarie de
la Charte sociale européenne pour ne pas avoir fourni une assistance
médicale adéquate (article 13.1). Dans sa décision dans
CERD c. Bulgarie, le comité a jugé
que la Bulgarie n’avait pas protégé en particulier la santé de sa population
rom. Il «considère qu’il existe suffisamment de preuves démontrant
que les communautés roms ne vivent pas dans un environnement sain.
Cette situation est due en partie à l’échec des politiques de prévention menées
par l’Etat – en témoignent, par exemple, l’absence de mesures de
protection garantissant une eau propre dans les quartiers roms,
ainsi que l’insuffisance des dispositions prises pour y faire respecter
les normes de santé publique en matière de logement». Des exemples
spécifiques de discrimination présentés au comité, dont le refus
d’envoyer des ambulances dans les quartiers roms, la ségrégation
des femmes roms dans les services de maternité ou l’emploi d’un
langage injurieux par les médecins, ont été acceptés comme étant
de nature à renforcer «la conclusion générale du comité selon laquelle
les Roms ne bénéficient pas en Bulgarie d’une réponse appropriée
à leurs besoins en matière de santé»
.
65. Toutefois, la Bulgarie a adopté une stratégie de santé pour
les minorités ethniques et l’on observe certains progrès tangibles,
comme les mesures de vaccination des enfants roms ainsi que les
dispositions pour les soins spéciaux aux enfants et aux mères. En
outre, entre 2003 et 2007, jusqu’à 113 médiateurs de santé roms
ont été formés et habilités, et des cliniques mobiles ont été mises
en place.
66. L’intolérable contamination au plomb à Mitrovicë/Mitrovica
(Kosovo) est considérée comme l’«une
des plus grandes crises médicales de la région»
.
Les Roms vivant dans cette zone sont exposés à la contamination
au plomb depuis 1999. Cette situation exige des mesures immédiates
des autorités pour reloger les habitants du camp afin d’empêcher
que leur état de santé déjà critique ne se dégrade encore plus.
67. La question de la stérilisation forcée – qui a été signalée
au rapporteur pendant sa visite en République tchèque – soulève
de grandes inquiétudes et sera traitée en détail dans l’avis de
la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes.
4. Mesures prises (ou non prises) par les gouvernements
4.1. Plans d’action et stratégies politiques
68. De nombreux gouvernements ont pris progressivement
conscience de la nécessité d’élaborer et d’adopter des stratégies
nationales pour améliorer la situation des Roms. Cette prise de
conscience marque un changement positif qui doit être salué. J’évoquerai
plus particulièrement les trois cas étudiés de plus près dans le
cadre de la préparation du présent rapport: le Danemark, la République
tchèque et la Roumanie.
69. En République tchèque, le gouvernement a adopté un projet
très complet, «La décennie pour l’intégration des Roms 2005-2015
– Plan d’action national». Toutefois, à la grande surprise du rapporteur,
ses interlocuteurs des différents ministères semblaient mal connaître
ce document et personne n’a pu même ne serait-ce que mentionner
un quelconque résultat concret et positif fondé sur ce plan.
70. Au Danemark, un Plan d’action de lutte contre la discrimination
est en place depuis 2003 (un plan actualisé sera élaboré prochainement).
Les autorités ont toutefois reconnu que des ressources supplémentaires
étaient nécessaires pour vraiment coordonner l’action et les initiatives
prises dans les différents ministères.
71. En Roumanie, les mesures et les initiatives prises pour améliorer
la situation des Roms s’inscrivent dans le cadre de la Stratégie
décennale du gouvernement pour l’amélioration de la situation des
Roms (adoptée en 2001 et modifiée en 2006). Pendant l’audition devant
la commission à Targu Mures, personne ne s’est plaint de la stratégie
en tant que telle (qui a même été considérée par les intervenants
comme étant – «sur le papier» – la meilleure possible). En revanche,
beaucoup ont déploré une mise en œuvre insuffisante. Les intervenants s’accordaient
à dire qu’il restait encore à mesurer l’impact de cette stratégie
tout en soulignant les difficultés d’une telle opération. Des représentants
des Roms et d’ONG, tout en saluant la création d’une Agence nationale
pour les Roms, se sont plaints de la pénurie chronique de fonds
et de personnel. De même, conformément aux informations recueillies
pendant cette audition, un Plan décennal pour l’éducation, le logement
et l’emploi des Roms est en instance devant le parlement depuis
2007 et la mise en œuvre des décrets existants serait contrariée
par l’incapacité des inspecteurs du travail de transmettre des données
sur la ségrégation.
72. Il convient de noter que, si des programmes-cadres sont en
place, il reste encore beaucoup à faire sur le plan financier et
institutionnel pour assurer la mise en œuvre des plans et politiques
au niveau national. De même, comme en fait état le rapport de situation
de l’OSCE 2008, «trop souvent (…), le processus de mise en œuvre
souffre d’une absence de volonté politique au niveau national et
de la non-application des politiques au niveau local».
73. Pendant sa visite en République tchèque, le rapporteur a entendu
des représentants des Roms et des ONG se plaindre du manque de continuité
et de stratégie de certains projets. Les projets conçus au cas par cas
n’ont guère de chance d’atteindre leur but et l’absence de continuité
en matière de financement – souvent à la source de plusieurs mois
d’interruption dans le paiement des subventions – obère leur réussite.
74. De nombreuses initiatives restent trop isolées et trop limitées
(à la fois dans le temps et géographiquement) – n’offrant donc que
des réponses partielles – pour être efficaces. Les politiques nationales
qui prévoient une approche intégrée ont une meilleure chance d’avoir
un impact effectif et durable.
75. En conséquence, il importe de veiller à ce que chaque ministère
et institution administrative décentralisée ou locale dispose effectivement
de structures opérationnelles capables d’élaborer, de mettre en œuvre
et de suivre les mesures d’intégration sociale donnant une reconnaissance
suffisante aux problèmes des Roms. Il est fondamental que les ministères
compétents agissent dans la concertation, les problèmes auxquels
se heurtent les Roms dans les différents domaines indiqués ci-dessus
étant inextricablement liés les uns aux autres.
4.2. La responsabilité s’efface derrière l’absence
de statistiques ethniques et de mécanismes d’évaluation fiables
76. Malheureusement, si un certain nombre d’Etats ont
introduit des plans nationaux pour l’intégration des Roms, ceux-ci
semblent être dans de nombreux cas illusoires. Pendant mes visites
d’information au Danemark et en République tchèque, j’ai systématiquement
demandé si ces plans nationaux avaient débouché sur des résultats
positifs et concrets. A cette question, j’ai reçu une seule réponse:
«peut-être, mais nous ne pouvons évaluer les résultats parce que
nous ne sommes pas autorisés à recueillir des statistiques fondées
sur l’appartenance ethnique».
77. C’est aussi, par exemple, le cas en Allemagne où les autorités
évoquent régulièrement la décision de la Cour constitutionnelle
fédérale interdisant la collecte de données ethniques pour expliquer
l’absence de toute donnée officielle sur la situation des minorités
sintés et roms
. En France, le caractère unitaire
proclamé de la République ne laisse pas de place à la notion de
«minorité», et, en conséquence, aucune collecte de données ethniques
n’est autorisée
.
Au Danemark, le rapporteur a aussi été informé qu’à cause d’un principe ancien,
aucune donnée ou statistique spécifique fondée sur l’appartenance
ethnique n’est collectée. Ce ne sont que trois exemples qui illustrent
la tendance dans de nombreux Etats du Conseil de l’Europe. Mais
le rapporteur est convaincu que de nombreux gouvernements collectent
en fait des renseignements de cette nature même s’ils ne sont pas
rendus publics.
78. Ces données, fondées sur des statistiques ethniques, sont
d’une importance extrême pour évaluer les résultats des politiques
nationales et locales visant à une meilleure intégration des Roms.
Comme le souligne le rapport de situation de l’OSCE 2008, «faute
de pouvoir disposer de données statistiques soigneusement analysées
sur le temps, il est difficile de voir si des changements ont eu
lieu ou de montrer si les problèmes sont plus aigus et où les ressources
seraient donc prioritairement nécessaires».
79. Pour permettre aux gouvernements d’évaluer la situation concernant
les Roms, j’estime qu’il est nécessaire et pertinent de rouvrir
le débat sur la collecte et l’utilisation de statistiques ethniques.
Dans ce contexte, il convient de noter la position du Comité consultatif
sur la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
et celle de l’ECRI.
80. Le comité consultatif déclare ceci: «Des données et des statistiques
complètes sont essentielles pour évaluer l’impact des mesures de
recrutement, de promotion et autres pratiques similaires concernant
la participation des minorités aux services publics. Elles sont
indispensables pour concevoir les mesures législatives et politiques
appropriées visant à combler les lacunes identifiées. La collecte
d’informations sur la situation des minorités nationales devrait
être entreprise conformément aux normes internationales sur la protection
des données et au droit de toute personne appartenant à une minorité
nationale de choisir librement d’être traitée ou ne pas être traitée
comme telle. Les représentants des minorités nationales concernées devraient,
dans la mesure du possible, être impliqués dans l’ensemble du processus
de collecte de données, et les méthodes employées à cette fin devraient
être définies en étroite coopération avec eux.»
81. En outre, l’ECRI est «d’avis que la collecte de données ethniques
est un bon moyen d’élaborer des politiques judicieuses de lutte
contre le racisme et la discrimination raciale, et de promouvoir
l’égalité des chances. Ces données peuvent fournir des informations
générales sur la situation des groupes minoritaires, qui formeront
ensuite la base des politiques sociales et contribueront ultérieurement
à évaluer leur avancement. La collecte de données ethniques aide
au suivi des phénomènes discriminatoires ainsi qu’à celui de l’application
des politiques de lutte contre les discriminations mises en place
par les gouvernements. Elle sert également à évaluer l’efficacité
de ces politiques, de manière à procéder à tout changement et ajustement nécessaires»
.
82. On constate donc que la collecte et l’utilisation de statistiques
ethniques bénéficient d’un grand soutien. Néanmoins, cette position
n’est pas universelle. Les inquiétudes sur les abus qui ont instrumentalisé
les statistiques ethniques dans l’Histoire, et la catégorisation
souvent simpliste des gens que ces statistiques induisent prospèrent
dans certains pays. Il faut aussi être conscient que de nombreux
Roms sont eux-mêmes réticents à s’identifier comme tels dans les
recensements ou les enquêtes, à cause de la longue histoire de discrimination
dont ils ont été victimes à cause précisément de leur origine ethnique.
Ces préoccupations doivent être dûment prises en compte.
83. Il n’en reste pas moins que je suis résolument en faveur de
la collecte de statistiques ethniques comme étant la seule méthode
pour renforcer l’efficacité des programmes mis en place par les
autorités. Vera Egenberger
l’a très justement
fait remarquer: «Comment cibler correctement les politiques lorsque
les gouvernements ne connaissent même pas la taille des communautés
roms dans leur pays? Quelle peut être l’utilité des stratégies pédagogiques
lorsque les autorités scolaires ne savent pas combien d’étudiants
d’origine rom finissent l’école primaire et dans quelles circonstances
ils quittent l’école précocement? Comment les programmes d’intégration
des Roms sur le marché du travail peuvent-ils réussir si les employeurs
ne connaissent pas la composition ethnique de leur main-d’œuvre?»
Ces questions s’appliquent à tous les chapitres des différents plans
d’action nationaux en faveur d’une meilleure intégration des Roms.
84. Si la collecte des données ethniques doit – et est déjà –
accompagnée de garanties strictes pour éviter tout abus, elle est
autorisée par le droit international. Des données à caractère personnel
sensibles ne peuvent être collectées qu’avec le consentement explicite
(librement donné et éclairé) de la personne concernée
.
4.3. «L’excuse» de la responsabilité de l’Europe (sinon
de l’Union européenne)
85. De plus en plus, les responsables et les représentants
des autorités nationales renvoient la responsabilité des problèmes
auxquels se heurte la communauté rom au niveau européen.
86. S’il est vrai que la minorité rom est probablement la seule
présente sur le territoire de tous les Etats membres, elle n’en
relève pas pour autant de la seule responsabilité des organisations
internationales.
87. Pendant l’audition devant la commission à Targu Mures, certains
membres – considérant que la solution est à trouver au niveau européen
– ont défendu la création d’une agence européenne pour les Roms.
D’autres, au contraire, ont considéré que cela reviendrait à échapper
à leur responsabilité nationale concernant le bien-être de leurs
propres ressortissants.
88. Le rapporteur est convaincu que, si un nombre important de
mesures sont à juste titre déjà prises (et financées) au niveau
européen (Conseil de l’Europe, OSCE, Union européenne), la principale
responsabilité incombe aux Etats membres. Le rapporteur n’est donc
pas en faveur de la création d’une agence européenne pour les Roms
mais d’une meilleure coordination entre les acteurs (roms et non
roms) aux niveaux national et local. Au niveau européen, le rôle
du Forum européen des Roms et des Gens du voyage (FERV) peut et
devrait être encore développé
.
5. La nécessité impérative de renforcer la représentation
et la participation des Roms à la vie publique et politique
89. Dans son rapport de situation 2008, l’OSCE note que
des progrès visibles ont été accomplis dans ce domaine, «de nombreux
Etats créant des structures administratives pour représenter les
Roms dans les administrations locales et nationales». Toutefois,
les Roms restent de loin sous-représentés dans les organes élus
(et souvent non représentés du tout). Seuls quelques rares Roms
ont été élus membres des parlements nationaux dans les Etats membres
du Conseil de l’Europe, même s’ils représentent de 7 à 10 % de toute
la population dans certains d’entre eux.
90. Selon les estimations, seule une dizaine de membres des parlements
nationaux
et
environ 20 maires sont roms. Ces chiffres – englobant tous les Etats
membres du Conseil de l’Europe – sont extrêmement bas et reflètent
la nécessité de renforcer la participation et la représentation
politiques des Roms. Dans ce contexte, le rapporteur attire l’attention
sur la décision
Sejdic et Finci c. Bosnie-Herzégovine dans laquelle la Cour européenne des droits
de l’homme a statué que les dispositions de la Constitution de Bosnie-Herzégovine
interdisant à un Rom et à un Juif de briguer un mandat à la Chambre
des peuples de l’Assemblée parlementaire et à la présidence de l’Etat
violent la Convention européenne des droits de l’homme.
91. Au niveau européen, il y a actuellement un membre du Parlement
européen d’origine rom. Aucun n’est présent à l’Assemblée parlementaire
ni au Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. C’est bien évidemment
un bilan négatif et un mauvais exemple. Certes, notre composition
reflète celle de nos parlements nationaux mais nous devons réfléchir
aux moyens et aux méthodes de renforcer la représentation et la
participation des Roms au sein de nos propres structures. Ce serait
un signal très fort.
92. L’article 15 de la Convention-cadre pour la protection des
minorités nationales demande aux Etats parties de créer les conditions
nécessaires pour une «participation effective» dans tous les domaines
de la vie, en particulier dans ceux qui touchent la minorité. Le
comité consultatif de la convention-cadre a préparé un commentaire
sur l’article 15 de la convention où il explique comment l’exercice
de ce droit devrait être réalisé
. L’article
I.2.4 sur l’égalité des minorités nationales du Code de bonnes pratiques
en matière électorale, adopté par la Commission de Venise, dit entre
autres que «le découpage des circonscriptions ou les règles sur
le quorum ne doivent pas conduire à rendre plus difficile la présence
de personnes appartenant à des minorités dans l’organe élu» et que
«les mesures prises de façon à assurer une représentation minimale
des minorités, soit en leur garantissant des sièges réservés, soit
en prévoyant des exceptions aux règles normales d’attribution des
sièges, par exemple en supprimant le quorum pour les partis de minorités
nationales, ne sont pas contraires au principe d’égalité»
.
93. Plusieurs obstacles juridiques et pratiques limitant la participation
et la représentation politiques des Roms ont été recensés. Citons
l’absence de volonté de certaines communautés roms de constituer
des partis politiques (ou leur petite taille) bien que la législation
l’autorise; le flou entourant le statut légal de nombreux Roms (absence
de documents d’identité ou de preuve de résidence); pauvreté/isolement;
analphabétisme/manque d’instruction; méfiance à l’égard des institutions
de l’Etat et des partis politiques; préjugés des non-Roms; discrimination
institutionnelle et obstacles juridiques (comme le grand nombre
de signatures requises pour enregistrer un parti politique).
94. Au niveau national, un effort radical doit être fait pour
donner des documents d’identité aux membres de la population rom,
spécialement aux réfugiés et aux personnes déplacées. Tant qu’ils
ne disposeront pas de ces documents, ils ne pourront participer
aux processus électoraux.
95. Plusieurs Etats ont mis en place des mécanismes de consultation,
comme les conseils de minorités, où la minorité rom est représentée;
certains ont créé des conseils roms (comme entre autres en Finlande
et en Serbie). La République tchèque a institué des commissions
interministérielles pour les affaires roms. A Helsingor (Danemark),
un conseil d’intégration visant à la coordination de tout le processus
d’intégration a été mis en place au niveau local. Les Roms (et d’autres
minorités) peuvent élire leurs représentants. Mais, malgré les efforts
déployés par les autorités locales pour encourager la création d’une
association représentant les Roms, cette initiative a échoué.
96. En Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie, en Croatie, dans la République
tchèque, en Grèce, en Hongrie, en Roumanie, en Serbie, dans la République
slovaque, dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» ainsi qu’au
Kosovo, il existe un ou plusieurs partis politiques «ethniques»
ou défendant spécifiquement les intérêts des Roms. L’existence de
ces partis n’empêche certes pas des Roms de participer aux partis
politiques classiques. Des éléments montrent qu’ils le font; mais
les candidats roms inscrits sur les listes des partis classiques
ne sont généralement pas placés en position éligible sur la liste.
97. Il y a indéniablement des améliorations, mais un point fondamental
demeure: il est évident que le niveau d’instruction des Roms doit
être amélioré pour leur permettre de participer plus activement
et plus efficacement à la vie politique et publique. La représentation
et la participation des Roms sont tout aussi importantes que les
mesures officielles prises pour améliorer leur situation.
6. Conclusions
98. En Italie, des campements roms ont été incendiés;
en Hongrie, des Roms ont été tués dans des agressions à leur domicile;
en Slovaquie, des enfants roms ont été sadiquement maltraités et
humiliés par des membres des forces de sécurité; en Serbie, des
familles roms entières ont perdu leur domicile à la suite d’expulsions
sommaires; en République tchèque, des membres d’une famille rom
ont été gravement blessés dans l’incendie de leur maison après le
jet de cocktails Molotov, etc.
99. Exploitant la crise financière, des groupes extrémistes capitalisent
les craintes découlant de l’équation faite entre Roms et criminels,
en choisissant un bouc émissaire qui est une cible facile, les Roms
étant parmi les groupes les plus vulnérables.
100. Les opinions incendiaires exprimées par ces extrémistes dans
plusieurs Etats membres ont débouché sur des manifestations agressives
d’hostilité, constituant une véritable menace pour les membres de
la communauté rom. On ne saurait tolérer que des actes criminels
commis par certains individus soient utilisés pour discréditer toute
la communauté rom.
101. La position excessivement passive des autorités et le consentement
tacite d’une partie de la population lorsqu’elle est confrontée
à cette situation intolérable nous rappellent les heures les plus
noires de l’histoire européenne. Le Conseil de l’Europe est né d’un
désir catégorique de prévenir la répétition de cette époque sinistre.
Depuis, la Cour européenne des droits de l’homme condamne régulièrement
les Etats où les Roms souffrent d’abus et de discrimination.
102. Les Etats membres doivent assumer leurs responsabilités et
faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éteindre au plus vite
cette dangereuse flambée d’antitsiganisme.
103. Jusqu’à présent, de nombreuses mesures ont été prises à différents
niveaux pour améliorer la situation des Roms. Néanmoins, ces mesures
restent tout simplement sur le papier puisque, à ce stade, les résultats des
mesures positives sont encore flous faute d’indicateurs de leur
efficacité. Trop de théorie sans évaluation concrète fait perdre
le sens de la réalité.
104. Un accès effectif et durable à l’éducation et à un logement
convenable est la première mesure nécessaire à prendre pour briser
le cercle vicieux de la discrimination dans lequel sont enfermés
la plupart des Roms.
105. En outre, la représentation des Roms dans les institutions
de l’Etat ainsi que leur participation active et coordonnée dans
les processus décisionnels sont aussi des éléments fondamentaux
dans la défense et dans la mise en œuvre de leurs droits pour l’intégration
réussie de leur communauté. Nous devrions tous exhorter la communauté
rom à être la plus active possible.
106. Réserver des sièges dans les parlements est une mesure utile.
Les actions positives forment une partie de la réponse en vue d’éliminer
la discrimination. Il existe des exemples positifs où les autorités
locales jouent un rôle actif mais ils sont beaucoup trop rares.
Les pouvoirs locaux et régionaux ont un rôle fondamental à jouer.
107. La situation actuelle des Roms en Europe est très inquiétante,
surtout à cause de l’immense fossé entre la situation des Roms et
celle de la plupart des autres minorités. Il est toujours difficile
de sortir de la pauvreté mais cela l’est d’autant plus lorsque l’on
est victime de la discrimination.
108. Les Etats membres, le Conseil de l’Europe et les Roms eux-mêmes
ont encore beaucoup de chemin à parcourir avant que la situation
de cette minorité ne s’améliore durablement. Le projet de résolution
et le projet de recommandation sont tirés à la fois du présent exposé
des motifs et de la note introductive du 3 septembre 2008
.
***
Commission chargée du rapport: commission
des questions juridiques et des droits de l’homme
Renvoi en commission:Doc. 11206, Renvoi
3340 du 20 avril 2007
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés
par la commission le 26 janvier 2010, respectivement avec cinq voix
contre et deux abstentions, et à l’unanimité
Membres de la commission: M.
Christos Pourgourides (Président), M. Christopher Chope, M. Christoph Strässer,
M. Serhiy Holovaty (Vice-Présidents), Mme Marieluise
Beck, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, M. Petru Călian,
M. Erol Aslan Cebeci, Mme Ingrida Circene, Mme Ann
Clwyd (remplaçant: M. John Prescott), M.
Agustín Conde Bajén, M. Telmo
Correia, M. Joe Costello, M. Arcadio Díaz
Tejera, Mme Lydie Err, M. Renato
Farina, M. Valeriy Fedorov,
M. Joseph Fenech Adami, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, Mme Svetlana
Goryacheva, M. Neven Gosović, Mme Carina Hägg, M. Holger Haibach (remplaçante:
Mme Anette Hübinger),
Mme Gultakin Hajibayli,
M. Johannes Hübner, M. Michel Hunault, M. Rafael Huseynov, M.
Shpetim Idrizi, M. Aliosman Imamov,
M. Željko Ivanji, Mme Kateřina Jacques, M. Mogens Jensen, M. András Kelemen, Mme Kateřina Konečná, M. Franz Eduard Kühnel, Mme Darja
Lavtižar-Bebler, M. Pietro Marcenaro, Mme Milica
Marković, M. Dick Marty, Mme Ermira Mehmeti Devaja,
Mme Chiora Taktakishvili (remplaçant:
M. Akaki Minashvili), M.
Philippe Monfils, M. Felix Müri,
M. Philippe Nachbar (remplaçant: M. Yves Pozzo
di Borgo), M. Adrian Năstase, Mme Anna Ntalara, Mme Steinunn
Valdís Óskarsdóttir, M. Valery Parfenov, M. Peter Pelegrini (remplaçant:
M. József Berényi), Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Valeriy
Pysarenko, M. Janusz Rachoń, Mme Mailis
Reps (remplaçant: M. Aleksei Lotman),
Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine,
M. Paul Rowen, M. Armen Rustamyan, M.
Kimmo Sasi, Mme Marina Schuster, M. Yanaki Stoilov, M. Fiorenzo Stolfi, Lord John Tomlinson, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Viktor Tykhonov (remplaçant:
M. Ivan Popescu), M. Øyvind Vaksdal, M. Giuseppe Valentino,
M. Hugo Vandenberghe, M. Egidijus Vareikis,
M. Miltiadis Varvitsiotis,
M. Luigi Vitali, M. Klaas de Vries, Mme Nataša Vučković, M. Dmitry Vyatkin, M. Marek Wikiński, Mme Renate
Wohlwend, M. Jordi Xuclà i Costa
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: M.
Drzemczewski, M. Schirmer, Mme Szklanna,
Mme Heurtin