1. Introduction
1. La géothermie est la science qui étudie les phénomènes
thermiques internes du globe terrestre et la technique qui vise
à les exploiter. Par extension, la géothermie désigne aussi l’énergie
géothermique, issue de l’énergie de la Terre, que l’on utilise pour
se chauffer ou qui est convertie en électricité.
2. La plus grande partie de la chaleur interne de la Terre (62 %)
provient de la radioactivité des roches qui constituent le manteau
et la croûte terrestres. Il s’agit d’une radioactivité naturelle
résultant de la désintégration de l’uranium, du thorium et du potassium.
3. La chaleur géothermique est une source inépuisable d’énergie,
comparable à celle du soleil.
4. Jusqu’à présent, nous n’avons exploité qu’une infime partie
des réserves de chaleur souterraines. La géothermie, technique aujourd’hui
maîtrisée et qui a fait ses preuves, peut s’appliquer à la production d’électricité,
au chauffage urbain ainsi qu’au chauffage et à la climatisation
de bâtiments individuels. Mais la découverte de réservoirs plus
facilement accessibles n’a guère encouragé son développement.
5. Les phénomènes provoqués à l’échelle mondiale par la combustion
des hydrocarbures fossiles peuvent être combattus au niveau local,
où il est possible de mettre en place des solutions durables et
décentralisées de production de chaleur et d’électricité. Les nouvelles
technologies – dont l’énergie géothermique, qui apparaît très prometteuse
– joueront dans ce contexte un rôle beaucoup plus important qu’elles
ne l’ont fait jusqu’à présent.
6. A fur et à mesure que les réserves de gaz et de pétrole se
réduisent au niveau mondial, le recours à l’énergie géothermique
peut devenir une solution intéressante, comme cela a déjà été démontré
dans certains pays européens.
7. C’est notamment pourquoi les participants au récent Forum
économique mondial de Davos ont estimé que l’énergie géothermique
offrirait le meilleur rapport coût/efficacité de toutes les sources
d’énergie renouvelables. En outre, l’énergie géothermique pourrait
être utilisée comme un renfort de poids dans l’approvisionnement.
8. Divers obstacles juridiques, institutionnels, réglementaires,
environnementaux et sociaux ont considérablement entravé le développement
des projets géothermiques en Europe. Leur potentiel reste pour l’essentiel
inexploité, principalement en raison d’un cadre général inadapté.
2. Historique
9. L’homme a toujours su tirer parti de l’énergie géothermique
puisque celle-ci est exploitée depuis des milliers d’années pour
le chauffage et le refroidissement en Chine, dans la Rome antique
et dans le Bassin méditerranéen, et depuis plus d’un siècle pour
la production d’électricité.
10. L’énergie géothermique est donc loin d’être une nouveauté
en Europe. Ainsi, une source chaude à Chaudes-Aigues (Auvergne,
France) a été utilisée au XIVe siècle
pour le premier réseau de chauffage urbain et une ressource géothermique
à basse température (81°C) a été exploitée depuis la fin des années
1960 à Paratounka (Fédération de Russie) pour produire de l’électricité
(puissance installée de 680 kilowatts électriques (kWe), la chaleur
résiduelle étant utilisée directement pour le chauffage des sols
et des serres.
3. Situation actuelle dans le
monde
11. Dans le monde, 90 pays utilisent l’énergie géothermique,
dont 24 pour produire de l’électricité, notamment la Chine, l’Islande,
les Etats-Unis, l’Italie, la France, l’Allemagne, le Portugal, la
Turquie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Nicaragua, El Salvador,
le Costa Rica, la Russie, l’Indonésie, les Philippines, le Japon
et le Kenya.
12. En 2005, cinq de ces pays ont produit entre 15 et 22 % de
leur électricité nationale au moyen de la géothermie. Néanmoins,
à ce jour, seule une petite fraction de ce potentiel énergétique
est exploitée, que ce soit pour des usages directs ou pour la production
d’électricité. A l’heure actuelle, la puissance géothermique installée
est au total de 9,7 gigawatts (GW). La plupart des pays européens
possèdent déjà d’importantes installations géothermiques, de même
que les Etats-Unis, les pays d’Amérique centrale, l’Indonésie et
le Kenya dans la vallée africaine du Rift. El Salvador, le Kenya
et les Philippines jouent notamment un rôle clé dans la production
d’énergie géothermique.
13. En 2005, la puissance géothermique mondiale était estimée
à 8 933 mégawatts (MW), répartis comme suit: Asie 3 290 MW; Amérique
du Nord 2 564 MW; Union européenne 823 MW; autres pays d’Europe 301 MW;
Océanie 441 MW; Amérique centrale et Amérique du Sud 1 377 MW; Afrique
128 MW. La géothermie est la principale source d’énergie de l’Islande,
mais c’est le Salvador qui est le plus gros consommateur: en effet,
22 % de l’électricité produite dans le pays l’est au moyen de la
géothermie (2005). De plus, la chaleur géothermique assure le chauffage
et l’eau chaude pour quelque 87 % des Islandais.
14. L’une des sources géothermiques les plus importantes est située
aux Etats-Unis. The Geysers, à environ 145 kilomètres au nord de
San Francisco, a été mise en service en 1960 et dispose aujourd’hui
d’une puissance de 900 MW. Il s’agit d’un ensemble de centrales
électriques qui utilisent la vapeur de plus de 400 puits.
4. Utilisation de la géothermie
en Europe
15. Sur le continent européen, les plus grands réseaux
de chauffage urbain utilisant la géothermie se trouvent dans la
région parisienne (France), tandis que l’Autriche, l’Allemagne,
la Hongrie, l’Italie, la Pologne et la Slovaquie, notamment, comptent
également un grand nombre de réseaux.
16. Pour ce qui est de l’électricité géothermique, les ressources
remplissant les conditions requises sont, dans leur grande majorité,
concentrées en Italie, en Islande et en Turquie, en raison de la
présence de jeunes volcans.
17. Les ressources de température élevée se situent principalement
dans les îles volcaniques (Açores pour le Portugal, départements
d’outre-mer pour la France, îles Canaries pour l’Espagne) ainsi
qu’en Grèce, qui est l’un des pays les plus favorisés d’Europe quant
au développement de ressources de température élevée.
18. Les ressources de moyenne température se concentrent dans
des sites bien localisés (par exemple en Hongrie et en Allemagne).
19. L’Europe centrale est principalement caractérisée par des
ressources géothermiques de basse énergie situées dans les bassins
sédimentaires profonds. La Hongrie, du fait de sa position géologique
privilégiée sur le «point chaud géothermique» du Bassin pannonien,
dispose de ressources très intéressantes.
20. L’Islande est en pointe pour l’utilisation directe de l’énergie
géothermique, appliquée principalement au chauffage des serres et
au chauffage urbain (89 % de la demande totale en chauffage domestique);
elle augmente actuellement sa production d’électricité, qui atteignait,
en 2006, 420 mégawatts électriques (MWe) en puissance installée.
Bien qu’importante, cette production est à comparer à l’immense
potentiel de l’île, estimé à 4 000 MWe, un chiffre bien supérieur
aux besoins nationaux en énergie, qui sont de 1 500 MWe.
21. En Guadeloupe, à Bouillante, non loin du volcan de la Soufrière,
quatre forages de prospection ont été réalisés en 1984, l’un d’entre
eux d’une profondeur de 300 mètres, qui ont entraîné la décision
d’installer une centrale électrique de 5 MW. A proximité de ce site,
trois nouveaux puits de production plus profonds (1 kilomètre en
moyenne) ont été mis en service en 2001 et une centrale (Bouillante 2),
construite en 2003, a permis de produire, à la fin de 2004, 11 MW
supplémentaires. Ce nouvel apport d’énergie couvre environ 10 % des
besoins annuels de l’île en électricité.
22. En France métropolitaine, on a foré – le dernier forage date
de 2005 – à grande profondeur (de l’ordre de 5 000 mètres) à Soultz-sous-Forêts,
en Alsace, dans des roches artificiellement fracturées. Par ailleurs,
en région parisienne, un ensemble de 30 réseaux de chauffage urbain
utilise avec succès la géothermie basse énergie depuis une trentaine
d’années. Les installations de pompes à chaleur sur nappe continuent
à se développer dans la région parisienne et dans d’autres régions,
car ces techniques de chauffage et de climatisation sont particulièrement
bien adaptées aux secteurs tertiaire et résidentiel.
23. En Allemagne, une centrale électrique de 3,4 MW est à l’essai
à Unterhaching (près de Munich) depuis 2007; elle produit en cogénération
de la chaleur et de l’électricité. Le forage atteint 3 350 mètres
de profondeur et a un débit par seconde de 150 litres d’eau à une
température de 122°C.
24. Dans certains pays d’Europe, plusieurs projets d’exploitation
de l’énergie géothermique ont vu le jour au lendemain du premier
choc pétrolier. Un certain nombre de ces projets ont toutefois dû
être interrompus pour des raisons financières, mais aussi techniques,
les technologies n’étant à l’époque pas tout à fait au point. Cela a
pu donner une mauvaise image de la géothermie, d’autant plus que,
pendant la même période, le prix des énergies fossiles a fortement
chuté.
25. Ces technologies sont aujourd’hui maîtrisées et les perspectives
d’évolution des coûts du pétrole les rendent désormais plus attractives.
26. Aussi n’est-il pas étonnant que l’énergie géothermique ait
été le plus fort secteur de croissance des investissements en 2008,
avec une augmentation de 149 % et 1,3 GW supplémentaires de puissance installée.
5. Principes d’exploitation
27. Plus on fore profond dans la croûte terrestre, plus
la température augmente. En moyenne, l’augmentation de la température
peut atteindre 30°C par kilomètre. Ce gradient thermique dépend
beaucoup de la région du globe. En Nouvelle-Zélande, par exemple,
l’eau sort déjà à la surface à très haute température, sous forme
de vapeur.
28. Il existe plusieurs approches techniques très différentes
de la géothermie, visant des publics et des investisseurs très divers,
telles que:
- la géothermie stimulée (EGS Enhanced Geothermal System), qui
utilise la chaleur de roches fracturées artificiellement à très
grande profondeur (3 000 à 5 000 mètres) pour produire de l’électricité
et de la chaleur;
- la géothermie à moyenne profondeur (jusqu’à 3 000 mètres),
permettant de porter l’eau à une température suffisante pour être
utilisée directement dans un réseau de chauffage;
- la géothermie à usage domestique ou tertiaire qui, au
moyen de pompes à chaleur, permet le chauffage et la climatisation
de bâtiments ou d’immeubles collectifs (air conditionné);
- la géothermie à usage agricole ou industriel, qui peut
être utilisée pour chauffer ou climatiser des serres par exemple,
ou pour fournir de la chaleur à des fins industrielles.
29. Le potentiel de l’énergie géothermique est considérable. Aux
Etats-Unis, le célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology)
a réalisé, en 2006, une étude théorique démontrant qu’entre 3 000
et 5 000 mètres de profondeur il existait une énorme réserve d’énergie
qui, si elle était captée, pourrait largement couvrir les besoins
de l’ensemble des Etats-Unis! De même, une étude du Bureau d’évaluation
des répercussions technologiques du Parlement allemand (TAB) a démontré
la même chose en 2003 en ce qui concerne l’Allemagne.
6. Développement de l’énergie
géothermique: possibilités et défis
6.1. Pourquoi développer l’énergie
géothermique en Europe?
30. Depuis quelques décennies, les questions environnementales
suscitent des préoccupations croissantes dans toute l’Europe, alors
même que la demande en énergie monte en flèche. A l’évidence, il
faut trouver une source d’énergie facilement exploitable pour stimuler
les activités locales et accompagner une croissance économique autonome
en Europe.
31. La géothermie présente de nombreux avantages qui en font une
technologie extrêmement précieuse, que ce soit pour la production
d’électricité ou pour une utilisation directe:
- presque partout disponible,
l’énergie géothermique peut répondre à tous les types de besoins énergétiques:
électricité, chauffage, climatisation, eau chaude;
- l’énergie géothermique est une énergie de base, disponible
vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept à partir
de sources domestiques; la production d’énergie est de ce fait continue
et fiable, indépendante des conditions météorologiques;
- comme elles ne consomment pas de combustibles fossiles,
les centrales géothermiques fournissent de la chaleur et de l’électricité
à un coût stable et prévisible;
- la construction d’une centrale géothermique représente
un investissement important mais, par la suite, les coûts d’exploitation
sont peu élevés et la production de l’énergie géothermique s’avère
efficace pour une distribution décentralisée;
- l’utilisation de la géothermie peut être compétitive par
rapport aux sources d’énergie classiques; les installations génèrent
un flux continu de revenus pendant plusieurs dizaines d’années;
- la géothermie, en n’utilisant pas de combustibles fossiles,
n’engendre pas d’émissions anthropiques comme le CO2; elle ne produit
pas de déchets radioactifs;
- les fluides géothermiques peuvent être canalisés au moyen
de puits géothermiques et de collecteurs vers des centrales qui
concentrent en un point unique les émissions naturelles afin qu’elles
ne contaminent pas les sols et l’air environnants;
- ainsi, elle s’intègre dans un bouquet énergétique durable,
fondé sur les énergies renouvelables; elle contribue à la diversité
des approvisionnements et à l’indépendance énergétique à l’égard
des importations de combustibles fossiles;
- les technologies énergétiques décentralisées sont beaucoup
plus génératrices d’emplois au niveau local; elles ouvrent des débouchés
à de nouvelles industries et favorisent la création d’emplois dans
les secteurs de l’industrie et de l’artisanat; les projets de géothermie
profonde peuvent amener des emplois dans d’anciennes régions minières;
- contrairement aux centrales électriques qui nécessitent
des superficies importantes, une centrale géothermique n’a pas besoin
de beaucoup d’espace; elle a un faible impact visuel.
6.2. Obstacles à une utilisation
plus large de l’énergie géothermique sur le continent européen
6.2.1. Obstacles techniques
32. Les aménageurs, les maîtres d’ouvrage et les exploitants
de projets géothermiques peuvent rencontrer plusieurs difficultés
techniques:
6.2.1.1. Considérations environnementales
33. Bien que, a priori, la production géothermique soit
une solution respectueuse de l’environnement et faisant appel à
une ressource renouvelable, elle peut aussi présenter quelques aspects
négatifs. La plupart des adversaires de la géothermie s’opposent
à ces projets en raison du bruit, des perturbations causées à des espèces
animales ou végétales rares ou du risque de microsismicité.
34. Les nuisances éventuelles causées par une centrale géothermique
peuvent être de plusieurs ordres:
- émissions
atmosphériques;
- pollution sonore due aux systèmes de refroidissement pendant
l’utilisation de l’énergie géothermique; la brève phase de forage
est également génératrice de bruit;
- impact visuel: si, dans un système de chauffage urbain,
la chaudière géothermique ne peut pas être dissimulée dans les bâtiments,
la construction d’une centrale géothermique au milieu du paysage
peut être problématique.
35. Il est généralement possible de remédier à ces nuisances par
des solutions techniques, telles que:
- la réinjection de l’eau et la circulation en boucle fermée
qui permettent de supprimer les odeurs;
- le contrôle de la pression du puits qui peut empêcher
le dégazage et donc les odeurs; toutefois, la réinjection n’est
pas obligatoire dans tous les pays;
- des précautions à prendre dans les zones densément peuplées
(par exemple dans le cas du chauffage urbain) pour éviter notamment
les forages de nuit et/ou isoler certains équipements.
6.2.1.2. Projets géothermiques profonds
et microsismicité
36. Dans certaines conditions tectoniques, la construction
et l’exploitation de centrales géothermiques peut déclencher une
microsismicité. L’exploitation du gaz naturel et du pétrole et le
creusement de tunnels provoquent souvent le même phénomène, lié
aux structures géologiques particulières des régions concernées.
37. En août et septembre 2009, les habitants de Landau (Allemagne,
Rhénanie-Palatinat) ont ressenti des microséismes.
38. Toujours en Allemagne, à Staufen-en-Brisgau, au sud de la
Forêt-Noire, plusieurs bâtiments se sont fissurés et l’on a observé
un soulèvement de terrain d’un centimètre par mois. Un rapprochement
a été fait entre des travaux de forage de géothermie près de la
surface de la Terre et ces phénomènes, qui s’expliquent par l’injection
d’eau dans un sous-sol contenant de l’anhydrite: ce minéral, en
entrant en contact avec l’eau, se transforme en gypse et augmente
alors de 60 % en volume, provoquant des dégâts conséquents.
39. Un projet commercial de géothermie type Soultz-sous-Forêts
a été lancé à Bâle (Suisse) en 2006. En décembre 2007, des expériences
de stimulation ont déclenché un miniséisme qui a été ressenti par
les habitants, ce qui a conduit à l’arrêt définitif du projet en
2009. Dans le fossé du Rhin, plusieurs projets ont été engagés à
la suite de l’expérience de Soultz-sous-Forêts, notamment à Landau
(3 MWe, et chauffage urbain) et à Insheim. Là encore, des microséismes
ont inquiété les populations locales. Un projet européen sur ce thème
va être mis en œuvre pour mieux comprendre les mécanismes physiques
à l’origine de ces séismes induits. Le Bureau de recherches géologiques
(BRGM, France) et l’université de Strasbourg participeront à ce projet
de recherche.
40. Ces constatations s’inscrivent dans la logique d’évolution
d’une technologie spécifique. Les difficultés d’exploitation ou
de forage rencontrées dans les installations réalisées après le
premier choc pétrolier ou plus récemment ne sont aujourd’hui plus
d’actualité en raison, d’une part, de la maîtrise de la technologie
et, d’autre part, d’une bien meilleure connaissance des conditions
géologiques du sol permettant l’implantation d’un site de production
géothermal.
6.2.1.3. Adéquation entre les ressources
et les besoins
41. Un autre obstacle au développement de l’énergie géothermique
est lié à la nécessité d’une adéquation entre le potentiel et les
besoins en surface.
42. Même s’il existe une possibilité de mettre en place un système
de chauffage urbain, il ne sera intéressant de l’exploiter que si
les critères de densité de population et les besoins de chauffage
sont en rapport avec la ressource, de façon à ce que l’opération
soit économiquement viable. Les centrales géothermiques de production
de chaleur sont cantonnées aux zones densément peuplées ou près
des industries locales à forte demande de chauffage.
43. En ce qui concerne la production d’électricité, le problème
de l’adéquation entre la demande et les ressources est moins crucial,
car l’électricité peut être transportée sur de plus longues distances;
de plus, malgré une efficience croissante, la demande ne cesse d’augmenter.
6.2.2. Obstacles liés au réseau
44. Dans un proche avenir, les autorités nationales de
réglementation en Europe devront faciliter l’intégration des énergies
renouvelables dans le réseau électrique et les gestionnaires de
réseaux de transport devront distribuer en priorité l’électricité
produite à partir de sources renouvelables. Cela contribuera à rééquilibrer
les marchés énergétiques qui, pour l’instant, favorisent largement
les combustibles classiques.
6.2.3. Obstacles non techniques
45. Dans beaucoup de pays européens, la chute soudaine
des prix du pétrole et du gaz après 1986 a rapidement fait retomber
l’intérêt pour le développement de la géothermie, ce qui a conduit
à la fermeture de certaines installations par suite de difficultés
financières imprévues. Les énergies fossiles, de nouveau attractives,
ont détourné l’intérêt des investisseurs et des Etats.
46. Aujourd’hui, la principale raison pour laquelle la géothermie
n’occupe pas une plus large place en Europe est l’existence d’obstacles
non techniques qui empêchent une exploitation efficiente de cette ressource.
C’est pourquoi il faut éliminer ces obstacles, qui interviennent
à différents stades et concernent divers aspects des projets, et
freinent l’essor du secteur géothermique en Europe.
6.2.4. Obstacles législatifs et réglementaires
47. Dans certains pays européens, les lacunes de la législation
et de la réglementation concernant l’énergie géothermique empêchent
une exploitation effective de cette ressource sous-utilisée.
6.2.4.1. Législation ambiguë
48. Les dispositions pertinentes, éparpillées dans les
législations relatives à l’exploitation minière, à l’énergie, à
l’environnement, à la gestion de l’eau et à la géologie, entrent
parfois en conflit; dans la plupart des pays, la procédure d’autorisation
des installations géothermiques est assez complexe.
49. Dans certains pays, il n’y a même pas de loi portant spécifiquement
sur l’énergie géothermique et la responsabilité de ses applications
incombe à plusieurs ministères, d’où une imprévisibilité des décisions juridiques.
6.2.4.2. Pas de garantie à long terme
pour l’exploitation de la ressource
50. Dans certains pays, il n’existe pas de dispositions
juridiques garantissant la propriété à long terme de la ressource.
La loi ne garantit au demandeur d’une autorisation d’exploitation
ni l’usage exclusif du terrain, ni l’usage du réservoir d’eau.
6.2.4.3. Complexité et durée des procédures
administratives
51. Les principaux obstacles administratifs découlent
de la complexité et de la durée des procédures. La multiplicité
des administrations intervenantes, le manque de coordination entre
ces administrations et la méconnaissance des avantages de la géothermie
par les collectivités territoriales sont également des problèmes
non négligeables.
6.2.4.4. Le stockage du CO2 compromet
le développement de l’énergie géothermique
52. Il est à craindre que les législations relatives
au captage et au stockage du carbone, à l’étude dans de nombreux
pays européens, ne ralentissent le développement des sources d’énergie
propres, spécialement l’énergie géothermique.
6.2.5. Obstacles financiers et économiques
53. Un certain nombre de facteurs financiers et économiques
affectent la production de chaleur et/ou d’électricité, notamment
dans le cas des projets de géothermie profonde:
6.2.5.1. Coûts initiaux élevés: nécessité
d’investissements importants pour les forages et les essais
54. Par rapport à d’autres d’énergies renouvelables,
les projets d’énergie géothermique profonde entraînent des coûts
initiaux non négligeables (dus principalement aux coûts de prospection
tels qu’études sismiques et forage de puits de prospection).
55. A cela s’ajoutent, dans certains pays, des coûts annexes élevés
(autorisation de prospection et/ou d’exploitation, collecte de données
géologiques géothermiques).
56. L’énergie géothermique n’a pas encore atteint la masse critique
qui permettrait d’abaisser les coûts d’investissement.
6.2.5.2. Coûts additionnels liés à la
construction d’un réseau de chauffage urbain
57. Dans le cas d’un projet géothermique entièrement
nouveau, la construction de tout un réseau de chauffage urbain augmente
le montant de l’investissement.
58. Ce facteur pourrait favoriser la mise en œuvre de projets
d’énergie géothermique combinés avec des réseaux de chauffage urbain
existants, actuellement alimentés par des énergies non renouvelables.
6.2.5.3. Forages: rapport coût/efficacité
peu favorable
59. Il n’y a pas suffisamment d’appareils de forage disponibles
pour l’énergie géothermique. La forte demande sur le marché de ces
équipements augmente le coût total des forages.
60. Par ailleurs, en raison du petit nombre de projets géothermiques,
il est difficile de développer une industrie du forage qui soit
destinée exclusivement aux projets d’énergie géothermique.
6.2.5.4. Spécificité de l’énergie géothermique:
les incertitudes géologiques
61. Un obstacle majeur est le risque géologique de ne
pas trouver de ressources en rapport avec l’objectif visé: il faut
dépenser de l’argent alors que la faisabilité du projet n’est pas
démontrée. Il existe aussi des risques géologiques à long terme:
découverte d’un gisement dont la température serait inférieure,
la minéralisation supérieure aux prévisions ou avec des difficultés
de réinjection.
62. Le risque de diminution ou de disparition de la ressource
avant que les équipements ne soient amortis ainsi que le risque
de dégradation des puits et des matériels et équipements de la boucle
géothermale pendant la période d’exploitation ne doivent pas être
sous-estimés.
6.2.5.5. Absence de mécanismes d’assurance
pour couvrir le risque de non-découverte d’une ressource appropriée
- assurance sur les forages
(risques techniques);
- assurance sur l’exploitation (panne des équipements).
63. L’entreprise assurant la prospection et le développement
d’un champ géothermique devrait pouvoir s’assurer contre les risques
géologiques.
64. Des mécanismes d’assurance portant sur l’existence et la qualité
de la ressource présente dans le réservoir aquifère (débit et température)
ne sont proposés que dans de rares pays (Allemagne, France, et via le
programme GeoFund). Les polices d’assurance classiques n’offrent
pas de solution spécifique pour le risque de non-découverte. Un
instrument de partage des risques, en aidant à surmonter cet obstacle,
favorise les investissements dans des projets d’énergie géothermique.
65. Par ailleurs, des sociétés d’assurance privées proposent des
solutions qui doivent être négociées au cas par cas et comportent
des primes élevées.
66. En France, par exemple, une assurance aléas géologiques offre
une garantie à long terme contre le risque de modification qualitative
et quantitative de la ressource.
67. Dans ce pays, le développement de l’énergie géothermique a
été encouragé par un dispositif global incluant des garanties financières
destinées à protéger les investisseurs contre les incertitudes géologiques propres
à cette activité, à savoir le risque encouru pendant la phase de
forage de ne pas découvrir une ressource géothermique présentant
les caractéristiques de débit et de température requises pour que l’opération
soit rentable.
68. Pour couvrir le risque de non-découverte, le ministère de
l’Environnement allemand a mis en place un instrument d’atténuation
des risques orienté vers les projets de forage géothermique.
69. En France, en Allemagne et en Bulgarie, un système d’assurance
pour les aléas géologiques couvre le risque de non-découverte d’une
ressource présentant les caractéristiques requises sur le plan de
la quantité et de la qualité.
70. Ce type d’assurance est particulièrement important pour des
technologies pilotes susceptibles de rencontrer des difficultés
d’application si une banque assurant le financement exige des garanties
contre les pertes d’exploitation.
6.2.5.6. Long temps de retour sur investissement
71. Les projets de géothermie profonde ont un long temps
de retour sur investissement.
6.2.5.7. Faible rentabilité
72. En général, la rentabilité des opérations géothermiques
est faible. Dans certains pays, des redevances et d’autres impôts
perçus durant la période d’exploitation réduisent les sources de
revenus. Ces frais sont parfois trop élevés par rapport aux ventes
annuelles de chaleur.
6.2.5.8. Courte période d’amortissement
pour le chauffage urbain et les puits
73. Une autre difficulté provient de la faible durée
de la période d’amortissement pour le chauffage urbain et les puits.
74. Des périodes d’amortissement plus longues permettraient de
réduire les montants portés au compte de profits et pertes, ce qui
favoriserait la rentabilité économique des projets géothermiques.
75. Dans certains pays, il existe des normes d’amortissement spécifiques,
mais elles ne concernent que certains équipements ou instruments.
76. Si la période d’amortissement n’est pas fixe, par exemple
pour les puits, on peut supposer qu’une période adaptée à la durée
de vie du forage, soit au moins de trente ans, est théoriquement
possible puisqu’elle correspond à la période géotechnique d’exploitation
d’un puits.
77. Cependant, plus la période d’amortissement sera longue, moins
elle sera acceptable pour les autorités ou pour les banques. Dans
certains cas, les gouvernements peuvent aussi soutenir les investissements
par des taux d’amortissement spécifiques.
6.2.5.9. Faible prix de rachat
78. La réglementation du prix de rachat est un moyen
fiscalement neutre d’augmenter l’attractivité des projets d’énergie
géothermique.
79. En ce qui concerne l’électricité géothermique, le système
du prix de rachat garantit un certain niveau de revenu, mais celui-ci
n’est pas toujours suffisamment élevé pour assurer une rentabilité
intéressante. De plus, en règle générale, cette rémunération porte
sur l’énergie électrique nette et non la production brute, ce qui réduit
considérablement les revenus potentiels d’un projet géothermique.
6.2.5.10. Risques à long terme: absence
de sécurité des investissements
80. Dans certains pays européens, les ventes de chaleur
et d’électricité ne sont pas durablement garanties. Les investisseurs
doivent évaluer le marché de la chaleur et de l’électricité pour
s’assurer que les ventes seront suffisamment importantes pendant
la longue période nécessaire pour obtenir un retour sur investissement.
81. Enfin, la concurrence avec les combustibles fossiles est un
point crucial. Comme le prix relativement bon marché de ces combustibles
ne facilite pas le lancement de projets géothermiques, les fluctuations
du prix du pétrole jouent un rôle important pour évaluer l’intérêt
de l’énergie géothermique.
6.2.5.11. Absence d’instruments financiers
innovants adaptés aux besoins spécifiques du secteur géothermique
– Nécessité d’outils effectifs d’atténuation des risques
82. D’une manière générale, les instruments financiers
ne sont pas conçus spécifiquement pour l’énergie géothermique. Ils
ne tiennent pas compte des particularités de ces projets – coûts
initiaux élevés pendant la phase de prospection et de préfaisabilité,
et incertitude quant à la dimension et à la production de l’opération tant
que les forages n’ont pas donné de résultats concluants. Des montants
importants doivent donc être déboursés avant que l’existence de
la ressource soit établie. C’est pourquoi peu d’institutions financières
sont disposées à participer aux projets dans les premiers stades.
Elles hésitent en effet à investir tant que la rentabilité du projet
n’a pas été démontrée.
83. Des financements par capitaux propres ou des subventions publiques
permettraient de prendre en charge ces dépenses. Le risque étant
élevé, les investisseurs privés attendront un taux de rentabilité
élevé au cours des premiers stades. Enfin, à un stade très tardif,
il est possible de recourir aux dispositifs classiques de financement
de projets.
84. Actuellement, la Banque européenne d’investissement (BEI)
ne finance pas de projets aux stades initiaux, mais seulement lorsque
leur viabilité économique est prouvée.
6.2.5.12. Facilités bancaires spécifiques
85. Très peu de banques proposent des facilités spécifiques
prévoyant des prêts à taux d’intérêt réduit, adaptés aux caractéristiques
des projets géothermiques.
86. Des garanties financières destinées à protéger les investisseurs
contre les incertitudes géologiques propres à cette activité faciliteraient
le financement des projets.
87. L’investisseur doit avoir accès à des capitaux suffisants
pour conduire le projet géothermique jusqu’aux stades finaux et
il doit accepter de prendre un risque important sur ce capital.
Les projets géothermiques sont particulièrement affectés par la
conjonction risque/difficulté à trouver des capitaux.
88. Les investisseurs ont du mal à emprunter car peu de banques
sont disposées à prêter de l’argent pour des projets à haut risque.
89. On trouve aujourd’hui peu de facilités bancaires spécifiques
prévoyant des prêts à faible taux d’intérêt, sauf en Allemagne et
en Islande.
6.2.5.13. Réductions d’impôt
90. Les réductions d’impôts sont des incitations publiques
efficaces, applicables à la production d’électricité et ou de chaleur.
Elles peuvent contribuer à attirer davantage de capitaux vers les
projets géothermiques.
6.2.5.14. Subventions
91. Les subventions publiques sont les seuls instruments
susceptibles de compléter les apports de capitaux propres ou d’assurer
le financement des phases de prospection. Elles peuvent faciliter
le financement des investissements.
92. Il existe des subventions au niveau national, mais surtout
au niveau régional. Elles concernent principalement la phase d’investissement
(forage des puits) mais aussi l’achat d’équipements de production
et peuvent représenter 30 à 40 % de l’investissement.
93. La France accorde des subventions spéciales pour les études
de faisabilité, première étape de la phase de prospection, tandis
qu’au Portugal les programmes régionaux sont plutôt orientés vers
la mise en œuvre de projets pilotes.
6.2.5.15. Certificats négociables et
systèmes de quotas
94. La mise en place de certificats verts ou la possibilité
pour un projet géothermique de participer aux échanges de quotas
d’émission pourraient offrir des sources de revenu complémentaires.
6.2.5.16. Capital-risque
95. Le capital-risque peut être un instrument financier
adapté, même s’il est tributaire du bon fonctionnement des marchés
financiers tant pour le financement de l’emprunt que pour l’établissement
de la liste finale des projets considérés comme rentables.
96. Dans l’ensemble, des fonds de capital-risque sont disponibles
ou négociables partout, mais ils ne s’orientent pas encore nécessairement
vers des projets géothermiques. En Allemagne, le capital-risque
est la principale source de financement de ces projets.
97. Des prêts obligataires sont proposés en Islande et par le
Fonds européen d’investissement.
6.2.5.17. Financement de projets de recherche
et de projets pilotes
98. Le financement de projets de recherche et de projets
pilotes peut être une autre façon d’encourager l’énergie géothermique,
mais il n’existe pas de démarche systématique au niveau européen.
99. Certains pays consacrent également des fonds à la promotion
de la recherche-développement dans le cadre de nouveaux projets
de démonstration dont l’énergie géothermique peut bénéficier.
100. Ces instruments devraient permettre de mettre en œuvre de
nouvelles technologies, comme les systèmes EGS (systèmes géothermiques
stimulés), afin de produire de l’électricité lorsqu’il n’existe
aucune ressource naturelle.
101. Dans l’ensemble, tous ces instruments ont pour but d’accroître
la rentabilité en atténuant les coûts initiaux et en réduisant le
temps de retour sur investissement afin de surmonter l’obstacle
que constitue le risque financier, et d’attirer les investisseurs.
6.2.5.18. Nécessité croissante d’instruments
européens communs
102. Il existe en Europe quelques instruments communs
propres à faciliter l’investissement dans les projets géothermiques.
Le manque d’harmonisation est toutefois manifeste.
103. Il serait utile de réfléchir à la mise en place, au niveau
européen, d’instruments financiers destinés à soutenir les projets
de géothermie à un stade précoce.
104. Un mécanisme européen devrait principalement s’attacher à
résoudre deux problèmes: le manque de financement lors de la phase
de prospection et le risque de découvrir une ressource géothermique
insuffisante en quantité ou en qualité. Ce mécanisme devra prendre
en compte, d’une part, les conditions spécifiques du projet et,
d’autre part, le contexte d’investissement.
105. La réussite économique des projets de géothermie passe par
conséquent par la combinaison de dispositifs de financement et de
mesures incitatives.
6.2.6. Obstacles liés à la sensibilisation
et à l’adhésion de l’opinion publique
6.2.6.1. Prédominance des opinions défavorables
en Europe
106. Si l’opinion publique est globalement favorable à
l’énergie géothermique, les projets de géothermie profonde sont
parfois mal acceptés par la population.
107. Dans de nombreux pays européens, l’opinion est encore très
peu sensibilisée à cette source d’énergie.
108. Une centrale pilote double-flash de 2 MW, construite en 1985
dans le champ haute enthalpie de Milos (Grèce), a fonctionné par
intermittence jusqu’en 1989. La centrale a alors été fermée à la
suite de protestations suscitées par des préoccupations environnementales
concernant les émissions de soufre dans l’atmosphère. L’échec de
la centrale électrique de Milos a conduit à rejeter un projet de
centrale géothermique à Nisyros (Grèce).
109. Même si les citoyens sont de plus en plus préoccupés par les
questions d’environnement, ils ne sont pas toujours prêts à accepter
les projets d’exploitation d’énergies renouvelables, ce qui s’explique
dans certains cas par des problèmes environnementaux locaux.
6.2.6.2. Manque de volonté politique
110. La définition d’objectifs politiques nationaux relatifs
aux énergies renouvelables est un élément important pour la sensibilisation
de la population.
111. Globalement, il existe une volonté politique de développer
les énergies renouvelables (en général, y compris la géothermie),
mais celle-ci ne se traduit pas toujours en actions concrètes.
112. Dans certains pays européens, par exemple, l’énergie géothermique
n’est pas mentionnée dans le plan national de développement des
énergies renouvelables.
113. Dans le cadre des dispositifs nationaux de financement de
la recherche-développement, la recherche, les projets pilotes et
les activités relatives à la géothermie et à ses applications devraient
figurer clairement parmi les priorités.
6.2.6.3. Manque d’information
114. On constate aujourd’hui un manque considérable d’information
sur l’énergie géothermique et les possibilités qu’elle offre, non
seulement dans le grand public mais aussi plus généralement chez
tous les acteurs potentiels des projets de géothermie.
115. Des signaux clairs de la part du marché ainsi que des campagnes
d’information ciblant activement les fournisseurs peuvent aider
à surmonter cet obstacle.
116. L’infrastructure d’information sur les perspectives de la
géothermie n’est bien développée que dans quelques pays (par exemple
l’Allemagne qui dispose d’outils en ligne comme GeotIS).
117. Si les entreprises étaient mieux informées sur les ressources
existant sur les marchés européens émergents, elles seraient plus
nombreuses à s’engager dans le secteur de la géothermie, notamment
celles qui sont en mesure de développer de multiples synergies avec
l’industrie géothermique comme les sociétés de service de pétrole
et de gaz.
118. Enfin, il y a lieu de diffuser des informations pour améliorer
les connaissances du public et des différentes parties prenantes.
6.2.6.4. Manque de coopération
119. Un grand nombre de parties prenantes interviennent
à différents stades d’un projet de géothermie: consommateurs, fournisseurs,
maîtres d’ouvrage, gouvernements, exploitants, institutions financières.
Tous ont des intérêts divers. Pour mener à bien un tel projet, les
entreprises, les experts, les autorités et la société civile doivent
coopérer et s’efforcer de mettre en place des solutions «gagnant-gagnant».
120. La mutualisation des compétences peut avoir une incidence
positive à différents niveaux: proposition de solutions en matière
d’assurance, diminution des coûts de forage, sensibilisation des
institutions financières qui opèrent au niveau européen.
121. La phase de forage et de prospection des projets d’énergie
géothermique peut offrir aux entreprises de forage du secteur gazier
et pétrolier des occasions de se diversifier. La géothermie bénéficierait
d’un transfert de techniques et de compétences de ce secteur. C’est
pourquoi une meilleure coopération intersectorielle est essentielle.
122. En outre, le regroupement des puits pour alimenter des centrales
plus importantes permettrait de réaliser des économies d’échelle
et de réduire les coûts d’investissement.
123. La création de plates-formes technologiques rassemblant les
entreprises, les instituts de recherche, les institutions financières
et les autorités de réglementation au niveau européen faciliterait
la définition d’un programme de recherche commun et de stratégies
propres à mobiliser une masse critique de ressources publiques et
privées, nationales et européennes.
124. Le développement de solutions européennes et un marché européen
commun peuvent réduire les coûts de façon à rendre l’énergie géothermique
plus concurrentielle par rapport aux énergies classiques et aux autres
énergies renouvelables.
6.2.6.5. Formation, diplômes, agrément
professionnel
125. Il y a lieu d’améliorer considérablement la formation,
la délivrance de diplômes, la procédure d’agrément professionnel
et la sensibilisation, notamment des formateurs, des concepteurs
de pompes à chaleur et des spécialistes des forages. En effet, certains
Etats n’ont pas de réglementation en la matière et, lorsque des régimes
existent, ils ne sont pas compatibles d’un pays à l’autre.
126. Il convient donc de mettre en place des systèmes de diplômes
et des dispositifs d’agrément professionnel pour les installateurs
de petites unités d’exploitation des énergies renouvelables (et
notamment les installateurs de pompes à chaleur).
127. Il importe d’éliminer tous ces obstacles pour stimuler le
développement des projets d’énergie géothermique à l’échelle européenne.
7. Rôle des décideurs politiques
128. Les pouvoirs publics doivent accompagner la croissance
du secteur de la géothermie.
129. L’expérience des élus locaux est importante en la matière,
car bien souvent la principale difficulté est de convaincre les
décideurs, les entreprises et les bureaux d’études d’aborder ces
questions sans crainte et sans a priori. Les questions liées aux
assurances et aux agréments sont également des difficultés à surmonter.
130. Il faut donc identifier les points de blocage qui s’opposent
encore à une meilleure diffusion de cette technologie et, surtout,
à son appropriation par l’ensemble des opérateurs du système économique
et industriel, sans laquelle il ne peut y avoir de mutation verte.
131. A l’heure où la crise internationale a de graves répercussions
sur les économies de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe
et où (notamment à l’occasion du scrutin européen de juin 2009)
l’on a pu voir beaucoup de citoyens européens affirmer dans les
urnes leurs préoccupations environnementales, il est indispensable
que les entreprises existantes aient conscience de la nécessité
d’une mutation verte. L’une des tâches des décideurs politiques
est de les accompagner dans cette mutation.
132. L’exemple du secteur photovoltaïque montre bien que les Etats
peuvent donner une impulsion décisive en faveur du développement
de l’énergie géothermique si les outils sont bien conçus et adaptés
aux spécificités des projets.
133. Un soutien public constant dopera les taux de croissance.
134. Il faudrait prévoir des incitations financières en faveur
de l’énergie géothermique, telles que des subventions, des prêts
de longue durée à taux d’intérêt réduit ou des subventions spéciales
pour les projets expérimentaux et les projets de recherche-développement;
les gouvernements peuvent mettre en place le cadre voulu.
135. Les responsables politiques peuvent promouvoir le soutien
aux jeunes entreprises et aux microentreprises sous la forme d’assistance
technique, de subventions et d’autres instruments financiers (prêts,
capitaux propres, capital-risque ou garanties) et mettre en avant
la valeur ajoutée de ces opérations.
136. Si, par exemple, un projet relève du secteur public (un cas
qui se présente surtout dans le domaine du chauffage urbain), une
formule d’assurance peut abaisser le risque jusqu’à un niveau acceptable
pour la mise en œuvre du projet. En l’occurrence, des mécanismes
d’assurance semblent indispensables.
8. Perspectives
137. La géothermie est une source d’énergie renouvelable
qui offre des possibilités encore largement inexploitées. Grâce
aux progrès constants de la recherche, les techniques d’exploitation
vont continuer à s’améliorer et la part de la production géothermique
va augmenter.
138. Les domaines les plus prometteurs sont la construction de
nouveaux réseaux de chauffage urbain, l’optimisation des réseaux
existants et le développement de nouvelles applications géothermiques
innovantes dans les secteurs de l’industrie et de l’agriculture.
139. Certaines de ces applications sont déjà au point et ont fait
la preuve de leur efficacité (déneigement et dégivrage, climatisation
urbaine, etc.). Certaines applications semblent particulièrement
intéressantes, par exemple la désalinisation de l’eau de mer – en
effet, dans beaucoup de régions qui souffrent d’une pénurie d’eau
douce, on trouve en revanche à la fois de l’eau de mer et un potentiel
géothermique.
140. Certaines technologies d’exploitation de l’énergie géothermique
à grande profondeur sont désormais au point. Les possibilités qu’elles
offrent semblent toutefois insuffisamment exploitées.
141. Les pays établis vont continuer à investir dans l’énergie
géothermique et de nouveaux pays européens vont explorer ce secteur.
Cela abaissera les coûts d’investissement initiaux et attirera les
entreprises de forage et autres. On peut s’attendre à des évolutions
technologiques tant dans le domaine de l’électricité que dans celui
de la chaleur; ces évolutions iront dans le sens d’une amélioration
de l’efficience des centrales et d’une diminution des coûts d’installation
et de fonctionnement.
142. En Europe, dans l’immédiat, il s’agit par conséquent de faire
valoir les avantages de la géothermie en tant qu’énergie respectueuse
de l’environnement et à l’associer à des technologies douces et
peu coûteuses, en particulier là où il y a coïncidence entre la
ressource et la demande de chaleur.
9. Conclusions
143. L’énergie géothermique doit prendre la place qu’elle
mérite sur le marché européen de l’énergie. La nécessité de plus
en plus pressante de juguler le changement climatique s’avère un
catalyseur efficace pour le secteur européen de l’énergie géothermique.
144. Il convient en premier lieu d’encourager la collaboration
entre les organismes publics et le secteur privé, et de promouvoir
l’énergie géothermique auprès des diverses autorités concernées.
En particulier, les décideurs politiques doivent s’attacher à mettre
en œuvre des instruments politiques et des législations qui favorisent
le développement de cette énergie renouvelable. Certaines barrières
législatives ou réglementaires peuvent en effet engendrer des obstacles
économiques.
145. En outre, un cadre de financement adéquat doit être mis en
place à l’avance afin que les entreprises soient en mesure de planifier
l’exécution des projets.
146. Le principal obstacle au développement du secteur géothermique
européen est le risque géologique de non-découverte des ressources
escomptées: il faut débourser des fonds alors que la viabilité du
projet n’est pas encore démontrée.
147. Les systèmes publics de garantie du risque géologique sont
encore très peu nombreux. Il convient de les étendre à tous les
pays européens. Actuellement, la décision de lancer ou non un projet
d’énergie géothermique se prend principalement sur la base de considérations
économiques et financières. L’évaluation de la compétitivité du
projet tient compte du prix des énergies fossiles, mais pas des
externalités ni des avantages environnementaux.
148. La différence de coût entre les différentes énergies peut
être trop faible pour inciter à trancher en faveur d’un système
géothermique. Les politiques énergétiques ont ici un rôle important
à jouer pour faire pencher la décision.
149. La mise en place de solutions européennes communes est à maints
égards souhaitable: la mutualisation des compétences aurait en effet
une incidence positive à différents niveaux.