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Rapport | Doc. 12249 | 06 mai 2010

L’énergie géothermique – Une réponse locale à un problème brûlant?

(Ancienne) Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales

Rapporteur : M. René ROUQUET, France

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11740, Renvoi 3504 du 26 janvier 2009. 2010 - Commission permanente de mai

Résumé

L’énergie géothermique, qui est l’énergie issue de la chaleur contenue dans le sol, est connue et exploitée par l’homme depuis longtemps: son utilisation remonte déjà à l’Antiquité. Quatre-vingt-dix pays s’en servent aujourd’hui, dont 24 à des fins de production d’électricité; certains en tirent une part non négligeable de leur production nationale d’électricité (entre 15 et 22 %).

Source d’énergie durable et non polluante, la géothermie a l’avantage d’être largement disponible et de ne pas dépendre des conditions climatiques. L’épuisement progressif des réserves d’énergies fossiles et la lutte contre le changement climatique font de la géothermie une solution intéressante pour répondre aux besoins en termes d’énergie. En outre, elle présenterait un meilleur rapport coût/efficacité que les autres sources d’énergie renouvelables.

Toutefois, l’exploitation géothermique souffre encore de certaines faiblesses tant d’ordre législatif et réglementaire que d’ordre financier et économique.

En conséquence, l’Assemblée parlementaire recommande d’avoir recours à l’énergie géothermique pour lutter contre le changement climatique et souligne que, pour atteindre cet objectif, l’information et la sensibilisation du grand public, et en particulier des investisseurs potentiels par les élus locaux et les décideurs politiques, sont essentielles. Elle recommande également la mise en place de programmes de recherche stratégique, de dispositifs de financement et d’assurance, ainsi que de formations adéquates.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 29 avril
2010.

(open)
1. A l’heure actuelle, on constate que, de par le monde, 90 pays utilisent l’énergie géothermique dont 24 pour produire de l’électricité. L’énergie géothermique est loin d’être une nouveauté, puisque cette source d’énergie avait déjà été utilisée au XIVe siècle.
2. L’énergie géothermique est une solution intéressante au moment où les réserves de gaz et de pétrole commencent à diminuer au niveau mondial. Elle offre même, selon certains experts, un meilleur rapport coût/efficacité que toutes les autres sources d’énergie renouvelable.
3. En outre, la chaleur de la terre est une source d’énergie abondante et peu polluante et son potentiel est considérable puisqu’elle offre des possibilités encore largement inexploitées, notamment en ce qui concerne les particuliers, les réseaux de chauffage urbain ou les domaines de l’industrie et de l’agriculture.
4. L’Assemblée souligne que la géothermie présente de très nombreux avantages du fait de sa disponibilité, de son faible coût d’exploitation, de son intégration dans le bouquet énergétique durable et de ses effets positifs sur l’environnement.
5. L’Assemblée constate cependant que l’exploitation géothermique présente encore des faiblesses, principalement d’ordre législatif et réglementaire (législation floue, complexité et durée des procédures administratives, etc.) ou de nature financière ou économique (frais d’investissements encore trop élevés, insuffisance de couverture des risques et de mécanismes d’assurance, etc.).
6. L’Assemblée estime qu’il serait par conséquent utile de mettre en place, au niveau européen, des instruments communs pour faciliter l’investissement dans les projets géothermiques mais également des investissements financiers destinés à couvrir les investisseurs en cas de problèmes techniques.
7. L’Assemblée regrette à cet égard que les projets d’énergie géothermique soient quelquefois mal acceptés par la population, en raison d’un manque notoire d’information et de sensibilisation.
8. Dans ce contexte, l’Assemblée estime que le rôle des élus locaux et des décideurs politiques apparaît comme primordial pour faire prendre conscience au grand public et aux investisseurs potentiels de la nécessité d’une mutation verte, et que l’énergie géothermique pourrait être un instrument efficace pour lutter contre le changement climatique.
9. L’Assemblée invite, par conséquent, les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe:
9.1. à favoriser le développement des exploitations géothermiques dans le cadre de leurs stratégies énergétiques nationales;
9.2. à encourager l’utilisation de l’énergie géothermique sous toutes ses formes et, en particulier, localement;
9.3. à encourager la coopération internationale en matière de transfert de technologie et de financement du développement de la géothermie;
9.4. à renforcer la prise de conscience et la sensibilisation du public et des investisseurs potentiels aux avantages que présentent les technologies géothermiques dans la perspective d’une infrastructure énergétique durable;
9.5. à prendre les mesures nécessaires pour mettre en place des programmes de recherche stratégique et encourager l’exploitation des ressources d’énergie géothermique;
9.6. à favoriser la mise en place de dispositifs de financement et d’assurance pour la prospection;
9.7. à encourager la mise en place de dispositifs de coopération transfrontalière pour financer les mesures en surface et les forages d’essai;
9.8. à mettre en place un cadre européen de formation et de développement professionnel;
9.9. à établir une carte des ressources énergétiques géothermiques européennes dans le cadre d’une coopération entre les organismes de recherche géologique de chaque pays.
10. L’Assemblée invite également les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe à harmoniser, par la mise en place d’instruments communs, le système de garanties de risques ainsi que le régime réglementaire et administratif de l’utilisation de l’énergie géothermique.
11. En outre, l’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe à encourager les collectivités locales à être des partenaires fiables lors des phases de développement et d’exploitation des projets de géothermie.

B. Exposé des motifs, par M. Rouquet, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La géothermie est la science qui étudie les phénomènes thermiques internes du globe terrestre et la technique qui vise à les exploiter. Par extension, la géothermie désigne aussi l’énergie géothermique, issue de l’énergie de la Terre, que l’on utilise pour se chauffer ou qui est convertie en électricité.
2. La plus grande partie de la chaleur interne de la Terre (62 %) provient de la radioactivité des roches qui constituent le manteau et la croûte terrestres. Il s’agit d’une radioactivité naturelle résultant de la désintégration de l’uranium, du thorium et du potassium.
3. La chaleur géothermique est une source inépuisable d’énergie, comparable à celle du soleil.
4. Jusqu’à présent, nous n’avons exploité qu’une infime partie des réserves de chaleur souterraines. La géothermie, technique aujourd’hui maîtrisée et qui a fait ses preuves, peut s’appliquer à la production d’électricité, au chauffage urbain ainsi qu’au chauffage et à la climatisation de bâtiments individuels. Mais la découverte de réservoirs plus facilement accessibles n’a guère encouragé son développement.
5. Les phénomènes provoqués à l’échelle mondiale par la combustion des hydrocarbures fossiles peuvent être combattus au niveau local, où il est possible de mettre en place des solutions durables et décentralisées de production de chaleur et d’électricité. Les nouvelles technologies – dont l’énergie géothermique, qui apparaît très prometteuse – joueront dans ce contexte un rôle beaucoup plus important qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent.
6. A fur et à mesure que les réserves de gaz et de pétrole se réduisent au niveau mondial, le recours à l’énergie géothermique peut devenir une solution intéressante, comme cela a déjà été démontré dans certains pays européens.
7. C’est notamment pourquoi les participants au récent Forum économique mondial de Davos ont estimé que l’énergie géothermique offrirait le meilleur rapport coût/efficacité de toutes les sources d’énergie renouvelables. En outre, l’énergie géothermique pourrait être utilisée comme un renfort de poids dans l’approvisionnement.
8. Divers obstacles juridiques, institutionnels, réglementaires, environnementaux et sociaux ont considérablement entravé le développement des projets géothermiques en Europe. Leur potentiel reste pour l’essentiel inexploité, principalement en raison d’un cadre général inadapté.

2. Historique

9. L’homme a toujours su tirer parti de l’énergie géothermique puisque celle-ci est exploitée depuis des milliers d’années pour le chauffage et le refroidissement en Chine, dans la Rome antique et dans le Bassin méditerranéen, et depuis plus d’un siècle pour la production d’électricité.
10. L’énergie géothermique est donc loin d’être une nouveauté en Europe. Ainsi, une source chaude à Chaudes-Aigues (Auvergne, France) a été utilisée au XIVe siècle pour le premier réseau de chauffage urbain et une ressource géothermique à basse température (81°C) a été exploitée depuis la fin des années 1960 à Paratounka (Fédération de Russie) pour produire de l’électricité (puissance installée de 680 kilowatts électriques (kWe), la chaleur résiduelle étant utilisée directement pour le chauffage des sols et des serres.

3. Situation actuelle dans le monde

11. Dans le monde, 90 pays utilisent l’énergie géothermique, dont 24 pour produire de l’électricité, notamment la Chine, l’Islande, les Etats-Unis, l’Italie, la France, l’Allemagne, le Portugal, la Turquie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Nicaragua, El Salvador, le Costa Rica, la Russie, l’Indonésie, les Philippines, le Japon et le Kenya.
12. En 2005, cinq de ces pays ont produit entre 15 et 22 % de leur électricité nationale au moyen de la géothermie. Néanmoins, à ce jour, seule une petite fraction de ce potentiel énergétique est exploitée, que ce soit pour des usages directs ou pour la production d’électricité. A l’heure actuelle, la puissance géothermique installée est au total de 9,7 gigawatts (GW). La plupart des pays européens possèdent déjà d’importantes installations géothermiques, de même que les Etats-Unis, les pays d’Amérique centrale, l’Indonésie et le Kenya dans la vallée africaine du Rift. El Salvador, le Kenya et les Philippines jouent notamment un rôle clé dans la production d’énergie géothermique.
13. En 2005, la puissance géothermique mondiale était estimée à 8 933 mégawatts (MW), répartis comme suit: Asie 3 290 MW; Amérique du Nord 2 564 MW; Union européenne 823 MW; autres pays d’Europe 301 MW; Océanie 441 MW; Amérique centrale et Amérique du Sud 1 377 MW; Afrique 128 MW. La géothermie est la principale source d’énergie de l’Islande, mais c’est le Salvador qui est le plus gros consommateur: en effet, 22 % de l’électricité produite dans le pays l’est au moyen de la géothermie (2005). De plus, la chaleur géothermique assure le chauffage et l’eau chaude pour quelque 87 % des Islandais.
14. L’une des sources géothermiques les plus importantes est située aux Etats-Unis. The Geysers, à environ 145 kilomètres au nord de San Francisco, a été mise en service en 1960 et dispose aujourd’hui d’une puissance de 900 MW. Il s’agit d’un ensemble de centrales électriques qui utilisent la vapeur de plus de 400 puits.

4. Utilisation de la géothermie en Europe

15. Sur le continent européen, les plus grands réseaux de chauffage urbain utilisant la géothermie se trouvent dans la région parisienne (France), tandis que l’Autriche, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie, la Pologne et la Slovaquie, notamment, comptent également un grand nombre de réseaux.
16. Pour ce qui est de l’électricité géothermique, les ressources remplissant les conditions requises sont, dans leur grande majorité, concentrées en Italie, en Islande et en Turquie, en raison de la présence de jeunes volcans.
17. Les ressources de température élevée se situent principalement dans les îles volcaniques (Açores pour le Portugal, départements d’outre-mer pour la France, îles Canaries pour l’Espagne) ainsi qu’en Grèce, qui est l’un des pays les plus favorisés d’Europe quant au développement de ressources de température élevée.
18. Les ressources de moyenne température se concentrent dans des sites bien localisés (par exemple en Hongrie et en Allemagne).
19. L’Europe centrale est principalement caractérisée par des ressources géothermiques de basse énergie situées dans les bassins sédimentaires profonds. La Hongrie, du fait de sa position géologique privilégiée sur le «point chaud géothermique» du Bassin pannonien, dispose de ressources très intéressantes.
20. L’Islande est en pointe pour l’utilisation directe de l’énergie géothermique, appliquée principalement au chauffage des serres et au chauffage urbain (89 % de la demande totale en chauffage domestique); elle augmente actuellement sa production d’électricité, qui atteignait, en 2006, 420 mégawatts électriques (MWe) en puissance installée. Bien qu’importante, cette production est à comparer à l’immense potentiel de l’île, estimé à 4 000 MWe, un chiffre bien supérieur aux besoins nationaux en énergie, qui sont de 1 500 MWe.
21. En Guadeloupe, à Bouillante, non loin du volcan de la Soufrière, quatre forages de prospection ont été réalisés en 1984, l’un d’entre eux d’une profondeur de 300 mètres, qui ont entraîné la décision d’installer une centrale électrique de 5 MW. A proximité de ce site, trois nouveaux puits de production plus profonds (1 kilomètre en moyenne) ont été mis en service en 2001 et une centrale (Bouillante 2), construite en 2003, a permis de produire, à la fin de 2004, 11 MW supplémentaires. Ce nouvel apport d’énergie couvre environ 10 % des besoins annuels de l’île en électricité.
22. En France métropolitaine, on a foré – le dernier forage date de 2005 – à grande profondeur (de l’ordre de 5 000 mètres) à Soultz-sous-Forêts, en Alsace, dans des roches artificiellement fracturées. Par ailleurs, en région parisienne, un ensemble de 30 réseaux de chauffage urbain utilise avec succès la géothermie basse énergie depuis une trentaine d’années. Les installations de pompes à chaleur sur nappe continuent à se développer dans la région parisienne et dans d’autres régions, car ces techniques de chauffage et de climatisation sont particulièrement bien adaptées aux secteurs tertiaire et résidentiel.
23. En Allemagne, une centrale électrique de 3,4 MW est à l’essai à Unterhaching (près de Munich) depuis 2007; elle produit en cogénération de la chaleur et de l’électricité. Le forage atteint 3 350 mètres de profondeur et a un débit par seconde de 150 litres d’eau à une température de 122°C.
24. Dans certains pays d’Europe, plusieurs projets d’exploitation de l’énergie géothermique ont vu le jour au lendemain du premier choc pétrolier. Un certain nombre de ces projets ont toutefois dû être interrompus pour des raisons financières, mais aussi techniques, les technologies n’étant à l’époque pas tout à fait au point. Cela a pu donner une mauvaise image de la géothermie, d’autant plus que, pendant la même période, le prix des énergies fossiles a fortement chuté.
25. Ces technologies sont aujourd’hui maîtrisées et les perspectives d’évolution des coûts du pétrole les rendent désormais plus attractives.
26. Aussi n’est-il pas étonnant que l’énergie géothermique ait été le plus fort secteur de croissance des investissements en 2008, avec une augmentation de 149 % et 1,3 GW supplémentaires de puissance installée.

5. Principes d’exploitation

27. Plus on fore profond dans la croûte terrestre, plus la température augmente. En moyenne, l’augmentation de la température peut atteindre 30°C par kilomètre. Ce gradient thermique dépend beaucoup de la région du globe. En Nouvelle-Zélande, par exemple, l’eau sort déjà à la surface à très haute température, sous forme de vapeur.
28. Il existe plusieurs approches techniques très différentes de la géothermie, visant des publics et des investisseurs très divers, telles que:
  • la géothermie stimulée (EGS Enhanced Geothermal System), qui utilise la chaleur de roches fracturées artificiellement à très grande profondeur (3 000 à 5 000 mètres) pour produire de l’électricité et de la chaleur;
  • la géothermie à moyenne profondeur (jusqu’à 3 000 mètres), permettant de porter l’eau à une température suffisante pour être utilisée directement dans un réseau de chauffage;
  • la géothermie à usage domestique ou tertiaire qui, au moyen de pompes à chaleur, permet le chauffage et la climatisation de bâtiments ou d’immeubles collectifs (air conditionné);
  • la géothermie à usage agricole ou industriel, qui peut être utilisée pour chauffer ou climatiser des serres par exemple, ou pour fournir de la chaleur à des fins industrielles.
29. Le potentiel de l’énergie géothermique est considérable. Aux Etats-Unis, le célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) a réalisé, en 2006, une étude théorique démontrant qu’entre 3 000 et 5 000 mètres de profondeur il existait une énorme réserve d’énergie qui, si elle était captée, pourrait largement couvrir les besoins de l’ensemble des Etats-Unis! De même, une étude du Bureau d’évaluation des répercussions technologiques du Parlement allemand (TAB) a démontré la même chose en 2003 en ce qui concerne l’Allemagne.

6. Développement de l’énergie géothermique: possibilités et défis

6.1. Pourquoi développer l’énergie géothermique en Europe?

30. Depuis quelques décennies, les questions environnementales suscitent des préoccupations croissantes dans toute l’Europe, alors même que la demande en énergie monte en flèche. A l’évidence, il faut trouver une source d’énergie facilement exploitable pour stimuler les activités locales et accompagner une croissance économique autonome en Europe.
31. La géothermie présente de nombreux avantages qui en font une technologie extrêmement précieuse, que ce soit pour la production d’électricité ou pour une utilisation directe:
  • presque partout disponible, l’énergie géothermique peut répondre à tous les types de besoins énergétiques: électricité, chauffage, climatisation, eau chaude;
  • l’énergie géothermique est une énergie de base, disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept à partir de sources domestiques; la production d’énergie est de ce fait continue et fiable, indépendante des conditions météorologiques;
  • comme elles ne consomment pas de combustibles fossiles, les centrales géothermiques fournissent de la chaleur et de l’électricité à un coût stable et prévisible;
  • la construction d’une centrale géothermique représente un investissement important mais, par la suite, les coûts d’exploitation sont peu élevés et la production de l’énergie géothermique s’avère efficace pour une distribution décentralisée;
  • l’utilisation de la géothermie peut être compétitive par rapport aux sources d’énergie classiques; les installations génèrent un flux continu de revenus pendant plusieurs dizaines d’années;
  • la géothermie, en n’utilisant pas de combustibles fossiles, n’engendre pas d’émissions anthropiques comme le CO2; elle ne produit pas de déchets radioactifs;
  • les fluides géothermiques peuvent être canalisés au moyen de puits géothermiques et de collecteurs vers des centrales qui concentrent en un point unique les émissions naturelles afin qu’elles ne contaminent pas les sols et l’air environnants;
  • ainsi, elle s’intègre dans un bouquet énergétique durable, fondé sur les énergies renouvelables; elle contribue à la diversité des approvisionnements et à l’indépendance énergétique à l’égard des importations de combustibles fossiles;
  • les technologies énergétiques décentralisées sont beaucoup plus génératrices d’emplois au niveau local; elles ouvrent des débouchés à de nouvelles industries et favorisent la création d’emplois dans les secteurs de l’industrie et de l’artisanat; les projets de géothermie profonde peuvent amener des emplois dans d’anciennes régions minières;
  • contrairement aux centrales électriques qui nécessitent des superficies importantes, une centrale géothermique n’a pas besoin de beaucoup d’espace; elle a un faible impact visuel.

6.2. Obstacles à une utilisation plus large de l’énergie géothermique sur le continent européen

6.2.1. Obstacles techniques

32. Les aménageurs, les maîtres d’ouvrage et les exploitants de projets géothermiques peuvent rencontrer plusieurs difficultés techniques:

6.2.1.1. Considérations environnementales

33. Bien que, a priori, la production géothermique soit une solution respectueuse de l’environnement et faisant appel à une ressource renouvelable, elle peut aussi présenter quelques aspects négatifs. La plupart des adversaires de la géothermie s’opposent à ces projets en raison du bruit, des perturbations causées à des espèces animales ou végétales rares ou du risque de microsismicité.
34. Les nuisances éventuelles causées par une centrale géothermique peuvent être de plusieurs ordres:
  • émissions atmosphériques;
  • pollution sonore due aux systèmes de refroidissement pendant l’utilisation de l’énergie géothermique; la brève phase de forage est également génératrice de bruit;
  • impact visuel: si, dans un système de chauffage urbain, la chaudière géothermique ne peut pas être dissimulée dans les bâtiments, la construction d’une centrale géothermique au milieu du paysage peut être problématique.
35. Il est généralement possible de remédier à ces nuisances par des solutions techniques, telles que:
  • la réinjection de l’eau et la circulation en boucle fermée qui permettent de supprimer les odeurs;
  • le contrôle de la pression du puits qui peut empêcher le dégazage et donc les odeurs; toutefois, la réinjection n’est pas obligatoire dans tous les pays;
  • des précautions à prendre dans les zones densément peuplées (par exemple dans le cas du chauffage urbain) pour éviter notamment les forages de nuit et/ou isoler certains équipements.

6.2.1.2. Projets géothermiques profonds et microsismicité

36. Dans certaines conditions tectoniques, la construction et l’exploitation de centrales géothermiques peut déclencher une microsismicité. L’exploitation du gaz naturel et du pétrole et le creusement de tunnels provoquent souvent le même phénomène, lié aux structures géologiques particulières des régions concernées.
37. En août et septembre 2009, les habitants de Landau (Allemagne, Rhénanie-Palatinat) ont ressenti des microséismes.
38. Toujours en Allemagne, à Staufen-en-Brisgau, au sud de la Forêt-Noire, plusieurs bâtiments se sont fissurés et l’on a observé un soulèvement de terrain d’un centimètre par mois. Un rapprochement a été fait entre des travaux de forage de géothermie près de la surface de la Terre et ces phénomènes, qui s’expliquent par l’injection d’eau dans un sous-sol contenant de l’anhydrite: ce minéral, en entrant en contact avec l’eau, se transforme en gypse et augmente alors de 60 % en volume, provoquant des dégâts conséquents.
39. Un projet commercial de géothermie type Soultz-sous-Forêts a été lancé à Bâle (Suisse) en 2006. En décembre 2007, des expériences de stimulation ont déclenché un miniséisme qui a été ressenti par les habitants, ce qui a conduit à l’arrêt définitif du projet en 2009. Dans le fossé du Rhin, plusieurs projets ont été engagés à la suite de l’expérience de Soultz-sous-Forêts, notamment à Landau (3 MWe, et chauffage urbain) et à Insheim. Là encore, des microséismes ont inquiété les populations locales. Un projet européen sur ce thème va être mis en œuvre pour mieux comprendre les mécanismes physiques à l’origine de ces séismes induits. Le Bureau de recherches géologiques (BRGM, France) et l’université de Strasbourg participeront à ce projet de recherche.
40. Ces constatations s’inscrivent dans la logique d’évolution d’une technologie spécifique. Les difficultés d’exploitation ou de forage rencontrées dans les installations réalisées après le premier choc pétrolier ou plus récemment ne sont aujourd’hui plus d’actualité en raison, d’une part, de la maîtrise de la technologie et, d’autre part, d’une bien meilleure connaissance des conditions géologiques du sol permettant l’implantation d’un site de production géothermal.

6.2.1.3. Adéquation entre les ressources et les besoins

41. Un autre obstacle au développement de l’énergie géothermique est lié à la nécessité d’une adéquation entre le potentiel et les besoins en surface.
42. Même s’il existe une possibilité de mettre en place un système de chauffage urbain, il ne sera intéressant de l’exploiter que si les critères de densité de population et les besoins de chauffage sont en rapport avec la ressource, de façon à ce que l’opération soit économiquement viable. Les centrales géothermiques de production de chaleur sont cantonnées aux zones densément peuplées ou près des industries locales à forte demande de chauffage.
43. En ce qui concerne la production d’électricité, le problème de l’adéquation entre la demande et les ressources est moins crucial, car l’électricité peut être transportée sur de plus longues distances; de plus, malgré une efficience croissante, la demande ne cesse d’augmenter.

6.2.2. Obstacles liés au réseau

44. Dans un proche avenir, les autorités nationales de réglementation en Europe devront faciliter l’intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique et les gestionnaires de réseaux de transport devront distribuer en priorité l’électricité produite à partir de sources renouvelables. Cela contribuera à rééquilibrer les marchés énergétiques qui, pour l’instant, favorisent largement les combustibles classiques.

6.2.3. Obstacles non techniques

45. Dans beaucoup de pays européens, la chute soudaine des prix du pétrole et du gaz après 1986 a rapidement fait retomber l’intérêt pour le développement de la géothermie, ce qui a conduit à la fermeture de certaines installations par suite de difficultés financières imprévues. Les énergies fossiles, de nouveau attractives, ont détourné l’intérêt des investisseurs et des Etats.
46. Aujourd’hui, la principale raison pour laquelle la géothermie n’occupe pas une plus large place en Europe est l’existence d’obstacles non techniques qui empêchent une exploitation efficiente de cette ressource. C’est pourquoi il faut éliminer ces obstacles, qui interviennent à différents stades et concernent divers aspects des projets, et freinent l’essor du secteur géothermique en Europe.

6.2.4. Obstacles législatifs et réglementaires

47. Dans certains pays européens, les lacunes de la législation et de la réglementation concernant l’énergie géothermique empêchent une exploitation effective de cette ressource sous-utilisée.

6.2.4.1. Législation ambiguë

48. Les dispositions pertinentes, éparpillées dans les législations relatives à l’exploitation minière, à l’énergie, à l’environnement, à la gestion de l’eau et à la géologie, entrent parfois en conflit; dans la plupart des pays, la procédure d’autorisation des installations géothermiques est assez complexe.
49. Dans certains pays, il n’y a même pas de loi portant spécifiquement sur l’énergie géothermique et la responsabilité de ses applications incombe à plusieurs ministères, d’où une imprévisibilité des décisions juridiques.

6.2.4.2. Pas de garantie à long terme pour l’exploitation de la ressource

50. Dans certains pays, il n’existe pas de dispositions juridiques garantissant la propriété à long terme de la ressource. La loi ne garantit au demandeur d’une autorisation d’exploitation ni l’usage exclusif du terrain, ni l’usage du réservoir d’eau.

6.2.4.3. Complexité et durée des procédures administratives

51. Les principaux obstacles administratifs découlent de la complexité et de la durée des procédures. La multiplicité des administrations intervenantes, le manque de coordination entre ces administrations et la méconnaissance des avantages de la géothermie par les collectivités territoriales sont également des problèmes non négligeables.

6.2.4.4. Le stockage du CO2 compromet le développement de l’énergie géothermique

52. Il est à craindre que les législations relatives au captage et au stockage du carbone, à l’étude dans de nombreux pays européens, ne ralentissent le développement des sources d’énergie propres, spécialement l’énergie géothermique.

6.2.5. Obstacles financiers et économiques

53. Un certain nombre de facteurs financiers et économiques affectent la production de chaleur et/ou d’électricité, notamment dans le cas des projets de géothermie profonde:

6.2.5.1. Coûts initiaux élevés: nécessité d’investissements importants pour les forages et les essais

54. Par rapport à d’autres d’énergies renouvelables, les projets d’énergie géothermique profonde entraînent des coûts initiaux non négligeables (dus principalement aux coûts de prospection tels qu’études sismiques et forage de puits de prospection).
55. A cela s’ajoutent, dans certains pays, des coûts annexes élevés (autorisation de prospection et/ou d’exploitation, collecte de données géologiques géothermiques).
56. L’énergie géothermique n’a pas encore atteint la masse critique qui permettrait d’abaisser les coûts d’investissement.

6.2.5.2. Coûts additionnels liés à la construction d’un réseau de chauffage urbain

57. Dans le cas d’un projet géothermique entièrement nouveau, la construction de tout un réseau de chauffage urbain augmente le montant de l’investissement.
58. Ce facteur pourrait favoriser la mise en œuvre de projets d’énergie géothermique combinés avec des réseaux de chauffage urbain existants, actuellement alimentés par des énergies non renouvelables.

6.2.5.3. Forages: rapport coût/efficacité peu favorable

59. Il n’y a pas suffisamment d’appareils de forage disponibles pour l’énergie géothermique. La forte demande sur le marché de ces équipements augmente le coût total des forages.
60. Par ailleurs, en raison du petit nombre de projets géothermiques, il est difficile de développer une industrie du forage qui soit destinée exclusivement aux projets d’énergie géothermique.

6.2.5.4. Spécificité de l’énergie géothermique: les incertitudes géologiques

61. Un obstacle majeur est le risque géologique de ne pas trouver de ressources en rapport avec l’objectif visé: il faut dépenser de l’argent alors que la faisabilité du projet n’est pas démontrée. Il existe aussi des risques géologiques à long terme: découverte d’un gisement dont la température serait inférieure, la minéralisation supérieure aux prévisions ou avec des difficultés de réinjection.
62. Le risque de diminution ou de disparition de la ressource avant que les équipements ne soient amortis ainsi que le risque de dégradation des puits et des matériels et équipements de la boucle géothermale pendant la période d’exploitation ne doivent pas être sous-estimés.

6.2.5.5. Absence de mécanismes d’assurance pour couvrir le risque de non-découverte d’une ressource appropriée

  • assurance sur les forages (risques techniques);
  • assurance sur l’exploitation (panne des équipements).

63. L’entreprise assurant la prospection et le développement d’un champ géothermique devrait pouvoir s’assurer contre les risques géologiques.
64. Des mécanismes d’assurance portant sur l’existence et la qualité de la ressource présente dans le réservoir aquifère (débit et température) ne sont proposés que dans de rares pays (Allemagne, France, et via le programme GeoFund). Les polices d’assurance classiques n’offrent pas de solution spécifique pour le risque de non-découverte. Un instrument de partage des risques, en aidant à surmonter cet obstacle, favorise les investissements dans des projets d’énergie géothermique.
65. Par ailleurs, des sociétés d’assurance privées proposent des solutions qui doivent être négociées au cas par cas et comportent des primes élevées.
66. En France, par exemple, une assurance aléas géologiques offre une garantie à long terme contre le risque de modification qualitative et quantitative de la ressource.
67. Dans ce pays, le développement de l’énergie géothermique a été encouragé par un dispositif global incluant des garanties financières destinées à protéger les investisseurs contre les incertitudes géologiques propres à cette activité, à savoir le risque encouru pendant la phase de forage de ne pas découvrir une ressource géothermique présentant les caractéristiques de débit et de température requises pour que l’opération soit rentable.
68. Pour couvrir le risque de non-découverte, le ministère de l’Environnement allemand a mis en place un instrument d’atténuation des risques orienté vers les projets de forage géothermique.
69. En France, en Allemagne et en Bulgarie, un système d’assurance pour les aléas géologiques couvre le risque de non-découverte d’une ressource présentant les caractéristiques requises sur le plan de la quantité et de la qualité.
70. Ce type d’assurance est particulièrement important pour des technologies pilotes susceptibles de rencontrer des difficultés d’application si une banque assurant le financement exige des garanties contre les pertes d’exploitation.

6.2.5.6. Long temps de retour sur investissement

71. Les projets de géothermie profonde ont un long temps de retour sur investissement.

6.2.5.7. Faible rentabilité

72. En général, la rentabilité des opérations géothermiques est faible. Dans certains pays, des redevances et d’autres impôts perçus durant la période d’exploitation réduisent les sources de revenus. Ces frais sont parfois trop élevés par rapport aux ventes annuelles de chaleur.

6.2.5.8. Courte période d’amortissement pour le chauffage urbain et les puits

73. Une autre difficulté provient de la faible durée de la période d’amortissement pour le chauffage urbain et les puits.
74. Des périodes d’amortissement plus longues permettraient de réduire les montants portés au compte de profits et pertes, ce qui favoriserait la rentabilité économique des projets géothermiques.
75. Dans certains pays, il existe des normes d’amortissement spécifiques, mais elles ne concernent que certains équipements ou instruments.
76. Si la période d’amortissement n’est pas fixe, par exemple pour les puits, on peut supposer qu’une période adaptée à la durée de vie du forage, soit au moins de trente ans, est théoriquement possible puisqu’elle correspond à la période géotechnique d’exploitation d’un puits.
77. Cependant, plus la période d’amortissement sera longue, moins elle sera acceptable pour les autorités ou pour les banques. Dans certains cas, les gouvernements peuvent aussi soutenir les investissements par des taux d’amortissement spécifiques.

6.2.5.9. Faible prix de rachat

78. La réglementation du prix de rachat est un moyen fiscalement neutre d’augmenter l’attractivité des projets d’énergie géothermique.
79. En ce qui concerne l’électricité géothermique, le système du prix de rachat garantit un certain niveau de revenu, mais celui-ci n’est pas toujours suffisamment élevé pour assurer une rentabilité intéressante. De plus, en règle générale, cette rémunération porte sur l’énergie électrique nette et non la production brute, ce qui réduit considérablement les revenus potentiels d’un projet géothermique.

6.2.5.10. Risques à long terme: absence de sécurité des investissements

80. Dans certains pays européens, les ventes de chaleur et d’électricité ne sont pas durablement garanties. Les investisseurs doivent évaluer le marché de la chaleur et de l’électricité pour s’assurer que les ventes seront suffisamment importantes pendant la longue période nécessaire pour obtenir un retour sur investissement.
81. Enfin, la concurrence avec les combustibles fossiles est un point crucial. Comme le prix relativement bon marché de ces combustibles ne facilite pas le lancement de projets géothermiques, les fluctuations du prix du pétrole jouent un rôle important pour évaluer l’intérêt de l’énergie géothermique.

6.2.5.11. Absence d’instruments financiers innovants adaptés aux besoins spécifiques du secteur géothermique – Nécessité d’outils effectifs d’atténuation des risques

82. D’une manière générale, les instruments financiers ne sont pas conçus spécifiquement pour l’énergie géothermique. Ils ne tiennent pas compte des particularités de ces projets – coûts initiaux élevés pendant la phase de prospection et de préfaisabilité, et incertitude quant à la dimension et à la production de l’opération tant que les forages n’ont pas donné de résultats concluants. Des montants importants doivent donc être déboursés avant que l’existence de la ressource soit établie. C’est pourquoi peu d’institutions financières sont disposées à participer aux projets dans les premiers stades. Elles hésitent en effet à investir tant que la rentabilité du projet n’a pas été démontrée.
83. Des financements par capitaux propres ou des subventions publiques permettraient de prendre en charge ces dépenses. Le risque étant élevé, les investisseurs privés attendront un taux de rentabilité élevé au cours des premiers stades. Enfin, à un stade très tardif, il est possible de recourir aux dispositifs classiques de financement de projets.
84. Actuellement, la Banque européenne d’investissement (BEI) ne finance pas de projets aux stades initiaux, mais seulement lorsque leur viabilité économique est prouvée.

6.2.5.12. Facilités bancaires spécifiques

85. Très peu de banques proposent des facilités spécifiques prévoyant des prêts à taux d’intérêt réduit, adaptés aux caractéristiques des projets géothermiques.
86. Des garanties financières destinées à protéger les investisseurs contre les incertitudes géologiques propres à cette activité faciliteraient le financement des projets.
87. L’investisseur doit avoir accès à des capitaux suffisants pour conduire le projet géothermique jusqu’aux stades finaux et il doit accepter de prendre un risque important sur ce capital. Les projets géothermiques sont particulièrement affectés par la conjonction risque/difficulté à trouver des capitaux.
88. Les investisseurs ont du mal à emprunter car peu de banques sont disposées à prêter de l’argent pour des projets à haut risque.
89. On trouve aujourd’hui peu de facilités bancaires spécifiques prévoyant des prêts à faible taux d’intérêt, sauf en Allemagne et en Islande.

6.2.5.13. Réductions d’impôt

90. Les réductions d’impôts sont des incitations publiques efficaces, applicables à la production d’électricité et ou de chaleur. Elles peuvent contribuer à attirer davantage de capitaux vers les projets géothermiques.

6.2.5.14. Subventions

91. Les subventions publiques sont les seuls instruments susceptibles de compléter les apports de capitaux propres ou d’assurer le financement des phases de prospection. Elles peuvent faciliter le financement des investissements.
92. Il existe des subventions au niveau national, mais surtout au niveau régional. Elles concernent principalement la phase d’investissement (forage des puits) mais aussi l’achat d’équipements de production et peuvent représenter 30 à 40 % de l’investissement.
93. La France accorde des subventions spéciales pour les études de faisabilité, première étape de la phase de prospection, tandis qu’au Portugal les programmes régionaux sont plutôt orientés vers la mise en œuvre de projets pilotes.

6.2.5.15. Certificats négociables et systèmes de quotas

94. La mise en place de certificats verts ou la possibilité pour un projet géothermique de participer aux échanges de quotas d’émission pourraient offrir des sources de revenu complémentaires.

6.2.5.16. Capital-risque

95. Le capital-risque peut être un instrument financier adapté, même s’il est tributaire du bon fonctionnement des marchés financiers tant pour le financement de l’emprunt que pour l’établissement de la liste finale des projets considérés comme rentables.
96. Dans l’ensemble, des fonds de capital-risque sont disponibles ou négociables partout, mais ils ne s’orientent pas encore nécessairement vers des projets géothermiques. En Allemagne, le capital-risque est la principale source de financement de ces projets.
97. Des prêts obligataires sont proposés en Islande et par le Fonds européen d’investissement.

6.2.5.17. Financement de projets de recherche et de projets pilotes

98. Le financement de projets de recherche et de projets pilotes peut être une autre façon d’encourager l’énergie géothermique, mais il n’existe pas de démarche systématique au niveau européen.
99. Certains pays consacrent également des fonds à la promotion de la recherche-développement dans le cadre de nouveaux projets de démonstration dont l’énergie géothermique peut bénéficier.
100. Ces instruments devraient permettre de mettre en œuvre de nouvelles technologies, comme les systèmes EGS (systèmes géothermiques stimulés), afin de produire de l’électricité lorsqu’il n’existe aucune ressource naturelle.
101. Dans l’ensemble, tous ces instruments ont pour but d’accroître la rentabilité en atténuant les coûts initiaux et en réduisant le temps de retour sur investissement afin de surmonter l’obstacle que constitue le risque financier, et d’attirer les investisseurs.

6.2.5.18. Nécessité croissante d’instruments européens communs

102. Il existe en Europe quelques instruments communs propres à faciliter l’investissement dans les projets géothermiques. Le manque d’harmonisation est toutefois manifeste.
103. Il serait utile de réfléchir à la mise en place, au niveau européen, d’instruments financiers destinés à soutenir les projets de géothermie à un stade précoce.
104. Un mécanisme européen devrait principalement s’attacher à résoudre deux problèmes: le manque de financement lors de la phase de prospection et le risque de découvrir une ressource géothermique insuffisante en quantité ou en qualité. Ce mécanisme devra prendre en compte, d’une part, les conditions spécifiques du projet et, d’autre part, le contexte d’investissement.
105. La réussite économique des projets de géothermie passe par conséquent par la combinaison de dispositifs de financement et de mesures incitatives.

6.2.6. Obstacles liés à la sensibilisation et à l’adhésion de l’opinion publique

6.2.6.1. Prédominance des opinions défavorables en Europe

106. Si l’opinion publique est globalement favorable à l’énergie géothermique, les projets de géothermie profonde sont parfois mal acceptés par la population.
107. Dans de nombreux pays européens, l’opinion est encore très peu sensibilisée à cette source d’énergie.
108. Une centrale pilote double-flash de 2 MW, construite en 1985 dans le champ haute enthalpie de Milos (Grèce), a fonctionné par intermittence jusqu’en 1989. La centrale a alors été fermée à la suite de protestations suscitées par des préoccupations environnementales concernant les émissions de soufre dans l’atmosphère. L’échec de la centrale électrique de Milos a conduit à rejeter un projet de centrale géothermique à Nisyros (Grèce).
109. Même si les citoyens sont de plus en plus préoccupés par les questions d’environnement, ils ne sont pas toujours prêts à accepter les projets d’exploitation d’énergies renouvelables, ce qui s’explique dans certains cas par des problèmes environnementaux locaux.

6.2.6.2. Manque de volonté politique

110. La définition d’objectifs politiques nationaux relatifs aux énergies renouvelables est un élément important pour la sensibilisation de la population.
111. Globalement, il existe une volonté politique de développer les énergies renouvelables (en général, y compris la géothermie), mais celle-ci ne se traduit pas toujours en actions concrètes.
112. Dans certains pays européens, par exemple, l’énergie géothermique n’est pas mentionnée dans le plan national de développement des énergies renouvelables.
113. Dans le cadre des dispositifs nationaux de financement de la recherche-développement, la recherche, les projets pilotes et les activités relatives à la géothermie et à ses applications devraient figurer clairement parmi les priorités.

6.2.6.3. Manque d’information

114. On constate aujourd’hui un manque considérable d’information sur l’énergie géothermique et les possibilités qu’elle offre, non seulement dans le grand public mais aussi plus généralement chez tous les acteurs potentiels des projets de géothermie.
115. Des signaux clairs de la part du marché ainsi que des campagnes d’information ciblant activement les fournisseurs peuvent aider à surmonter cet obstacle.
116. L’infrastructure d’information sur les perspectives de la géothermie n’est bien développée que dans quelques pays (par exemple l’Allemagne qui dispose d’outils en ligne comme GeotIS).
117. Si les entreprises étaient mieux informées sur les ressources existant sur les marchés européens émergents, elles seraient plus nombreuses à s’engager dans le secteur de la géothermie, notamment celles qui sont en mesure de développer de multiples synergies avec l’industrie géothermique comme les sociétés de service de pétrole et de gaz.
118. Enfin, il y a lieu de diffuser des informations pour améliorer les connaissances du public et des différentes parties prenantes.

6.2.6.4. Manque de coopération

119. Un grand nombre de parties prenantes interviennent à différents stades d’un projet de géothermie: consommateurs, fournisseurs, maîtres d’ouvrage, gouvernements, exploitants, institutions financières. Tous ont des intérêts divers. Pour mener à bien un tel projet, les entreprises, les experts, les autorités et la société civile doivent coopérer et s’efforcer de mettre en place des solutions «gagnant-gagnant».
120. La mutualisation des compétences peut avoir une incidence positive à différents niveaux: proposition de solutions en matière d’assurance, diminution des coûts de forage, sensibilisation des institutions financières qui opèrent au niveau européen.
121. La phase de forage et de prospection des projets d’énergie géothermique peut offrir aux entreprises de forage du secteur gazier et pétrolier des occasions de se diversifier. La géothermie bénéficierait d’un transfert de techniques et de compétences de ce secteur. C’est pourquoi une meilleure coopération intersectorielle est essentielle.
122. En outre, le regroupement des puits pour alimenter des centrales plus importantes permettrait de réaliser des économies d’échelle et de réduire les coûts d’investissement.
123. La création de plates-formes technologiques rassemblant les entreprises, les instituts de recherche, les institutions financières et les autorités de réglementation au niveau européen faciliterait la définition d’un programme de recherche commun et de stratégies propres à mobiliser une masse critique de ressources publiques et privées, nationales et européennes.
124. Le développement de solutions européennes et un marché européen commun peuvent réduire les coûts de façon à rendre l’énergie géothermique plus concurrentielle par rapport aux énergies classiques et aux autres énergies renouvelables.

6.2.6.5. Formation, diplômes, agrément professionnel

125. Il y a lieu d’améliorer considérablement la formation, la délivrance de diplômes, la procédure d’agrément professionnel et la sensibilisation, notamment des formateurs, des concepteurs de pompes à chaleur et des spécialistes des forages. En effet, certains Etats n’ont pas de réglementation en la matière et, lorsque des régimes existent, ils ne sont pas compatibles d’un pays à l’autre.
126. Il convient donc de mettre en place des systèmes de diplômes et des dispositifs d’agrément professionnel pour les installateurs de petites unités d’exploitation des énergies renouvelables (et notamment les installateurs de pompes à chaleur).
127. Il importe d’éliminer tous ces obstacles pour stimuler le développement des projets d’énergie géothermique à l’échelle européenne.

7. Rôle des décideurs politiques

128. Les pouvoirs publics doivent accompagner la croissance du secteur de la géothermie.
129. L’expérience des élus locaux est importante en la matière, car bien souvent la principale difficulté est de convaincre les décideurs, les entreprises et les bureaux d’études d’aborder ces questions sans crainte et sans a priori. Les questions liées aux assurances et aux agréments sont également des difficultés à surmonter.
130. Il faut donc identifier les points de blocage qui s’opposent encore à une meilleure diffusion de cette technologie et, surtout, à son appropriation par l’ensemble des opérateurs du système économique et industriel, sans laquelle il ne peut y avoir de mutation verte.
131. A l’heure où la crise internationale a de graves répercussions sur les économies de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe et où (notamment à l’occasion du scrutin européen de juin 2009) l’on a pu voir beaucoup de citoyens européens affirmer dans les urnes leurs préoccupations environnementales, il est indispensable que les entreprises existantes aient conscience de la nécessité d’une mutation verte. L’une des tâches des décideurs politiques est de les accompagner dans cette mutation.
132. L’exemple du secteur photovoltaïque montre bien que les Etats peuvent donner une impulsion décisive en faveur du développement de l’énergie géothermique si les outils sont bien conçus et adaptés aux spécificités des projets.
133. Un soutien public constant dopera les taux de croissance.
134. Il faudrait prévoir des incitations financières en faveur de l’énergie géothermique, telles que des subventions, des prêts de longue durée à taux d’intérêt réduit ou des subventions spéciales pour les projets expérimentaux et les projets de recherche-développement; les gouvernements peuvent mettre en place le cadre voulu.
135. Les responsables politiques peuvent promouvoir le soutien aux jeunes entreprises et aux microentreprises sous la forme d’assistance technique, de subventions et d’autres instruments financiers (prêts, capitaux propres, capital-risque ou garanties) et mettre en avant la valeur ajoutée de ces opérations.
136. Si, par exemple, un projet relève du secteur public (un cas qui se présente surtout dans le domaine du chauffage urbain), une formule d’assurance peut abaisser le risque jusqu’à un niveau acceptable pour la mise en œuvre du projet. En l’occurrence, des mécanismes d’assurance semblent indispensables.

8. Perspectives

137. La géothermie est une source d’énergie renouvelable qui offre des possibilités encore largement inexploitées. Grâce aux progrès constants de la recherche, les techniques d’exploitation vont continuer à s’améliorer et la part de la production géothermique va augmenter.
138. Les domaines les plus prometteurs sont la construction de nouveaux réseaux de chauffage urbain, l’optimisation des réseaux existants et le développement de nouvelles applications géothermiques innovantes dans les secteurs de l’industrie et de l’agriculture.
139. Certaines de ces applications sont déjà au point et ont fait la preuve de leur efficacité (déneigement et dégivrage, climatisation urbaine, etc.). Certaines applications semblent particulièrement intéressantes, par exemple la désalinisation de l’eau de mer – en effet, dans beaucoup de régions qui souffrent d’une pénurie d’eau douce, on trouve en revanche à la fois de l’eau de mer et un potentiel géothermique.
140. Certaines technologies d’exploitation de l’énergie géothermique à grande profondeur sont désormais au point. Les possibilités qu’elles offrent semblent toutefois insuffisamment exploitées.
141. Les pays établis vont continuer à investir dans l’énergie géothermique et de nouveaux pays européens vont explorer ce secteur. Cela abaissera les coûts d’investissement initiaux et attirera les entreprises de forage et autres. On peut s’attendre à des évolutions technologiques tant dans le domaine de l’électricité que dans celui de la chaleur; ces évolutions iront dans le sens d’une amélioration de l’efficience des centrales et d’une diminution des coûts d’installation et de fonctionnement.
142. En Europe, dans l’immédiat, il s’agit par conséquent de faire valoir les avantages de la géothermie en tant qu’énergie respectueuse de l’environnement et à l’associer à des technologies douces et peu coûteuses, en particulier là où il y a coïncidence entre la ressource et la demande de chaleur.

9. Conclusions

143. L’énergie géothermique doit prendre la place qu’elle mérite sur le marché européen de l’énergie. La nécessité de plus en plus pressante de juguler le changement climatique s’avère un catalyseur efficace pour le secteur européen de l’énergie géothermique.
144. Il convient en premier lieu d’encourager la collaboration entre les organismes publics et le secteur privé, et de promouvoir l’énergie géothermique auprès des diverses autorités concernées. En particulier, les décideurs politiques doivent s’attacher à mettre en œuvre des instruments politiques et des législations qui favorisent le développement de cette énergie renouvelable. Certaines barrières législatives ou réglementaires peuvent en effet engendrer des obstacles économiques.
145. En outre, un cadre de financement adéquat doit être mis en place à l’avance afin que les entreprises soient en mesure de planifier l’exécution des projets.
146. Le principal obstacle au développement du secteur géothermique européen est le risque géologique de non-découverte des ressources escomptées: il faut débourser des fonds alors que la viabilité du projet n’est pas encore démontrée.
147. Les systèmes publics de garantie du risque géologique sont encore très peu nombreux. Il convient de les étendre à tous les pays européens. Actuellement, la décision de lancer ou non un projet d’énergie géothermique se prend principalement sur la base de considérations économiques et financières. L’évaluation de la compétitivité du projet tient compte du prix des énergies fossiles, mais pas des externalités ni des avantages environnementaux.
148. La différence de coût entre les différentes énergies peut être trop faible pour inciter à trancher en faveur d’un système géothermique. Les politiques énergétiques ont ici un rôle important à jouer pour faire pencher la décision.
149. La mise en place de solutions européennes communes est à maints égards souhaitable: la mutualisation des compétences aurait en effet une incidence positive à différents niveaux.