1. Introduction
1. Les accords de réadmission sont un élément important
des stratégies de gestion des migrations des Etats membres du Conseil
de l’Europe et de la politique commune de retour de l’Union européenne.
Ils facilitent et accélèrent l’application des décisions de retour
concernant les migrants en situation irrégulière et incitent probablement
aussi les pays d’origine ou de transit, parties à des accords de
réadmission, à améliorer leur contrôle aux frontières. La question
essentielle discutée dans le présent rapport est de savoir si l’existence ou
la mise en œuvre d’accords de réadmission constituent une menace
directe ou indirecte pour les droits de l’homme des migrants en
situation irrégulière. Il s’agit notamment du risque que le pays
d’envoi ou de réadmission n’honore pas ses obligations au titre
de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés
(la Convention de Genève de 1951) et son Protocole de 1967, ainsi
que la Convention européenne des droits de l’homme.
2. Les accords de réadmission fixent les conditions dans lesquelles
les Etats parties ont obligation de réadmettre leurs propres ressortissants,
voire des ressortissants de pays tiers ayant transité par leur territoire. Les
préoccupations en termes de droits de l’homme visent plus particulièrement
ces derniers. Il a été avancé que les migrants en situation irrégulière
renvoyés dans un pays autre que celui d’origine risquent d’être
privés de la possibilité de déposer une demande d’asile ou de voir
cette demande examinée au fond, et d’être ainsi victimes d’un refoulement
«en chaîne» ou placés dans une situation insoutenable du point de
vue des droits sociaux.
3. Il n’est pas étonnant que les représentants des gouvernements
nationaux et l’Union européenne insistent sur le caractère sûr et
neutre du point de vue des droits de l’homme des accords de réadmission.
Ils avancent qu’un accord de réadmission est un simple outil permettant
l’éloignement de fait des migrants en situation irrégulière et que
toutes les questions de droits de l’homme doivent être posées au
moment où est prise la décision d’expulser la personne concernée,
la décision de retour.
4. Les représentants des ONG, par exemple, ne partagent pas cette
vision, et soutiennent qu’il est judicieux de s’interroger sur la
neutralité des accords de réadmission en matière de droits de l’homme.
Ils affirment qu’il n’est pas possible d’isoler les divers maillons
de la chaîne qui conduit au retour d’une personne et qu’il convient
d’appréhender le processus dans son ensemble. Ils considèrent que
les accords de réadmission sont un élément important de cet ensemble
et qu’il ne faut pas les séparer. Qui plus est, l’existence d’un
accord de réadmission peut servir de catalyseur pour des décisions
de retour contestables. De ce fait, il convient également d’évaluer
l’impact de tels accords. Un problème particulier se pose en cas d’absence
d’examen au fond des besoins individuels de protection (par exemple
des personnes dont la demande a été rejetée sur la base du concept
de «pays tiers sûr») avant que la réadmission soit demandée ou si
la situation dans le pays de réadmission s’est détériorée entre
la décision de retour et la demande de réadmission.
5. L’Union européenne est un élément moteur dans la promotion
des accords de réadmission. Elle négocie des accords de réadmission
qui sont ensuite mis à disposition de ses Etats membres et mis en
œuvre par eux. D’autre part, de nombreux accords bilatéraux de réadmission
sont en vigueur entre divers pays. Les Etats membres du Conseil
de l’Europe, non membres de l’Union européenne, sont également parties
à des accords bilatéraux de réadmission avec des pays tiers. Ces
Etats sont cependant avant tout des pays d’accueil dans les accords
de réadmission avec les Etats membres de l’Union européenne. «L’ex-République
yougoslave de Macédoine» a, par exemple, réadmis 528 personnes en
2007 venant d’Autriche, d’Allemagne, de Hongrie ou de Suisse.
6. L’Union européenne a conclu des accords de réadmission avec
les pays suivants: Hong Kong, Macao, le Sri Lanka, l’Albanie, la
Russie, la Bosnie-Herzégovine, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
la Géorgie, la Moldova, le Monténégro, le Pakistan, la Serbie et
l’Ukraine. Des négociations sont en cours avec le Maroc et la Turquie,
alors que la Commission européenne a également mandat pour négocier
des accords de réadmission avec la Chine, l’Algérie et le Cap-Vert.
Le Conseil de l’Union a invité la Commission à préparer un mandat
en vue d’engager des négociations relatives à un accord de réadmission
avec le Bélarus.
7. En plus des accords de réadmission de l’Union européenne,
des centaines d’accords bilatéraux de réadmission ont été conclus.
L’Allemagne, par exemple, a signé 29 accords, l’Italie 30, la Pologne
est partie à 19 accords et la Hongrie à 25 accords. Bon nombre d’entre
eux concernent des Etats membres de l’Union européenne. Treize des
accords allemands et 15 des accords italiens ont été conclus avec
d’autres Etats membres de l’Union européenne. «L’ex-République yougoslave
de Macédoine» a signé 21 accords de réadmission et la Moldova est
partie à trois accords.
8. Il est parfois difficile d’obtenir des statistiques sur le
nombre de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission.
Les Etats n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier.
Lorsque des statistiques existent, elles concernent souvent les
retours sur un plan général et ne sont pas ventilées pour faire
ressortir le nombre de retours en application d’accords de réadmission.
La situation des personnes éloignées est rarement évaluée et les
conséquences de l’application des accords de réadmission sur leur
situation le sont encore moins. Ce manque d’informations empêche
toute évaluation approfondie des avantages et inconvénients de ces
instruments.
9. A la lumière de ce qui précède, le rapporteur a élaboré le
présent document sur les implications en termes de droits de l’homme
des accords de réadmission. Dans le cadre de sa préparation, le
rapporteur a effectué une visite d’étude à Bruxelles les 15 et 16
février 2009 et a rencontré des représentants du Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de la Commission européenne,
d’Amnesty International et du Centre européen d’études politiques,
ainsi que des experts indépendants, qui lui ont tous communiqué
de précieuses informations. Par ailleurs, le 27 mai 2009, une audition
consacrée au thème du présent rapport a été organisée à Paris. La
réunion a permis un échange de vues avec, entre autres, des fonctionnaires
de la Commission européenne, du HCR et de l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM), ainsi que des représentants de la société
civile. Durant la phase de préparation, des questionnaires ont été
adressés aux membres du Comité européen sur les migrations (CDMG),
qui y ont répondu. Le rapporteur a également bénéficié de l’assistance
d’une consultante, Mme Joanne van Selm, auteur d’un document sur
ce même thème dont elle s’est inspirée pour ce rapport. Elle remercie
vivement toutes les personnes mentionnées pour leurs précieuses
contributions.
2. Que sont
les accords de réadmission?
10. En vertu du droit international, les pays ont obligation
de réadmettre leurs propres ressortissants
. Lorsqu’un
pays dans lequel réside une personne souhaite la renvoyer dans son
pays d’origine, il arrive parfois que ce dernier n’honore pas cette
obligation. Il peut par exemple avancer officiellement l’argument
selon lequel cette personne ne dispose pas des documents nécessaires,
alors que la véritable raison est que le gouvernement ne souhaite
pas réadmettre certains de ses citoyens pour des motifs politiques
ou économiques, ou que la personne est simplement jugée indésirable.
Pour faciliter et accélérer les retours, les pays ont conclu des
accords de réadmission. Ces accords fixent un certain nombre de
conditions qui, si elles sont satisfaites, imposent au pays d’origine
l’obligation contractuelle de réadmettre la personne en question sur
son territoire, en plus de l’obligation découlant du droit international.
L’accord définit les conditions précises à remplir pour que la réadmission
demandée puisse être accordée.
11. Les pays qui souhaitent expulser des individus qui, pour une
raison ou une autre, ne sont plus autorisés à rester sur leur territoire,
peuvent parfois avoir un intérêt à envoyer cette personne non pas
dans son pays d’origine, mais dans un pays tiers. Il s’agit généralement
d’un Etat sur le territoire duquel la personne a transité pour atteindre
le pays qui souhaite l’expulser. Ce peut être le cas si le pays
de transit est plus coopératif. Cependant, les pays ont la prérogative
de décider de l’entrée de ressortissants étrangers sur leur territoire
et ne sont donc pas obligés, en vertu du droit international, d’admettre
des individus qui ne sont pas leurs ressortissants. C’est pourquoi
les accords de réadmission contiennent parfois des clauses obligeant
le pays d’accueil à réadmettre également des personnes qui ne sont
pas ses citoyens. Dans le présent rapport, nous qualifierons ces
personnes de «ressortissants de pays tiers».
12. Les accords de réadmission concernent la réadmission de migrants
en situation irrégulière, c’est-à-dire des personnes qui pour une
raison quelconque n’ont pas le droit de séjourner sur le territoire
d’un Etat donné. Un migrant peut être considéré comme irrégulier
pour diverses raisons
.
Il peut s’agir d’un demandeur d’asile dont la demande a été rejetée
ou n’a même pas été examinée, ou d’une personne entrée sur le territoire
sans disposer des documents nécessaires. Les pays ont le droit d’expulser
les migrants en situation irrégulière, à condition que cette expulsion
ne viole pas la Convention de Genève de 1951
ou d’autres instruments internationaux
des droits de l’homme dont la Convention européenne des droits de
l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cela ne signifie
pas nécessairement qu’une expulsion doive être toujours considérée
comme humaine, mais le droit d’appliquer une telle décision existe
bien, dans les conditions évoquées précédemment. Dans ce contexte,
il est particulièrement important de prêter attention aux droits
des ressortissants de pays tiers. Ces personnes éloignées risquent
encore davantage de se trouver dans une situation où elles n’auront
pas accès à un système d’asile.
13. La Commission européenne définit les accords de réadmission
de l’Union européenne de la manière suivante: un accord de réadmission
communautaire est un accord international entre la Communauté européenne
et un pays tiers qui établit des obligations réciproques, ainsi
que des procédures administratives et opérationnelles détaillées,
pour faciliter le retour vers leur pays d’origine ou un pays de
transit de personnes séjournant illégalement
.
La même définition s’applique normalement aux accords bilatéraux
de réadmission, à la différence près qu’ils n’impliquent pas l’Union
européenne.
14. Les accords de réadmission énoncent que l’Etat requis réadmet
sur son territoire, à la demande de l’Etat requérant et sans autres
formalités que celles qui sont précisées dans les accords, toute
personne qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée
ou de séjour applicables sur le territoire de l’Etat requérant,
lorsqu’il est prouvé ou valablement présumé que cette personne est
un ressortissant de l’Etat requis. Les différents documents apportant
la preuve ou le commencement de preuve de la nationalité d’un des
Etats parties sont indiqués dans les annexes qui accompagnent chaque
accord de réadmission. Si les conditions sont satisfaites, l’Etat
requis établit le document de voyage nécessaire à la personne dont
la réadmission a été acceptée, d’une période de validité d’au moins
six mois.
15. Les accords de réadmission stipulent généralement aussi que
l’Etat requis réadmet sur son territoire, à la demande de l’Etat
requérant, tout ressortissant de pays tiers ou apatride qui ne remplit
pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée ou de séjour applicables
sur le territoire de l’Etat requérant, lorsqu’il est prouvé que cette
personne:
- a pénétré illégalement
sur le territoire de la partie requérante en arrivant directement
du territoire de la partie requise;
- détenait, au moment de son entrée, une autorisation de
séjour en règle délivrée par l’Etat requis;
- détenait, au moment de son entrée, un visa en cours de
validité délivré par l’Etat requis.
Lorsque les
conditions sont remplies, l’Etat requis établit sans tarder le document
de voyage nécessaire au retour de la personne à réadmettre, d’une
période de validité d’au moins six mois
.
16. Les «procédures détaillées et opérationnelles» évoquées dans
la définition susmentionnée définissent les modalités de renvoi
d’un migrant en situation irrégulière en application de l’accord.
Les dispositions précisant ces procédures concernent, entre autres,
les moyens de preuve établissant la nationalité de la personne concernée
que l’Etat de réadmission doit accepter, les opérations de transit,
la protection des données à caractère personnel, la mise en œuvre
et l’application territoriale de l’accord et des règles concernant
le coût et la protection des données. Les accords peuvent également
prévoir une clause dite de «non-incidence», stipulant que l’accord
en question n’affecte pas les droits de l’homme des migrants concernés,
ou faisant référence aux «obligations et responsabilités découlant
du droit international et des conventions ou accords internationaux
applicables…».
17. Des accords de réadmission ont été conclus sous diverses formes
depuis de nombreuses années. Trois grandes vagues peuvent être identifiées:
le XIXe siècle, les années 1950 et la troisième qui a démarré au
début des années 1990
. Au cours
des années 1990, la plupart des Etats membres de l’Union européenne
ont signé des accords bilatéraux de réadmission avec les pays les
plus importants pour eux s’agissant de la politique de migration.
Devant les difficultés croissantes dans la mise en œuvre des politiques
nationales de retour, les Etats membres de l’Union européenne ont
opté pour une action collective afin d’instaurer un climat de coopération
avec les Etats non membres.
18. Comme indiqué précédemment, des centaines d’accords bilatéraux
de réadmission ont été conclus. La Bulgarie, la France, l’Allemagne,
l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie et l’Espagne sont
les Etats membres de l’Union européenne les plus impliqués dans
la coopération bilatérale en matière de réadmission. La Bosnie-Herzégovine,
la Croatie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la Suisse
et l’Ukraine sont les Etats membres du Conseil de l’Europe non membres
de l’Union européenne qui coopèrent le plus au plan bilatéral avec
des Etats membres de l’Union européenne. L’Union encourage les Etats
avec qui elle a déjà conclu des accords de réadmission à signer
à leur tour d’autres accords avec des pays d’origine habituels.
19. Toutefois, dans certains cas, les pays peuvent s’entendre
sur la coopération en matière de réadmission sans pour autant formaliser
cette coopération par un accord de réadmission. Ils peuvent opter
en faveur d’instruments alternatifs permettant de coopérer en matière
de réadmission, en élargissant cette coopération à d’autres formes
d’assistance mutuelle ou sur d’autres types d’ententes, dont les
mémorandums d’accord et les échanges de lettres
.
20. En 1999, avec l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, les
Etats membres ont investi la Communauté européenne du pouvoir d’engager
des négociations sur les accords de réadmission qui, une fois conclus,
ont été mis à la disposition des Etats membres
. La compétence
en matière d’accords de réadmission fait l’objet de discussions.
La compétence exclusive de l’Union européenne dans ce domaine n’est
pas clairement établie et les Etats membres de l’Union européenne
la contestent. La pratique instaurée entre la Commission et les Etats
membres repose sur une compétence partagée, régie par certaines
règles. Les accords bilatéraux de réadmission conclus antérieurement
par les Etats membres de l’Union européenne restent en vigueur et
sont appliqués. Toutefois, les accords de réadmission de l’Union
européenne priment sur les accords négociés par les Etats. Les Etats
membres peuvent également signer des accords de réadmission avec
des pays qui ne sont pas couverts par le mandat du Conseil de l’Union
européenne évoqué ci-après. Bien que la Commission européenne soit
en charge de la négociation des accords de réadmission, elle ne
prend pas part à leur mise en œuvre. La décision d’éloigner une
personne et la demande de réadmission restent entièrement du ressort des
pays individuels
.
21. Comme susmentionné, les accords de réadmission de l’Union
européenne sont négociés par la Commission européenne, à laquelle
cette mission a été confiée par le Conseil de l’Union européenne.
Depuis 2000, les accords de partenariat et de coopération entre
l’Union européenne et des pays tiers, notamment l’Accord de Cotonou
et son article 13, contiennent des clauses demandant aux Parties
de réadmettre leurs propres ressortissants
.
22. Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté par
les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne lors du
Sommet européen d’octobre 2008, approuve et recommande la conclusion
d’accords de réadmission par l’Union européenne. Il précise que
l’efficacité des accords communautaires de réadmission sera évaluée
et que les Etats membres et la Commission se concerteront étroitement
à l’occasion de la négociation des futurs accords de réadmission.
Le programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert
et protège les citoyens – adopté en décembre 2009, évoque les accords
de réadmission comme un aspect important de la gestion des migrations
de l’Union européenne. Il estime que le Conseil européen devrait mettre
l’accent sur la présentation par «la Commission en 2010 d’une évaluation
des accords de réadmission de l’Union, y compris des négociations
qui sont en cours, et [qu’elle] propose un mécanisme pour surveiller leur
mise en œuvre. Sur cette base, le Conseil devrait définir une stratégie
renouvelée et cohérente en matière de réadmission, tenant compte
de l’ensemble des relations avec le pays concerné, y compris une
approche commune à l’égard des pays tiers qui ne coopèrent pas pour
ce qui est de réadmettre leurs ressortissants» (section 6.1.6).
23. Les accords bilatéraux de réadmission sont des traités internationaux
et doivent donc de ce fait, dans la grande majorité des pays, être
signés par le gouvernement de l’Etat partie et ratifiés par son
parlement et dans certains cas mis en œuvre dans le droit national
avant d’entrer en vigueur dans le pays concerné. Dans le cas des
accords de réadmission négociés par l’Union européenne, en vertu
du Traité de Nice, le Parlement européen était consulté et formulait
un avis non contraignant. Cette procédure a été modifiée par le
Traité de Lisbonne aux termes duquel les accords devront être ratifiés
par le Parlement européen (article 216). Les accords de réadmission
conclus par l’Union européenne ne sont pas ce que l’on appelle des
«accords mixtes» et ne nécessitent donc pas de ratification séparée
par les gouvernements ou les parlements des Etats membres.
24. Il est difficile d’obtenir des statistiques sur le nombre
de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission. Les Etats
n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier. Lorsque
des statistiques existent, elles concernent souvent les retours
sur un plan général et ne sont pas ventilées pour faire ressortir le
nombre de retours au titre d’accords de réadmission.
25. Certains chiffres ont néanmoins été avancés par les Etats
dans leurs réponses au questionnaire soumis par le rapporteur. L’accord
de réadmission de l’Union européenne avec la Russie est entré en
vigueur le 1er juin 2007 (la disposition relative aux ressortissants
de pays tiers entrera en vigueur le 1er juin 2010). Bien qu’ayant
signé des accords bilatéraux avec quelques Etats seulement afin
de mettre en œuvre l’accord de réadmission de l’Union européenne,
la Russie l’applique déjà dans la pratique à l’égard de ses propres ressortissants
illégalement présents sur le territoire des Etats membres de l’Union
européenne. En mai 2009, la Russie avait reçu 2 025 demandes de
réadmission émises par 16 Etats membres de l’Union européenne. Les
820 demandes accordées ont permis de renvoyer 211 ressortissants
russes. Près d’un tiers des personnes réadmises par la Russie ont
tenté de retourner dans le pays dont elles avaient été éloignées.
26. Dans sa réponse au questionnaire, l’Italie déclare avoir émis,
en 2008, 8 651 demandes de réadmission, dont 8 340 ont été acceptées.
Le nombre total de citoyens étrangers éloignés en 2008 en Italie
était de 9 606, dont une grande majorité en application d’accords
de réadmission. Il convient de noter qu’en 2008, 46 391 décisions
d’expulsion ou de rejet supplémentaires ont été prises à l’encontre
de migrants en situation irrégulière mais n’ont pu être appliquées.
Cette non-exécution est due pour l’essentiel au fait que les migrants concernés
n’avaient pas de passeports ou autres documents de voyage en cours
de validité. La Serbie a répondu à ce même questionnaire qu’en vertu
de ses 17 accords bilatéraux de réadmission, en 2007 le pays a reçu
2 577 demandes de réadmission dont 2 465 ont été acceptées. Les
chiffres correspondants pour 2008 étaient de 1 572 demandes, toutes
acceptées. L’Espagne a indiqué qu’elle était partie à 24 accords
de réadmission. En 2007, un total de 55 938 personnes ont été expulsées
ou se sont vu refuser l’entrée en Espagne. 6 248 de ces retours
découlaient de l’application d’accords de réadmission. Les chiffres correspondants
pour 2008 étaient de 46 426 et de 6 178.
3. Préoccupations
en matière de droits de l’homme soulevées par les accords de réadmission
3.1. Introduction
27. L’expulsion d’un migrant contre son gré est normalement
la conséquence d’une décision de retour prise en vertu du droit
national. Si le pays en question est un Etat membre de l’Union européenne,
la législation au titre de laquelle la décision est prise doit être
fondée sur la directive sur les retours de l’Union européenne
. Les
accords de réadmission sont un instrument permettant d’appliquer
de telles décisions. De ce fait, la mise en œuvre des accords n’intervient
qu’après que les autorités compétentes du pays d’envoi ont établi
qu’une personne n’a pas le droit de séjourner dans ce pays.
28. Bien que les pays aient la prérogative de décider qui est
autorisé à entrer et à séjourner sur leur territoire, une décision
d’expulsion est susceptible de violer les droits de l’homme de la
personne concernée, garantis par la Convention européenne des droits
de l’homme et d’autres instruments de protection des droits de l’homme.
C’est le cas, par exemple, si, à son arrivée dans le pays de renvoi,
la personne court le risque d’être soumise à la torture ou à un
traitement inhumain ou dégradant, tels que définis dans la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme, ou si cette personne
est privée de ses droits sociaux fondamentaux, notamment si elle
est renvoyée vers un pays autre que son pays d’origine, étant de
ce fait placée dans une situation insoutenable. Par ailleurs, une
expulsion peut constituer une violation des obligations qui incombent au
pays au titre de la Convention de Genève de 1951, si la personne
renvoyée risque d’être exposée à des persécutions. Le processus
menant à l’exécution de l’expulsion, y compris l’éloignement de
la personne, peut également soulever des préoccupations en matière
de droits de l’homme.
29. Ceux qui plaident l’utilité et le caractère non préjudiciable
des accords de réadmission soutiennent qu’il n’est pas pertinent
de s’interroger sur la conformité de ces accords avec les droits
de l’homme. Si un problème lié aux droits de l’homme survient –
ce qui peut parfaitement arriver –, c’est au moment de la prise
de décision de retour, et non au moment de son exécution en application
d’un accord de réadmission. En effet, les préoccupations en matière
de droits de l’homme auraient
déjà dû
être prises en compte au moment de la prise de décision. Les accords
de réadmission offrent un cadre juridique et sont avant tout un
instrument facilitant les retours. Ces accords assurent même la
transparence au sens où les conditions procédurales de la réadmission
sont clairement définies avant l’application de la décision de retour.
S’ils sont mis en œuvre avec soin, ces accords peuvent contribuer
à réduire la période d’incertitude ou de détention du migrant. Amnesty International,
par exemple, ne s’oppose pas par principe aux accords de réadmission
.
30. Ceux qui critiquent les accords de réadmission affirment au
contraire qu’il est pertinent de s’interroger sur la neutralité
de ces accords en termes de droits de l’homme. Ils avancent qu’on
ne peut isoler les divers maillons de la chaîne qui mène à l’expulsion
d’une personne – une décision de retour qui peut être discutable du
point de vue des droits de l’homme – et qu’il convient de considérer
le processus dans son ensemble. Les accords de réadmission sont,
selon eux, un élément important et indissociable de ce processus.
L’existence d’un accord de réadmission peut également encourager
la prise de mauvaises décisions de retour et, par voie de conséquence,
servir de catalyseur pour l’exécution de telles décisions contestables.
Il est essentiel dans ce contexte de prêter une attention particulière
aux droits des ressortissants de pays tiers, qui courent davantage le
risque de se retrouver en situation de vulnérabilité et pourraient
être privés d’accès à un système d’asile.
31. Par ailleurs, certains accords de réadmission contiennent
des dispositions sur des procédures accélérées aux frontières, qui
méritent un examen du point de vue des droits de l’homme. La rapidité d’exécution
d’une décision de retour au titre d’accords de réadmission peut
entraver l’accès de la personne éloignée à tous les recours juridiques
qui sont ou devraient être à sa disposition. D’importantes questions continuent
de se poser au sujet du suivi et de la collecte d’informations concernant
les accords de réadmission.
32. Parallèlement aux accords de réadmission officiels en place
entre les pays, on note également une forte augmentation d’autres
types d’accords de réadmission informels, tels que des mémorandums
d’accord, des échanges de lettres, une coopération informelle et
des pratiques concertées entre les autorités douanières ou les personnels
diplomatiques. Les accords de retour volontaire incluent également
des éléments de réadmission. Ce type de pratiques moins transparentes
constitue une menace particulière pour les droits de l’homme des
migrants en situation irrégulière et devrait être soigneusement
contrôlé.
33. Un problème particulier peut survenir dans les situations
où une demande de réadmission est formulée auprès d’un Etat qui
a succédé à un autre Etat au cours de la période passée par la personne
éloignée dans l’Etat requérant, ou auprès d’une région séparatiste
dont le statut, en vertu du droit international, n’a pas encore été
fixé. Cette question devrait être prise en compte par les Etats
lors de la signature ou de la mise en œuvre des accords de réadmission.
34. En 2007, l’Assemblée a adopté sa
Recommandation 1807 (2007) relative
aux programmes de régularisation des migrants en situation irrégulière
(rapporteur: M. John Greenway, Royaume-Uni, GDE). Aujourd’hui en
Europe, il existe des millions de migrants en situation irrégulière
qui ne retourneront jamais dans leur pays d’origine. Sur cette base,
cette recommandation exhorte les Etats membres à examiner l’option
des programmes de régularisation dans le cadre de leur stratégie
globale de lutte contre la migration irrégulière. Cette option devrait
également être prise en compte lors des discussions à propos des
retours en vertu des accords de réadmission. Le rapporteur encourage
les Etats membres à examiner la régularisation comme alternative
au retour.
3.2. Clauses de protection
des droits de l’homme
35. Les trois premiers accords de réadmission signés
par l’Union européenne prévoient une «clause de non-incidence» assez
sommaire. Cette clause stipule que l’accord «n’affecte pas les droits,
obligations et responsabilités de la Communauté, des Etats membres
et [du pays tiers] découlant du droit international et, notamment,
de toute convention internationale ou accord auxquels ils sont parties».
Ce n’est qu’à partir de l’accord signé avec l’Albanie en 2004 qu’une
référence explicite à plusieurs instruments des droits de l’homme, tels
que la Convention européenne des droits de l’homme, la Convention
de Genève de 1951 et la Convention des Nations Unies contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
de 1984, a été introduite dans certains accords de réadmission.
Les accords bilatéraux contiennent des clauses similaires, qui ne
sont cependant pas toujours mises en œuvre. C’est le cas dans les
pays où la procédure de réadmission prend souvent un caractère informel.
36. Les accords de réadmission ne prévoient généralement pas de
garanties quant à la non-application de l’accord dans certains cas
individuels. La raison tient probablement au fait que, face à des
préoccupations en matière de droits de l’homme, la décision même
de retour n’a pas à être prise et les accords de réadmission n’ont
donc pas à entrer en jeu.
37. Un autre problème peut naître. Considérant que les pays souhaitent
généralement réadmettre le moins de migrants possible, conditionnerle retour au respect des droits
de l’homme par le pays de réadmissionn’aurait
pas l’effet escompté et inciterait plutôt ce pays à ne pas respecter
les droits de l’homme (afin de prévenir tous les retours non souhaités).
Il s’agit cependant pour l’essentiel d’une observation théorique,
et rien ne devrait empêcher d’améliorer la protection en incluant
des garanties également dans les accords de réadmission. C’est d’ailleurs
une solution préconisée par le rapporteur. De cette manière, les migrants
bénéficieraient de garanties élargies et les obligations relatives
aux droits humains qui incombent aux parties seraient clairement
établies. Le point de départ pourrait être pour les pays d’envoi
de s’assurer, lors des négociations d’accords de réadmission, que
les instruments internationaux pertinents ont bien été ratifiés par
les pays d’accueil, mais aussi qu’ils sont correctement mis en œuvre.
38. Dans la présente discussion, il convient de rappeler que les
Parties contractantes ont bien évidemment déjà l’obligation de respecter
les droits de l’homme, puisqu’elles sont parties à des traités internationaux
y afférents. La nécessité d’aborder les droits de l’homme dans les
négociations tient au fait que ces obligations ne sont pas toujours
respectées. Les retours forcés depuis des Etats membres du Conseil
de l’Europe vers des pays où la pratique de la torture est avérée
de longue date ont soulevé de vives préoccupations et ont été mis
en lumière à maintes reprises par le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe.
3.3. Les accords de
réadmission peuvent-ils être les catalyseurs de décisions de retour
violant les droits de l’homme?
39. L’existence d’un accord de réadmission peut-elle
être une condition nécessaire, voire même encourager les autorités
à prendre des décisions de retour contestables, sachant que ces
décisions n’auraient pas été prises si l’accord n’avait pas été
en place?
40. Un exemple de ce type de situation pourrait être le retour
vers la Serbie, depuis des pays d’Europe occidentale ou centrale,
de demandeurs d’asile originaires du Kosovo
et de
la Serbie proprement dite, dont beaucoup sont roms. Ces retours
ont été remis en cause et critiqués en vertu des recommandations
de 2006 et de 2009 du HCR quant au retour des Roms et groupes apparentés
au Kosovo ou en Serbie proprement dite
. La position du HCR a été et reste que
les conditions sociales au Kosovo et en Serbie proprement dite et
la situation sécuritaire du Kosovo sont telles que les Roms et les
groupes apparentés ne devraient pas y être renvoyés.
41. Depuis octobre 2009, le Kosovo négocie des accords de réadmission
avec plusieurs Etats membres et en a signé certains, notamment avec
la France et l’Allemagne. De l’avis du Commissaire aux droits de
l’homme du Conseil de l’Europe, le Kosovo subit des pressions politiques
pour accepter ces accords, sans disposer du budget ou de la capacité
à accueillir ces personnes dans la dignité et la sécurité
.
Selon le directeur du Département kosovar pour la gestion des frontières,
l’asile et les migrations (DBAM), l’Allemagne est prête à demander
la réadmission de 18 500 Kosovars; 15 000 d’entre eux sont membres
d’une minorité et, parmi eux, on compte 11 500 Roms. On peut supposer
que l’entrée en vigueur d’un accord de réadmission constituera une
condition préalable au retour de ces personnes ou du moins facilitera
grandement ce retour
.
Depuis 1999, 92 000 Kosovars ont quitté volontairement l’Allemagne
pour rentrer chez eux tandis que 22 000 ont été forcés au retour,
selon le ministre allemand de l’Intérieur.
42. En 2002, l’Allemagne et ce qui était alors la République fédérale
de Yougoslavie ont signé un accord de réadmission régissant le retour
des individus qui n’étaient pas juridiquement fondés à demeurer
en Allemagne et dont beaucoup étaient roms. On peut supposer que
l’entrée en vigueur de cet accord de réadmission était une condition
préalable au retour de ces personnes, ou du moins un moyen de le
faciliter grandement, dans des conditions qui pouvaient cependant
s’avérer insupportables aux plans social et économique, sinon directement
au plan de la sécurité physique. Au moment où le rapporteur écrit
ces lignes, elle ne dispose d’aucune donnée statistique concernant
le nombre de réadmissions opérées de l’Allemagne vers la Serbie
au titre de cet accord de réadmission.
43. Au vu de la position du HCR et du Commissaire aux droits de
l’homme, évoquée ci-dessus, il est légitime de mettre en question
ces accords de réadmission, en termes de droits de l’homme. Le rapporteur
estime que le retour de migrants en situation irrégulière au Kosovo
et en Serbie proprement dite, et l’impact des accords de réadmission
apparemment cruciaux dans ce processus, devraient faire l’objet
d’un examen plus approfondi.
3.4. Ressortissants
de pays tiers, accès à l’asile dans les pays de transit et problème
du refoulement en chaîne
44. La question la plus sensible dans le contexte des
accords de réadmission est leur rôle dans l’éloignement de migrants
en situation irrégulière vers des pays dont ils ne sont pas citoyens.
Les ressortissants de pays tiers risquent d’être victimes d’un «refoulement
en chaîne» vers leur pays d’origine. Cela signifie qu’un migrant
sera renvoyé vers son pays d’origine sans avoir eu la possibilité
de soumettre une demande d’asile ou de voir cette demande examinée
dans le pays de renvoi ou le pays de transit dans lequel il a été
réadmis. Les ressortissants de pays tiers devraient être protégés
contre le refoulement en chaîne.
45. Il faut, toutefois, comprendre aussi qu’il peut se révéler
difficile de mettre en œuvre un accord de réadmission concernant
des ressortissants de pays tiers. La raison en est que le pays d’envoi
a beaucoup de mal à répondre aux critères et à fournir les éléments
de preuve requis par les accords. Il n’est, au fond, possible de
demander la réadmission d’un(e) ressortissant(e) d’un pays tiers
que si le/la ressortissant(e) en question est pris(e) sur le fait,
alors qu’il/elle passe illégalement la frontière ou si cette personne
est en possession d’un visa ou d’un permis de séjour délivré par
le pays de transit. Un fonctionnaire de la Commission européenne
a informé le rapporteur que le nombre de cas de réadmission de ressortissants
de pays tiers au titre des accords de réadmission de l’Union européenne
était effectivement très restreint. Néanmoins, comme l’on peut s’attendre
à une augmentation des renvois vers les pays de transit, il est
important de suivre attentivement cette évolution.
46. Il arrive que les Etats qui demandent la réadmission se déchargent
de toute responsabilité quant au sort de la personne concernée,
s’agissant de la possibilité d’accéder à un système d’asile. Cependant,
il ressort de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme
dans l’affaire
T.I. c. Royaume-Uni, que
l’Etat d’envoi a la charge de s’assurer que des garanties procédurales
sont bien en place dans le pays d’accueil et qu’elles sont effectives
pour l’intéressé
. Il est
nécessaire de se pencher sur le transfert de responsabilité de l’examen
des demandes d’asile sur un plan général, par exemple les politiques
de pays tiers sûrs. Bien que ces politiques ne soient pas incluses
dans les accords de réadmission, les deux systèmes travaillent de
concert. Une autre préoccupation importante, soulignée par le Conseil
européen pour les réfugiés et les exilés (CERE), est que les accords
de réadmission peuvent devenir de véritables barrières à la seconde
phase de l’accès à la procédure d’asile car ils peuvent faciliter
le retour dans un délai très court, empêchant ainsi l’accès à tout recours
juridique
.
47. Bien que l’on puisse estimer que le moment opportun pour procéder
à une évaluation des droits de l’homme est celui où est prise la
décision de retour, il convient de ne pas négliger le fait que la
situation dans le pays de réadmission peut changer entre la prise
de décision et son exécution en application d’un accord de réadmission.
48. Il peut arriver par ailleurs que le demandeur d’asile n’ait
pas eu sa demande examinée sur le fond, mais qu’il ait été débouté
en vertu du principe de «pays tiers sûr». Dans de tels cas, la réadmission
d’un demandeur d’asile sera envisagée sans que celui-ci ait bénéficié
d’une évaluation des risques dans sa situation personnelle. Le rapporteur
s’élève contre ce procédé et exhorte les Etats membres à évaluer systématiquement
les requêtes individuelles des demandeurs. Le rapporteur souligne
également le fait que le demandeur d’asile dont la demande n’a pas
été examinée sur le fond ne devrait jamais être envoyé vers un pays
autre que son pays d’origine et dans lequel il ne sera pas en mesure
de soumettre une demande d’asile ou de la faire examiner. Il ne
devrait bien sûr pas non plus être renvoyé dans son pays d’origine
avant qu’une suite négative n’ait été donnée à la demande d’asile
qui devra être examinée avec soin. Voici quelques exemples d’application
d’accords de réadmission ayant soulevé des inquiétudes pour des
ressortissants de pays tiers.
49. La Libye est un pays vers lequel sont renvoyés chaque année
de nombreux migrants en situation irrégulière non libyens en vertu
d’accords bilatéraux de réadmission. Le pays n’a pas signé la Convention
de Genève de 1951 et ne dispose pas d’un système d’asile. Les demandeurs
d’asile expulsés vers la Libye se retrouvent ainsi dans une situation
qui ne leur permet pas de soumettre une demande d’asile. Récemment,
les experts en matière de migration et d’asile ainsi que le grand
public ont découvert que l’Italie avait renvoyé en Libye des centaines
de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile éventuels
qui se dirigeaient vers les côtes italiennes. Les migrants ont été
interceptés en mer et n’ont même pas été autorisés à fouler le sol
italien
.
Il semble que cette action ait été menée en application d’un accord
bilatéral de réadmission, ou d’une clause de réadmission, conclu
entre les deux pays.
50. Les autorités italiennes ont affirmé que les navires qui avaient
intercepté en mer les
boat people comprenaient
des unités mobiles en charge des procédures de détermination de
l’asile. Aucune des demandes n’a poussé les autorités italiennes
à accorder le statut de réfugié ou la protection complémentaire, et
tous les
boat people ont immédiatement
été renvoyés en Libye. Il est probable que parmi eux se trouvaient des
personnes nécessitant une protection internationale. En 2008, d’après
les estimations, 75 % des personnes arrivées par la mer en Italie
demandaient l’asile et 50 % d’entre elles se sont vu accorder une certaine
forme de protection
.
51. Tout en reconnaissant les pressions particulières en termes
de migration auxquelles sont soumis les pays aux frontières de l’Europe,
le rapporteur condamne fermement toute action prise par les Etats
membres du Conseil de l’Europe pour évincer des migrants sans qu’ils
aient eu la possibilité d’exercer leur droit de soumettre, dans
la pratique, une demande d’asile. Pour que ce droit soit effectif,
c’est-à-dire pour que le demandeur d’asile soit en mesure de présenter
ses arguments de manière satisfaisante, il doit bénéficier d’un temps
suffisant pour se préparer, consulter des experts ainsi qu’un conseiller
juridique et réunir des éléments de preuve. Leur arrestation sur
un bateau, au beau milieu de la mer, après un périple long et dangereux,
n’est pas réellement propice à la formulation d’une demande d’asile
cohérente, même préliminaire. Le rapporteur doute fortement que
l’Italie ait respecté ses obligations au titre de la Convention
de Genève de 1951 en refoulant ces migrants vers la Libye.
52. Par conséquent, le rapporteur demande qu’il soit mis fin à
toute action similaire, que les accords de réadmission conclus entre
l’Italie et la Libye soient rendus publics dans leur intégralité
et que la situation et l’application de ces accords fassent l’objet
d’un examen rigoureux. Si les accords de réadmission sont une condition
préalable auxdits retours, et bien qu’ils soient neutres en eux-mêmes,
ils doivent néanmoins faire l’objet d’un examen attentif et être
remodelés de manière appropriée, voire annulés.
53. L’application de l’accord bilatéral de réadmission de 2001
entre la Grèce et la Turquie a suscité des préoccupations. Au titre
de cet accord, des citoyens irakiens et iraniens ont été renvoyés
de Grèce vers la Turquie. Certains des migrants seraient ensuite
retournés en Iran ou en Irak sans avoir eu la possibilité de demander
l’asile en Grèce ou en Turquie. La Turquie applique des limitations
à l’application de la Convention de Genève de 1951 aux ressortissants
non européens. La plupart des retours en question semblent néanmoins
être intervenus hors du cadre d’application de l’accord de réadmission.
54. La Mauritanie figure également au nombre des pays vers lesquels
les migrants en situation irrégulière sont renvoyés en application
d’un accord de réadmission. Dans un rapport de 2008, Amnesty International
a décrit le sort qui leur est réservé
.
La Mauritanie a accepté de signer, en 2003, un accord avec l’Espagne
qui la contraint à réadmettre sur son territoire non seulement les
citoyens mauritaniens mais également les ressortissants de pays
tiers dont il est «vérifié» ou «présumé» qu’ils ont tenté de rejoindre
l’Espagne à partir des côtes mauritaniennes. Plusieurs milliers
de ressortissants de pays tiers ont été réadmis en Mauritanie après
avoir tenté de rejoindre l’Espagne. Les personnes souhaitant déposer
une demande d’asile se sont retrouvées dans une situation problématique,
la Mauritanie ne disposant pas d’un véritable système d’asile. La Mauritanie
a par ailleurs fait savoir que la réadmission de ressortissants
de pays tiers, qui ont par la suite été expulsés de Mauritanie,
a causé des tensions avec les pays voisins.
55. L’Ukraine, qui est partie à plusieurs accords bilatéraux de
réadmission ainsi qu’à un accord avec l’Union européenne, a rencontré
des problèmes avec son système d’asile. Human Rights Watch plaide
en faveur de l’insertion d’une «clause transitoire» dans l’accord
de réadmission entre l’Union européenne et l’Ukraine. Cette clause
permettrait de retarder le renvoi de ressortissants de pays tiers
de l’Union européenne vers l’Ukraine jusqu’à ce que celle-ci offre
une protection effective et garantisse les droits de l’homme des
demandeurs d’asile. Aucune clause de ce type n’a toutefois été introduite.
56. L’Union européenne négocie avec la Libye la conclusion d’un
accord-cadre incluant une clause de réadmission. Le bilan en matière
de droits de l’homme et la présence d’un système d’asile efficace
de pays tels que l’Algérie, la Chine et le Maroc, avec lesquels
l’Union européenne souhaite conclure des accords de réadmission,
sont autant de domaines qui présentent de sérieuses lacunes. A l’exception
de la Libye, l’ensemble des pays d’Afrique du Nord ont ratifié la
Convention de Genève de 1951 et mis en place des bureaux du HCR.
Toutefois, aucun de ces pays ne dispose de son propre système d’asile
ou d’un cadre de protection juridique des réfugiés. L’Egypte est
le seul à proposer des permis de séjour. En décembre 2008, l’Egypte
a expulsé 1 200 Erythréens sans même les accueillir dans le centre
de rétention auquel le HCR a accès, où leur statut de réfugié aurait
pu être examiné
.
Les Etats membres se sont également montrés favorables à la négociation
d’accords de réadmission avec les pays qui ne disposent pas d’un
véritable système d’asile.
57. Le rapporteur note que le «système de Dublin» impose que chaque
demandeur d’asile entrant dans l’Union européenne voie au moins
une fois sa demande examinée sur le fond. Le rapporteur appelle
les Etats membres de l’Union européenne à ne pas violer ce principe
en renvoyant dans des pays hors de l’Union européenne des personnes
sans avoir procédé à un examen de leur demande d’asile, et à se
conformer à la Directive de qualification et à la Directive relative
aux procédures d’asile de l’Union européenne.
58. Par ailleurs, le rapporteur souligne l’importance de s’assurer,
avant de demander la réadmission d’un demandeur d’asile débouté,
que la personne concernée a eu accès à un recours effectif. Selon
la Cour européenne des droits de l’homme, un recours effectif implique
un examen par une autorité indépendante avec effet suspensif. Les
accords de réadmission devraient inclure cette exigence. Le refoulement
d’un demandeur d’asile alors qu’un tribunal n’a pas encore statué
sur son appel de la décision contrevient au principe de non-refoulement
et à l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme
. Au titre
de l’article 13 de la directive sur les retours, les pays de l’Union
européenne ont pour obligation de proposer une voie de recours effective
aux migrants en situation irrégulière faisant l’objet d’une décision
de retour.
3.5. Conditions en cas
de retour dans le pays d’origine ou dans un pays de transit
59. La situation des migrants rapatriés au Kosovo ou
en Serbie proprement dite, soulignée précédemment, traduit bien
les conditions économiques et sociales difficiles de la personne
en cas de retour. La durabilité du retour dans le pays peut être
mise en doute, la personne concernée se sentant alors souvent dans
l’obligation de quitter à nouveau rapidement le territoire. Les
ressortissants de pays tiers ou les apatrides rencontreront encore
plus de problèmes que les ressortissants du pays d’accueil. Les
personnes vulnérables, notamment les personnes ayant des enfants
en bas âge, les personnes âgées ou les femmes seules sont exposées
à davantage de risques encore. Il en va de même des membres des
minorités, par exemple les Roms, victimes de discrimination systémique
dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Le rapporteur
est d’avis que les accords de réadmission devraient contenir des
garanties additionnelles empêchant les retours susceptibles de ne
pas être durables.
60. Le pays d’envoi devrait systématiquement garantir aux migrants
en situation irrégulière l’accès aux droits économiques, sociaux
et culturels minimaux tant qu’ils se trouvent sur son territoire
. Si le migrant en situation irrégulière
ne peut être renvoyé dans son pays d’origine et si le pays de transit
vers lequel il est susceptible d’être dirigé n’est pas en mesure
d’assurer l’exercice de ces droits, le pays d’envoi devrait s’abstenir
de demander la réadmission. Le rapporteur estime qu’il est contraire
à la dignité humaine des migrants en situation irrégulière de les
expulser vers un pays autre que celui d’origine et dans lequel ils
risquent de se voir refuser l’accès aux droits fondamentaux tels
que le droit au logement, aux soins, à l’éducation primaire, au
travail et à la protection sociale, surtout s’ils sont supposés
rester bloqués dans ce pays tiers.
61. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a
informé le rapporteur que près d’un tiers des personnes récupérées
par la Fédération de Russie en application d’accords de réadmission
ont tenté de retourner dans les pays depuis lesquels ils avaient
été réadmis. Il semble de ce fait essentiel de prévoir une aide
à la réadmission et de la faire figurer dans les accords. Le Gouvernement
russe a engagé un programme d’évaluation de six mois pour les personnes
éloignées en application d’un accord de réadmission. Il est censé faciliter
l’identification de leurs besoins en termes notamment d’emploi et
de logement. D’après les rapports de l’OIM, en mai 2009, aucune
des personnes réadmises n’avait trouvé un emploi.
62. Human Rights Watch a constaté que les forces de sécurité libyennes
avaient pour habitude d’intercepter les réfugiés et autres migrants
entrant ou quittant le pays, ou proches des frontières. Quel que
soit le cas, les migrants auraient subi des violences physiques
de la part de membres de la police ou de gardiens de prison libyens,
ayant prétendument parfois entraîné la mort. Les migrants se sont
plaints du surpeuplement des établissements pénitentiaires, des
mauvaises conditions d’hygiène et d’alimentation, de l’absence d’explications
quant à leur détention et du déni d’accès à un avocat ou à un recours
judiciaire. La Libye réadmet de nombreux migrants en application
d’accords de réadmission.
63. Dans certains pays, au Maroc ou en Tunisie par exemple, le
fait de quitter le pays de manière irrégulière est érigé en infraction
pénale. Ainsi, en cas de retour, la personne réadmise est passible
d’une peine d’emprisonnement ou d’une lourde amende. Cette situation
est en violation du droit de toute personne de quitter tout pays,
y compris le sien
. Dans certains Etats,
l’entrée clandestine d’un étranger est également soumise au droit
pénal. Si la personne concernée est renvoyée dans ce pays après
l’avoir quitté, en tant que ressortissant d’un pays tiers, elle
est passible de sanction en cas de retour dans le pays de transit.
Le rapporteur est d’avis que les retours vers des pays où ce type
de scénario risque de se produire ne devraient pas intervenir et
que le recours à des accords de réadmission devrait dans ce cas
être exclu
.
64. Le HCR a souligné un problème particulier auquel sont exposés
les migrants en situation irrégulière renvoyés dans leur pays d’origine.
Les gouvernements des pays poussés à réadmettre des personnes sont susceptibles
d’adopter une position différente sur la question de la reconnaissance
de la citoyenneté. Il est arrivé parfois que les autorités d’un
pays auquel on avait demandé de réadmettre des citoyens aient nié
qu’il s’agissait de ressortissants de leur propre Etat. Le HCR a
déclaré: «le refus de réadmission peut, dans certaines circonstances,
équivaloir à une expulsion
de facto d’un
ressortissant ou d’un apatride par son propre pays, ce qui est interdit
par le droit international. Les mesures visant à se soustraire à
ces obligations internationales, y compris les obstacles administratifs
ou bureaucratiques et les retards injustifiés, sont contraires aux
principes généraux de coopération internationale et de bonne foi.
Elles peuvent également avoir des effets préjudiciables pour la
personne concernée qui, souvent détenue, bénéficierait d’un retour
rapide» (traduction non officielle)
.
3.6. Ressortissants
de pays tiers bloqués
65. Comme décrit précédemment, les ressortissants de
pays tiers peuvent être victimes de refoulement en chaîne. Mais
ils courent également le risque d’être bloqués dans le pays de transit.
Sans possibilité de retour par leurs propres moyens et même si le
pays d’origine ou de transit y est favorable, ils peuvent se trouver
dans l’incapacité d’exercer leur droit au retour dans leur pays
d’origine. D’un autre côté, il convient toutefois de rappeler que
les ressortissants de pays tiers peuvent être bloqués dans un pays,
en raison précisément de
l’absence d’accord
de réadmission entre cet Etat et leur pays d’origine
.
66. Bien que ce point puisse être déjà réglé dans la pratique
et consacré dans les accords de réadmission conclus par l’Union
européenne, les accords de réadmission devraient inclure une disposition
exigeant des Etats qu’ils tentent en premier lieu de renvoyer une
personne dans son pays d’origine. Il convient également de s’assurer
du respect de cette obligation dans chaque décision individuelle
de transfert. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette tentative qu’il
devrait être envisagé de renvoyer une personne dans un pays de transit
en application d’un accord de réadmission. Même si les Etats appliquent
ce principe, une question se pose: comment le pays de transit sollicité
sera-t-il en mesure d’identifier et de renvoyer la personne concernée
dans son pays d’origine si l’Etat requérant, qui dispose souvent
de ressources bien plus importantes, n’a pas été capable de le faire?
Le ressortissant d’un pays tiers réadmis risque ainsi de se retrouver
bloqué dans le pays de transit où il jouira de droits et possibilités
extrêmement limités, ou d’être renvoyé dans son pays d’origine sans
avoir eu la chance de soumettre une demande d’asile ou de bénéficier
d’un examen impartial et équitable d’une telle demande.
3.7. Contrôle externalisé
des migrations, procédures aux frontières et procédures d’asile accélérées
67. L’objectif des accords de réadmission est de faciliter
le retour des migrants en situation irrégulière. En tant que tels,
ils constituent désormais un outil important pour les pays européens
qui ont pour projet de se montrer plus sévères à l’égard des migrations
clandestines. Les accords de réadmission peuvent également être
perçus comme un élément de la politique fort critiquée «d’externalisation
du contrôle des migrations» adoptée par les pays européens
. L’obligation
faite à un pays non européen, en vertu des accords de réadmission,
de reprendre les ressortissants de pays tiers qui ont transité par
leur territoire, l’incite à durcir ses contrôles aux frontières.
Outre cela, l’Union européenne et les Etats membres individuels
exercent des pressions (en termes de commerce, aide, exigences de
visa, soutien politique) sur les pays en question. Il y a tout lieu
de craindre que ce transfert de responsabilité conduise dans la
pratique à un meilleur contrôle aux frontières, mais sans assurer
toutefois les garanties nécessaires aux demandeurs d’asile. Cette
conséquence éventuelle devrait inquiéter l’Union européenne. Les
pays de transit devraient de ce fait être aidés à organiser l’accès
à une procédure d’asile appropriée.
68. Les pays voisins de l’Union européenne sont confrontés à un
nombre croissant de demandeurs d’asile et d’autres migrants en transit
cherchant à rejoindre l’Union. L’Union européenne poursuit des partenariats avec
les pays qui ne disposent pas de système de gestion des migrants
et des demandeurs d’asile. Bien qu’il ne s’agisse pas obligatoirement
de «pays sûrs», il est opportun pour l’Union européenne de les qualifier
de tels. Les migrants en situation irrégulière sont renvoyés dans
ces pays en application d’accords de réadmission. Outre le risque
ainsi encouru par les demandeurs d’asile individuels et autres migrants,
ces Etats portent de ce fait la lourde responsabilité de l’identification,
de l’arrestation, de la détention et du refoulement des migrants,
ainsi que celle d’identifier les demandeurs d’asile et de leur offrir
l’accès à une procédure de détermination de l’asile juste et équitable.
69. L’OIM a communiqué au rapporteur une étude sur l’Albanie,
témoignant des problèmes rencontrés par un pays contraint d’appliquer
des accords de réadmission vis-à-vis de ressortissants de pays tiers.
La principale difficulté identifiée en Albanie lors de la mise en
œuvre des accords de réadmission tenait au sérieux manque d’échange
d’informations entre, d’une part, l’Etat requérant et, d’autre part,
l’Albanie et les pays voisins. Par ailleurs, les autorités albanaises
ont eu à faire face à l’arrivée massive aux postes frontière de personnes
éloignées, sans qu’elles soient préparées à répondre à leurs besoins
.
70. Les accords de réadmission entre l’Union européenne et respectivement
la Russie et l’Ukraine sont entrés en vigueur le 1er janvier 2008
et leurs dispositions respectives concernant les ressortissants
de pays tiers ont pris effet au 1er janvier 2010. Ces deux accords
contiennent des dispositions permettant la soumission d’une demande
de réadmission dans les deux jours ouvrés suivant l’interpellation,
à moins de 30 kilomètres de la frontière des deux pays concernés,
d’un migrant ayant franchi illégalement la frontière. Une réponse
doit être fournie dans les deux jours suivant la réception de la
demande et la personne concernée doit ensuite être expulsée dans
les deux jours ouvrés à compter de la date de la réponse. On peut
supposer que l’interpellation s’effectuera dans la majeure partie
des cas sur le territoire de l’Etat partie à l’accord autre que
la Russie ou l’Ukraine.
71. Cette disposition est source de préoccupation dans la mesure
où le laps de temps très court durant lequel la personne concernée
est autorisée à rester physiquement dans le pays de destination
risque de ne pas lui permettre de soumettre une demande d’asile.
En admettant que le demandeur d’asile y parvienne, il est de la
plus haute importance que la procédure de réadmission soit suspendue
jusqu’à ce que la demande ait fait l’objet d’un examen rigoureux.
Néanmoins, compte tenu de ce calendrier très serré, il y a beaucoup
de chances que la demande soit ignorée, surtout si elle est soumise
à des gardes-frontière qui ne disposent peut être pas de l’instruction
suffisante pour traiter ce type de demande ou si cette dernière
ne fait pas l’objet d’un examen attentif ou d’un recours effectif.
72. Une étude menée par Human Rights Watch a montré que, après
l’entrée en vigueur des accords de réadmission conclus entre l’Ukraine
et respectivement la Pologne et la Slovaquie, les polices des frontières polonaise
et slovaque qui interceptent les personnes en provenance de l’Ukraine
les ont renvoyées vers ce pays dans un délai de quarante-huit heures,
sans avoir cherché à connaître ou approfondir leur situation juridique
ou leur éventuel besoin de protection internationale
.
Le rapporteur souligne l’importance du respect des directives pertinentes
de l’Union européenne et du principe de non-refoulement. Par ailleurs,
les accords de réadmission en question devraient être interprétés
de manière large et leur mise en œuvre devrait faire l’objet d’un
suivi attentif. Toute personne ayant besoin de protection internationale
devrait immédiatement être convenablement informée de la procédure
d’asile, dans une langue qu’elle comprend, et se voir accorder suffisamment
de temps pour décider si elle souhaite déposer une demande d’asile
et, dans l’affirmative, pouvoir le faire dans la pratique.
3.8. La nécessité d’un
suivi et d’une formation
73. D’après ce que comprend le rapporteur, aucun processus
de suivi particulier n’est actuellement en place s’agissant des
retours au titre des accords de réadmission. Pour garantir que ces
accords ne conduisent pas à des violations des droits de l’homme
des migrants en situation irrégulière, leur mise en œuvre devrait
être étroitement surveillée, y compris la situation de ces migrants
en situation irrégulière après leur éloignement. Concernant les
Etats membres de l’Union européenne, le rapporteur se félicite de
l’article 8.6 de la directive sur les retours de l’Union européenne
selon lequel «les Etats membres prévoient un système efficace de contrôle
du retour forcé».
74. Tous les accords de réadmission devraient contenir des dispositions
claires protégeant les droits des migrants en situation irrégulière
et des demandeurs d’asile. Il s’agit notamment de leur droit à la
liberté physique et à la liberté par rapport à la détention arbitraire,
à la protection contre la torture ou autre mauvais traitement, de
leur droit d’accès à une procédure équitable et satisfaisante de
demande d’asile, à la protection contre le refoulement et le renvoi
vers un pays ou un territoire où ils risqueraient d’être victimes
de graves violations des droits de l’homme. Le suivi mis en place
devrait veiller au respect de ces dispositions.
75. Il est toutefois difficile de mettre en œuvre ce suivi dans
la mesure où il s’est avéré très coûteux. Cette tâche doit être
menée par un organe indépendant et des ONG pourraient en être chargées.
Par ailleurs, des délégations parlementaires d’organisations internationales
pourraient exercer un suivi dans les pays qui réadmettent des migrants
en application d’accords de réadmission. Le rapporteur a été informé
par le personnel de la Commission européenne qu’une commission de
suivi – une «commission mixte de réadmission» – se réunit régulièrement
pour étudier les accords de réadmission ainsi que les relations
entre les accords de réadmission de l’Union européenne et les accords
bilatéraux. Toutefois, cette commission examine uniquement les aspects
techniques de ces accords et non leur mise en œuvre. Le rapporteur
estime que le mandat de cette commission pourrait être étendu afin
d’englober les questions relatives à la protection des droits de
l’homme.
76. Il est important de veiller à ce que l’ensemble des fonctionnaires
et des personnes amenés à traiter les demandes d’asile soient convenablement
formés à l’exécution de leurs tâches, aux droits de l’homme et à
la législation sur les réfugiés. Cette formation devrait, bien entendu,
également porter sur la mise en œuvre des accords de réadmission.
Certaines initiatives et programmes de coopération sont déjà menés,
en vue notamment de former le personnel des pays accueillant des
personnes éloignées à la mise en œuvre de ces accords. A titre d’exemple,
deux séminaires ont été organisés à Varsovie dans le cadre du «processus
de Budapest», en septembre 2007 et 2008, sur le thème des retours
et des procédures de réadmission; un colloque intitulé «Mise en
œuvre pratique des accords de réadmission dans la région de l’Europe
du Sud-Est» a par ailleurs eu lieu à Zagreb en août 2009. Une première
conférence est prévue en mars 2010, dans le cadre du «processus
de Söderköping». Elle permettra d’examiner les politiques de retour
des Etats participants ainsi que l’application concrète des accords
de réadmission de l’Union européenne et de ceux concernant le Bélarus,
la Moldova et l’Ukraine. Le rapporteur est d’avis qu’il convient
d’institutionnaliser, de pérenniser et de soumettre à des critères
de qualité élevés la formation du personnel en charge des accords
de réadmission.
3.9. Statistiques et
transparence
77. Il est difficile d’obtenir des statistiques sur le
nombre de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission.
Les Etats n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier.
De nombreux accords de réadmission ne font l’objet d’aucune publication.
La situation des personnes éloignées est rarement évaluée et les
conséquences de l’application des accords de réadmission sur leur
situation le sont encore moins. Ce manque d’informations empêche
toute évaluation approfondie de ces instruments et il convient de
prendre des mesures pour y remédier.
78. Comme point de départ, il serait important de disposer de
statistiques sur la mesure dans laquelle ces accords de réadmission
sont mis en œuvre ainsi que sur leur degré d’efficacité en termes
d’acceptation et d’exécution des demandes de réadmission. Il serait
également utile de recueillir et d’analyser des données sur les
caractéristiques de ces retours: quel est le laps de temps écoulé
avant qu’ils aient lieu? Sont-ils précédés d’une période de détention?
Les personnes éloignées sont-elles ou non des ressortissants du
pays de réadmission? Qu’advient-il d’elles après leur retour? Dans
quelle mesure renouvellent-elles leur tentative de migration? Le
rapporteur encourage les gouvernements des Etats membres du Conseil
de l’Europe et la Commission européenne à travailler de concert
à l’élaboration d’un système de collecte de données et d’informations
de ce type. Cette opération pourrait être coordonnée par un mécanisme
de suivi spécifiquement établi à cet effet.
3.10. Le processus de
négociation
79. La négociation d’accords de réadmission implique
souvent deux parties au rapport de force déséquilibré. Pour les
Etats membres de l’Union européenne, la valeur ajoutée des accords
de réadmission négociés par l’Union européenne, comparativement
à celle d’accords bilatéraux, tient au fait que l’Union européenne
est davantage en position de force pour négocier que les pays individuellement.
Mais que cherchent réellement à négocier les parties? Il convient
en premier lieu de souligner que le pays de renvoi cherche à éloigner
le plus de migrants en situation irrégulière possible tandis que
le pays de réadmission souhaite en réadmettre le moins possible.
Les pays ayant pour obligation de réadmettre leurs propres nationaux,
la question essentielle porte de ce fait sur la réadmission de ressortissants
de pays tiers.
80. Des ONG et d’autres organisations insistent sur le rapport
de force déséquilibré entre les parties à la négociation qui peut
conduire à une «exploitation» des pays en position d’infériorité
par les Etats de renvoi jouissant d’une position plus forte. D’autres
n’abondent pas dans le même sens et affirment au contraire l’inverse,
c’est-à-dire que ce sont les pays les plus «faibles» qui exploitent
les plus forts aux fins d’obtenir des avantages de différentes sortes.
Le rapporteur est d’avis qu’il convient de définir des critères
de contrôle du respect et de la protection des droits de l’homme
avant même de sélectionner les pays avec lesquels il serait possible
d’ouvrir les négociations.
81. Le site web du ministère français des Affaires étrangères
contient un exemple des incitations offertes par un pays susceptible
de renvoyer des migrants en application d’un accord de réadmission.
Il y est expliqué que la France a décidé d’accorder au Pakistan
des concessions commerciales pour l’entrée de biens sur le marché
européen et qu’il existe un accord de coopération dans les domaines
du développement, de l’environnement et des sciences. Cet accord
est entré en vigueur en 2005 mais sa mise en œuvre est cependant
conditionnée à la signature par le Pakistan d’un accord de réadmission.
Cet exemple illustre bien le processus de négociation dans la pratique
au niveau bilatéral. Le Pakistan n’a pas ratifié la Convention de Genève
de 1951.
82. S’agissant des droits de l’homme, des représentants de la
Commission européenne prétendent que, dans le contexte de l’Union
européenne, la négociation d’un accord de réadmission n’est pas
le cadre idéal pour négocier avec des pays tiers sur les droits
de l’homme. Ce point devrait plutôt être abordé en liaison avec les
négociations sur les régimes de visa par exemple. Le rapporteur
peut comprendre cet argument. Dans ce type de négociations, c’est
l’Union européenne qui offre quelque
chose (libéralisation des obligations de visa) en contrepartie de
quelque chose d’autre (respect de facto accru
des droits de l’homme). Dans le cadre de négociations relatives
à des accords de réadmission, la situation est inversée. Ce n’est
pas l’Etat d’envoi, mais celui de réadmission qui propose un service,
en d’autres termes la réadmission de ressortissants de pays tiers jugés
indésirables au sein de l’Union européenne. Ce n’est donc pas le
moment approprié pour poser une obligation supplémentaire.
83. Cette explication permet peut-être de comprendre la logique
des accords de réadmission, mais elle ne signifie pas pour autant
que l’on doive exclure de ces accords les clauses relatives aux
droits de l’homme. Le fait d’insister sur l’inclusion de telles
clauses pourrait d’une certaine manière rendre plus difficile l’obtention
de résultats, compte tenu de l’argument avancé au paragraphe précédent.
Et pourtant, l’Union européenne doit garantir ces sauvegardes. Toute
hésitation d’un pays d’accueil à inclure ces dispositions peut à
juste titre être perçue comme une indication défavorable. Dans certains
cas, les accords de réadmission ne sont rien d’autre qu’un moyen
d’engager des négociations plus larges sur des sujets tels que le
commerce et les régimes de visa. Dans ce type de négociations, l’aspect
des droits de l’homme peut être plus facile à inclure. La transparence
du processus est essentielle.
84. Les faits suivants ressortent des réponses au questionnaire
adressé par le rapporteur aux gouvernements des Etats membres dans
le cadre de la préparation du présent rapport et illustrent le processus de
négociations des accords de réadmission. L’Allemagne, l’Italie et
la Pologne ont été choisis comme exemples.
85. L’Allemagne a indiqué que les problèmes posés par les pays
d’origine et de transit, dans la négociation d’accords de réadmission
et leur mise en œuvre, sont dus pour l’essentiel à des facteurs
politiques internes (fréquent changement de gouvernement, par exemple)
et à une certaine instabilité économique (catastrophes naturelles
ou crise financière).
86. Les autorités italiennes ont estimé que les problèmes interviennent
principalement au niveau de la mise en œuvre de ces accords et résultent
généralement du manque de collaboration entre les parties. Les autorités italiennes
ont indiqué que les autres parties aux accords de réadmission ne
respectaient pas les procédures et modalités d’application de ces
accords (interrogatoire de la personne à réadmettre, réponse à la
demande de réadmission, délivrance des documents de voyage dans
les délais impartis, motivation écrite d’un refus de demande de
réadmission).
87. La Pologne a fait part de difficultés tant dans le cadre du
processus de négociation, qui nécessite parfois des incitations
politiques ou économiques, que dans la mise en œuvre des accords.
L’application des accords de réadmission soulève des problèmes d’ordre
divers: difficultés à obtenir une réponse aux demandes de réadmission,
la confirmation de la citoyenneté et l’obtention en temps voulu
des documents de voyage nécessaires aux personnes éloignées. La
Pologne a toutefois indiqué que la situation est en voie d’amélioration.
88. Les autorités allemandes ont précisé, quant à elles, ne pas
établir de liens directs entre d’éventuelles mesures incitatives
et les accords de réadmission dans la mesure où cela contreviendrait
au principe selon lequel les pays d’origine sont contraints de réadmettre
leurs propres ressortissants sans aucun préalable. Les autorités
allemandes ont néanmoins reconnu que, dans leur expérience des relations
entre les pays d’origine, de transit et de destination, une collaboration
étroite en matière de réadmission peut favoriser la coopération dans
d’autres domaines.
89. L’Italie propose des mesures incitatives plus ouvertes et
directes pour favoriser la coopération en matière de réadmission.
Elle a souvent offert aux pays réticents à conclure un accord dans
ce domaine en raison des coûts économiques, sociaux et politiques
des quotas préférentiels pour les visas d’entrée et des programmes
d’assistance technique basés sur la fourniture d’équipements. Compte
tenu du nombre important de demandes de réadmission émises par l’Italie
et du pourcentage élevé d’acceptation (voir paragraphe 26), cette
politique semble bien fonctionner. La Pologne propose une assistance
technique et un échange de bonnes pratiques. Par exemple, en 2008,
le ministère polonais de l’Intérieur a accueilli des experts de
Sierra Leone dans le cadre d’un projet visant à renforcer les capacités
des services frontaliers de Sierra Leone et à faciliter le dialogue
avec les services migratoires des deux pays. La Pologne, l’Italie
et l’Allemagne cherchent toutes trois à promouvoir les retours volontaires
.
4. Conclusion et
propositions
90. Dans l’évaluation des accords de réadmission, il
est important de ne pas confondre la perspective de ces accords
sous l’angle de la politique migratoire avec la question essentiellement
juridique de leur compatibilité avec les droits de l’homme. De l’avis
du rapporteur, ces accords de réadmission présentent des avantages
en termes de gestion des migrations et sont, de prime abord, neutres.
Ils permettent un certain degré de prévisibilité au sens où les
conditions de réadmission sont clairement établies avant l’application d’une
décision de retour. Mis en œuvre avec soin, l’accord de réadmission
peut contribuer à humaniser davantage le processus de retour en
raccourcissant la période d’incertitude de la personne concernée,
ainsi que la durée de détention. Considérer les accords de réadmission
comme un aspect positif de la politique migratoire devrait nécessairement
s’accompagner de la certitude qu’ils ne posent pas de problèmes
sérieux en matière de droits de l’homme.
91. Plusieurs points sont à évoquer en ce qui concerne les incidences
de ces accords en matière de droits de l’homme. L’existence d’accords
de réadmission peut accélérer la prise de décisions de réadmission contestables,
comme cela a été par exemple le cas avec le retour de Roms de l’Europe
occidentale vers la Serbie et d’autres pays. Une fois encore, l’accord
de réadmission en tant que tel est neutre et le problème est lié
à la décision d’expulser la personne concernée. Néanmoins, les accords
de réadmission étant une condition nécessaire à la mise en œuvre
de ces décisions, ils devraient au minimum contenir des clauses
rappelant les obligations des Etats parties en termes de droits
de l’homme et d’asile, et faire du respect de ces obligations une
condition préalable à tout recours à ces accords.
92. Les accords de réadmission devraient donc répéter l’obligation,
qui incombe tant au pays d’envoi qu’au pays d’accueil, de respecter
les droits de l’homme de toute personne réadmise sur le territoire
et de ne pas demander la réadmission si le moindre soupçon de non-respect
ou d’incapacité à protéger les droits de l’homme pèse sur l’autre
partie. Lors de la négociation, de l’élaboration et de la mise en
œuvre des accords de réadmission, une attention particulière devrait
généralement être portée à la situation des ressortissants de pays
tiers.
93. Il convient de s’assurer que le pays de transit dans lequel
la personne est réadmise offre un accès effectif à une véritable
procédure d’asile et que le pays d’envoi lui notifie si une demande
d’asile n’a pas encore été examinée sur le fond ou si le demandeur
d’asile n’a pas été en mesure de bénéficier d’un recours effectif. Le
rapporteur souligne que, même en cas d’application du concept de
pays tiers sûr, il convient de procéder à une évaluation individuelle
et de proposer un recours effectif au demandeur d’asile avant de
le renvoyer. Il est nécessaire de se pencher sur le transfert de
responsabilité de l’examen des demandes d’asile sur un plan général,
lié à des dispositions qui ne sont généralement pas incluses dans
les accords de réadmission, telles que les politiques de pays tiers
sûr. Cependant, les deux systèmes fonctionnent de concert. Il est
indispensable de garantir l’effet suspensif de toute demande d’asile
et de tout recours introduit en cas de refus, ce qui n’est actuellement
pas le cas dans bon nombre d’Etats membres. Il conviendrait de mettre
en place des accords spéciaux relatifs à la détermination de la
nationalité.
94. Le rapporteur condamne fermement toute action des Etats membres
du Conseil de l’Europe qui aurait pour conséquence de rejeter ou
de repousser vers leurs pays d’origine ou des pays de transit des
demandeurs d’asile sans qu’ils aient eu la possibilité de déposer
effectivement une demande d’asile. Cela s’applique d’autant plusaux pays d’accueil qui ne disposent
pas d’un système d’asile adéquat.
95. Il convient de définir au préalable les critères de respect
et de protection des droits de l’homme à appliquer lors de la sélection
des pays avec lesquels les négociations pourraient être engagées.
Ces critères devraient inclure la présence dans ces pays de garanties
appropriées en matière de droits de l’homme et le respect du principe
de non-refoulement.
96. Les Etats membres ne devraient demander la réadmission d’un
ressortissant d’un pays tiers qu’après s’être assurés de l’impossibilité
du retour dans son pays d’origine et, s’agissant des demandeurs
d’asile dont la demande n’a pas été examinée sur le fond, que le
pays de transit est un pays tiers sûr pour la personne concernée.
97. Avant de demander à un pays de transit de réadmettre un migrant
en situation irrégulière, il convient de s’assurer au préalable
que le pays requis est en mesure de garantir à la personne éloignée
une situation viable, ou, au minimum, l’accès aux droits sociaux
de base. Si ces conditions ne sont pas remplies, le pays d’envoi devrait
s’abstenir de mettre en œuvre la réadmission et accorder en tout
état de cause au migrant l’accès aux droits sociaux minimaux tant
qu’il séjourne sur son territoire.
98. L’application des accords de réadmission aux ressortissants
de pays tiers étant récente, le nombre de ressortissants transférés
vers un pays de transit en vertu d’un tel accord est faible. Cependant,
la situation risque d’évoluer rapidement. Un pays de transit n’étant
soumis à aucune obligation légale de réadmettre un ressortissant
de pays tiers, le rapporteur aimerait souligner la question morale
qu’il convient de se poser, en l’occurrence celle-ci: est-il bon
que les Etats membres du Conseil de l’Europe transfèrent leur responsabilité
à l’égard des migrants en situation irrégulière à des pays dont
la situation économique et en matière de primauté du droit est généralement
moins enviable? Même si ces pays ont signé un accord pour la réadmission
de ressortissants de pays tiers, il n’est pas clairement établi
qu’ils puissent et veuillent assumer la responsabilité de ces personnes.
99. Si les Etats membres usent de «carottes» telles que des avantages
commerciaux, des programmes d’assistance ou la libéralisation des
visas, les pays de transit seront incités à signer les accords sans
prendre en considération les conséquences en termes de dignité humaine
des migrants. Les Etats membres devraient de ce fait avoir conscience
de l’incidence que peut avoir l’arrivée massive de ressortissants
de pays tiers sur ces pays parfois fragiles. Par ailleurs, ils devraient
être très prudents lorsque, dans le cadre d’un accord, ils transfèrent
leur propre responsabilité à l’égard des migrants sur d’autres pays.
100. Les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne
tireraient avantage à travailler en étroite collaboration avec les
ONG, souvent extrêmement impliquées et ayant une connaissance approfondie des
faits pertinents, et avec des organisations internationales telles
que le HCR et l’OIM. Le suivi de la mise en œuvre des accords de
réadmission pourrait être entrepris en coopération avec la société
civile. Le rapporteur estime que cette tâche est essentielle pour
sauvegarder les intérêts des migrants et mieux comprendre les rouages
des accords de réadmission. Il est important que ce suivi soit effectué
par des pouvoirs indépendants.
101. La collecte de statistiques est également cruciale. Le rapporteur
encourage les Etats membres du Conseil de l’Europe et la Commission
européenne à travailler ensemble à la compilation de données nationales
en vue de l’élaboration d’un rapport annuel sur l’application des
accords de réadmission. Les pays doivent faire preuve d’une transparence
accrue afin de faciliter la collecte de données statistiques et l’évaluation
de ces accords. C’est d’autant plus vrai compte tenu des nombreux
accords de réadmission informels auxquels les Etats membres ont
actuellement recours.
102. Comme beaucoup de pays, et notamment les pays de réadmission,
ne sont pas toujours parfaitement informés de la procédure à suivre
pour mettre en œuvre les accords, il est recommandé de développer
des programmes de formation pour les pays accueillant les personnes
éloignées et d’assurer un suivi de ceux déjà menés.
103. Le rapporteur est convaincue de la nécessité de mener des
investigations plus approfondies, tant au plan qualitatif que quantitatif,
sur les accords de réadmission et leurs conséquences. C’est le seul
moyen de déterminer leur impact en matière de droits de l’homme.
***
Commission chargée du rapport:
commission des migrations, des réfugiés et de la population
Renvoi en commission: Doc. 11519, Renvoi
3429 du 14 avril 2008
Projet de résolution et projet
de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission
le 28 janvier 2010
Membres de la commission: M.
John Greenway (Président),
M. Giacomo Santini (1er Vice-Président), M. Tadeusz Iwiński (2e Vice-Président), Mme
Tina Acketoft (3e Vice-Présidente),
M. Francis Agius, M. Pedro Agramunt, M. Francisco Assis (remplaçante:
Mme Ana Catarina Mendonça),
M. Alexander van der Bellen, M.
Ryszard Bender, M. Márton
Braun, M. André Bugnon, M.
Sergej Chelemendik, M. Vannino Chiti, M. Christopher Chope (remplaçant:
M. Michael Hancock), M. Desislav
Chukolov, M. Boriss Cilevičs,
M. Titus Corlăţean, Mme Claire Curtis-Thomas (remplaçant: Lord Donald Anderson), M. David Darchiashvili (remplaçant:
M. Guiorgui Kandelaki), M.
Nikolaos Dendias,M. Arcadio Díaz Tejera, M. Tuur
Elzinga (remplaçante: Mme Tineke Strik),
M. Valeriy Fedorov, M. Oleksandr
Feldman, M. Relu Fenechiu, Mme Doris Fiala,
M. Bernard Fournier, M. Aristophanes Georgiou, M. Paul Giacobbi,
Mme Angelika Graf, Mme Annette Groth, M. Michael Hagberg (remplaçant:
M. Göran Lindblad), Mme Gultakin
Hajibayli, M. Doug Henderson, Mme Anette Hübinger,
M. Jean Huss, M. Denis Jacquat,
M. Zmago Jelinčič Plemeniti, M. Mustafa Jemiliev, M. Tomáš Jirsa, Mme Corien W.A. Jonker, M. Reijo Kallio, M. Ruslan
Kondratov, M. Franz Eduard Kühnel, M.
Geert Lambert, M. Pavel Lebeda, M. Arminas Lydeka, M. Jean-Pierre
Masseret, M. Slavko Matić, Mme Nursuna Memecan, M. Ronan Mullen
(remplaçant: M. Frank Fahey),
M. Gebhard Negele, Mme Korneliya Ninova, Mme Steinunn Valdís Óskarsdóttir,
M. Alexey Ostrovsky, M. Evangelos Papachristos,
M. Jørgen Poulsen, M. Cezar
Florin Preda, M. Gabino Puche, M. Milorad Pupovac,
M. Volodymyr Pylypenko, Mme Mailis Reps, M. Branko Ružić,M. Džavid Šabović,M. Samad Seyidov, M. Joachim Spatz,
M. Fiorenzo Stolfi, M. Giacomo Stucchi,
M. László Szakács, Mme Elke Tindemans,
M. Dragan Todorović, Mme Anette Trettebergstuen, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Michał Wojtczak (remplaçant:
M. Bronisław Korfanty), M.
Marco Zacchera, M. Yury Zelenskiy, M. Andrej Zernovski,
Mme Naira Zohrabyan
N.B. Les noms des membres ayant pris part à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: M.
Neville, Mme Odrats, M. Ekström