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Rapport | Doc. 12168 | 17 mars 2010

Les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation irrégulière

(Ancienne) Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteure : Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC

Résumé 

Les accords de réadmission reprennent et précisent l’obligation pour un pays de réadmettre ses propres ressortissants. Certains accords de réadmission énoncent également les conditions dans lesquelles les Etats parties sont contraints de réadmettre les ressortissants de pays tiers qui ont transité par leur territoire. Les partisans des accords de réadmission soulignent la neutralité de ces accords en termes de droits de l’homme et les qualifient de simple outil d’éloignement des migrants en situation irrégulière. Les plus sceptiques évoquent le risque que les accords de réadmission fassent peser une menace sur les droits de l’homme des migrants en situation irrégulière et sur le droit des personnes qui ont besoin d’une protection internationale de ne pas faire l’objet d’un refoulement.

La principale source de préoccupation a trait à la réadmission de ressortissants de pays tiers. Les migrants en situation irrégulière qui sont expulsés dans un pays autre que leur pays d’origine risquent de se retrouver dans une situation insoutenable en termes, notamment, de droits sociaux. De plus, les ressortissants de pays tiers sont susceptibles d’être renvoyés dans leur pays d’origine sans avoir eu la possibilité de soumettre une demande d’asile dans l’un ou l’autre des pays dans lesquels ils ont transité. A ce jour, nous n’avons que peu d’expérience de la réadmission de ressortissants de pays tiers, dans la mesure où les accords de réadmission de l’Union européenne ne s’appliquent à ce groupe que depuis l’année 2007. Toutefois, le nombre de renvois dans des pays de transit risquant d’augmenter, il est important de prêter une attention particulière à cette évolution. S’agissant de la mise en œuvre des accords de réadmission, les statistiques font défaut.

L’Assemblée parlementaire recommande aux Etats membres et à l’Union européenne de ne négocier des accords de réadmission et de ne les appliquer que dans le cas de pays qui respectent les droits de l’homme et disposent d’un système d’asile fonctionnant bien. Il leur appartient de veiller à ce que les accords de réadmission comportent des garanties juridiques appropriées en termes de droits de l’homme. Elle invite également les Etats membres à recueillir des statistiques sur la mise en œuvre des accords de réadmission et à étudier leur incidence, ainsi qu’à envisager d’établir un mécanisme de suivi de leur application.

A. Projet de résolution

(open)
1. Les accords de réadmission reprennent et précisent l’obligation pour un Etat de réadmettre ses propres nationaux et énoncent les conditions dans lesquelles les Etats parties à de tels accords sont contraints de réadmettre les ressortissants de pays tiers ayant transité par leur territoire. Ils facilitent et accélèrent l’exécution des décisions de retour relatives aux migrants en situation irrégulière et peuvent inciter les pays d’origine ou de transit à renforcer leur contrôle des migrations. Selon le point de vue où on se place, les accords de réadmission peuvent être considérés comme un élément important des stratégies de gestion des migrations des Etats membres du Conseil de l’Europe, ou comme un moyen de faciliter les décisions de retour contestables ou encore comme un composant des politiques critiquées «d’externalisation du contrôle des migrations» des pays européens.
2. On peut avancer que les accords de réadmission assurent la transparence puisqu’ils énoncent clairement les conditions procédurales de réadmission avant l’exécution d’une décision de retour. Si l’on fait montre de prudence dans leur mise en œuvre, les accords peuvent contribuer à réduire la période d’incertitude ou de détention du migrant en facilitant et en accélérant l’exécution des décisions de retour. Les partisans des accords de réadmission soulignent la neutralité de ces accords en termes de droits de l’homme et les qualifient de simple outil d’éloignement des migrants en situation irrégulière. C’est habituellement la prise de décision d’expulser la personne concernée, en d’autres termes la décision de retour, qui peut soulever certaines inquiétudes en matière de droits de l’homme et non l’exécution de cette décision au moyen d’un accord de réadmission, à moins que la situation dans le pays de réadmission ait changé dans l’intervalle.
3. Les accords de réadmission risquent néanmoins de poser une menace, directe ou indirecte, sur les droits de l’homme des migrants en situation irrégulière ou des demandeurs d’asile. Il s’agit notamment du risque que le pays d’envoi ou de réadmission n’honore pas ses obligations au titre de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (la Convention de Genève de 1951) et son Protocole de 1967 ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme, puis recoure à un accord de réadmission pour traduire dans les faits une décision erronée. Le processus de retour doit être considéré dans son ensemble, les accords de réadmission en constituant un élément important.
4. La principale source de préoccupation a trait à la réadmission de ressortissants de pays tiers. Les migrants en situation irrégulière qui sont renvoyés dans un pays autre que leur pays d’origine risquent de se retrouver dans une situation insupportable. Les ressortissants de pays tiers risquent de faire l’objet de ce qu’il est convenu d’appeler un refoulement «en chaîne», en d’autres termes d’être renvoyés dans leur pays d’origine sans avoir eu la possibilité de soumettre une demande d’asile ou sans que celle-ci n’ait été examinée dans aucun des pays traversés. Certains accords de réadmission prévoient des procédures accélérées aux frontières susceptibles d’empêcher les migrants de présenter une demande d’asile ou de donner lieu à une évaluation de leur cas de piètre qualité.
5. Il est difficile d’obtenir des statistiques sur le nombre de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission. Les Etats n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier. La situation des personnes éloignées est rarement évaluée. Ce manque d’informations empêche toute appréciation approfondie de ces instruments.
6. Il est essentiel de négocier et d’appliquer les accords de réadmission en prenant pleinement en compte les droits de l’homme des migrants en situation irrégulière concernés. Pour mieux comprendre et évaluer ces instruments, il est par ailleurs indispensable de recueillir des données relatives à leurs effets induits et à leur mise en œuvre. C’est pourquoi l’Assemblée parlementaire appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.1. à ne conclure des accords de réadmission qu’avec les pays qui se conforment pleinement aux normes pertinentes en matière de droits de l’homme et à la Convention de Genève, ont mis en place de véritables systèmes d’asile, protègent le droit à la liberté de circulation de leurs ressortissants et n’érigent pas en infraction pénale les entrées ou les départs irréguliers du pays en question;
6.2. à respecter pleinement les obligations qui leur incombent au titre de la Convention européenne des droits de l’homme et notamment de son article 3, de la Convention de Genève de 1951 et d’autres instruments des droits de l’homme et appliquer les 20 principes directeurs du Conseil de l’Europe sur le retour forcé lorsqu’ils réadmettent des migrants en situation irrégulière en application d’un accord de réadmission ou qu’ils demandent l’exécution d’une décision de retour d’un migrant en situation irrégulière en vertu d’un tel accord;
6.3. à ratifier et respecter pleinement le Protocole no 4 à la Convention européenne des droits de l’homme qui interdit notamment les expulsions collectives d’étrangers;
6.4. à respecter les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur la protection des droits de l’homme dans le contexte des procédures d’asile accélérées;
6.5. à s’assurer que préalablement à la mise en œuvre d’un accord de réadmission, les demandeurs d’asile ont eu la possibilité de soumettre une demande d’asile et ont bénéficié du droit à un recours effectif avec effet suspensif qui implique un examen de l’affaire en fait et en droit par une autorité nationale indépendante;
6.6. à vérifier, en cas d’application du concept de «pays tiers sûr» vis-à-vis de demandeurs d’asile dont les requêtes ne font pas l’objet d’un examen au fond, que le pays de destination est sûr pour la personne concernée, notamment qu’il respectera ses droits de l’homme, offrira accès à une procédure d’asile et se conformera à la Convention de Genève de 1951;
6.7. à inclure dans les accords de réadmission une disposition exigeant d’un pays d’envoi qu’il s’efforce systématiquement en premier lieu de renvoyer la personne concernée dans son pays d’origine, avant de solliciter sa réadmission dans un pays où elle n’aura fait que transiter;
6.8. à inclure dans les accords de réadmission une disposition imposant au pays requérant, avant toute demande de réadmission par un pays tiers, de vérifier que le pays sollicité accordera à la personne concernée l’accès aux droits sociaux minimaux. Si cette vérification s’avère impossible, il ne doit pas être procédé à la réadmission et le pays requérant doit accorder l’accès à ces droits à la personne concernée durant toute la durée de son séjour dans ce pays;
6.9. à veiller à ce que le ressortissant d’un pays tiers réadmis ne reste pas bloqué dans un pays de transit sans possibilité de retour dans son pays d’origine;
6.10. à étudier l’impact des dispositions des accords de réadmission prévoyant la mise en œuvre de procédures accélérées pour les migrants appréhendés près de la frontière entre les parties aux fins d’évaluer si ces pratiques ne sont pas contestables;
6.11. à s’assurer que les accords de réadmission contiennent des garanties juridiques appropriées afin de protéger les migrants contre toute violation de leurs droits de l’homme et énoncent clairement leurs droits, s’agissant notamment des catégories vulnérables;
6.12. à veiller à ce qu’aucun élément de preuve ou information relatif à une demande d’asile déposée dans le pays d’envoi ne soit communiqué au pays d’origine de la personne concernée;
6.13. à veiller à ce que les accords de réadmission prévoient l’instauration d’un système permettant de suivre et d’évaluer correctement leur mise en œuvre ainsi que l’élaboration, par les autorités compétentes du pays de réadmission, d’un rapport public annuel donnant au minimum des indications statistiques sur le sort des personnes réadmises (détention, mise en liberté, expulsion, accès au système d’asile, etc.);
6.14. à abandonner les anciens accords bilatéraux de réadmission et les remplacer par des accords plus actuels et pleinement respectueux des normes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme;
6.15. à entreprendre des études quantitatives et qualitatives sur le fonctionnement et l’impact des accords de réadmission auxquels ils sont parties, aussi bien dans les pays de réadmission que d’envoi, afin d’évaluer s’ils sont susceptibles de donner lieu à des abus des droits de l’homme;
6.16. à veiller à ce que les accords de réadmission soient toujours rendus publics;
6.17. à éviter le recours à des accords de réadmission informels, ou du moins veiller à l’application également aux accords de ce type des recommandations formulées dans la présente résolution;
6.18. à solliciter la coopération de la Commission européenne afin de mettre en place des organes de suivi appropriés et de coordonner la collecte et l’analyse de données statistiques sur les accords de réadmission;
6.19. à mettre en place des systèmes de formation pour les gardes-frontière, les fonctionnaires et autres personnes impliquées dans la mise en œuvre des accords de réadmission, tant dans les pays d’envoi que de réadmission;
6.20. à envisager, le cas échéant, des programmes de régularisation comme alternative au retour des migrants en situation irrégulière.
7. L’Assemblée invite l’Union européenne à prendre en compte les recommandations formulées dans la présente résolution lorsqu’elle négocie et promeut ses accords de réadmission, en veillant à ce que ces derniers soient cohérents avec les normes pertinentes en matière de droits de l’homme, notamment l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et qu’ils n’incitent pas les Etats membres à adopter des politiques de retour contraires à ces normes, à publier toutes les statistiques relatives aux réadmissions et à instaurer un mécanisme de suivi concernant les accords de réadmission. En particulier, l’Union européenne est invitée:
7.1. à examiner attentivement la situation en matière de droits de l’homme et la présence d’un système d’asile efficace dans un pays avant d’engager avec ce dernier des négociations sur la conclusion d’un accord de réadmission;
7.2. à user de sa position de force dans les négociations pour promouvoir dans les accords de réadmission l’insertion de dispositions de protection des droits de l’homme des personnes auxquelles ces accords seront appliqués;
7.3. à inclure dans ses accords de réadmission une condition d’application établissant que le demandeur d’asile concerné aura eu accès au préalable dans l’Etat membre de l’Union européenne à un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, et que ces accords ne seront pas appliqués tant que les autorités compétentes n’auront pas statué sur le recours du demandeur d’asile;
7.4. à inclure dans ses accords de réadmission une condition d’application établissant que les ressortissants de pays tiers ne sont pas envoyés dans des pays de transit où leur dignité humaine risque d’être menacée en termes de droits sociaux;
7.5. à charger une instance appropriée de suivre la mise en œuvre par les Etats membres des accords de réadmission négociés sous l’égide de l’Union européenne et d’assurer une formation pertinente aux Etats membres de l’Union européenne;
7.6. à coopérer étroitement avec ses Etats membres dans la collecte et l’analyse de données statistiques relatives à la mise en œuvre des accords de réadmission et à garantir la publication de ces données;
7.7. à examiner l’interaction entre les règles régissant le concept de «pays tiers sûr» et l’application des accords de réadmission et les éventuelles imperfections dans le système;
7.8. à étudier l’impact de la conclusion d’accords de réadmission pour les ressortissants de pays tiers, en tant que condition préalable à toute libéralisation des visas et de la coopération, dans le contexte de la politique européenne de voisinage et de la politique de développement international de l’Union européenne.

B. Projet de recommandation

(open)
1. Se référant à sa Résolution … sur les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation irrégulière, l’Assemblée parlementaire attire l’attention sur le rôle des accords de réadmission dans la politique de retour des migrants en situation irrégulière des Etats membres du Conseil de l’Europe et sur les préoccupations qu’ils soulèvent en matière de droits de l’homme.
2. Le Comité des Ministres est invité à prendre acte des recommandations de l’Assemblée aux Etats membres, énoncées dans sa résolution précitée et à inciter les Etats membres à les mettre en œuvre.
3. L’Assemblée estime qu’il convient de redoubler d’efforts pour examiner l’impact des accords de réadmission sur les migrants en situation irrégulière et les demandeurs d’asile, en commençant par la collecte et l’analyse de statistiques pertinentes. C’est pourquoi elle invite le Comité des Ministres:
3.1. à définir des critères en matière de droits de l’homme pour sélectionner les pays avec lesquels les négociations sur la conclusion d’un accord de réadmission peuvent être ouvertes;
3.2. à élaborer des lignes directrices, en tenant compte des meilleures pratiques identifiées, sur les modalités de négociation et de mise en œuvre des accords de réadmission, de manière à garantir le respect et la protection des droits de l’homme, en examinant notamment:
3.2.1. si le processus de réadmission mis en place par les Etats membres prévoit des programmes d’assistance et de renforcement des capacités suffisants pour la réinsertion des personnes éloignées, s’agissant notamment du retour de membres des minorités;
3.2.2. les effets des accords de réadmission qui prévoient le retour de ressortissants de pays tiers dans des pays ne leur garantissant pas l’accès à un système d’asile;
3.2.3. les moyens d’éviter les situations dans lesquelles les personnes éloignées n’ont pas accès aux droits sociaux minimaux et sont privées d’un projet de vie durable;
3.2.4. la mise en œuvre des accords de réadmission négociés par l’Union européenne et les conséquences en matière de droits de l’homme découlant du recours aux procédures accélérées de réadmission prévues par certains de ces accords (avec la Russie, l’Ukraine et d’autres pays).

C. Exposé des motifs, par Mme Strik, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Les accords de réadmission sont un élément important des stratégies de gestion des migrations des Etats membres du Conseil de l’Europe et de la politique commune de retour de l’Union européenne. Ils facilitent et accélèrent l’application des décisions de retour concernant les migrants en situation irrégulière et incitent probablement aussi les pays d’origine ou de transit, parties à des accords de réadmission, à améliorer leur contrôle aux frontières. La question essentielle discutée dans le présent rapport est de savoir si l’existence ou la mise en œuvre d’accords de réadmission constituent une menace directe ou indirecte pour les droits de l’homme des migrants en situation irrégulière. Il s’agit notamment du risque que le pays d’envoi ou de réadmission n’honore pas ses obligations au titre de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés (la Convention de Genève de 1951) et son Protocole de 1967, ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme.
2. Les accords de réadmission fixent les conditions dans lesquelles les Etats parties ont obligation de réadmettre leurs propres ressortissants, voire des ressortissants de pays tiers ayant transité par leur territoire. Les préoccupations en termes de droits de l’homme visent plus particulièrement ces derniers. Il a été avancé que les migrants en situation irrégulière renvoyés dans un pays autre que celui d’origine risquent d’être privés de la possibilité de déposer une demande d’asile ou de voir cette demande examinée au fond, et d’être ainsi victimes d’un refoulement «en chaîne» ou placés dans une situation insoutenable du point de vue des droits sociaux.
3. Il n’est pas étonnant que les représentants des gouvernements nationaux et l’Union européenne insistent sur le caractère sûr et neutre du point de vue des droits de l’homme des accords de réadmission. Ils avancent qu’un accord de réadmission est un simple outil permettant l’éloignement de fait des migrants en situation irrégulière et que toutes les questions de droits de l’homme doivent être posées au moment où est prise la décision d’expulser la personne concernée, la décision de retour.
4. Les représentants des ONG, par exemple, ne partagent pas cette vision, et soutiennent qu’il est judicieux de s’interroger sur la neutralité des accords de réadmission en matière de droits de l’homme. Ils affirment qu’il n’est pas possible d’isoler les divers maillons de la chaîne qui conduit au retour d’une personne et qu’il convient d’appréhender le processus dans son ensemble. Ils considèrent que les accords de réadmission sont un élément important de cet ensemble et qu’il ne faut pas les séparer. Qui plus est, l’existence d’un accord de réadmission peut servir de catalyseur pour des décisions de retour contestables. De ce fait, il convient également d’évaluer l’impact de tels accords. Un problème particulier se pose en cas d’absence d’examen au fond des besoins individuels de protection (par exemple des personnes dont la demande a été rejetée sur la base du concept de «pays tiers sûr») avant que la réadmission soit demandée ou si la situation dans le pays de réadmission s’est détériorée entre la décision de retour et la demande de réadmission.
5. L’Union européenne est un élément moteur dans la promotion des accords de réadmission. Elle négocie des accords de réadmission qui sont ensuite mis à disposition de ses Etats membres et mis en œuvre par eux. D’autre part, de nombreux accords bilatéraux de réadmission sont en vigueur entre divers pays. Les Etats membres du Conseil de l’Europe, non membres de l’Union européenne, sont également parties à des accords bilatéraux de réadmission avec des pays tiers. Ces Etats sont cependant avant tout des pays d’accueil dans les accords de réadmission avec les Etats membres de l’Union européenne. «L’ex-République yougoslave de Macédoine» a, par exemple, réadmis 528 personnes en 2007 venant d’Autriche, d’Allemagne, de Hongrie ou de Suisse.
6. L’Union européenne a conclu des accords de réadmission avec les pays suivants: Hong Kong, Macao, le Sri Lanka, l’Albanie, la Russie, la Bosnie-Herzégovine, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la Géorgie, la Moldova, le Monténégro, le Pakistan, la Serbie et l’Ukraine. Des négociations sont en cours avec le Maroc et la Turquie, alors que la Commission européenne a également mandat pour négocier des accords de réadmission avec la Chine, l’Algérie et le Cap-Vert. Le Conseil de l’Union a invité la Commission à préparer un mandat en vue d’engager des négociations relatives à un accord de réadmission avec le Bélarus.
7. En plus des accords de réadmission de l’Union européenne, des centaines d’accords bilatéraux de réadmission ont été conclus. L’Allemagne, par exemple, a signé 29 accords, l’Italie 30, la Pologne est partie à 19 accords et la Hongrie à 25 accords. Bon nombre d’entre eux concernent des Etats membres de l’Union européenne. Treize des accords allemands et 15 des accords italiens ont été conclus avec d’autres Etats membres de l’Union européenne. «L’ex-République yougoslave de Macédoine» a signé 21 accords de réadmission et la Moldova est partie à trois accords.
8. Il est parfois difficile d’obtenir des statistiques sur le nombre de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission. Les Etats n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier. Lorsque des statistiques existent, elles concernent souvent les retours sur un plan général et ne sont pas ventilées pour faire ressortir le nombre de retours en application d’accords de réadmission. La situation des personnes éloignées est rarement évaluée et les conséquences de l’application des accords de réadmission sur leur situation le sont encore moins. Ce manque d’informations empêche toute évaluation approfondie des avantages et inconvénients de ces instruments.
9. A la lumière de ce qui précède, le rapporteur a élaboré le présent document sur les implications en termes de droits de l’homme des accords de réadmission. Dans le cadre de sa préparation, le rapporteur a effectué une visite d’étude à Bruxelles les 15 et 16 février 2009 et a rencontré des représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de la Commission européenne, d’Amnesty International et du Centre européen d’études politiques, ainsi que des experts indépendants, qui lui ont tous communiqué de précieuses informations. Par ailleurs, le 27 mai 2009, une audition consacrée au thème du présent rapport a été organisée à Paris. La réunion a permis un échange de vues avec, entre autres, des fonctionnaires de la Commission européenne, du HCR et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ainsi que des représentants de la société civile. Durant la phase de préparation, des questionnaires ont été adressés aux membres du Comité européen sur les migrations (CDMG), qui y ont répondu. Le rapporteur a également bénéficié de l’assistance d’une consultante, Mme Joanne van Selm, auteur d’un document sur ce même thème dont elle s’est inspirée pour ce rapport. Elle remercie vivement toutes les personnes mentionnées pour leurs précieuses contributions.

2. Que sont les accords de réadmission?

10. En vertu du droit international, les pays ont obligation de réadmettre leurs propres ressortissants 
			(1) 
			 Voir l’article 12.4
du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils
et politiques, ainsi que l’article 3.2 du Protocole no 4
à la Convention européenne des droits de l’homme.. Lorsqu’un pays dans lequel réside une personne souhaite la renvoyer dans son pays d’origine, il arrive parfois que ce dernier n’honore pas cette obligation. Il peut par exemple avancer officiellement l’argument selon lequel cette personne ne dispose pas des documents nécessaires, alors que la véritable raison est que le gouvernement ne souhaite pas réadmettre certains de ses citoyens pour des motifs politiques ou économiques, ou que la personne est simplement jugée indésirable. Pour faciliter et accélérer les retours, les pays ont conclu des accords de réadmission. Ces accords fixent un certain nombre de conditions qui, si elles sont satisfaites, imposent au pays d’origine l’obligation contractuelle de réadmettre la personne en question sur son territoire, en plus de l’obligation découlant du droit international. L’accord définit les conditions précises à remplir pour que la réadmission demandée puisse être accordée.
11. Les pays qui souhaitent expulser des individus qui, pour une raison ou une autre, ne sont plus autorisés à rester sur leur territoire, peuvent parfois avoir un intérêt à envoyer cette personne non pas dans son pays d’origine, mais dans un pays tiers. Il s’agit généralement d’un Etat sur le territoire duquel la personne a transité pour atteindre le pays qui souhaite l’expulser. Ce peut être le cas si le pays de transit est plus coopératif. Cependant, les pays ont la prérogative de décider de l’entrée de ressortissants étrangers sur leur territoire et ne sont donc pas obligés, en vertu du droit international, d’admettre des individus qui ne sont pas leurs ressortissants. C’est pourquoi les accords de réadmission contiennent parfois des clauses obligeant le pays d’accueil à réadmettre également des personnes qui ne sont pas ses citoyens. Dans le présent rapport, nous qualifierons ces personnes de «ressortissants de pays tiers».
12. Les accords de réadmission concernent la réadmission de migrants en situation irrégulière, c’est-à-dire des personnes qui pour une raison quelconque n’ont pas le droit de séjourner sur le territoire d’un Etat donné. Un migrant peut être considéré comme irrégulier pour diverses raisons 
			(2) 
			 L’Union
européenne parle de «migrants illégaux». L’Assemblée parlementaire
a toutefois opté pour l’expression «migrants en situation irrégulière». . Il peut s’agir d’un demandeur d’asile dont la demande a été rejetée ou n’a même pas été examinée, ou d’une personne entrée sur le territoire sans disposer des documents nécessaires. Les pays ont le droit d’expulser les migrants en situation irrégulière, à condition que cette expulsion ne viole pas la Convention de Genève de 1951 
			(3) 
			 L’article 33 de la
Convention de Genève de 1951 stipule ceci: «Aucun des Etats contractants
n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un
réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté
serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité,
de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions
politiques.» ou d’autres instruments internationaux des droits de l’homme dont la Convention européenne des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cela ne signifie pas nécessairement qu’une expulsion doive être toujours considérée comme humaine, mais le droit d’appliquer une telle décision existe bien, dans les conditions évoquées précédemment. Dans ce contexte, il est particulièrement important de prêter attention aux droits des ressortissants de pays tiers. Ces personnes éloignées risquent encore davantage de se trouver dans une situation où elles n’auront pas accès à un système d’asile.
13. La Commission européenne définit les accords de réadmission de l’Union européenne de la manière suivante: un accord de réadmission communautaire est un accord international entre la Communauté européenne et un pays tiers qui établit des obligations réciproques, ainsi que des procédures administratives et opérationnelles détaillées, pour faciliter le retour vers leur pays d’origine ou un pays de transit de personnes séjournant illégalement 
			(4) 
			 Information fournie
par un fonctionnaire de la Direction générale justice, liberté et
sécurité de la Commission européenne, mai 2009. . La même définition s’applique normalement aux accords bilatéraux de réadmission, à la différence près qu’ils n’impliquent pas l’Union européenne.
14. Les accords de réadmission énoncent que l’Etat requis réadmet sur son territoire, à la demande de l’Etat requérant et sans autres formalités que celles qui sont précisées dans les accords, toute personne qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée ou de séjour applicables sur le territoire de l’Etat requérant, lorsqu’il est prouvé ou valablement présumé que cette personne est un ressortissant de l’Etat requis. Les différents documents apportant la preuve ou le commencement de preuve de la nationalité d’un des Etats parties sont indiqués dans les annexes qui accompagnent chaque accord de réadmission. Si les conditions sont satisfaites, l’Etat requis établit le document de voyage nécessaire à la personne dont la réadmission a été acceptée, d’une période de validité d’au moins six mois.
15. Les accords de réadmission stipulent généralement aussi que l’Etat requis réadmet sur son territoire, à la demande de l’Etat requérant, tout ressortissant de pays tiers ou apatride qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée ou de séjour applicables sur le territoire de l’Etat requérant, lorsqu’il est prouvé que cette personne:
  • a pénétré illégalement sur le territoire de la partie requérante en arrivant directement du territoire de la partie requise;
  • détenait, au moment de son entrée, une autorisation de séjour en règle délivrée par l’Etat requis;
  • détenait, au moment de son entrée, un visa en cours de validité délivré par l’Etat requis.
Lorsque les conditions sont remplies, l’Etat requis établit sans tarder le document de voyage nécessaire au retour de la personne à réadmettre, d’une période de validité d’au moins six mois 
			(5) 
			 L’obligation de réadmission
pour les ressortissants de pays tiers ou les apatrides ne s’applique
pas dans certains cas, par exemple si le ressortissant de pays tiers
ou l’apatride n’a effectué qu’un transit par un aéroport international
de la partie requise. .
16. Les «procédures détaillées et opérationnelles» évoquées dans la définition susmentionnée définissent les modalités de renvoi d’un migrant en situation irrégulière en application de l’accord. Les dispositions précisant ces procédures concernent, entre autres, les moyens de preuve établissant la nationalité de la personne concernée que l’Etat de réadmission doit accepter, les opérations de transit, la protection des données à caractère personnel, la mise en œuvre et l’application territoriale de l’accord et des règles concernant le coût et la protection des données. Les accords peuvent également prévoir une clause dite de «non-incidence», stipulant que l’accord en question n’affecte pas les droits de l’homme des migrants concernés, ou faisant référence aux «obligations et responsabilités découlant du droit international et des conventions ou accords internationaux applicables…».
17. Des accords de réadmission ont été conclus sous diverses formes depuis de nombreuses années. Trois grandes vagues peuvent être identifiées: le XIXe siècle, les années 1950 et la troisième qui a démarré au début des années 1990 
			(6) 
			 Pour
en savoir plus sur l’historique des accords de réadmission, voir
dans Coleman, Nils, European Readmission Policy,
Third Country Interests and Refugee Rights, Martinus
Nijhoff, Leydes, 2009, chapitre 1. . Au cours des années 1990, la plupart des Etats membres de l’Union européenne ont signé des accords bilatéraux de réadmission avec les pays les plus importants pour eux s’agissant de la politique de migration. Devant les difficultés croissantes dans la mise en œuvre des politiques nationales de retour, les Etats membres de l’Union européenne ont opté pour une action collective afin d’instaurer un climat de coopération avec les Etats non membres.
18. Comme indiqué précédemment, des centaines d’accords bilatéraux de réadmission ont été conclus. La Bulgarie, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie et l’Espagne sont les Etats membres de l’Union européenne les plus impliqués dans la coopération bilatérale en matière de réadmission. La Bosnie-Herzégovine, la Croatie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la Suisse et l’Ukraine sont les Etats membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne qui coopèrent le plus au plan bilatéral avec des Etats membres de l’Union européenne. L’Union encourage les Etats avec qui elle a déjà conclu des accords de réadmission à signer à leur tour d’autres accords avec des pays d’origine habituels.
19. Toutefois, dans certains cas, les pays peuvent s’entendre sur la coopération en matière de réadmission sans pour autant formaliser cette coopération par un accord de réadmission. Ils peuvent opter en faveur d’instruments alternatifs permettant de coopérer en matière de réadmission, en élargissant cette coopération à d’autres formes d’assistance mutuelle ou sur d’autres types d’ententes, dont les mémorandums d’accord et les échanges de lettres 
			(7) 
			 Voir «Action collective
de soutien à la réintégration des migrants de retour dans leur pays
d’origine» (projet MI.RE.M.)..
20. En 1999, avec l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, les Etats membres ont investi la Communauté européenne du pouvoir d’engager des négociations sur les accords de réadmission qui, une fois conclus, ont été mis à la disposition des Etats membres 
			(8) 
			 Article 63.3.b. du
Traité de l’Union européenne.. La compétence en matière d’accords de réadmission fait l’objet de discussions. La compétence exclusive de l’Union européenne dans ce domaine n’est pas clairement établie et les Etats membres de l’Union européenne la contestent. La pratique instaurée entre la Commission et les Etats membres repose sur une compétence partagée, régie par certaines règles. Les accords bilatéraux de réadmission conclus antérieurement par les Etats membres de l’Union européenne restent en vigueur et sont appliqués. Toutefois, les accords de réadmission de l’Union européenne priment sur les accords négociés par les Etats. Les Etats membres peuvent également signer des accords de réadmission avec des pays qui ne sont pas couverts par le mandat du Conseil de l’Union européenne évoqué ci-après. Bien que la Commission européenne soit en charge de la négociation des accords de réadmission, elle ne prend pas part à leur mise en œuvre. La décision d’éloigner une personne et la demande de réadmission restent entièrement du ressort des pays individuels 
			(9) 
			 Lettre
datée du 23 mars 2009 de la Commission européenne, DG justice, liberté
et sécurité, au président de Migreurope..
21. Comme susmentionné, les accords de réadmission de l’Union européenne sont négociés par la Commission européenne, à laquelle cette mission a été confiée par le Conseil de l’Union européenne. Depuis 2000, les accords de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et des pays tiers, notamment l’Accord de Cotonou et son article 13, contiennent des clauses demandant aux Parties de réadmettre leurs propres ressortissants 
			(10) 
			 L’Accord de Cotonou
entre l’Union européenne et les pays ACP (d’Afrique, des Caraïbes
et du Pacifique) a été signé en 2000. Son article 13 contient une
clause type de réadmission, stipulant que chaque Etat partie «accepte
le retour et réadmet ses propres ressortissants illégalement présents
sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne, à la demande
de ce dernier et sans autres formalités». Ce texte prévoit également
l’adoption, «si l’une des parties l’estime nécessaire, de dispositions
pour la réadmission de ressortissants de pays tiers et d’apatrides». .
22. Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne lors du Sommet européen d’octobre 2008, approuve et recommande la conclusion d’accords de réadmission par l’Union européenne. Il précise que l’efficacité des accords communautaires de réadmission sera évaluée et que les Etats membres et la Commission se concerteront étroitement à l’occasion de la négociation des futurs accords de réadmission. Le programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens – adopté en décembre 2009, évoque les accords de réadmission comme un aspect important de la gestion des migrations de l’Union européenne. Il estime que le Conseil européen devrait mettre l’accent sur la présentation par «la Commission en 2010 d’une évaluation des accords de réadmission de l’Union, y compris des négociations qui sont en cours, et [qu’elle] propose un mécanisme pour surveiller leur mise en œuvre. Sur cette base, le Conseil devrait définir une stratégie renouvelée et cohérente en matière de réadmission, tenant compte de l’ensemble des relations avec le pays concerné, y compris une approche commune à l’égard des pays tiers qui ne coopèrent pas pour ce qui est de réadmettre leurs ressortissants» (section 6.1.6).
23. Les accords bilatéraux de réadmission sont des traités internationaux et doivent donc de ce fait, dans la grande majorité des pays, être signés par le gouvernement de l’Etat partie et ratifiés par son parlement et dans certains cas mis en œuvre dans le droit national avant d’entrer en vigueur dans le pays concerné. Dans le cas des accords de réadmission négociés par l’Union européenne, en vertu du Traité de Nice, le Parlement européen était consulté et formulait un avis non contraignant. Cette procédure a été modifiée par le Traité de Lisbonne aux termes duquel les accords devront être ratifiés par le Parlement européen (article 216). Les accords de réadmission conclus par l’Union européenne ne sont pas ce que l’on appelle des «accords mixtes» et ne nécessitent donc pas de ratification séparée par les gouvernements ou les parlements des Etats membres.
24. Il est difficile d’obtenir des statistiques sur le nombre de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission. Les Etats n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier. Lorsque des statistiques existent, elles concernent souvent les retours sur un plan général et ne sont pas ventilées pour faire ressortir le nombre de retours au titre d’accords de réadmission.
25. Certains chiffres ont néanmoins été avancés par les Etats dans leurs réponses au questionnaire soumis par le rapporteur. L’accord de réadmission de l’Union européenne avec la Russie est entré en vigueur le 1er juin 2007 (la disposition relative aux ressortissants de pays tiers entrera en vigueur le 1er juin 2010). Bien qu’ayant signé des accords bilatéraux avec quelques Etats seulement afin de mettre en œuvre l’accord de réadmission de l’Union européenne, la Russie l’applique déjà dans la pratique à l’égard de ses propres ressortissants illégalement présents sur le territoire des Etats membres de l’Union européenne. En mai 2009, la Russie avait reçu 2 025 demandes de réadmission émises par 16 Etats membres de l’Union européenne. Les 820 demandes accordées ont permis de renvoyer 211 ressortissants russes. Près d’un tiers des personnes réadmises par la Russie ont tenté de retourner dans le pays dont elles avaient été éloignées.
26. Dans sa réponse au questionnaire, l’Italie déclare avoir émis, en 2008, 8 651 demandes de réadmission, dont 8 340 ont été acceptées. Le nombre total de citoyens étrangers éloignés en 2008 en Italie était de 9 606, dont une grande majorité en application d’accords de réadmission. Il convient de noter qu’en 2008, 46 391 décisions d’expulsion ou de rejet supplémentaires ont été prises à l’encontre de migrants en situation irrégulière mais n’ont pu être appliquées. Cette non-exécution est due pour l’essentiel au fait que les migrants concernés n’avaient pas de passeports ou autres documents de voyage en cours de validité. La Serbie a répondu à ce même questionnaire qu’en vertu de ses 17 accords bilatéraux de réadmission, en 2007 le pays a reçu 2 577 demandes de réadmission dont 2 465 ont été acceptées. Les chiffres correspondants pour 2008 étaient de 1 572 demandes, toutes acceptées. L’Espagne a indiqué qu’elle était partie à 24 accords de réadmission. En 2007, un total de 55 938 personnes ont été expulsées ou se sont vu refuser l’entrée en Espagne. 6 248 de ces retours découlaient de l’application d’accords de réadmission. Les chiffres correspondants pour 2008 étaient de 46 426 et de 6 178.

3. Préoccupations en matière de droits de l’homme soulevées par les accords de réadmission

3.1. Introduction

27. L’expulsion d’un migrant contre son gré est normalement la conséquence d’une décision de retour prise en vertu du droit national. Si le pays en question est un Etat membre de l’Union européenne, la législation au titre de laquelle la décision est prise doit être fondée sur la directive sur les retours de l’Union européenne 
			(11) 
			 Directive 2008/115/CE
du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative
aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres
au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.. Les accords de réadmission sont un instrument permettant d’appliquer de telles décisions. De ce fait, la mise en œuvre des accords n’intervient qu’après que les autorités compétentes du pays d’envoi ont établi qu’une personne n’a pas le droit de séjourner dans ce pays.
28. Bien que les pays aient la prérogative de décider qui est autorisé à entrer et à séjourner sur leur territoire, une décision d’expulsion est susceptible de violer les droits de l’homme de la personne concernée, garantis par la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres instruments de protection des droits de l’homme. C’est le cas, par exemple, si, à son arrivée dans le pays de renvoi, la personne court le risque d’être soumise à la torture ou à un traitement inhumain ou dégradant, tels que définis dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ou si cette personne est privée de ses droits sociaux fondamentaux, notamment si elle est renvoyée vers un pays autre que son pays d’origine, étant de ce fait placée dans une situation insoutenable. Par ailleurs, une expulsion peut constituer une violation des obligations qui incombent au pays au titre de la Convention de Genève de 1951, si la personne renvoyée risque d’être exposée à des persécutions. Le processus menant à l’exécution de l’expulsion, y compris l’éloignement de la personne, peut également soulever des préoccupations en matière de droits de l’homme.
29. Ceux qui plaident l’utilité et le caractère non préjudiciable des accords de réadmission soutiennent qu’il n’est pas pertinent de s’interroger sur la conformité de ces accords avec les droits de l’homme. Si un problème lié aux droits de l’homme survient – ce qui peut parfaitement arriver –, c’est au moment de la prise de décision de retour, et non au moment de son exécution en application d’un accord de réadmission. En effet, les préoccupations en matière de droits de l’homme auraient déjà dû être prises en compte au moment de la prise de décision. Les accords de réadmission offrent un cadre juridique et sont avant tout un instrument facilitant les retours. Ces accords assurent même la transparence au sens où les conditions procédurales de la réadmission sont clairement définies avant l’application de la décision de retour. S’ils sont mis en œuvre avec soin, ces accords peuvent contribuer à réduire la période d’incertitude ou de détention du migrant. Amnesty International, par exemple, ne s’oppose pas par principe aux accords de réadmission 
			(12) 
			 Rapport d’Amnesty
International, juillet 2008: «Mauritanie: “Personne ne veut de nous”:
arrestations et expulsions collectives de migrants interdits d’Europe»:
«Amnesty International ne s’oppose pas par principe aux accords
de réadmission qui ne sont pas illégaux en eux-mêmes. Cependant,
l’organisation souligne que tout accord de réadmission doit pleinement
respecter les obligations relatives aux droits humains qui incombent
aux Etats parties à cet accord. Ces textes doivent contenir des
dispositions claires garantissant les droits des migrants et des
demandeurs d’asile.».
30. Ceux qui critiquent les accords de réadmission affirment au contraire qu’il est pertinent de s’interroger sur la neutralité de ces accords en termes de droits de l’homme. Ils avancent qu’on ne peut isoler les divers maillons de la chaîne qui mène à l’expulsion d’une personne – une décision de retour qui peut être discutable du point de vue des droits de l’homme – et qu’il convient de considérer le processus dans son ensemble. Les accords de réadmission sont, selon eux, un élément important et indissociable de ce processus. L’existence d’un accord de réadmission peut également encourager la prise de mauvaises décisions de retour et, par voie de conséquence, servir de catalyseur pour l’exécution de telles décisions contestables. Il est essentiel dans ce contexte de prêter une attention particulière aux droits des ressortissants de pays tiers, qui courent davantage le risque de se retrouver en situation de vulnérabilité et pourraient être privés d’accès à un système d’asile.
31. Par ailleurs, certains accords de réadmission contiennent des dispositions sur des procédures accélérées aux frontières, qui méritent un examen du point de vue des droits de l’homme. La rapidité d’exécution d’une décision de retour au titre d’accords de réadmission peut entraver l’accès de la personne éloignée à tous les recours juridiques qui sont ou devraient être à sa disposition. D’importantes questions continuent de se poser au sujet du suivi et de la collecte d’informations concernant les accords de réadmission.
32. Parallèlement aux accords de réadmission officiels en place entre les pays, on note également une forte augmentation d’autres types d’accords de réadmission informels, tels que des mémorandums d’accord, des échanges de lettres, une coopération informelle et des pratiques concertées entre les autorités douanières ou les personnels diplomatiques. Les accords de retour volontaire incluent également des éléments de réadmission. Ce type de pratiques moins transparentes constitue une menace particulière pour les droits de l’homme des migrants en situation irrégulière et devrait être soigneusement contrôlé.
33. Un problème particulier peut survenir dans les situations où une demande de réadmission est formulée auprès d’un Etat qui a succédé à un autre Etat au cours de la période passée par la personne éloignée dans l’Etat requérant, ou auprès d’une région séparatiste dont le statut, en vertu du droit international, n’a pas encore été fixé. Cette question devrait être prise en compte par les Etats lors de la signature ou de la mise en œuvre des accords de réadmission.
34. En 2007, l’Assemblée a adopté sa Recommandation 1807 (2007) relative aux programmes de régularisation des migrants en situation irrégulière (rapporteur: M. John Greenway, Royaume-Uni, GDE). Aujourd’hui en Europe, il existe des millions de migrants en situation irrégulière qui ne retourneront jamais dans leur pays d’origine. Sur cette base, cette recommandation exhorte les Etats membres à examiner l’option des programmes de régularisation dans le cadre de leur stratégie globale de lutte contre la migration irrégulière. Cette option devrait également être prise en compte lors des discussions à propos des retours en vertu des accords de réadmission. Le rapporteur encourage les Etats membres à examiner la régularisation comme alternative au retour.

3.2. Clauses de protection des droits de l’homme

35. Les trois premiers accords de réadmission signés par l’Union européenne prévoient une «clause de non-incidence» assez sommaire. Cette clause stipule que l’accord «n’affecte pas les droits, obligations et responsabilités de la Communauté, des Etats membres et [du pays tiers] découlant du droit international et, notamment, de toute convention internationale ou accord auxquels ils sont parties». Ce n’est qu’à partir de l’accord signé avec l’Albanie en 2004 qu’une référence explicite à plusieurs instruments des droits de l’homme, tels que la Convention européenne des droits de l’homme, la Convention de Genève de 1951 et la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984, a été introduite dans certains accords de réadmission. Les accords bilatéraux contiennent des clauses similaires, qui ne sont cependant pas toujours mises en œuvre. C’est le cas dans les pays où la procédure de réadmission prend souvent un caractère informel.
36. Les accords de réadmission ne prévoient généralement pas de garanties quant à la non-application de l’accord dans certains cas individuels. La raison tient probablement au fait que, face à des préoccupations en matière de droits de l’homme, la décision même de retour n’a pas à être prise et les accords de réadmission n’ont donc pas à entrer en jeu.
37. Un autre problème peut naître. Considérant que les pays souhaitent généralement réadmettre le moins de migrants possible, conditionnerle retour au respect des droits de l’homme par le pays de réadmissionn’aurait pas l’effet escompté et inciterait plutôt ce pays à ne pas respecter les droits de l’homme (afin de prévenir tous les retours non souhaités). Il s’agit cependant pour l’essentiel d’une observation théorique, et rien ne devrait empêcher d’améliorer la protection en incluant des garanties également dans les accords de réadmission. C’est d’ailleurs une solution préconisée par le rapporteur. De cette manière, les migrants bénéficieraient de garanties élargies et les obligations relatives aux droits humains qui incombent aux parties seraient clairement établies. Le point de départ pourrait être pour les pays d’envoi de s’assurer, lors des négociations d’accords de réadmission, que les instruments internationaux pertinents ont bien été ratifiés par les pays d’accueil, mais aussi qu’ils sont correctement mis en œuvre.
38. Dans la présente discussion, il convient de rappeler que les Parties contractantes ont bien évidemment déjà l’obligation de respecter les droits de l’homme, puisqu’elles sont parties à des traités internationaux y afférents. La nécessité d’aborder les droits de l’homme dans les négociations tient au fait que ces obligations ne sont pas toujours respectées. Les retours forcés depuis des Etats membres du Conseil de l’Europe vers des pays où la pratique de la torture est avérée de longue date ont soulevé de vives préoccupations et ont été mis en lumière à maintes reprises par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

3.3. Les accords de réadmission peuvent-ils être les catalyseurs de décisions de retour violant les droits de l’homme?

39. L’existence d’un accord de réadmission peut-elle être une condition nécessaire, voire même encourager les autorités à prendre des décisions de retour contestables, sachant que ces décisions n’auraient pas été prises si l’accord n’avait pas été en place?
40. Un exemple de ce type de situation pourrait être le retour vers la Serbie, depuis des pays d’Europe occidentale ou centrale, de demandeurs d’asile originaires du Kosovo 
			(13) 
			 Toute référence au
Kosovo, mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo. et de la Serbie proprement dite, dont beaucoup sont roms. Ces retours ont été remis en cause et critiqués en vertu des recommandations de 2006 et de 2009 du HCR quant au retour des Roms et groupes apparentés au Kosovo ou en Serbie proprement dite 
			(14) 
			 «UNHCR’s Position
on the Continued International Protection Needs of Individuals from
Kosovo» (Nécessité confirmée d’une protection internationale pour
les Kosovars), juin 2006, et «UNHCR’s eligibility guidelines for
assessing the international protection needs of individuals from
Kosovo» (Principes directeurs en matière d’éligibilité pour évaluer
le besoin de protection internationale pour les Kosovars), novembre
2009.. La position du HCR a été et reste que les conditions sociales au Kosovo et en Serbie proprement dite et la situation sécuritaire du Kosovo sont telles que les Roms et les groupes apparentés ne devraient pas y être renvoyés.
41. Depuis octobre 2009, le Kosovo négocie des accords de réadmission avec plusieurs Etats membres et en a signé certains, notamment avec la France et l’Allemagne. De l’avis du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Kosovo subit des pressions politiques pour accepter ces accords, sans disposer du budget ou de la capacité à accueillir ces personnes dans la dignité et la sécurité 
			(15) 
			 Rapport du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, sur sa mission spéciale
au Kosovo, 23-27 mars 2009, paragraphe 156. . Selon le directeur du Département kosovar pour la gestion des frontières, l’asile et les migrations (DBAM), l’Allemagne est prête à demander la réadmission de 18 500 Kosovars; 15 000 d’entre eux sont membres d’une minorité et, parmi eux, on compte 11 500 Roms. On peut supposer que l’entrée en vigueur d’un accord de réadmission constituera une condition préalable au retour de ces personnes ou du moins facilitera grandement ce retour 
			(16) 
			 Voir
aussi le Süddeutsche Zeitung du
14 octobre 2009, «Tausende Kosovo-Flüchtlinge offenbar vor Abschiebung».. Depuis 1999, 92 000 Kosovars ont quitté volontairement l’Allemagne pour rentrer chez eux tandis que 22 000 ont été forcés au retour, selon le ministre allemand de l’Intérieur.
42. En 2002, l’Allemagne et ce qui était alors la République fédérale de Yougoslavie ont signé un accord de réadmission régissant le retour des individus qui n’étaient pas juridiquement fondés à demeurer en Allemagne et dont beaucoup étaient roms. On peut supposer que l’entrée en vigueur de cet accord de réadmission était une condition préalable au retour de ces personnes, ou du moins un moyen de le faciliter grandement, dans des conditions qui pouvaient cependant s’avérer insupportables aux plans social et économique, sinon directement au plan de la sécurité physique. Au moment où le rapporteur écrit ces lignes, elle ne dispose d’aucune donnée statistique concernant le nombre de réadmissions opérées de l’Allemagne vers la Serbie au titre de cet accord de réadmission.
43. Au vu de la position du HCR et du Commissaire aux droits de l’homme, évoquée ci-dessus, il est légitime de mettre en question ces accords de réadmission, en termes de droits de l’homme. Le rapporteur estime que le retour de migrants en situation irrégulière au Kosovo et en Serbie proprement dite, et l’impact des accords de réadmission apparemment cruciaux dans ce processus, devraient faire l’objet d’un examen plus approfondi.

3.4. Ressortissants de pays tiers, accès à l’asile dans les pays de transit et problème du refoulement en chaîne

44. La question la plus sensible dans le contexte des accords de réadmission est leur rôle dans l’éloignement de migrants en situation irrégulière vers des pays dont ils ne sont pas citoyens. Les ressortissants de pays tiers risquent d’être victimes d’un «refoulement en chaîne» vers leur pays d’origine. Cela signifie qu’un migrant sera renvoyé vers son pays d’origine sans avoir eu la possibilité de soumettre une demande d’asile ou de voir cette demande examinée dans le pays de renvoi ou le pays de transit dans lequel il a été réadmis. Les ressortissants de pays tiers devraient être protégés contre le refoulement en chaîne.
45. Il faut, toutefois, comprendre aussi qu’il peut se révéler difficile de mettre en œuvre un accord de réadmission concernant des ressortissants de pays tiers. La raison en est que le pays d’envoi a beaucoup de mal à répondre aux critères et à fournir les éléments de preuve requis par les accords. Il n’est, au fond, possible de demander la réadmission d’un(e) ressortissant(e) d’un pays tiers que si le/la ressortissant(e) en question est pris(e) sur le fait, alors qu’il/elle passe illégalement la frontière ou si cette personne est en possession d’un visa ou d’un permis de séjour délivré par le pays de transit. Un fonctionnaire de la Commission européenne a informé le rapporteur que le nombre de cas de réadmission de ressortissants de pays tiers au titre des accords de réadmission de l’Union européenne était effectivement très restreint. Néanmoins, comme l’on peut s’attendre à une augmentation des renvois vers les pays de transit, il est important de suivre attentivement cette évolution.
46. Il arrive que les Etats qui demandent la réadmission se déchargent de toute responsabilité quant au sort de la personne concernée, s’agissant de la possibilité d’accéder à un système d’asile. Cependant, il ressort de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire T.I. c. Royaume-Uni, que l’Etat d’envoi a la charge de s’assurer que des garanties procédurales sont bien en place dans le pays d’accueil et qu’elles sont effectives pour l’intéressé 
			(17) 
			 T.I. c. Royaume-Uni (Requête no 43844/98),
arrêt du 7 mars 2000, et K.R.S. c. Royaume-Uni (Requête
no 32733/08), arrêt du 2 décembre 2008.. Il est nécessaire de se pencher sur le transfert de responsabilité de l’examen des demandes d’asile sur un plan général, par exemple les politiques de pays tiers sûrs. Bien que ces politiques ne soient pas incluses dans les accords de réadmission, les deux systèmes travaillent de concert. Une autre préoccupation importante, soulignée par le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (CERE), est que les accords de réadmission peuvent devenir de véritables barrières à la seconde phase de l’accès à la procédure d’asile car ils peuvent faciliter le retour dans un délai très court, empêchant ainsi l’accès à tout recours juridique 
			(18) 
			 Conseil
européen pour les réfugiés et les exilés (CERE), «Defending Refugees’
Access to Protection in Europe», décembre 2007..
47. Bien que l’on puisse estimer que le moment opportun pour procéder à une évaluation des droits de l’homme est celui où est prise la décision de retour, il convient de ne pas négliger le fait que la situation dans le pays de réadmission peut changer entre la prise de décision et son exécution en application d’un accord de réadmission.
48. Il peut arriver par ailleurs que le demandeur d’asile n’ait pas eu sa demande examinée sur le fond, mais qu’il ait été débouté en vertu du principe de «pays tiers sûr». Dans de tels cas, la réadmission d’un demandeur d’asile sera envisagée sans que celui-ci ait bénéficié d’une évaluation des risques dans sa situation personnelle. Le rapporteur s’élève contre ce procédé et exhorte les Etats membres à évaluer systématiquement les requêtes individuelles des demandeurs. Le rapporteur souligne également le fait que le demandeur d’asile dont la demande n’a pas été examinée sur le fond ne devrait jamais être envoyé vers un pays autre que son pays d’origine et dans lequel il ne sera pas en mesure de soumettre une demande d’asile ou de la faire examiner. Il ne devrait bien sûr pas non plus être renvoyé dans son pays d’origine avant qu’une suite négative n’ait été donnée à la demande d’asile qui devra être examinée avec soin. Voici quelques exemples d’application d’accords de réadmission ayant soulevé des inquiétudes pour des ressortissants de pays tiers.
49. La Libye est un pays vers lequel sont renvoyés chaque année de nombreux migrants en situation irrégulière non libyens en vertu d’accords bilatéraux de réadmission. Le pays n’a pas signé la Convention de Genève de 1951 et ne dispose pas d’un système d’asile. Les demandeurs d’asile expulsés vers la Libye se retrouvent ainsi dans une situation qui ne leur permet pas de soumettre une demande d’asile. Récemment, les experts en matière de migration et d’asile ainsi que le grand public ont découvert que l’Italie avait renvoyé en Libye des centaines de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile éventuels qui se dirigeaient vers les côtes italiennes. Les migrants ont été interceptés en mer et n’ont même pas été autorisés à fouler le sol italien 
			(19) 
			 Pour
plus d’informations sur l’état des migrants arrivés en Europe par
mer, consulter la Résolution
1637 (2008) «Les boat people de
l’Europe: arrivée par mer en Europe du Sud de flux migratoires mixtes»
(rapporteur: M. Østergaard, Danemark, ADLE) et le rapport y afférent
(Doc. 11688).
Se reporter au rapport à venir de la commission des migrations, des
réfugiés et de la population sur «L’interception et le sauvetage
en mer de demandeurs d’asile, de réfugiés et de migrants irréguliers»
(rapporteur: M. Díaz Tejera, Espagne, SOC). . Il semble que cette action ait été menée en application d’un accord bilatéral de réadmission, ou d’une clause de réadmission, conclu entre les deux pays.
50. Les autorités italiennes ont affirmé que les navires qui avaient intercepté en mer les boat people comprenaient des unités mobiles en charge des procédures de détermination de l’asile. Aucune des demandes n’a poussé les autorités italiennes à accorder le statut de réfugié ou la protection complémentaire, et tous les boat people ont immédiatement été renvoyés en Libye. Il est probable que parmi eux se trouvaient des personnes nécessitant une protection internationale. En 2008, d’après les estimations, 75 % des personnes arrivées par la mer en Italie demandaient l’asile et 50 % d’entre elles se sont vu accorder une certaine forme de protection 
			(20) 
			 «UNHCR
deeply concerned over returns from Italy to Libya», communiqué de
presse publié le 7 mai 2009. S’agissant du sort des expulsés à l’arrivée
en Libye, voir «UNHCR interviews asylum seekers pushed back to Libya», communiqué
de presse publié le 14 juillet 2009..
51. Tout en reconnaissant les pressions particulières en termes de migration auxquelles sont soumis les pays aux frontières de l’Europe, le rapporteur condamne fermement toute action prise par les Etats membres du Conseil de l’Europe pour évincer des migrants sans qu’ils aient eu la possibilité d’exercer leur droit de soumettre, dans la pratique, une demande d’asile. Pour que ce droit soit effectif, c’est-à-dire pour que le demandeur d’asile soit en mesure de présenter ses arguments de manière satisfaisante, il doit bénéficier d’un temps suffisant pour se préparer, consulter des experts ainsi qu’un conseiller juridique et réunir des éléments de preuve. Leur arrestation sur un bateau, au beau milieu de la mer, après un périple long et dangereux, n’est pas réellement propice à la formulation d’une demande d’asile cohérente, même préliminaire. Le rapporteur doute fortement que l’Italie ait respecté ses obligations au titre de la Convention de Genève de 1951 en refoulant ces migrants vers la Libye.
52. Par conséquent, le rapporteur demande qu’il soit mis fin à toute action similaire, que les accords de réadmission conclus entre l’Italie et la Libye soient rendus publics dans leur intégralité et que la situation et l’application de ces accords fassent l’objet d’un examen rigoureux. Si les accords de réadmission sont une condition préalable auxdits retours, et bien qu’ils soient neutres en eux-mêmes, ils doivent néanmoins faire l’objet d’un examen attentif et être remodelés de manière appropriée, voire annulés.
53. L’application de l’accord bilatéral de réadmission de 2001 entre la Grèce et la Turquie a suscité des préoccupations. Au titre de cet accord, des citoyens irakiens et iraniens ont été renvoyés de Grèce vers la Turquie. Certains des migrants seraient ensuite retournés en Iran ou en Irak sans avoir eu la possibilité de demander l’asile en Grèce ou en Turquie. La Turquie applique des limitations à l’application de la Convention de Genève de 1951 aux ressortissants non européens. La plupart des retours en question semblent néanmoins être intervenus hors du cadre d’application de l’accord de réadmission.
54. La Mauritanie figure également au nombre des pays vers lesquels les migrants en situation irrégulière sont renvoyés en application d’un accord de réadmission. Dans un rapport de 2008, Amnesty International a décrit le sort qui leur est réservé 
			(21) 
			 Rapport d’Amnesty,
juillet 2008: «Mauritanie: “Personne ne veut de nous” arrestations
et expulsions collectives de migrants interdits d’Europe».. La Mauritanie a accepté de signer, en 2003, un accord avec l’Espagne qui la contraint à réadmettre sur son territoire non seulement les citoyens mauritaniens mais également les ressortissants de pays tiers dont il est «vérifié» ou «présumé» qu’ils ont tenté de rejoindre l’Espagne à partir des côtes mauritaniennes. Plusieurs milliers de ressortissants de pays tiers ont été réadmis en Mauritanie après avoir tenté de rejoindre l’Espagne. Les personnes souhaitant déposer une demande d’asile se sont retrouvées dans une situation problématique, la Mauritanie ne disposant pas d’un véritable système d’asile. La Mauritanie a par ailleurs fait savoir que la réadmission de ressortissants de pays tiers, qui ont par la suite été expulsés de Mauritanie, a causé des tensions avec les pays voisins.
55. L’Ukraine, qui est partie à plusieurs accords bilatéraux de réadmission ainsi qu’à un accord avec l’Union européenne, a rencontré des problèmes avec son système d’asile. Human Rights Watch plaide en faveur de l’insertion d’une «clause transitoire» dans l’accord de réadmission entre l’Union européenne et l’Ukraine. Cette clause permettrait de retarder le renvoi de ressortissants de pays tiers de l’Union européenne vers l’Ukraine jusqu’à ce que celle-ci offre une protection effective et garantisse les droits de l’homme des demandeurs d’asile. Aucune clause de ce type n’a toutefois été introduite.
56. L’Union européenne négocie avec la Libye la conclusion d’un accord-cadre incluant une clause de réadmission. Le bilan en matière de droits de l’homme et la présence d’un système d’asile efficace de pays tels que l’Algérie, la Chine et le Maroc, avec lesquels l’Union européenne souhaite conclure des accords de réadmission, sont autant de domaines qui présentent de sérieuses lacunes. A l’exception de la Libye, l’ensemble des pays d’Afrique du Nord ont ratifié la Convention de Genève de 1951 et mis en place des bureaux du HCR. Toutefois, aucun de ces pays ne dispose de son propre système d’asile ou d’un cadre de protection juridique des réfugiés. L’Egypte est le seul à proposer des permis de séjour. En décembre 2008, l’Egypte a expulsé 1 200 Erythréens sans même les accueillir dans le centre de rétention auquel le HCR a accès, où leur statut de réfugié aurait pu être examiné 
			(22) 
			 Cette
information a été fournie oralement par Migreurope. . Les Etats membres se sont également montrés favorables à la négociation d’accords de réadmission avec les pays qui ne disposent pas d’un véritable système d’asile.
57. Le rapporteur note que le «système de Dublin» impose que chaque demandeur d’asile entrant dans l’Union européenne voie au moins une fois sa demande examinée sur le fond. Le rapporteur appelle les Etats membres de l’Union européenne à ne pas violer ce principe en renvoyant dans des pays hors de l’Union européenne des personnes sans avoir procédé à un examen de leur demande d’asile, et à se conformer à la Directive de qualification et à la Directive relative aux procédures d’asile de l’Union européenne.
58. Par ailleurs, le rapporteur souligne l’importance de s’assurer, avant de demander la réadmission d’un demandeur d’asile débouté, que la personne concernée a eu accès à un recours effectif. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, un recours effectif implique un examen par une autorité indépendante avec effet suspensif. Les accords de réadmission devraient inclure cette exigence. Le refoulement d’un demandeur d’asile alors qu’un tribunal n’a pas encore statué sur son appel de la décision contrevient au principe de non-refoulement et à l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme 
			(23) 
			 Voir affaire Gebremedhin [Gebremedhian] c. France, arrêt
du 26 avril 2007, Requête no 25389/05.. Au titre de l’article 13 de la directive sur les retours, les pays de l’Union européenne ont pour obligation de proposer une voie de recours effective aux migrants en situation irrégulière faisant l’objet d’une décision de retour.

3.5. Conditions en cas de retour dans le pays d’origine ou dans un pays de transit

59. La situation des migrants rapatriés au Kosovo ou en Serbie proprement dite, soulignée précédemment, traduit bien les conditions économiques et sociales difficiles de la personne en cas de retour. La durabilité du retour dans le pays peut être mise en doute, la personne concernée se sentant alors souvent dans l’obligation de quitter à nouveau rapidement le territoire. Les ressortissants de pays tiers ou les apatrides rencontreront encore plus de problèmes que les ressortissants du pays d’accueil. Les personnes vulnérables, notamment les personnes ayant des enfants en bas âge, les personnes âgées ou les femmes seules sont exposées à davantage de risques encore. Il en va de même des membres des minorités, par exemple les Roms, victimes de discrimination systémique dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Le rapporteur est d’avis que les accords de réadmission devraient contenir des garanties additionnelles empêchant les retours susceptibles de ne pas être durables.
60. Le pays d’envoi devrait systématiquement garantir aux migrants en situation irrégulière l’accès aux droits économiques, sociaux et culturels minimaux tant qu’ils se trouvent sur son territoire 
			(24) 
			 Dans une recommandation
publiée le 8 septembre 2004 (no 14/2003), le Comité européen des
Droits sociaux a estimé qu’en vertu de l’article 17 de la Charte
sociale européenne révisée, les Etats signataires ont obligation
de fournir une assistance médicale aux enfants de migrants en situation
irrégulière. . Si le migrant en situation irrégulière ne peut être renvoyé dans son pays d’origine et si le pays de transit vers lequel il est susceptible d’être dirigé n’est pas en mesure d’assurer l’exercice de ces droits, le pays d’envoi devrait s’abstenir de demander la réadmission. Le rapporteur estime qu’il est contraire à la dignité humaine des migrants en situation irrégulière de les expulser vers un pays autre que celui d’origine et dans lequel ils risquent de se voir refuser l’accès aux droits fondamentaux tels que le droit au logement, aux soins, à l’éducation primaire, au travail et à la protection sociale, surtout s’ils sont supposés rester bloqués dans ce pays tiers.
61. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a informé le rapporteur que près d’un tiers des personnes récupérées par la Fédération de Russie en application d’accords de réadmission ont tenté de retourner dans les pays depuis lesquels ils avaient été réadmis. Il semble de ce fait essentiel de prévoir une aide à la réadmission et de la faire figurer dans les accords. Le Gouvernement russe a engagé un programme d’évaluation de six mois pour les personnes éloignées en application d’un accord de réadmission. Il est censé faciliter l’identification de leurs besoins en termes notamment d’emploi et de logement. D’après les rapports de l’OIM, en mai 2009, aucune des personnes réadmises n’avait trouvé un emploi.
62. Human Rights Watch a constaté que les forces de sécurité libyennes avaient pour habitude d’intercepter les réfugiés et autres migrants entrant ou quittant le pays, ou proches des frontières. Quel que soit le cas, les migrants auraient subi des violences physiques de la part de membres de la police ou de gardiens de prison libyens, ayant prétendument parfois entraîné la mort. Les migrants se sont plaints du surpeuplement des établissements pénitentiaires, des mauvaises conditions d’hygiène et d’alimentation, de l’absence d’explications quant à leur détention et du déni d’accès à un avocat ou à un recours judiciaire. La Libye réadmet de nombreux migrants en application d’accords de réadmission.
63. Dans certains pays, au Maroc ou en Tunisie par exemple, le fait de quitter le pays de manière irrégulière est érigé en infraction pénale. Ainsi, en cas de retour, la personne réadmise est passible d’une peine d’emprisonnement ou d’une lourde amende. Cette situation est en violation du droit de toute personne de quitter tout pays, y compris le sien 
			(25) 
			 Le
droit de quitter son pays est énoncé à l’article 12.2 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies et aux
articles 2.2 et 3.2 du Protocole no 4 à la Convention européenne
des droits de l’homme.. Dans certains Etats, l’entrée clandestine d’un étranger est également soumise au droit pénal. Si la personne concernée est renvoyée dans ce pays après l’avoir quitté, en tant que ressortissant d’un pays tiers, elle est passible de sanction en cas de retour dans le pays de transit. Le rapporteur est d’avis que les retours vers des pays où ce type de scénario risque de se produire ne devraient pas intervenir et que le recours à des accords de réadmission devrait dans ce cas être exclu 
			(26) 
			 Voir
également le rapport à venir de la commission des migrations, des
réfugiés et de la population «Rétention administrative des demandeurs
d’asile et des migrants irréguliers en Europe» (rapporteur: Mme
Mendonça, Portugal, SOC)..
64. Le HCR a souligné un problème particulier auquel sont exposés les migrants en situation irrégulière renvoyés dans leur pays d’origine. Les gouvernements des pays poussés à réadmettre des personnes sont susceptibles d’adopter une position différente sur la question de la reconnaissance de la citoyenneté. Il est arrivé parfois que les autorités d’un pays auquel on avait demandé de réadmettre des citoyens aient nié qu’il s’agissait de ressortissants de leur propre Etat. Le HCR a déclaré: «le refus de réadmission peut, dans certaines circonstances, équivaloir à une expulsion de facto d’un ressortissant ou d’un apatride par son propre pays, ce qui est interdit par le droit international. Les mesures visant à se soustraire à ces obligations internationales, y compris les obstacles administratifs ou bureaucratiques et les retards injustifiés, sont contraires aux principes généraux de coopération internationale et de bonne foi. Elles peuvent également avoir des effets préjudiciables pour la personne concernée qui, souvent détenue, bénéficierait d’un retour rapide» (traduction non officielle) 
			(27) 
			 HCR, «Return of Persons
Not in Need of International Protection», Comité permanent sur la
protection internationale..

3.6. Ressortissants de pays tiers bloqués

65. Comme décrit précédemment, les ressortissants de pays tiers peuvent être victimes de refoulement en chaîne. Mais ils courent également le risque d’être bloqués dans le pays de transit. Sans possibilité de retour par leurs propres moyens et même si le pays d’origine ou de transit y est favorable, ils peuvent se trouver dans l’incapacité d’exercer leur droit au retour dans leur pays d’origine. D’un autre côté, il convient toutefois de rappeler que les ressortissants de pays tiers peuvent être bloqués dans un pays, en raison précisément de l’absence d’accord de réadmission entre cet Etat et leur pays d’origine 
			(28) 
			 Amnesty International,
«Stranded: Refugees in Turkey denied protection», avril 2009, p.
27..
66. Bien que ce point puisse être déjà réglé dans la pratique et consacré dans les accords de réadmission conclus par l’Union européenne, les accords de réadmission devraient inclure une disposition exigeant des Etats qu’ils tentent en premier lieu de renvoyer une personne dans son pays d’origine. Il convient également de s’assurer du respect de cette obligation dans chaque décision individuelle de transfert. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette tentative qu’il devrait être envisagé de renvoyer une personne dans un pays de transit en application d’un accord de réadmission. Même si les Etats appliquent ce principe, une question se pose: comment le pays de transit sollicité sera-t-il en mesure d’identifier et de renvoyer la personne concernée dans son pays d’origine si l’Etat requérant, qui dispose souvent de ressources bien plus importantes, n’a pas été capable de le faire? Le ressortissant d’un pays tiers réadmis risque ainsi de se retrouver bloqué dans le pays de transit où il jouira de droits et possibilités extrêmement limités, ou d’être renvoyé dans son pays d’origine sans avoir eu la chance de soumettre une demande d’asile ou de bénéficier d’un examen impartial et équitable d’une telle demande.

3.7. Contrôle externalisé des migrations, procédures aux frontières et procédures d’asile accélérées

67. L’objectif des accords de réadmission est de faciliter le retour des migrants en situation irrégulière. En tant que tels, ils constituent désormais un outil important pour les pays européens qui ont pour projet de se montrer plus sévères à l’égard des migrations clandestines. Les accords de réadmission peuvent également être perçus comme un élément de la politique fort critiquée «d’externalisation du contrôle des migrations» adoptée par les pays européens 
			(29) 
			 Voir par exemple le
rapport de Human Rights Watch, no 2,
2006, «Managing Migration Means Potential EU Complicity in Neighbouring
States’ Abuse of Migrants and Refugees».. L’obligation faite à un pays non européen, en vertu des accords de réadmission, de reprendre les ressortissants de pays tiers qui ont transité par leur territoire, l’incite à durcir ses contrôles aux frontières. Outre cela, l’Union européenne et les Etats membres individuels exercent des pressions (en termes de commerce, aide, exigences de visa, soutien politique) sur les pays en question. Il y a tout lieu de craindre que ce transfert de responsabilité conduise dans la pratique à un meilleur contrôle aux frontières, mais sans assurer toutefois les garanties nécessaires aux demandeurs d’asile. Cette conséquence éventuelle devrait inquiéter l’Union européenne. Les pays de transit devraient de ce fait être aidés à organiser l’accès à une procédure d’asile appropriée.
68. Les pays voisins de l’Union européenne sont confrontés à un nombre croissant de demandeurs d’asile et d’autres migrants en transit cherchant à rejoindre l’Union. L’Union européenne poursuit des partenariats avec les pays qui ne disposent pas de système de gestion des migrants et des demandeurs d’asile. Bien qu’il ne s’agisse pas obligatoirement de «pays sûrs», il est opportun pour l’Union européenne de les qualifier de tels. Les migrants en situation irrégulière sont renvoyés dans ces pays en application d’accords de réadmission. Outre le risque ainsi encouru par les demandeurs d’asile individuels et autres migrants, ces Etats portent de ce fait la lourde responsabilité de l’identification, de l’arrestation, de la détention et du refoulement des migrants, ainsi que celle d’identifier les demandeurs d’asile et de leur offrir l’accès à une procédure de détermination de l’asile juste et équitable.
69. L’OIM a communiqué au rapporteur une étude sur l’Albanie, témoignant des problèmes rencontrés par un pays contraint d’appliquer des accords de réadmission vis-à-vis de ressortissants de pays tiers. La principale difficulté identifiée en Albanie lors de la mise en œuvre des accords de réadmission tenait au sérieux manque d’échange d’informations entre, d’une part, l’Etat requérant et, d’autre part, l’Albanie et les pays voisins. Par ailleurs, les autorités albanaises ont eu à faire face à l’arrivée massive aux postes frontière de personnes éloignées, sans qu’elles soient préparées à répondre à leurs besoins 
			(30) 
			 Document de travail
interne de l’OIM..
70. Les accords de réadmission entre l’Union européenne et respectivement la Russie et l’Ukraine sont entrés en vigueur le 1er janvier 2008 et leurs dispositions respectives concernant les ressortissants de pays tiers ont pris effet au 1er janvier 2010. Ces deux accords contiennent des dispositions permettant la soumission d’une demande de réadmission dans les deux jours ouvrés suivant l’interpellation, à moins de 30 kilomètres de la frontière des deux pays concernés, d’un migrant ayant franchi illégalement la frontière. Une réponse doit être fournie dans les deux jours suivant la réception de la demande et la personne concernée doit ensuite être expulsée dans les deux jours ouvrés à compter de la date de la réponse. On peut supposer que l’interpellation s’effectuera dans la majeure partie des cas sur le territoire de l’Etat partie à l’accord autre que la Russie ou l’Ukraine.
71. Cette disposition est source de préoccupation dans la mesure où le laps de temps très court durant lequel la personne concernée est autorisée à rester physiquement dans le pays de destination risque de ne pas lui permettre de soumettre une demande d’asile. En admettant que le demandeur d’asile y parvienne, il est de la plus haute importance que la procédure de réadmission soit suspendue jusqu’à ce que la demande ait fait l’objet d’un examen rigoureux. Néanmoins, compte tenu de ce calendrier très serré, il y a beaucoup de chances que la demande soit ignorée, surtout si elle est soumise à des gardes-frontière qui ne disposent peut être pas de l’instruction suffisante pour traiter ce type de demande ou si cette dernière ne fait pas l’objet d’un examen attentif ou d’un recours effectif.
72. Une étude menée par Human Rights Watch a montré que, après l’entrée en vigueur des accords de réadmission conclus entre l’Ukraine et respectivement la Pologne et la Slovaquie, les polices des frontières polonaise et slovaque qui interceptent les personnes en provenance de l’Ukraine les ont renvoyées vers ce pays dans un délai de quarante-huit heures, sans avoir cherché à connaître ou approfondir leur situation juridique ou leur éventuel besoin de protection internationale 
			(31) 
			 Human Rights Watch,
«On the Margins: Rights Violations against Migrants and Asylum Seekers
at the New Eastern Border of the European Union», novembre 2005. . Le rapporteur souligne l’importance du respect des directives pertinentes de l’Union européenne et du principe de non-refoulement. Par ailleurs, les accords de réadmission en question devraient être interprétés de manière large et leur mise en œuvre devrait faire l’objet d’un suivi attentif. Toute personne ayant besoin de protection internationale devrait immédiatement être convenablement informée de la procédure d’asile, dans une langue qu’elle comprend, et se voir accorder suffisamment de temps pour décider si elle souhaite déposer une demande d’asile et, dans l’affirmative, pouvoir le faire dans la pratique.

3.8. La nécessité d’un suivi et d’une formation

73. D’après ce que comprend le rapporteur, aucun processus de suivi particulier n’est actuellement en place s’agissant des retours au titre des accords de réadmission. Pour garantir que ces accords ne conduisent pas à des violations des droits de l’homme des migrants en situation irrégulière, leur mise en œuvre devrait être étroitement surveillée, y compris la situation de ces migrants en situation irrégulière après leur éloignement. Concernant les Etats membres de l’Union européenne, le rapporteur se félicite de l’article 8.6 de la directive sur les retours de l’Union européenne selon lequel «les Etats membres prévoient un système efficace de contrôle du retour forcé».
74. Tous les accords de réadmission devraient contenir des dispositions claires protégeant les droits des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile. Il s’agit notamment de leur droit à la liberté physique et à la liberté par rapport à la détention arbitraire, à la protection contre la torture ou autre mauvais traitement, de leur droit d’accès à une procédure équitable et satisfaisante de demande d’asile, à la protection contre le refoulement et le renvoi vers un pays ou un territoire où ils risqueraient d’être victimes de graves violations des droits de l’homme. Le suivi mis en place devrait veiller au respect de ces dispositions.
75. Il est toutefois difficile de mettre en œuvre ce suivi dans la mesure où il s’est avéré très coûteux. Cette tâche doit être menée par un organe indépendant et des ONG pourraient en être chargées. Par ailleurs, des délégations parlementaires d’organisations internationales pourraient exercer un suivi dans les pays qui réadmettent des migrants en application d’accords de réadmission. Le rapporteur a été informé par le personnel de la Commission européenne qu’une commission de suivi – une «commission mixte de réadmission» – se réunit régulièrement pour étudier les accords de réadmission ainsi que les relations entre les accords de réadmission de l’Union européenne et les accords bilatéraux. Toutefois, cette commission examine uniquement les aspects techniques de ces accords et non leur mise en œuvre. Le rapporteur estime que le mandat de cette commission pourrait être étendu afin d’englober les questions relatives à la protection des droits de l’homme.
76. Il est important de veiller à ce que l’ensemble des fonctionnaires et des personnes amenés à traiter les demandes d’asile soient convenablement formés à l’exécution de leurs tâches, aux droits de l’homme et à la législation sur les réfugiés. Cette formation devrait, bien entendu, également porter sur la mise en œuvre des accords de réadmission. Certaines initiatives et programmes de coopération sont déjà menés, en vue notamment de former le personnel des pays accueillant des personnes éloignées à la mise en œuvre de ces accords. A titre d’exemple, deux séminaires ont été organisés à Varsovie dans le cadre du «processus de Budapest», en septembre 2007 et 2008, sur le thème des retours et des procédures de réadmission; un colloque intitulé «Mise en œuvre pratique des accords de réadmission dans la région de l’Europe du Sud-Est» a par ailleurs eu lieu à Zagreb en août 2009. Une première conférence est prévue en mars 2010, dans le cadre du «processus de Söderköping». Elle permettra d’examiner les politiques de retour des Etats participants ainsi que l’application concrète des accords de réadmission de l’Union européenne et de ceux concernant le Bélarus, la Moldova et l’Ukraine. Le rapporteur est d’avis qu’il convient d’institutionnaliser, de pérenniser et de soumettre à des critères de qualité élevés la formation du personnel en charge des accords de réadmission.

3.9. Statistiques et transparence

77. Il est difficile d’obtenir des statistiques sur le nombre de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission. Les Etats n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier. De nombreux accords de réadmission ne font l’objet d’aucune publication. La situation des personnes éloignées est rarement évaluée et les conséquences de l’application des accords de réadmission sur leur situation le sont encore moins. Ce manque d’informations empêche toute évaluation approfondie de ces instruments et il convient de prendre des mesures pour y remédier.
78. Comme point de départ, il serait important de disposer de statistiques sur la mesure dans laquelle ces accords de réadmission sont mis en œuvre ainsi que sur leur degré d’efficacité en termes d’acceptation et d’exécution des demandes de réadmission. Il serait également utile de recueillir et d’analyser des données sur les caractéristiques de ces retours: quel est le laps de temps écoulé avant qu’ils aient lieu? Sont-ils précédés d’une période de détention? Les personnes éloignées sont-elles ou non des ressortissants du pays de réadmission? Qu’advient-il d’elles après leur retour? Dans quelle mesure renouvellent-elles leur tentative de migration? Le rapporteur encourage les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe et la Commission européenne à travailler de concert à l’élaboration d’un système de collecte de données et d’informations de ce type. Cette opération pourrait être coordonnée par un mécanisme de suivi spécifiquement établi à cet effet.

3.10. Le processus de négociation

79. La négociation d’accords de réadmission implique souvent deux parties au rapport de force déséquilibré. Pour les Etats membres de l’Union européenne, la valeur ajoutée des accords de réadmission négociés par l’Union européenne, comparativement à celle d’accords bilatéraux, tient au fait que l’Union européenne est davantage en position de force pour négocier que les pays individuellement. Mais que cherchent réellement à négocier les parties? Il convient en premier lieu de souligner que le pays de renvoi cherche à éloigner le plus de migrants en situation irrégulière possible tandis que le pays de réadmission souhaite en réadmettre le moins possible. Les pays ayant pour obligation de réadmettre leurs propres nationaux, la question essentielle porte de ce fait sur la réadmission de ressortissants de pays tiers.
80. Des ONG et d’autres organisations insistent sur le rapport de force déséquilibré entre les parties à la négociation qui peut conduire à une «exploitation» des pays en position d’infériorité par les Etats de renvoi jouissant d’une position plus forte. D’autres n’abondent pas dans le même sens et affirment au contraire l’inverse, c’est-à-dire que ce sont les pays les plus «faibles» qui exploitent les plus forts aux fins d’obtenir des avantages de différentes sortes. Le rapporteur est d’avis qu’il convient de définir des critères de contrôle du respect et de la protection des droits de l’homme avant même de sélectionner les pays avec lesquels il serait possible d’ouvrir les négociations.
81. Le site web du ministère français des Affaires étrangères contient un exemple des incitations offertes par un pays susceptible de renvoyer des migrants en application d’un accord de réadmission. Il y est expliqué que la France a décidé d’accorder au Pakistan des concessions commerciales pour l’entrée de biens sur le marché européen et qu’il existe un accord de coopération dans les domaines du développement, de l’environnement et des sciences. Cet accord est entré en vigueur en 2005 mais sa mise en œuvre est cependant conditionnée à la signature par le Pakistan d’un accord de réadmission. Cet exemple illustre bien le processus de négociation dans la pratique au niveau bilatéral. Le Pakistan n’a pas ratifié la Convention de Genève de 1951.
82. S’agissant des droits de l’homme, des représentants de la Commission européenne prétendent que, dans le contexte de l’Union européenne, la négociation d’un accord de réadmission n’est pas le cadre idéal pour négocier avec des pays tiers sur les droits de l’homme. Ce point devrait plutôt être abordé en liaison avec les négociations sur les régimes de visa par exemple. Le rapporteur peut comprendre cet argument. Dans ce type de négociations, c’est l’Union européenne qui offre quelque chose (libéralisation des obligations de visa) en contrepartie de quelque chose d’autre (respect de facto accru des droits de l’homme). Dans le cadre de négociations relatives à des accords de réadmission, la situation est inversée. Ce n’est pas l’Etat d’envoi, mais celui de réadmission qui propose un service, en d’autres termes la réadmission de ressortissants de pays tiers jugés indésirables au sein de l’Union européenne. Ce n’est donc pas le moment approprié pour poser une obligation supplémentaire.
83. Cette explication permet peut-être de comprendre la logique des accords de réadmission, mais elle ne signifie pas pour autant que l’on doive exclure de ces accords les clauses relatives aux droits de l’homme. Le fait d’insister sur l’inclusion de telles clauses pourrait d’une certaine manière rendre plus difficile l’obtention de résultats, compte tenu de l’argument avancé au paragraphe précédent. Et pourtant, l’Union européenne doit garantir ces sauvegardes. Toute hésitation d’un pays d’accueil à inclure ces dispositions peut à juste titre être perçue comme une indication défavorable. Dans certains cas, les accords de réadmission ne sont rien d’autre qu’un moyen d’engager des négociations plus larges sur des sujets tels que le commerce et les régimes de visa. Dans ce type de négociations, l’aspect des droits de l’homme peut être plus facile à inclure. La transparence du processus est essentielle.
84. Les faits suivants ressortent des réponses au questionnaire adressé par le rapporteur aux gouvernements des Etats membres dans le cadre de la préparation du présent rapport et illustrent le processus de négociations des accords de réadmission. L’Allemagne, l’Italie et la Pologne ont été choisis comme exemples.
85. L’Allemagne a indiqué que les problèmes posés par les pays d’origine et de transit, dans la négociation d’accords de réadmission et leur mise en œuvre, sont dus pour l’essentiel à des facteurs politiques internes (fréquent changement de gouvernement, par exemple) et à une certaine instabilité économique (catastrophes naturelles ou crise financière).
86. Les autorités italiennes ont estimé que les problèmes interviennent principalement au niveau de la mise en œuvre de ces accords et résultent généralement du manque de collaboration entre les parties. Les autorités italiennes ont indiqué que les autres parties aux accords de réadmission ne respectaient pas les procédures et modalités d’application de ces accords (interrogatoire de la personne à réadmettre, réponse à la demande de réadmission, délivrance des documents de voyage dans les délais impartis, motivation écrite d’un refus de demande de réadmission).
87. La Pologne a fait part de difficultés tant dans le cadre du processus de négociation, qui nécessite parfois des incitations politiques ou économiques, que dans la mise en œuvre des accords. L’application des accords de réadmission soulève des problèmes d’ordre divers: difficultés à obtenir une réponse aux demandes de réadmission, la confirmation de la citoyenneté et l’obtention en temps voulu des documents de voyage nécessaires aux personnes éloignées. La Pologne a toutefois indiqué que la situation est en voie d’amélioration.
88. Les autorités allemandes ont précisé, quant à elles, ne pas établir de liens directs entre d’éventuelles mesures incitatives et les accords de réadmission dans la mesure où cela contreviendrait au principe selon lequel les pays d’origine sont contraints de réadmettre leurs propres ressortissants sans aucun préalable. Les autorités allemandes ont néanmoins reconnu que, dans leur expérience des relations entre les pays d’origine, de transit et de destination, une collaboration étroite en matière de réadmission peut favoriser la coopération dans d’autres domaines.
89. L’Italie propose des mesures incitatives plus ouvertes et directes pour favoriser la coopération en matière de réadmission. Elle a souvent offert aux pays réticents à conclure un accord dans ce domaine en raison des coûts économiques, sociaux et politiques des quotas préférentiels pour les visas d’entrée et des programmes d’assistance technique basés sur la fourniture d’équipements. Compte tenu du nombre important de demandes de réadmission émises par l’Italie et du pourcentage élevé d’acceptation (voir paragraphe 26), cette politique semble bien fonctionner. La Pologne propose une assistance technique et un échange de bonnes pratiques. Par exemple, en 2008, le ministère polonais de l’Intérieur a accueilli des experts de Sierra Leone dans le cadre d’un projet visant à renforcer les capacités des services frontaliers de Sierra Leone et à faciliter le dialogue avec les services migratoires des deux pays. La Pologne, l’Italie et l’Allemagne cherchent toutes trois à promouvoir les retours volontaires 
			(32) 
			 Voir le rapport à
venir de la commission des migrations, des réfugiés et de la population,
«Politiques de retour volontaire et programmes pour migrants en
situation irrégulière: conséquences en ce qui concerne les droits
de l’homme» (rapporteur: Mme Türköne,
Turquie, PPE/DC).

4. Conclusion et propositions

90. Dans l’évaluation des accords de réadmission, il est important de ne pas confondre la perspective de ces accords sous l’angle de la politique migratoire avec la question essentiellement juridique de leur compatibilité avec les droits de l’homme. De l’avis du rapporteur, ces accords de réadmission présentent des avantages en termes de gestion des migrations et sont, de prime abord, neutres. Ils permettent un certain degré de prévisibilité au sens où les conditions de réadmission sont clairement établies avant l’application d’une décision de retour. Mis en œuvre avec soin, l’accord de réadmission peut contribuer à humaniser davantage le processus de retour en raccourcissant la période d’incertitude de la personne concernée, ainsi que la durée de détention. Considérer les accords de réadmission comme un aspect positif de la politique migratoire devrait nécessairement s’accompagner de la certitude qu’ils ne posent pas de problèmes sérieux en matière de droits de l’homme.
91. Plusieurs points sont à évoquer en ce qui concerne les incidences de ces accords en matière de droits de l’homme. L’existence d’accords de réadmission peut accélérer la prise de décisions de réadmission contestables, comme cela a été par exemple le cas avec le retour de Roms de l’Europe occidentale vers la Serbie et d’autres pays. Une fois encore, l’accord de réadmission en tant que tel est neutre et le problème est lié à la décision d’expulser la personne concernée. Néanmoins, les accords de réadmission étant une condition nécessaire à la mise en œuvre de ces décisions, ils devraient au minimum contenir des clauses rappelant les obligations des Etats parties en termes de droits de l’homme et d’asile, et faire du respect de ces obligations une condition préalable à tout recours à ces accords.
92. Les accords de réadmission devraient donc répéter l’obligation, qui incombe tant au pays d’envoi qu’au pays d’accueil, de respecter les droits de l’homme de toute personne réadmise sur le territoire et de ne pas demander la réadmission si le moindre soupçon de non-respect ou d’incapacité à protéger les droits de l’homme pèse sur l’autre partie. Lors de la négociation, de l’élaboration et de la mise en œuvre des accords de réadmission, une attention particulière devrait généralement être portée à la situation des ressortissants de pays tiers.
93. Il convient de s’assurer que le pays de transit dans lequel la personne est réadmise offre un accès effectif à une véritable procédure d’asile et que le pays d’envoi lui notifie si une demande d’asile n’a pas encore été examinée sur le fond ou si le demandeur d’asile n’a pas été en mesure de bénéficier d’un recours effectif. Le rapporteur souligne que, même en cas d’application du concept de pays tiers sûr, il convient de procéder à une évaluation individuelle et de proposer un recours effectif au demandeur d’asile avant de le renvoyer. Il est nécessaire de se pencher sur le transfert de responsabilité de l’examen des demandes d’asile sur un plan général, lié à des dispositions qui ne sont généralement pas incluses dans les accords de réadmission, telles que les politiques de pays tiers sûr. Cependant, les deux systèmes fonctionnent de concert. Il est indispensable de garantir l’effet suspensif de toute demande d’asile et de tout recours introduit en cas de refus, ce qui n’est actuellement pas le cas dans bon nombre d’Etats membres. Il conviendrait de mettre en place des accords spéciaux relatifs à la détermination de la nationalité.
94. Le rapporteur condamne fermement toute action des Etats membres du Conseil de l’Europe qui aurait pour conséquence de rejeter ou de repousser vers leurs pays d’origine ou des pays de transit des demandeurs d’asile sans qu’ils aient eu la possibilité de déposer effectivement une demande d’asile. Cela s’applique d’autant plusaux pays d’accueil qui ne disposent pas d’un système d’asile adéquat.
95. Il convient de définir au préalable les critères de respect et de protection des droits de l’homme à appliquer lors de la sélection des pays avec lesquels les négociations pourraient être engagées. Ces critères devraient inclure la présence dans ces pays de garanties appropriées en matière de droits de l’homme et le respect du principe de non-refoulement.
96. Les Etats membres ne devraient demander la réadmission d’un ressortissant d’un pays tiers qu’après s’être assurés de l’impossibilité du retour dans son pays d’origine et, s’agissant des demandeurs d’asile dont la demande n’a pas été examinée sur le fond, que le pays de transit est un pays tiers sûr pour la personne concernée.
97. Avant de demander à un pays de transit de réadmettre un migrant en situation irrégulière, il convient de s’assurer au préalable que le pays requis est en mesure de garantir à la personne éloignée une situation viable, ou, au minimum, l’accès aux droits sociaux de base. Si ces conditions ne sont pas remplies, le pays d’envoi devrait s’abstenir de mettre en œuvre la réadmission et accorder en tout état de cause au migrant l’accès aux droits sociaux minimaux tant qu’il séjourne sur son territoire.
98. L’application des accords de réadmission aux ressortissants de pays tiers étant récente, le nombre de ressortissants transférés vers un pays de transit en vertu d’un tel accord est faible. Cependant, la situation risque d’évoluer rapidement. Un pays de transit n’étant soumis à aucune obligation légale de réadmettre un ressortissant de pays tiers, le rapporteur aimerait souligner la question morale qu’il convient de se poser, en l’occurrence celle-ci: est-il bon que les Etats membres du Conseil de l’Europe transfèrent leur responsabilité à l’égard des migrants en situation irrégulière à des pays dont la situation économique et en matière de primauté du droit est généralement moins enviable? Même si ces pays ont signé un accord pour la réadmission de ressortissants de pays tiers, il n’est pas clairement établi qu’ils puissent et veuillent assumer la responsabilité de ces personnes.
99. Si les Etats membres usent de «carottes» telles que des avantages commerciaux, des programmes d’assistance ou la libéralisation des visas, les pays de transit seront incités à signer les accords sans prendre en considération les conséquences en termes de dignité humaine des migrants. Les Etats membres devraient de ce fait avoir conscience de l’incidence que peut avoir l’arrivée massive de ressortissants de pays tiers sur ces pays parfois fragiles. Par ailleurs, ils devraient être très prudents lorsque, dans le cadre d’un accord, ils transfèrent leur propre responsabilité à l’égard des migrants sur d’autres pays.
100. Les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne tireraient avantage à travailler en étroite collaboration avec les ONG, souvent extrêmement impliquées et ayant une connaissance approfondie des faits pertinents, et avec des organisations internationales telles que le HCR et l’OIM. Le suivi de la mise en œuvre des accords de réadmission pourrait être entrepris en coopération avec la société civile. Le rapporteur estime que cette tâche est essentielle pour sauvegarder les intérêts des migrants et mieux comprendre les rouages des accords de réadmission. Il est important que ce suivi soit effectué par des pouvoirs indépendants.
101. La collecte de statistiques est également cruciale. Le rapporteur encourage les Etats membres du Conseil de l’Europe et la Commission européenne à travailler ensemble à la compilation de données nationales en vue de l’élaboration d’un rapport annuel sur l’application des accords de réadmission. Les pays doivent faire preuve d’une transparence accrue afin de faciliter la collecte de données statistiques et l’évaluation de ces accords. C’est d’autant plus vrai compte tenu des nombreux accords de réadmission informels auxquels les Etats membres ont actuellement recours.
102. Comme beaucoup de pays, et notamment les pays de réadmission, ne sont pas toujours parfaitement informés de la procédure à suivre pour mettre en œuvre les accords, il est recommandé de développer des programmes de formation pour les pays accueillant les personnes éloignées et d’assurer un suivi de ceux déjà menés.
103. Le rapporteur est convaincue de la nécessité de mener des investigations plus approfondies, tant au plan qualitatif que quantitatif, sur les accords de réadmission et leurs conséquences. C’est le seul moyen de déterminer leur impact en matière de droits de l’homme.

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Commission chargée du rapport: commission des migrations, des réfugiés et de la population

Renvoi en commission: Doc. 11519, Renvoi 3429 du 14 avril 2008

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 28 janvier 2010

Membres de la commission: M. John Greenway (Président), M. Giacomo Santini (1er Vice-Président), M. Tadeusz Iwiński (2e Vice-Président), Mme Tina Acketoft (3e Vice-Présidente), M. Francis Agius, M. Pedro Agramunt, M. Francisco Assis (remplaçante: Mme Ana Catarina Mendonça), M. Alexander van der Bellen, M. Ryszard Bender, M. Márton Braun, M. André Bugnon, M. Sergej Chelemendik, M. Vannino Chiti, M. Christopher Chope (remplaçant: M. Michael Hancock), M. Desislav Chukolov, M. Boriss Cilevičs, M. Titus Corlăţean, Mme Claire Curtis-Thomas (remplaçant: Lord Donald Anderson), M. David Darchiashvili (remplaçant: M. Guiorgui Kandelaki), M. Nikolaos Dendias,M. Arcadio Díaz Tejera, M. Tuur Elzinga (remplaçante: Mme Tineke Strik), M. Valeriy Fedorov, M. Oleksandr Feldman, M. Relu Fenechiu, Mme Doris Fiala, M. Bernard Fournier, M. Aristophanes Georgiou, M. Paul Giacobbi, Mme Angelika Graf, Mme Annette Groth, M. Michael Hagberg (remplaçant: M. Göran Lindblad), Mme Gultakin Hajibayli, M. Doug Henderson, Mme Anette Hübinger, M. Jean Huss, M. Denis Jacquat, M. Zmago Jelinčič Plemeniti, M. Mustafa Jemiliev, M. Tomáš Jirsa, Mme Corien W.A. Jonker, M. Reijo Kallio, M. Ruslan Kondratov, M. Franz Eduard Kühnel, M. Geert Lambert, M. Pavel Lebeda, M. Arminas Lydeka, M. Jean-Pierre Masseret, M. Slavko Matić, Mme Nursuna Memecan, M. Ronan Mullen (remplaçant: M. Frank Fahey), M. Gebhard Negele, Mme Korneliya Ninova, Mme Steinunn Valdís Óskarsdóttir, M. Alexey Ostrovsky, M. Evangelos Papachristos, M. Jørgen Poulsen, M. Cezar Florin Preda, M. Gabino Puche, M. Milorad Pupovac, M. Volodymyr Pylypenko, Mme Mailis Reps, M. Branko Ružić,M. Džavid Šabović,M. Samad Seyidov, M. Joachim Spatz, M. Fiorenzo Stolfi, M. Giacomo Stucchi, M. László Szakács, Mme Elke Tindemans, M. Dragan Todorović, Mme Anette Trettebergstuen, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Michał Wojtczak (remplaçant: M. Bronisław Korfanty), M. Marco Zacchera, M. Yury Zelenskiy, M. Andrej Zernovski, Mme Naira Zohrabyan

N.B. Les noms des membres ayant pris part à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: M. Neville, Mme Odrats, M. Ekström