1. Introduction
1. On estime à environ 10 millions le nombre de migrants
en situation irrégulière vivant aujourd’hui en Europe, avec chaque
année pas moins de 500 000 personnes qui entrent clandestinement
en Europe ou qui s’y trouvent ensuite en situation irrégulière.
2. Certaines de ces personnes parviendront ultérieurement à régulariser
leur situation, mais un grand nombre d’entre elles devront retourner
dans leur pays d’origine. Certaines partiront de leur plein gré,
par leurs propres moyens; d’autres seront contraintes de rentrer
dans leur pays par les autorités, souvent à la suite d’une période
de rétention.
3. Les programmes de retour volontaire assisté (RVA) sont pour
de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe un moyen d’aider
les migrants en situation irrégulière à retourner dans leur pays
d’origine. Ces programmes sont perçus comme une option préférable
au retour forcé dans la mesure où ils permettent aux migrants en
situation irrégulière de rentrer chez eux dans la dignité et, dans
certains pays et dans certains cas, ils contribuent à la réintégration
des migrants en situation irrégulière une fois ceux-ci rentrés dans
leur pays d’origine.
4. Ils offrent aux migrants en situation irrégulière et aux Etats
membres une alternative mutuellement avantageuse aux mesures d’expulsion
ou de refoulement obligatoire. Les programmes de retour volontaire assisté
sont moins coûteux pour le pays hôte que les dispositifs de rétention
et d’expulsion. Ils peuvent également contribuer à améliorer les
relations entre le pays d’accueil et le pays d’origine
.
5. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe s’est exprimé
en faveur du retour volontaire assisté dans ses «20 principes directeurs
sur le retour forcé», adoptés en mai 2005. Dans ce document, le
Comité des Ministres déclare: «L’Etat d’accueil devrait prendre
des mesures encourageant le retour volontaire, lequel est préférable
au retour forcé. Il devrait régulièrement évaluer et améliorer,
si nécessaire, les programmes mis en œuvre à cet effet.»
L’Union
européenne, dans la «Directive retour» déclare également que le
retour volontaire est préférable au retour forcé
.
6. Depuis près de trois décennies, le retour volontaire assisté
a permis à plus de 1,6 million de personnes de rentrer dans plus
de 160 pays dans le monde. Pour l’application des mesures de retour
volontaire assisté, les Etats membres ont bénéficié de l’aide et
des conseils de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM)
qui a acquis une expérience très riche dans la mise en œuvre des
programmes de ce type dans le monde entier.
7. Dans ce rapport, le rapporteur examinera les trois étapes
du retour volontaire assisté, à savoir l’étape d’«avant-départ»
qui comprend tous les moments conduisant à la décision de retour
ainsi que la préparation du retour, l’étape du voyage et l’étape
d’«après-retour», y compris la réintégration dans le pays d’origine.
8. Elle abordera quelques-unes des questions et préoccupations
principales que soulève le recours à ces programmes, en présentant
un certain nombre d’études de cas pour montrer comment les programmes
de retour volontaire assisté fonctionnent en pratique dans différents
pays.
9. Lors de la préparation de ce rapport, le rapporteur a organisé
une audition sur ce thème aux Pays-Bas le 27 mars 2009 et effectué
une visite d’information à Londres les 25 et 26 novembre 2009, où
elle a pu rencontrer des représentants de l’organisme public chargé
du contrôle des frontières (UK Border Agency), ainsi que des représentants
de la société civile et de l’OIM. Elle remercie toutes les personnes
qui ont contribué à la préparation de ce rapport et, en particulier,
le personnel de l’OIM qui l’a beaucoup aidée lors des différentes étapes
de la préparation de ce rapport.
2. Les programmes de
retour volontaire assisté: de quoi s’agit-il?
10. Les programmes de retour volontaire assisté sont
des programmes mis en place par l’OIM, principalement pour aider
les migrants en situation irrégulière et les demandeurs d’asile
déboutés, avec le soutien et la coordination des gouvernements,
pour aider ces personnes à retourner dans leur pays d’origine de
façon durable et dans la dignité.
11. L’OIM définit ainsi le retour volontaire assisté: «(…) le
retour volontaire assisté (RVA) comprend une aide organisationnelle
et financière pour le retour et si possible la mise en place de
mesures de réintégration pour les individus qui rentrent chez eux
volontairement. Cette décision volontaire consiste en deux éléments: d’abord,
la liberté de choix, qui se définit par l’absence de pression psychologique,
physique ou matérielle. Ensuite, il s’agit d’une décision éclairée
qui repose sur la mise à disposition d’informations correctes et suffisantes
sur lesquelles se fonde la décision du retour. Le retour volontaire
assisté offre également au pays d’accueil une solution alternative
aux opérations de rapatriement forcé qui sont onéreuses et impopulaires.»
En
outre, il y a des situations dans lesquelles le pays hôte ne peut
pas organiser les retours forcés (défaut de contacts diplomatiques,
refus du pays d’origine de délivrer des documents nécessaires pour
le voyage). La seule option de retour possible reste alors le retour
volontaire, à condition que la personne concernée opte pour ce choix.
12. Il importe de souligner le caractère «volontaire» du retour
sur lequel insiste la définition de l’OIM, par opposition au retour
forcé dans lequel le retour est organisé par le gouvernement, l’individu
concerné n’ayant d’autre choix que de retourner dans son pays d’origine
en se soumettant à la volonté du gouvernement.
13. Dans la procédure de retour volontaire, l’implication d’une
tierce partie comme l’OIM aide à garantir le caractère volontaire
du retour; c’est la raison pour laquelle une tierce partie est toujours
associée à ce processus. Dans certains pays, notamment au Royaume-Uni
et aux Pays-Bas, l’OIM est en fait l’acteur principal assurant la
mise en œuvre de la procédure de retour volontaire assisté. Dans
d’autres pays, comme la Suisse, la procédure de retour est appliquée
par des organes de l’Etat en coopération étroite avec l’OIM et souvent
avec une participation très importante des organisations non gouvernementales
(ONG), en particulier en matière de soutien individuel. Dans d’autres
pays encore, comme la France ou la Suède, elle est appliquée presque
entièrement par un organe de l’Etat avec une participation très
réduite de l’OIM. Celle-ci assure la mise en œuvre de plus de 20
programmes de retour volontaire assisté et d’une centaine de projets
dans le monde entier.
14. Le retour volontaire assisté peut s’adresser à différentes
catégories de personnes, comme les demandeurs d’asile, les demandeurs
d’asile déboutés, les migrants en situation irrégulière, les personnes
à bout de ressources et les personnes en transit. Il peut être axé
sur certaines catégories particulières de personnes, ou bien leur
donner la priorité, comme les personnes vulnérables ou les personnes
originaires de certaines régions géographiques. Il s’adresse parfois
aux personnes en rétention en instance de retour et peut même s’appliquer
aux étrangers qui purgent une peine de prison, mais le rapporteur
considère ce dernier groupe comme un groupe à part à distinguer
des migrants en situation irrégulière qui n’ont commis aucune infraction
pénale.
15. Le retour volontaire assisté peut être financé par des donateurs,
par le gouvernement du pays d’accueil, ou par les deux à la fois.Ce
type de programme varie en fonction du type et de l’ampleur de l’aide
offerte aux personnes concernées, mais il comprend toujours trois
étapes principales: l’avant-départ, le voyage et l’après-retour.
2.1. L’avant-départ
16. La première étape du retour volontaire assisté est
celle de l’«avant-départ». Les migrants en situation irrégulière
ou les personnes dont la demande d’asile a été rejetée ou dont le
titre de séjour est arrivé à expiration disposent de peu de solutions
pour demeurer légalement dans le pays hôte. Nombre d’entre eux se heurtent
à de graves difficultés, notamment le risque d’expulsion, l’absence
de papiers, l’exploitation et l’incertitude quant à leur avenir.
Beaucoup ne connaissent pas les options qui s’offrent à eux ni l’aide
dont ils pourraient bénéficier. En outre, certains demandeurs d’asile
qui attendent toujours une décision ou qui ont fait appel de la
décision ne souhaitent plus, pour diverses raisons, donner suite
à leur demande et rentrent chez eux.
17. La première étape de tout programme de retour volontaire assisté
consiste donc à chercher à atteindre les membres de la communauté
qui pourraient être intéressés par ce programme et à leur fournir
des renseignements par le biais de campagnes d’information. Ce type
de campagnes peut se faire par voie d’affichage ou à travers d’autres
formes de publicité, ainsi que sur des radios locales, dans des
journaux locaux et d’autres médias auxquels les membres de la communauté
concernée sont susceptibles d’avoir accès.
18. Des séminaires généraux d’information et/ou des séances de
conseil individuel sont organisés pour les personnes intéressées,
sans aucune obligation pour les participants de s’engager dans une
procédure de retour volontaire. Ces activités ne sont pas organisées
par les autorités et aucune information ne leur est divulguée concernant
les participants à ces événements. Il s’agit là d’un élément essentiel
pour que les candidats potentiels au retour participent en toute
confiance à ces activités et comprennent bien ce qu’est une décision
volontaire de retour.
19. Lors des séances individuelles de conseil, les candidats potentiels
peuvent discuter de leurs inquiétudes à propos du retour dans leur
pays. Ils reçoivent des informations actualisées sur leur pays d’origine, notamment
des informations sur la situation économique, politique et sociale
dans le pays ou dans une région ou une localité particulière. On
peut aussi les mettre en contact avec des personnes qui sont rentrées
chez elles ou avec des amis ou des membres de leur famille, en leur
donnant la possibilité d’enquêter sur les opportunités en matière
d’emploi. L’aide apportée est une aide individualisée qui tient
compte des besoins spécifiques, des capacités et des souhaits des
candidats potentiels au rapatriement. Tous les obstacles au retour
peuvent être examinés et évalués dans ce contexte.
20. Lorsqu’un candidat potentiel décide de s’engager dans une
procédure de retour volontaire, on lui fournit l’information et/ou
l’assistance dont il a besoin pour obtenir un titre de transport
valide et organiser son voyage vers le pays de destination et ensuite
à l’intérieur du pays, en lui indiquant un délai pour ce retour.
2.2. Le voyage
21. La deuxième étape du retour volontaire assisté est
celle du transport depuis le pays hôte jusqu’à la destination finale
dans le pays d’origine. Le type et la quantité de l’aide fournie
varient selon les programmes, mais la plupart des programmes de
retour volontaire assisté offrent une certaine assistance financière
pour les frais de voyage, notamment le billet d’avion et les autres
frais de transport à l’intérieur du pays de destination. Les rapatriés
peuvent recevoir une aide aux aéroports de départ et d’arrivée en
ce qui concerne leur titre de voyage, leurs bagages et/ou d’autres
questions apparentées. Les rapatriés appartenant à une catégorie
de personnes vulnérables peuvent bénéficier de la présence d’un
accompagnateur et/ou d’une assistance médicale.
2.3. L’après-retour
22. L’étape finale du retour volontaire assisté est celle
de l’«après-retour» dans le pays de destination. Les programmes
de retour volontaire assisté offrent parfois une aide aux rapatriés
pour leur permettre d’atteindre leur destination finale, de trouver
un logement temporaire, de renouer les liens avec leur famille ou
leurs amis et/ou de mettre en place des mesures médicales.
23. Cependant, l’un des premiers objectifs des programmes de retour
volontaire assisté est de favoriser la durabilité du retour. S’il
rencontre des difficultés identiques à celles qui l’ont incité à
émigrer une première fois, il y a peu de chances qu’un rapatrié
reste dans son pays d’origine. C’est pourquoi de nombreux programmes de
retour volontaire assisté apportent aux rapatriés un certain type
de soutien à plus long terme, pour les aider à se réintégrer et
à devenir des membres productifs de leur communauté d’origine. Ce
soutien peut prendre la forme d’un apport financier, en espèces
ou en nature, et/ou consister à créer des opportunités dans le domaine de
l’éducation et/ou de l’emploi ou des petites entreprises, souvent
en coordination avec des groupes locaux et des organisations non
gouvernementales.
24. Cette aide ne contribue pas seulement à assurer le rapatriement
durable de la personne concernée, elle joue aussi un rôle important
pour dissuader les migrations irrégulières dans la communauté. Il
y a de fortes chances, en effet, que les rapatriés volontaires plaident
contre la migration irrégulière et que leur exemple devienne pour
ceux qui les entourent un rappel quotidien du fait que la migration
irrégulière n’ouvre pas automatiquement l’accès à une vie heureuse
et prospère dans un autre pays. Certains programmes ne se limitent
pas à offrir une aide aux rapatriés eux-mêmes mais visent des communautés
entières, en cherchant à améliorer les conditions économiques et/ou
sociales locales et à s’attaquer plus profondément aux causes des migrations
irrégulières.
25. L’OIM reste en contact avec la plupart des migrants rapatriés
pendant une période allant de six mois à un an, voire davantage,
en fonction de la mission du projet. Le rapporteur estime que le
suivi à long terme est un élément essentiel des programmes de RVA.
3. Quelle est l’efficacité de
ces programmes en termes de personnes rapatriées, de coûts et de durabilité
du retour?
3.1. Nombre de personnes rapatriées
26. L’OIM indique que, depuis près de trente ans qu’elle
gère des programmes de ce type, le retour volontaire assisté a aidé
plus de 1,6 million de personnes à rentrer dans plus de 160 pays.
27. Environ 32 000 migrants sont rentrés chez eux dans le cadre
des RVA de l’OIM en 2009, par rapport à environ 23 000 en 2008.
28. Au Royaume-Uni, depuis 1999, l’OIM a aidé environ 30 000 personnes
à rentrer dans près de 130 pays. En 2009, par exemple, on a recensé
4 945 retours volontaires, par rapport à 4 301 en 2008 et 4 157
en 2007. Le plus grand nombre de personnes rapatriées du Royaume-Uni
étaient originaires d’Irak (4 536), d’Albanie (4 021) et d’Afghanistan
(2 320).
3.2. Coût
29. Le coût du retour volontaire assisté est bien inférieur
à celui du retour forcé, dans lequel doit être inclus notamment
le coût de la rétention et du retour accompagné.
30. Au Royaume-Uni, par exemple, les refoulements obligatoires
ont coûté en 2005 au contribuable britannique 11 000 £ par personne.
Les retours volontaires ont coûté 1 000 £ par personne. Si l’on
prend en compte l’aide à la réintégration, le coût des retours volontaires
représentait moins d’un tiers de celui des retours forcés
.Selon des estimations
plus récentes, le coût des retours forcés se situerait entre 11 000 £
et 25 600 £, tandis que celui des retours volontaires s’échelonnerait
par personne entre 600 £ (frais de voyage uniquement) et 5 000 £
(aide à la réintégration incluse)
.
31. Le coût de la rétention est évidemment un élément très important;
à titre indicatif, au Royaume-Uni, le coût du maintien d’une personne
en rétention est estimé entre 39 000 £ et 52 000 £.
32. L’Union européenne peut participer au financement des programmes
de retour volontaire assisté dans les Etats membres. Le programme-cadre
«Solidarité et gestion des flux migratoires (2007 -2013)» permet l’accès
à un financement du Fonds européen pour les réfugiés (phase III),
du Fonds pour le retour et du Fonds pour les frontières extérieures.
Le rapporteur juge important d’encourager l’Union européenne à continuer
à apporter un cofinancement aux Etats membres qui appliquent des
mesures de retour volontaire assisté.
3.3. Durabilité
33. Pour que les programmes de retour volontaire assisté
soient effectivement une solution durable au problème de la migration
irrégulière, il faut que les personnes rapatriées se réintègrent
et deviennent des membres productifs de leur pays d’origine. Même
si certains des facteurs incitant les individus à émigrer échappent
au contrôle des organisations et des Etats membres qui parrainent
les programmes de retour volontaire assisté, certaines mesures,
notamment celles qui visent à promouvoir la croissance économique dans
les communautés locales, peuvent contribuer à réduire ces facteurs.
Offrir de l’aide en nature garantit que les fonds sont investis
dans ce à quoi ils sont destinés, ce que les programmes d’aide financière
ne peuvent confirmer.
34. Un certain nombre de données semblent indiquer que les programmes
de retour volontaire assisté aboutissent à des retours plus durables.
Tout d’abord, le nombre de personnes cherchant à émigrer de nouveau
après leur retour est apparemment peu élevé. D’après une enquête
réalisée au Royaume-Uni (voir plus loin le profil national de ce
pays), seules environ 4 % des personnes rapatriées ont cherché à
quitter de nouveau leur pays et la plupart de celles qui ont cherché
à repartir ont tenté d’entrer légalement dans un autre pays. De
plus, dans une autre enquête menée au Royaume-Uni sur les retours
pendant la période de 2002 à 2005, qui a permis d’interroger la
moitié des 2 065 personnes rapatriées pendant cette période, 92 %
des personnes interrogées ont déclaré que l’aide à la réintégration
était utile ou très utile; 81 % étaient des hommes et 19 % des femmes.
La majorité des personnes étaient âgées de 18 à 30 ans et avaient
passé de trois à cinq ans au Royaume-Uni (38 %) ou plus de cinq
ans (20 %). Elles avaient aussi en grande majorité (81 %) choisi de
créer une petite entreprise et 77 % de ces entreprises étaient encore
en activité au moment de l’enquête. Les deux tiers des rapatriés
qui avaient opté pour une formation avaient trouvé un emploi. D’après
une autre enquête sur les retours volontaires depuis le Royaume-Uni
vers l’Afghanistan, sur les 165 personnes ayant bénéficié d’une
aide à la création d’entreprise, 160 étaient encore en activité,
quatre avaient fermé boutique et une personne avait disparu.
35. Les personnes qui ont créé une petite entreprise ont été nombreuses
à employer des salariés, ce qui est aussi une indication d’un retour
durable.
36. Néanmoins, des données supplémentaires sont nécessaires sur
la durabilité des retours. Le rapporteur est d’avis qu’un travail
supplémentaire doit être consacré au suivi des retours et à l’évaluation
de leur durabilité. Dans l’idéal, le retour et la réintégration
ne devraient pas bénéficier au seul rapatrié mais aussi à la communauté
locale, en favorisant le renforcement des capacités et le développement
du pays d’origine. C’est la démarche qu’ont adoptée par exemple
les Pays-Bas dans leurs programmes relatifs à l’Irak, où ils financent quatre
programmes d’activité à l’échelon local. Ces programmes doivent
être encouragés et il importe que les pays d’origine soient impliqués
dans les programmes de retour volontaire assisté.
4. Comment améliorer les programmes
de retour volontaire assisté?
37. Lors de la préparation de ce rapport, le rapporteur
a pris connaissance des diverses critiques adressées aux programmes
de retour volontaire assisté et des propositions mises en avant
pour les améliorer. Cette partie du rapport est consacrée à l’examen
de quelques-unes des questions les plus importantes à cet égard.
4.1. Caractère volontaire du retour
38. L’une des préoccupations le plus souvent citées sur
les retours volontaires assistés concerne la question de savoir
dans quelle mesure ces retours peuvent réellement être considérés
comme «volontaires».
39. Pour que la décision d’un migrant de rentrer dans son pays
d’origine soit réellement volontaire, il faut que celui-ci ait été
informé de toutes les possibilités existantes, à savoir rester dans
le pays hôte, retourner dans son pays d’origine ou émigrer vers
un troisième pays. Outre l’information procédurale concernant le
titre de voyage et autres arrangements, les candidats au rapatriement
devraient recevoir une information complète sur la situation économique,
politique et sociale dans leur pays et leur communauté d’origine.
Les représentants des organisations qui parrainent le retour volontaire
assisté doivent respecter les souhaits des candidats potentiels
et éviter d’exercer des pressions sur eux pour les inciter à choisir
le retour volontaire assisté.
40. L’existence de facteurs d’incitation et d’attrait est, dans
tous les cas, inévitable. Les facteurs d’incitation au retour comprennent
la crainte de l’expulsion et de la rétention; les facteurs d’attrait
sont la nostalgie pour le pays d’origine et le désir de revoir la
famille et les amis. L’ensemble de ces éléments influence la décision
de retour volontaire.
41. Selon le Conseil européen pour les réfugiés et exilés (ECRE),
le terme «volontaire» ne peut être employé que lorsque la personne
concernée dispose de «la possibilité légale de résider dans un pays
tiers» et a donné un «consentement individuel authentique, sans
avoir subi de pressions d’aucune sorte»
.
42. Le rapporteur est d’avis que la question du caractère volontaire
ou non du retour se posera dans tous les cas puisque, en l’absence
de toute possibilité légale de rester dans le pays hôte, il n’existe
pas véritablement de choix entre partir ou rester. Dans le cas des
personnes en rétention, le choix est encore plus limité. Cela étant
dit, le rapporteur considère que, sauf dans le cas du retour des
personnes condamnées et emprisonnées, l’emploi du terme «volontaire»
est important et justifié. Elle a eu connaissance de propositions visant
à qualifier le retour d’«indépendant» mais n’est pas favorable à
ce terme, sauf peut-être en ce qui concerne le retour de personnes
condamnées purgeant une peine de prison, dont le caractère «volontaire» est
encore plus problématique que celui des autres retours (voir aussi
ci-dessous).
4.2. Retour volontaire assisté des
migrants en situation irrégulière placés dans des centres de rétention
43. Il ne fait guère de doute qu’un retour forcé peut
porter gravement atteinte à la dignité de l’individu. Un retour
volontaire, en revanche, peut offrir assistance et dignité à une
personne qui sait qu’elle sera renvoyée de force dans son pays.
44. Opter pour un retour volontaire pendant la rétention peut
accélérer de façon significative le processus de retour, ce qui
présente des avantages pour le demandeur, notamment lui évite un
temps de rétention trop long et d’être raccompagné dans son pays
d’origine. Cela peut aussi faire gagner du temps et de l’argent
aux autorités, qui peuvent avoir du mal à obtenir un titre de voyage
sans le soutien de la personne placée en rétention et être obligées
de prolonger le temps de rétention pendant de longues périodes dans
certains cas. La question du caractère «volontaire» de la décision
est cependant bien plus délicate dans ce contexte; le rapporteur
sait que l’OIM a conscience de ce problème et veille doublement
à rester impartiale dans ce type de situations, en n’offrant informations
et conseils sur le retour que lorsqu’on lui en fait la demande.
45. Alors que l’aide à la réintégration est proposée dans plus
de 90 % des programmes de retour volontaire assisté, l’assistance
apportée aux personnes en rétention qui attendent un rapatriement
forcé reste souvent plus limitée. Cette situation est compréhensible
en termes d’avantages accordés aux personnes qui rentrent chez elles
avant le dernier moment. Cela peut également se comprendre dans
le contexte politique du débat sur l’immigration en Europe. Néanmoins,
le rapporteur considère que la distinction entre personnes en rétention
et les autres ne doit pas être exagérée. Le but, en effet, demeure
le même pour les gouvernements, à savoir assurer le retour du plus
grand nombre de personnes possible et leur réintégration dans leur
pays d’origine, afin d’éviter qu’elles ne cherchent à partir une
nouvelle fois.
46. Le rapporteur est aussi d’avis que le fait d’encourager le
retour des condamnés étrangers purgeant une peine de prison est
une question distincte. Bien que certains gouvernements aient mis
en place des mesures pour inciter ces personnes à retourner dans
leur pays, le rapporteur a choisi de ne pas aborder la situation
de ce groupe de personnes dans le cadre de ce rapport sur le retour
volontaire assisté des migrants en situation irrégulière.
4.3. Groupes de personnes vulnérables
47. Le rapporteur reconnaît que les groupes vulnérables
ont besoin d’une aide particulière dans le cadre des retours volontaires
assistés. Les mineurs non accompagnés, les personnes ayant des problèmes
de santé et les victimes de la traite font notamment partie des
catégories de personnes fréquemment mentionnées comme requérant
une aide spéciale.
48. Les mineurs non accompagnés doivent non seulement consentir
au retour volontaire mais leur tuteur doit être impliqué dans la
procédure et donner, lui aussi, son accord. On doit s’efforcer de
retrouver et de contacter des membres de leur famille dans le pays
d’origine. Les mineurs ont besoin de conseillers spécialisés et
d’une assistance spécialisée au départ et à l’arrivée. Il est en
outre parfois nécessaire de les accompagner pendant le voyage. Un
hébergement temporaire doit aussi parfois être organisé pour eux
avant même leur arrivée. L’aide à la réintégration des mineurs est
particulièrement importante et peut prendre diverses formes: prise
en charge de certains frais éducatifs, bourses d’études ou aide
au développement des revenus de la famille du mineur rapatrié, par
exemple.
49. Les personnes qui ont des problèmes de santé requièrent une
assistance et des protections particulières, notamment le respect
de la confidentialité des informations médicales, la fourniture d’informations
sur la disponibilité du traitement dans le pays d’origine, la préparation
du traitement avant, pendant et après le retour, l’échange d’informations
entre médecins et une assistance spéciale pendant le voyage. La
mise en place de mesures spéciales d’aide à la réintégration est
nécessaire pour les personnes atteintes d’une maladie chronique
comme le sida, mais les programmes de retour volontaire assisté
permettent rarement d’organiser une assistance médicale à long terme.
50. Les victimes de la traite présentent aussi des besoins particuliers
et leur rapatriement doit être soigneusement préparé, parfois avec
la participation de la police et des organismes d’aide, afin de
protéger ces personnes de toutes représailles et d’éviter qu’elles
ne retombent dans le circuit de la traite. Une aide peut aussi être
nécessaire à l’arrivée, notamment sous forme d’hébergement temporaire
et de soutien psychologique, traumatologique, juridique et médical,
ainsi qu’une assistance pour accéder à un emploi, reprendre des
études ou suivre une formation.
4.4. Interdictions de retour
51. Les interdictions de retour de longue durée sont
l’un des principaux facteurs pouvant dissuader les migrants d’opter
pour un retour volontaire assisté. Au Royaume-Uni, par exemple,
l’interdiction de retour à la suite d’un départ volontaire aux frais
de l’Etat est de cinq ans. Une mesure d’expulsion s’accompagne d’une interdiction
de retour de dix ans.
52. De nombreuses personnes conservent des liens forts avec le
pays hôte, notamment lorsqu’elles y ont des parents, proches ou
lointains. Une interdiction de retour peut donc peser lourdement
contre une décision de retour volontaire. Le rapporteur est d’avis
que les Etats membres devraient maintenir ces interdictions à un niveau
minimal.
53. La communication d’informations aux candidats potentiels au
retour est l’un des éléments clés des programmes de retour volontaire
assisté. Premièrement, une information sur les programmes doit être
mise à la disposition des migrants dans leur communauté locale,
si possible dans leur langue maternelle. Les migrants souhaitant
s’engager dans un processus de retour volontaire assisté devraient
avoir la possibilité de rencontrer individuellement, avec leur famille
ou en groupe, un représentant de l’organisation qui parraine le
programme pour des séances de conseils, afin de pouvoir discuter
des composantes spécifiques du programme. Le représentant en question
devrait, si possible, parler la langue maternelle du candidat potentiel
au retour et/ou connaître et comprendre sa culture et ses valeurs.
Les migrants qui décident de participer à un programme de retour
volontaire assisté devraient aussi recevoir des conseils personnalisés
sur les opportunités d’emploi et/ou de formation dans le pays de
destination.
54. Gagner la confiance des candidats potentiels au retour est
également essentiel: de nombreux migrants, en particulier ceux qui
sont entrés illégalement dans le pays hôte, se méfient des programmes
de retour volontaire assisté et des organisations qui les gèrent.
Il est donc important que, pendant les premières étapes, ces organisations
évitent de transmettre aux autorités des informations susceptibles
de conduire à l’arrestation de personnes qui envisagent la possibilité
d’un retour volontaire. Il convient de souligner que l’OIM ne transmet jamais
de tels renseignements aux autorités. Les candidats potentiels au
retour doivent être traités avec respect dans tous les cas et, si
possible, avoir la possibilité de rencontrer des représentants de
l’organisation qui connaissent et comprennent leur culture et leurs
valeurs. Les candidats devraient aussi avoir la possibilité de communiquer
avec des participants antérieurs au programme aptes à partager leur
expérience et à offrir des conseils. Il est aussi extrêmement important
de gagner la confiance et le soutien des organisations de la diaspora
et d’autres organisations et responsables de la communauté, qui
peuvent aussi souvent jouer un grand rôle dans le processus.
55. Dans une étude récente sur les programmes de retour volontaire
en Europe intitulée «Accroître la participation des réfugiés dans
le domaine du retour volontaire», le Conseil européen pour les réfugiés
et les exilés (ECRE) souligne le rôle potentiel des organisations
de réfugiés pour la diffusion de l’information au sein des communautés
de migrants et le suivi de la situation des rapatriés à plus long
terme. Pour beaucoup de migrants, en effet, il est plus facile d’entrer
en contact avec une organisation non gouvernementale, au moins dans
un premier temps, qu’avec une organisation internationale qu’ils
peuvent percevoir comme une instance du gouvernement du pays hôte.
Même si l’OIM prend toutes les mesures possibles pour assurer aux
candidats qu’elle n’agit pas en relation avec le gouvernement, certains
candidats potentiels conservent cette appréhension.
4.5. Coopération entre les gouvernements
du pays hôte et du pays de destination
56. Le rapporteur a plusieurs fois mis en avant l’importance
de faire participer à la fois le pays d’accueil et le pays d’origine
aux programmes de retour volontaire assisté. Cette démarche importe
non seulement pour faciliter le voyage et obtenir les papiers nécessaires,
mais aussi pour recevoir des renseignements fiables sur le pays
ou la région d’origine pour les candidats potentiels au retour.
Cela est aussi essentiel pour assurer aux retours un caractère durable
et faire en sorte qu’ils soient perçus de manière positive aux plans
politique et social dans le pays d’origine, ainsi que pour le développement
à long terme du pays d’origine.
4.6. Points particuliers soulevés
par les rapatriés
57. En recueillant des informations pour ce rapport,
le rapporteur a pris connaissance d’un certain nombre de questions
soulevées par les rapatriés à propos du fonctionnement des programmes
de retour volontaire assisté et des moyens de faciliter les retours
à l’avenir.
58. En ce qui concerne l’étape de l’avant-départ, les rapatriés
demandent que soient fournies plus d’informations sur le pays/la
région d’origine, notamment en matière de logement, d’emploi, d’intégration sociale,
d’aide sociale, de soutien familial, de coût de la vie et de changements
socio-économiques. Pour certaines personnes, en particulier les
demandeurs d’asile déboutés, la question de la sécurité reste une préoccupation
importante. Ils demandent aussi à avoir plus facilement accès à
des outils tels qu’ordinateurs et lignes téléphoniques pour planifier
leur retour, et davantage de possibilités de discuter de leur expérience
avec des rapatriés (par exemple au moyen de liaisons par satellite
ou par téléphone). Le soutien psychologique est également mentionné
comme une nécessité pour certains candidats au retour à l’étape
de l’avant-départ. La confidentialité et l’anonymat sont aussi des
conditions préalables essentielles pour beaucoup de migrants avant
d’accepter de s’engager dans des discussions sur le retour.
59. En ce qui concerne l’étape du voyage, les rapatriés critiquent
fréquemment les restrictions de bagages auxquelles ils sont soumis.
60. Enfin, en ce qui concerne l’étape d’après-retour, les rapatriés
soulignent le besoin de plus de formation aux activités commerciales;
la possibilité d’étendre l’aide à la réintégration sur une période
plus longue est également mentionnée. Les difficultés de logement
à l’arrivée semblent aussi constituer un problème dans certains
cas.
4.7. Pour répondre à certaines idées
répandues
61. Le rapporteur est conscient du fait que les programmes
de retour volontaire assisté font l’objet d’un certain nombre de
critiques, qui s’expriment souvent dans les médias dits «populistes».
Elle considère qu’il est important d’y répondre, notamment en ce
qui concerne les trois allégations suivantes.
62. Bénéficiaires répétés: selon
cette rumeur, les migrants se bousculeraient pour obtenir les prestations puis
reviendraient ensuite les réclamer une ou plusieurs fois. Les données,
cependant, ne semblent guère confirmer que les migrants reviennent
de multiples fois dans un pays pour tirer avantage des dispositifs
d’aide au retour.
63. Les statistiques disponibles au Royaume-Uni montrent que,
en 2003, 5 % des rapatriés (118 au total) ont tenté de revenir au
Royaume-Uni après avoir bénéficié de l’un des programmes. Les chiffres
pour 2004 et 2005 sont respectivement de 4 % (104) et 3 % (83).
La plupart de ces personnes cherchaient à entrer de nouveau légalement
(par exemple en tant que conjoints d’une personne installée au Royaume-Uni).
Pendant cette période, une personne a réussi à se faire payer le
retour deux fois mais aucune n’a bénéficié de l’aide à la réintégration
plus d’une fois. Ces statistiques montrent que le problème des bénéficiaires
répétés n’existe guère – ou même pas du tout
.Certaines
personnes reviennent mais ne reçoivent pas l’aide une seconde fois.
64. En dépit de l’absence de bénéficiaires répétés, le rapporteur
est d’avis que les Etats membres devraient veiller à ce que les
composantes d’aide financière des programmes de retour volontaire
assisté ne puissent donner lieu à des abus. Les gouvernements et
les organisations concernées devraient donc tenir un fichier à jour
des participants actuels et passés à ces programmes. Les participants
devraient aussi faire l’objet d’un contrôle rigoureux avant de se
voir offrir une assistance financière. Lorsque cela est possible,
l’aide financière devrait être offerte en nature plutôt qu’en espèces
et son utilisation surveillée par l’organisation ou l’organisme gouvernemental
responsable.
65. L’aide à la réintégration vue comme
une «enveloppe» de départ: d’après les enquêtes récentes,
les migrants qui souhaitent rentrer dans leur pays sont motivés
principalement par des raisons non financières, comme le désir de
revoir leur famille et leurs amis ou l’absence d’opportunités dans
le pays hôte. L’aide financière, en général, sert uniquement à faciliter
le retour et ne constitue pas une prime au départ. De nombreuses
personnes ne peuvent rentrer dans leur pays sans une assistance;
l’aide à la réintégration leur permet de ne pas rentrer les mains
vides et d’avoir un certain espoir dans l’avenir. Elle leur permet
aussi de rentrer sans perdre la face, ce qui est important sur le
plan psychologique car il est fréquent que la famille et les amis
aient investi financièrement à l’origine dans le départ du migrant
en situation irrégulière.
66. Les programmes de retour volontaire
assisté rendraient certains pays plus attrayants que d’autres pour les
migrants: il n’existe aucune donnée indiquant une augmentation
des migrations irrégulières vers les pays européens après la mise
en œuvre de programmes de retour volontaire assisté.
67. Lorsqu’ils atteignent le pays d’immigration qu’ils ont choisi,
la plupart des migrants ont dépensé beaucoup plus d’argent que le
montant de l’aide à la réintégration et, par conséquent, cette aide
ne peut constituer un facteur d’attrait pour les migrants. A Calais
(France), par exemple, des prestations en espèces ont été offertes
aux personnes souhaitant rentrer dans leur pays mais rien ne montre
que les migrants présents dans d’autres régions du pays se soient
précipités à Calais pour bénéficier de cette offre.
5. Conclusions
68. Le rapporteur est fermement d’avis que les programmes
de retour volontaire assisté devraient être très fortement développés
dans toute l’Europe.
69. Ces programmes présentent financièrement un intérêt pour les
Etats membres; ils sont plus humains que le retour forcé et peuvent
parfois réussir là où le retour forcé échoue. Ils peuvent assurer
un retour durable, aider au développement du pays d’origine et contribuer
à diffuser utilement dans les pays d’origine le message que la migration
irrégulière n’ouvre pas la voie au bonheur et à la prospérité à
l’étranger.
70. Le retour volontaire assisté n’est pas la solution pour tous
les migrants en situation irrégulière, mais seulement l’une des
nombreuses mesures que les Etats membres doivent mettre en œuvre
pour lutter contre la migration irrégulière. Il importe donc que
l’OIM poursuive son travail en ce domaine, avec l’entier soutien
des Etats membres, de la communauté internationale, des communautés
locales et de la société civile.
71. Le rapporteur est d’avis que les Etats membres doivent être
de nouveau encouragés à étendre et améliorer les programmes de retour
volontaire assisté. A cet égard, elle considère que le Comité des
Ministres pourrait préparer utilement des «principes directeurs
sur le retour volontaire assisté» afin de compléter les excellents
«20 Principes directeurs sur le retour forcé» établis par ses soins.