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Rapport | Doc. 12265 | 19 mai 2010
Lutte contre l'extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs
Commission des questions politiques et de la démocratie
Résumé
Les dernières années, l’Europe a été témoin d’une résurgence de certaines formes d’extrémisme telles que l’intégrisme islamique, le racisme et la xénophobie, et le séparatisme. Dans la mesure où ils prônent ou du moins admettent la violence, les groupes qui s’inspirent de ces idéologies agissent en violation des valeurs européennes de la démocratie et des droits de l’homme.
Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent y répondre tout en se conformant strictement aux obligations découlant de leur appartenance à l’Organisation. Plus d’éthique en politique pourrait servir à réduire les tendances racistes dans la société.
A. Projet de résolution
(open)1. L’Assemblée parlementaire exprime son inquiétude
face à la résurgence de certaines formes d’extrémisme en Europe
qui, tirant avantage du cadre des droits et libertés garantis par
les démocraties européennes, poursuivent des objectifs qui sont
en contradiction avec les valeurs européennes de la démocratie et
des droits de l’homme et qui, dans le pire des cas admettent, voire
prônent le recours à la violence.
2. Parmi ces formes d’extrémisme, le racisme et la xénophobie
représentent une source de préoccupation majeure, compte tenu du
soutien électoral croissant recueilli par des partis qui s’inspirent
d’idées racistes – comme cela a été le cas lors de différents scrutins
nationaux récents et des élections au Parlement européen – et du
risque non négligeable de voir des partis politiques traditionnels
s’appuyer sur un discours raciste pour ne pas perdre une partie
de leur électorat. Il y a également lieu de s’inquiéter des discours
de plus en plus hostiles tenus par certaines personnalités publiques,
qui frôlent le discours de haine, voire relèvent bel et bien de
cette catégorie.
3. Par ailleurs, l’opinion publique et les gouvernements européens
sont de plus en plus conscients de la menace que représente l’intégrisme
islamique, une idéologie qui, bien qu’elle reste marginale en Europe, exerce
un attrait croissant sur les jeunes musulmans, trouvant un terrain
fertile dans les frustrations causées par le racisme, la discrimination,
l’exclusion sociale et le chômage, dont ils tendent à souffrir davantage
que le reste de la population. Cette forme d’extrémisme a conduit
à la perpétration de plusieurs attentats terroristes meurtriers,
dont certains sur le sol européen, comme ceux de Moscou en 2002
et 2010, d’Istanbul en 2003, de Beslan et de Madrid en 2004 et de
Londres en 2005.
4. Les pays européens accueillent également un certain nombre
de groupes extrémistes, constitués de ressortissants étrangers qui
ne cherchent pas à nuire à leur pays de résidence, mais qui mènent
des activités de propagande et de collecte de fonds dans le but
de commettre des actes extrémistes dans leur pays d’origine, comme
renverser un régime par des moyens violents, déstabiliser le pouvoir
politique par des attentats terroristes ou par la guérilla, ou faire
sécession. Il est urgent d’élaborer un mécanisme juridique international
pour mettre un terme à toutes les formes de soutien financier aux
groupes extrémistes.
5. A titre d’exemple, on peut citer les Moudjahiddines
du peuple iranien et l’organisation
terroriste du Parti des travailleurs du Kurdistan, présents
dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe, et Euskadi ta Askatasuna (ETA), qui
possède des bases en France. Dans ce contexte, l’Assemblée fait
part de sa profonde inquiétude face à la résurgence en Europe d’actes
de violence commis par des groupes séparatistes, comme récemment
en Espagne et en Turquie où plusieurs attentats meurtriers ont été
perpétrés respectivement par les organisations terroristes ETA et
PKK.
6. L’Assemblée est consciente de la complexité du problème de
l’extrémisme, qui peut prendre différentes formes, et de sa nature
en constante évolution. Toutefois, malgré ces différences, toutes
les formes d’extrémisme qui prônent ou admettent la violence sont
en contradiction avec les valeurs et les principes du Conseil de
l’Europe et doivent être combattues avec détermination, tout en
respectant pleinement les garanties et les sauvegardes consacrées
par les Constitutions des Etats membres et les instruments de protection
des droits de l’homme, notamment la Convention européenne des droits
de l’homme (CEDH).
7. A cet égard, l’Assemblée rappelle les articles 10 et 11 de
la CEDH, dédiés respectivement à la liberté d’expression et à la
liberté de réunion. Bien que ces libertés soient les piliers d’une
démocratie pluraliste, leur exercice peut être limité, notamment
lorsque cette limitation répond à une forte nécessité sociale, telle
que la défense de l’ordre, la protection de la morale et la protection
des droits d’autrui, et à condition qu’elle soit conforme au principe
de proportionnalité et prévue par la loi. L’article 17 de la CEDH
ajoute qu’aucun Etat, groupement ou individu n’est en droit de se
livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des
droits ou libertés reconnus par la CEDH ou à des limitations plus
amples de ces droits et libertés que celles prévues par la CEDH
elle-même.
8. Dans le même temps, l’Assemblée exprime ses doutes quant à
la conformité des législations contre l’extrémisme adoptées par
certains Etats membres du Conseil de l’Europe avec les instruments
internationaux de protection des droits de l’homme – tels que la
CEDH – et rappelle qu’une définition trop générale ou vague des
infractions prévues par ces législations peut renforcer le risque
d’une application arbitraire de ces textes.
9. D’un point de vue politique, dans leur lutte contre l’extrémisme,
les Etats membres du Conseil de l’Europe sont confrontés à plusieurs
enjeux redoutables dont, en premier lieu, celui de s’attaquer aux
causes profondes de l’extrémisme. Prendre des mesures fermes contre
la discrimination, mettre l’accent sur l’éducation civique et le
dialogue interculturel et interreligieux, associer la société civile
et les organisations non gouvernementales – en particulier celles
qui représentent des catégories de la société exclues, de droit
ou de fait, des voies de participation
ordinaires – aux processus de consultation ou de prise des décisions, constituent
les principaux moyens de réduire l’attrait potentiel des groupes
et des mouvements extrémistes.
10. En ce qui concerne l’extrémisme islamiste, il s’agit pour
les Etats membres du Conseil de l’Europe de répondre efficacement
à cette menace, tout en évitant de stigmatiser l’islam en tant que
religion. Des efforts supplémentaires doivent être faits pour lutter
contre l’islamophobie et la diffusion de stéréotypes négatifs sur l’islam
et les musulmans dans la société, dans l’esprit de la Recommandation
de politique générale no 5 de la Commission européenne contre le
racisme et l’intolérance (ECRI) sur la lutte contre l’intolérance
et les discriminations envers les musulmans.
11. L’organisation des groupes islamistes extrémistes en cellules
indépendantes dormantes ou actives dont les liens avec d’autres
groupes internationaux sont mal définis, pose des difficultés considérables
aux forces de l’ordre et aux services de renseignements nationauxet à la coopération transnationale,
tant sur le plan de la prévention que de la détection. L’exigence
d’assurer l’efficacité d’action de ces organes ne doit cependant pas
servir de prétexte pour priver les parlements de leur droit et de
leur devoir de contrôle démocratique.
12. Finalement, l’Assemblée déplore que le défi consistant à instaurer
plus d’éthique en politique en ce qui concerne le traitement des
questions touchant à la race, à l’origine ethnique et nationale
et à la religion soit encore à relever. A cet égard, elle rappelle
la Charte des partis politiques européens
pour une société non raciste, signée par son Président
et le Président du Parlement européen en 2003, et la Déclaration sur l’utilisation d’arguments racistes,
antisémites et xénophobes dans le discours politique, adoptée
par l’ECRI en 2005. L’Assemblée exprime son appréciation pour ces
textes et pour leur pertinence.
13. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite les Etats
membres du Conseil de l’Europe:
13.1. à
s’attaquer aux causes profondes de l’extrémisme en tant que priorité
dans la lutte contre ce phénomène, en prenant les mesures suivantes:
13.1.1. agir résolument contre la discrimination,
dans tous les domaines;
13.1.2. mettre en place des processus de consultation, associant
la société civile et les organisations non gouvernementales qui
représentent des tendances très diverses de la société, y compris
les catégories qui courent le plus le risque de se radicaliser,
et s’assurer ainsi de la participation de la société civile dans
l’élaboration et la mise en œuvre de politiques anti-extrémismes;
13.1.3. mettre l’accent sur l’éducation à la citoyenneté démocratique;
13.1.4. concevoir des politiques d’immigration claires et durables
assorties de politiques d’intégration appropriées;
13.1.5. renforcer leurs activités dans le domaine du dialogue
interculturel et interreligieux, également en souscrivant au Livre
blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel;
13.1.6. élaborer un mécanisme juridique international pour mettre
un terme à toutes les formes de soutien financier aux groupes extrémistes
;
13.1.7. mettre en œuvre des politiques socio-économiques destinées
à contribuer aux efforts visant à éradiquer le racisme, la xénophobie
et l’intolérance dans la société, et notamment à éliminer les manifestations
d’une discrimination fondée sur les convictions religieuses en matière d’accès
à l’éducation et à l’emploi et sur le lieu de travail, en matière
d’accès au logement dans des zones de mixité, dans les services
publics et en matière de participation démocratique par la citoyenneté;
13.2. à continuer à lutter contre le terrorisme et d’autres
formes d’extrémisme violent, tout en veillant au respect le plus
strict des droits de l’homme et de la prééminence du droit, en conformité
avec les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur les droits
de l’homme et la lutte contre le terrorisme et la recommandation
de politique générale no 8 de l’ECRI pour lutter contre le racisme
tout en combattant le terrorisme;
13.3. à s’assurer que la législation anti-extrémisme est appliquée
de manière systématique et cohérente à toutes les formes d’extrémisme
et éviter tout risque d’une mise en œuvre arbitraire;
13.4. s’assurer que les mesures de limitation ou d’interdiction
des activités des partis politiques extrémistes respectent la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme et les Lignes directrices
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) de 1999 sur l’interdiction et la dissolution des partis
politiques et les mesures analogues, en particulier eu égard au
caractère exceptionnel de la dissolution des partis et à l’obligation
de rechercher d’autres sanctions avant d’appliquer une telle mesure;
13.5. infliger les sanctions pénales prévues par leur législation
contre l’incitation publique à la violence, la discrimination raciale
et l’intolérance, y compris l’islamophobie;
13.6. introduire dans leur législation pénale des dispositions
contre l’incitation à la haine raciale ou le discours de haine,
mettre en œuvre la Recommandation no (97) 20 du Comité des Ministres
sur le discours de haine et souscrire aux bonnes pratiques et recommandations
énoncées dans la brochure 2008 du Conseil de l’Europe sur le même
sujet;
13.7. intensifier des mesures d’information appropriées afin
d’encourager les victimes d’actes extrémistes à les dénoncer aux
autorités compétentes;
13.8. renforcer le contrôle par les parlements nationaux des
activités des services de renseignements, conformément à la Recommandation 1713 (2005)
de l’Assemblée sur le contrôle démocratique du secteur de la sécurité
dans les Etats membres;
13.9. améliorer l’analyse du phénomène de l’extrémisme ainsi
que la collecte et la comparabilité des données s’y rapportant;
13.10. renforcer la coopération internationale afin d’empêcher
la diffusion de la propagande extrémiste sur internet;
13.11. mettre en place une coopération étroite avec la Commission
européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et soutenir
ses activités.
14. En outre, l’Assemblée demande à ses membres, aux partis politiques
qu’ils représentent et à ses groupes politiques:
14.1. de promouvoir ou adhérer à la
Charte des partis politiques européens pour une société non raciste;
14.2. de suivre les suggestions formulées par l’ECRI dans sa
Déclaration sur l’utilisation d’arguments racistes, antisémites
et xénophobes dans le discours politiqueet
dans saRecommandation de
politique générale no 5 sur la lutte contre l’intolérance et les
discriminations envers les musulmans;
14.3. de promouvoir la création de comités d’éthique au sein
des partis politiques et des parlements, dotés du droit de sanctionner
leurs membres en cas de comportements ou de discours racistes, antisémites,
xénophobes ou islamophobes.
15. Enfin, l’Assemblée encourage le Commissaire aux droits de
l’homme à consacrer davantage d’attention à toutes les formes d’extrémisme,
notamment l’islamophobie.
B. Projet de recommandation
(open)1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution
…. (2010) sur la lutte contre l’extrémisme: réalisations, faiblesses
et échecs, dans laquelle elle fait part de son inquiétude face à
la résurgence de certaines formes d’extrémisme en Europe.
2. Combattre l’extrémisme tout en défendant la démocratie et
en veillant au respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit
représente un défi constant pour les Etats membres du Conseil de
l’Europe.
3. L’Assemblée salue le travail important réalisé par de nombreux
mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe ainsi que par la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)
pour aider les Etats membres à relever ce défi. Les conséquences
possibles de la récente crise économique accentuent davantage la
nécessité de leur expertise.
4. L’Assemblée rappelle également que, bien que la liberté d’expression
et la liberté d’association soient les piliers d’une démocratie
pluraliste, leur exercice peut être limité, notamment lorsque cette
limitation répond à une forte nécessité sociale, telle que la défense
de l’ordre public, la protection de la morale et la protection des
droits d’autrui, et à condition que cette limitation soit compatible
avec le principe de proportionnalité et prévue par la loi.
5. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée appelle le Comité
des Ministres:
5.1. à inviter les
mécanismes de suivi compétents de l’Organisation à évaluer dans
quelle mesure les Etats membres du Conseil de l’Europe ont mis en
œuvre la Recommandation no (97) 20 du Comité des Ministres sur le
«discours de haine» et souscrit aux modèles de bonnes pratiques
et aux recommandations énoncées dans la brochure 2008 du Conseil
de l’Europe sur le même sujet;
5.2. à améliorer la capacité d’action et la visibilité de ses
mécanismes de suivi, tels que la Commission européenne contre le
racisme et l’intolérance (ECRI) et le Comité consultatif de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales, afin qu’ils jouent
un plus grand rôle pour sensibiliser l’opinion publique à ces questions;
5.3. à encourager ses comités compétents et ses mécanismes
de suivi indépendants, notamment l’ECRI:
5.3.1. à étudier les effets de la crise économique actuelle sur
l’extrémisme, ainsi que sur le racisme et la discrimination raciale;
5.3.2. à poursuivre leurs travaux sur la question de l’islamophobie,
à la lumière des développements récents;
5.4. à intensifier ses activités dans le domaine de l’éducation
et du dialogue interculturel, y compris en ce qui concerne sa dimension
religieuse.
C. Exposé des motifs, par M. Agramunt, rapporteur
(open)1. Introduction
1.1. Champ d’application du rapport
1. La lutte contre l’extrémisme représente un défi constant
pour les démocraties, qui se doivent de respecter l’Etat de droit
et les droits fondamentaux en toutes circonstances et notamment
lorsqu’elles sont confrontées à des menaces contre les valeurs démocratiques
et les droits de l’homme.
2. Le présent rapport a été initié par une proposition présentée
par M. Berényi et plusieurs de ses collègues dont le sujet était
les mouvements et partis extrémistes racistes. Cependant, j’ai décidé
d’étendre le rapport à d’autres formes d’extrémisme, telles que
l’extrémisme islamiste et le séparatisme, qui sont un problème pressant
pour les gouvernements européens.
3. Dans le présent rapport, il n’est pas dans mon intention de
pointer du doigt certains partis ou groupes politiques et de les
accuser d’extrémisme. Je ne mentionnerai certains partis ou groupes
que pour montrer quelle a été l’attitude des Etats membres du Conseil
de l’Europe à leur égard, évaluer sa conformité avec les normes
européennes et définir les marges d’amélioration possibles.
1.2. Travaux antérieurs de l’Assemblée
4. L’Assemblée a apporté un soutien actif aux efforts
déployés par les Etats membres du Conseil de l’Europe dans leur
lutte contre l’extrémisme, en adoptant un certain nombre de résolutions,
en particulier au cours de ces dernières années, à la suite de la
résurgence de certaines formes d’extrémisme et de la prise de conscience
croissante de la menace qu’elles représentent. Dans ce contexte,
l’Assemblée a adopté les résolutions suivantes:
- Résolution 1605 (2008), «Les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme»;
- Résolution 1563 (2007), «Combattre l’antisémitisme en Europe»;
- Résolution 1495 (2006), «Combattre la résurgence de l’idéologie nazie»;
- Résolution 1344 (2003), «Menace des partis et mouvements extrémistes pour la démocratie en Europe»;
- Résolution 1345 (2003), «Discours raciste, xénophobe et intolérant en politique».
5. S’agissant de la question connexe du terrorisme – qui est
une forme d’extrémisme visant à faire régner, dans un but politique,
un état de terreur au sein de l’opinion publique – je tiens à mentionner,
en raison de leur pertinence:
- la Recommandation 1534 (2001), «Les démocraties face au terrorisme»;
- la Résolution 1400 (2004), «Défi du terrorisme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe».
2. Qu’est-ce que «l’extrémisme»?
6. Historiquement, le concept «d’extrémisme politique»
trouve ses racines dans le principe de la modération caractéristique
de l’éthique de la Grèce antique, qui voulait qu’un juste milieu
corresponde à un comportement moralement acceptable, ni exagéré,
ni minimisé.
7. Scientifiquement, diverses définitions de l’extrémisme ont
été données. Celle-ci me semble particulièrement adaptée: «le rejet
des valeurs fondamentales et des règles du jeu d’un Etat constitutionnel
et démocratique» .
8. Quoi qu’il en soit, s’il est possible de se mettre d’accord
sur des définitions scientifiques, étiqueter comme extrémistes certains
groupes ou partis est sujet à controverse d’un point de vue politique.
En effet, il n’est pas rare que, d’une part, des extrémistes se
considèrent comme radicaux, ce qui est bien moins péjoratif, et
que, d’autre part, des politiciens cherchent à priver leurs opposants
politiques de légitimité démocratique en les qualifiant d’extrémistes.
3. La résurgence des mouvements extrémistes
9. Les idées ou attitudes extrémistes ne sont guère
l’apanage de la droite ou de la gauche; elles peuvent exister partout,
dans l’ensemble de la classe politique; en fait, certaines formes
d’extrémisme qui ont émergé au cours des dernières décennies ne
relèvent pas du tout de la distinction traditionnelle entre la droite
et la gauche. Le fait d’affirmer que l’on assiste actuellement à
une résurgence de l’extrémisme en Europe est une généralisation.
En revanche, il est indéniable que certaines idées extrémistes ont
perdu de leur potentiel d’attraction, tandis que d’autres en ont
gagné et sont parfois devenues une source de préoccupation, même pour
le grand public.
10. Cette tendance se reflète dans la composition des parlements
nationaux, au sein desquels le nombre de sièges occupés par des
représentants de partis extrémistes n’a pas cessé d’augmenter ces
dernières années. Il en va de même du Parlement européen, où, à
la suite des élections de juin 2009, plusieurs partis politiques
d’extrême droite ont réussi à obtenir des sièges (le Front national
français, le Front national belge, le Parti national britannique
et le Mouvement pour une meilleure Hongrie). Ces partis, en coopération
avec d’autres groupements peu ou non représentés au sein des parlements
nationaux, ont même formé l’Alliance des mouvements nationaux européens,
dans l’intention de créer un futur mouvement politique européen.
3.1. Le racisme
11. Partout en Europe, des mouvements racistes ont pris
de l’importance et ont été responsables d’incitations à la haine
raciale et d’agressions racistes contre des personnes et des biens,
qui se sont parfois soldées par la mort de leurs victimes. Ce phénomène
a acquis une virulence particulière en Europe de l’Est et en Russie
à la fin de la guerre froide, mais il existe toujours et touche
également les pays d’Europe occidentale. Il peut prendre différentes
formes, telles que l’antisémitisme, l’antitsiganisme, la xénophobie
et l’islamophobie.
12. Les idéologies racistes s’introduisent dans une sous-culture
qui cible les jeunes, en recourant à la musique, aux DVD, aux livres
et aux jeux vidéo, pour inciter à la haine contre des groupes ethniques
ou religieux. La même sous-culture, qui est très difficile à éradiquer,
s’exprime sur l’internet et dans certaines formes de hooliganisme
lors de rencontres de football et d’autres manifestations sportives.
13. Du point de vue de leur organisation, les mouvements ou groupes
racistes créent souvent des associations, voire des partis politiques,
et cachent leur nature réelle pour ne pas tomber sous le coup des interdictions
prévues par la législation de la plupart des Etats membres du Conseil
de l’Europe. Cependant, il ne s’agit pas tant de déterminer, sur
le plan politique et juridique, comment faire face aux groupes dont
les actes et les discours sont ouvertement racistes, mais quelle
est l’attitude à adopter face aux partis politiques «traditionnels»
qui flirtent avec des idées racistes pour ne pas perdre une partie
de l’électorat au profit de partis plus radicaux.
3.2. L’intégrisme islamique
14. L’intégrisme islamique représente une menace majeure
pour la sécurité interne des Etats membres du Conseil de l’Europe,
dans la mesure où des groupes islamistes ou des individus sont prêts
à recourir à la violence en Europe et/ou cherchent à imposer un
ordre sociopolitique incompatible avec les normes de la démocratie
et des droits de l’homme.
15. L’intégrisme islamique en Europe n’est pas organisé en partis
politiques ou en associations, mais agit par le biais de cellules
indépendantes qui sont soit dormantes, soit actives et disséminées
dans le monde entier. Cette dimension internationale, combinée à
une structure avec des liens peu définis, constitue un défi majeur
pour les forces de l’ordre nationales et pour la coopération internationale,
tant dans le domaine de la prévention que dans celui de la détection.
La prévention est encore compliquée par le fait que ce sont souvent des
individus agissant en dehors de tout réseau organisé qui commettent
des actes criminels inspirés par l’intégrisme islamique, comme dans
les cas du meurtre de Theo van Gogh aux Pays-Bas en 2004 ou de la tentative
d’assassinat de Kurt Westergaard, l’auteur des caricatures controversées
de Mahomet, en janvier 2010.
16. Il ne doit pas y avoir de confusion entre l’islam en tant
que religion et l’intégrisme islamique en tant qu’idéologie: «l’islam
est la deuxième religion en Europe et une composante des sociétés
européennes. Dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe,
c’est la religion traditionnelle de la majorité de la population, dans
d’autres, c’est la religion de la majorité des immigrés et des citoyens
issus de l’immigration, qui représentent une proportion croissante
de la population. L’intégrisme islamique, par contre, est une idéologie extrémiste
qui poursuit des objectifs politiques et promeut un modèle de société
incompatible avec les valeurs des droits de l’homme et les normes
de la démocratie; dans sa pire forme, l’intégrisme islamique prône
l’usage de la violence pour atteindre son but» .
17. Bien qu’étant encore un phénomène marginal en Europe, l’idéologie
islamiste exerce un attrait croissant sur les jeunes musulmans européens,
trouvant un terrain fertile dans les frustrations causées par la discrimination,
le racisme, l’inégalité des chances, l’exclusion sociale, l’échec
scolaire et le chômage, dont ils semblent plus largement victimes
que le reste de la population, et dans leur exclusion – de droit
ou de fait – des voies ordinaires généralement ouvertes aux citoyens
pour exprimer leur insatisfaction.
18. A mesure que le potentiel d’attraction du fondamentalisme
islamique augmente, l’opinion publique prend aussi davantage conscience
de la menace qu’il représente, notamment depuis la forte médiatisation
des attentats terroristes qui ont frappé les Etats-Unis le 11 septembre
2001, Istanbul en 2003, Madrid (mars 2004), puis Londres (juillet
2005) et d’autres villes dans le monde.
19. Malheureusement, cette prise de conscience s’est aussi accompagnée
d’un essor de l’islamophobie et de manifestations de racisme et
de méfiance à l’égard des musulmans, dans des sociétés européennes
où, du fait de l’immigration, le nombre de citoyens ou de résidents
appartenant à cette confession est en augmentation constante et
où de plus en plus d’entre eux manifestent leur foi musulmane par
le port de symboles culturels ou religieux, tels que le foulard,
le niqab, ou en se faisant pousser la barbe.
20. Dans le contexte actuel, il s’agit pour les gouvernements
européens de répondre à deux questions majeures:
- premièrement: comment combattre l’intégrisme islamique en tant qu’idéologie politique sans stigmatiser l’islam en tant que religion;
- deuxièmement – et cette question a été repoussée trop longtemps: comment engager un débat honnête et ouvert sur la manière de concilier certains aspects de la religion, de la pratique et de la culture musulmanes avec des valeurs fondamentales telles que la laïcité de l’Etat et l’égalité entre les femmes et les hommes.A mon avis, rassurer les citoyens européens sur le fait qu’aucune atteinte à ces valeurs ne sera tolérée, même au nom d’un prétendu respect de la liberté de religion, contribuerait grandement à apaiser leurs craintes et leur méfiance.
3.3. Organisations qui fomentent des activités extrémistes dans d’autres pays
21. En Europe, il existe aujourd’hui divers mouvements
extrémistes constitués de ressortissants étrangers qui ne cherchent
pas à nuire à leur pays d’accueil, mais qui tirent parti des libertés
et des droits garantis par les démocraties européennes dans le but
de commettre des actes extrémistes dans leur pays d’origine (par exemple,
renverser un régime par des moyens violents, déstabiliser le pouvoir
politique par des attentats terroristes ou par la guérilla, ou faire
sécession). A titre d’exemple, on peut citer Euskadi ta Askatasuna
(ETA), qui possède des bases en France et, probablement, aussi au
Portugal, et les Moudjahiddines du peuple iranien,présents dans de nombreux Etats
membres du Conseil de l’Europe.
22. Ces groupes utilisent l’Etat d’accueil comme base, depuis
laquelle:
- ils peuvent créer des associations ou des organisations non gouvernementales relevant de la législation de l’Etat d’accueil, sont soumis aux obligations y afférentes et bénéficient des avantages correspondants, notamment sur le plan fiscal;
- ils mènent des activités de propagande en faveur de leurs objectifs, organisent des manifestations, diffusent des informations, des documents, etc.;
- ils recrutent des membres et collectent des fonds;
- ils nouent des relations avec des organisations sœurs établies dans d’autres pays, alors que l’organisation «mère», dans le pays d’origine, peut être interdite et que ses membres peuvent être poursuivis par les autorités, voire, parfois, persécutés.
23. Certains de ces groupes sont enregistrés en tant qu’organisations
terroristes par les autorités nationales ou l’Union européenne,
et, de fait, interdits, comme l’ETA, l’IRA, les GRAPO (Groupes de
résistance antifasciste du premier octobre), le Hamas, etc. Il n’est
pas rare, cependant, que des organisations terroristes se reforment
sous un nouveau nom et un nouveau statut après avoir été dissoutes,
afin de pouvoir poursuivre leurs activités.
3.4. Le séparatisme
24. Plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe doivent
faire face à la menace de mouvements qui appellent à la sécession
d’une partie de leur territoire afin de former un Etat indépendant
ou de s’unir avec un autre Etat. Certains sont prêts à recourir
à la violence pour atteindre leur objectif.
25. Il n’est pas inhabituel que les mouvements séparatistes aient
deux composantes: un bras armé considéré comme une organisation
terroriste et qui, normalement, est interdit sur cette base (comme
Euskadi Ta Askatasuna (ETA) en Espagne, leParti
des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Turquie, l’Armée républicaine irlandaise
en Irlande du Nord), et un bras politique, qui se présente souvent
comme un parti politique. La latitude, voire le droit de tels bras
politiques d’agir sur la scène publique et politique et de participer
à des élections ont pour condition qu’ils soient prêts à respecter
les lois et à rejeter la violence. Par exemple, en Espagne, Batasuna,
un parti politique qui avait des liens avec l’ETA, a été interdit
en 2003 parce qu’il n’était pas prêt à condamner les violences commises
par ce dernier .
4. Lutte contre l’extrémisme: priorités pour une action plus efficace
4.1. Adopter une approche plus stratégique pour s’attaquer aux causes profondes de l’extrémisme
26. Bien que l’extrémisme puisse prendre différentes
formes, les raisons pour lesquelles il exerce un pouvoir d’attraction
sont les mêmes, à savoir: l’incapacité du système politique à garantir
la participation de tous les segments de la société, l’absence d’égalité
des chances, la pauvreté, la discrimination et un sentiment d’exclusion.
27. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient s’efforcer
de lutter davantage contre ces causes profondes en adoptant une
approche stratégique:
- l’accent devrait être mis sur les groupes sensibles, tels que les jeunes, les immigrés et les minorités, de façon à leur donner les moyens de résister à l’appel de l’extrémisme en dispensant l’éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme dans les écoles, mais aussi en impliquant les ONG et la société civile représentant ces groupes dans les processus de consultation avec les autorités aux niveaux local, national et régional;
- il conviendrait d’adopter une politique d’immigration claire et durable assortie d’une politique d’intégration claire et bénéficiant d’un soutien financier approprié;
- les Etats devraient agir résolument contre la discrimination, dans tous les domaines;
- ils devraient renforcer leur engagement en faveur du dialogue interculturel, y compris dans sa dimension religieuse;
- les représentants politiques devraient s’efforcer d’expliquer clairement leurs politiques ou décisions susceptibles de susciter la controverse pour toucher l’audience la plus large possible, éviter les interprétations erronées par certains segments de la société et réduire l’impact des manipulations politiques;
- les langues et cultures régionales ou minoritaires ne doivent pas être réprimées, elles doivent au contraire être protégées et promues.
4.2. Améliorer le suivi et la collecte des données
28. Même si l’extrémisme est un problème majeur de l’Europe
contemporaine, ce phénomène ne fait pas l’objet d’études approfondies
par la communauté scientifique, surtout lorsqu’il a un caractère
transnational; par ailleurs, la littérature scientifique tend à
se concentrer sur certains pays ou partis politiques.
29. De même, la surveillance du phénomène n’est pas systématique: certains
Etats membres du Conseil de l’Europe collectent des données sur
des aspects spécifiques, le plus souvent la nature raciste des délits signalés
à la police (c’est le cas de l’Autriche, de l’Allemagne, de la France
et de la Suède).
30. Ces données sont certainement utiles pour dégager des tendances.
Ainsi, en Autriche, les plaintes pour des délits d’inspiration extrémiste
de droite, xénophobe ou antisémite se sont multipliées ces deux
dernières années, passant de 419 en 2006 à 752 en 2007, et à 831
en 2008 .
31. Toutefois, ces données ne reflètent qu’un seul aspect du phénomène
de l’extrémisme, elles ne sont pas complètement exactes, parce que
les cas ne sont pas tous signalés, et elles ne sont pas comparables
à celles collectées dans d’autres pays en Europe, du fait que la
définition des crimes racistes varie d’un pays à l’autre. L’agence
de l’Union européenne pour les droits fondamentaux considère que
l’absence de données statistiques fiables et comparables dans ce
domaine est un réel problème. La Commission européenne contre le
racisme et l’intolérance (ECRI) souligne régulièrement, dans ses
rapports pays-par-pays, l’importance de mettre en place et d’exploiter
un système d’enregistrement et de suivi des incidents racistes.
4.3. Mettre en place des services de renseignements et d’analyse adéquats, sous contrôle démocratique
32. Un phénomène complexe comme l’extrémisme, qui est
en constante mutation, exige des structures souples mais efficaces
pour le renseignement et l’analyse. Pour ne citer qu’un exemple,
l’Office fédéral allemand pour la protection de la Constitution
(Bundesamt fur Verfassungsschutz),qui
est chargé de collecter et d’analyser les informations relatives
aux tentatives d’atteinte à la liberté et à la démocratie, a été
remanié en profondeur depuis les attentats du 11 septembre 2001
et des investissements importants ont été engagés pour améliorer
ses compétences techniques dans le domaine de l’informatique.
33. Inutile de dire, comme l’a déjà souligné l’Assemblée, qu’il
est impératif de soumettre les services de renseignements à un contrôle
démocratique . Malheureusement, à
plusieurs reprises au cours des derniers mois, les commissions parlementaires
compétentes ont eu des difficultés à accéder aux dossiers ou en
ont été purement et simplement empêchées, souvent au prétexte que
cela pouvait nuire à la coopération entre les services de renseignements
nationaux et étrangers .
4.4. Mettre en place un cadre juridique approprié et en assurer une mise en œuvre cohérente
34. D’un point de vue juridique, les Etats membres ont
mis en place un cadre de lutte contre l’extrémisme, fondé sur:
- leur Constitution, qui, surtout dans les pays qui ont connu des régimes totalitaires, interdit souvent explicitement la création ou la refondation de partis totalitaires;
- leur droit pénal;
- une législation antiterroriste spécifique mise en place ou réaménagée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001;
- dans de rares cas, une législation spécifique de lutte contre l’extrémisme, comme en Moldova et en Fédération de Russie.
35. Cependant, des critiques ont été formulées quant à la conformité
de ces législations – en particulier des législations adoptées à
la suite d’attentats terroristes – avec les Constitutions nationales
et les principaux instruments internationaux de protection des droits
de l’homme, notamment les instruments du Conseil de l’Europe comme
la CEDH. Les critiques ont principalement porté sur le caractère
trop général ou vague de la définition des infractions, le manque
de garanties appropriées en ce qui concerne la collecte et l’utilisation
des données à caractère personnel par les autorités, les pouvoirs
accrus des représentants des forces de l’ordre en matière d’arrestation
et le manque de contrôle judiciaire approprié sur de telles arrestations
et détentions.
36. Le fait que ce cadre juridique ne soit pas appliqué de façon
systématique et cohérente à toutes les formes d’extrémisme est aussi
un sujet de préoccupation: cela amène à s’interroger sur l’existence
d’une décision politique délibérée de s’en prendre à certains groupes
extrémistes tout en tolérant d’autres.
37. Une question qui revêt une importance particulière, dans ce
cadre, a trait aux restrictions qui peuvent être imposées aux partis
politiques extrémistes. Le cadre constitutionnel et juridique de
la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe insiste sur
la menace que constituent les partis politiques extrémistes. Cela s’explique
par la reconnaissance qu’ils accordent à l’importance particulière
du pluralisme et du rôle que jouent les partis politiques dans une
démocratie. L’intensité des mesures envisagées pour limiter les
activités des partis extrémistes varie. Il s’agit de:
- l’interdiction de former un parti politique et sa dissolution ultérieure;
- l’interdiction pour un parti politique de se présenter aux élections;
- l’interdiction de recevoir des financements publics.
38. Ainsi, la Constitution et la loi interdisent les partis racistes
au Portugal; les partis fascistes sont interdits en Bulgarie, en
Italie et au Portugal; la Pologne interdit les partis qui ont recours
à des méthodes totalitaires; les partis promouvant la discrimination
ou la haine raciale sont interdits en Azerbaïdjan, en Bulgarie,
en France, en Espagne, en Ukraine et en Fédération de Russie; ceux
qui appellent à la violence sont interdits en Albanie, au Danemark,
en France, en Géorgie, en Lettonie, au Portugal et en Ukraine.
39. Un petit nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont
pas de dispositions relatives à l’interdiction de partis politiques; dans
d’autres, comme la Suisse, les conditions pour l’interdiction sont
si difficiles à remplir qu’il est pratiquement impossible d’envisager
une telle mesure en temps de paix. Dans quelques autres Etats membres
du Conseil de l’Europe, comme le Danemark, la Finlande et le Liechtenstein, cette
possibilité existe, mais elle n’a plus été appliquée depuis des
décennies.
40. Enfin, certains pays, comme la Turquie, ont un long passé
de dissolutions de partis, un point suivi de près par le Conseil
de l’Europe, notamment par l’Assemblée et la Cour européenne des
droits de l’homme «la Cour»), dans le cadre de leurs attributions
respectives. En 2004, lors de la clôture de la procédure de suivi
de la Turquie, tout en reconnaissant que les jugements pertinents
de la Cour rendus entre 1991 et 1997 avaient été convenablement
exécutés, l’Assemblée a souligné que la fréquence des cas de dissolution
de partis politiques était une réelle source de préoccupation et
a appelé à une révision complète de la Constitution et à un examen
détaillé de la loi sur les partis politiques. L’Assemblée a une
nouvelle fois fait part de son inquiétude face à cette situation
dans sa dernière résolution sur le fonctionnement des institutions
démocratiques en Turquie, qui est essentiellement axée sur les poursuites
judiciaires engagées en vue de la dissolution du Parti AK au pouvoir .
La dernière dissolution de parti a eu lieu en Turquie il y a seulement
quelques semaines et a concerné le parti pro-kurde pour une société
démocratique (DTP) .
4.5. Renforcer la coopération internationale
41. Une coopération internationale est indispensable
pour contrer les mouvements extrémistes qui s’appuient sur des réseaux
internationaux. Un problème difficile à résoudre est la manière
d’empêcher efficacement la diffusion en ligne d’idées extrémistes.
Internet est le principal outil utilisé par les mouvements extrémistes
pour:
- communiquer avec d’autres membres;
- faire de la propagande en créant des sites internet ou en diffusant des ouvrages de promotion de leurs opinions extrémistes à des destinataires qui ne les ont pas demandés;
- recruter, par exemple en faisant de la publicité pour des formations, des vacances d’été ou d’autres activités qui leur servent de paravent pour élargir leur cercle d’adhérents;
- collecter des fonds.
42. La majorité des sites extrémistes étant hébergés en dehors
de l’Europe, cela complique fortement la tâche des services nationaux
pertinents, qui ne peuvent pas fermer ces sites, même s’ils sont
habilités à le faire en vertu des lois de lutte contre le terrorisme
ou l’extrémisme. Actuellement, les Gouvernements britannique, tchèque,
néerlandais et allemand collaborent dans le cadre d’un projet de
recherche sur la question, qui vise à trouver des méthodes pour
filtrer de tels sites extrémistes, même quand le domaine concerné
est hébergé en dehors de l’Europe. Parallèlement, la Commission
européenne a accepté, dans le cadre de ses activités de lutte contre
le terrorisme, de financer un projet pour étudier les sites internet extrémistes
islamistes en Europe – analyse et approche préventive («Exploring
the Islamist Extremist Web of Europe – Analysis and Preventive Approaches»).
5. Les activités du Conseil de l’Europe
43. Au cours de ses soixante ans d’existence, le Conseil
de l’Europe a grandement contribué à l’élaboration de normes démocratiques
et des droits de l’homme, et a aidé les Etats membres à les mettre
en œuvre et à lutter contre l’extrémisme. De plus, ses divers mécanismes
de suivi et la jurisprudence de la Cour ont souligné les lacunes
et les déficiences de la législation et de la pratique des Etats
membres, et ont indiqué comment les pallier. En matière de terrorisme,
il convient de rappeler les Lignes directrices du Conseil de l’Europe
sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, adoptées
par le Comité des Ministres en 2002.
44. La lutte contre l’extrémisme est, par conséquent, étroitement
liée au principal domaine de compétence de l’Organisation, à savoir
comment les démocraties européennes peuvent contrer ce phénomène
sans renoncer aux principes démocratiques et au respect des droits
de l’homme.
5.1. La liberté d’association
45. La Commission européenne pour la démocratie par le
droit (Commission de Venise) et la Cour ont défini les limites de
ce que peuvent faire les Etats membres du Conseil de l’Europe pour
restreindre les activités des partis politiques extrémistes, par
une série très complète de lignes directrices adoptées en 1999 et
par une riche jurisprudence.
46. Aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5, «la Convention»), les restrictions à la liberté d’association
sont possibles uniquement si elles sont prévues par la loi et si
elles constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique,
à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre
et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la
morale, ou à la protection des droits et des libertés d’autrui (article
11, paragraphe 2).
47. La première mise en garde qu’il convient d’avoir à l’esprit
est qu’un parti qui prône un changement pacifique de l’ordre constitutionnel
par des moyens légaux ne doit pas être interdit ni dissous pour
ce motif. Le simple fait de remettre en cause l’ordre établi ne
peut en soit être considéré comme une infraction punissable dans
un Etat démocratique. Dans sa jurisprudence, la Cour a indiqué qu’un
parti politique pouvait mener campagne en faveur d’un changement
de la législation ou de l’ordre constitutionnel d’un Etat à deux
conditions: premièrement, les moyens utilisés à cette fin doivent
être légaux et démocratiques, et, deuxièmement, le changement proposé
doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux.
48. En revanche, un parti politique qui incite à recourir à la
violence ou propose un projet politique qui ne respecte pas la démocratie
ou qui vise la destruction de celle-ci et le mépris des droits et
libertés reconnus par la Convention ne peut se prévaloir de la protection
de celle-ci contre les sanctions infligées pour ces motifs . En
effet, comme le précise l’article 17 de la Convention, aucune de
ses dispositions ne peut être interprétée comme impliquant pour
un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se
livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant la destruction
des droits ou libertés reconnus dans la Convention ou à des limitations
plus amples de ces droits et libertés que celles prévues par celle-ci.
49. Comme l’indique par ailleurs la Commission de Venise dans
ses Lignes directrices de 1999, «l’interdiction ou la dissolution
forcée de partis politiques ne peuvent se justifier que dans le
cas oùles partis prônent
l’utilisation de la violence ou l’utilisent comme un moyen politique
pour faire renverser l’ordre constitutionnel démocratique, abolissant
de ce fait les droits et libertés garantis par la Constitution»
(ligne directrice 3).
50. En outre, l’interdiction ou la dissolution d’un parti politique
est une mesure exceptionnelle et d’autres voies doivent être explorées
avant d’y avoir recours. «L’interdiction ou la dissolution de partis
politiques, comme mesure particulière à portée considérable, doivent
être utilisées avec la plus grande retenue. Avant de demander à
la juridiction compétente d’interdire ou de dissoudre un parti,
les gouvernements ou autres organes de l’Etat doivent établir –
au regard de la situation dans le pays concerné – si le parti représente réellement
un danger pour l’ordre politique libre et démocratique ou pour les
droits des individus, et si d’autres mesures moins radicales peuvent
prévenir ledit danger»(ligne
directrice 5) ; et «les mesures juridiques prises pour interdire
ou faire respecter la dissolution de partis politiques doivent être
la conséquence d’une décision judiciaire d’inconstitutionnalité
et doivent être considérées comme exceptionnelles et réglementées
par le principe de proportionnalité. Toutes ces mesures doivent
s’appuyer sur des preuves suffisantes que le parti en lui-même –
et pas seulement ses membres individuels – poursuit des objectifs
politiques en utilisant (ou est prêt à les utiliser) des moyens
inconstitutionnels» (ligne directrice 6).
51. Les lignes directrices de la Commission de Venise renvoient
à une jurisprudence courante de la Cour, qui a statué plusieurs
fois que la dissolution d’un parti politique est la mesure la plus
drastique; une mesure si sévère ne doit être appliquée que dans
les cas les plus sérieux .
52. Pour sa part, dans sa Résolution 1308 (2002) sur les restrictions
concernant les partis politiques dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe, l’Assemblée souligne que, même si les démocraties ont
le droit de se défendre contre l’extrémisme, la dissolution de partis
politiques ne peut être qu’une mesure d’exception, ne se justifiant
que dans les cas où le parti concerné fait usage de violence ou
menace la paix civile et l’ordre constitutionnel démocratique du
pays .
5.2. La liberté d’expression
53. De même, la liberté d’expression, inscrite à l’article
10 de la Convention, n’est pas un droit absolu: comme l’a déclaré
l’Assemblée, l’exercice de ce droit «peut être limité par des intérêts
publics concurrents, notamment la prévention des troubles à l’ordre
public, la protection des principes moraux et celle des droits d’autrui.
Ces droits et libertés peuvent ainsi être soumis à des limitations
lorsqu’ils sont exercés de façon à causer, à inciter, à promouvoir,
à préconiser, à encourager ou à justifier le racisme, la xénophobie
ou l’intolérance» .
54. Le Conseil de l’Europe a adopté divers textes sur le discours
de haine et la nécessité de le qualifier en infraction pénale en
droit interne. D’après le Comité des Ministres, l’expression «discours
de haine» couvre «toutes les formes d’expression qui propagent,
incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie,
l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondées sur l’intolérance,
y compris l’intolérance qui s’exprime sous forme de nationalisme
agressif et d’ethnocentrisme, de discrimination et d’hostilité à
l’encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues de
l’immigration» .
55. Le Conseil de l’Europe a publié en 2008 un manuel détaillé
et complet sur le discours de haine, qui fait l’inventaire de la
jurisprudence pertinente de la Cour pour clarifier les limites de
la liberté d’expression, ces dernières pouvant varier selon:
- le contexte dans lequel les déclarations concernées interviennent (politique ou religieux);
- la fonction occupée par les auteurs de déclarations (politiciens, journalistes ou fonctionnaires);
- les instruments (presse, télévision) et l’impact potentiel de la déclaration.
56. S’agissant de l’utilisation d’internet, il convient de rappeler
le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité,
de 2003, qui envisage l’incrimination d’actes de nature raciste
et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques.
5.3. La lutte contre le racisme et l’intolérance
5.3.1. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)
57. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) est l’instance du Conseil de l’Europe chargée de combattre
le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, l’antisémitisme
et l’intolérance en Europe sous l’angle de la protection des droits
de l’homme, à la lumière de la Convention, de ses protocoles additionnels
et de la jurisprudence y relative .
58. Les objectifs de l’ECRI sont les suivants: examiner les mesures
juridiques, politiques et autres des Etats membres et leur efficacité
en vue de combattre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme,
et l’intolérance; stimuler l’action en la matière aux niveaux local,
national et européen; élaborer des recommandations de politique
générale à l’intention des Etats membres et étudier les instruments
juridiques internationaux applicables en la matière en vue de leur
renforcement si nécessaire.
59. L’ECRI fournit aux Etats membres du Conseil des conseils sur
la manière de s’attaquer au problème du racisme et de l’intolérance
dans leur pays. A cette fin, elle examine dans chaque pays, sur
la base d’un système de visites et de rapports périodiques, le cadre
juridique de lutte contre le racisme et la discrimination raciale,
son application pratique, l’existence d’organes indépendants pour
aider les victimes du racisme, la situation des groupes vulnérables
dans des domaines de politique spécifiques (éducation, emploi, logement, etc.),
ainsi que le ton du débat public et politique autour des questions
d’importance pour ces groupes.
60. En plus, l’ECRI mène un travail sur des thèmes généraux et
adopte des recommandations de politique générale. Parmi les plus
pertinentes pour le présent rapport, on notera les Recommandations
de politique générale no 5 («La lutte contre l’intolérance et les
discriminations envers les musulmans»), no 7 («La législation nationale
pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale») et
no 8 («Lutter contre le racisme tout en combattant le terrorisme»).
61. Même si ses interlocuteurs privilégiés sont les gouvernements,
l’ECRI a décidé de renforcer l’aspect communication de ses travaux,
étant convaincue que la lutte contre le racisme ne peut être efficace
que si le message antiraciste se répand dans l’ensemble de la société.
Cela a conduit, entre autres, à l’organisation de tables rondes
dans les Etats membres et au renforcement de la coopération avec
d’autres parties concernées telles que les ONG, les médias et le
secteur de la jeunesse.
5.3.2. Le Commissaire aux droits de l’homme
62. Le Commissaire aux droits de l’homme est une institution
indépendante du Conseil de l’Europe dont la mission est de promouvoir
la prise de conscience et les droits de l’homme dans les Etats membres
de l’Organisation.Il est
chargé de promouvoir le respect effectif des droits de l’homme et
d’aider les Etats membres à mettre en œuvre les normes du Conseil
de l’Europe en la matière; de promouvoir l’éducation et la sensibilisation
aux droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe;
de déceler d’éventuelles insuffisances dans le droit et la pratique
en matière de droits de l’homme; de faciliter les activités des
bureaux nationaux de médiateurs et d’autres structures chargées
des droits de l’homme; et d’apporter conseils et informations concernant
la protection des droits de l’homme dans toute la région.
63. L’éradication de la discrimination en Europe a été placée
au cœur des travaux de l’actuel commissaire, M. Thomas Hammarberg.Particulièrement dans le contexte
de son activité de suivi des pays, le commissaire examine l’efficacité
des politiques nationales ainsi que les cadres juridique et institutionnel
contre la discrimination et formule des recommandations visant à
les renforcer. Il a pour interlocuteurs un large éventail d’acteurs,
allant des gouvernements aux victimes mêmes de la discrimination
et aux organisations non gouvernementales qui les représentent.
64. Par ailleurs, le commissaire accorde une grande attention
à l’impact de la vulgarisation de ses travaux. Ses points de vue
et ses articles de presse, qu’il publie dans les principaux journaux
internationaux, portent souvent sur la xénophobie, l’islamophobie,
l’antitsiganisme, l’antisémitisme, la discrimination contre les minorités
et la nécessité de protéger les droits de l’homme dans la lutte
contre le terrorisme.
6. Remarques conclusives
65. Au cours des dernières années, on a noté en Europe
une recrudescence de certaines formes d’extrémisme qui poursuivent
des objectifs contrevenant aux valeurs démocratiques et des droits
de l’homme de l’Europe et qui, dans le pire des cas, sont prêtes
à accepter, voire à promouvoir la violence.
66. Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont de plus en plus
avertis des menaces de l’extrémisme et ont mis en place un certain
nombre d’instruments juridiques et politiques pour s’y attaquer.
Cependant, la mise en œuvre des instruments existants n’est pas
uniforme pour toutes les formes d’extrémisme, et des problèmes sérieux
demeurent en ce qui concerne la compatibilité des législations nationales
avec les conventions et lignes directrices du Conseil de l’Europe.
J’ai, par conséquent, formulé quelques propositions et recommandations
que j’ai jointes à ce rapport.
67. En conclusion, je tiens à évoquer certains aspects que je
considère comme de futures tendances:
6.1. L’impact prévisible de la crise financière
68. L’on peut aisément prédire que la crise financière
et ses conséquences sur la pauvreté et sur le chômage dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe ne manqueront pas d’aggraver la tendance
actuelle au développement des mouvements extrémistes. D’une part,
les mouvements extrémistes évoqués dans le présent rapport trouveront
un terrain de plus en plus fertile pour recruter de nouveaux membres;
d’autre part, de nouveaux mouvements radicaux de protestation pourraient
devenir virulents et mieux organisés. Je pense, en particulier,
au mouvement altermondialiste, dont certains membres ont été condamnés
pour vandalisme en raison de leur comportement lors de manifestations,
ou aux protestations et aux émeutes que la Grèce a connues pendant
plusieurs semaines en 2009.
69. Le Conseil de l’Europe devrait exercer une vigilance accrue
sur ces développements éventuels. Dans ce contexte, je salue les
réflexions en cours de l’ECRI sur l’impact de la crise économique
sur le racisme et l’intolérance.
6.2. Le danger d’une stigmatisation des immigrés
70. Les effets de la crise financière seront aussi ressentis
dans les pays en développement d’Asie et d’Afrique. Cela permet
de prédire une augmentation des flux migratoires vers l’Europe et
des appels de plus en plus pressants pour que les politiques migratoires
deviennent plus restrictives.
71. Les appels à des politiques migratoires restrictives sont
une position politique légitime, mais sont inacceptables lorsqu’ils
sont motivés par des arguments racistes.
72. Ces dernières années, tandis que l’Europe devenait une destination
de plus en plus importante pour les émigrants et les demandeurs
d’asile d’Afrique et d’Asie, l’on a également assisté à un renforcement
du soutien électoral à des partis qui, même si la totalité de leur
programme ne peut être qualifiée d’extrémiste, stigmatisent l’immigration
en la présentant comme un problème pour la société et en l’associant
à l’insécurité, à la criminalité, à la pauvreté et à d’autres problèmes
sociaux.
73. Cette tendance risque non seulement de conduire à une érosion
des droits de l’homme des réfugiés et des immigrés, mais aussi à
intensification d’expressions plus ou moins dissimulées de racisme
et de xénophobie, à la fois dans le discours politique et dans le
grand public.
6.3. La nécessité impérieuse de répondre aux préoccupations des musulmans d’Europe et d’empêcher leur radicalisation
74. Le 29 novembre 2009, la majorité de l’électorat suisse
a voté en faveur d’une disposition qui empêchera la construction
de minarets supplémentaires en Suisse. Cette décision a été accueillie
avec inquiétude et déception par l’ensemble des organisations et
organismes de premier plan en matière de droits de l’homme, y compris
le Conseil de l’Europe.
75. Les observateurs ont expliqué ce vote par la crainte généralisée
de l’intégrisme islamique, qui a été manipulé par certaines forces
politiques. Cependant, comme l’a fait remarquer le Président de
l’Assemblée dans sa déclaration, la décision de ne plus construire
de minarets supplémentaires en Suisse ne peut pas avoir d’incidence
positive dans l’éradication des causes de l’extrémisme islamiste;
en revanche, cette décision sera ressentie par les musulmans de
Suisse – qui représentent 5 % de la population – comme une discrimination et
une violation de leurs droits fondamentaux et viendra accentuer
leur sentiment d’exclusion.
76. Cet exemple souligne les défis auxquels nous sommes confrontés
en tant que politiciens, à savoir: comment combattre de manière
effective l’extrémisme islamiste – qui est contraire à nos valeurs
– sans aliéner les musulmans européens; comment faire en sorte que
les citoyens européens comprennent la différence entre l’idéologie
de l’intégrisme islamique et la pratique pacifique de l’islam en
tant que religion; comment prévenir la diffusion de l’islamophobie
et de stéréotypes contre les musulmans et les protéger de la discrimination;
comment faire en sorte que le dialogue interculturel s’enracine
dans nos sociétés.
6.4. L’éthique en politique
77. En 2003, le Président de l’Assemblée et le Président
du Parlement européen ont signé la Charte des partis politiques
européens pour une société non raciste. Ce document est une initiative
de la société civile qui a reçu le soutien de l’Observatoire des
phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), précurseur de l’Agence de
l’Union européenne pour les droits fondamentaux; la charte exhorte
les partis politiques à agir de façon responsable dans le traitement
des questions relatives à la race, à l’origine ethnique et nationale
et à la religion.
78. Bien que la création d’un comité permanent pour superviser
la mise en œuvre de la charte ait été initialement envisagée, aucune
suite n’y a été donnée. A mon avis, la charte est plus que jamais
une base précieuse pour introduire plus d’éthique en politique et
j’encourage vivement les groupes politiques et chaque membre de
l’Assemblée à la promouvoir davantage au niveau national. De même,
je souscris à la Déclaration sur l’utilisation d’éléments racistes,
antisémites et xénophobes dans le discours politique,adoptée par l’ECRI en 2005, qui,
à mon avis, devrait faire l’objet d’une plus large diffusion parmi
les partis politiques.
79. Je me félicite en particulier de la proposition formulée par
l’ECRI, selon laquelle des mesures d’autoréglementation devraient
être mises en place par les partis politiques ou les parlements
nationaux, afin de sanctionner les membres des partis ou les parlementaires
qui encouragent le racisme et la xénophobie. La Commission de Venise
défend également cette position dans son Code de bonne conduite
en matière de partis politiques.