1. Introduction
1.1. Mon mandat
1. Le présent rapport fait suite à une proposition de
résolution sur la «Nécessité d’éviter le chevauchement des travaux
du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union
européenne» (
Doc. 11521)
, présentée par Mme Leutheusser-Schnarrenberger
(Allemagne, ADLE) et plusieurs de ses collègues de l’Assemblée le
31 janvier 2008. Le 2 juin 2008, la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme m’a nommé rapporteur.
2. La proposition de résolution a une nouvelle fois mis en garde
contre les risques de chevauchements entre les activités de l’Agence
des droits fondamentaux de l’Union européenne («l’agence») et celles
du Conseil de l’Europe. Nommé rapporteur, j’ai entrepris d’examiner
de plus près les problèmes que cette situation pourrait créer, ainsi
que les domaines où le risque de doublons est le plus réel.
3. Le 11 septembre 2009, la commission a tenu à cet effet un
échange de vues avec des experts afin d’identifier les éventuels
domaines de redondance entre les activités du Conseil de l’Europe
et celles de l’agence. Les experts nommés ci-après ont participé
à cette audition:
- M. Morten
Kjaerum, directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union
européenne, Vienne;
- Mme Florence Benoît-Rohmer,
professeure, présidente du Comité scientifique de l’Agence des droits fondamentaux;
- M. Krassimir Kanev, directeur du Comité Helsinki bulgare,
Sofia;
- M. Rick Lawson, professeur, faculté de droit, université
de Leiden.
4. Sur invitation de M. Morten Kjaerum, directeur de l’agence,
je me suis rendu au siège de l’agence à Vienne le 30 octobre 2009.
Au cours de cette visite, je me suis entretenu avec M. Kjaerum,
M. Guy de Vel, la personnalité indépendante nommée par le Conseil
de l’Europe siégeant au conseil d’administration et au bureau exécutif
de l’agence, ainsi qu’avec des membres du personnel, Mme Eva
Sobotko et Mme Maria Amor Martin Estebanez.
Nos discussions ont porté sur les différentes formes et domaines
de coopération possibles entre le Conseil de l’Europe et l’agence
et les attributions de cette dernière, notamment dans la perspective
de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
5. En novembre 2009, j’ai également rencontré la présidente d’alors
du conseil d’administration de l’agence, Mme Anastasia
Crickley, et Mme Ilse Brands Kehris,
membre du bureau exécutif de l’agence
, avec qui j’ai
discuté des formes de coopération actuelles entre le Conseil de
l’Europe et l’agence ainsi que de l’existence ou non d’un risque
réel de doublons entre les activités des deux institutions.
1.2. Objet du présent rapport
6. Lors des négociations préalables à la création de
l’agence en 2007, de très vives inquiétudes ont été exprimées entre
autres par l’Assemblée parlementaire
et
par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en ce qui concerne
le rôle de l’agence. L’agence risquait, en effet, de saper l’autorité
du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits de l’homme
en Europe en accomplissant pour partie le même travail que les organes
de celui-lui. Ce recoupement d’activités pouvait créer des clivages
au sein de l’Europe, rendre la situation confuse et entraîner un
gaspillage de ressources précieuses. Il a été avancé, à juste titre,
qu’il convenait de trouver un modus vivendi permettant à la nouvelle
agence de prendre en compte – au lieu de leur porter atteinte –
les instruments et mécanismes de protection des droits de l’homme
extrêmement approfondis et efficaces élaborés par le Conseil de
l’Europe, qui réunit 47 Etats membres dont la totalité des 27 membres de
l’Union européenne
.
7. Cela étant, il est désormais possible d’avancer qu’un tel
modus vivendi a été trouvé dans le règlement portant création de
l’agence
,
le Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
de 2007
et l’accord conclu en 2008 sur la
coopération entre l’agence et le Conseil de l’Europe
. Par ailleurs, dans ses travaux,
l’agence se réfère souvent à la Convention européenne des droits
de l’homme («la Convention») et à d’autres instruments du Conseil
de l’Europe. Néanmoins, il n’est toujours pas à exclure que les
travaux de l’agence empiètent inutilement sur ceux du Conseil de
l’Europe et que son mandat soit étendu à l’avenir, ce qui continue
à soulever des inquiétudes.
8. La principale préoccupation de l’Assemblée quant à l’existence
et au fonctionnement de l’agence est l’éventuel chevauchement des
travaux dans certains domaines, dans lesquels œuvrent et le Conseil
de l’Europe et l’agence (tels que la protection des droits des enfants,
l’accès à la justice et les questions des droits de l’homme liées
à la société de l’information), qui peut entraîner des interprétations
différentes et même contradictoires des normes européennes des droits
de l’homme, voire l’émergence de doubles standards. La nécessité
de prévenir ces tendances négatives devient d’autant plus urgente
que le budget de l’agence augmente toujours et qu’une éventuelle
participation de certains pays non membres de l’Union européenne dans
son travail n’est pas exclue.
9. Il convient néanmoins de garder à l’esprit le contexte dans
lequel ce sujet est abordé. Le transfert progressif vers l’Union
européenne de certaines compétences nationales renforce la nécessité
pour l’Union d’être liée par le droit international des droits de
l’homme et rend notamment urgente son adhésion à la Convention
après l’entrée en vigueur du Traité
de Lisbonne
.
Si l’Union veut vraiment se fonder sur des normes européennes communes
en matière de droits de l’homme, ces normes doivent être les mêmes
que celles que les Etats membres se sont engagés à respecter sur
le plan international. Dans le cas contraire, l’Union européenne
exposera ses citoyens «aux lacunes de la plus faible protection
existante de son régime interne (…) [et à l’éventuelle] propagation
de systèmes différents de protection des droits de l’homme pour l’Union
et pour ses Etats membres, [ce qui créerait] la confusion parmi
ces Etats quant à l’étendue de leurs obligations et pourrait leur
fournir un prétexte pour ignorer leurs engagements internationaux
dans les domaines pour lesquels ils ont transféré des compétences
à l’Union»
.
C’est donc dans ce contexte que les travaux de l’agence devraient
être évalués
.
L’agence peut apporter une contribution importante à la protection
des droits de l’homme dans l’Union européenne, dans le cadre spécifique
de son mandat. En effet, rien n’empêche l’agence de s’évertuer,
en se référant aux travaux des organes de suivi du Conseil de l’Europe et/ou
à d’autres normes internationales, à rehausser le niveau de protection
des droits de l’homme (droits fondamentaux) à l’intérieur de l’Union
européenne. Ce type de travail pourrait aussi, potentiellement,
exercer une influence positive sur les normes de droits de l’homme
au sein de notre Organisation. Mais il est également légitime d’expliquer
pourquoi il n’est pas souhaitable que l’agence recoupe les travaux
du Conseil de l’Europe – et pas uniquement pour des raisons théoriques.
Il y a un risque d’interprétations divergentes, qui pourrait mener
à un affaiblissement de la protection des droits de l’homme en Europe,
à la possibilité de «faire son marché» et à un gaspillage des ressources.
10. Plusieurs questions se posent ici: premièrement, quels mécanismes
sont ou devraient être mis en place pour que l’agence puisse effectivement
respecter son obligation de réduire le risque d’inefficacité et
de double emploi avec les travaux de Conseil de l’Europe? Deuxièmement,
n’est-il pas probable que l’agence, devant la nature transversale
des droits de l’homme (voir ci-dessous), dépasse les limites de
son mandat dans son travail quotidien et, à plus long terme, élargisse
progressivement son champ d’action? Devant ces différentes acceptions
du suivi en matière de droits de l’homme, quels sont les véritables
dangers posés par la coexistence des systèmes de suivi du Conseil
de l’Europe avec ceux de l’agence? Comment éviter au mieux l’apparition
d’un double suivi et d’évaluations divergentes ou contradictoires,
pouvant mener à une protection des droits de l’homme à deux vitesses en
Europe? Ne faudrait-il pas rechercher des modes supplémentaires de
coopération avec l’agence et avec son personnel pour étudier la
meilleure façon de neutraliser ces difficultés potentielles?
11. Autre source de préoccupation, la Commission européenne a
déjà accepté certains des thèmes prioritaires retenus pour l’agence
sans se fonder sur le mandat de l’agence ou sur les compétences
juridiques de l’Union, mais sur les attentes des parties prenantes
. Une telle approche est susceptible
d’élargir davantage le champ d’action de l’agence de manière incontrôlable
et imprévisible. Les conséquences pour le Conseil de l’Europe ne
sont pas forcément négatives: certaines activités de l’agence pourraient,
en effet, renforcer la mise en œuvre des normes du Conseil.
12. Dans le présent rapport, je m’efforcerai de montrer que tant
le Conseil de l’Europe que l’agence ont le potentiel de développer
des synergies dans plusieurs domaines et que leurs travaux peuvent
s’avérer complémentaires, dans la mesure où les deux institutions
remplissent des fonctions différentes et n’utilisent pas à cet effet
les mêmes instruments. Cependant, il convient également de garder
à l’esprit le contexte d’ensemble à la suite de l’entrée en vigueur
du Traité de Lisbonne: la tendance visant à renforcer les compétences
de l’Union européenne dans le domaine de la protection des droits
de l’homme peut comporter un risque de chevauchement inutile avec
les activités du Conseil de l’Europe et un risque de divergence d’interprétation
des normes de protection des droits de l’homme.
2. Champ d’action de
l’agence
2.1. Création de l’agence et tâches
qui lui sont conférées
13. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne
(FRA)
a été créée le 15 février 2007 par
le règlement du Conseil (CE) no 168/2007
(«règlement fondateur«), après que
le Conseil européen eut décidé, en décembre 2003, que l’Observatoire
européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC)
devait devenir
une «agence des droits de l’homme».
14. L’objectif assigné à l’agence est de fournir aux institutions,
organes, organismes et agences de l’Union européenne, ainsi qu’à
ses Etats membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit communautaire,
une assistance et des compétences en matière de droits fondamentaux
(droits de l’homme)
.
Pour remplir cet objectif, l’agence collecte, recense, analyse et
diffuse des informations et des données pertinentes, objectives,
fiables et comparables, et met au point des méthodes et des normes
visant à améliorer leurs comparabilité, objectivité et fiabilité.
Par ailleurs, elle réalise ou facilite des recherches et enquêtes
scientifiques, des études préparatoires et de faisabilité, ou y
collabore, soit de sa propre initiative, soit à la demande du Parlement européen,
du Conseil de l’Union européenne ou de la Commission européenne.
En outre, le Parlement européen
, le Conseil de l’Union
européenne
ou la Commission européenne
, lorsqu’ils mettent en œuvre le
droit communautaire, peuvent demander à l’agence
des avis,
conclusions et rapports (juridiquement non contraignants
)
sur des sujets thématiques spécifiques, dont notamment la compatibilité
de leurs propositions législatives avec les droits fondamentaux.
L’agence peut également élaborer des rapports thématiques sur des sujets
particulièrement importants pour les politiques de l’Union et publie
un rapport annuel sur les questions de droits fondamentaux couvertes
par ses activités. Ses autres fonctions comprennent la sensibilisation
du grand public aux droits fondamentaux et la promotion du dialogue
avec la société civile
. A cet effet,
l’agence établit un réseau de coopération, au moyen d’une plate-forme
des droits fondamentaux
, constitué d’organisations
non gouvernementales et d’autres parties intéressées
.
15. L’agence ne peut ni prendre des décisions réglementaires,
ni procéder à des examens législatifs. En vertu de l’article 4.2
du règlement fondateur, les avis de l’agence ne portent pas sur
la légalité des actes de la Communauté au sens de l’article 230
du Traité CE
(actuel
article 263 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
). Ils ne portent pas non plus sur
la question de savoir si un Etat membre a manqué à l’une des obligations
qui lui incombent en vertu du traité au sens de l’article 226 du
Traité CE (article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne).
16. En outre, l’agence n’est pas habilitée à mener ses propres
enquêtes et ne peut jouer aucun rôle exécutif. Elle ne peut ni connaître
des recours individuels, ni vérifier si les Etats membres de l’Union
européenne adhèrent aux valeurs et aux principes de l’Union; le
Conseil européen, pour sa part, n’est pas tenu de consulter l’agence
avant de conclure qu’il y a eu violation grave et persistante des
droits fondamentaux par un Etat membre (article 7 du Traité).
2.2. Etendue géographique des travaux
de l’agence
17. L’étendue géographique des travaux de l’agence fait
partie des sujets qui préoccupent l’Assemblée. Selon le règlement
fondateur, le champ d’action de l’agence est limité à l’Union européenne
et à ses 27 Etats membres et ne devrait pas s’étendre aux pays tiers.
Cependant, l’article 28 précise que l’agence devrait être ouverte
à la participation des pays candidats en tant qu’
observateurs (ces pays sont la Croatie,
«l’ex-République yougoslave de Macédoine» et la Turquie), sur une
décision du conseil d’association concerné faisant état de la nature,
de l’étendue et des modalités de la participation de ces pays aux
travaux de l’agence, en tenant compte du statut spécifique de chaque
pays. En outre, le conseil d’association peut également inviter les
pays des Balkans occidentaux qui ont conclu un accord de stabilisation
et d’association avec la Communauté européenne
à participer à l’agence en tant
qu’observateurs. A ce jour, aucun pays tiers ne participe aux travaux
de l’agence en qualité d’observateur
.
18. Il convient toutefois de noter que dès la première année d’existence
de l’agence, son programme de travail (pour 2007) citait explicitement
parmi ses priorités opérationnelles la sensibilisation et le renforcement des
capacités en Croatie et en Turquie
, avant même que le statut de ces
pays au sein de l’agence n’ait été défini par le conseil d’association
concerné, comme le prévoit pourtant l’article 28.2 du règlement
fondateur. Cette démarche s’inscrivait dans la poursuite du processus
visant à préparer ces pays à participer aux travaux des agences
de la Communauté européenne (notamment la FRA – anciennement EUMC)
engagé en 2003. Ces activités visaient à soutenir et à renforcer
les capacités des acteurs de la société civile
, en les faisant participer
aux travaux de collecte de données de l’EUMC/FRA au moyen de la
méthodologie du réseau RAXEN
.
2.3. Attributions
19. Selon les termes du huitième considérant du règlement
fondateur, «il est admis que l’agence ne devrait agir que dans le
cadre du champ d’application du droit communautaire»
,
ce que confirme l’article 3.3 du règlement. Conformément aux limites
géographiques imposées à l’agence, cette dernière disposition réaffirme que
le mandat de l’agence se limite à l’examen des institutions de l’Union
européenne et de la mise en œuvre du droit communautaire par les
Etats membres. L’agence n’est pas chargée de contrôler le respect
des droits de l’homme par les Etats membres de l’Union européenne
lorsqu’ils agissent dans le cadre de leur système juridique national
et hors de la compétence communautaire. Le fait de soumettre les
institutions de l’Union européenne non seulement au contrôle juridictionnel,
existant de longue date, de la Cour de justice de l’Union européenne,
mais aussi à un mécanisme indépendant chargé de «surveiller» leur
conformité aux normes de protection des droits de l’homme en Europe
constitue une avancée dans la bonne direction. De plus, comme je
l’ai déjà indiqué précédemment, étant donné que l’Union européenne
n’a pas encore adhéré à la Convention, les organisations internationales
– dont les institutions de l’Union européenne sont les exemples les
plus visibles – restent les seuls organismes publics œuvrant dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe à continuer d’échapper
à la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme («la
Cour»).
20. Dans le droit de l’Union européenne, le mandat de l’agence
était initialement limité aux questions relevant du «premier pilier»
de l’Union
européenne. Le trente-deuxième considérant du règlement fondateur excluait
expressément l’élargissement du mandat de l’agence aux domaines
relevant du troisième pilier (coopération policière et judiciaire
en matière pénale). Les attributions de l’agence ont néanmoins changé depuis
l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a fait disparaître
la structure de «piliers» de l’architecture de l’Union européenne.
La coopération policière et judiciaire relève donc désormais du
champ d’action du droit de l’Union européenne
et
par conséquent des activités de l’agence. D’un côté, du point de
vue du Conseil de l’Europe, cet élargissement des attributions de
l’agence peut ne pas paraître bienvenu, puisque l’extension du mandat
de l’agence au troisième pilier aurait nettement accru le risque
de doublons avec les activités du Conseil de l’Europe. De l’autre
côté cependant, l’inclusion des questions relevant de l’ancien troisième
pilier dans les attributions de l’agence peut être considérée comme
une amélioration, dans la mesure où ces domaines politiques sont
susceptibles d’avoir le plus d’impact sur les droits de l’homme
dans l’Union européenne. Ce changement permettra à l’agence de traiter
et d’émettre des avis sur des questions telles que la lutte contre
le terrorisme, le mandat d’arrêt européen, la coopération policière
(y compris l’échange de données personnelles dans le contexte d’une
enquête pénale) et l’échange de preuves dans le cadre de poursuites
pénales, conformément au mandat européen d’obtention de preuves.
C’est d’autant plus important que ces domaines sont également ceux
dans lesquels les mécanismes de contrôle existant dans l’Union européenne
sont les plus faibles. La coopération policière, par exemple, est
le domaine du droit communautaire pour lequel le contrôle juridictionnel
de la Cour de justice de l’Union européenne est le plus limité
.
21. L’un des points de contentieux possibles, concernant les attributions
de l’agence, est la frontière très ténue qui existe entre ce qui
relève du droit communautaire et ce qui relève du droit interne
des Etats membres de l’Union européenne. Cela vaut également pour
la façon dont l’agence – l’Union européenne? – pourrait/devrait
tracer une ligne entre, d’une part, les droits perçus comme des droits
«fondamentaux» (applicables, dans le contexte de l’Union européenne,
à l’ensemble des citoyens et personnes placés sous la juridiction
d’un Etat membre; cette notion a été répandue par la Cour européenne
de Justice dans les années 1970, lorsque les requérants étaient
des personnes morales), et, d’autre part, les «droits de l’homme»
(qui sont garantis, conformément à l’article 1er de
la Convention, «à toute personne» relevant de la juridiction des
Etats parties). Les droits de l’homme, de plus, sont transversaux:
ils n’obéissent pas aux lignes artificiellement tracées entre questions
nationales et questions communautaires. Dans le contexte d’un rapport
sur le racisme et la xénophobie, par exemple, il sera parfois difficile
de distinguer les aspects relevant du droit communautaire de ceux
relevant du droit national. Par conséquent, il serait souhaitable
pour l’agence de traiter des thématiques liées aux droits de l’homme
sans toucher inutilement aux questions relevant du droit national.
22. Un autre point s’impose dans ce contexte: la coopération extérieure
de l’Union européenne. Globalement, les questions de droits de l’homme
sont ou devraient être une composante essentielle de toutes les
politiques internes et externes de l’Union européenne, dont l’aide
extérieure, la coopération au développement et les échanges commerciaux.
La plupart des accords de l’Union européenne comprennent une clause
de droits de l’homme, qui demande aux partenaires de respecter les
droits de l’homme et les principes démocratiques et prévoit des
mesures restrictives ciblées en cas d’atteinte à ces principes.
Comme signalé plus haut, le règlement fondateur déclare de manière
générale que «l’agence ne devrait agir que dans le cadre du champ
d’application du droit communautaire»
,
limitant sa sphère d’influence aux institutions de l’Union européenne
et à la mise en œuvre du droit communautaire par les Etats membres.
Peut-on, dans ce contexte, partir du principe que la mise en œuvre
du droit communautaire porte exclusivement sur les questions relevant
du système juridique «interne» de l’Union européenne? C’est là une
question difficile, puisqu’elle a trait à l’étendue géographique
des travaux de l’agence
. Les obligations
de l’Union européenne en vertu du droit communautaire comprennent
le devoir de ne pas porter atteinte aux droits de l’homme dans les
pays tiers. On peut ainsi avancer que l’agence pourrait jouer un
rôle pour veiller à ce que l’Union européenne applique correctement
ses nombreuses clauses de conditionnalité
.
23. Les domaines d’action thématiques de l’agence sont précisés
dans un cadre pluriannuel adopté par le Conseil de l’Union européenne,
après consultation du Parlement européen, sur la base d’une proposition
de la Commission européenne. Ils doivent notamment inclure la lutte
contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.
L’article 2 du cadre pluriannuel du 28 février 2008
énumère neuf domaines thématiques
qui devront être couverts par l’agence au cours des cinq années
à venir (2007-2012):
23.1. le racisme,
la xénophobie et l’intolérance qui y est associée;
23.2. les discriminations fondées sur le sexe, la race ou l’origine
ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l’âge, l’orientation
sexuelle ou l’appartenance à une minorité et toute combinaison de
ces motifs (discrimination multiple);
23.3. l’indemnisation des victimes;
23.4. les droits de l’enfant, y compris la protection des enfants;
23.5. le droit d’asile, l’immigration et l’intégration des immigrés;
23.6. les visas et les contrôles aux frontières;
23.7. la participation des citoyens de l’Union au fonctionnement
démocratique de celle-ci;
23.8. la société de l’information et, en particulier, le respect
de la vie privée et la protection des données à caractère personnel;
23.9. l’accès à une justice efficace et indépendante.
24. Tous ces thèmes sont transversaux: ils relèvent à la fois
du domaine de compétence de l’Union européenne et du champ d’action
exclusif des Etats membres. L’agence pourrait donc s’avérer incapable
de les traiter de façon complète sans élargissement de ses attributions.
25. Un autre point de contentieux possible est la définition des
«droits fondamentaux» énoncée à l’article 6.2 du Traité sur l’Union
européenne (dans la version qui était la sienne avant les modifications
apportées par le Traité de Lisbonne
), à laquelle l’agence est tenue
de se référer dans l’accomplissement de sa mission
. Cela suppose
que l’agence se réfère, d’une part, à la Convention et, d’autre
part, à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
qui est désormais juridiquement contraignante pour les institutions
et les Etats membres de l’Union européenne lorsqu’ils mettent en
œuvre le droit communautaire. Comme l’ont indiqué certains auteurs,
nous sommes en présence d’une dualité de normes de protection, dans
la mesure où les philosophies qui sous-tendent les deux instruments
sont dans une certaine mesure différents, malgré le recoupement
de plusieurs de leurs dispositions
.
La Convention s’attache davantage à garantir le principe d’autonomie
individuelle et le respect de la volonté de chacun, tandis que la
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne vise également
à fournir une prise en compte intégrée des droits civils, politiques
et sociaux
. Cette
dualité de l’approche est susceptible de générer des tensions au
sein des activités de l’agence. Comme le notait D. Chalmers:
«Si elle adopte les principes de
la Convention européenne des droits de l’homme, on lui reprochera
de ne pas s’intéresser aux droits autres qu’aux libertés civiles
ainsi que sa vision très étriquée des droits fondamentaux – autant
de défauts que la Charte est censée corriger. Si elle adopte les
principes sous-tendant la Charte, elle sera accusée d’ingérence
excessive et de ne pas prêter suffisamment attention à l’autonomie
individuelle – principe censé sous-tendre les traditions constitutionnelles
nationales et la Convention européenne des droits de l’homme.»
2.4. Outils et actions de l’agence
2.4.1. Collecte et analyse de données
26. Pour veiller à ce que l’agence complète les travaux
du Conseil de l’Europe (et leur apporte une valeur ajoutée), il
faut examiner les tâches spécifiques de l’agence et ses méthodes
de travail. La comparaison de ces tâches avec celles déjà menées
par le Conseil de l’Europe peut mettre en évidence et permettre
de juger des risques de doublons entre les activités de l’agence
et celles du Conseil de l’Europe. Tout d’abord, le règlement fondateur
définit de façon assez étroite et restrictive les tâches de l’agence,
puisqu’il les limite entre autres à la diffusion d’informations
sur les normes de droits de l’homme applicables, à la collecte passive
de données, à la mise au point de méthodes visant à améliorer la
comparabilité et l’objectivité de telles données au niveau européen,
à leur analyse et à la rédaction de rapports
.
27. Il convient de noter qu’en effectuant ses tâches quotidiennes,
l’agence emploie divers instruments de collecte de données, différents
de ceux du Conseil de l’Europe. Pour mener ses enquêtes, elle recourt
souvent à des contractants spécialisés dans ce domaine, par exemple
GALLUP pour réaliser ses enquêtes EU-MIDIS sur les minorités et
la discrimination
.
2.4.2. Avis
28. A première vue, les missions de l’agence semblent
avoir été réduites au point de n’en faire qu’un «réseau de réseaux»,
simplement chargé de collecter, d’organiser et d’analyser des données
issues des différents réseaux existants (organismes nationaux de
droits de l’homme et autres parties prenantes dans ce domaine).
Cependant, comme énoncé clairement à l’article 4 du règlement fondateur,
l’agence est également compétente pour fournir une assistance technique
aux institutions et aux Etats membres de l’Union lorsqu’ils mettent
en œuvre le droit communautaire
.
29. S’agissant des demandes d’avis et/ou d’expertises techniques,
il conviendrait de garantir un alignement sur les normes minimales
du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme. Je pense
ici, par exemple, à la nécessité de remettre en cause l’équité du
placement sur liste noire pour activités terroristes supposées à la
lumière de la jurisprudence récente de la Cour européenne de justice
et des conclusions de l’Assemblée parlementaire
, ainsi qu’au système
dit «Dublin II», qui présente des lacunes évidentes au regard de
la Convention pour les décisions en matière d’asile
. En fait, la présidence française
du Conseil de l’Union européenne a déjà demandé à la FRA de rendre
un avis relatif à l’accord sur l’utilisation des données des dossiers
passagers (Passenger Name Record – PNR), en cours de négociation
avec les Etats-Unis
.
30. L’agence est uniquement autorisée à formuler des avis et des
conclusions juridiquement non contraignants à l’attention des institutions
de l’Union européenne et des Etats membres «lorsqu’ils mettent en œuvre
le droit communautaire». A l’évidence, ce pouvoir n’englobe pas
l’instauration de normes de droits de l’homme, sous quelque forme
et selon quelque modalité que ce soit.
2.4.3. Suivi?
31. L’agence a-t-elle des pouvoirs dans ce domaine du
suivi des obligations? Si oui, le suivi assuré par l’agence en matière
de droits de l’homme apporte-t-il quelque chose, ou fait-il simplement
double emploi avec les mécanismes de «suivi» du Conseil de l’Europe?
Quel serait le «rôle de suivi» de l’agence dans le cadre du «Programme
de Stockholm – pour une Europe qui protège», adopté par le Conseil
européen en décembre 2009
?
32. Il semble cependant que le Conseil de l’Europe et l’agence
emploient le même terme – «suivi» – pour décrire des activités différentes.
Au sens du Conseil de l’Europe, le suivi consiste à vérifier le
respect des normes de droits de l’homme par les Etats membres et
à adresser à chaque pays des recommandations politiques sur les
mesures à prendre
. Dans le cadre des compétences
de l’agence, le suivi désigne simplement la collecte d’informations
et la préparation de rapports comparatifs; cela explique pourquoi
le terme «suivi» n’est même pas mentionné – à juste titre – dans
le règlement fondateur de l’agence
. Cependant,
ce sujet mérite plus ample réflexion. Comme le souligne fort justement
Olivier de Schutter:
[L]a mission
de l’Agence des droits fondamentaux n’est pas supposée comprendre
un “suivi normatif”, c’est-à-dire une évaluation du degré de conformité
au regard d’une grille normative préexistante; elle consiste plutôt
à fournir un avis technique, sur la base d’un travail de collecte
et d’analyse d’informations sur la situation des droits fondamentaux
dans les Etats membres. Cependant, il ne sera peut-être pas possible,
en pratique, de conserver une distinction nette entre un suivi consistant
uniquement à collecter et à analyser des données pour offrir une
assistance technique (“suivi consultatif”) et un suivi évaluant le
degré de conformité aux droits fondamentaux (“suivi normatif”):
l’acte même de relever des faits suppose forcément de mettre en
lumière certaines situations, et donc de faire pression sur les
acteurs concernés pour qu’ils remédient aux lacunes constatées.
En outre, même si les modes de formulation peuvent différer considérablement
– les organismes experts du Conseil de l’Europe évaluent explicitement
certaines situations pour vérifier leur conformité aux normes pertinentes,
tandis que l’Agence des droits fondamentaux se limite prudemment
à résumer ses constats dans des rapports et à formuler des recommandations
générales sur les tendances observées –, il demeure que les mêmes situations
pourraient être examinées dans le cadre des deux mécanismes.
33. Selon cet auteur, les tâches de l’agence diffèrent de celles
d’un organe de suivi au sens classique du terme, par exemple celles
définies en vertu des instruments du Conseil de l’Europe
.
Le «suivi» de l’agence est effectué pour des raisons propres à l’Union,
et notamment pour aider les Etats membres de l’Union européenne
dans la mise en œuvre du droit communautaire, qui devrait prendre
davantage en compte les droits fondamentaux et faciliter la progression
des pays candidats
à
l’Union européenne sur la voie du respect des critères d’adhésion
.
34. Cependant, même en cas de chevauchement des tâches des organes
du Conseil de l’Europe et de l’agence s’agissant de la fourniture
d’une assistance et d’une expertise en matière de droits fondamentaux
aux Etats membres de l’Union européenne, ce recoupement ne posera
problème qu’en fonction de la nature des relations entre les deux
institutions et, plus précisément encore, du statut qu’auront les
conclusions des organes de suivi du Conseil de l’Europe dans les
avis, conclusions et rapports de l’agence
. Si l’agence fait explicitement et systématiquement
référence aux conclusions des organes du Conseil de l’Europe, l’autorité conférée
à l’interprétation de ces organes s’en trouvera renforcée et contribuera
à un meilleur suivi des recommandations adressées aux Etats parties.
Cela permettrait par ailleurs d’éviter les divergences dans les conclusions
formulées par les deux organes
.
35. Cela étant, il convient de garder à l’esprit que les instruments
du Conseil de l’Europe imposent des normes
minimales aux
Etats parties, et qu’ils contiennent des dispositions permettant
à ces Etats d’aller au-delà de ces exigences minimales, par exemple
par la conclusion d’accords internationaux offrant une protection
plus favorable aux individus
.
Dans les instruments du Conseil de l’Europe, aucune disposition n’interdit
aux Etats membres de l’Union européenne ou à l’Union elle-même d’améliorer
la protection des droits de l’homme
.
36. Les mécanismes de «suivi» existants ou futurs de l’Union européenne
ou de l’agence pourraient offrir une valeur ajoutée par rapport
aux mécanismes existants du Conseil de l’Europe, en produisant par
exemple des données plus actuelles, en couvrant un champ thématique
plus flexible et en dressant un tableau plus complet de la situation
des droits de l’homme dans les Etats membres respectifs. Ainsi,
avec l’aide de l’Union européenne, le Conseil de l’Europe pourrait
améliorer encore la qualité de ses propres activités de suivi
.
2.5. Budget de l’agence
37. L’agence est financée par les contribuables des mêmes
pays qui alimentent 80 % du budget du Conseil de l’Europe. Le Conseil
de l’Europe, y compris la Cour et l’Assemblée parlementaire, disposent
d’un budget annuel d’environ 200 millions d’euros pour mettre en
œuvre l’importante mission qui lui est confiée: garantir le respect
des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du
droit dans toute l’Europe. Il doit s’accommoder depuis plusieurs
années d’une politique de croissance zéro du budget réel, qui met
en danger ses activités fondamentales. En revanche, le budget de
l’agence augmente rapidement; il atteindra bientôt 10 % du budget
total du Conseil de l’Europe, y compris la Cour
.
38. Le budget de l’Agence des droits fondamentaux pour les prochaines
années sera le suivant:
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
Budget, en millions d’euros
|
14
|
15
|
17
|
20
|
20
|
22
|
39. La dotation en personnel initiale de l’agence, de
50 personnes, ne cesse d’augmenter. Elle comprend aujourd’hui 66
agents (54 agents temporaires et 12 agents contractuels). Selon
le dernier Plan en matière de politique du personnel de la FRA,
d’ici à la fin de l’année 2010, l’agence emploiera 72 agents temporaires
et 25 agents contractuels, soit un total de 97 personnes.
40. Il est bien sûr trop tôt pour définir la meilleure réaction
face aux activités redondantes. On peut comparer ici, par exemple,
le projet de l’agence concernant la protection des droits de l’enfant
et les travaux du Conseil de l’Europe sur
un thème extrêmement proche.
41. Avant l’initiative de l’agence, le Conseil de l’Europe avait
lancé son programme «Construire une Europe pour et avec les enfants»,
qui vise à promouvoir les droits des enfants et à les protéger de
toutes formes de violence. Ce programme harmonise les questions
liées aux enfants au sein du Conseil de l’Europe, assurant ainsi
une meilleure visibilité aux normes du Conseil de l’Europe et à
la jurisprudence de la Cour. Une conférence à haut niveau a marqué
le lancement de la stratégie de Stockholm 2009-2011, qui réoriente
le programme à la lumière de ses trois premières années d’opération
(2006-2009). La promotion de la ratification de la Convention du
Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels a été faite à travers une série de séminaires
et conférences (aux niveaux régional, national et européen), le dernier
en date ayant eu lieu à Tolède, Espagne, en mars 2009. Des campagnes
et des initiatives ont été lancées dans les Etats membres, avec
en tout premier lieu la campagne «Levez la main contre la fessée!», qui
a confirmé le Conseil de l’Europe dans sa position d’organisation
phare pour les droits de l’enfant et de partenaire clé des Nations
Unies, puisqu’il a notamment été chargé du suivi pour l’Europe de
l’Etude globale sur la violence à l’encontre des enfants lancée
par le Secrétaire général des Nations Unies
.
3. Coopération entre le Conseil
de l’Europe et l’agence
3.1. Cadre général de coopération
et consultations
42. Pour éviter les doubles emplois, l’article 9 du règlement
fondateur impose à l’agence de coordonner ses activités avec celles
du Conseil de l’Europe. Le Conseil de l’Europe a signé à la fois
un mémorandum d’accord
avec
l’Union européenne et un accord de coopération avec la Communauté
européenne, qui, en partie, clarifient la situation
. Selon le point 10 du mémorandum d’accord,
le Conseil de l’Europe «restera la référence en matière de droits
de l’homme, de primauté du droit et de démocratie en Europe». L’accord
de coopération souligne l’établissement d’un cadre de coopération
visant à éviter les doubles emplois et l’obligation de coopérer
et de coordonner leurs travaux
. La coopération entre les deux
institutions concerne l’ensemble des activités de l’agence
.
43. Une personnalité indépendante désignée par le Conseil de l’Europe
siège en outre au conseil d’administration et au bureau exécutif
de l’agence
. Elle
participe aux réunions du bureau exécutif de l’agence et les vues
qu’elle exprime sont dûment prises en compte, notamment par souci
de complémentarité et afin de garantir une valeur ajoutée par rapport
aux activités de l’agence et celles du Conseil de l’Europe. Au sein
du bureau exécutif, elle dispose d’une voix en ce qui concerne la
préparation de certaines décisions du conseil d’administration
.
44. Par ailleurs, en vertu de l’accord de coopération
, des contacts sont établis, à
intervalles réguliers et au niveau approprié, entre l’agence et
le Conseil de l’Europe. Le directeur de l’agence et le Secrétariat
du Conseil de l’Europe désignent chacun une personne de référence
spécialement chargée des questions liées à leur coopération. La
personne nommée par le Secrétaire Général participe régulièrement
aux réunions du conseil d’administration
.
45. Selon le principe général établi par l’accord de coopération
, des représentants du Secrétariat
du Conseil de l’Europe sont invités par le bureau exécutif de l’agence
à assister aux réunions de son conseil d’administration en qualité
d’observateurs (à l’exception des points de l’ordre du jour de nature
interne). Par ailleurs, sur la base de l’accord de coopération
, le Conseil de l’Europe invite
des représentants de l’agence à assister, en qualité d’observateurs,
aux réunions des comités intergouvernementaux du Conseil de l’Europe pour
les travaux desquels l’agence a manifesté un intérêt (par exemple
les travaux relatifs aux Roms et aux droits des personnes LGBT
).
Des représentants de l’agence peuvent ainsi être invités, en qualité d’observateurs,
aux réunions ou aux échanges de vues organisés par les comités de
suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe ou par des comités
créés en vertu d’accords partiels, ainsi qu’aux échanges de vues
organisés par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (la
dernière invitation date de novembre 2009, avec la participation
du président du conseil d’administration et du directeur de l’agence).
46. Afin de coordonner ses activités, l’agence consulte régulièrement
le Secrétariat du Conseil de l’Europe à l’occasion de l’établissement
de son programme de travail annuel
, de l’élaboration de
son rapport annuel
et dans le cadre de sa coopération
avec la société civile (en particulier la plate-forme des droits fondamentaux)
.
Sur la base de cette concertation, l’agence et le Conseil de l’Europe
peuvent convenir de mener des activités conjointes et/ou complémentaires
sur des sujets présentant un intérêt commun
.
47. Ainsi, les représentants de l’agence prennent régulièrement
part aux débats de certains comités intergouvernementaux, conférences
et autres activités du Conseil de l’Europe.
48. Il est intéressant de noter également que l’accord de coopération
prévoit la possibilité
pour l’agence d’allouer des subventions au Conseil de l’Europe afin
de promouvoir la coopération entre les deux institutions, ainsi
que des échanges temporaires de personnel entre elles
. Ces possibilités n’ont
pas été utilisées jusqu’à présent.
49. Selon le document de la FRA «FRA Mission and Strategic Objectives
2007-2012» (Mission et objectifs stratégiques de la FRA 2007-2012),
en référence au Cadre pluriannuel de l’agence pour la période 2007-2012, dans
l’atteinte de ses objectifs à long terme, l’agence «assurera la
complémentarité et optimisera les synergies avec le Conseil de l’Europe»
.
3.2. Echange d’informations
50. Aux termes de l’accord de coopération, l’agence et
le Conseil de l’Europe échangent des informations et des données
collectées dans le cadre de leurs activités. Les informations et
les données ainsi échangées peuvent être utilisées par les deux
institutions dans le cadre de leurs travaux respectifs
. Par ailleurs, l’accord de
coopération fait obligation à l’agence de tenir dûment compte des
décisions et arrêts de la Cour relevant des domaines d’action de
l’agence et, lorsque cela est pertinent, des conclusions, rapports
et activités en matière de droits de l’homme des comités intergouvernementaux
et de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, ainsi
que de ceux du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
. Lorsque l’une des institutions
utilise les sources d’information de l’autre, elle en indique l’origine
et la référence
. Les deux institutions
assurent, sur la base de la réciprocité, au moyen de leurs réseaux,
une diffusion aussi large que possible des résultats de leurs travaux
respectifs
. Il serait
intéressant d’examiner plus en détail dans quelle mesure ces engagements
souscrits dans l’accord de coopération sont observés dans la pratique.
51. Dans ses travaux, l’agence se réfère à la Convention et à
d’autres instruments du Conseil de l’Europe. Dans son rapport annuel
de 2009
, par exemple, l’agence appelle les
Etats membres de l’Union européenne à tenir compte de la jurisprudence
de la Cour dans leur mise en œuvre de la Convention du Conseil de
l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
,
et cite les arrêts récents de la Cour en lien avec beaucoup d’autres
thèmes abordés. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) et la Charte sociale européenne sont également mentionnées.
Dans son récent rapport sur le trafic d’enfants, l’agence cite souvent
la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains précitée
et la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (2007), appelant les Etats membres de l’Union
européenne qui ne l’ont pas encore fait à ratifier ces conventions
.
Un autre exemple dans ce contexte est le rapport publié en 2009
par l’agence: «Homophobie et discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle et identité de genre dans les Etats membres de l’Union
européenne»
. La partie I de ce rapport («Analyse
juridique») contient plusieurs références aux travaux du Conseil
de l’Europe dans ce domaine, notamment aux recommandations de l’Assemblée
parlementaire, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, aux
déclarations du Secrétaire Général et du Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe
, à la Convention et à la jurisprudence
de la Cour
. La partie
II («La situation sociale»)
énonce que le Conseil de l’Europe
a été «une autre source importante de données pertinentes» et qu’aux
fins de l’établissement du rapport, le Commissaire aux droits de
l’homme, Thomas Hammarberg, a été interviewé
.
52. La coopération entre l’agence et le bureau du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe est bien engagée. En
2009, elle a porté sur un large éventail de questions. Le commissaire
a participé à une conférence internationale consacrée à la migration
des Roms et à la liberté de circulation, organisée conjointement
à Vienne par la FRA, le Bureau des institutions démocratiques et
des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE, le haut-commissaire aux
minorités nationales de l’OSCE et le bureau du commissaire
. Des informations et des données
sur de nombreux domaines liés aux droits de l’homme ont été par
ailleurs régulièrement échangées entre la FRA et le bureau du commissaire
dans le cadre de réunions d’experts, d’ateliers et de tables rondes
organisés par la FRA et le Conseil de l’Europe. La situation en
matière de droits de l’homme des Roms, des personnes souffrant de
problèmes de santé mentale, la discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle et l’identité de genre, les droits de l’enfant et la mise
en œuvre des droits de l’homme à tous les niveaux ont été des préoccupations
prioritaires communes en 2009. En décembre 2009, le commissaire
a participé au Panel de haut niveau de la Conférence de l’Union
européenne sur les droits fondamentaux à Stockholm, organisée par
la FRA et la présidence suédoise de l’Union européenne
. Par ailleurs, le bureau du commissaire
prépare actuellement une étude comparative sur la situation de l’homophobie,
de la transphobie et de la discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle et l’identité de genre dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe. Cette étude donnera lieu à l’établissement d’un rapport comparatif
complet sur la politique à adopter, couvrant les 47 Etats membres
du Conseil de l’Europe, reposant et utilisant des données déjà collectées
par l’agence pour les 27 Etats membres de l’Union européenne. De plus,
dans son document sur «Droits de l’homme et identité de genre»,
le Commissaire aux droits de l’homme fait plusieurs fois référence
aux informations recueillies par l’agence sur ce thème
.
53. L’agence coopère également avec les organes de suivi du Conseil
de l’Europe dans le domaine de la lutte contre la discrimination
et de la protection des droits des minorités. Tout comme son prédécesseur, l’EUMC,
elle travaille en étroite coopération avec l’ECRI. Ainsi, le 19
mars 2010, les deux organes, conjointement avec le BIDDH de l’OSCE,
ont publié une déclaration commune à l’occasion de la Journée internationale
pour l’élimination de la discrimination raciale
. De plus, l’agence se réfère souvent
au travail effectué par le Comité consultatif de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales, et en particulier à
ses avis propres à chaque pays.
54. Actuellement, les deux institutions coopèrent aussi sur les
questions de discrimination à l’égard des Roms et le projet «Droits
de l’enfant»
.
L’agence associe le Conseil de l’Europe à ses principaux projets
en matière de traite d’enfants et d’enfants non accompagnés demandeurs
d’asile, ainsi qu’aux «Indicateurs sur les droits de l’enfant».
A l’occasion du 20e anniversaire de la
Convention relative aux droits de l’enfant, le 20 novembre 2009,
l’agence et la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe
ont publié une déclaration commune. Quant à la question de la discrimination
des Roms, l’agence et le Conseil de l’Europe travaillent également
ensemble à une action conjointe sur la liberté de circulation et
la migration (conférences, rapports, déclarations communes). En
mai 2009, lors de la réunion de la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme à Târgu Mureş, un membre du personnel de
l’agence a présenté les résultats de l’enquête de l’Union européenne
sur la discrimination des minorités. D’autres actions de coopération
entre les deux institutions sont également prévues ou sont en cours
sur des thèmes tels que la situation des migrants clandestins, la
lutte contre la violence à l’égard des femmes et l’éducation aux
droits de l’homme. Au sein du Conseil de l’Europe proprement dit,
il est de plus en plus fréquent pour nombre de services, ceux traitant spécifiquement
des droits de l’homme mais également ceux traitant des questions
de santé (par exemple les personnes handicapées), de consulter l’agence
et/ou de faire référence à ses rapports ou autres documents.
55. Il convient par ailleurs de noter que le Conseil de l’Europe
et l’agence développent de nouvelles formes de coopération. De nouveaux
projets sont élaborés dès le début en commun par les deux institutions.
A titre d’exemple, en janvier 2010, la Cour et l’agence ont lancé
un projet d’une durée d’un an visant à améliorer la connaissance
et la mise en œuvre nationale du droit communautaire et d’autres
instruments juridiques dans le domaine de la lutte contre la discrimination.
Le projet donnera lieu à la publication d’un manuel de jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice
de l’Union européenne en plusieurs langues européennes
. Un projet commun sur l’enseignement
des droits de l’homme débutera également dans les prochains mois.
56. Les exemples susmentionnés montrent l’existence de bonnes
pratiques de coopération entre les organes du Conseil de l’Europe,
y compris ses organes de suivi, et l’agence; les activités des deux
institutions peuvent ainsi se compléter mutuellement. Cette tendance
est observée également par la personnalité indépendante nommée par
le Conseil de l’Europe, qui a fait savoir que la coopération était
bien engagée
.
4. Perspectives à la suite de
l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne
57. A la suite de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne
le 1er décembre 2009, de nouveaux développements
risquent d’intervenir dans les politiques de l’Union européenne
sur la protection des droits de l’homme et dans la portée du mandat
de l’agence, qui a désormais compétence pour traiter de questions relevant
de la coopération policière et judiciaire.
58. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est
devenue juridiquement contraignante. L’Union européenne et ses organes,
ainsi que les Etats membres, lorsqu’ils mettent en œuvre le droit
de l’Union, sont liés par cette charte
.
59. Par ailleurs, le nouvel article 2 du Traité sur l’Union européenne
évoque la notion
de «droits des personnes appartenant à des minorités». L’introduction
de cette notion dans le traité donne également à l’agence de nouvelles
possibilités d’élargir et de renforcer ses activités s’agissant
de la protection de ces droits. Il convient en outre de noter que
la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne souligne l’interdiction
de la «discrimination fondée sur l’appartenance à une minorité nationale»
et précise que «l’Union respecte la diversité culturelle, religieuse
et linguistique»
.
Par ailleurs, le Traité de Lisbonne énonce une nouvelle obligation
générale pour l’Union européenne de combattre l’exclusion et la
discrimination
, ce qui renforce la mission de l’agence
dans ces domaines. Cependant, les nouvelles tâches de l’agence en
la matière n’ont pas encore été intégrées au second «Cadre pluriannuel»
(2012-2017) que la commission préparera prochainement
.
60. La modification de la portée de la mission de l’agence, telle
que définie dans le «Cadre pluriannuel», peut également intervenir
après la nomination de Mme Viviane Reding
au poste nouvellement créé de commissaire chargée de la justice,
des droits fondamentaux et de la citoyenneté
. Dans l’accomplissement de sa mission,
la commissaire pourrait faire plus souvent référence aux données
collectées et analysées par l’agence. Etant donné que la commission
préparera prochainement un nouveau cadre pluriannuel pour l’agence,
la commissaire contribuera certainement à son élaboration à partir
de 2012
.
Il est également probable qu’elle demandera davantage d’avis sur
les conséquences des propositions législatives de la commission
pour les droits de l’homme.
61. Enfin, il est important de mentionner le «Programme de Stockholm»
– définissant le cadre de la coopération policière et douanière
de l’Union européenne, de la protection civile, de la coopération
en matière pénale et civile, d’asile, de migration et de politique
de visas pour la période 2010-2014 –, tel qu’adopté par le Sommet
européen de décembre 2009
.
Ce document insiste encore davantage sur les droits fondamentaux
. Plus spécifiquement, il invite les
institutions de l’Union européenne à recourir à l’expertise de l’agence
et à coopérer plus étroitement avec elle au stade de l’élaboration
de propositions législatives touchant aux droits fondamentaux
. Dans ce document, le Conseil européen
note également que l’Agence des droits fondamentaux a «atteint sa
maturité opérationnelle» dans son champ d’activité
. La Commission prépare désormais un
plan d’action pour mettre en place les priorités définies dans ce
document
.
62. Par la suite, le rôle de l’agence pourrait évoluer après l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention. Il est probable que dans
les années à venir, l’agence soit plus souvent consultée par les
institutions de l’Union européenne, et notamment par la Commission
européenne.
5. Conclusions
63. Il est encore trop tôt pour évaluer le travail de
l’Agence des droits fondamentaux, et cela n’entre pas dans mon mandat.
Il serait utile, en revanche, de savoir comment nous pourrions –
en coopération avec l’agence – définir au mieux le rôle de l’agence
dans la promotion et la mise en œuvre des normes de droits de l’homme au
sein de l’Union européenne sans risquer de saper la position du
Conseil de l’Europe en tant que première organisation de protection
des droits de l’homme en Europe. Permettez-moi de rappeler, à cet
égard, le point de vue formulé par l’Assemblée. Dans sa
Résolution 1427 (2005), l’Assemblée estime «que la création d’une agence des
droits fondamentaux au sein de l’Union européenne pourrait apporter
une contribution utile, à condition, toutefois, qu’un rôle et un
domaine d’action pertinents soient définis et que cette agence vienne
donc “combler une lacune” et présente une réelle valeur ajoutée
et une complémentarité indiscutables en termes de promotion du respect
des droits de l’homme»
. Selon cette même résolution
,
«l’Assemblée est d’avis que le rôle de l’agence doit être celui
d’une institution indépendante pour la promotion et la protection
des droits de l’homme dans le cadre de l’ordre juridique de l’Union
européenne, s’inspirant des institutions nationales similaires présentes
dans plusieurs Etats membres».
64. Depuis la création de l’agence en 2007, certaines synergies
ont vu le jour et ont été développées entre cette dernière et le
Conseil de l’Europe. En dépit des doutes qui subsistent quant aux
risques de chevauchement inutile des tâches, il existe plusieurs
garde-fous visant à garantir le rôle de premier plan joué par le
Conseil de l’Europe dans le domaine de la protection des droits
de l’homme en Europe, tels que la nomination d’une personnalité
indépendante siégeant au titre du Conseil de l’Europe dans les organes d’administration
de l’agence et les personnes de référence nommées au sein des deux
institutions ainsi que les dispositions sur le cadre et les méthodes
de coopération énoncées dans l’accord de coopération. Les deux institutions
élaborent à l’heure actuelle diverses méthodes de coopération fructueuse
dans les domaines qui relèvent de leurs compétences communes, au
moyen de consultations et d’échanges d’informations réciproques.
L’agence fait souvent référence aux conventions pertinentes du Conseil
de l’Europe, à l’acquis de
ses organes de suivi et à la jurisprudence de la Cour. Parallèlement,
les organes du Conseil de l’Europe, y compris son Commissaire aux
droits de l’homme, citent les rapports de l’agence et les données
qu’elle a recueillies lors de ses études et par d’autres méthodes
de collecte d’informations. En conséquence, les deux institutions
pourraient devenir complémentaires et leur coopération s’avérer
bénéfique pour toutes les parties prenantes
65. Il convient néanmoins de garder à l’esprit que les mécanismes
de protection des droits de l’homme au sein de l’Union européenne
changeront à la suite de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne,
qui confère un caractère juridiquement contraignant à la Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne et constitue un fondement
juridique pour l’adhésion de l’Union européenne à la Convention.
D’un côté, ces développements peuvent renforcer le rôle de l’agence,
qui sera de plus en plus consultée par les institutions de l’Union
européenne. De l’autre, le risque de chevauchement des activités
est susceptible de s’intensifier (notamment dans le cadre du mandat
du poste nouvellement créé de commissaire chargé de la justice,
des droits fondamentaux et de la citoyenneté). S’agissant des dispositions
de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reposant
sur la Convention, il existe un danger grandissant d’interprétations divergentes
de celles de la Cour européenne des droits de l’homme par la Cour
de justice de l’Union européenne et d’autres institutions ou Etats
membres de l’Union européenne lors de la mise en œuvre du droit de
l’Union. C’est pourquoi une adhésion rapide de l’Union européenne
à la Convention permettrait d’éviter ce risque.
66. Il semble qu’un certain degré de chevauchement des tâches
du Conseil de l’Europe et des institutions de l’Union européenne,
dont l’agence, soit inéluctable
,
même si certaines garanties ont été mises en place pour le minimiser
. Ce risque de
double emploi peut prendre de l’ampleur dans le futur, notamment
dans le domaine de l’ancien «troisième pilier» et eu égard aux pays
candidats à l’Union européenne. Les procédures en place pour observer
les travaux de l’agence et sa conformité avec les normes du Conseil
de l’Europe devraient de ce fait être appliquées de manière vigilante.
Dans les divers organes de l’Union européenne et notamment au sein
de l’agence, l’esprit de coopération avec le Conseil de l’Europe
devrait être promu en permanence et les normes existantes du Conseil
de l’Europe devraient toujours être évoquées en tant que normes
minimales de protection des droits de l’homme dans toute l’Europe.
Avant de développer de nouvelles activités et de nouveaux projets,
l’agence devrait se demander ce qu’elle pourrait apporter aux travaux
du Conseil de l’Europe sur le même sujet.
67. Des normes des droits de l’homme plus fortes dans les Etats
membres de l’Union européenne peuvent inciter d’autres Etats à améliorer
leur propre système, mais il faut prendre garde de ne pas créer
de nouveaux clivages en Europe. Cette position a toujours été défendue
par l’Assemblée et rien ne justifie qu’elle en déroge.
68. Il convient de veiller à ce que les nouvelles normes de l’Union
européenne ne soient pas en retard sur celles de la Convention défendues
par le Conseil de l’Europe. Les différents intérêts politiques et
économiques poursuivis par l’Union européenne peuvent de temps à
autre créer des situations où les normes des droits de l’homme en
place sont diluées dans le but d’atteindre d’autres objectifs. Il
peut s’agir là d’une tâche commune importante de l’agence et de
ses partenaires au sein du Conseil de l’Europe, et davantage encore
si l’Union européenne adhère à la Convention.
69. En conclusion, une chose est certaine: le Conseil de l’Europe
doit rester le premier forum pour la protection des droits de l’homme
en Europe. Ce rôle ainsi que la protection des droits de l’homme
en Europe seront encore renforcés par l’établissement de liens forts
et utiles avec l’agence, si des synergies entre les deux institutions
continuent de se développer dans le respect plein et entier des
normes du Conseil de l’Europe.