1. Introduction
1. Cinquante-deux pour cent de l’ensemble des réfugiés
en Europe sont des femmes ou des filles. Les femmes demandent l’asile
pour échapper aux mêmes formes de persécution que les hommes, mais
elles sont également victimes de persécutions pour des raisons propres
à leur condition de femme. Même s’il arrive que les persécutions
aient des causes semblables dans les deux cas, elles peuvent revêtir
des formes différentes lorsque la victime est une femme. Il en est
de même pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres
(LGBT). Bien que le terme «genre» englobe les LGBT, le rapporteur
a choisi de limiter à un court paragraphe l’examen des demandes
liées au genre présentées par ces derniers (voir chapitre 7). Il
estime en effet que le sujet des demandes basées sur l’orientation
sexuelle mérite à lui seul un rapport de l’Assemblée.
2. Les auteurs des violences (ou préjudices) fondées sur le genre
peuvent être des acteurs étatiques ou non étatiques, y compris des
membres de la famille. Durant les conflits armés notamment, les
femmes subissent toutes sortes de violences physiques, sexuelles
et psychologiques: viol, exploitation sexuelle, mariage forcé, avortement
forcé, grossesse forcée et stérilisation forcée. Le viol systématique
et les violences sexuelles contre les femmes peuvent être utilisés
comme une arme dans les campagnes de «nettoyage ethnique». Cela
dit, la violence fondée sur le genre ne se produit pas uniquement
au cours de périodes de conflit. Les mutilations génitales féminines
et la traite des femmes en sont deux autres formes particulières.
3. Lors de l’examen des demandes d’asile, les Etats sont tenus
de prendre en compte la dimension de genre. La violence fondée sur
le genre peut être assimilée à de la persécution au sens de la Convention
de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après «Convention
de Genève de 1951»), au même titre que la violence qui se produit
indépendamment du sexe de la victime. Selon des ONG et des organisations internationales,
les Etats membres n’en tiennent pas toujours compte.
4. Ce n’est pas seulement lors de l’examen juridique visant à
déterminer s’il existe une violence fondée sur le genre ou une persécution
liée au genre pouvant être assimilée à de la persécution que les
Etats négligent d’accorder toute l’importance voulue aux questions
spécifiques au genre. Les femmes ont aussi d’autres obstacles à
surmonter dans la procédure d’asile. L’entretien est souvent mené
sans tenir compte du genre. Si le cadre de l’entretien n’est pas
adapté et si l’enquêteur se montre indifférent aux considérations
de genre, la femme demandeur d’asile risque de se sentir mal à l’aise
ou menacée. Ces circonstances peuvent l’empêcher d’exposer correctement
son histoire et les particularités de sa situation. Si l’enquêteur
est insensible à ces considérations ou s’il s’appuie sur des informations
non pertinentes concernant le pays d’origine, il risque de ne pas
poser les bonnes questions ou de ne pas analyser correctement les
réponses. Par conséquent, même si les Etats tiennent dûment compte
des questions liées au genre dans l’examen juridique de la demande d’asile,
d’autres obstacles, comme le cadre dans lequel se déroule l’entretien,
peuvent nuire à la qualité des informations obtenues sur l’asile
et fausser toute la base sur laquelle repose la décision en matière
d’asile.
5. Les demandeurs d’asile et les réfugiés sont vulnérables dans
leur pays d’accueil. Les femmes demandeurs d’asile et les réfugiées
le sont encore plus. Elles sont confrontées à la discrimination
de par leur statut d’étrangères et leur origine ethnique, ou simplement
parce qu’elles sont des femmes. Elles peuvent également continuer
à être victimes de violences dans leur communauté, même dans leur
nouveau pays d’accueil ou au sein de leur famille. Elles peuvent
craindre l’expulsion si elles portent plainte devant les autorités
et rencontrent un certain nombre d’autres problèmes pour obtenir
une protection juridique. Enfin, elles peuvent rencontrer des problèmes
particuliers liés à leur genre dans les centres d’accueil et de
rétention.
6. Le présent rapport s’inscrit dans le cadre d’une série de
rapports déjà adoptés ou à venir, préparés par la commission en
vue d’améliorer la qualité et la cohérence des systèmes d’asile
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que la situation
des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière
pris individuellement. Cette série de rapports comprend les rapports
déjà adoptés intitulés «Améliorer la qualité et la cohérence des
décisions en matière d’asile dans les Etats membres du Conseil de
l’Europe» (rapporteur: Boriss Cilevičs, Lettonie, Groupe socialiste)
, «Rétention administrative des demandeurs
d’asile et des migrants irréguliers en Europe» (rapporteuse: Ana
Mendonça, Portugal, Groupe socialiste)
et le rapport à venir intitulé «Problèmes
liés à l’arrivée, au séjour et au retour des mineurs non accompagnés
en Europe» (rapporteuse: Mailis Reps, Estonie, Alliance des démocrates
et des libéraux pour l’Europe).
7. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, le rapporteur
a entrepris une mission d’information à Genève le 9 avril 2010,
au cours de laquelle il a rencontré des représentants du Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM), du Comité international de la Croix-Rouge
(CICR), du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Le rapporteur
souhaite remercier chaleureusement toutes ces personnes pour les
précieuses informations fournies. Il tient également à remercier
les participants et experts de la conférence sur le thème «Migrations
et violences à l’encontre des femmes en Europe», organisée conjointement
par l’Assemblée parlementaire et ses commission des migrations,
des réfugiés et de la population et commission sur l’égalité des
chances pour les femmes et les hommes, ainsi que l’Union interparlementaire
(UIP), qui s’est tenue à Paris les 10 et 11 décembre 2009.
2. Objectif,
structure et étendue du rapport
8. Dans le présent rapport, le rapporteur entend présenter
les problèmes, exposer le cadre juridique et proposer des mesures
que les Etats européens pourraient prendre pour renforcer la protection
offerte aux victimes de violence fondée sur le genre et de persécution
liée au genre. Il s’intéressera non seulement à l’examen juridique
des demandes de protection, mais aussi aux modalités des entretiens
et à la situation générale des femmes et des filles demandeurs d’asile
avant, pendant et après la décision en matière d’asile.
9. La structure du rapport sera donc la suivante:
- (1) l’examen juridique. Les
Etats ont l’obligation d’accorder l’importance voulue à la violence
fondée sur le genre et à la persécution liée au genre dans l’examen
juridique conduisant à la décision en matière d’asile;
- (2) la procédure de traitement de la demande d’asile.
Il est souhaitable que les Etats organisent des entretiens avec
les femmes demandeurs d’asile dans le respect des spécificités propres
à leur genre, et d’une manière qui les incite à raconter sans crainte
leur histoire. L’enquêteur, qui devrait être une femme, doit être
formé pour poser des questions pertinentes au regard du genre. Les
informations sur le pays d’origine devraient intégrer des considérations
pertinentes au regard du genre sur la condition féminine. Les femmes
devraient avoir accès sans entraves au processus de demande d’asile
et aux recours juridiques et garder leur indépendance dans ce processus;
- (3) la situation sociale des femmes demandeurs d’asile.
Les femmes et les filles doivent être protégées contre tout abus
découlant de leur vulnérabilité sociale accrue en tant que victimes
de violence. Les demandeurs d’asile de sexe féminin sont particulièrement
vulnérables dans les lieux où elles sont privées de liberté et dans
les hébergements collectifs.
10. Il est difficile, voire impossible, de se procurer des statistiques
sur les éléments relatifs au genre dans les demandes d’asile déposées
auprès des Etats membres du Conseil de l’Europe. Le présent rapport
en témoigne. L’une des recommandations que le rapporteur souhaiterait
émettre est que les Etats prêtent une plus grande attention à la
collecte et à l’analyse de statistiques sur la violence fondée sur
le genre et la persécution liée au genre, en vue de la publication
des résultats de ces analyses.
11. Il convient de mentionner ici quelques documents particulièrement
importants. L’organisation Asylum Aid au Royaume-Uni a rédigé un
document intitulé «The rights of women seeking asylum: a charter».
Le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (CERE) a publié
un rapport sur la plupart des questions traitées dans le présent
document, y compris un ensemble de recommandations. Le HCR a élaboré
une série de directives sur l’examen juridique des demandes d’asile
motivées par des violences fondées sur le genre.
3. Qu’est-ce que la
violence (ou le préjudice) fondée sur le genre et qu’est-ce que
la persécution liée au genre?
12. Il convient de faire la distinction entre le «genre»
et le «sexe», qui est défini d’un point de vue biologique. La notion
de «genre» renvoie à ce que signifie le fait d’être un homme ou
une femme. Le genre fait référence aux relations entre les hommes
et les femmes basées sur des identités, des statuts, des rôles et
des responsabilités définis ou construits socialement. Les différences
entre les genres subissent les effets des rapports de pouvoir qui
existent entre les hommes et les femmes dans une société donnée,
et les incidences de ces rapports sur l’identité, le statut, les
rôles et les responsabilités des hommes et des femmes
.
13. L’article premier de la Déclaration des Nations Unies sur
l’élimination de la violence à l’égard des femmes (1993) définit
la violence à l’égard des femmes (fondée sur le genre) comme suit:
«tout acte de violence dirigé contre le sexe féminin, et causant
ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques,
sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes,
la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit
dans la vie publique ou dans la vie privée».
14. Certaines formes de préjudice touchent plus fréquemment ou
exclusivement les femmes, ou d’une manière différente que les hommes.
Celles-ci englobent la violence sexuelle, la discrimination sociale
et juridique, la prostitution forcée, la traite, le refus d’accès
à la contraception, l’immolation des jeunes mariées par le feu,
le mariage, la stérilisation et l’avortement forcés, les mutilations
génitales féminines (forcées) et la nudité forcée/actes d’humiliation
sexuelle. Ce sont donc les principaux types de violence ou de préjudice
qu’il convient de prendre en considération lors de l’examen de la
question de la violence fondée sur le genre dans les demandes d’asile.
15. La persécution liée au genre a trait au rapport de causalité
entre la persécution et le motif de la persécution. Ainsi, une femme
peut être persécutée en raison de son genre (par exemple lorsqu’elle
refuse ou omet de se conformer au comportement social, religieux
ou culturel qui est attendu d’une femme). La persécution liée au
genre n’est pas nécessairement la même chose que la persécution
liée au sexe biologique. Elle ne concerne pas uniquement les personnes
qui sont persécutées car elles sont de sexe masculin ou féminin,
mais celles qui sont persécutées car elles refusent ou omettent
de se conformer aux exigences sociales liées au fait d’être un homme
ou une femme.
16. Il importe donc de noter qu’une femme demandeur d’asile peut
être persécutée d’une manière spécifique au genre pour des raisons
non liées au genre (par exemple violée en raison de son appartenance à
un parti politique), elle peut être persécutée de manière non spécifique
au genre, mais en raison de son genre (par exemple flagellée pour
avoir refusé de porter le voile) ou encore persécutée de manière
spécifique au genre, en raison de son genre (mutilations génitales
féminines ou crime d’honneur commis à l’encontre d’une femme adultère)
.
17. Comme l’a fait observer le CERE, la persécution subie par
les femmes peut être différente de celle vécue par les hommes, tant
au niveau de sa forme (violence fondée sur le genre) que de sa motivation (persécution
liée au genre). Les femmes peuvent être visées parce qu’elles sont
animatrices sociales de quartier ou parce qu’elles persistent à
exiger le respect de leurs droits. D’autres femmes sont visées en
raison de leur vulnérabilité – tel est le cas des jeunes femmes,
qui peuvent aisément subir des violences sexuelles, ou des mères,
qui seront prêtes à tout pour protéger leurs enfants. Les femmes
ont un rôle dans la procréation et peuvent être considérées comme
incarnant l’identité et la survie future d’un groupe ethnique donné.
Par conséquent, toute violence à l’égard d’une femme peut également
représenter une attaque contre son groupe ethnique. Dans de nombreuses
parties du monde, les femmes qui ne vivent pas dans le respect des
normes qui leur sont imposées par la société peuvent subir des traitements
cruels. Le refus d’un mariage arrangé, les relations sexuelles hors
mariage, l’apport d’une dot jugée insatisfaisante ou le port de
certains vêtements peuvent entraîner une persécution. Du fait des
contraintes sociales et économiques, un nombre relativement restreint
de ces femmes parvient à fuir vers d’autres pays en quête de protection;
et même quand elles le font, les agressions qu’elles ont subies
sont davantage perçues comme une discrimination qu’une persécution
.
4. Demandes d’asile
liées au genre
4.1. L’examen juridique
18. Pour obtenir le statut de réfugié, en vertu de l’article 1.A de la Convention de Genève de
1951, le demandeur d’asile doit pouvoir démontrer qu’il ou elle
craint avec raison d’être persécuté à son retour, du fait de sa
race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un
certain groupe social ou de ses opinions politiques, et que, pour
cette raison, il ou elle ne peut retourner dans son pays d’origine.
Le statut de réfugié peut être accordé à une femme pour n’importe
laquelle des cinq raisons énumérées.
19. La Convention de Genève de 1951 ne donne aucune définition
de la «persécution». Le Manuel du HCR énonce que l’on peut déduire
de l’article 33 de la Convention de 1951 que le fait de menacer
la vie ou la liberté d’une personne en raison de sa race, de sa
religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance
à un certain groupe social constitue toutefois une persécution.
4.2. Persécution par
des acteurs étatiques
20. La violence fondée sur le genre et la persécution
liée au genre peuvent être infligées par les autorités du pays d’origine.
Dans certains cas, cela peut être dû au fait que la femme a agi
d’une manière jugée inappropriée ou simplement parce qu’elle a refusé
de se soumettre à des normes discriminatoires du point de vue du
genre, ce qui a entraîné des sanctions sévères. Les opinions politiques
des membres masculins d’une famille sont souvent attribuées aux
femmes qui, en conséquence, peuvent être soumises à des persécutions.
4.3. Persécution par
des acteurs non étatiques
21. La violence fondée sur le genre et la persécution
liée au genre peuvent également être infligées par des acteurs non
étatiques, et notamment des membres de la famille, dans le pays
d’origine. Cependant, lorsqu’un Etat facilite, juge avec indulgence,
conditionne, excuse ou tolère la violence perpétrée contre des femmes
par des acteurs privés, il en porte la responsabilité. L’Etat est
responsable des persécutions lorsqu’il peut
mais ne veut pas assurer une protection, lorsqu’il met
en œuvre des lois ou des pratiques qui sont discriminatoires à l’égard
des femmes et conduisent à la persécution, lorsque la loi est appliquée
par des moyens répressifs ou lorsque la peine infligée pour non-respect
de la loi ou d’autres directives est d’une sévérité disproportionnée.
4.4. Possibilité de
refuge intérieur
22. Lors de l’examen d’une demande d’asile, les Etats
étudient souvent la possibilité d’un refuge ou d’une réinstallation
internes pour le demandeur d’asile. Ces possibilités ne sont toutefois
pas également applicables aux hommes et aux femmes. La violence
fondée sur le genre ou la persécution liée au genre sont souvent perpétrées
par des acteurs privés. Lorsqu’un Etat n’offre pas une protection
efficace à une fille ou à une femme dans une partie du pays, il
ne sera probablement pas non plus en mesure ou désireux de la protéger
dans une autre partie du pays. Selon le HCR, la réinstallation ne
constitue pas une solution pertinente si le demandeur court de nouveau
des risques de persécution dans la zone de réinstallation, qu’il
s’agisse de la forme initiale de persécution ou de toute forme nouvelle
de persécution ou d’autres menaces graves. Il importe de considérer
qu’en raison de son âge, de son sexe et d’autres facteurs, le demandeur
peut faire l’objet de divers types de discriminations et être exposé
à un risque aggravé de mauvais traitements, de violences et de privation
d’autres droits fondamentaux
.
4.5. Statut de réfugié
ou protection complémentaire
23. Le statut de réfugié est accordé aux demandeurs dont
les requêtes relèvent de la Convention de Genève de 1951, tandis
que le statut complémentaire/subsidiaire est accordé à ceux dont
les demandes ne relèvent pas de cette convention, mais qui méritent
une protection en vertu du droit international des droits de l’homme, du
droit communautaire ou de la pratique de certains Etats membres.
La répartition entre ces deux types de protection varie considérablement
d’un Etat membre à l’autre. Les personnes qui obtiennent une protection complémentaire
ont généralement moins de droits et sont moins protégées que celles
qui obtiennent le statut de réfugié. D’après les statistiques publiées
par le HCR, sur l’ensemble des personnes auxquelles une protection
a été accordée en France en 2007, 91 % ont obtenu le statut de réfugié
et 9 % une protection complémentaire. Dans d’autres pays, la proportion
de demandeurs ayant obtenu le statut de réfugié comparé à la protection
complémentaire était la suivante: Allemagne 91 %, Royaume-Uni 77 %,
Suisse 36 %, Norvège 24 %, Suède 7 %, Malte 1 % et Pays-Bas 12 %.
On peut en conclure qu’il existe deux catégories de pays: ceux qui
privilégient la protection des réfugiés, comme la France, l’Allemagne
et le Royaume-Uni, et ceux qui estiment qu’il est plus justifié
d’octroyer une protection complémentaire, comme la Suède, Malte
et les Pays-Bas.
24. S’agissant de la protection contre les risques de mutilations
génitales féminines, il semblerait, d’après les informations disponibles,
que les Etats commencent à privilégier la protection complémentaire
par rapport au statut de réfugié dans les demandes d’asile reposant
sur ce motif. Il ne faudrait toutefois pas que les Etats membres
privilégient cette protection complémentaire – ce qui signifie moins
de droits et moins de sécurité – pour des raisons de commodité plutôt
que de droit. Le danger majeur serait qu’ils décident d’octroyer systématiquement
une protection complémentaire aux femmes et aux personnes LGBT.
Ces populations ne sont pas des demandeurs d’asile de second plan
et leurs demandes sont aussi valides que toutes les autres. Le rapporteur
recommande aux Etats membres de surveiller cette évolution et de
publier les statistiques correspondantes, ventilées par sexe, qui
pour l’instant font défaut. Il recommande également aux Etats membres
de procéder à l’évaluation du statut de réfugié et de l’admissibilité
au bénéfice d’une protection complémentaire en se basant sur des
éléments d’appréciation juridiques, et non sur des raisons de convenance
politique. Le statut de réfugié est défini par le droit international
et cela ne peut être éludé par le droit ou la pratique nationaux.
5. Instruments juridiques
25. L’instrument juridique le plus important dans le
contexte de l’asile et de la violence fondée sur le genre est la
Convention de Genève de 1951, et notamment la définition du terme
«réfugié» énoncée à l’article 1.A examiné ci-dessus et l’interdiction
du refoulement prévue à l’article 33.
26. La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) entre
également en jeu dans la protection des demandeurs d’asile et des
migrants. Dans certains cas, la personne concernée n’obtient pas
le statut de réfugié, mais la CEDH n’autorise pas son expulsion.
L’obligation faite à l’Etat membre de ne pas renvoyer la personne
en question repose alors uniquement sur un risque de traitement
contraire aux droits consacrés par la CEDH, sans qu’il soit nécessaire
que ce traitement soit fondé sur l’un des cinq motifs prévus par
la Convention sur les réfugiés. L’article 14 de la CEDH protège
les femmes de toute discrimination dans l’exercice de leurs droits
tels qu’énoncés dans la Convention. Le Protocole no 12
à la Convention protège les femmes contre toute forme de discrimination,
même si elle n’est pas nécessairement liée à une violation de l’un
des autres articles de la Convention (condition requise par l’article 14
de la Convention portant sur la discrimination). Aux termes de l’article 1
de la CEDH, les Parties à la Convention s’engagent à garantir les droits
énoncés dans la Convention à toute personne relevant de leur juridiction,
c’est-à-dire également aux demandeurs d’asile qui risquent l’expulsion
ou qui souffrent de discrimination.
27. La Directive de qualification de l’Union européenne s’applique
aux Etats membres de l’Union européenne
.
Aux termes de l’article 9.2 de la directive, les actes de persécution
peuvent prendre la forme d’actes dirigés contre des personnes en
raison de leur sexe.
6. Formes de violence
fondée sur le genre et la persécution liée au genre
6.1. La violence faite
aux femmes en tant qu’arme de guerre
28. La violence faite aux femmes en tant qu’arme de guerre
est un cas particulier de violence fondée sur le genre. L’Assemblée
affirme, dans sa
Résolution 1670 (2009) sur les violences sexuelles contre les femmes dans les
conflits armés, que ces violences constituent un crime contre l’humanité,
un crime de guerre et une arme de guerre inacceptable mais malheureusement
efficace. Le fait de violer, d’agresser et de mutiler sexuellement,
de féconder de force et de contaminer par le VIH/sida les épouses,
les filles et les mères des «ennemis» a non seulement de terribles
conséquences physiques et psychologiques pour les victimes elles-mêmes
mais peut aussi bouleverser, voire détruire, des communautés entières.
29. En 2008, par la voie de la Résolution 1820 du Conseil de sécurité
des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, la communauté
internationale a reconnu que le viol et d’autres formes de violence
sexuelle peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre
l’humanité ou un élément constitutif du crime de génocide. Malgré
cela, les violences sexuelles contre les femmes dans les conflits
armés demeurent courantes. Elles ont été une caractéristique des
guerres des Balkans et se retrouvent aujourd’hui en République démocratique
du Congo et au Soudan, où des milliers de victimes sont en outre
privées de l’accès à la justice et au droit d’obtenir réparation.
Ces victimes ont vu leur vie brisée à maints égards, tandis que
les auteurs des crimes jouissent d’une impunité quasi totale. En
République démocratique du Congo, les viols ont continué après la
fin de la guerre.
6.2. La traite des êtres
humains
30. La traite des êtres humains est actuellement un problème
crucial en Europe. Chaque année, des milliers de personnes, en majorité
des femmes et des enfants, sont victimes de la traite à des fins
d’exploitation sexuelle et autres, dans leur propre pays comme à
l’étranger. La traite revêt des formes multiples, qui vont de l’exploitation
sexuelle au travail forcé en passant par l’esclavage, et concernent
tout autant des garçons et des hommes que des filles et des femmes.
Les trafiquants peuvent être des organisations criminelles, des membres
de la famille, voire des forces gouvernementales, rebelles, ou même
internationales. La traite est une violation grave des droits de
l’homme.
31. L’article 4
.a de la
Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197) définit
la traite comme suit:
«L’expression
“traite des êtres humains” désigne le recrutement, le transport,
le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace
de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte,
par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation
de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou
d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité
sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend,
au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres
formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage
ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement
d’organes.»
32. La reconnaissance du statut de réfugié peut constituer un
élément de protection important pour certaines victimes de la traite.
Bien qu’en principe, le fait d’être victime de la traite ne permette
pas de présenter une demande valable d’octroi du statut de réfugié,
il peut arriver que des personnes dans cette situation requièrent
la protection internationale dont bénéficient les réfugiés. Cela
peut être le cas, par exemple, lorsque la victime de la traite craint
des représailles de la part des trafiquants à son encontre ou à
l’encontre de sa famille ou de sa communauté, représailles qui équivaudraient
à de la persécution pour l’un des motifs cités dans la définition
de la Convention de Genève de 1951, et qu’elle ne bénéficierait
pas d’une protection nationale efficace si elle était renvoyée dans
son pays
.
33. Si la traite peut constituer un motif de demande d’asile,
selon l’Organisation internationale des migrations (OIM) d’autres
formes de persécution prévalent souvent, et la traite passe au second
plan. Il semblerait en effet que les autorités craignent de créer
un précédent en fondant leurs décisions sur le motif de la traite.
34. Dans certains pays, la coopération avec la police et le parquet
est une condition nécessaire pour que la traite soit prise en compte
dans une demande d’asile. Le HCR recommande de traiter séparément
la protection des réfugiés et la protection des témoins ou des victimes
en droit pénal, car les victimes de la traite ne seront pas toutes
appelées à témoigner dans une procédure pénale. Le fait qu’elles
soient choisies ou non par les autorités chargées de l’instruction
et des poursuites n’a aucun rapport avec leurs besoins de protection
réels. Le rapporteur s’associe à la recommandation du HCR sur ce
point. De plus, de nombreux programmes de protection des témoins
et des victimes n’ont qu’un caractère provisoire. Le Canada offre
un contre-exemple positif puisque, sur son territoire, les victimes
ne sont pas tenues de témoigner contre leur trafiquant pour obtenir
un statut de résident temporaire ou permanent.
6.3. Les mutilations
génitales féminines
35. Amnesty International estime que plus de 130 millions
de femmes dans le monde ont subi une forme de mutilations génitales
féminines (MGF), et que chaque année, plus de 3 millions de filles
risquent d’en subir une. Les MGF sont principalement pratiquées
dans 28 pays africains, le long d’une bande qui s’étend du Sénégal en
Afrique de l’Ouest à l’Ethiopie sur la côte orientale, et de l’Egypte
au nord à la Tanzanie au sud. Elles sont également pratiquées par
certains groupes de la péninsule arabique. Les pays où les MGF sont
le plus répandues sont l’Egypte, le Soudan, l’Ethiopie et le Mali.
En outre, un grand nombre de filles ressortissantes ou résidentes
de pays européens sont attirées en Afrique chaque année pour être
soumises à une MGF.
36. Les MGF sont infligées aux filles et aux femmes en raison
de leur sexe féminin, afin d’exercer un pouvoir sur elles et de
contrôler leur sexualité. Cette pratique s’inscrit souvent dans
un cadre sociétal plus large de discrimination envers les filles
et les femmes. Grâce aux efforts déployés ces dernières décennies
pour éliminer les MGF aux plans national et international, les taux
de MGF ont baissé dans certaines zones. Les femmes et les filles
continueront néanmoins d’avoir besoin d’une protection internationale
tant que les autorités de leur propre pays ne seront pas en mesure
ou désireux de leur fournir une protection efficace.
37. Les MGF constituent une violation des droits fondamentaux
des femmes et des filles, et notamment du droit de ne pas être soumis
à la torture et à des peines ou traitements inhumains ou dégradants
garanti par l’article 3 de la CEDH
. Le HCR considère les MGF
comme une forme de violence fondée sur le genre, qui inflige à la
victime de graves dommages tant physiques que mentaux et qui atteint
donc un niveau de gravité équivalant à de la persécution au sens
de la Convention de Genève de 1951. D’après les conclusions du HCR, une
femme qui demande l’asile parce qu’elle a été contrainte de subir
une MGF ou parce qu’elle risque d’en subir une peut prétendre au
statut de réfugié. Dans certaines circonstances, un parent peut
également exprimer une crainte de persécution fondée, dans le cas
où son enfant risque de subir une MGF
.
38. La plupart des pays d’origine, si ce n’est tous, disposent
d’une législation interdisant les MGF et adoptent même des mesures
visant à faire appliquer ces lois. Mais, trop souvent, cette législation
est inopérante et les auteurs de MGF demeurent impunis. Dans ce
cas, sachant que les MGF sont souvent perpétrées par des acteurs
privés, on ne peut considérer que l’Etat est capable, ni même disposé
à offrir la protection qu’un demandeur d’asile est en droit d’attendre.
Le HCR stipule que pour que la protection soit reconnue comme effective,
les Etats doivent déployer de réels efforts pour éliminer les MGF,
en mettant notamment en place des activités de prévention appropriées
ainsi que des poursuites et des sanctions systématiques et réelles
(pas simplement des menaces) contre toute infraction liée à une
MGF
.
39. Il est aujourd’hui largement admis par les Etats que la crainte
d’une fille ou d’une femme d’être soumise à une MGF peut avoir pour
fondement son «appartenance à un groupe social particulier», mais
aussi ses «opinions politiques» et sa «religion» au sens où l’entend
l’article 1.A de la Convention de Genève de 1951. Lorsqu’une femme
ou une fille n’agit pas, ou est perçue comme n’agissant pas conformément
à une religion donnée telle qu’elle est interprétée, en refusant
par exemple de subir une MGF ou de soumettre ses enfants à une MGF,
elle peut craindre à juste titre d’être persécutée pour des motifs
religieux.
40. Le HCR souligne que lorsque la demande d’asile d’un enfant
est examinée, il importe de garder à l’esprit que les actes ou les
menaces qui ne sont pas reconnus comme de la persécution dans le
cas d’un adulte peuvent l’être lorsqu’il s’agit d’un enfant. Dans
la majorité des cas, cependant, les dommages réels ou potentiels
causés par les MGF sont d’une telle gravité qu’il convient de les
qualifier de persécution, quel que soit l’âge du demandeur.
41. Par ailleurs, il peut arriver qu’une fille ne veuille ou ne
puisse pas exprimer sa crainte des MGF. Une fillette d’un très jeune
âge peut parfaitement ne pas se rendre compte ou ne pas prendre
la mesure des dommages que les MGF engendrent. Dans certaines situations,
les adolescentes peuvent même affirmer qu’elles souhaitent faire
l’objet d’une MGF, car cette pratique s’accompagne d’attentions
et de cadeaux et qu’elle est un signe de maturité. On peut néanmoins
considérer que la crainte est justifiée car objectivement, les MGF
constituent clairement une forme de violence équivalant à de la
persécution. Il appartient à celui qui prend la décision d’évaluer
de façon objective le risque encouru par l’enfant, y compris en
l’absence de toute expression de crainte. Même lorsque les parents
vivent dans le pays d’asile depuis un certain temps, il est justifié
qu’ils expriment une crainte au nom de leur enfant, lorsqu’il s’agit
d’une fille née après leur départ du pays d’origine.
42. D’après le HCR, les demandes liées aux MGF n’ont pas seulement
trait à la menace de subir de telles pratiques; elles concernent
également les femmes et les filles qui en ont déjà été victimes
ou qui subissent les conséquences à long terme de ces actes. La
persécution que l’on craint ne doit pas nécessairement prendre une
forme identique à celle déjà subie, dès lors qu’elle peut être reliée
à l’un des motifs définis dans la Convention de Genève de 1951.
Même si la mutilation est considérée comme une expérience passée ponctuelle,
il peut toujours en découler des motifs décisifs permettant l’octroi
du statut de réfugié au demandeur, par exemple si l’acte subi a
été particulièrement atroce et qu’il a entraîné de graves traumatismes psychologiques,
au point de rendre le retour au pays d’origine intolérable pour
la victime, femme ou fille.
6.4. Les «crimes d’honneur»
43. Toutes les formes de violence à l’égard des femmes
et des filles au nom d’un code d’honneur traditionnel sont considérées
comme des «crimes d’honneur» et constituent une grave violation
des droits de la personne humaine. Cette question est traitée de
manière générale dans la
Résolution 1681 (2009) de l’Assemblée intitulée «L’urgence à combattre les
crimes dits “d’honneur”». Le risque d’être victime d’un «crime d’honneur» devrait
être pris en compte dans les demandes liées au genre.
44. Les «crimes d’honneur» désignent plusieurs types de crimes.
Toute forme de violence perpétrée à l’encontre des femmes et des
filles au nom d’un code d’honneur traditionnel est considérée comme
un «crime d’honneur». C’est cette caractéristique (le fait qu’elle
soit exercée au nom d’un code d’honneur traditionnel) qui la distingue
des autres formes de violence à l’égard des femmes. Lorsque la famille
estime que son «honneur» est en jeu et que la femme en subit les
conséquences, on peut parler de «crime d’honneur».
45. Les «crimes d’honneur» ont été définis comme suit: «les crimes
dits d’honneur peuvent prendre la forme de diverses violences à
l’encontre des femmes, telles que les “meurtres d’honneur”, les
agressions, la séquestration ou l’emprisonnement et l’ingérence
dans le choix d’un époux. Ces comportements sont “justifiés” au
nom d’un ordre social censé exiger la préservation d’une idée de
l’honneur résidant dans la suprématie masculine (familiale et/ou
conjugale) sur les femmes, et en particulier leurs comportements
sexuels, qu’ils soient réels, suspectés ou potentiels». Le meurtre
constitue la forme de «crime d’honneur» la plus extrême
.
7. Violence fondée
sur le genre en raison de l’orientation sexuelle
46. L’«orientation sexuelle» renvoie à la capacité de
chacun de ressentir à l’égard de personnes du sexe opposé, du même
sexe ou de plus d’un sexe une profonde attirance émotionnelle, affective
et sexuelle et d’entretenir avec ces personnes des relations intimes
ou sexuelles
. Le rapporteur souhaiterait
à ce propos rappeler la
Résolution
1728 (2010) de l’Assemblée relative à la discrimination sur la base
de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre
. Il estime que la question
de l’asile et de la persécution liée au genre des lesbiennes, gays,
bisexuels ou transgenres (LGBT) mérite à elle seule un rapport de
l’Assemblée.
47. Les personnes LGBT peuvent faire l’objet de discrimination
et de maltraitance physique de la part des autorités ou d’acteurs
privés, y compris des membres de leur famille, en raison de leur
personne ou de la façon dont ils sont perçus par la collectivité.
Cela peut être dû aux normes culturelles et sociales en vigueur,
qui nourrissent l’intolérance et les préjugés, ou à des lois nationales
qui reflètent ces attitudes. Lorsque ces actes de maltraitance et
de discrimination sont impunis et/ou lorsque l’orientation LGBT
est criminalisée, ces personnes peuvent déposer une demande d’asile
au titre de la Convention de Genève de 1951
.
48. Les demandes relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité
de genre sont principalement reconnues en vertu du motif de l’appartenance
à un groupe social prévu par la Convention de 1951, mais elles peuvent aussi
être liées au motif des opinions politiques et de la religion. D’après
le HCR, c’est ce qu’ont affirmé plusieurs tribunaux et cours de
justice dans différentes juridictions, notamment en Australie, au
Canada, en France, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande, en Suède,
au Royaume-Uni et aux Etats-Unis
.
49. Un grand nombre de demandeurs LGBT ont pour point commun le
fait de devoir garder secrets certains côtés de leur vie face à
la pression, à l’hostilité et à la discrimination, ou aux sanctions
pénales. En conséquence, ils n’ont souvent que des preuves limitées
de leur identité LGBT; il se peut qu’ils ne soient pas en mesure
de faire la preuve de la persécution subie, surtout s’ils ne vivaient
pas ouvertement en tant que personne LGBT dans leur pays d’origine.
50. Les demandes d’asile déposées par les personnes LGBT révèlent
souvent qu’ils ont été exposés à des violences physiques et sexuelles,
à des périodes de rétention prolongées, à des abus médicaux, à des menaces
d’exécution et à des «meurtres d’honneur». Toutes ces formes de
préjudice et de maltraitance sont de nature si grave qu’elles atteignent
généralement le seuil de ce qui constitue de la persécution au sens
de la Convention de Genève de 1951. Les formes graves de violence
familiale et communautaire, le viol et d’autres types d’agression
sexuelle, surtout si elles ont lieu en situation de rétention, entrent
dans la définition de la torture. Les personnes LGBT peuvent aussi
avoir subi de moindres formes de préjudice physique et psychologique,
comme le harcèlement, les menaces de préjudice, l’intimidation et
la violence psychologique, qui peuvent atteindre le niveau de la
persécution.
51. Si la violence et les violations des droits de l’homme auxquelles
sont confrontées les personnes LGBT ont de nombreux points communs,
il faut toutefois faire des distinctions entre ces personnes. Ainsi,
les lesbiennes subissent souvent des préjudices du fait de la corrélation
entre leur orientation sexuelle et leur genre, les femmes ayant
généralement moins de pouvoir dans la société que les hommes. Dans
les sociétés où les femmes sont principalement considérées comme
des épouses et des mères, les lesbiennes peuvent subir un isolement.
Elles ont souvent moins accès aux systèmes de protection informels.
52. Les personnes transgenres, qui constituent un groupe encore
plus restreint, font souvent l’objet de formes distinctes de persécution,
par exemple dans le domaine des soins médicaux. Elles sont aussi
exposées à un risque accru de subir des préjudices si leur identité
de genre n’est pas reconnue légalement. Ce genre de préjudice peut
survenir lorsque les autorités demandent à une personne transgenre
de présenter ses papiers d’identité et que son apparence physique
ne correspond pas au sexe indiqué sur ces papiers. Une personne qui
cherche à changer de sexe ou qui l’a fait peut en particulier être
perçue comme défiant les conceptions dominantes en matière de rôles
de genre.
53. Lorsque des sanctions sévères sont imposées, qui ne respectent
pas les normes internationales en matière de droits de l’homme,
comme la peine de mort ou des châtiments corporels sévères, leur
caractère persécuteur est particulièrement évident. Le facteur décisif
dans l’octroi du statut de réfugié est le risque réel de préjudice
si le demandeur regagne son pays d’origine. On peut conclure qu’il
y a persécution, même s’il n’existe pas d’informations probantes
sur le pays d’origine, indiquant que les lois qui criminalisent
le comportement homosexuel sont effectivement mises en application.
54. Les demandeurs d’asile LGBT qui ont caché leur orientation
sexuelle dans leur pays d’origine peuvent ne pas avoir subi par
le passé des préjudices assimilables à de la persécution. Il se
peut que leur comportement n’ait pas été un choix librement consenti
et qu’il ait été modifié précisément dans le but d’éviter la menace
de persécution. L’absence de persécution dans le passé ne signifie
pas nécessairement qu’il n’y aura pas de risque de persécution dans
le futur. Si le demandeur d’asile peut démontrer que sa crainte
de persécution est bien fondée ou qu’il existe un risque réel de
préjudice grave, il ou elle doit avoir la possibilité de bénéficier
de l’asile ou d’une protection subsidiaire. En conséquence, les
personnes LGBT qui ont quitté leur pays d’origine pour un autre
motif que leur orientation sexuelle, ou qui ont fait leur «coming
out» après leur arrivée dans le pays d’asile, peuvent prétendre
au statut de réfugié si elles démontrent qu’elles craignent à juste
titre d’être persécutées à l’avenir
.
8. Problèmes spécifiques
au genre dans la procédure d’asile
8.1. Discrimination
55. Les femmes demandeurs d’asile rencontrent des problèmes
supplémentaires à l’arrivée et pendant leur séjour dans le pays
d’accueil. Tout d’abord, leur accès au système d’asile lui-même
peut être entravé à cause de la discrimination. Cela peut commencer
dès la file d’attente du bureau de traitement des demandes d’asile, parfois
uniquement ouvert durant certaines plages horaires, où il peut être
difficile pour les femmes de défendre leur place aux côtés d’hommes
peu cordiaux. Les femmes demandeurs d’asile qui ont une famille sont
souvent censées s’occuper de leurs enfants, si bien qu’il leur est
plus difficile d’accéder à la procédure d’asile. De nombreuses femmes
réfugiées et demandeurs d’asile dépendent aussi du statut du membre masculin
de la famille qui est ou a été le principal requérant dans la procédure
de demande d’asile. Il se peut que ce dernier reçoive directement
toute aide financière ou matérielle mise à disposition et qu’il
en garde le contrôle. Les femmes demandeurs d’asile sont souvent
victimes de discrimination dans le pays d’accueil, tout comme les
femmes en général se heurtent à la discrimination au sein de la
société. Toutefois, dans le cas des femmes demandeurs d’asile, les
conséquences sont multipliées et amplifiées.
56. Bien que de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe
travaillent à éradiquer la discrimination sexuelle dans les prises
de décisions, les politiques et les actions publiques, cet effort
ne se répercute pas toujours sur la procédure d’asile. Les femmes
qui demandent l’asile dans un Etat membre du Conseil de l’Europe
devraient pourtant avoir droit à ce que leurs demandes de protection
soient examinées par un système d’asile qui tienne dûment compte,
dans tous les aspects de son organisation et de son fonctionnement,
de leurs besoins spécifiques et des formes particulières de persécution,
de violences et de violations des droits fondamentaux qu’elles subissent
en raison de leur genre. Elles ont le droit d’être traitées avec
équité, dignité et respect, conformément au droit international
des réfugiés et aux normes internationales et à celles du Conseil
de l’Europe en matière de droits de l’homme
.
8.2. Identification
des femmes demandeurs d’asile
57. L’OIM souligne le problème de l’identification. En
effet, selon l’organisation, les flux massifs de migrants sont principalement
constitués d’hommes, tandis que les femmes demandeurs d’asile arrivent
plus souvent de manière sporadique. Il convient de veiller à ce
que ces dernières reçoivent les renseignements appropriés et puissent
être identifiées de la même façon que les personnes qui entrent
dans le pays par des flux massifs de migration mixte, souvent accueillies
dès leur arrivée par des organisations internationales telles que
le HCR, l’OIM ou la Croix-Rouge. Si le processus d’identification
n’est pas fiable, certaines femmes et filles qui remplissent les
conditions pour déposer une demande d’asile risquent de passer à
travers les mailles du filet. Il importe également que les victimes
de persécution bénéficient d’un soutien lors de leur identification, indépendamment
d’une éventuelle procédure d’asile. Le rapporteur conclut qu’il
est possible que les femmes et les filles ne soient pas en mesure
ou désireuses de s’identifier comme demandeurs d’asile.
58. Lorsque les femmes arrivent dans des flux mixtes, elles sont
en minorité et présentent donc une vulnérabilité accrue. Selon l’Associazione
per gli Studi Giuridici sull’Immigrazione (ASGI), 80 % des femmes qui
débarquent sur les rivages italiens affirment avoir été exposées
à des violences sexuelles de la part des passeurs.
59. Il est impératif de définir un ensemble de critères d’identification
qui permettent de répondre aux besoins (abris, etc.) ou de prévoir
une période de rétablissement avant d’engager la procédure d’asile.
Ce point peut s’avérer particulièrement important pour les victimes
de la traite. L’identification devrait aussi inclure les besoins
particuliers de la personne. Les femmes pouvant souffrir de traumatismes
dus à la violence fondée sur le genre ou à d’autres formes de violence,
il importe qu’elles disposent d’un temps de réflexion et de rétablissement
avant que la procédure d’asile ne soit engagée. Le Comité international
de la Croix-Rouge (CICR) a mis sur pied des «maisons d’écoute» dans
les pays d’origine pour recevoir les femmes qui ont besoin de parler
de leur expérience de violence, par exemple en République démocratique
du Congo. Des institutions similaires pourraient également être
mises en place dans les pays de destination. Il faudrait assurer
des soins physiques et psychologiques supplémentaires pour les rescapés
d’un traumatisme et, notamment, offrir des services de conseil pour
l’ensemble d’une famille lorsque celle-ci en fait la demande.
60. Les actes violents font partie de certaines cultures et c’est
souvent l’ensemble de la société qui est impliquée dans la violence
à l’encontre des femmes sous toutes ses formes. Il peut donc s’avérer
difficile pour les femmes elles-mêmes de reconnaître qu’elles ont
été victimes de violence fondée sur le genre ou de persécution liée
au genre pouvant ouvrir droit au statut de réfugié.
61. Il importe que les permis de séjour et autres autorisations
appropriés soient délivrés aux femmes demandeurs d’asile aussi tôt
que possible après leur identification, personnellement et en nom
propre, afin de les affranchir de toute dépendance possible par
rapport aux membres masculins de leur famille.
8.3. La demande d’asile
62. Pour permettre aux femmes de déposer leurs demandes
d’asile, il est également important que ces dernières soient individualisées,
et non présentées et enregistrées pour un couple marié ou une famille.
Si le statut juridique d’une femme dans le pays d’accueil dépend
de celui d’un membre masculin de sa famille, cet homme peut lui
faire perdre son statut de réfugiée s’il décide de regagner son
pays d’origine. Pour la même raison, il est important qu’une femme
qui souhaite divorcer puisse le faire sans devoir renoncer à son
statut de réfugiée. Bien entendu, ces problèmes concernent toutes
les femmes demandeurs d’asile, mais celles victimes de violence
fondée sur le genre sont encore plus vulnérables.
63. La femme demandeur d’asile doit être informée en privé de
son droit de déposer une demande d’asile indépendante (distincte
de celle de son époux) à n’importe quel stade, et de son droit d’être
interrogée hors de la présence de membres de sa famille. Il convient
de s’assurer que les femmes ont la possibilité de remplir elles-mêmes
leur demande d’asile, indépendamment de leur époux ou de membres
masculins de leur famille.
64. Les femmes demandeurs d’asile peuvent également rencontrer
des difficultés dans l’accès aux recours juridiques. Elles se trouvent
souvent en situation de dépendance vis-à-vis de leur époux ou de
leur famille et peuvent avoir du mal à dialoguer avec les autorités
et à leur faire confiance. Parfois, ces autorités ne sont pas aussi
accessibles qu’elles devraient l’être. Les femmes en situation irrégulière
ou en attente de regagner leur pays à la suite du rejet de leur
demande d’asile peuvent également être réticentes à demander une
assistance aux autorités. Les femmes demandeurs d’asile doivent
bénéficier de l’assistance de conseillers et d’interprètes chaque
fois que cela est nécessaire. En outre, ce conseiller ou cet interprète
devra être de sexe féminin si la demande d’asile fait apparaître
des comportements discriminatoires fondés sur le genre.
8.4. Le cadre de l’entretien
65. Une fois qu’elles sont entrées dans le système d’asile,
les femmes se heurtent aussi à des difficultés. Les Etats membres
du Conseil de l’Europe admettent généralement que la personne qui
conduit un entretien avec un demandeur d’asile doit être du même
sexe que ce dernier. Or le HCR a constaté un décalage entre ce principe
et la réalité (par exemple lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’interprètes
qualifiées de sexe féminin). Des enquêtrices et des interprètes
femmes doivent être disponibles systématiquement et non uniquement
si le demandeur d’asile en fait la demande. A tout le moins, la
femme demandeur d’asile doit se voir proposer cette possibilité,
et non avoir à poser elle-même la question.
66. Les modalités des entretiens sont cruciales. Cela peut sembler
évident, mais il importe de rappeler que lors des entretiens avec
les femmes, les autorités et les représentants juridiques doivent
absolument faire preuve de tact et de discrétion, et communiquer
d’une façon qui prenne en compte d’éventuelles réactions au traumatisme
subi. L’entretien doit également tenir compte des différences culturelles.
Le cadre de l’entretien doit mettre la femme suffisamment à l’aise
pour qu’elle révèle tous les faits en rapport avec sa demande d’asile. Dans
la mesure du possible, elle doit rencontrer les mêmes agents tout
au long de la procédure, afin qu’une relation de confiance puisse
s’établir, qui lui permettre de se livrer plus facilement. Pour
la même raison, la procédure d’asile doit lui laisser suffisamment
de temps.
67. Il faudrait veiller à intégrer dans tous les entretiens de
demande d’asile des questions à la fois ouvertes et précises, qui
permettraient aux femmes d’aborder les problèmes spécifiques à leur
sexe à prendre en considération dans la demande d’asile. Les femmes
qui ont été indirectement impliquées dans des activités politiques
ou auxquelles l’on a attribué telle ou telle opinion politique,
par exemple, omettent souvent de fournir des informations pertinentes
au cours de l’entretien en raison de la nature masculine des questions
posées. Il arrive aussi que les femmes demandeurs d’asile ne parviennent
pas à répondre aux questions portant sur les formes de préjudices
qu’elles redoutent, comme les abus sexuels.
68. La crédibilité de la femme demandeur d’asile ne devrait pas
être affectée par la forme et le degré d’émotion exprimés au cours
de l’entretien. Par exemple, le fait qu’elle ne montre pas beaucoup
d’émotions ne signifie pas nécessairement qu’elle n’est pas profondément
affectée par le préjudice qu’elle a subi. Les enquêteurs et les
personnes qui prennent les décisions doivent comprendre que les
différences culturelles et les traumatismes influent considérablement
et de façon complexe sur le comportement.
69. Les enquêteurs concluent souvent à un «manque de crédibilité»
dans les entretiens où la persécution subie est liée au genre. Un
retard dans la soumission de la demande ou dans la mention d’un
préjudice fondé sur le genre ne doit en rien entamer la crédibilité
de la victime, car ce retard peut être dû à la honte ou aux effets
du traumatisme.
8.5. Formation de l’enquêteur
70. Durant l’entretien, l’enquêteur doit poser des questions
visant à aider la femme à aborder les problèmes spécifiques à son
sexe à prendre en considération dans la demande d’asile. Pour ce
faire, il doit avoir une formation appropriée
.
8.6. Informations sur
le pays d’origine
71. Les informations concernant le pays d’origine utilisées
par les autorités doivent être à jour et pouvoir servir de preuves
dans les demandes d’asile déposées par les femmes. Si ces éléments
ne tiennent pas compte des considérations de genre, la femme demandeur
d’asile aura beaucoup plus de mal que son homologue masculin à faire
comprendre son vécu et à obtenir une appréciation juste et objective
de son cas. Il est donc essentiel que les enquêteurs et les responsables
des décisions en matière d’asile comprennent bien le rôle, le statut
et le traitement des femmes dans le pays d’origine. En l’absence
de telles informations, les enquêteurs doivent veiller à obtenir
un témoignage détaillé qui explique de façon cohérente le motif
de la peur. Les informations sur le pays d’origine permettent souvent
d’établir qu’un pays donné dispose d’une législation adéquate. En
revanche, elles permettent rarement de savoir de façon précise si
cette législation est appliquée ou pas. Elles reflètent souvent
l’expérience d’adultes de sexe masculin, ce qui constitue un handicap
pour les femmes et les filles dans le processus d’asile.
72. Il faudrait que les informations recueillies sur le pays d’origine
puissent servir de preuves dans les demandes d’asile de femmes.
Des informations précises et à jour devraient être obtenues de sources
du domaine public (y compris des sources non gouvernementales) sur
des questions telles que la position des femmes devant la loi, leurs
droits politiques, leurs droits sociaux et économiques, les pratiques
sociales et culturelles du pays, l’existence de coutumes telles
que les mutilations génitales féminines, ainsi que l’incidence et
les formes de violence signalées contre les femmes. Les informations
devraient également porter sur la protection dont les femmes peuvent
bénéficier et les sanctions infligées aux auteurs des violences,
et bien évidemment sur les risques auxquels pourront être confrontées
les femmes à leur retour à la suite de leur demande d’asile dans
le pays d’accueil.
8.7. Niveau de preuve
exigé
73. En règle générale, c’est au demandeur qu’il incombe
de démontrer l’exactitude des faits sur lesquels se fonde sa demande
d’asile, en présentant des preuves orales ou écrites. Le HCR note
ceci: «La charge de la preuve ne pèse plus sur le demandeur qui
livre un compte rendu fidèle des faits se rapportant à la demande d’asile,
de sorte qu’une décision correcte peut être prise à partir de données
factuelles.»
S’agissant de la responsabilité
du demandeur de prouver les faits qui motivent sa demande, l’expression
«niveau de preuve exigé» désigne le degré de persuasion que le demandeur
doit atteindre pour convaincre le décideur de la véracité de ses
assertions factuelles. Les faits qui doivent être «prouvés» ont
trait au parcours et aux expériences personnelles du demandeur qui
expliqueraient sa crainte de persécution et sa réticence à se placer
sous la protection du pays d’origine.
74. En ce qui concerne la procédure pénale nationale, il est triste
de constater que les femmes ont souvent des difficultés à prouver
qu’elles ont subi des violences. Cela s’explique par le fait que
les violences à l’encontre des femmes, y compris les violences domestiques
et les viols, se produisent le plus souvent dans le cadre du domicile
privé, et donc sans témoin. Il se peut également que de tels actes
soient survenus longtemps avant le procès, et qu’il soit difficile
d’en donner la date et l’heure exactes. Dans ces conditions, pour
protéger la présomption d’innocence de la personne inculpée et lui
accorder le bénéfice du doute, les procédures ne prévoient généralement
pas un allègement de la preuve requise de la plaignante.
75. Les mêmes difficultés persistent lorsqu’une femme invoque
une violence fondée sur le genre comme motif d’octroi de l’asile.
En effet, dans ce type de situation, la charge de la preuve peut
être plus lourde à porter car, bien souvent, les faits se sont produits
dans un pays différent et les demandeurs d’asile n’ont que des ressources
très limitées. Il n’est pas rare que la femme ait dû laisser derrière
elle des documents importants. Cela dit, la preuve exigée dans une
procédure d’asile peut aussi être nettement inférieure, puisque, contrairement
à la procédure pénale nationale, il n’y a pas dans ce cas d’inculpé
dont il faut défendre le droit à un procès équitable. La procédure
d’asile a surtout et avant tout une vocation humanitaire.
9. Situation sociale
des victimes de violence fondée sur le genre et de persécution liée
au genre
76. Selon l’OIM, les migrantes (y compris les femmes
demandeurs d’asile et les réfugiées) sont davantage en butte à la
violence domestique que les autres femmes
.
En 2006 en Irlande, elles représentaient 13 % des personnes ayant
eu recours aux services destinés aux femmes victimes de violence,
alors qu’elles ne constituaient que 5 % de la population féminine
de plus de 15 ans. En Norvège, les migrantes représentent 56 % des
femmes qui demandent de l’aide contre la violence. En Espagne, ce
chiffre est de 44 %. Il semblerait que ces écarts s’accentuent.
Cela étant, ces statistiques ne sont pas ventilées par rapport au
statut juridique des femmes concernées: demandeurs d’asile, réfugiées
ou migrantes en situation régulière ou irrégulière.
77. Les demandeurs d’asile en instance peuvent connaître des difficultés
financières compte tenu de la longueur des procédures d’appel dans
certains pays européens. Cette situation ouvre la porte à des risques d’exploitation
et d’abus.
78. Le CERE a proposé une série de mesures destinées à répondre
aux besoins sociaux des femmes réfugiées. Les femmes devraient être
représentées parmi les réfugiés qui sont consultés à tous les stades
de la planification des politiques et des programmes. Il conviendrait
d’inclure des espaces réservés aux femmes dans les discussions et
les entretiens. Le CERE a également demandé que des services d’information
soient mis à la disposition de toutes les femmes demandeurs d’asile
et réfugiées, afin de les aider à faire valoir leurs droits en vertu
du droit interne dans des domaines tels que la discrimination, l’assistance
sociale, l’emploi, le mariage, la santé et la violence domestique
.
79. Les femmes demandeurs d’asile et les réfugiées devraient avoir
accès à des soins de santé et être informées de la disponibilité
de ces services. Les femmes et les filles demandeurs d’asile devraient
pouvoir être prises en charge par des professionnels de santé de
sexe féminin si elles le souhaitent.
10. Problèmes spécifiques
aux femmes en rétention et en hébergement collectif
80. Les femmes placées dans des centres d’accueil ou
de rétention se trouvent dans une situation particulière. Elles
peuvent être exposées à la violence, à des menaces de violence ou
à des situations humiliantes telles que des fouilles et examens
effectués par des hommes ou l’exposition à la vue des hommes lorsqu’elles
utilisent les toilettes ou les douches. Elles peuvent se voir refuser
une protection hygiénique et être victimes d’injures et de propos
dégradants.
81. Les demandeurs d’asile ne devraient pas être placés en rétention,
sauf dans des cas exceptionnels. Lorsqu’ils le sont, les garanties
suivantes doivent être mises en place: les femmes et les hommes
devraient être logés séparément, sauf lorsque tous les membres d’une
même famille demandent à cohabiter. Des mesures devraient être prises
pour améliorer la sécurité des femmes et des filles dans les centres
d’accueil et les «zones internationales» dans les ports et les aéroports.
Dans les deux cas, il faudrait dispenser une formation au personnel
pour le rendre attentif aux considérations de genre
.
11. Conclusions
et propositions
82. En règle générale, et plus particulièrement lors
de l’examen des demandes d’asile, les Etats membres du Conseil de
l’Europe ne doivent tolérer aucun relativisme: les violations des
droits fondamentaux ou les agressions contre les femmes ne peuvent
jamais être justifiées par des motifs d’ordre historique, religieux, traditionnel
ou culturel. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent
veiller à ce que la violence fondée sur le genre et la persécution
liée au genre soient dûment prises en compte dans les demandes d’asile présentées
conformément à la Convention de Genève de 1951.
83. Bien que de nombreux Etats membres travaillent en vue d’intégrer
la dimension de genre dans les prises de décisions, les politiques
et les actions publiques, cela ne se traduit pas toujours en actes
dans la procédure d’asile. Des progrès beaucoup plus importants
doivent être faits sur ce plan.
84. Le rapporteur souligne l’importance d’une concertation accrue
avec les femmes réfugiées à tous les stades de la planification
des politiques et des programmes, et appelle les gouvernements européens
à soutenir activement le développement de forums et d’associations
de femmes réfugiées. Il recommande au Comité des Ministres d’élaborer
des lignes directrices précisant les bonnes pratiques en matière
de traitement des demandes d’asile émanant de femmes et de filles,
en tenant compte de celles en vigueur en Australie, au Canada et
aux Etats-Unis.
85. Il convient également d’examiner les moyens de s’attaquer
à la violence fondée sur le genre et à la persécution liée au genre
dans les pays d’origine, même si ce n’est pas l’objet du présent
rapport. Dans ce contexte, le rapporteur tient à souligner qu’en
favorisant constamment l’égalité des chances, la participation égalitaire,
la non-discrimination et l’éradication de la violence domestique,
tant sur leur propre territoire qu’à l’échelon international, les
Etats membres du Conseil de l’Europe contribuent à rendre les femmes
moins dépendantes des hommes et des traditions masculines. Cela
permettra de réduire leur vulnérabilité à la violence et leur donnera
les moyens de mieux faire face à la violence et aux persécutions
lorsqu’elles y sont exposées. Par la mise en œuvre des instruments
du Conseil de l’Europe et d’autres instruments internationaux applicables
en la matière, les Etats membres donnent l’exemple en consolidant
leur prérogative morale qui est de promouvoir les mêmes politiques
et règles dans les pays d’origine.