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Rapport | Doc. 12345 | 15 juillet 2010

Enfants privés de soins parentaux: nécessité d’agir d’urgence

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteur : M. Pieter OMTZIGT, Pays-Bas

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11571, Renvoi 3443 du 29 mai 2008. 2010 - Quatrième partie de session

Résumé

L’Assemblée parlementaire prend note avec satisfaction des nombreux progrès accomplis ces dernières décennies par les Etats membres du Conseil de l’Europe en ce qui concerne les droits et le bien-être des enfants. Cela étant, dans le contexte de la mondialisation et de la crise économique actuelle, un nombre croissant d’enfants est confronté à de «nouveaux risques»: traite des enfants ou enfants abandonnés par leurs parents migrants.

Lorsque l’éloignement d’un enfant de sa famille d’origine ne peut être évité, les solutions alternatives de placement devraient toujours respecter l’intérêt supérieur de l’enfant et privilégier celles qui se rapprochent le plus possible du cadre familial, comme le placement dans une famille d’accueil. D’autres efforts à cet égard s’imposent et des programmes engagés de désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants devraient notamment être mis en place. Ceux-ci devraient suivre une approche large qui englobe des mesures en vue d’éviter de séparer les enfants de leur famille d’origine, de les retirer des établissements spécialisés pour privilégier des formules de placement plus adaptées à l’enfant, et de développer des structures de type familial au sein des systèmes institutionnels existants.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 avril
2010.

(open)
1. Alors que le monde célèbre le 20e anniversaire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, adoptée en novembre 1989, l’Assemblée parlementaire invite les Etats membres à accorder une attention nouvelle aux droits des enfants privés de soins parentaux et les appelle instamment à mieux coordonner et renforcer les politiques pertinentes aux niveaux national et européen et à respecter le principe selon lequel «l’intérêt supérieur de l’enfant» doit être une considération primordiale.
2. La famille d’origine est, en circonstances normales, la meilleure place pour un enfant. Toute politique publique menée en vue du bien-être des enfants devrait donc, avant tout, viser à maintenir l’enfant dans son contexte familial d’origine. Seulement si les circonstances ne permettent pas une telle stabilité, des solutions alternatives de placement devraient être arrangées selon les lignes développées dessous.
3. Concernant la condition des enfants privés de soins parentaux, l’Assemblée se félicite notamment de la récente adoption par les Nations Unies, en novembre 2009, de Lignes directrices pour une prise en charge alternative des enfants, qui soulignent l’importance de garantir à ces enfants un foyer stable. Elles limitent également le placement en institution aux cas où cette solution est nécessaire et appropriée pour l’enfant concerné, tout en recommandant, pour les jeunes enfants, d’inscrire le placement alternatif dans un cadre familial.
4. Au niveau du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire se félicite du vif attachement aux droits des enfants dont font preuve les Etats membres, notamment par le biais du programme «Construire une Europe pour et avec les enfants» et de sa stratégie pour 2009-2011, ainsi que par les activités actuelles visant spécifiquement la mise en place de services sociaux, de soins de santé et d’une justice adaptés aux enfants. Elle salue également les approches pragmatiques appliquées dans certains programmes par pays menés conjointement avec la Commission européenne et considère qu’ils doivent être poursuivis et multipliés partout où cela sera approprié.
5. Malgré les efforts ambitieux déployés aux niveaux national, européen et international en vue d’améliorer la situation des enfants privés de soins parentaux, l’Assemblée considère que la question doit être, plus que jamais, placée sous le signe de l’urgence, à différents égards, et qu’il convient en particulier de s’attaquer à deux problèmes: premièrement, le nombre grandissant d’enfants confrontés à de «nouveaux risques» dans un monde globalisé et en crise économique (traite des enfants, enfants laissés seuls par des parents migrants, enfants des rues) et, deuxièmement, le manque de mesures fermes pour assurer la poursuite et le renforcement du processus de désinstitutionnalisation de tous les enfants placés en institution.
6. L’Assemblée appelle donc les Etats membres:
6.1. à suivre et appuyer des approches globales, coopératives et innovantes aux niveaux national et européen, fondées sur une analyse approfondie de toutes les situations possibles d’enfants abandonnés dans un contexte de mondialisation;
6.2. à promouvoir des solutions alternatives de placement optimales et différenciées, en privilégiant celles qui se rapprochent le plus possible du cadre familial, considérées comme les plus favorables pour l’épanouissement personnel de l’enfant, telles que le placement dans une famille d’accueil;
6.3. à aborder la question des enfants privés de soins parentaux à tous les niveaux d’intervention possibles:
6.3.1. en mettant en œuvre de nouvelles normes internationales, comme les Lignes directrices pour une prise en charge alternative des enfants adoptées récemment par les Nations Unies, par l’élaboration de plans d’action nationaux;
6.3.2. en continuant à appliquer les normes européennes en vigueur, notamment la Recommandation Rec(2005)5 du Comité des Ministres relative aux droits des enfants vivant en institution, en prenant les mesures nationales pertinentes;
6.3.3. en préparant la définition de politiques nationales pour les enfants privés de soins parentaux grâce à une collecte systématique de données au niveau national;
6.3.4. en mettant efficacement en œuvre des politiques appropriées et innovatrices à l’échelon national en s’appuyant sur les bonnes pratiques d’autres pays et en assurant un suivi et un compte rendu réguliers des progrès accomplis;
6.3.5. en contribuant activement à l’élaboration de nouvelles normes au niveau européen, autant que de besoin.
7. Concernant les deux principaux enjeux identifiés, à savoir les «nouveaux risques» qui menacent les enfants et la poursuite du processus de désinstitutionnalisation des enfants placés, notamment s’agissant de la mise en œuvre de normes communes par le biais des politiques nationales, l’Assemblée appelle les Etats membres:
7.1. à porter l’attention voulue à des phénomènes qui ont récemment pris de l’ampleur, comme la traite des enfants, les problèmes des enfants laissés seuls par leurs parents migrants ou les enfants des rues, en entreprenant des études nationales spécifiques consacrées aux aspects jugés prioritaires par chaque Etat membre;
7.2. à faciliter une action européenne coordonnée et le suivi de diverses situations qui constituent une menace pour les enfants en participant activement aux mécanismes pertinents d’échange aux niveaux européen et international (Conseil de l’Europe, institutions des Nations Unies, organes de l’Union européenne, ONG), en vue également d’identifier la nécessité d’une action commune de plusieurs Etats membres, ou en participant aux programmes conjoints de ces organisations consacrés aux situations dans certains pays;
7.3. dans le cadre des plans d’action nationaux pour la mise en œuvre des Lignes directrices pour une prise en charge alternative des enfants, à suivre des approches systématiques et innovatrices de désinstitutionnalisation fondées sur une compréhension globale de ce concept:
7.3.1. en prenant en considération les différentes dimensions de ce concept dans les processus nationaux de désinstitutionnalisation:
7.3.1.1. en tant que composante des stratégies de prévention;
7.3.1.2. en tant que modalité de restructuration des systèmes institutionnels;
7.3.1.3. en tant que moyen de retirer les enfants des établissements spécialisés au profit de formules de placement plus favorables;
7.3.2. en s’appuyant sur des travaux récents et très importants concernant la conception et la gestion des processus nationaux de désinstitutionnalisation, notamment l’approche suggérée dans le guide de bonnes pratiques sur la désinstitutionnalisation et la transformation des services pour enfants, publié en février 2010 par le programme Daphné de la Commission européenne;
7.3.3. en entreprenant des études nationales sur les progrès accomplis au cours des dernières années en matière de désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants, en assurant un suivi permanent des politiques futures et de leurs effets et en contribuant activement à tout échange d’information et à toute activité d’élaboration de normes qui pourraient être entrepris au niveau du Conseil de l’Europe;
7.3.4. en mettant en œuvre des stratégies nationales efficaces pour empêcher la séparation des enfants de leur famille biologique, en renforçant la capacité des familles à s’en occuper, à les protéger et à les rendre autonomes et responsables, en fournissant une formation appropriée aux professionnels des services sociaux et en renforçant la participation des enfants et des familles aux décisions les concernant;
7.3.5. en élaborant des politiques nationales visant à restructurer les dispositifs de prise en charge institutionnelle au profit de structures toujours plus petites, de type familial, qui se sont avérées offrir un cadre plus propice au développement de l’enfant que les établissements à grande échelle;
7.3.6. en donnant une impulsion aux politiques nationales visant à développer des solutions alternatives de prise en charge telles que le placement en famille d’accueil, jugées bien plus favorables à l’épanouissement des enfants.
8. L’Assemblée invite en outre les parlements nationaux:
8.1. à sensibiliser, dans leur pays respectif, aux diverses menaces pesant sur les enfants privés de soins parentaux et aux enjeux politiques identifiés ci-dessus, en vue de stimuler l’action gouvernementale dans ce domaine;
8.2. à promouvoir plus particulièrement, au niveau national, les initiatives visant à entreprendre des études nationales spécifiques axées sur certaines catégories d’enfants à risques, et à élaborer des plans d’action nationaux aux fins de l’application des Lignes directrices des Nations Unies pour une prise en charge alternative des enfants, en vue d’engager des processus systématiques de désinstitutionnalisation au niveau national.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 27 avril
2010.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … sur les enfants privés de soins parentaux: nécessité d’agir d’urgence», l’Assemblée parlementaire attire l’attention sur le fait que, malgré les nombreux efforts entrepris en vue d’améliorer la situation des enfants privés de soins parentaux aux niveaux national, européen et international, la question doit être, plus que jamais, placée sous le signe de l’urgence dans le contexte actuel de mondialisation et de crise économique. Cela est également vrai des politiques nationales qui ne sont pas suffisamment orientées vers des approches favorisant la désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants, même si certaines démarches ont pu être considérées comme conformes à «l’intérêt supérieur de l’enfant», principe directeur de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
2. Par conséquent, l’Assemblée appelle le Comité des Ministres:
2.1. à compléter et consolider les activités du Conseil de l’Europe entreprises dans le cadre du programme intitulé «Construire une Europe pour et avec les enfants» et de sa stratégie pour 2009-2011:
2.1.1. en accordant toute son attention à la question de la désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants dans une perspective élargie de ce concept, englobant la mise en œuvre de stratégies de prévention, la restructuration des systèmes institutionnels et le placement des enfants dans des dispositifs de prise en charge plus propices à leur épanouissement;
2.1.2. en chargeant les organes intergouvernementaux compétents de préparer un rapport sur les pratiques européennes présentant les progrès accomplis en matière de désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et de promouvoir parmi les Etats membres la préparation de rapports nationaux, exercice qui pourrait susciter des synergies avec un tel processus de rapports européens;
2.1.3. en chargeant ces mêmes organes intergouvernementaux de préparer un projet de recommandation du Comité des Ministres sur la désinstitutionnalisation des solutions alternatives de placement des enfants, en prenant en considération les Lignes directrices pour une prise en charge alternative des enfants, adoptées par les Nations Unies en novembre 2009, et le guide de bonnes pratiques sur la désinstitutionnalisation et la transformation des services pour enfants récemment publié par la Commission européenne, ainsi que la Recommandation CM/Rec(2010)2 du Comité des Ministres relative à la désinstitutionnalisation des enfants handicapés et leur vie au sein de la collectivité;
2.1.4. en favorisant, entre-temps, la mise en œuvre des instruments internationaux existants, notamment les récentes Lignes directrices pour une prise en charge alternative des enfants, en demandant, par ailleurs, instamment aux Etats membres participant à des activités intergouvernementales dans ce domaine de préparer des plans d’action nationaux;
2.1.5. en continuant à mettre en œuvre et à renforcer des activités spécifiques se rapportant aux enfants et susceptibles de consolider la situation de ceux qui sont privés de soins parentaux, notamment les activités concernant les services sociaux, les soins de santé et la justice adaptés aux enfants;
2.1.6. en lançant une campagne paneuropéenne pour combattre les violences sexuelles infligées aux enfants en tant que mesure contribuant à la prévention de la séparation des enfants de leurs parents;
2.1.7. en multipliant les approches pragmatiques visant à appuyer la mise en œuvre des normes européennes et internationales à l’échelon national, notamment celles mises en place ces dernières années par le programme conjoint Conseil de l’Europe-Union européenne «Assurer les droits de l’enfant et la réinsertion sociale des enfants à risque – Russie 2007-2008»;
2.2. dans l’optique de toute activité future du Conseil de l’Europe en matière d’établissement de rapports ou de fixation de normes, à maintenir une coopération étroite avec d’autres organisations européennes et internationales qui font beaucoup en faveur de divers groupes d’enfants privés de soins parentaux et de solutions alternatives de placement appropriées, comme l’Organisation des Nations Unies et ses institutions (notamment l’UNICEF), la Commission européenne et des réseaux européens tels que Eurochild, SOS KDI ou Save the Children.

C. Exposé des motifs, par M. Omtzigt, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le présent rapport 
			(3) 
			Le rapporteur souhaite
remercier les experts de la fondation World Initiative for Orphans
(WIO), un partenariat mondial en faveur des enfants privés de soins
parentaux, basée aux Pays-Bas, pour leur contribution. Fondée en
2004, WIO s’efforce de subvenir aux besoins fondamentaux des enfants
privés de soins parentaux dans le monde en menant des activités
de sensibilisation, d’éducation, d’analyse des problèmes et d’élaboration
de solutions reposant sur de solides travaux de recherche et applicables
par les autorités des Etats et les ONG. est motivé par la préoccupation du rapporteur face au nombre toujours élevé d’enfants privés de soins parentaux, aux nouveaux problèmes auxquels ils sont confrontés dans le contexte actuel de la mondialisation, à l’absence de solutions de placement alternatif satisfaisantes et aux efforts insuffisants à ce jour pour diminuer le nombre d’enfants placés en établissement et favoriser d’autres formes de placement. Alors que le monde célèbre le 20e anniversaire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (aussi appelée Convention internationale des droits de l’enfant – CIDE) 
			(4) 
			Adoptée par l’Assemblée
générale des Nations Unies le 20 novembre 1989., l’objectif premier est de susciter un regain d’intérêt pour les droits des enfants privés de soins parentaux et d’appeler instamment les Etats membres à mieux coordonner et renforcer les politiques pertinentes aux niveaux national et européen. Il est urgent d’agir, car le bien-être d’un grand nombre d’enfants n’est toujours pas assuré, malgré de grands progrès faits pendant les dernières décennies et le développement d’approches positives que l’on observe dans toute l’Europe. A l’article 3, la convention a déjà affirmé que dans toute décision politique, juridique ou administrative, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours être une considération primordiale.
2. Bien qu’il convienne évidemment d’accorder la priorité à l’action future, le rapporteur souhaite également se fonder sur les textes précédents de l’Assemblée parlementaire, à savoir la Recommandation 1601 (2003) sur l’amélioration du sort des enfants abandonnés en institution, la Recommandation 1698 (2005) sur les droits des enfants en institution: un suivi à la Recommandation 1601 (2003) de l’Assemblée parlementaire, la Résolution 1587 (2007) sur la situation des enfants vivant dans des zones d’après-conflits dans les Balkans, ou la Recommandation 1864 (2009) sur la promotion de la participation des enfants aux décisions qui les concernent. Il se félicite en outre des activités menées récemment dans le domaine intergouvernemental qui ont abouti à la Recommandation Rec(2005)5 du Comité des Ministres aux Etats membres relative aux droits des enfants vivant en institution, ainsi que les travaux menés dans le cadre de son suivi, comme le rapport sur la mise en œuvre de cette recommandation établi pas plus tard qu’en 2009. A noter également d’autres documents tels que la Convention européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) (STCE no 202), ouverte à la signature en 2008 mais pas encore entrée en vigueur, et la toute dernière Recommandation CM/Rec(2010)2 du Comité des Ministres relative à la désinstitutionnalisation des enfants handicapés et leur vie au sein de la collectivité.
3. En dépit des efforts accomplis au niveau européen, l’absence de données quantitatives et qualitatives sur les enfants privés de soins parentaux en Europe représente très souvent l’un des principaux obstacles à une intervention efficace et à la définition d’une politique applicable fondée sur des faits établis, ainsi qu’au suivi de la mise en œuvre et de l’efficacité des politiques en faveur de ces enfants vulnérables. Les données ne sont pas recueillies de manière systématique dans l’ensemble de l’Europe et les définitions des orphelins et des formes alternatives de placement varient d’un pays à l’autre 
			(5) 
			Eurochild, Children in alternative care: national surveys, deuxième
édition, janvier 2010. . Pour ces raisons, et dans le but d’établir ce rapport, les experts nationaux d’un certain nombre de pays étaient prêts à partager leurs connaissances et leur expérience en ce qui concerne la situation des enfants privés de soins parentaux et les formes alternatives de placement dans leur pays afin de fournir des exemples pratiques pour les arguments soulevés 
			(6) 
			Des experts nationaux,
notamment de ministères spécialisés d’Allemagne, d’Autriche, de
Bulgarie, de Lituanie, de République tchèque, de Serbie et de Suède,
ont activement contribué à l’étude et répondu au questionnaire élaboré spécialement
à cet effet.. Il est clair que des travaux plus approfondis seront nécessaires au niveau national lorsqu’il s’agira de mettre en œuvre des politiques européennes coordonnées.
4. Le rapporteur estime que le Conseil de l’Europe devrait poursuivre ses efforts pour améliorer les conditions difficiles des enfants privés de soins parentaux. Tout en étant conscient de la complexité et de la multitude des problèmes auxquels les enfants peuvent être confrontés, il tient particulièrement à attirer l’attention sur deux grands enjeux: les «nouveaux risques» qui menacent les enfants dans un monde globalisé et la nécessité de donner un nouvel élan au processus de «désinstitutionnalisation» de la prise en charge des enfants en Europe. L’Assemblée doit contribuer à susciter une prise de conscience redoublée de l’urgence de ces questions parmi les Etats membres, en vue de renforcer les mesures prises à l’échelon national et de coordonner les approches aux niveaux européen et international.

2. Droit des enfants à un milieu familial

5. La famille a la charge à titre principal de l’enfant. Elle offre un environnement de proximité propice à la croissance et au développement de l’enfant. En principe, elle assure au maximum les possibilités d’épanouissement des besoins émotionnels, physiques et de développement de l’enfant 
			(7) 
			Organisation mondiale
de la santé, Towards a better tomorrow.. A nouveau, la CIDE de 1989 dispose que «la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté» et que «l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension» 
			(8) 
			Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant (1989)..
6. La famille biologique est en principe le lieu privilégié de vie pour un enfant. Certaines circonstances peuvent néanmoins priver les enfants de la possibilité de grandir au sein de leur famille; la convention susmentionnée des Nations Unies prévoit donc diverses «solutions alternatives de placement» (entre autres le placement dans une famille, l’adoption ou le placement dans un établissement). Ces options peuvent être envisagées lorsqu’une famille n’est pas en mesure d’offrir un environnement approprié à un enfant, par exemple en cas de décès de l’un ou des deux parents, lorsqu’un enfant est exposé à des mauvais traitements et à des actes de violence au sein de la famille ou lorsque, pour diverses raisons économiques ou de santé, les parents biologiques ne sont pas en mesure d’assumer leurs responsabilités. Dans ces cas, la CIDE considère que l’éloignement des parents peut être nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
7. La convention des Nations Unies reconnaît que les enfants ont le droit de grandir dans un milieu familial et que le placement en institution des enfants ne doit donc intervenir qu’en dernier recours. Les Lignes directrices pour une prise en charge alternative des enfants, telles qu’adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU en novembre 2009, sont plus précises sur ce point puisqu’elles indiquent que «les décisions concernant les enfants bénéficiant d’un placement alternatif (…) devraient dûment prendre en considération l’importance de garantir à ces enfants un foyer stable et de répondre à leur besoin d’un attachement sûr et continu aux personnes qui en ont la charge, la permanence étant de manière générale un objectif clé». En outre, elles disent que «le placement en institution devrait être limité aux cas où cette solution est particulièrement appropriée, nécessaire et constructive pour l’enfant concerné, et répond à son intérêt supérieur» et que «pour les jeunes enfants, en particulier les enfants de moins de 3 ans, le placement alternatif devrait s’inscrire dans un cadre familial» 
			(9) 
			Lignes
directrices de l’ONU relatives aux formes alternatives de placement
des enfants, adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies
le 20 novembre 2009..
8. La communauté mondiale a convenu dans de nombreuses déclarations que la famille constitue la cellule fondamentale de la société. La convention des Nations Unies et la Convention européenne des droits de l’homme soulignent l’importance de la protection du cercle familial en tant qu’unité sociale qui prend soin de l’enfant jusqu’à ce qu’il devienne adulte. Au niveau des normes européennes, la Charte sociale européenne (révisée) mentionne explicitement la protection des enfants et représente le principal texte juridique qui établit les droits sociaux, juridiques et économiques de tous les enfants. Elle protège les droits de l’enfant en tant que membre de la famille: «La famille, en tant que cellule fondamentale de la société, a droit à une protection sociale, juridique et économique appropriée pour assurer son plein développement».

3. Situation des enfants privés de soins parentaux et risques auxquels ils sont exposés

9. Les raisons pour lesquelles des enfants se trouvent privés de soins parentaux sont variables et ne sont pas uniquement liées au décès des parents. La pauvreté, la discrimination, le sida, la violence et la guerre ou les situations d’urgence sont à la source des facteurs principaux pouvant amener des enfants à être privés de soins familiaux. Pour identifier les causes qui sont à l’origine de la situation particulière des enfants, il convient de prendre en compte un contexte plus large car toute une gamme de facteurs sociopolitiques, culturels et économiques ont des incidences sur la vie des enfants et de leurs familles 
			(10) 
			«Children without parental
care or at risk of losing it», Recommandations SOS KDI, document
de travail, 7 février 2008.. Les principaux groupes d’enfants privés de soins parentaux sont présentés ici selon les catégories largement utilisées par les organisations et chercheurs européens. Sur la base de cet aperçu, il sera possible de déterminer certaines des politiques appropriées à adopter.

3.1. Orphelins et enfants abandonnés

10. Les orphelins sont, par définition, le premier groupe d’enfants exposés au risque de se trouver privé de soins parentaux. Aux niveaux international et européen, plusieurs définitions sont utilisées pour identifier les orphelins. Au sens habituel du terme, un orphelin est un enfant qui n’a pas de parent en vie pour s’occuper de lui. Toutefois, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et d’autres organisations entendent par orphelin un enfant qui a perdu un de ses parents. Selon cette définition, un orphelin maternel est un enfant dont la mère est morte, un orphelin paternel est un enfant dont le père est mort, et un double orphelin a perdu ses deux parents. Les définitions varient également dans la législation nationale, comme le montrent les réponses au questionnaire d’enquête.
11. On parle également d’«orphelins sociaux», un concept surtout utilisé dans certains pays d’Europe de l’Est pour les enfants dont les parents sont déchus de l’autorité parentale pour des raisons socio-économiques (un phénomène qui touche actuellement plus de 300 000 enfants en Russie et plus de 50 000 en Ukraine par exemple). Un autre groupe d’enfants que l’on peut difficilement classer dans une catégorie sont ceux volontairement abandonnés par leurs parents, étant donné l’incapacité de ces derniers à assumer leurs responsabilités pour des raisons diverses. C’est très souvent le cas pour les enfants handicapés qui, jusque vers la fin des années 1990, étaient encore largement placés dans de grands établissements, notamment dans les pays d’Europe de l’Est (Bulgarie et Roumanie par exemple). Heureusement, de nombreuses mesures visant à améliorer leur situation ont été prises depuis et certains pays ont vécu un véritable changement de perspective à cet égard, en partie grâce à l’appui et à l’intervention des organisations européennes et internationales.

3.2. Enfants des rues

12. Selon la Recommandation 253 (2008) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, l’expression «enfants des rues» s’applique aux enfants qui vivent et/ou travaillent dans la rue. Ce groupe comprend les enfants sans domicile et les mineurs étrangers non accompagnés. Il englobe également les enfants qui vivent d’ordinaire avec leurs parents ou dans un établissement de protection sociale mais se trouvent néanmoins dans une situation dans laquelle ils ne sont pas directement protégés ou surveillés par des adultes responsables. Certains enfants qui vivent ou travaillent dans la rue maintiennent des liens avec leur famille, d’autres n’ont plus aucun contact.
13. Il n’existe pratiquement aucune donnée fiable sur le nombre d’enfants des rues et leur identité dans les Etats membres 
			(11) 
			Conseil de l’Europe,
Programme triennal «Construire une Europe pour et avec les enfants»
(2006-2008). et des données partielles sont recueillies dans des contextes divers. En Lituanie, par exemple, les seules données statistiques sur les enfants vivant ou travaillant dans les rues, portent sur les enfants emmenés aux postes de police pour mendicité ou vagabondage. En Suède, l’association Save the Children a publié en 2009 une étude sur les jeunes qui s’enfuient de chez eux ou en sont chassés.
14. L’absence de collecte systématique de données est en partie due au fait que ces enfants ne rentrent pas clairement dans les catégories statistiques. Néanmoins, il est unanimement considéré que la question revêt depuis peu une importance capitale dans un grand nombre de pays et constitue un enjeu grave pour les communes et les villes dont les autorités doivent trouver les moyens de prévenir et d’enrayer la marginalisation et l’exclusion sociale d’un grand nombre d’enfants et de jeunes 
			(12) 
			Recommandation
253 (2008) sur la réinsertion sociale des enfants vivant et/ou travaillant
dans la rue..

3.3. Enfants séparés de leurs parents biologiques à la suite de maltraitance et de négligence

15. Concernant les enfants séparés de leurs parents biologiques pour maltraitance et négligence, des approches similaires existent dans les législations nationales en Europe. Selon la législation allemande, il n’est possible de prendre une décision pour séparer un enfant de ses parents qu’en l’absence d’autres possibilités permettant de les protéger. De même, en Bulgarie, la loi sur la protection de l’enfance précise qu’il est primordial d’élever un enfant dans son milieu familial et que le placement de l’enfant en dehors de la famille est une mesure de protection prise uniquement après épuisement de toutes les autres possibilités, à l’exception des cas où il est nécessaire de retirer d’urgence l’enfant de sa famille. En Serbie, le nombre d’enfants ayant fait l’objet de maltraitance et de négligence connu du système de protection sociale a considérablement augmenté ces dernières années, pas nécessairement du fait de l’augmentation du nombre de victimes, mais plutôt du fait d’une plus grande sensibilisation à cette question. Le problème de la maltraitance et de la négligence des enfants au sein de la famille existe dans toute l’Europe et la sensibilisation à ce problème progresse dans tous les pays. Au niveau du Conseil de l’Europe, le lancement d’une campagne paneuropéenne pour combattre les violences sexuelles infligées aux enfants est prévu pour novembre 2010. Etant donné l’étendue du problème et la nécessité d’adopter une approche globale, l’Assemblée devrait vivement soutenir cette initiative.

3.4. Enfants victimes de traite

16. En Europe, il existe différentes approches juridiques sur la question de la traite des enfants. Moins de la moitié des Etats membres du Conseil de l’Europe ont inclus une définition juridique distincte de la traite des enfants dans leur législation nationale (23 sur 47) 
			(13) 
			Child Trafficking in Europe: a broad vision
to put children first, Centre de recherche Innocenti
de l’UNICEF, 2008., bien que la question de la traite des enfants soit considérée comme un problème urgent par la plupart des pays européens. Des informations ont été fournies par la Lituanie qui connaît le phénomène de la traite des enfants du fait de sa situation économique et sociale et de sa position géographique (en tant que pays de transit), mais où l’étendue du problème semble difficile à évaluer. De même, la Bulgarie et la République tchèque indiquent qu’elles sont ainsi confrontées à la traite des enfants. De l’avis du ministère tchèque du Travail et des Affaires sociales, les mécanismes d’échanges d’informations rapides entre pays concernant les victimes feraient défaut.
17. La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains 
			(14) 
			Convention
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STE no 197, 2005-2008). comprend des dispositions spéciales en faveur des enfants. Le préambule reconnaît que «toute action ou initiative dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains doit être non discriminatoire et prendre en considération l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’une approche fondée sur les droits de l’enfant». La convention invite en outre les Etats parties à prendre «des mesures spécifiques afin de réduire la vulnérabilité des enfants à la traite, notamment en créant un environnement protecteur pour ces derniers». Toutefois, seuls 26 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la convention. Très récemment, l’Assemblée a souligné une nouvelle fois l’importance de la ratification de la convention par tous les Etats membres et des mesures à prendre ensuite aux niveaux national et européen 
			(15) 
			Recommandation 1895 (2010) et Résolution
1702 (2010) sur la lutte contre la traite des êtres humains: promouvoir
la Convention du Conseil de l’Europe..
18. Des études récentes confirment la tendance générale consistant en une traite des enfants d’est en ouest à des fins de main-d’œuvre bon marché, de prostitution ou d’adoption internationale illégale. Si l’on essaie d’obtenir des informations plus spécifiques, on constate l’absence flagrante de collecte, d’analyse, de diffusion et d’échange harmonisés et systématiques des données à tous les niveaux. Cette situation semble elle aussi constituer un obstacle pour des réponses spécifiques de politiques nationales, compte tenu du fait que seuls neuf pays en Europe ont élaboré des plans d’action nationaux pour agir de façon spécifique et approfondie contre la traite des enfants 
			(16) 
			Child
Trafficking in Europe: a broad vision to put children first, Centre
de recherche Innocenti de l’UNICEF, 2008..

3.5. Enfants restés seuls dans leur pays d’origine

19. Selon les données disponibles, les nouveaux Etats membres de l’Union européenne sont particulièrement touchés par la migration considérable de travailleurs. La situation des enfants de migrants livrés à eux-mêmes dans le pays d’origine lorsque les parents émigrent dans d’autres pays à la recherche d’un travail est une grande source de préoccupation. Il existe certes des politiques globales visant à améliorer les conditions de vie et d’éducation des enfants ayant migré avec leurs parents, mais les enfants restés dans le pays bénéficient à ce jour d’une attention moindre. La migration des parents à l’étranger à la recherche de travail est un phénomène social dont l’impact est complexe sur la dynamique et la fonctionnalité de la famille, ainsi que sur la société tout entière. Les enfants se trouvant dans ces situations appartiennent aux groupes les plus vulnérables 
			(17) 
			Rovana
Plumb, membre du Parlement européen, Commission de l’emploi et des
affaires sociales, débat sur les enfants d’immigrés, 10 mars 2009.. Cependant, ce problème n’a ni été suffisamment abordé par les instruments existants, tels que la récente Recommandation CM/Rec(2008)4 du Comité des Ministres relative à la promotion de l’intégration des enfants de migrants ou issus de l’immigration, ni par les politiques nationales pertinentes.
20. La Lituanie, touchée par des taux relativement élevés de migration des travailleurs comme d’autres nouveaux Etats membres de l’Union européenne, a été prête à mettre en commun ses données sur les enfants laissés seuls par leurs parents migrants, qui ont été recueillies par les services municipaux de protection des droits de l’enfant. Selon les informations disponibles au 31 décembre 2008, un placement temporaire a été décidé pour 1 952 enfants (971 garçons et 981 filles) à la demande des parents ayant quitté la Lituanie. Le nombre d’enfants qui, en Roumanie, sont affectés par la migration de leurs parents était évalué à environ 350 000 au moment de l’enquête; 126 000 de ces enfants sont affectés par la migration de leurs deux parents à l’étranger et environ la moitié d’entre eux sont âgés de moins de 10 ans. Seize pour cent des enfants dont les deux parents sont à l’étranger ont passé plus d’un an sans les voir et 3 % ont vécu sans parents pendant plus de quatre ans 
			(18) 
			UNICEF Roumanie, 2008..

3.6. Mineurs migrants non accompagnés

21. Certains enfants non accompagnés cherchent à obtenir l’asile ou une protection par peur de persécution et en raison de violations des droits de l’homme, de conflits armés ou d’émeutes dans leurs propres pays. D’autres enfants non accompagnés deviennent victimes de traite en vue d’une exploitation sexuelle ou autre. D’autres encore voyagent vers les pays européens plus riches afin d’échapper à des privations sérieuses ou à la recherche de meilleures conditions de vie. Dans certains cas, les enfants non accompagnés cherchent la réunification avec des membres de leur famille déjà présents dans un pays donné. Une étude de ChildONEurope, menée du point de vue des pays destinataires, démontre qu’un total de 29 130 enfants non accompagnés ont été identifiés en Europe en 2002. Il ne semble pas y avoir de statistiques récentes fiables sur le nombre d’enfants migrants non accompagnés qui entrent chaque année en Europe. Les données d’asile, bien qu’elles ne prennent pas en compte la totalité des enfants, indiquent la proportion de mineurs non accompagnés par rapport aux autres demandeurs d’asile. Selon le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (ONU-HCR), pendant les dix dernières années, les enfants non accompagnés ont représenté de façon constante 4 ou 5 % de l’ensemble des demandeurs d’asile dans l’Union européenne.
22. La Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres 
			(19) 
			<a href='http://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1164769&Site=CM&BackColorInternet=9999CC&BackColorIntranet=FFBB55&BackColorLogged=FFAC75'>Recommandation
CM/Rec(2007)9 sur les projets de vie en faveur des mineurs migrants
non accompagnés. </a> propose des mesures en faveur des mineurs migrants non accompagnés qui se trouvent en dehors de leur pays d’origine, quel que soit leur statut, indépendamment de la cause de leur migration, qu’ils soient demandeurs d’asile ou non. L’expression «mineurs migrants non accompagnés» inclut les enfants séparés et les mineurs qui sont livrés à eux-mêmes après leur entrée sur le territoire d’un Etat membre. Les mineurs non accompagnés sont des enfants âgés de moins de 18 ans qui ont été séparés de leurs deux parents et d’autres membres de leur famille, et qui ne sont pas pris en charge par un autre adulte spécialement désigné à cette fin.
23. S’agissant de ce groupe cible, la Serbie, par exemple, a établi une unité de travail dans le cadre d’un centre de placement spécifique qui accueille des jeunes étrangers entrés illégalement en Serbie et non accompagnés par leurs parents. La République tchèque a également établi une installation spéciale face aux problèmes rencontrés avec les enfants en provenance d’autres pays de l’Union européenne (Bulgarie, Slovaquie et Roumanie). L’Agence suédoise des migrations est juridiquement tenue de rechercher les membres de la famille des mineurs non accompagnés qui ont demandé l’asile en Suède, tâche souvent difficile puisque la plupart des mineurs demandeurs d’asile ne peuvent présenter aucun document d’identité ou autre comportant les coordonnées de leur famille.

3.7. Enfants placés dans des établissements correctionnels ou pénitentiaires sur décision administrative ou judiciaire 
			(20) 
			Convention
européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (STE no 126,1987-1989);
Recommandation Rec(2003)20 du Comité des Ministres concernant les
nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle
de la justice des mineurs.

24. Des préoccupations s’expriment de plus en plus fréquemment au sujet de la pratique consistant à priver des enfants de liberté afin de leur apporter une protection, des soins ou un traitement dans un environnement sécurisé. Le recours à ce que l’on appelle la «détention à des fins de protection», qui peut jouer un rôle positif dans certaines circonstances, peut aussi masquer une carence des systèmes d’assistance sociale et de prestation de soins. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a estimé que la détention à des fins de protection est compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme uniquement si elle sert l’objectif d’«éducation surveillée» 
			(21) 
			Thomas Hammarberg,
Commissaire aux droits de l’homme, a publié un document thématique
sur la justice des mineurs dans lequel il propose des pistes d’amélioration.. Cette mesure, quel qu’en soit le but, ne doit être appliquée qu’en dernier ressort, après l’examen d’autres options (services d’assistance à la famille, placement dans une famille d’accueil ou hébergement temporaire). Lorsqu’elle ne peut être évitée, d’importantes garanties comme l’obtention du consentement de l’enfant, afin d’éviter tout placement arbitraire, et le réexamen régulier du placement doivent être mises en place.

4. Politiques nationales des Etats membres du Conseil de l’Europe

4.1. Prévention des situations de privation des soins parentaux

25. Les instruments internationaux et européens pour la défense des droits de l’enfant à une prise en charge parentale et à un milieu familial régissent également les obligations des Etats à s’assurer que les enfants ne sont pas séparés de leurs parents sans une procédure judiciaire régulière et à apporter un concours aux parents et à la cellule familiale. De nombreux pays européens ont constitué des systèmes globaux de protection sociale de la famille et de protection de l’enfance, notamment des assurances santé et sécurité financière en cas de maladie, de handicap et de grand âge, ainsi que pour les familles avec de jeunes enfants.
26. En dépit de ces systèmes de protection de l’enfance, les enfants font parfois l’objet de négligence dans leur milieu familial et doivent être pris en charge par les services sociaux. A cet égard, la pauvreté et le dénuement matériel constituent évidemment toujours des raisons – ou tout au moins des causes sous-jacentes – du placement d’enfants dans des établissements spécialisés 
			(22) 
			Eurochild, Children in alternative care: national surveys, deuxième
édition, janvier 2010.. D’autre part, la participation des enfants et des parents aux processus de décision les concernant devrait encore être renforcée à l’avenir. C’est à cette fin que l’Assemblée a adopté la Recommandation 1864 (2009) sur la promotion de la participation des enfants aux décisions les concernant.
27. Le Conseil de l’Europe s’est à plusieurs occasions penché sur ces problèmes. En 2006, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation Rec(2006)19 aux Etats membres relative aux politiques visant à soutenir une parentalité positive. Les activités actuelles au niveau du Conseil de l’Europe sont axées sur l’accompagnement et l’appui des politiques de prévention pertinentes, comme la préparation de lignes directrices sur des services sociaux adaptés aux enfants ou sur une justice adaptée aux enfants (adoption prévue en novembre 2010 en ce qui concerne ces dernières).

4.2. Solutions alternatives de placement

28. Selon l’article 20 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CIDE), «tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat. Les Etats parties prévoient pour cet enfant des solutions alternatives de placement conforme à leur législation nationale. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié» 
			(23) 
			Article
20 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant
(1989). Kafala(h) = La prise
en charge des enfants à des fins de protection, éducation et entretien,
qui ne donne pas lieu à la filiation. Source: La
prise en charge (kafala) des enfants abandonnées, ministère de la
Justice du royaume du Maroc, janvier 2005. .

Placement familial

29. Il est généralement admis que le placement familial est le placement hors du domicile le moins restrictif et le plus protecteur pour les enfants qui en ont besoin. Une famille d’accueil peut en être une sans relation avec l’enfant concerné mais peut aussi faire partie du contexte familial direct de l’enfant. Le placement familial est un choix attractif de placement hors du domicile puisqu’il offre à l’enfant une autre famille, susceptible de subvenir aux différents besoins des enfants du fait de sa flexibilité et, enfin, elle est rentable puisqu’on estime par exemple que, dans les pays occidentaux, elle ne représente qu’une fraction du coût des institutions 
			(24) 
			Une
décennie de transition, UNICEF, 2001.. Dans certains cas, la famille d’accueil peut devenir une solution permanente pour les enfants qui ne peuvent être réunis avec leurs parents. Déjà en 1977, dans sa Résolution sur le placement des enfants, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe avait recommandé aux Etats membres de promouvoir le placement familial considéré le plus souvent comme la meilleure forme de placement temporaire, particulièrement pour les jeunes enfants 
			(25) 
			Résolution
(77) 33 sur le placement des enfants (Conseil de l’Europe)..
30. Certains pays ont fait des efforts particuliers ces dernières années pour promouvoir davantage le placement familial comme solution alternative. Parmi les pays considérés, la Serbie, par exemple, fait état de résultats positifs dans ce domaine d’après le nombre de services de placement familial et le niveau accru des efforts consentis pour renforcer et augmenter les services de placement familial. Les mesures prises comprenaient une campagne publique en faveur de la promotion du placement familial, un réseau de familles de placement ainsi qu’un certain nombre de cours de formation destinés aux services sociaux pertinents. En République tchèque, malgré une forte tradition de soins en institution, le placement familial est également reconnu par la loi comme étant le meilleur moyen de placement temporaire pour les enfants privés de soins parentaux. C’est pourquoi le soutien au placement familial a également été renforcé et les services d’accompagnement pour les familles d’accueil ont été améliorés. La Bulgarie fait état de progrès énormes dans ce domaine. Si en 2002 le nombre d’enfants élevés par des membres de la famille autres que les parents s’élevait à seulement 878, leur nombre avait déjà atteint 5 919 en 2008.

Adoption nationale et internationale

31. L’adoption est parfois vue comme un moyen de satisfaire un désir d’enfant. Toutefois, il est important de ne pas oublier que l’adoption est tout d’abord un service destiné aux enfants et entrepris dans leur meilleur intérêt (à nouveau selon la CIDE). La Convention européenne en matière d’adoption d’enfants (révisée) a été ouverte à la signature en novembre 2008. Elle traite essentiellement de l’adoption nationale et complète donc les normes internationales pertinentes, principalement la Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale («Convention de La Haye sur l’adoption de 1993»).

Adoption internationale

32. Dans sa Recommandation 1828 (2008) sur la disparition de nouveau-nés aux fins d’adoption illégale en Europe, l’Assemblée a fermement condamné toutes les pratiques visant à vendre ou à voler des nouveau-nés, ainsi que toute autre sorte de trafic d’enfants. Elle a attiré l’attention sur le fait que les enfants font de plus en plus l’objet de trafic sur un vrai «marché», notamment au détriment des pays plus pauvres. De telles pratiques seraient d’autant plus faciles qu’il n’existe pas de règles strictes sur l’enregistrement des naissances dans certains pays, même si la «ligne mince» séparant l’adoption internationale de la traite d’enfants concerne également les enfants plus âgés. Afin de poursuivre la lutte contre les pratiques mercantiles de l’adoption des enfants, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient aussi souscrire aux principes énoncés dans la Convention de La Haye sur l’adoption de 1993 qui, à ce jour, a été signée ou ratifiée uniquement par 36 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.

Placement en établissements

33. Selon une estimation grossière, dans l’ensemble de l’Union européenne, environ 1 % des enfants – soit environ 1 million d’enfants – sont pris en charge par les pouvoirs publics, mais les chiffres varient d’un pays à l’autre (2,2 % en Lettonie; 1,6 % en Roumanie; 0,66 % en Suède, par exemple). On admet généralement que les enfants de moins de 3 ans placés plusieurs mois en institution subissent des dommages irréversibles quant au développement du cerveau car leur besoin fondamental d’attachement n’est pas satisfait. Toutefois, bien que la législation de protection de l’enfance l’interdise, le placement d’enfants en bas âge en institutions (orphelinats, maternités ou hôpitaux pédiatriques) subsiste en pratique dans plusieurs pays européens. Du fait du vide procédural, un grand nombre d’enfants se trouvent en outre dépourvus de toute pièce d’identité, ce qui les rend particulièrement vulnérables à l’exploitation et, en particulier, à la traite. Dans une étude de 2005, l’Organisation mondiale de la santé estimait qu’environ 22 000 enfants âgés de moins de 3 ans étaient placés en institution en Europe (chiffres de 2003) 
			(26) 
			Eurochild, Children in alternative care: national surveys, deuxième
édition, janvier 2010..
34. Selon d’autres sources, rien qu’en Europe centrale et orientale, près de 1,5 million d’enfants sont placés dans les établissements de l’assistance publique. Dans certains pays, le nombre annuel «d’enfants privés de soins parentaux» a plus que doublé au cours des dix dernières années, en dépit de la baisse des taux de natalité 
			(27) 
			UNICEF, La situation des enfants dans le monde, 2005.. La grande majorité des enfants en établissements ont des parents biologiques vivants, et seul un petit pourcentage d’entre eux sont des orphelins. L’instabilité sociale et économique du début de la période de transition a placé les structures familiales sous pression particulière et, faute de mesures de prévention et de mécanismes de soutien, a provoqué une augmentation du nombre d’enfants privés de soins parentaux et placés en établissements officiels, d’ordinaire en institution. Dans de nombreux pays, ces tendances se sont également poursuivies lors de la reprise économique. Elles sont extrêmement préoccupantes et laissent à penser que l’aide accordée par l’Etat aux familles en difficulté reste insuffisante dans de nombreux cas 
			(28) 
			Innocenti
Social Monitor, UNICEF, 2009..
35. En dépit des chiffres généraux mentionnés ci-dessus, les données disponibles sur la portée de la prise en charge en institution en Europe demeurent disparates. Les données officielles sont recueillies de manières différentes par les différents Etats et même au sein des administrations d’Etat où les responsabilités sont souvent divisées entre plusieurs ministères ou organes officiels. Les comparaisons internationales sont également difficiles car les définitions diffèrent en fonction des groupes cibles, du type de prise en charge, des raisons du placement hors du domicile, de la situation juridique des enfants 
			(29) 
			«Children in institutions:
prevention and alternative care», rapport de M. Bragi Gudbrandsson
(Islande), approuvé par le Comité européen pour la cohésion sociale
(CDCS) du Conseil de l’Europe, mai 2004., etc.

4.3. Désinstitutionnalisation du placement des enfants

36. Ce qu’il est convenu d’appeler «désinstitutionnalisation» du placement des enfants en faveur d’autres solutions de prise en charge est abordé à différents niveaux aujourd’hui. Cette notion, en effet, ne se réfère pas uniquement au fait de retirer les enfants d’un placement en établissement en faveur d’autres types de prise en charge, tels que le placement familial ou l’adoption. La désinstitutionnalisation désigne fondamentalement l’abandon d’un système de placement reposant sur de grands établissements, ce qui n’implique pas seulement la fermeture de ces établissements mais aussi le développement de systèmes de prise en charge modernes et efficaces pour les enfants et les familles. Elle s’inscrit dans le droit-fil des préoccupations qui s’expriment au niveau mondial afin de redéfinir les systèmes de placement institutionnel et de soutenir les modèles de prise en charge basés sur la famille, y compris le travail de prévention auprès des familles biologiques 
			(30) 
			Children
without parental care or at risk of losing it, Recommandations
SOS KDI, document de travail, 7 février 2008..
37. Dans une telle perspective large, la notion de désinstitutionnalisation englobe, premièrement, toute mesure prise par les services sociaux compétents permettant aux enfants de retourner en de meilleures conditions dans leur environnement familial d’origine et devrait donc s’inscrire dans les stratégies de prévention. Elle peut aussi désigner, deuxièmement, toute mesure visant à orienter les enfants vers un dispositif de prise en charge autre que le placement en établissement spécialisé. Enfin, la désinstitutionnalisation peut être vue comme une restructuration complète des systèmes institutionnels. Cette tendance a prévalu dans les pays nordiques ces dernières décennies mais peut aujourd’hui être observée dans d’autres pays d’Europe de l’Ouest et d’Europe centrale et orientale, où de plus en plus d’efforts sont entrepris pour créer des environnements assimilés à la famille au sein des établissements publics. Dans un domaine marqué par l’urgence comme l’est celui des enfants privés de soins parentaux, les approches novatrices sont naturellement bienvenues et c’est pourquoi le rapporteur souhaite aborder la question de la désinstitutionnalisation de cette manière différenciée.
38. Dans ce contexte, le rapporteur souhaite attirer l’attention sur les travaux entrepris très récemment par la Commission européenne et d’autres partenaires concernant les pays d’Europe centrale et orientale et la Communauté d’Etats indépendants (PECO-CEI), qui ont débouché sur un excellent «Guide de bonnes pratiques» concernant la désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants 
			(31) 
			Programme Daphné de
la Commission européenne, bureau régional de l’OMS et université
de Birmingham: «De-Institutionalising and transforming children’s
services: a guide to good practice», Bruxelles, février 2010.. Ce guide commence par définir les principaux préalables à une désinstitutionnalisation réussie, à savoir le souci de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit être la motivation première du processus (et non pas par une volonté de réduction des coûts), ou encore la capacité à accueillir les enfants comme des individus en situation de traumatisme, de manière appropriée et en tenant compte de leurs besoins. Il formule ensuite des recommandations à l’intention des décideurs, en vue de l’élaboration de politiques de prise en charge des enfants d’une manière générale, et présente enfin une approche en dix étapes de la désinstitutionnalisation, prévoyant des mesures très pragmatiques assorties d’indicateurs. Un autre texte intéressant est la recommandation susmentionnée Rec(2010)2 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe relative à la désinstitutionnalisation des enfants handicapés et leur vie au sein de la collectivité, qui expose les aspects essentiels à prendre en compte pour mettre en place une procédure de transition soigneusement planifiée et structurée en matière de désinstitutionnalisation. Ces deux documents devraient constituer des documents de référence essentiels pour tous les futurs travaux dans ce domaine aux niveaux national ou européen.

5. Conclusions

39. Le présent rapport montre, d’une part, qu’aujourd’hui en Europe les enfants peuvent être privés de soins parentaux en raison de multiples causes ou situations. Nombre des problèmes auxquels ils sont confrontés sont connus depuis longtemps, d’autres sont des phénomènes nouveaux qui se produisent ou prennent une plus grande ampleur dans le contexte actuel de mondialisation, où la plupart des pays sont frappés par la crise économique dans une certaine mesure. D’autre part, il ressort des recherches entreprises pour ce rapport que davantage d’efforts et de ressources pourraient être déployés afin de développer et renforcer les dispositifs de prise en charge des enfants se rapprochant le plus possible du cadre familial, en respectant le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Face à ces deux problématiques, des approches globales, coopératives et innovatrices sont nécessaires aux niveaux européen et national.
40. Sur cette base et en premier lieu, les grands objectifs devraient être:
i. de suivre une approche globale fondée sur une analyse minutieuse de toutes les situations possibles d’enfants abandonnés dans le contexte actuel de mondialisation;
ii. de promouvoir des solutions de placement optimales de façon exhaustive et différenciée, en privilégiant celles considérées comme les plus favorables pour l’épanouissement personnel de l’enfant;
iii. d’aborder la question des enfants privés de soins parentaux à tous les niveaux d’intervention possibles:
  • prévention de l’abandon des enfants en renforçant la capacité des familles à s’occuper de leurs enfants, à les protéger et à les rendre autonomes et responsables, en fournissant une formation appropriée aux professionnels des services sociaux et en renforçant la participation des enfants et des familles aux décisions les concernant;
  • collecte systématique de données et mise en place de mécanismes appropriés pour l’échange d’information aux niveaux national, européen et international;
  • mise en œuvre des normes internationales en vigueur au niveau européen et élaboration de nouvelles normes le cas échéant;
  • élaboration de politiques ciblées aux niveaux national, européen et international prévoyant entre autres la définition à l’échelon national de normes de qualité pour les enfants placés hors du domicile familial, correspondant à une approche globale de la désinstitutionnalisation;
  • attachement à la mise en œuvre des politiques et suivi régulier des progrès accomplis à tous les niveaux.
41. Des phénomènes qui ont récemment pris de l’ampleur, comme les enfants des rues, la traite des enfants et les enfants laissés seuls par leurs parents migrants, devraient faire l’objet d’une nouvelle analyse et être abordés dans le cadre de politiques pertinentes et coordonnées aux niveaux national et européen. Des études nationales et européennes devraient également être menées sur des questions pour lesquelles il existe déjà des normes internationales, mais où le besoin se fait sentir d’une meilleure mise en œuvre, comme en matière d’adoption internationale. Afin d’obtenir une compréhension globale de ces questions complexes qui permettrait l’élaboration et la mise en œuvre de politiques ciblées et coordonnées au niveau national, le rapporteur recommande la réalisation, dans chaque pays, d’études portant spécifiquement sur les enfants privés de soins parentaux et mettant en lumière, outre la situation à l’échelon national, toute interdépendance significative, bi- ou multilatérale, avec d’autres pays européens. Les efforts accomplis aux fins de la préparation du présent rapport ont montré qu’il est très difficile d’obtenir des données nationales cohérentes sur les enfants privés de soins parentaux.
42. Il faudrait suivre une nouvelle approche plus ambitieuse, s’agissant de la situation des enfants placés dans des établissements et des normes qualitatives de la prise en charge institutionnelle. On manque de mesures ciblées et déterminées favorisant la recherche de solutions alternatives telles que le placement en famille d’accueil, généralement considéré comme la formule se rapprochant le plus du milieu familial de l’enfant. Le développement de nouveaux dispositifs de prise en charge institutionnelle (établissements de petite taille, cadre de type familial, etc.) devrait être exploré plus avant. Considérant que la désinstitutionnalisation est un processus à long terme qui doit être rigoureusement planifié et structuré, le rapporteur recommande vivement de prendre les approches susmentionnées et les méthodologies récemment élaborées au niveau du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne comme point de départ de toute action future sur le plan national. Les Etats membres devraient en outre être prêts à rendre compte régulièrement des progrès accomplis en matière de désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants dans leurs pays respectifs et dans le cadre des procédures de suivi pertinentes devant être mises en place au niveau européen.
43. Les orientations exposées ici devraient également être suivies au niveau du Conseil de l’Europe en ce qui concerne les futurs travaux intergouvernementaux concernant les enfants privés de soins parentaux. L’approche suggérée est entièrement cohérente avec l’actuel programme «Construire une Europe pour et avec les enfants» et sa stratégie pour 2009-2011. A l’avenir, cependant, il ne faudrait pas se limiter à examiner la situation des enfants vivant en institution et la qualité de la prise en charge institutionnelle. Des efforts plus visibles devraient également être déployés en matière de désinstitutionnalisation de la prise en charge des enfants en Europe. En outre, l’Assemblée devrait soutenir et promouvoir une action spécifique du Conseil de l’Europe, qui pourrait consolider la situation des enfants privés de soins parentaux, notamment les activités concernant les services sociaux, les soins de santé ou une justice adaptés aux enfants. Dans le même esprit, le lancement prochain d’une campagne paneuropéenne pour lutter contre les violences sexuelles infligées aux enfants (novembre 2010) pourrait être une mesure de soutien des enfants risquant d’être privés de prise en charge parentale.
44. Comme cela a été fait dans chacune des études réalisées jusqu’à présent, il faudrait, d’une manière générale, que les Etats membres collectent plus systématiquement les données relatives aux enfants privés de soins parentaux par le biais d’études nationales spécifiques comme suggéré plus haut, et au niveau européen là où cela semble utile. Toutes les données collectées devraient être présentées d’une manière accessible afin de constituer une source d’informations représentative des «bonnes pratiques» européennes et à laquelle les pouvoirs publics pourront se référer pour décider des mesures à prendre. Une action plus coordonnée au niveau du Conseil de l’Europe, par exemple en reliant différents mécanismes de suivi (Convention européenne des droits de l’homme, Charte sociale européenne, Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, Charte européenne de l’autonomie locale), pourrait être un premier pas en ce sens.
45. Toute action au niveau du Conseil de l’Europe devrait être entreprise en coopération étroite avec les organisations européennes et internationales ayant déjà fait beaucoup dans ce domaine, comme l’Organisation des Nations Unies et ses institutions (UNICEF), la Commission européenne, ainsi que des réseaux tels que Eurochild, SOS KDI, Save the Children et autres. Leurs activités ont fourni des éléments très précieux pour la mise en œuvre d’approches globales à l’échelle européenne. Afin d’aborder la question complexe des enfants privés de soins parentaux de façon plus efficace, il sera néanmoins nécessaire de mieux coordonner et de lier les activités existantes, par exemple en renforçant l’utilisation des instruments des Nations Unies – notamment la Convention relative aux droits de l’enfant et les récentes Lignes directrices pour une prise en charge alternative des enfants –, lesquels doivent être la référence par excellence de tous les intervenants. On pourrait demander aux Etats membres de contribuer à une meilleure coordination des politiques européennes par la préparation de plans d’action nationaux pour l’application des lignes directrices des Nations Unies.
46. Le Conseil de l’Europe doit encore définir son propre rôle et sa contribution dans ce paysage international des parties intéressées. Il a incontestablement une valeur ajoutée à apporter, notamment par le biais de programmes conjoints axés sur l’élaboration de politiques et la mise en œuvre de stratégies liées à des situations nationales spécifiques, comme le programme conjoint Conseil de l’Europe-Union européenne «Assurer les droits de l’enfant et la réinsertion sociale des enfants à risque – Russie 2007-2008». Le rapporteur considère que, sur le fond comme sur la méthode, ce programme constitue un exemple positif qui pourrait être reproduit dans d’autres contextes nationaux et ainsi renforcer l’impact des normes internationales et européennes sur le plan national.