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Avis de commission | Doc. 12390 | 06 octobre 2010

La montée récente des discours sécuritaires en Europe: le cas des Roms

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Adrian NĂSTASE, Roumanie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3702 du 4 octobre 2010. Commission saisie du rapport: commission des questions politiques. Voir Doc. 12386. Avis approuvé par la commission le 5 octobre 2010. 2010 - Quatrième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme félicite le rapporteur de la commission des questions politiques, Mme Anne Brasseur, pour son excellent rapport et approuve dans l’ensemble le projet de résolution.
2. La commission souhaite néanmoins apporter quelques modifications visant à renforcer encore le projet de résolution.

B. Amendements proposés au projet de résolution

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 7 du projet de résolution, ajouter le membre de phrase suivant:

«L’Assemblée accorde la plus haute importance à la liberté d’expression, y compris lors de débats politiques relatifs à l’immigration. Mais toute forme de discrimination raciale ou ethnique est inacceptable. Comme l’a souligné la Cour européenne des droits de l’homme, la liberté d’expression peut légitimement être restreinte lorsque les propos tenus sont susceptibles de susciter un sentiment de rejet et d’hostilité envers une communauté visée, conformément à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme.»

Amendement B (au projet de résolution)

Après le paragraphe 8 du projet de la résolution, ajouter la phrase suivante:

«L’Assemblée considère également que les personnes visées dans les discours susmentionnés peuvent se prévaloir de l’article 8 de la Convention pour défendre leur réputation et leur honneur.»

Amendement C (au projet de résolution)

A la suite du paragraphe 9.1.3, ajouter un nouveau paragraphe ainsi libellé:

«à procéder à la collecte de données statistiques ethniques assorties de garanties pour éviter des abus, conformément aux recommandations de l’ECRI, aux avis du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et aux recommandations du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale,et à évaluer les résultats pour améliorer l’efficacité des plans et programmes existants;».

Amendement D (au projet de résolution)

A la suite du paragraphe 9.2.2, ajouter un nouveau paragraphe ainsi rédigé:

«interpréter strictement, en matière d’expulsion, le motif tiré du “trouble à l’ordre public”, souvent invoqué par les autorités pour justifier une mesure d’expulsion, conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme.»

C. Exposé des motifs, par M. Năstase, rapporteur pour avis

(open)
1. Je félicite Mme Brasseur (Luxembourg, Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe), pour son rapport sur la montée récente des discours sécuritaires en Europe: le cas des Roms.
2. Je tiens toutefois à proposer quelques amendements au projet de résolution pour la renforcer.

Amendement A

Le rapporteur estime utile de mettre en balance l’importance de la liberté d’expression dans le contexte du débat politique et les impératifs de lutte contre la discrimination raciale ou ethnique. Il considère dès lors qu’il y a lieu de citer l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme («la Convention»), et de rappeler que tant les hommes politiques que les médias qui reprennent leurs messages politiques ne disposent pas d’une liberté d’expression absolue. Il se réfère en particulier à la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme 
			(1) 
			. Voir
Le Pen c. France, Requête no 18788/09, arrêt du 20 avril 2010, une
récente décision d’irrecevabilité de la Cour concernant une figure
politique française d’extrême droite, et aussi Féret c. Belgique
(arrêt de non-violation de l’article 10 de la Convention), requête
no 15615/07, arrêt du 16 juillet 2009. Voir aussi, concernant les
médias, Jersild c. Danemark, requête no 15890/89, arrêt de la Grande
Chambre du 23 septembre 1994. .

Amendement B

Le rapporteur se réfère ici à un arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’homme 
			(2) 
			. Voir Aksu c. Turquie, requête
no 4149/04, arrêt du 27 juillet 2010 (non définitif). dans lequel des individus d’origine rom se sont plaints, sous l’angle des articles 8 et 14 de la Convention, d’une atteinte à leur honneur et à leur réputation du fait de certains passages qu’ils estimaient insultants et discriminatoires, publiés dans un livre intitulé Les Roms de Turquie et dans un «dictionnaire turc pour élèves». L’intérêt de cet arrêt réside dans le fait que la Cour a reconnu la qualité de victimes des requérants roms, bien qu’elle soit parvenue à un constat de non-violation en l’espèce.

Amendement C

Le rapporteur souhaite ici éviter que les Etats, lorsqu’ils abordent la situation des Roms, ne puissent se réfugier derrière l’absence de données statistiques fiables ou l’impossibilité d’y accéder, pour finalement indiquer des chiffres et des statistiques ne reposant pas sur une base factuelle suffisante. Il estime utile de reprendre une partie du rapport de M. Berényi sur lasituation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe 
			(3) 
			.
Voir Doc. 12174 de
l’Assemblée. concernant ce sujet. Il note également que, très récemment, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale, dans ses observations finales concernant la France dans le cadre de l’examen périodique des rapports présentés par les Etats parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, s’est prononcé dans le même sens.

Amendement D

Le rapporteur constate que le motif lié au trouble à l’ordre public (ou à la sûreté publique) peut parfois être trop largement interprété et invoqué trop abstraitement par les autorités nationales pour justifier une mesure d’expulsion ou autre. C’est pourquoi il considère qu’il y a lieu de rappeler que l’invocation de ce motif doit être strictement encadrée et substantiellement étayée, au sens de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg 
			(4) 
			. Voir,
mutatis mutandis, C.G. et autres c. Bulgarie, requête no 1365/07,
arrêt du 24 avril 2008; Lupsa c. Roumanie, 10337/04, CEDH 2006-VII;
et Prencipe c. Monaco, requête no 43376/06, arrêt du 16 juillet
2009. .