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Rapport | Doc. 12281 | 07 juin 2010

La situation au Kosovo* et le rôle du Conseil de l’Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Björn von SYDOW, Suède, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11676, Renvoi 3482 du 29 septembre 2008.* Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit à son territoire, ses institutions ou sa population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo. 2010 - Troisième partie de session

Résumé

Le faible respect de la prééminence du droit affecte la vie quotidienne de tous les habitants du Kosovo, quelle que soit la communauté à laquelle ils appartiennent. Il mine leur confiance dans le système politique et les perspectives de développement économique.

Le Conseil de l’Europe devrait se fixer l’objectif d’améliorer les normes dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit au Kosovo, afin que ses habitants puissent jouir d’un niveau de droits équivalent à celui que défend le Conseil de l’Europe, indépendamment du statut du Kosovo.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 1er juin
2010.

(open)
1. Depuis la déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008, les institutions du Kosovo se considèrent comme les autorités souveraines et légitimes du Kosovo et ont pris des mesures pour affirmer la nature étatique du Kosovo. 69 membres des Nations Unies ont reconnu l’indépendance du Kosovo. Toutefois, la question de la conformité de la déclaration unilatérale d’indépendance avec le droit international fait actuellement l’objet d’un examen par la Cour internationale de justice, à la suite d’une demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies.
2. La Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), mise en place par la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies, continue d’être présente au Kosovo, même si ses effectifs ont été considérablement réduits et que sa latitude dans l’exercice de ses fonctions exécutives ait diminué. Elle a été rejointe par la Mission Etat de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX), qui agit également sous l’égide de la Résolution 1244 et a le mandat principal de surveiller, guider et conseiller les institutions du Kosovo dans les domaines du pouvoir judiciaire, des douanes et de la police. EULEX dispose également d’un mandat exécutif pour traiter des crimes de guerre et des infractions graves ou relevant de la criminalité organisée.
3. Le Conseil de l’Europe applique une politique de neutralité quant au statut du Kosovo et reconnaît la validité continue de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cela étant, le Kosovo a été reconnu Etat indépendant et souverain par 33 de ses Etats membres.
4. L’Assemblée parlementaire est convaincue que, en ce qui concerne le Kosovo et dans les circonstances actuelles, son attention devrait essentiellement se porter non pas sur le statut mais sur les normes. Elle est particulièrement d’avis que, indépendamment de son statut, le Kosovo devrait être un lieu sûr pour tous ceux qui y vivent et un lieu où des normes en matière de démocratie, de prééminence du droit et de droits de l’homme équivalentes à celles que défend le Conseil de l’Europe soient pleinement respectées.
5. Dans ce contexte, l’Assemblée se félicite du niveau de sécurité accru au Kosovo, tel que l’ont reconnu les acteurs internationaux sur le terrain, et de la diminution du nombre d’incidents interethniques. Elle insiste cependant sur la nécessité de surveiller étroitement la situation sécuritaire dans les municipalités du nord du Kosovo, situation qui reste instable. Elle regrette également que, partout au Kosovo, les différentes communautés vivent séparément, avec un niveau d’interaction négligeable, et que le dialogue interethnique et la réconciliation demeurent toujours des objectifs à atteindre.
6. L’Assemblée fait part de sa vive préoccupation concernant le faible respect de la prééminence du droit au Kosovo, qui affecte la vie quotidienne de tous ses habitants, quelle que soit la communauté à laquelle ils appartiennent, et leur confiance dans le système politique. Cette situation empêche également la bonne gouvernance, le développement économique et, à long terme, les perspectives d’intégration européenne.
7. Malgré d’importants efforts législatifs pour réformer l’administration, le pouvoir judiciaire et d’autres secteurs clés, il reste encore beaucoup à faire pour consolider le fonctionnement démocratique des institutions, améliorer la stabilité politique et garantir un niveau de gouvernance qui amènerait le Kosovo à s’aligner avec les normes du Conseil de l’Europe.
8. La participation de toutes les communautés du Kosovo au système politique reste un défi majeur à relever, bien que les Serbes du Kosovo vivant au sud de la rivière Ibar soient de plus en plus prêts à trouver un modus vivendi avec les autorités du Kosovo, comme l’indique leur taux de participation accru aux élections locales de novembre 2009 au Kosovo. En outre, certaines communautés, comme les Serbes du Kosovo ainsi que les Roms, les Ashkalis et les Egyptiens (RAE), sont toujours victimes de discrimination et continuent de faire face à des difficultés pratiques dans l’exercice de leurs droits et de leurs libertés.
9. L’Assemblée note que la Constitution du Kosovo intègre dans le droit interne les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE no 005), la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) et la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et que le Gouvernement du Kosovo a adopté un Plan d’action stratégique sur les droits de l’homme pour 2009-2011. L’Assemblée rappelle cependant que l’incorporation de ces instruments ne saurait être en soi une garantie de protection efficace des droits de l’homme si elle n’est pas appuyée par un engagement politique solide visant à en assurer la mise en œuvre.
10. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite EULEX, la MINUK et les institutions du Kosovo à renforcer leurs actions visant à consolider la prééminence du droit au Kosovo, notamment:
10.1. en prenant position publiquement contre la corruption, y compris dans le système politique;
10.2. en introduisant sans délai une législation complète relative à l’attribution des marchés publics, qui pallie les faiblesses juridiques et pratiques actuelles;
10.3. en prenant des mesures concrètes pour améliorer l’état du pouvoir judiciaire, notamment en vue de renforcer son efficacité, sa compétence, son éthique et son indépendance.
11. L’Assemblée encourage l’Union européenne:
11.1. à poursuivre sa politique de diversité sur le statut et d’unité sur l’engagement, tout en garantissant une perspective européenne pour le Kosovo, dans le cadre des Balkans occidentaux;
11.2. à renforcer sa mission EULEX:
11.2.1. en améliorant son image publique au Kosovo, à travers une politique de communication plus élaborée et plus inclusive;
11.2.2. en renforçant sa présence et son rôle dans le nord du Kosovo.
12. L’Assemblée appelle les autorités de Pristina et de Belgrade:
12.1. à adopter une attitude constructive et pragmatique dans la recherche de solutions aux problèmes concrets qui touchent les Serbes du Kosovo et d’autres communautés minoritaires vivant au Kosovo ou venant du Kosovo, en particulier en ce qui concerne la délivrance de documents, la reconnaissance de la validité de documents (comme les cartes d’identité, passeports, permis de conduire et diplômes) et la disponibilité de l’approvisionnement en énergie;
12.2. à faire davantage d’efforts afin de faciliter la reconnaissance des droits de propriété et la restitution des propriétés à leurs possesseurs et, si ce n’est pas possible, de prévoir une compensation équivalente dans la ligne des dispositions de la Résolution 1708 (2010) de l’Assemblée sur la résolution des problèmes de propriété des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, en harmonie avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme;
12.3. à engager un dialogue inclusif avec la société civile serbe du Kosovo dans le secteur nord du territoire, y compris en dehors des structures formelles;
12.4. à continuer de coopérer dans le cadre des activités du Groupe de travail sur les personnes portées disparues et au sein de la Commission pour la mise en œuvre de la reconstruction (RIC) et d’établir le dialogue sur d’autres questions d’intérêt commun;
12.5. à veiller à la coopération la plus complète possible avec l’Unité d’enquête sur les crimes de guerre d’EULEX et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie;
12.6. à adopter une démarche souple dans le contexte des initiatives de coopération régionale afin de faciliter la participation de leurs représentants, et ce indépendamment de considérations de statut;
12.7. à être proactives dans la promotion du dialogue et de la réconciliation entre les communautés, dans les interventions politiques et publiques.
13. L’Assemblée invite les institutions du Kosovo:
13.1. à assurer une entière coopération avec EULEX dans le cadre des enquêtes concernant des infractions graves ou relevant de la criminalité organisée ainsi que des crimes de guerre;
13.2. à coopérer pleinement avec l’Agence de lutte contre la corruption du Kosovo, en renforçant son indépendance et le professionnalisme de son personnel, en lui affectant des ressources suffisantes et en s’assurant du suivi de ses recommandations;
13.3. à tenir pleinement compte du caractère multiethnique du Kosovo, en particulier:
13.3.1. en mettant en œuvre scrupuleusement la législation relative aux droits des minorités, à la décentralisation et aux langues minoritaires;
13.3.2. en créant les conditions socio-économiques pour la pleine intégration dans la société des personnes appartenant à des communautés minoritaires, notamment les personnes déplacées et rapatriées;
13.3.3. en créant les conditions pour un retour sans danger et pour la réintégration des personnes déplacées qui souhaitent revenir;
13.3.4. en encourageant la participation des personnes issues de communautés minoritaires au système politique et à la vie publique;
13.3.5. en agissant résolument contre la discrimination pour des raisons ethniques, à la fois dans la sphère publique et privée;
13.3.6. en condamnant publiquement les crimes interethniques et en chargeant la police de tenir des statistiques précises sur ces crimes;
13.4. à garantir le respect effectif des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme incorporés dans le droit national, notamment la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales;
13.5. à envisager d’incorporer dans la législation interne d’autres conventions du Conseil de l’Europe, en vue d’adopter les normes du Conseil de l’Europe;
13.6. à garantir l’indépendance des médias et promouvoir le rôle des médias comme catalyseur du dialogue interethnique et de la réconciliation, en particulier:
13.6.1. en rétablissant un budget indépendant pour le radiodiffuseur public RTK;
13.6.2. en garantissant l’indépendance du conseil d’administration de RTK;
13.6.3. en encourageant la production, la diffusion et la radiodiffusion de programmes de radio et de télévision dans les langues minoritaires, notamment à l’échelle du Kosovo;
13.6.4. en soutenant les efforts des professionnels des médias pour produire des programmes de radio et de télévision, ainsi que des articles écrits, dressant un portrait de la situation des différentes communautés dans les différentes régions du Kosovo;
13.7. à prendre des mesures pour défendre la condition des femmes et favoriser l’égalité entre les sexes, notamment:
13.7.1. en agissant résolument contre la traite des êtres humains;
13.7.2. en adoptant des mesures et programmes pour résoudre la situation des victimes de la traite, et en facilitant leur réinsertion dans la société;
13.7.3. en soutenant ou en organisant des campagnes publiques contre la violence domestique;
13.7.4. en prenant des mesures appropriées pour promouvoir l’indépendance économique des femmes;
13.7.5. en luttant contre les discriminations à l’égard des femmes dans tous les domaines, notamment dans le contexte des législations et pratiques relatives à l’héritage et autres questions de droit civil, comme le divorce, la séparation et la garde des enfants;
13.8. à prendre d’urgence des mesures pour reloger de façon permanente la population rom des camps de Cesmin Lug et Osterode Cesmin, fortement contaminés au plomb, et fournir un traitement médical à ceux dont la santé a été affectée, comme l’a également recommandé le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
14. L’Assemblée invite les autorités serbes:
14.1. à éliminer tous les obstacles pratiques pour les personnes déplacées qui souhaitent revenir, en particulier en ce qui concerne l’accès aux informations et la reconnaissance et la transmission de documents, y compris les informations cadastrales et les titres de propriété;
14.2. à mettre en place des programmes appropriés visant à garantir l’intégration en Serbie des personnes déplacées du Kosovo qui ne souhaitent ou ne peuvent pas revenir.
15. L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
15.1. à s’abstenir de renvoyer de force au Kosovo des personnes qui pourraient encore nécessiter une protection internationale conformément aux lignes directrices du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés;
15.2. à tenir compte des capacités du Kosovo à accueillir des rapatriés avant de décider de renvoyer des personnes au Kosovo.
16. Afin de renforcer le rôle du Conseil de l’Europe au Kosovo, l’Assemblée:
16.1. encourage le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à poursuivre ses activités relatives au Kosovo;
16.2. invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à communiquer au Secrétariat de l’Organisation que des relations de travail directes avec les autorités du Kosovo à tous les niveaux sont possibles lorsqu’elles sont justifiées par la nécessité d’assurer la bonne mise en œuvre des activités du Conseil de l’Europe qui respectent la neutralité du statut.
17. Afin de contribuer au renforcement du fonctionnement démocratique des institutions du Kosovo, l’Assemblée:
17.1. encourage les partis politiques du Kosovo:
17.1.1. à adopter des règles relatives à leur fonctionnement démocratique interne;
17.1.2. à encourager l’égalité des sexes au sein de leurs structures, parmi leurs dirigeants et sur les listes électorales;
17.1.3. à encourager la diversité ethnique parmi les membres, les dirigeants et sur les listes électorales;
17.2. décide d’entamer un dialogue avec les représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo sur des questions d’intérêt commun, en tenant compte des préoccupations et intérêtslégitimes de la Serbie et en assurant la conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté par la commission le 1er juin
2010.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire est d’avis que, quoique divisés sur la question du statut, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient être unis pour soutenir une plus grande implication du Conseil de l’Europe au Kosovo, au bénéfice de tous ses habitants.
2. Bien que plus des deux tiers des Etats membres du Conseil de l’Europe aient reconnu le Kosovo en tant qu’Etat indépendant, l’Organisation met en œuvre une politique de neutralité du statut vis-à-vis du Kosovo. Dans ces circonstances, l’Assemblée estime que l’engagement du Conseil de l’Europe au Kosovo devrait avoir pour but d’améliorer les normes dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit, afin que la population du Kosovo puisse jouir d’un niveau de droits équivalent à celui que défend le Conseil de l’Europe, indépendamment du statut du Kosovo.
3. A cette fin, le Conseil de l’Europe devrait élargir l’éventail de ses activités au Kosovo et faire preuve de pragmatisme, de souplesse et d’imagination pour trouver les formules qui permettront l’éventail le plus large possible d’activités du Conseil de l’Europe et de mécanismes à appliquer au Kosovo tout en respectant sa politique actuelle de neutralité du statut.
4. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
4.1. de formuler clairement l’engagement politique selon lequel le Conseil de l’Europe devrait contribuer à améliorer les normes en matière de démocratie, de droits de l’homme et de la prééminence du droit au Kosovo et de considérer cet engagement comme une priorité dans les travaux de l’Organisation;
4.2. de donner la priorité aux activités visant à améliorer la prééminence du droit, à lutter contre la corruption, le crime organisé et la criminalité économique et à renforcer le pouvoir judiciaire au Kosovo;
4.3. de poursuivre ses activités dans le domaine de l’éducation ainsi que de la protection et de la réhabilitation du patrimoine culturel au Kosovo, qui jouent un rôle fondamental pour encourager le dialogue interethnique et la réconciliation;
4.4. de soutenir la poursuite et le développement d’activités qui rassemblent des personnes de différentes communautés du Kosovo;
4.5. d’adopter une approche proactive dans les négociations de nouvelles modalités visant à garantir la poursuite des activités du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et du Comité consultatif pour la protection des minorités nationales au Kosovo et de faire en sorte que les rapports de ces organes soient adressés directement aux autorités qui ont un pouvoir véritable et effectif dans le domaine concerné, et qui peuvent ensuite mettre en œuvre les recommandations pertinentes;
4.6. de lancer une étude de faisabilité sur la manière d’étendre la mise en œuvre d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe au Kosovo;
4.7. de mener une étude sur la pertinence et l’applicabilité de la jurisprudence de la Coureuropéenne des droits de l’homme sur la question de la restitution des propriétés ou l’attribution decompensations financières équivalentes, au cas du Kosovo;
4.8. d’apporter son soutien aux activités visant à encourager l’égalité entre les sexes, la lutte contre la violence à l’encontre des femmes, y compris la violence domestique et la lutte contre la traite des êtres humains au Kosovo;
4.9. de mettre en place des activités visant à renforcer l’indépendance des médias au Kosovo;
4.10. d’intensifier ses activités relatives à la situation des communautés rom, ashkali et égyptienne au Kosovo;
4.11. de renforcer le rôle, la visibilité et les capacités du bureau du Conseil de l’Europe à Pristina, notamment en augmentant ses moyens et capacité en matière d’analyse politique et d’alerte précoce;
4.12. de continuer à coopérer étroitement dans le cadre institutionnel complexe présent au Kosovo, y compris avec les acteurs internationaux et les institutions du Kosovo, et de renforcer ses contacts avec la société civile et les organisations non gouvernementales;
4.13. de veiller à ce que la politique de neutralité du point de vue du statut soit mise en œuvre de telle façon qu’elle n’empêche pas les contacts de travail directs entre le personnel du Conseil de l’Europe et les autorités du Kosovo, et ce à tous les niveaux, lorsque de tels contacts se justifient par la nécessité de garantir la bonne mise en œuvre des activités du Conseil de l’Europe qui respectent la neutralité du statut.

C. Exposé des motifs, par M. von Sydow, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Je me suis engagé dans la mission de rapporteur sur la situation au Kosovo en toute conscience des défis qu’elle comporte. Le statut du Kosovo étant à l’origine de dissensions profondes, je me garderai de toute tentative de parvenir à un consensus sur cette question. Au contraire, même si je suis tenu de prendre en compte la déclaration unilatérale d’indépendance de l’Assemblée du Kosovo et ses conséquences sur le terrain, j’adopterai une approche neutre du point de vue du statut. Je suis convaincu que, pour l’heure et dans les circonstances actuelles, le rôle d’un rapporteur de l’Assemblée n’est pas de traiter la question du statut, étant donné que:
  • sous l’angle juridique, la question de la conformité de la déclaration d’indépendance avec le droit international fait actuellement l’objet d’un examen par la Cour internationale de justice (CIJ), à la suite d’une demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale de l’ONU 
			(3) 
			Le
8 octobre 2008, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la Résolution
A/RES/63/3, dans laquelle elle demande à la CIJ de rendre un avis
consultatif sur la conformité de la déclaration unilatérale d’indépendance
des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo
avec le droit international. Les audiences publiques se sont achevées en
décembre 2009. La Cour est désormais prête à procéder aux délibérations
(CIJ, communiqué de presse no 2009/34, 11
décembre 2009).;
  • sous l’angle politique, au moment de la rédaction du présent rapport, le Kosovo a été reconnu Etat indépendant et souverain par 69 pays, dont 33 Etats membres du Conseil de l’Europe.
2. J’ai pour ambition de promouvoir un consensus sur un autre aspect de la question du Kosovo: que sa population bénéficie d’une bonne gouvernance, d’une démocratie satisfaisante, de la prééminence du droit et des mêmes normes juridiques et de droits de l’homme que les autres personnes en Europe, quels que soient le statut du Kosovo, la communauté ethnique à laquelle ils appartiennent, qu’ils vivent au nord ou au sud de la rivière Ibar. Pour reprendre un vocabulaire souvent associé au Kosovo, je ne me préoccuperai pas de statut mais de normes. En cela, je m’efforcerai:
  • d’analyser la situation sur le terrain en matière de gouvernance, de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit;
  • de suggérer ce qui doit être fait en vue du plein respect des normes;
  • de recommander comment le Conseil de l’Europe peut contribuer à l’application de ces normes.
3. Ce rapport s’appuie notamment sur une série de discussions plus ou moins formelles avec des acteurs qui ont une connaissance directe de la situation au Kosovo, dont M. Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui a consacré une attention toute particulière à des questions spécifiques relatives aux droits de l’homme, lors d’un échange de vues organisé par la commission des questions politiques à Strasbourg 
			(4) 
			Cet échange de vues
s’est tenu le 28 septembre 2009 avec la participation de M. Oliver
Ivanovic, secrétaire d’Etat au ministère du Kosovo-Métochie du Gouvernement
de Serbie, de Mme Zylfije Hundozi et
de M. Bujar Bukoshi, membres de l’Assemblée du Kosovo, et de Mme Rada
Trajkovic, présidente du conseil d’administration du Conseil national
serbe, Gračanica. et de plusieurs visites d’information, en particulier:
  • à Pristina, Gijlan, Gracanica et Mitrovica (du 2 au 5 février 2009);
  • à Belgrade (8 et 9 juin 2009);
  • à Bruxelles (25 et 26 novembre 2009);
  • en divers lieux au Kosovo (du 21 au 26 février 2010).

2. Complexité du schéma institutionnel

4. A l’heure actuelle, le Kosovo présente un schéma institutionnel complexe dans lequel interviennent des acteurs locaux et internationaux. Certaines des institutions ont été mises en place à la suite de l’indépendance déclarée du Kosovo, tandis que d’autres sont neutres du point de vue du statut. Certaines ont des fonctions exécutives, d’autres essentiellement consultatives mais peuvent exercer des fonctions exécutives par défaut si les institutions concernées ne remplissent pas ces fonctions. La complexité de ce schéma institutionnel exige un gros effort de coordination et de vigilance pour éviter les lacunes ou les chevauchements qui risqueraient de nuire à la sécurité, à la gouvernance et la prééminence du droit.
5. Depuis la déclaration d’indépendance, les institutions du Kosovo, qui se considèrent comme les autorités souveraines, ont pris des mesures pour affirmer la nature étatique du Kosovo; notamment la présidence, les ministères et l’Assemblée continuent d’exister au même titre qu’avant la déclaration unilatérale d’indépendance, mais refusent l’appellation d’«Institutions provisoires d’administration autonome» (IPAA). Des ministères de l’Intégration européenne, des Affaires étrangères et de la Défense ont été créés au sein du gouvernement.
6. Au moment de la déclaration d’indépendance, le Kosovo a demandé expressément une présence civile internationale, comme envisagée dans la Proposition globale de règlement portant statut du Kosovo (ci-après «proposition Ahtisaari») 
			(5) 
			Ce texte est disponible
à l’adresse suivante: <a href='http://www.unosek.org/'>www.unosek.org</a>..
7. En réponse à cette demande, l’International Steering Group (ISG) pour le Kosovo – formé par 25 Etats qui ont reconnu l’indépendance du Kosovo et soutiennent la proposition Ahtisaari – a nommé Pieter Feith, diplomate néerlandais et ancien membre du secrétariat du Conseil de l’Union européenne, représentant civil international (RCI) chargé de suivre et de s’assurer de la mise en œuvre de la proposition Ahtisaari par le Gouvernement du Kosovo.
8. Pieter Feith détient également un mandat simultané de représentant spécial de l’Union européenne (RSUE) au Kosovo 
			(6) 
			Sur la base de l’<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:042:0088:0091:fr:PDF'>Action
commune 2008/123/PESC du Conseil</a> de l’Union européenne du 4 février 2008., au titre duquel il doit veiller à la coordination globale de la présence de l’Union et à la cohérence de son action vis-à-vis du public, fournir des indications politiques locales au responsable de la Mission «Etat de droit» de l’Union européenne au Kosovo (EULEX) et contribuer au développement et à la consolidation du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
9. La création d’un RSUE au Kosovo s’inscrivait dans une tendance qui s’est développée en parallèle des négociations sur le statut final du Kosovo, à savoir la réduction des effectifs de l’ONU présents sur le terrain et l’accroissement réciproque de la participation politique et opérationnelle de l’Union européenne par une vaste mission de terrain qui devait être déployée après la conclusion positive des négociations.
10. Sortant du cadre d’une solution négociée, la déclaration d’indépendance a posé d’importants problèmes politiques à la participation de l’Union européenne sur le terrain dans la mesure où les Etats membres n’étaient – et ne sont – pas tous prêts à reconnaître l’indépendance du Kosovo 
			(7) 
			Au moment de la rédaction
du présent rapport, Chypre, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie
et l’Espagne n’ont pas reconnu le Kosovo en tant qu’Etat indépendant.. Les Etats membres de l’Union européenne ont toutefois surmonté les éventuelles difficultés politiques dans un esprit pragmatique, assurant un soutien unanime au déploiement d’une opération de l’Union européenne en dépit de leurs divergences de vues sur le statut, comme l’illustre parfaitement la formule «diversité sur le statut mais unité sur l’engagement» 
			(8) 
			Il m’a été donné d’entendre
cette expression à plusieurs reprises chez des représentants de
l’Union européenne à Bruxelles..
11. Dans le respect de la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité des Nations Unies du 26 novembre 2008 
			(9) 
			S/PRST/2008/44., le Gouvernement de la Serbie et la majorité des Serbes du Kosovo ont accepté le déploiement d’EULEX à la condition qu’elle respecte pleinement la Résolution 1244 (1999) et qu’elle opère sous l’égide globale de l’ONU et dans son cadre neutre du point de vue du statut. EULEX a pu se déployer dans tout le Kosovo à partir de décembre 2008, après avoir atteint son niveau de capacité opérationnelle en avril de la même année. EULEX est la plus grande mission civile jamais mise en place par l’Union européenne, prévoyant à terme le déploiement de 3 200 personnes. Son objectif central est d’aider et de soutenir les autorités du Kosovo dans les domaines liés à la prééminence du droit, notamment la police, la justice et les douanes. Il s’agit d’une mission technique qui s’emploie à suivre, guider et conseiller tout en jouissant de certains pouvoirs exécutifs dans des domaines précis.
12. En octobre 2009, l’ambassadeur d’Italie au Kosovo, Michael Giffoni, a été nommé représentant de l’Union européenne pour le nord du Kosovo, en vue d’intensifier les activités de l’Union dans la zone. En mars 2010, l’Union européenne a également ouvert un bureau dans le secteur nord de Mitrovica. M. l’ambassadeur Dimitris Moschopoulos est facilitateur de l’Union européenne pour la sauvegarde du patrimoine religieux et culturel.
13. L’évolution de la situation sur le terrain et le déploiement de la mission EULEX au Kosovo ont amené à modifier progressivement la structure et la taille de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qui a achevé sa restructuration et atteint l’effectif autorisé de 510 hommes au 1er juillet 2009 
			(10) 
			Rapport du Secrétaire
général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations
Unies au Kosovo, 30 septembre 2009, S/2009/497.. Ses fonctions ont également changé: alors qu’elle était au départ une autorité dotée de pouvoirs exécutifs, la MINUK s’emploie désormais essentiellement à réduire les difficultés qui surviennent lorsque le désaccord profond sur le statut du Kosovo entrave les progrès sur le terrain, difficultés qui nuisent au quotidien des populations du Kosovo. La MINUK conserve une présence assez importante dans le nord du Kosovo, où elle intervient comme médiateur entre la communauté serbe et EULEX, le cas échéant. Forte de la confiance que lui accordent toutes les communautés, la MINUK est un vecteur de dialogue unique en son genre.
14. L’évolution de la situation a aussi eu des conséquences sur l’ampleur et sur les tâches de la KFOR, force de maintien de la paix au Kosovo, dirigée par l’OTAN au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, sur la base de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité. A la suite de la déclaration d’indépendance, l’Alliance a réaffirmé que la KFOR resterait au Kosovo, à moins que le Conseil de sécurité n’en décide autrement. Son contingent a toutefois été réduit à environ 10 000 soldats. La KFOR a notamment pour nouvelles missions d’aider au démantèlement du Corps de protection du Kosovo (KPC) et à la création de la Force de sécurité du Kosovo (KSF) ainsi que de la structure civile de supervision de la KSF. Ces missions sont mises en œuvre en coordination et en consultation étroites avec les autorités locales et internationales compétentes. La KFOR envisage de poursuivre la réduction de ses effectifs en 2010.
15. Pour compléter le tour d’horizon des principales organisations internationales présentes au Kosovo 
			(11) 
			Le rôle du Conseil
de l’Europe sera décrit plus loin., je tiens à citer l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui, sans avoir de pouvoirs exécutifs, détient un mandat lui permettant d’assumer le rôle de chef de file pour les questions concernant le renforcement des institutions et de la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit, en référence à la Résolution 1244 du Conseil de sécurité 
			(12) 
			Conseil permanent de
l’OSCE, Décision no 305, 1er juillet
1999.. Pour ce faire, la Mission de l’OSCE au Kosovo applique une politique de suivi en amont qui inclut le contrôle, l’analyse, la communication d’informations et la recommandation de mesures correctives pour les défaillances observées. Lorsque cela s’avère nécessaire, la mission dispense une formation et des conseils aux institutions. Avec un total de 224 agents internationaux et de 633 agents locaux, elle est actuellement la plus vaste mission de l’OSCE sur le terrain. Pour mener à bien son mandat et ses activités, elle dispose d’un réseau de cinq centres régionaux et de 33 équipes locales qui couvrent les 33 collectivités locales du Kosovo. Le budget de l’OSCE affecté à la mission au Kosovo pour 2010 s’élève à 23 546 600 euros.
16. Egalement après la déclaration unilatérale d’indépendance, les autorités serbes continuent d’avoir une influence sur la vie des membres de la communauté serbe au Kosovo. Cette influence est particulièrement prononcée dans les trois communes de Leposavić, de Zvečan et de Zubin Potok ainsi que dans le secteur nord de Mitrovica, zones situées dans la continuité du territoire de la Serbie et où les Serbes représentent la majorité de la population; elle reste plus limitée dans les enclaves serbes au sud de la rivière Ibar.
17. La voix de Belgrade se fait entendre par le biais de la télévision serbe et d’autres médias en langue serbe, de l’Eglise orthodoxe et de politiciens – pour certains élus aux élections locales serbes organisées sur le territoire du Kosovo 
			(13) 
			A l’issue des élections
de mai 2008, des assemblées et conseils locaux ont été créés. Toutefois,
Joachim Rücker, à l’époque représentant spécial du Secrétaire général
de l’ONU, s’est prononcé contre la tenue de ce type d’élections
et la reconnaissance des structures qui en découlent, puisque l’organisation
des élections par la Serbie sur le territoire du Kosovo allait à
l’encontre de la Résolution
1244 du Conseil de sécurité., pour d’autres déjà détenteurs d’un mandat de député à Belgrade acquis à l’issue des élections législatives serbes 
			(14) 
			Au Parlement serbe,
il existe une commission parlementaire sur le Kosovo-Métochie, avec
laquelle je me suis entretenu lors de ma visite à Belgrade en 2009. – et du ministère du Kosovo-Métochie au sein du Gouvernement serbe, dirigé par Goran Bogdanović, avec Oliver Ivanović comme secrétaire d’Etat.
18. Dans tout le Kosovo, des structures serbes recevant un financement de Belgrade (dites «structures parallèles») fournissent des services de base à la communauté serbe dans des domaines clés du quotidien tels que l’administration, la justice, la santé et l’éducation. Au niveau politique également, les autorités locales issues des élections kosovares fonctionnent parallèlement à celles issues des élections serbes. En outre, le Conseil judiciaire serbe a récemment annoncé sa décision de nommer des juges et des procureurs dans des municipalités du Kosovo. Au nord du Kosovo, où la majorité de la population est d’origine serbe, les structures serbes sont la référence principale des habitants.

3. Stabilité politique, gouvernance et démocratie

19. Dans la déclaration unilatérale d’indépendance, l’Assemblée du Kosovo proclamait le Kosovo république démocratique et faisait vœu de réaliser pleinement le potentiel démocratique de sa société. Depuis, une Constitution est entrée en vigueur, un effort législatif colossal a été déployé et un certain nombre de réformes dans les domaines de l’administration, de la justice et d’autres secteurs clés ont été entreprises. Cependant, il reste beaucoup à faire pour renforcer la stabilité politique et la gouvernance et hisser le niveau de démocratie du Kosovo à celui des normes européennes.
20. Les dernières élections pour l’Assemblée du Kosovo ont eu lieu en 2007, avant la déclaration d’indépendance. Elles ont été organisées par la MINUK, et le Conseil de l’Europe et l’OSCE ont joué un rôle de premier plan dans le processus d’observation 
			(15) 
			Voir le communiqué
de presse 801 (2007) du Conseil de l’Europe, «Les élections répondent
aux normes internationales, mais le taux de participation atteint
un niveau alarmant». La mission d’observation se composait d’une équipe
principale de huit experts internationaux basés à Pristina, sous
la direction de Giovanni Di Stasi (Italie), ancien président du
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.
Une délégation du Congrès et du Parlement européen a aussi pris
part à l’observation des élections. . A la suite du scrutin, un gouvernement de coalition a été formé par les deux partis majoritaires, le PDK de Hashim Thaci (37 sièges) et le LDK du Président Fatmir Sejdiu (25), avec à l’opposition, l’AKR, la LDD, l’AAK et d’autres partis mineurs 
			(16) 
			PDK = Parti démocratique
du Kosovo; LDK = Ligue démocratique du Kosovo; AKR = Alliance pour
un nouveau Kosovo (menée par Behgjet Pacolli); LDD = Ligue démocratique
de Dardanie; AAK = Alliance pour l’avenir du Kosovo (menée par Ramush
Haradinaj)..
21. En novembre 2009, l’organisation des élections locales incombait pour la première fois entièrement aux autorités du Kosovo. Ni le Conseil de l’Europe ni l’OSCE ne les ont observées ou ont été associés à leur organisation. Cependant, les autorités du Kosovo ont invité le Réseau européen des organisations d’observations électorales (ENEMO), un groupe de 18 organisations civiques majeures d’Europe centrale et orientale et d’Asie centrale, ayant une solide expérience dans le suivi des élections, à conduire une observation à court et à long terme. D’après l’ENEMO, ces élections se sont déroulées dans le calme et de manière ordonnée et, malgré quelques manquements aux règles de procédure, en globale conformité avec les normes européennes 
			(17) 
			Les déclarations de
l’ENEMO sont disponibles à l’adresse suivante: <a href='http://www.enemo.eu/kosovo2009.htm'>www.enemo.eu/kosovo2009.htm</a>.. Sur le plan politique, les résultats des élections ont fortement secoué le gouvernement de coalition: selon les rumeurs, le PDK formerait une nouvelle alliance avec l’AKR et la LDD, excluant la LDK. Ce remaniement a été jusqu’ici évité en dépit des tensions persistantes entre les partis de coalition.
22. La particularité la plus frappante des récentes élections au Kosovo est le faible taux de participation: autour de 30 % environ en 2007 (élections pour l’Assemblée du Kosovo) et de 38 % en 2009 (élections locales) 
			(18) 
			En
raison des incertitudes concernant les listes d’électeurs, il n’est
pas possible de fournir des chiffres exacts.. Ce phénomène est révélateur du mécontentement de l’électorat à l’égard du système politique. En plus d’être un problème généralisé en Europe, l’abstentionnisme touche particulièrement le Kosovo compte tenu de sa situation singulière, la classe politique étant couramment soupçonnée de corruption et d’entretenir des liens avec le crime organisé. Des Kosovars m’ont donné une explication supplémentaire au faible taux de participation aux élections de 2009: le gouvernement actuel a été mis en place pour obtenir l’indépendance, et c’est ce qu’il a fait; or, ce même gouvernement est incapable de tenir ses engagements pour les questions les plus urgentes qui préoccupent l’électorat une fois la question du statut réglée, à savoir le chômage, la situation économique, la fourniture de services de base et la qualité de ces services, et la lutte contre la corruption.
23. Quels que soient les résultats obtenus par les dirigeants actuels, le Kosovo a encore du chemin à parcourir pour consolider le fonctionnement démocratique de ses institutions: le débat politique à l’Assemblée est très limité; la législation et les décisions politiques tendent à être négociées hors de l’Assemblée, puis transmises pour approbation; il n’y a pas d’entente profonde sur le rôle de tutelle de l’Assemblée sur le gouvernement ni sur la dynamique entre la majorité et l’opposition dans un système démocratique; les partis politiques ne fonctionnent pas selon les règles démocratiques et reflètent les intérêts de quelques personnalités importantes de la société, familles ou structures liées à la période de la guerre; les médias et le corps judiciaire ne sont pas épargnés par les interférences politiques. La corruption en politique – y compris au plus haut niveau – et dans l’administration est un problème majeur, reconnu par tous les acteurs internationaux sur le terrain.
24. La question de la participation des communautés au système politique est essentielle pour son fonctionnement démocratique et sa légitimité politique. Des mesures spéciales ont été introduites afin d’assurer la représentation de communautés minoritaires dans l’Assemblée du Kosovo, et des majorités spéciales sont requises pour approuver des lois qui pourraient les affecter. Cependant, en pratique, assurer la représentation de la communauté serbe du Kosovo dans le système politique du Kosovo demeure un défi majeur.
25. Lors des scrutins qui ont eu lieu au Kosovo depuis 1999, la participation des Serbes du Kosovo aux élections législatives a été très faible, notamment en réponse aux appels de Belgrade en faveur de l’abstention. En conséquence, les sièges prévus pour les représentants serbes du Kosovo à l’Assemblée – au nombre de 10 – sont occupés par des politiciens dont la représentativité est mise en doute par Belgrade et par plusieurs personnalités politiques serbes du Kosovo. Pour des raisons similaires, les autorités de Belgrade ont contesté la légitimité des Serbes du Kosovo qui ont accepté d’occuper les fonctions de ministres au Gouvernement kosovar, comme c’est traditionnellement le cas pour le ministère des Communautés et des Retours.
26. La majorité des Serbes du Kosovo s’est également abstenue de voter aux élections locales de 2009 
			(19) 
			Le Gouvernement serbe
a officiellement déclaré que les conditions de participation des
Serbes du Kosovo aux élections étaient inexistantes et que les élections
n’étaient pas conformes à la Résolution
1244 du Conseil de sécurité de l’ONU., les premières après la déclaration d’indépendance: le taux de participation de cette communauté n’a pas dépassé 1 % dans le Nord. Toutefois, par rapport aux précédents scrutins, la participation plus importante des Serbes du Kosovo vivant dans les enclaves au sud de l’Ibar est une évolution importante qui tendrait à montrer qu’ils sont de plus en plus disposés à trouver un modus vivendi avec les institutions du Kosovo et que l’influence de Belgrade va diminuant.
27. Les avis divergent sur la participation globale des Serbes du Kosovo lors du scrutin de 2009: tandis que pour Belgrade le faible taux de participation ôte toute légitimité aux résultats du scrutin 
			(20) 
			«Small
Serb Turnout» («Faible taux de participation électoral
serbe»), communiqué de presse du 15 novembre 2009, www.kim.gov.rs/Press+releases/700/Small+Serb+turout+.shtml.
Le ministre Bogdanovic a également dénoncé des fraudes et des irrégularités
dans la conduite du scrutin., pour l’Union européenne, la participation de toutes les communautés est appréciable 
			(21) 
			Déclarations de la
présidence de l’Union européenne sur les premier et second tours
des élections, émises respectivement les 17 novembre et 15 décembre
2009..
28. Même s’ils ne bénéficient pas d’un soutien répandu ni ne représentent de réelles menaces pour la stabilité politique, les groupes extrémistes sont actifs au Kosovo. Le plus connu est Vetëvendosje (autodétermination), groupe qui s’oppose à la présence internationale et à la réforme de l’autonomie locale, en particulier à la création de nouvelles communes à la majorité serbe. Ce groupe a été responsable d’épisodes de violence au Kosovo.

4. Prééminence du droit

29. A l’heure actuelle, le manque de respect de la prééminence du droit constitue le principal problème au Kosovo. Il affecte la vie quotidienne des gens ordinaires, quelle que soit la communauté à laquelle ils appartiennent. Il a également une incidence sur la gouvernance, sur le fonctionnement du système politique et de l’administration, et sur la confiance de la population envers les institutions et le secteur privé. Il freine par ailleurs le développement économique puisque les investisseurs étrangers et locaux hésitent à engager des ressources dans de telles circonstances.

4.1. Développements récents

30. Depuis ma dernière visite au Kosovo, d’importantes évolutions ont eu lieu dans ce domaine. En mai 2010, après des mois d’enquête approfondie, la composante Justice d’EULEX a porté plainte contre Fatmir Limaj, ministre des Transports, et contre Nexhat Krasniqi, responsable de la passation des marchés dans le même ministère, pour blanchiment de capitaux, criminalité organisée, abus de pouvoir et corruption passive. Johan van Vreeswijk, procureur général EULEX a. i., a également révélé que six autres ministres du gouvernement font l’objet d’une instruction pour corruption 
			(22) 
			Voir le site <a href='http://www.balkaninsight.com/'>www.balkaninsight.com</a>.
31. Ce fait récent prouve, il faut l’espérer, à une large partie de l’opinion publique kosovare qu’EULEX est capable de s’attaquer à des affaires exemplaires et que le temps de l’impunité est révolu: l’enrichissement rapide de quelques personnalités proches ou issues du pouvoir politique kosovar saute aux yeux de chacun et, lors de ma dernière visite au Kosovo, divers interlocuteurs m’ont fait part de leur frustration et de leurs critiques devant les résultats obtenus par EULEX, qu’ils jugeaient incapable de s’attaquer à de telles affaires ou réticent à le faire.
32. Cela étant, il est inquiétant de constater que, dans un entretien avec le radiodiffuseur public, le Premier ministre, Hashim Thaçi, qui appartient au même parti que le ministre des Transports (PDK), ait remis en cause les actions d’EULEX et qu’il ait fait allusion à l’existence d’une «guerre politique» entre le Kosovo et les institutions internationales.
33. Je déplore cette erreur d’appréciation concernant le rôle d’EULEX, mission technique neutre du point de vue du statut qui a pour vocation de renforcer la prééminence du droit au Kosovo: EULEX n’est ni un tribunal international ni un organe politique. Cela étant, en dépit de son mandat et de sa nature, EULEX opère dans un environnement fortement politisé, ses actions ont des incidences politiques, sont passibles de manipulations politiques et soumises à analyse politique. J’étais de ce fait heureux d’apprendre qu’EULEX, avant ces affaires de premier plan, œuvrait déjà activement pour la tenue de tables rondes et l’organisation d’autres échanges avec la société civile du Kosovo dans le but d’expliquer son rôle et son mandat.
34. Autre fait important, qui met en évidence la difficulté d’appliquer l’Etat de droit au Kosovo, le procès d’Albin Kurti, leader de Vetëvendosje, qui a été arrêté pour incitation à la violence et obstruction du travail de la police au cours d’une manifestation. Ce procès a été ajourné pour la onzième fois, car M. Kurti n’a pas été amené au tribunal en dépit d’un mandat d’arrestation émis auparavant par le juge président d’EULEX. De plus, les avocats commis d’office ne se sont pas présentés, ce qui constitue une violation de leurs devoirs officiels 
			(23) 
			Ibid. .
35. Lors de ma dernière visite au Kosovo, je me suis entretenu avec des gens ordinaires qui estimaient qu’EULEX se trompait d’objectif en poursuivant Kurti. Cela étant, il est plus préoccupant encore que la police et les avocats eux-mêmes décident de ne pas accomplir leur devoir dans le but d’entraver le cours de la justice. Pour reprendre les propos d’EULEX, les instances disciplinaires de la police et le barreau devront intervenir.

4.2. Lutte contre la corruption

36. La corruption au Kosovo est généralisée à tel point qu’elle peut être qualifiée d’endémique; le phénomène est si profondément ancré dans la société que des efforts considérables de sensibilisation doivent être déployés afin d’encourager la population à signaler les affaires de corruption. D’un autre côté, il n’est pas rare que de tels signalements, lorsqu’ils ont lieu, soient fondés sur des rumeurs ou relèvent de la calomnie.
37. En vue de lutter contre la corruption, l’Agence anticorruption du Kosovo (KAA) a été créée. Sa mission est triple:
  • lutter contre la corruption, en effectuant, ex officio ou à la demande d’une partie, des enquêtes administratives sur d’éventuelles affaires de corruption et en transmettant les dossiers au bureau du procureur du Kosovo pour examen approfondi et/ou ouverture d’une procédure judiciaire si les preuves sont suffisantes; en élaborant des projets de loi en vue de compléter le cadre juridique dans ce domaine, en développant un plan d’action contre la corruption et en veillant à sa mise en œuvre;
  • prévenir la corruption, en examinant les déclarations patrimoniales des fonctionnaires de haut rang kosovars, en soulevant les cas de conflits d’intérêts et en consignant les cadeaux acceptés par les fonctionnaires;
  • assurer la formation des membres de la fonction publique au cadre juridique pertinent et organiser des campagnes de sensibilisation.
38. En deux ans de travail (2007 et 2008; le rapport 2009 est en cours d’élaboration), l’agence a ouvert 270 dossiers et, considérant que les motifs pour engager des poursuites étaient suffisants, en a transmis une centaine au bureau du procureur.
39. Malgré l’adoption de la Stratégie de lutte contre la corruption, le cadre législatif demeure incomplet. Plusieurs interlocuteurs ont, en particulier, déploré le manque de volonté des autorités kosovares pour adopter de toute urgence une nouvelle loi sur les achats publics.
40. Les actes de malversation dans la passation des marchés publics sont une forme de corruption fréquente. Plusieurs agents de passation de marchés ont été jugés. Ils sont toutefois considérés comme les maillons faibles de la chaîne et la responsabilité des actes de malversation incomberait en fait à des personnalités politiques qui ne laissent jamais de trace.
41. A l’heure actuelle, l’élaboration d’une nouvelle législation relative aux achats publics fait l’objet de discussions devant l’Assemblée du Kosovo. L’Agence anticorruption participe aux débats et défend trois idées essentielles:
  • rendre possible l’identification de la personne qui, au plan politique, est chargée de l’adjudication d’un appel d’offres donné;
  • mener un examen plus attentif des informations fournies par les entreprises concourant à un appel d’offres – informations, qui souvent, se sont avérées fausses;
  • introduire une clause sur le conflit d’intérêts.
42. L’Agence anticorruption participe régulièrement aux réunions de structures similaires dans la région afin d’échanger des informations et des bonnes pratiques. Elle bénéficie du soutien de la Commission européenne au travers de plusieurs projets visant à renforcer l’expertise et le professionnalisme de son personnel.

4.3. Système judiciaire

43. Toute tentative d’éradiquer la corruption est vouée à l’échec sans un système judiciaire efficace et digne de confiance. Malheureusement, au Kosovo, le système judiciaire se porte mal. Cela est en partie dû au fait que la grande majorité des juges et des procureurs actuellement en poste ont achevé leurs études au cours de la période précédant 1999 et ne sont pas au fait de la législation pertinente. Par ailleurs, en raison de l’absence d’évolution de carrière durant les années de guerre et sous administration de la MINUK, la moyenne d’âge des juges dans les tribunaux municipaux (la première instance de l’appareil judiciaire) est de 55 ans. Ces éléments, couplés aux faibles salaires, affectent la motivation des juges, leur souplesse d’adaptation à toute nouvelle législation et leur volonté d’abandonner certaines procédures ou pratiques inefficaces.
44. Ces problèmes sont aggravés par le manque d’indépendance de jure, en raison du système de désignation et de promotion 
			(24) 
			La
composition du Conseil judiciaire du Kosovo – organisme chargé du
recrutement et de la soumission de candidats pour les nominations
et le renouvellement des nominations au pouvoir judiciaire – donne
lieu de s’inquiéter compte tenu du nombre élevé de membres désignés
par l’Assemblée du Kosovo, qui implique le risque d’interférence
politique dans ses travaux., et le manque d’indépendance de fait, en raison de l’insuffisance des mesures visant à protéger les juges et les procureurs. La corruption est un phénomène particulièrement préoccupant, 80 % de l’ensemble des affaires de corruption impliquant, selon certains interlocuteurs, des membres du judiciaire.
45. L’efficacité dans le traitement des nombreux dossiers actuellement en souffrance est altérée par des problèmes techniques, tel que l’état déplorable du système de classement et d’archivage et par le manque de personnel, en raison du fait que seul un tiers des juges en exercice a passé avec succès la procédure de contrôle déontologique. La lenteur avec laquelle les juges kosovars s’acquittent de leur charge de travail a amené de nombreuses personnes à passer jusqu’à deux ans en détention provisoire, après quoi les dossiers sont normalement transmis aux juges EULEX pour être traités en priorité.

4.4. Composante Justice d’EULEX

46. Le déploiement d’EULEX n’a pas encore eu une influence décisive sur la situation générale du système judiciaire. En fait, les relations entre la composante Justice d’EULEX et le corps judiciaire kosovar ne sont pas toujours simples. D’une certaine manière, la présence des juges EULEX déplaît aux juges kosovars qui ont du mal à s’adapter à leurs méthodes de travail; la communication entre eux s’en ressent et se trouve également compliquée par la nécessité de faire appel à des interprètes.
47. En outre, la mission EULEX est confrontée à certaines difficultés qui lui sont propres:
  • le mandat de la mission de contrôler, guider et conseiller n’est pas simple à mettre en œuvre, compte tenu de la proportion entre la composante Justice d’EULEX et le personnel du système judiciaire du Kosovo: à Prizren, par exemple, le ratio entre les procureurs EULEX et leurs homologues kosovars est de 1 pour 17. Il n’est de ce fait pas évident pour EULEX d’avoir un aperçu complet des affaires traitées;
  • le rôle de contrôle, de guide et de conseil d’EULEX n’est pas aussi visible aux yeux du grand public que ses fonctions exécutives. De fait, les juges EULEX sont avant tout tenus de traiter les affaires urgentes ou les affaires pour lesquelles il est raisonnable de penser que les juges du Kosovo seraient soumis à des pressions extérieures excessives, notamment en cas de corruption impliquant d’éminentes personnalités ou de crimes de guerre;
  • le travail des juges et procureurs EULEX est ralenti par la nécessité de faire appel à des interprètes et à des traducteurs, non seulement lors de la lecture des dossiers et des auditions, mais aussi pour communiquer avec leurs collègues kosovars;
  • pour être en mesure de contrôler, guider et conseiller, le personnel d’EULEX doit être expérimenté. Toutefois selon la procédure de recrutement actuelle, les personnes concernées sont prévenues très peu de temps avant leur affectation, si bien que bon nombre des plus expérimentées ne se portent pas candidates ou refusent le poste. Il m’a été rapporté qu’il serait préférable qu’EULEX soit en mesure de dresser une liste des juges et procureurs auxquels il pourrait être fait appel en cas de besoin.
48. Depuis leur déploiement, les juges et les procureurs EULEX travaillent sans relâche: ils ont examiné et évalué les dossiers de crimes de guerre transmis par la MINUK, dégagé plusieurs affaires de crime organisé et de crimes de guerre à traiter en priorité et se sont chargés de plusieurs affaires d’infractions pénales interethniques et de propriété.
49. Au moment de ma première visite au Kosovo en 2009, les juges et procureurs EULEX dans le secteur nord de Mitrovica ne pouvaient faire leur travail en raison de la médiocrité du système d’archivage, mais surtout du refus des Albanais et des Serbes du Kosovo de collaborer à tous les niveaux (des juges aux agents d’entretien). Un an plus tard, j’ai été satisfait de constater que cette situation a évolué: les juges et les procureurs EULEX du tribunal de district du secteur nord de Mitrovica ont mené à bien un certain nombre de procès et un inventaire des dossiers a été entrepris avec la participation active du personnel albanais et serbe du Kosovo.
50. Le manque de clarté du système de sources des textes de loi n’a en revanche pas évolué: dans leurs tâches courantes, les juges EULEX sont aux prises avec un cadre juridique complexe et confus où différentes sources de droit telles les dispositions réglementaires de la MINUK, la Constitution du Kosovo, la législation promulguée par l’Assemblée du Kosovo et la législation serbe d’avant 1999 coexistent et se recoupent, sans indication claire sur laquelle de ces sources prédomine.

4.5. Police

51. Selon les divers interlocuteurs que j’ai rencontrés au Kosovo, y compris les membres de la mission EULEX eux-mêmes, la police du Kosovo (KPS) est correctement formée, son personnel suffisamment qualifié et elle dispose des ressources budgétaires et du matériel appropriés. Pourtant, la qualité de son commandement et ses capacités de direction stratégique soulèvent des inquiétudes alors que ces éléments sont essentiels pour surmonter certains grands obstacles à la prééminence du droit au Kosovo, tels que le crime organisé et la corruption.
52. Malgré les faibles salaires de ses agents, la KPS est relativement épargnée par la corruption. Sa justification de l’action menée pourrait néanmoins être consolidée, en particulier sa capacité à présenter publiquement ses activités et à répondre aux attentes de la communauté au niveau local dans le contexte d’une société pluriethnique. Pour ce faire, il importe que la KPS renforce son système de collecte des données sur l’origine ethnique des victimes d’infractions pénales et de catégorisation des infractions «à probable motivation ethnique».
53. Pour ce qui est du caractère pluriethnique de la KPS, sur 325 agents de police serbes du Kosovo qui ne se sont pas présentés à leur poste après la déclaration unilatérale d’indépendance, 318 ont repris leur service et ont été réintégrés, sous la supervision d’EULEX. La mixité visible des forces de police et les patrouilles conjointes sont essentielles pour gagner la confiance des communautés, en particulier dans les zones où vivent des minorités. Il convient toutefois de redoubler d’efforts pour encourager le recrutement de Serbes du Kosovo dans la KPS au nord du territoire.

5. Le cadre des droits de l’homme

5.1. Droit et politiques

54. Selon la Constitution du Kosovo 
			(25) 
			Article 22., plusieurs instruments internationaux sont directement applicables au Kosovo y compris, entre autres, la Convention européenne des droits de l’homme, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination et la Convention contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
55. Dans la situation actuelle, où le statut d’Etat autoproclamé du Kosovo est contesté et où la question est ouverte sur le fait que le Kosovo puisse devenir signataire d’un quelconque de ces instruments dans un futur proche, l’incorporation d’instruments internationaux des droits de l’homme dans la législation nationale est une condition préalable fondamentale pour veiller à ce que la population kosovare bénéficie d’un niveau de protection des droits de l’homme équivalent à celui des autres Européens.
56. Bien qu’il s’agisse d’une condition indispensable, cette incorporation n’est cependant pas en soi une garantie de protection efficace des droits de l’homme car:
  • les connaissances générales des juristes et des membres du corps judiciaire sur ces instruments sont limitées;
  • le public n’est pas au fait de ces instruments ni des droits qui en découlent.
57. De plus, il convient de noter que même si, conformément à la Constitution, la Convention européenne des droits de l’homme s’applique au Kosovo, il n’existe pas de fondement juridique donnant compétence à la Cour européenne des droits de l’homme, le Kosovo n’étant pas membre du Conseil de l’Europe et ne pouvant donc être signataire de la Convention. Cela signifie que les tribunaux kosovars, à tous les niveaux de juridiction, se chargeront d’affaires qui soulèvent des points au titre de la Convention.
58. J’estime que la présence de trois juges internationaux à la Cour constitutionnelle est un élément important qui va renforcer l’indépendance de la plus haute autorité judiciaire mais aussi sa capacité à assurer une cohérence avec les instruments européens et internationaux des droits de l’homme 
			(26) 
			A l’heure actuelle
les trois juges internationaux sont Mme Nezhana
Botusharova-Doicheva de Bulgarie, M. Robert Carolan des Etats-Unis
et M. Almiro Simões Rodrigues du Portugal..
59. Pour ce qui est des politiques, il y a une prise de conscience au niveau institutionnel au Kosovo que des mesures supplémentaires doivent être prises pour passer de la théorie à la pratique: en décembre 2008, le gouvernement a publié un Plan d’action stratégique pour 2009-2011 sur les droits de l’homme fixant pour objectif la création de plusieurs instruments, tels qu’un examen périodique de la mise en œuvre de la législation, une communication des informations et un suivi réguliers, un renforcement des capacités institutionnelles et des ressources appropriées, une meilleure formation et une coopération renforcée entre les instances gouvernementales et la société civile. Dans l’ensemble, ce plan d’action a reçu une évaluation positive 
			(27) 
			Rapport du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Mission spéciale au
Kosovo (du 23 au 27 mars 2009), CommDH(2009)23 du 2 juillet 2009,
paragraphes 33 et 34..
60. Au vu de ce qui a été dit précédemment sur le système judiciaire au Kosovo, il semble judicieux de renforcer le rôle du Conseil de l’Europe en matière de formation spécialisée des juges, procureurs et juristes sur la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres instruments du Conseil de l’Europe. En outre, le Conseil de l’Europe pourrait jouer un rôle dans l’organisation de campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme ou d’autres activités destinées à la société civile ou au grand public.

5.2. Médiateur

61. Le Bureau du médiateur est une institution indépendante qui traite des violations présumées des droits de l’homme et des abus d’autorité des institutions locales ou centrales au Kosovo. Créé en 2000 en vue d’améliorer la gamme des mécanismes de protection des droits de l’homme, il avait au départ une dimension internationale, jusqu’à ce que la MINUK prenne des mesures en 2005 pour en faire un organe local.
62. Il est regrettable que ce ne soit qu’en juin 2009, après de vaines tentatives, que l’Assemblée du Kosovo ait pu élire un médiateur, en la personne de Sami Kurteshi.
63. Lors de ma première visite à Pristina, je me suis longuement entretenu avec M. Hilmi Jashari, le médiateur en exercice, ad intérim de 2005 à 2009, qui m’a donné un aperçu intéressant des travaux importants que réalise son bureau. Son succès et la crédibilité dont il peut se prévaloir auprès de l’ensemble des communautés du Kosovo sont dus à la fois à la nature pluriethnique et au savoir-faire de son personnel, en poste dans différentes parties du Kosovo 
			(28) 
			Comme indiqué dans
le 8e rapport annuel du médiateur 2007-2008
(<a href='http://www.ombudspersonkosovo.org/?id=2,e,74'>www.ombudspersonkosovo.org/?id=2,e,74</a>). .
64. Comme l’a confirmé le médiateur actuellement en poste, M. Kurteshi, les responsables politiques et les institutions restent toutefois peu sensibilisés à la question des droits de l’homme. Les rapports du médiateur ne sont jamais débattus à l’Assemblée du Kosovo, en dépit du fait que le Bureau du médiateur gère un volume d’affaires de plus en plus important, et ce en raison du manque de confiance de la population dans le système judiciaire.

5.3. Responsabilité en matière de droits de l’homme des institutions internationales

65. En réaction à l’immunité du personnel de la MINUK et de la KFOR de toute juridiction au Kosovo, la Commission de Venise a recommandé en 2004 la mise en place d’un mécanisme approprié et cohérent d’examen des violations présumées de droits de l’homme dont il pourrait être responsable 
			(29) 
			Commission de Venise,
«Avis sur les droits de l’homme au Kosovo: établissement éventuel
de mécanismes de contrôle» (2004).. Suivant cet avis la MINUK a mis en place le Comité consultatif sur les droits de l’homme (Human Rights Advisory Panel) en 2006.
66. Le Comité consultatif sur les droits de l’homme examine des plaintes concernant des violations présumées de droits de l’homme commises par ou attribuables à la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et adresse des recommandations au Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG) au Kosovo lorsque cela est nécessaire. Le comité se compose de trois responsables internationaux, qui siègent à Pristina tous les mois pour rendre des décisions sur les plaintes dirigées contre la MINUK. Lorsqu’une plainte est recevable, le comité émet un avis indiquant si la MINUK est responsable de violation de l’un des instruments de protection des droits de l’homme en vigueur au Kosovo. Si le comité décide qu’il y a eu violation, l’avis peut inclure des recommandations au RSSG. Ce dernier doit alors expliquer publiquement comment il/elle compte réagir à ces recommandations.
67. Ce mécanisme a été critiqué dans le passé par l’Assemblée car ses recommandations ne sont pas contraignantes 
			(30) 
			Résolution de l’Assemblée
1533 (2007) sur la situation actuelle au Kosovo.. Il convient par ailleurs de souligner que c’est le seul mécanisme indépendant spécifiquement chargé des violations présumées de droits de l’homme commises par ou attribuables à la mission sur le terrain des Nations Unies. A noter en outre ce fait intéressant: une décision récente, rendue par le comité, recommande à la MINUK d’attribuer des indemnités financières aux plaignants en cas de préjudice moral 
			(31) 
			Avis relatif aux affaires
jointes Milogorić et autres (affaires nos 38/08,
58/08, 61/08, 63/08 et 69/08)..
68. Comme l’a solidement argumenté le Commissaire Hammarberg dans son rapport, l’évolution de la situation sur le terrain avec le déploiement de la mission EULEX requiert une nouvelle évaluation si cette nouvelle présence internationale dispose de mécanismes efficaces de justification de l’action menée. Pour cette raison, la commission des questions politiques a approuvé ma proposition de demander à la Commission de Venise de produire un avis de suivi sur les mécanismes d’examen de la compatibilité des actes de la MINUK et d’EULEX avec les normes de droits de l’homme au Kosovo. Il me tarde d’étudier les points de vue et propositions de la Commission de Venise, qui devraient être finalisés d’ici au mois de septembre de cette année.

6. Situation des communautés non albanaises

69. Selon l’Office de statistiques du Kosovo, la population se compose de 92 % d’Albanais de souche, de 5,3 % de Serbes et de 2,7 % d’autres groupes ethniques, notamment roms, ashkalis, égyptiens, turcs et bosniaques 
			(32) 
			Voir
le site www.ks-gov.net..
70. Cependant, ces données ne sont pas totalement fiables, le dernier recensement datant de 1991 
			(33) 
			A cette période, la
composition ethnique du Kosovo était la suivante: 81,6 % d’Albanais,
9,9 % de Serbes et 8,5 % d’autres groupes ethniques. Il convient
toutefois de noter que ces chiffres ne sont pas totalement fiables,
une partie de la population du Kosovo ayant boycotté le recensement. . La préparation d’un nouveau recensement en cours depuis 2005, avec la participation du Conseil de l’Europe, est entravée par des difficultés d’ordre technique et politique, notamment liées à l’inclusion dans les données de la population déplacée du Kosovo. Pour l’heure, ce recensement est toutefois programmé pour 2011.
71. D’après les organisations présentes sur le terrain, la situation est globalement calme en matière de sécurité, mais néanmoins fragile au nord 
			(34) 
			Rapport
du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire
des Nations Unies au Kosovo, 30 septembre 2009, S/2009/497.. Dans le climat actuel, où les communautés vivent séparément et n’ont pas confiance les unes en les autres, des incidents futiles ou des crimes ordinaires sans motivation ethnique pourraient mettre le feu aux poudres et dégénérer en violence interethnique.
72. Un an après ma dernière visite au Kosovo, j’ai été frappé de constater un changement au sein de la communauté serbe, avec un fossé grandissant entre les Serbes du Kosovo vivant au nord et ceux installés au sud de l’Ibar.
73. De plus en plus de Serbes du Kosovo vivant au sud sont prêts à trouver un modus vivendi avec les autorités du Kosovo, à condition de bénéficier d’une autonomie la plus large possible et des normes les plus élevées concernant la protection des droits des minorités, y compris le droit de recevoir une éducation et de s’adresser à l’administration dans leur propre langue. L’augmentation inattendue du taux de participation des Serbes du Kosovo vivant au sud aux élections locales du mois de novembre témoigne également de cette tendance.
74. Des Serbes vivant dans des enclaves dans le sud m’ont affirmé ne rencontrer aucun problème de sécurité et être en mesure d’exercer leur liberté de circulation. Cependant, ils continuent d’être confrontés à de grandes difficultés: certaines d’entre elles sont partagées par toutes les communautés, par exemple le taux élevé de chômage et le système judiciaire peu digne de confiance; d’autres leur sont spécifiques, telles que la non-reconnaissance de leurs documents d’identité et la discrimination perçue ou réelle. En tout état de cause, même s’il n’y a pas de violences interethniques, les communautés continuent de vivre séparément les unes des autres et leur degré d’interaction est négligeable.
75. A l’inverse, au nord, la situation est tendue:
  • les Serbes du Kosovo vivant au nord continuent de juger ouverte la question du statut du Kosovo;
  • ils redoutent la Stratégie pour le Nord, initiée par les autorités du Kosovo en consultation avec le Bureau civil international (BCI), qu’ils considèrent comme une tentative de Pristina pour affirmer, de fait, son autorité illégale sur le nord;
  • par ailleurs, les divergences politiques entre la majorité et les forces d’opposition à Belgrade (dont le gouvernement est une coalition entre le parti démocratique DS et les socialistes) et le nord du Kosovo (dont les principaux partis sont le parti démocratique de Serbie DSS et les radicaux) ont des répercussions sur le plan local:
    • dans certaines municipalités clés du nord, les nouveaux maires du parti DS ont été mis en place en remplacement de maires DSS à la suite des procédures exceptionnelles;
    • les représentants DSS que j’ai rencontrés à Mitrovica-nord déplorent que leurs voix ne soient pas suffisamment entendues à Belgrade, notamment au ministère pour le Kosovo-Métochie, et craignent que l’actuel gouvernement adoucisse sa position sur le Kosovo en gage de bonne volonté pour avancer sur la voie de l’intégration à l’Union européenne.
76. J’ai également été frappé par le manque d’information de la communauté serbe, notamment au nord. Je suis convaincu que l’accès de la communauté serbe à un large éventail de médias présentant des points de vue différents sur la situation au Kosovo pourrait jouer un rôle positif pour désamorcer les tensions et aider la population à prendre des décisions plus éclairées. A cet égard, j’encourage vivement le projet de l’Association des journalistes du Kosovo visant à promouvoir les échanges d’articles et de reportages entre journalistes de communautés différentes.
77. Sud de l’Ibar: il convient de noter la nouvelle attitude pragmatique de Belgrade à l’égard des Serbes du Kosovo qui vivent dans les enclaves, par exemple, dans le domaine de l’approvisionnement en énergie. En effet, contrairement aux années précédentes, les autorités serbes ont conseillé aux Serbes du Kosovo coupés du réseau Kosovo Energy Corporation de signer des contrats avec cette compagnie, malgré son nom. Cette mesure a aussitôt amélioré la qualité de vie des personnes concernées.
78. Malgré cela, des difficultés persistent: par exemple, les Serbes du Kosovo ont toujours du mal à obtenir des cartes d’identité auprès des autorités kosovares, qui ne reconnaissent pas les certificats de naissance délivrés par les autorités «parallèles» serbes au Kosovo après juin 1999. Le même problème se pose avec les permis de conduire. En outre, les diplômes d’études officiels estampillés «République du Kosovo» ne sont reconnus ni par l’université d’Etat de Mitrovica ni par les universités en Serbie proprement dite 
			(35) 
			Ibid..
79. Il est à espérer que la réforme de l’autonomie locale entreprise par les autorités kosovares en réponse à la proposition Ahtisaari finira par améliorer les conditions de vie et la gouvernance, également dans les zones où vit la communauté non albanaise. Cette réforme consiste à modifier les frontières administratives de plusieurs communes et à renforcer leurs compétences et pouvoirs budgétaires. Des équipes de préparation ont été mises en place à l’échelon local à Gracanica, à Klokot, dans le secteur nord de Mitrovica, à Partes et à Ranilug.
80. Enfin, je tiens à rappeler la situation particulière des communautés rom, ashkali et égyptienne (RAE) qui, dans tout le Kosovo, sont confrontées à la marginalisation et à la discrimination dans les domaines de l’éducation, de la protection sociale, de la santé et du logement, et sont parfois apatrides 
			(36) 
			Pour régler ce problème,
le Gouvernement du Kosovo a adopté une «Stratégie d’intégration
des communautés rom, ashkali et égyptienne en République du Kosovo»,
2009-2015. . Comme l’a souligné Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme, dans son rapport, la situation des personnes déplacées issues de minorités RAE qui vivent dans trois camps situés au nord du Kosovo est particulièrement préoccupante: les conditions de vie y sont très difficiles; en outre, les camps de Cesmin Lug et de Osterode, dans lesquels vivent respectivement 163 et 376 personnes, sont exposés à une contamination au plomb 
			(37) 
			Rapport du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Mission spéciale au
Kosovo (23 au 27 mars 2009), CommDH(2009)23 du 2 juillet 2009, paragraphes
130 à 150.. Malgré l’engagement clair pris par le Gouvernement du Kosovo et d’autres parties prenantes pour reloger ces personnes, des personnes déplacées issues des minorités RAE vivent depuis dix ans dans des camps contaminés par le plomb. Il est indispensable que les autorités du Kosovo et la communauté internationale prennent des mesures urgentes face à cette situation, en vue de trouver une solution définitive et d’assurer un traitement médical aux personnes souffrant de saturnisme.
81. Pendant ma dernière visite au Kosovo, j’ai eu l’opportunité de visiter le village de Mamusa, dans le sud du Kosovo, où la majorité de la population appartient à la communauté turque kosovare. J’ai été impressionné par les travaux publics que les autorités locales ont entrepris dans ce village, grâce aux fonds mis à disposition par Pristina dans le cadre du processus de décentralisation. Le Gouvernement turc a aussi été à même de financer la construction d’une école et d’une mosquée, en faisant transiter les ressources nécessaires par Pristina. J’ai été informé que les relations interethniques étaient bonnes et que la minorité turque n’était confrontée à aucune difficulté particulière, exception faite pour les problèmes auxquels tout le monde est confronté au Kosovo, tels que le chômage et un système judiciaire inefficace.
82. Toute discussion sur la situation des communautés au Kosovo se doit de mentionner qu’il est essentiel d’établir la confiance entre les personnes issues des différentes communautés. Dans ce processus, certains points me semblent particulièrement importants: protection du patrimoine religieux et culturel, personnes portées disparues, coopération avec la justice pour recenser les fosses communes et identifier les criminels de guerre, condamnation publique des crimes interethniques et volonté politique de ne pas les laisser impunis, déclarations publiques de hauts responsables politiques en faveur du dialogue et de la réconciliation.

7. Personnes déplacées

83. Lors de ma visite à Belgrade en juin 2009, j’ai eu l’occasion de visiter le centre collectif pour personnes déplacées «ORA-Sartid» de Smederevo, qui héberge 539 personnes, dont 474 personnes internes (144 familles) et 63 réfugiés (25 familles). La grande majorité de ces personnes vient du Kosovo; certaines ont déjà été déplacées à deux reprises (du Kosovo et à la suite de précédents conflits sur le territoire de l’ex-Yougoslavie). L’hébergement se fait dans 34 structures préfabriquées, qui comptent en tout 230 chambres. Le chauffage central, l’eau et l’électricité sont fournis à titre gracieux, ainsi qu’un repas chaud par jour. Les résidents ont accès aux services de santé et aux établissements scolaires locaux.
84. En plus de rencontrer le directeur, les pouvoirs locaux et le personnel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), j’ai pu m’entretenir librement avec plusieurs familles qui vivent au centre depuis 1999. Seules 15 d’entre elles sur la totalité des résidents ont un emploi régulier. Certaines sont allées au Kosovo récemment dans le cadre des visites «pour se rendre compte» organisées par le HCR. Aucune des personnes que j’ai rencontrées ne souhaitait retourner s’installer au Kosovo, principalement en raison du sentiment d’insécurité, de l’absence de possibilités d’emploi et d’éducation, de la crainte de se retrouver dans un cadre totalement différent de celui qu’elles connaissaient – discrimination, communauté serbe peu nombreuse ou inexistante et administration albanaise. J’ai rencontré une Albanaise dont le mari décédé était serbe: même veuve, elle ne pouvait s’imaginer vivre dans le nouveau Kosovo.
85. Selon les estimations, environ 235 000 Serbes, Roms et membres d’autres communautés minoritaires ont fui le Kosovo fin juillet 1999 et se sont réfugiés, en majorité, en Serbie et dans d’autres pays de la région ou en dehors. En 2004, 4 200 personnes supplémentaires (Serbes, Roms et Ashkali) ont été déplacées.
86. Fin 2009, les personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo étaient au nombre de 19 670, parmi lesquelles 10 342 Serbes, 7 550 Albanais, 695 Ashkalis, 676 Roms et 301 Egyptiens 
			(38) 
			Données statistiques
communiquées par le HCR.. La grande majorité se concentre dans la zone de Mitrovica, devant Pristina, Gracanica et Strpce. D’après le Gouvernement serbe, 205 211 habitants du Kosovo sont actuellement déplacés en Serbie proprement dite, et 16 197 au Monténégro.
87. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) 
			(39) 
			Données
statistiques communiquées par le HCR, fin 2009., au cours de la période 2000-2009, 19 827 personnes sont retournées au Kosovo, dont 42,61 % de Serbes, 26,08 % d’Ashkalis et d’Egyptiens, 13,92 % de Roms et 4,14 % d’Albanais. Durant cette période, 12 300 personnes sont revenues de Serbie proprement dite, 2 858 du Monténégro, 797 de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», 243 de Bosnie-Herzégovine, 2 856 d’autres parties du Kosovo et 773 de pays hors de la région. Après une diminution de plus de 62 % du nombre de retours en 2008, probablement liée à la déclaration unilatérale d’indépendance, la tendance au retour en 2009 connaît une augmentation de 70 % en comparaison avec la même période l’année précédente.
88. D’après le HCR, fin 2009, 1 366 familles (5 000 individus) ont fait part de leur intérêt pour un retour au Kosovo. Au Gouvernement du Kosovo, le ministère des Communautés et des Retours traite les demandes même si la réintégration des personnes de retour continue de poser des problèmes de taille compte tenu de l’absence de possibilités d’emploi, de la fragilité de la situation économique et de la difficulté d’accès aux services de base. La construction et la reconstruction de maisons compte parmi les priorités du ministère, de même que l’investissement dans les projets de développement de la communauté en vue d’accroître la durabilité des retours.
89. Pristina et Belgrade n’entretenant aucune relation officielle, les bureaux du HCR des deux villes ont connu, par rapport à l’année précédente, une augmentation de 70 % du nombre de retours volontaires au Kosovo.
90. Le HCR participe très activement à la promotion de visites permettant aux personnes déplacées d’obtenir des informations directes sur la situation sur le terrain: 76 visites «pour se rendre compte» et 32 visites «pour s’informer» ont été organisées avec la participation du HCR en 2009, bénéficiant à 957 personnes déplacées/réfugiés du Kosovo déplacés au Kosovo, en Serbie proprement dite, au Monténégro et dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» 
			(40) 
			Données statistiques,
fin 2009. .
91. Le fait que la grande majorité des Etats membres de l’Union européenne ait reconnu l’indépendance du Kosovo a soulevé des inquiétudes sur une augmentation possible du nombre de retours forcés, non seulement de personnes du Kosovo qui n’avaient pas de titre légal de résidence à l’étranger mais aussi de personnes qui bénéficiaient auparavant de quelque forme de protection internationale.
92. Le Gouvernement du Kosovo a approuvé en 2007 une stratégie de réintégration des personnes de retour. Cette stratégie décrit les activités nécessaires à la réintégration des personnes renvoyées de force au Kosovo. Elle prévoit leur accueil initial à l’aéroport de Pristina, leur transport vers leur lieu d’origine et leur réintégration au Kosovo. Un plan d’action a ensuite été approuvé en avril 2008. Il reste toutefois largement inappliqué et aucun budget pour les activités en question n’a pour l’instant été alloué. Lors de ma visite à Pristina en 2009, le ministre de l’Intérieur a attiré mon attention sur l’importance d’éviter les retours forcés à grande échelle, qui pourraient mettre à mal les ressources économiques déjà limitées du Kosovo 
			(41) 
			Lors
de la rédaction du présent rapport, une nouvelle stratégie de réintégration
avait été adoptée..
93. Jusqu’ici, les données du HCR révèlent une tendance tout aussi intéressante qu’inquiétante: les retours forcés ne sont pas en augmentation dans l’ensemble (on en comptait 3 219 en 2007, 2 550 en 2008 et 2 407 en 2009), alors que le retour de personnes issues de communautés minoritaires qui pourraient encore nécessiter une protection internationale est en hausse (68 personnes en 2007, 71 en 2008 et 136 en 2009).
94. Il est essentiel de résoudre les problèmes liés au déplacement et de protéger le droit des personnes déplacées de retourner chez elles en toute dignité et sécurité, avec de réelles possibilités de réintégration, pour assurer la coexistence pacifique des communautés au Kosovo. Dans ce contexte, je tiens à évoquer plusieurs questions importantes sur lesquelles je reviendrai plus en détail au cours de mes travaux.

7.1. Personnes nécessitant une protection internationale

95. Comme l’a fait observer à maintes reprises le HCR, toute demande de protection internationale doit être examinée sur la base de ses mérites. Dans le cas particulier du Kosovo, le changement de situation sur le terrain en raison de la déclaration unilatérale d’indépendance n’élimine pas le risque de persécution, d’atteintes graves ni l’accumulation d’actes discriminatoires que peuvent subir certains groupes de personnes.
96. Selon le HCR 
			(42) 
			HCR,
Lignes directrices pour évaluer le besoin d’une protection internationale
de personnes du Kosovo, 9 novembre 2009, HCR/EG/09/01., ces groupes comprennent:
  • les Serbes et les Albanais du Kosovo qui vivent dans les zones où ils sont en minorité;
  • les Roms du Kosovo présents sur tout le territoire du Kosovo;
  • les minorités ashkali et égyptienne (parfois prises pour des Roms et qui, tout comme eux, n’ont souvent pas de papiers d’identité et se heurtent donc à des difficultés en matière d’accès aux services sociaux, aux soins de santé et à l’éducation);
  • les personnes dont le conjoint appartient à une ethnie différente de la leur et les personnes d’origine ethnique multiple;
  • les personnes soupçonnées d’avoir été associées aux autorités serbes après 1990;
  • les victimes de la traite;
  • les victimes de violences familiales;
  • les personnes qui demandent une protection en invoquant leur orientation sexuelle.

7.2. Droits de propriété

97. Les personnes qui ont fui le Kosovo en 1999 et en 2004 ont laissé derrière elles leurs maisons, leurs entreprises et leurs terres. Depuis lors, nombre de biens ont été endommagés, détruits, occupés illégalement et des bâtiments construits sans autorisation.
98. Dans le cas spécifique du Kosovo, plusieurs éléments compliquent la restauration des droits de propriété:
  • avant 1999, les transactions de biens étaient souvent informelles et enregistrées de façon inappropriée;
  • la plupart des archives de droits de propriété pour la période d’avant 1999 se trouvent à Belgrade;
  • les certificats de propriété existants ne sont pas toujours précis ni authentiques;
  • les organismes du cadastre du Kosovo et de la Serbie ne coopèrent pas entre eux et ne reconnaissent pas les titres de propriété de chacun;
  • le cadre juridique pertinent n’est pas toujours clair ni cohérent et s’appuie sur différentes sources de droit dont la hiérarchie est confuse.
99. La restauration des droits de propriété est un préalable essentiel pour que les personnes de retour retrouvent une vie normale, tel que décrit dans la Résolution 1708 (2010) sur la résolution des problèmes de propriété des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. La restauration des droits en rétablissant l’accès physique aux biens par la restitution, ou par l’attribution d’une propriété ou d’une valeur équivalente par la compensation, sont des formes essentielles de réparation qui ont leurs bases juridiques dans plusieurs instruments du Conseil de l’Europe, en particulier les articles 6, 8, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), l’article 1er de son Protocole additionnel et l’article 2 de son Protocole no 4, l’article 31 de la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et l’article 16 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157). De plus, en ce qui concerne les personnes déplacées, le Comité des Ministres lui-même, dans la Recommandation Rec(2006)6 relative aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, a confirmé leurs droits à avoir la jouissance de leurs propriétés, et de reprendre possession de leurs biens laissés derrière eux ou, à défaut, à se voir attribuer une compensation adéquate.
100. Au cours de ma récente visite, j’ai été informé par le président du conseil d’administration de l’Agence de la propriété au Kosovo (KPA), l’ambassadeur britannique, M. Andy Sparkes, qu’elle devait achever le traitement de l’ensemble des plaintes enregistrées (40 718) d’ici à la fin de l’année 2011. Cette échéance tient compte d’un retard d’environ six mois lié à la nécessité de réexaminer un certain nombre de plaintes (jusqu’à 87 %) dans lesquelles s’étaient produites des erreurs de notification: en raison du manque de coopération entre la KPA et l’Agence cadastrale du Kosovo, les indications physiques placées sur les parcelles pour matérialiser les droits de propriété à la suite des décisions de la KPA ne correspondaient pas à l’emplacement exact des parcelles telles qu’inscrites au registre cadastral.
101. Un développement positif qui permettra d’améliorer la situation des Serbes du Kosovo déplacés en Serbie est la conclusion d’un mémorandum d’accord entre la KPA et le bureau du HCR à Belgrade. Selon ce mémorandum, le HCR convient de transmettre à la KPA au Kosovo les informations et les preuves documentaires présentées par les Serbes du Kosovo à Belgrade, afin de finaliser les décisions sur les plaintes liées aux propriétés. Ce mémorandum d’accord – qui n’a pas encore été conclu pour l’heure – aidera à contourner les difficultés nées de la décision des autorités serbes de fermer le bureau de la KPA à Belgrade, à la suite de l’entrée en vigueur de la Constitution du Kosovo et au transfert de la KPA sous l’autorité du représentant civil international.
102. Comme l’a fait observer l’ONG PRAXIS, qui fournit des conseils juridiques et propose aux réclamants de les représenter, le fait de rendre une décision ne règle pas la situation pour autant 
			(43) 
			PRAXIS, «Protection
of rights of internally displaced persons, in anticipation of a
durable solution», Belgrade, 2009.. En effet:
  • l’application des ordonnances d’expulsion n’est pas systématique;
  • une multitude d’affaires n’ont pas été soumises à la KPA car le délai n’était pas suffisant et avait expiré.
103. Dans ces cas précis, la seule voie de recours possible est une procédure devant les tribunaux du Kosovo, avec toutes les difficultés que cela suppose.

7.3. Intégration des personnes déplacées en Serbie proprement dite

104. Le retour des personnes déplacées au Kosovo devrait être un droit, non une obligation. Tout doit être mis en œuvre pour s’assurer que des solutions dignes et à long terme sont trouvées pour les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas retourner chez elles.
105. Les autorités serbes devraient proposer une solution de remplacement viable en faveur de l’intégration des personnes déplacées du Kosovo qui se trouvent en Serbie proprement dite. Lors de mes réunions avec le ministre du Kosovo-Métochie et le ministre des Affaires sociales à Belgrade, ma proposition d’établir, sans plus tarder, des programmes destinés à lutter contre le taux de chômage élevé des personnes déplacées ainsi que d’autres mesures visant à favoriser l’intégration de ces dernières dans la société a reçu un bon accueil. Il me tarde de recevoir de plus amples informations sur les mesures qui seront prises dans ce contexte.

8. Les médias

106. L’influence politique sur les médias est un problème majeur. D’abord, la presse ne peut assurer sa pérennité par ses seules ventes (selon des estimations de l’Association des journalistes du Kosovo, chaque quotidien tire environ à 3 000 exemplaires par jour, à un prix unitaire de 20 cents). La presse est donc fortement tributaire de la publicité comme source de financement. Cependant, cette situation affecte leur indépendance éditoriale car quasiment toutes les publicités sont des offres d’emploi publiées par le gouvernement, en sa qualité de premier employeur du Kosovo. En moyenne, les quotidiens consacrent un tiers de leurs pages à la publicité. D’où une situation d’autocensure généralisée, dans laquelle les journalistes et les rédacteurs évitent de se montrer trop critiques à l’égard du gouvernement et des institutions par crainte de perdre leur principale source de financement.
107. Un problème plus spécifique affecte l’indépendance du radiodiffuseur public, la RTK. La RTK était financée par des redevances télévisuelles collectées en même temps que les factures d’électricité. Cette forme de financement était stable et garantissait l’indépendance de la RTK. Cependant, en novembre 2009, la Cour constitutionnelle a jugé cette procédure contraire à la Constitution. De ce fait, le financement par les redevances télévisuelles a pris fin. Désormais, la RTK est financée par le budget ordinaire du Kosovo, jusqu’à ce qu’une autre source de financement soit trouvée. Il va sans dire que cette solution affecte l’indépendance du radiodiffuseur public.
108. D’autres problèmes ont été portés à mon attention, notamment:
  • le manque de compréhension, au sein de la classe politique, du rôle d’un radiodiffuseur public et la confusion avec le concept de «radiodiffuseur d’Etat»;
  • la pression politique exercée sur l’ancien conseil d’administration de la RTK, dont plusieurs membres éminents ont été contraints à démissionner;
  • la méconnaissance du secteur des médias parmi les membres du conseil d’administration nouvellement élu de la RTK.

9. La situation des femmes

109. Au Kosovo, plusieurs ONG de femmes se montrent actives. A l’Assemblée du Kosovo, un groupe informel de parlementaires femmes a été créé. Elles se plaignent toutes du modèle patriarcal de la société kosovare et de la difficulté pour les femmes de faire entendre leur voix. Certains représentants d’ONG ont souligné que la présence internationale au Kosovo, notamment la MINUK, n’a pas déployé beaucoup d’efforts pour promouvoir l’égalité des genres et a même parfois montré le mauvais exemple. Je crois fortement que les femmes au Kosovo peuvent apporter une contribution importante à la réconciliation entre les communautés et au renforcement du caractère démocratique des institutions.
110. Bien que du point de vue juridique, l’égalité des genres et la non-discrimination fondée sur le genre soient reconnues, la mise en œuvre de la loi est une autre affaire. La situation des femmes est particulièrement délicate dans les zones rurales. Rares sont les femmes à bénéficier d’une indépendance financière ou à être propriétaires de leur lieu de résidence. Par ailleurs, elles sont défavorisées en matière d’héritage. Dans ces circonstances, même victimes de violences domestiques, elles sont peu enclines à divorcer, d’autant qu’en règle générale la garde des enfants est confiée au père.
111. Pour l’heure, environ mille cas de violence contre les femmes, y inclus la violence domestique, ont été signalés à la police, mais ce n’est certainement que la partie visible de l’iceberg.
112. Les femmes qui ont été victimes de la traite rencontrent de graves difficultés de réinsertion dans la société: la prostitution jette sur elles un lourd discrédit social; il n’existe par ailleurs pas de programmes ou de mesures sociales visant à aider ces femmes.

10. La perspective de l’Union européenne

113. Depuis le sommet de 2003 à Thessalonique, l’Union européenne a fait part de son soutien sans équivoque à une perspective européenne pour les Balkans occidentaux et a d’ailleurs approuvé la mise en place de partenariats européens comme moyen de la matérialiser.
114. Les priorités du partenariat européen avec la Serbie, y compris le «Kosovo tel que défini par la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU», sont énoncées dans la décision 2008/213/EC du 18 février 2008 divisée en priorités à court et moyen termes auxquelles le Kosovo est censé répondre pour satisfaire aux critères d’une plus grande intégration.

10.1. La Commission européenne

115. Les progrès réalisés en vue du respect de ces critères sont évalués dans des rapports de suivi périodiques, dont le plus récent (novembre 2009) cite comme grands domaines prioritaires la nécessité pour le Gouvernement du Kosovo de disposer de capacités administratives suffisantes et de la détermination politique nécessaire au développement et à l’application de la législation adoptée et des réformes nécessaires 
			(44) 
			Document
de travail de la Commission, rapport de suivi 2009 sur le Kosovo
(au titre de la Résolution
1244/99 du Conseil de sécurité de l’ONU), COM(2009)1340.. Parmi les domaines clés à consolider, citons la prééminence du droit, la politique anticorruption et la lutte contre le crime organisé. Le renforcement du dialogue et de la réconciliation entre les communautés demeure un défi politique majeur 
			(45) 
			Un
point de vue similaire est exprimé dans les conclusions du Conseil
sur l’élargissement/le processus de stabilisation et d’association,
7 et 8 décembre 2009..
116. La voie à suivre pour le Kosovo dans le processus de stabilisation et d’association est énoncée dans deux communications récentes, l’une portant sur la stratégie d’élargissement et les priorités pour 2009-2010 
			(46) 
			Communication
de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Stratégie
d’élargissement et principaux défis 2009-2010, COM(2009)533 du 14
octobre 2009., l’autre spécialement sur le Kosovo 
			(47) 
			Kosovo (au titre de
la Résolution 1244/99 du Conseil de sécurité de l’ONU) – Vers la concrétisation
de la perspective européenne, COM(2009)5343 du 14 octobre 2009.. Dans cette dernière, la Commission propose de lancer le processus de libéralisation du régime des visas pour la population du Kosovo, d’initier la préparation d’un accord commercial exhaustif avec le Kosovo et d’étudier en profondeur des moyens lui permettant de s’investir dans des projets liés à l’emploi, aux entreprises et à l’éducation. La Commission propose également que l’Union européenne améliore son dialogue politique avec le Kosovo et élargisse le champ de l’assistance financière de la Commission européenne pour y inclure la coopération transfrontalière. Toutes ces mesures devraient être mises en œuvre progressivement et dépendre des progrès accomplis par le Kosovo.
117. L’importance accordée au développement socio-économique du Kosovo rappelle le rôle moteur que joue l’Union européenne, sur le plan politique mais aussi économique, en tant que grand partenaire commercial du Kosovo et principale source d’investissements directs étrangers.

10.2. Le Parlement européen

118. Le soutien du Parlement européen au plan Ahtisaari est de notoriété publique 
			(48) 
			Résolution
du Parlement européen du 28 mars 2007 sur l’avenir du Kosovo et
le rôle de l’Union européenne (rapporteur: Joost Lagendijk, Verts/ALE/NL).. En effet, son appel à la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo 
			(49) 
			Résolution du Parlement
européen du 5 février 2009 sur le Kosovo et le rôle de l’Union européenne
(rapporteur: Joost Lagendijk, Verts/ALE/NL). Cette résolution a
été adoptée par 424 voix pour, 133 contre et 24 abstentions. a provoqué de vives critiques de la part de la Serbie et d’autres pays opposés à sa reconnaissance.
119. Lors de réunions avec des députés européens, je me suis en outre rendu compte que malgré la neutralité de l’Union européenne sur le statut, le Parlement européen a développé au fil des ans une série d’activités interparlementaires avec l’Assemblée du Kosovo.
120. Durant la période 2002-2008, la délégation du Parlement européen pour les relations avec les pays de l’Europe du Sud-Est (DSEE) a organisé des réunions régulières informelles avec les membres de l’Assemblée du Kosovo, qui se sont tenues tour à tour à Bruxelles et à Pristina. La délégation kosovare se composait du Président de l’Assemblée et d’autres députés généralement issus de son cabinet. A la demande de la DSEE, elle a toujours compté un député serbe. Ces rencontres se distinguaient des «réunions formelles» par le fait qu’elles ne duraient qu’une journée au lieu de deux.
121. Après la déclaration d’indépendance et grâce au soutien du Parlement européen au plan Ahtisaari, la DSEE a organisé en mars 2008 la première réunion interparlementaire formelle avec une délégation de l’Assemblée du Kosovo à Bruxelles 
			(50) 
			Le procès-verbal de
cette réunion est disponible sur le site du Parlement européen (<a href='www.europarl.europa.eu'>http://www.europarl.europa.eu</a>). , puis une deuxième réunion à Pristina l’année suivante 
			(51) 
			Voir
la déclaration conjointe du président de la DSEE et du Président
de l’Assemblée du Kosovo (<a href='www.europarl.europa.eu'>http://www.europarl.europa.eu</a>)..

11. Le Conseil de l’Europe et le Kosovo

122. En tant qu’organisation internationale, le Conseil de l’Europe n’a pas compétence pour reconnaître ou non la souveraineté et l’indépendance d’une entité territoriale. Dans la situation qui nous préoccupe, où 33 des 47 Etats membres ont reconnu le Kosovo, le Conseil de l’Europe applique une politique de neutralité du point de vue du statut, à l’instar des autres organisations européennes telles que l’Union européenne et l’OSCE.
123. Le constat que la scission entre les Etats membres du Conseil de l’Europe qui reconnaissent le Kosovo en tant qu’Etat et ceux qui s’y opposent ne devait pas entraver la poursuite des travaux de l’Organisation au Kosovo a été l’une des grandes inquiétudes qui ont conduit à la proposition à l’origine de ce rapport.
124. Je suis par conséquent satisfait qu’en réponse à la Recommandation 1822 (2008) de l’Assemblée sur les développements concernant le statut futur du Kosovo, le Comité des Ministres ait décidé de poursuivre les activités liées à la préservation et à la promotion du patrimoine culturel, de l’éducation et du développement de la société civile, mais aussi de renforcer les activités de promotion des droits de l’homme, y compris des droits des minorités, de la prééminence du droit et de la démocratie. Le Comité des Ministres a en outre ajouté que la lutte contre la corruption et le crime organisé devrait figurer au rang des priorités futures.
125. Le Groupe de rapporteurs sur la démocratie des Délégués des Ministres (GR-DEM) étudie actuellement plusieurs projets nouveaux ou consolidés proposés par le Secrétariat, dont certains axés sur la mise en œuvre des normes et méthodologies du Conseil de l’Europe en matière d’Etat de droit afin de lutter contre la corruption, la criminalité économique et, potentiellement, la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des enfants. D’autres projets portent sur l’application des principes de la Convention européenne des droits de l’homme dans les travaux des juristes, en vue de mettre un terme aux mauvais traitements et à l’impunité des forces de l’ordre, de consolider la société civile et l’institution du médiateur, et de renforcer l’indépendance des médias et la liberté d’expression.
126. Je ne peux que marquer mon accord avec l’élargissement du champ des activités du Conseil de l’Europe au Kosovo et souhaiter que ces propositions soient approuvées par le Comité des Ministres. Les activités du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’éducation et de la protection et de la réhabilitation du patrimoine culturel et religieux contribuent de façon essentielle à la création d’un climat de dialogue et de compréhension entre les personnes de différentes communautés. Ces activités ont récemment été élargies, notamment par le renforcement de la présence des équipes projets du Conseil de l’Europe sur le terrain. Je souscris totalement à ce processus.
127. Cela étant, le Conseil de l’Europe devrait parallèlement contribuer à la résolution d’autres problèmes qui ont une incidence sur la vie des personnes vivant au Kosovo, plus précisément dans le domaine de la protection des droits de l’homme et du respect de l’Etat de droit, et ce en coordination avec d’autres intervenants actifs au Kosovo.
128. A cet égard, je souhaiterais rappeler qu’en 2004, le Conseil de l’Europe et la MINUK ont signé des Accords pour assurer le travail du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et du Comité pour la prévention de la torture au Kosovo. Il est nécessaire d’actualiser ces accords à la lumière de l’évolution de la situation sur le terrain, notamment le changement des fonctions de la MINUK, le déploiement d’EULEX et le rôle accru des institutions kosovares dans ces domaines. De plus, il conviendrait d’examiner s’il est possible d’étendre l’application d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe au Kosovo, dans l’intérêt de ses habitants.
129. Enfin, j’espère que le bureau du Conseil de l’Europe à Pristina – qui compte actuellement quatre agents appartenant à la Direction générale de la démocratie et des affaires politiques (un agent international et trois agents locaux), auxquels s’ajoutent deux équipes recrutées localement travaillant sur des projets dans les domaines de l’éducation et de la protection du patrimoine culturel – se verra attribuer davantage de ressources pour assurer la visibilité de l’Organisation au Kosovo et l’efficacité de ses travaux. Je pense notamment que le personnel du bureau devrait refléter la composition pluriethnique du Kosovo et que la capacité du chef du bureau à un apport d’analyse politique et à l’alerte précoce devrait être améliorée par un renforcement approprié en personnel.
130. Pour mettre en lumière la coopération étroite entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, je tiens à préciser que, en 2009, 90 % des ressources financières affectées aux travaux du Conseil de l’Europe au Kosovo émanaient de programmes conjoints financés par la Commission européenne. Dans les divers échanges de vues que j’ai eus avec des représentants de la Commission, il m’a été clairement dit, et je m’en réjouis, qu’une participation plus proactive et élargie du Conseil de l’Europe serait la bienvenue.

12. Conclusions et recommandations

131. Le Conseil de l’Europe devrait se fixer un objectif clair pour le Kosovo. Au vu du mandat de notre Organisation, il me semble que le but manifeste devrait être de contribuer à l’instauration d’un Kosovo pluriethnique, démocratique, pacifique, viable et stable pour le bien de tous les citoyens. Il s’agit pour moi du plus petit dénominateur commun sur lequel tous les Etats membres peuvent s’entendre, quelle que soit leur position à l’égard du statut.
132. Dans la poursuite de cet objectif, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient adopter une démarche résolue de «diversité sur le statut mais d’unité sur l’engagement», similaire à celle de l’Union européenne. Dans ce contexte, je soutiens totalement les échanges de vues qui se sont tenus récemment entre les Délégués des Ministres dans le but d’étendre la gamme d’activités du Conseil de l’Europe au Kosovo, notamment en mettant davantage l’accent sur nos domaines d’excellence que sont la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit. Je recommanderais notamment:
  • que le Comité des Ministres entreprenne des activités visant à améliorer la prééminence du droit, à lutter contre la corruption et la criminalité économique et à renforcer le système judiciaire au Kosovo;
  • que soient définies, à la lumière de la nouvelle situation sur le terrain, de nouvelles modalités garantissant la reprise des travaux du Comité pour la prévention de la torture (CPT) et du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales;
  • que l’on étudie avec attention les moyens d’étendre au Kosovo l’application d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe;
  • que soit poursuivie la réflexion sur les moyens de mettre en œuvre des activités du Conseil de l’Europe dans le domaine de la liberté des médias, de l’égalité des genres et de la lutte contre la traite des êtres humains au Kosovo.
133. Pour veiller à ce que la population du Kosovo bénéficie de niveaux de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit équivalents à ceux applicables dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il est indispensable de travailler en synergie avec le cadre institutionnel complexe du Kosovo.
134. Il importe que le Conseil de l’Europe poursuive ses travaux fructueux de coordination et de consultation avec les partenaires internationaux, en particulier avec l’Union européenne, la MINUK et l’OSCE, et prenne l’initiative de proposer des activités conjointes.
135. Dans le même temps, il est incontestable que les institutions du Kosovo ont de fait autorité sur le territoire (ainsi qu’une autorité juridique, selon la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe) et qu’elles ne sauraient être exclues du cercle des interlocuteurs du Conseil de l’Europe si ce dernier tient à avoir une quelconque influence. Il me semble que la politique de neutralité sur le statut ne devrait pas être envisagée comme un frein à des relations de travail directes avec les autorités kosovares, à tous les niveaux, similaires à celles qu’elles entretiennent avec d’autres organisations internationales. Bien qu’elles soient de précieuses partenaires, ni la MINUK ni EULEX ne devraient être considérées comme des intermédiaires nécessaires.
136. Pour finir, au vu des défaillances observées dans le fonctionnement des institutions démocratiques au Kosovo, l’Assemblée parlementaire pourrait vouloir entamer un dialogue avec les représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo sur des questions d’intérêt commun, en tenant compte des préoccupations et des intérêts légitimes de la Serbie.