Rapport | Doc. 12391 | 06 octobre 2010
Procédures nationales de sélection des candidats à la Cour européenne des droits de l'homme
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Résumé
Il incombe à l’Assemblée parlementaire, en vertu de l’article 22 de la Convention européenne des droits de l’homme, d’élire à la Cour européenne des droits de l’homme des juges qui présentent les plus hautes qualités sur une liste de trois candidats désignés par les Etats parties. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme réitère la demande de l’Assemblée que les procédures nationales de sélection soient rigoureuses, cohérentes, équitables et transparentes, de manière à ce que les candidats soient dotés de la compétence et de l’autorité nécessaires. Envisagée sous cet angle, la récente initiative du Président de la Cour, qui vise à créer un comité d’experts chargé de conseiller les gouvernements avant qu’ils ne transmettent leur liste de candidats à l’Assemblée, est bienvenue, de l’avis de la commission.
A. Projet de résolution
(open)B. Exposé des motifs, par Mme Wohlwend, rapporteur
(open)1. Introduction
2. Procédures nationales de sélection des candidats
«1. L’Assemblée parlementaire, à laquelle incombe, en vertu de l’article 22 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) (la Convention), d’élire des juges du plus haut niveau à la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) à partir de listes de trois candidats désignés par les Etats parties, souligne l’importance de procédures nationales de sélection propres à garantir et à renforcer la qualité, l’efficacité et l’autorité de la Cour.
2. En dépit d’une amélioration sensible des procédures nationales de sélection dans plusieurs pays, des disparités importantes demeurent sur le plan de l’équité, de la transparence et de la cohérence. Rappelant sa Recommandation 1649 (2004) relative aux candidats à la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée réaffirme que le processus de désignation des candidats à la Cour doit être guidé par les principes de procédure démocratique, de transparence et de non-discrimination. En l’absence de véritable possibilité de choix entre les candidats présentés par un Etat partie à la Convention, l’Assemblée rejettera les listes qui lui seront soumises. De plus, l’Assemblée peut rejeter des listes n’ayant pas fait l’objet d’une procédure nationale de sélection équitable, transparente et cohérente.
3. Outre les critères énoncés à l’article 21, paragraphe 1, de la Convention (“Les juges doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l’exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire”), l’Assemblée a instauré des conditions linguistiques fondées sur l’article 21, paragraphe 1, de la Convention, l’exigence de représentation équilibrée des sexes ainsi que d’autres règles comme la fourniture d’un curriculum vitae type par les candidats. De plus, avant de procéder à l’élection des juges, l’Assemblée invite les candidats à des entretiens individuels avec une sous-commission créée à cette fin.
4. Eu égard à la Recommandation 1649 (2004) susmentionnée, l’Assemblée rappelle que, outre les critères énoncés à l’article 21, paragraphe 1, de la Convention et l’exigence de représentation équilibrée des sexes, les Etats devraient, lorsqu’ils sélectionnent puis désignent des candidats à la Cour, respecter les règles suivantes:
4.1. procéder à des appels à candidature ouverts et publics;
4.2. lorsqu’ils présentent à l’Assemblée les noms des candidats, décrire selon quelles modalités ceux-ci ont été sélectionnés;
4.3. transmettre à l’Assemblée les noms des candidats dans l’ordre alphabétique;
4.4. veiller à ce que les candidats aient une connaissance active de l’une des langues officielles du Conseil de l’Europe et une connaissance passive de l’autre (voir modèle de curriculum vitae ci-annexé);
4.5. si possible, ne présenter aucun candidat dont l’élection pourrait entraîner la nécessité de nommer un juge ad hoc.
5. L’Assemblée exhorte également les gouvernements des Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à mettre en place – sans plus tarder – des procédures nationales de sélection appropriées afin que l’autorité et la crédibilité de la Cour ne soient pas mises en péril par des processus ad hoc et politisés de nomination des candidats. En outre, elle invite les gouvernements des Etats membres à veiller à ce que la parité entre les femmes et les hommes soit respectée autant que possible dans les organes ou les groupes eux-mêmes chargés de la sélection (et dans ceux qui ont un rôle consultatif dans le processus).»
«7. L’autorité de la Cour dépend de la stature de ses juges ainsi que de la qualité et de la cohérence de sa jurisprudence. A cet égard, il incombe à l’Assemblée d’élire à la Cour des juges du plus haut niveau à partir de listes de trois candidats désignés par les Etats parties. Rappelant sa Résolution 1646 (2009) sur la nomination des candidats et l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée relance son appel pour des procédures nationales de sélection rigoureuses, équitables et transparentes afin de garantir la qualité, l’efficacité et l’autorité de la Cour.»
3. Proposition de création d’un comité consultatif d’experts chargé de conseiller les gouvernements
Annexe - Lettre de M. Jean-Paul Costa, Président de la Cour européenne des droits de l’homme, adressée aux représentants permanents (ambassadeurs) des Etats membres le 9 juin 2010
(open)Monsieur l’ambassadeur, Madame l’ambassadeur,
Comme vous le savez, la Conférence de haut niveau sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme a appelé les Etats parties et le Conseil de l’Europe, au point 8 du Plan d’action d’Interlaken, à «assurer, au besoin en améliorant la transparence et la qualité des procédures de sélection aux niveaux national et européen, que les critères de la Convention relatifs aux conditions d’exercice de la fonction de juge à la Cour, notamment des compétences en droit public international et concernant les systèmes légaux nationaux ainsi que de bonnes connaissances au moins d’une langue officielle, soient pleinement respectés».
L’un des facteurs décisifs permettant d’assurer l’avenir de la Cour – et donc celui du système de la Convention – sera la qualité de ses juges. Quelles que soient les réformes entreprises, elles échoueront si les juges n’ont pas l’expérience et l’autorité nécessaires.
L’importance que revêt le niveau de compétence professionnelle des juges ne tient pas seulement au fait qu’il faut veiller à ce que les décisions qu’ils rendent et la jurisprudence qu’ils développent soient de grande qualité. Ce critère est également essentiel en raison du fait que, dans un système subsidiaire où la protection des droits de l’homme revient avant tout aux juridictions nationales, la Cour européenne, en sa qualité d’ultime arbitre des questions relatives aux droits de l’homme, doit être composée de personnes dont la compétence et l’autorité sont de nature à susciter le respect des juges nationaux, y compris de ceux des juridictions suprêmes. Si tel n’est pas le cas, la Cour elle-même pâtira d’un déficit d’autorité, et le système perdra en crédibilité et en efficacité.
Cet aspect est aussi particulièrement important dans la perspective de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention. L’un des éléments cruciaux dans ce contexte sera la relation qui s’installera entre la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme. Pour fonctionner, elle doit reposer sur le respect mutuel. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, les nominations des magistrats des juridictions de l’Union européenne sont soumises à l’avis d’un comité indépendant (article 255 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Il est vrai que la procédure prévue par la Convention n’est pas strictement comparable à celle de l’UE, compte tenu de la participation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et de la garantie supplémentaire ainsi apportée.
Il est utile de rappeler que le Groupe de sages a envisagé dans son rapport de 2006 un premier tri des candidatures «par un comité de personnalités qui pourraient être choisies parmi d’anciens membres de la Cour, des membres et anciens membres de juridictions nationales suprêmes ou constitutionnelles et des juristes possédant des compétences notoires» (paragraphe 118 du rapport). De plus, dans sa contribution à la Conférence d’Interlaken, le Secrétaire Général a fait une proposition similaire (paragraphe 18).
En ce qui concerne les critères prévus par la Convention, l’article 21, paragraphe 1, de celle-ci dispose que «les juges doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l’exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire». Ces critères sont restés inchangés depuis l’adoption de la Convention en 1950.
Les termes employés dans cette disposition peuvent dans une certaine mesure faire l’objet d’une définition objective. De hautes fonctions judiciaires impliquent que les intéressés doivent être aptes à siéger dans l’une des juridictions supérieures du pays. Ainsi par exemple, les membres des Cours suprêmes, des Cours constitutionnelles et des Conseils d’Etat répondent clairement à ce critère, ce qui n’est pas le cas, en principe, des juges qui ne peuvent siéger que dans les juridictions de premier degré.
Un «jurisconsulte possédant une compétence notoire» doit pour sa part avoir une grande expérience de la pratique et/ou de l’enseignement du droit, ce qui implique généralement dans le second cas d’avoir publié des travaux importants. On peut aussi trouver un signe objectif de cette qualité dans le temps passé dans une chaire d’enseignement.
Il est clair que les Etats joueront un rôle fondamental en veillant à ce que les trois personnes dont ils présentent la candidature soient suffisamment qualifiées pour offrir à l’Assemblée parlementaire un véritable choix entre plusieurs candidats de compétences équivalentes et pour garantir que, quel que soit celui qui sera élu, il sera suffisamment expert dans un domaine pertinent du droit (droit international, droit pénal, droit administratif, droit humanitaire, etc.). Pour y parvenir, il faut mettre en place au niveau national une procédure équitable et transparente. Cela a déjà été recommandé par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et il est important que cela soit suivi d’effet de façon générale.
Cependant, cela ne suffit pas, me semble-t-il.
C’est la raison pour laquelle je voudrais prier le Comité des Ministres de mettre en place rapidement un comité correspondant aux propositions des Sages et du Secrétaire Général. Ce comité, qui devrait être composé de personnalités ayant un profil correspondant à ce qui est souhaité, interviendrait avant que la liste ne soit soumise par la Partie contractante à l’Assemblée parlementaire, de manière à ne pas empiéter sur les responsabilités de celle-ci dans ce domaine. En outre, il n’aurait qu’un rôle consultatif: en d’autres termes, il se bornerait à faire des recommandations à l’Etat qui l’aurait soumise y compris, si nécessaire, la proposition de modifier la liste. Ce comité pourrait être mis en place par une décision du Comité des Ministres sans qu’il soit nécessaire de modifier la Convention.
Je souhaite aborder cette question dès que possible avec le Président de l’Assemblée parlementaire. J’espère que vos collègues les Délégués des Ministres et vous-même serez en mesure de discuter de ce sujet important à brève échéance.
Pour ma part, je suis disposé à présenter des propositions plus détaillées quant au fonctionnement du comité et à la nomination de ses membres.
Je vous prie de bien vouloir accepter l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
Signé:
Jean-Paul Costa