1. Introduction
1. Le 29 mai 2009, l'Assemblée parlementaire a décidé
de renvoyer à la commission des questions juridiques et des droits
de l'homme, en vue de l'établissement d'un seul rapport, deux propositions
intitulées, pour la première, «20e anniversaire du Comité européen
contre la torture: l'heure du bilan» et, pour la seconde, «La nécessaire
mise en place de mécanismes nationaux indépendants et efficaces
de contrôle des lieux de privation de liberté»
. A sa réunion du 23 juin 2009, la commission
m'a désigné rapporteur.
2. A sa réunion du 17 novembre 2010, la commission a examiné
une note introductive et a décidé du nouveau titre, plus synthétique,
du présent rapport.
3. A sa réunion du 27 janvier 2011, la commission a organisé
un échange de vues avec les personnalités suivantes:
- Mme Silvia Casale, ancienne
présidente du CPT et ancienne présidente du Sous-Comité pour la prévention
de la torture des Nations Unies (SPT) (Royaume-Uni);
- Mme Renate Kicker, ancienne vice-présidente du CPT, professeur
à l’université de Graz, Autriche;
- M. Andres Lehtmets, ancien vice-président du CPT, psychiatre
(Estonie).
2. Rappel des objectifs du présent rapport
4. Ce rapport vise trois objectifs principaux:
- le premier concerne le Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT): mieux faire connaître les excellents travaux
du CPT et formuler des propositions concrètes pour de nouvelles
améliorations, dont certaines nécessiteront de modifier la Convention
européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants («la convention») et d’autres non;
- le deuxième se rapporte au Protocole facultatif à la Convention
des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants(OPCAT):
promouvoir la ratification de l’OPCAT par tous les Etats membres
du Conseil de l'Europe et les encourager à mettre en place des mécanismes
nationaux efficaces de contrôle des lieux de privation de liberté;
- le troisième but de ce rapport est d’étudier les moyens
d’instaurer la plus grande synergie possible entre le Conseil de
l'Europe et les mécanismes des Nations Unies afin d’améliorer la
situation des détenus dans toute l’Europe dans le respect du principe
de subsidiarité: laisser la responsabilité quotidienne de la protection
des détenus aux mécanismes nationaux de prévention créés en vertu
de l’OPCAT, tout en s’appuyant sur l’expérience et l’autorité du
CPT afin de garantir la diffusion des «meilleures pratiques» et
l’application des normes européennes communes de base.
5. Pour ce qui est des activités du CPT, il convient de se référer
au site web de ce dernier
.
Les rapports annuels, notamment, donnent un excellent aperçu. Le
document AS/Jur/Inf (2011) 5 de la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme sur les mécanismes et institutions principaux
du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme donne également
une bonne vue d’ensemble. Pour ce qui est de l’OPCAT, le site informatif
du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies
fournit
toutes les informations nécessaires.
3. Renforcer le CPT
3.1. Améliorer les procédures de sélection des membres
du CPT
6. L’Assemblée a toujours soutenu les importants travaux
du CPT dont le succès dépend, dans une large mesure, des compétences
professionnelles, de l’expérience et de l’indépendance de ses membres.
Au titre de la Convention européenne pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126)
de 1987, l’Assemblée participe à la sélection des membres du CPT
en soumettant au Comité des Ministres une proposition fondée sur
le choix opéré par sa sous-commission des droits de l'homme parmi
les candidats présélectionnés. La
Résolution 1540 (2007) «Améliorer
les procédures de sélection des membres du CPT» a introduit certaines
améliorations dans la procédure de sélection existante.
7. Toutefois, pour renforcer encore leur légitimité et leur indépendance,
les membres du CPT devraient être élus par l’Assemblée après une
procédure d’entretien appropriée. Un tel changement nécessiterait
de modifier la convention. A la lumière de l’audition avec les experts,
je propose que l’Assemblée prenne désormais l’initiative d’une telle
modification de la convention.
8. Compte tenu des ressources et du temps limités dont dispose
la sous-commission des droits de l'homme, il faudrait accorder la
priorité à l’amélioration des procédures de sélection au niveau
national. Les recommandations formulées dans la
Résolution 1540 (2007) devraient
faire l’objet d’une mise en œuvre plus exhaustive et mériteraient
d’être renforcées.
9. A cette fin, les experts invités à l'audition du 27 janvier
2011 ont proposé la mise en place d’un groupe d’experts chargés
de conseiller les délégations nationales sur la qualité des candidats
présélectionnés, par rapport aux besoins du CPT, en parallèle avec
la récente modification de la procédure d’élection des juges à la
Cour européenne des droits de l’homme. A mon avis, l’introduction
d’un nouvel organe de conseil alourdirait inutilement la procédure
d’élection. Mieux vaudrait concentrer nos efforts sur le changement
de l’entité chargée d’élire les membres du CPT: dès que nous aurons
obtenu la modification nécessaire de la convention, la sous-commission
des droits de l’homme pourra elle-même consacrer de plus grands
efforts à une sélection optimale des membres du CPT. En attendant,
le Bureau du CPT peut librement fournir des informations de manière informelle
à la sous-commission concernant l’adéquation des candidatures soumises
par les délégations nationales aux besoins actuels du CPT, et il
est cordialement invité à le faire.
10. Vu les efforts visant à l’amélioration des procédures de sélection,
il est utile de rappeler que les critères de sélection doivent porter
sur les tâches à remplir par les membres du CPT et sur les compétences nécessaires
pour mener à bien lesdites tâches
.
10.1. Tâches d’un membre du CPT:
- effectuer des visites d’inspection
sur le terrain dans un environnement difficile;
- s’entretenir avec différents types de personnes privées
de liberté, telles que des personnes placées en garde à vue, en
détention provisoire ou purgeant des peines de prison, des patients psychiatriques,
des étrangers retenus au titre de la législation sur l’immigration,
des personnes âgées et/ou handicapées hébergées dans des maisons
d’accueil, etc.;
- travailler avec des interprètes et au sein d’une équipe
composée de personnes de nationalités et de milieux professionnels
différents;
- travailler de longues heures par jour, et parfois aussi
une partie de la nuit, en général pendant deux semaines dans le
cadre d’une visite périodique, et en se déplaçant presque quotidiennement;
- contribuer à la fin de chaque visite à la communication
immédiate d’informations aux autorités et fournir des notes écrites
détaillées pour alimenter le rapport du CPT;
- outre le travail sur le terrain, étudier tous les projets
de rapport et contribuer aux discussions lors des trois sessions
plénières par an; participer à plusieurs groupes de travail internes
et à l’examen des normes et méthodes de travail.
10.2. Compétences et qualités requises d’un membre du CPT:
10.2.1. Outre les critères définis dans la convention, les compétences
et qualités ci-après sont essentielles pour mener à bien les tâches
d’un membre du CPT, telles qu’elles sont décrites ci-dessus:
- avoir les connaissances techniques
nécessaires;
- avoir la motivation nécessaire pour mener à bien une tâche
difficile;
- avoir les compétences de négociation nécessaires lors
des discussions avec les autorités;
- être apte à communiquer, ce qui suppose une excellente
maîtrise de l’une des langues officielles du Conseil de l'Europe
(anglais ou français) permettant de travailler avec un(e) interprète
et de rédiger des notes et rapports dans cette langue. Une bonne maîtrise
de la seconde langue officielle du Conseil de l'Europe est également nécessaire
pour pouvoir communiquer avec d’autres membres et experts qui travaillent dans
cette seconde langue et être en mesure de lire leurs notes. En outre,
toute connaissance d’une autre langue est précieuse pour le CPT;
- savoir travailler en équipe;
- être capable de supporter, sur le plan émotionnel, des
situations très pénibles;
- être en bonne santé et, dans la mesure du possible, d’un
âge suffisant pour être reconnu(e) comme une autorité exerçant des
responsabilités importantes dans les Etats membres, mais pas trop
élevé pour supporter les contraintes physiques et psychologiques
liées à la mission;
- être disponible et prêt(e) à consacrer beaucoup de temps
(en partie non rémunéré) aux travaux du CPT;
- être loyal(e) vis-à-vis du CPT et discret(ète) pour respecter
le principe de confidentialité.
10.2.2. Cette liste impressionnante de compétences et de qualités
requises montre combien il est important de garantir le meilleur
processus de sélection possible au niveau national, en excluant
toute politisation.
10.3. Un besoin spécifique du CPT: des membres possédant une
expertise médicale spécialisée pour détecter des signes de torture
et évaluer la qualité des services médicaux à la disposition des
personnes privées de liberté lors des visites dans des hôpitaux
psychiatriques et autres institutions médicales.
3.2. Garantir aux déclarations publiques du CPT des
suites appropriées
11. Le succès constant des travaux du CPT dépend aussi
du soutien politique qu'il reçoit du Conseil de l'Europe et de ses
Etats membres.
12. Le CPT peut faire une déclaration publique si un Etat partie
ne coopère pas ou refuse d'améliorer la situation à la lumière des
recommandations du CPT
. Pour que la décision de faire
une déclaration publique soit prise, il faut qu'une majorité des
deux tiers de ses membres y soit favorable et que s’enclenche une procédure
visant à donner à l'Etat en question la possibilité de faire connaître
son point de vue. La déclaration publique est le dernier recours
pour alerter l'opinion sur le fait qu'un Etat partie viole l'obligation
juridique qu'il a contractée au titre de la convention de coopérer
avec le CPT. A ce jour, le CPT a publié cinq déclarations publiques
concernant deux Etats seulement, la Turquie et la Fédération de
Russie
.
Cependant, il y a d’autres Etats qui ont fait par le passé, ou font
actuellement, l'objet d'une procédure de déclaration publique. La
pratique montre que la menace d'une déclaration publique incite
souvent les Etats à engager davantage le dialogue avec le CPT et
à mettre en œuvre des recommandations qui leur ont été adressées
de longue date. Lorsque la menace n'a pas l'effet escompté et qu'une
déclaration publique est finalement faite, celle-ci s’avère souvent un
instrument plutôt inefficace à moins que d'autres organes du Conseil
de l'Europe lui donnent les suites voulues en faisant pression sur
l'Etat partie concerné pour qu'il s'acquitte bien de ses obligations
au titre de la convention.
13. L'Assemblée a déjà déploré le manque de suites données jusqu'ici
par le Comité des Ministres aux trois déclarations publiques du
CPT concernant la situation dans la République tchétchène de la
Fédération de Russie. Le CPT lui-même déplore, dans son 19e rapport
annuel publié le 20 octobre 2009
, que de telles déclarations ne soient pas
«au minimum» mises à l'ordre du jour des organes compétents du Conseil
de l'Europe.
14. A la lumière aussi des remarques des experts à ce sujet, je
propose que l’Assemblée invite le Comité des Ministres à réagir
à toute déclaration publique du CPT en l'inscrivant à son ordre
du jour et en examinant la situation. Cet examen pourrait notamment
conduire à l’adoption d’une résolution demandant à l'Etat concerné
de remplir ses obligations juridiques en vertu de la Convention
européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants, et de coopérer avec le CPT.
15. Outre le Comité des Ministres, l'Assemblée elle-même et le
Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe devraient
mettre en œuvre un suivi approprié des déclarations publiques du
CPT. L'Assemblée devrait pouvoir débattre en son sein des questions
soulevées par les déclarations publiques et décider systématiquement
de demander à la délégation nationale de l'Etat concerné de soulever
cette question au sein de son parlement national de manière à examiner
les informations contenues dans la déclaration publique et de lui
faire rapport dans un certain délai. La sous-commission des droits
de l'homme pourrait jouer, à cet égard, un rôle particulier, en
invitant le président de la délégation nationale concernée par une
déclaration publique à un échange de vues avec ses membres. Le Commissaire
aux droits de l'homme devrait également être invité à s'informer
des suites données aux constatations du CPT à l'occasion de l'une
de ses visites dans l'Etat concerné.
3.3. Assurer la publication systématique et en temps
utile des rapports finaux du CPT
16. La convention énonce que les informations recueillies
par le CPT lors d'une visite, ses rapports et ses consultations
avec l'Etat partie concerné sont confidentiels. Cette règle générale
est modifiée par la disposition selon laquelle le CPT publie son
rapport, ainsi que tout commentaire de l'Etat partie concerné, chaque
fois que ledit Etat partie le demande. A la date du 26 août 2010,
la publication de 241 rapports de visite du CPT, sur les 291 rapports
envoyés, a été autorisée. Ces chiffres montrent que la grande majorité
des Etats autorisent («demandent») la publication des rapports du
CPT et que la levée de la confidentialité des rapports est devenue
la pratique générale. Un seul Etat partie peut être décrit comme
un opposant persistant à cette pratique: la Fédération de Russie.
L'autre Etat partie mentionné au paragraphe 5 de la première proposition de
résolution, l'Azerbaïdjan, a entre-temps autorisé la publication,
en novembre 2009, d'un rapport de visite de décembre 2008, ce qui
est une évolution positive bien que le délai d'une année complète
ou presque soit inutilement long.
17. La publication automatique d'un rapport de visite du CPT sans
demander l'autorisation préalable de l'Etat concerné – ce qui nécessiterait
également une modification de la convention – ferait tomber en temps opportun
les constatations et les recommandations du CPT dans le domaine
public, accélérant ainsi le nécessaire débat public, la consultation
de l’ensemble des acteurs concernés et donc, on l’espère, l'adoption de
mesures correctives sans tarder.
18. Toutefois, comme les experts l’ont rappelé lors de l’audition
du 27 janvier 2011, il convient de donner la possibilité à l’Etat
partie de reporter de six mois la publication d’un rapport du CPT
à partir de sa date de transmission à l'Etat concerné. Ainsi, l'Etat
n’est pas privé de la possibilité de réagir, et si possible de remédier, aux
lacunes constatées par le CPT avant que le public soit informé des
constatations du CPT; l'Etat peut donc rendre publiques sa position
ainsi que les mesures déjà prises pour parer aux défaillances observées.
19. D’ici à l’entrée en vigueur de la modification nécessaire
de la convention, les parlementaires devraient inciter leurs gouvernements
respectifs à demander la publication des rapports dès que possible
selon les règles actuellement applicables, comme le font de manière
exemplaire la Belgique, la Géorgie, les Pays-Bas et plusieurs pays
nordiques.
20. Il y a lieu de rappeler que les rapports finaux ne sont que
la partie émergée de l'iceberg que constituent les informations
en possession du CPT et la correspondance avec les Etats membres.
La confidentialité de la coopération permanente entre le CPT et
les autorités compétentes est, en effet, indispensable pour les
travaux du CPT et ne doit donc pas être remise en cause.
4. Promouvoir l’application du Protocole facultatif
à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT)
4.1. Inciter tous les Etats membres du Conseil de l'Europe
à la ratification
21. Depuis avril 2009, date à laquelle la seconde proposition
à l’origine du rapport a été rédigée, le nombre d’Etats européens
ayant ratifié l’OPCAT a déjà augmenté. A la date du 4 octobre 2010,
28 des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe avaient ratifié l’OPCAT
et 21 avaient institué des mécanismes nationaux de prévention (MNP)
chargés de surveiller la situation des personnes privées de liberté,
notamment par le biais de visites sur place. La mise en œuvre réussie
de la stratégie consistant à créer des synergies et à établir une coopération
et une coordination plus étroites entre les mécanismes de suivi
de différents niveaux dépendra considérablement de l’existence de
mécanismes nationaux dans tous les Etats membres du Conseil de l'Europe.
Ceux qui ne l’ont pas encore fait
devraient
être encouragés à ratifier l’OPCAT et à établir des mécanismes nationaux
de prévention.
4.2. Nécessité d’établir des mécanismes nationaux de
prévention (MNP) efficaces
22. Conformément au principe de subsidiarité, l’essentiel
de la protection des personnes privées de liberté contre les violations
des droits de l'homme devrait être assuré au niveau national, ce
qui nécessite des MNP indépendants et efficaces.
23. Parmi les 21 MNP qui ont été institués, il existe différents
modèles mais, dans la majorité des Etats membres, des organes préexistants,
souvent les bureaux de médiateurs
(ombudspersons) ou
les institutions nationales des droits de l'homme, sont chargés
d’effectuer le suivi au niveau national des personnes privées de
liberté. Cette situation soulève la question de savoir si ces organismes
répondent pleinement aux critères d’indépendance, notamment au niveau
financier, conformément aux «Principes de Paris»
.
A la suite de l’évaluation faite par M. Manfred Nowak, rapporteur
spécial des Nations Unies sur la torture, dans la plupart des pays,
les ressources financières disponibles sont tout à fait insuffisantes
et, souvent, les MNP ne satisfont pas aux exigences d’indépendance
et de pluralisme découlant des Principes de Paris
.
24. Il s’avère que des problèmes se posent lorsque les MNP sont
créés au sein des institutions de médiateurs existantes. Le rôle
des MNP, préventif par nature, est souvent nouveau pour les bureaux
de médiateurs qui, jusqu’à présent, se concentraient essentiellement
sur le traitement (a posteriori) des plaintes reçues, par des collaborateurs
en majorité juristes. Pour de tels MNP, le défi consiste, par conséquent,
à allier réaction et prévention, et à intégrer l’expertise médicale
nécessaire. Certaines dispositions peuvent contribuer à l’efficacité
des activités préventives des MNP. Les MNP devraient pour le moins
constituer une unité distincte et indépendante au sein du bureau
du médiateur. Le personnel affecté à cette unité doit être spécialement recruté/sélectionné
et formé pour effectuer des contrôles sur le terrain. Il convient
de définir clairement la façon dont l’équipe de visites préventives
va réagir aux plaintes qu’elle reçoit au cours des inspections et
les traiter.
25. Les travaux menés dans le cadre des MNP bénéficient aussi
d’une structure de coordination au niveau du Conseil de l'Europe.
Le Projet européen des MNP
a engendré la création d’un
réseau actif de mécanismes nationaux de prévention et propose un
forum d’échange d’expériences. En organisant des ateliers thématiques
ainsi que des visites sur le terrain, le projet offre un soutien
en matière d’amélioration des compétences en rapport avec les fonctions
préventives des MNP. D’actuels et anciens membres et experts expérimentés
du CPT et du Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT)
créé dans le cadre de l’OPCAT participent à ces activités qui établissent
un lien informel utile entre les mécanismes de prévention fonctionnant à
différents niveaux.
26. Lors de l’audition du 27 janvier 2011, les experts ont aussi
proposé la création d’un conseil médical consultatif qui serait
à la disposition des MNP pour fournir l’expertise médicale faisant
particulièrement défaut à la plupart des MNP. Des membres de la
commission intervenant dans la discussion étaient plutôt sceptiques, étant
donné les ressources financières limitées disponibles à cette fin.
4.3. Création de synergies entre le CPT et les mécanismes
de l’OPCAT et les futures mesures de l’Union européenne
27. L’action de l’organisme bien établi qu’est le CPT
du Conseil de l'Europe, d’une part, et celle de la structure prévue
par l’OPCAT, lorsqu’elle sera pleinement opérationnelle dans tous
les Etats membres, d’autre part, devraient être coordonnées de manière
à ce que l’incidence conjuguée des deux organes soit la plus grande
possible en faveur de la protection des personnes privées de liberté
dans toute l’Europe, grâce à une exploitation optimale des ressources,
toujours trop limitées.
28. Le SPT salue l’implication du CPT dans le développement des
MNP en Europe. Le SPT implique des MNP dans ses (rares) visites
sur le terrain. Le CPT devrait être en mesure de faire de même,
en vue de partager son savoir-faire et ses constatations avec les
MNP, dans la mesure où ces derniers sont capables de respecter la
confidentialité attachée à ces informations. Pour ce qui est des
normes substantielles, le Sous-Comité pour la prévention de la torture
compte appliquer le principe pro homine,
en se basant sur le standard régional si celui-ci est plus exigeant
(donc, en Europe, l’acquis du CPT). Cela présuppose un échange régulier d’informations,
compliqué lui aussi par le principe de la confidentialité des travaux
du CPT.
29. La création de synergies entre le Sous-Comité pour la prévention
de la torture et le CPT et la promotion des MNP a été l’objet de
la conférence qui a eu lieu le 6 novembre 2009, à Strasbourg, sur
de «Nouveaux partenariats pour la prévention de la torture en Europe»,
avec la participation de membres du CPT, du Sous-Comité pour la
prévention de la torture et de différents MNP européens. Notre commission
était représentée par Marie-Louise Bemelmans-Videc (Pays-Bas, PPE/DC),
qui a prononcé un discours bien accueilli. Les actes de la conférence
ont été publiés en juillet 2010
.
L’existence d’organismes séparés avec un mandat de prévention de
la torture aux niveaux national, européen et des Nations Unies pose
certains problèmes significatifs mais crée aussi une opportunité
unique de renforcer encore l’efficacité de l’action en faveur de
la prévention des mauvais traitements en Europe. La participation
à la conférence de représentants de ces deux organismes, et de représentants
d’Etats membres du Conseil de l’Europe et de la société civile,
a créé l’occasion pour un riche échange d’expériences et d’idées
sur deux principaux sujets de discussion: 1. promouvoir et faciliter
les échanges d’informations entre les organismes de prévention;
et 2. assurer la mise en œuvre efficace des recommandations des
organismes de prévention.
30. Pour ce qui est de l’Union européenne, celle-ci semble être
davantage intéressée par les conditions de détention dans ses Etats
membres, en tant que condition importante pour le succès du développement
de l’entraide judiciaire et de la reconnaissance mutuelle des décisions
de justice
.
La commissaire européenne chargée de la justice, Viviane Reding,
a annoncé, lors d’une table ronde le 25 janvier 2011 sur les conditions de
détention dans l’Union européenne, la présentation en 2011 d’un
«livre vert» en la matière. Elle a bien fait référence dans son
discours à la Convention européenne des droits de l’homme, mais
il est clair qu’il faut également s’assurer que l’acquis du CPT
sera pleinement pris en compte dans la future élaboration des règles de
l’Union européenne en matière de conditions de détention. Dans l’intérêt
d’une bonne utilisation des ressources limitées disponibles pour
cette tâche, il importe que les futures activités de l’Union européenne dans
ce domaine produisent des synergies avec le CPT et non des doubles
emplois.
5. Conclusions
31. Nous ne pouvons que souligner l’importance primordiale
parmi les droits fondamentaux de l’interdiction de la torture et
des traitements inhumains et dégradants (article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme) et féliciter le CPT de son action
de grande qualité portée par un engagement sans faille, et cela depuis
plus de vingt ans. Le CPT constitue indéniablement l’un des succès
les plus importants de tout le Conseil de l’Europe.
32. Pour mener à bien leur tâche difficile, les membres du CPT
doivent posséder des compétences certaines et des qualités personnelles
indéniables. L’élection des membres du CPT par l’Assemblée leur conférerait
une légitimité démocratique accrue et aurait comme conséquence que
l’évaluation des candidats figurant sur les listes transmises par
les délégations nationales se ferait au sein du même organe que
le choix final.
33. En attendant, il y a lieu d’améliorer encore les procédures
de présélection au niveau national, suivant les indications de la
Résolution 1540 (2007).
34. Les déclarations publiques adoptées par le CPT à la majorité
des deux tiers en cas de manquement à la coopération des autorités
d’un Etat partie revêtent une importance toute particulière, du
fait de leur caractère exceptionnel. Ces rares cris d’alarme devraient
systématiquement susciter un débat au sein du Comité des Ministres,
de l’Assemblée parlementaire ainsi que du parlement national concerné.
35. Le principe de confidentialité doit rester un atout pouvant
grandement faciliter la coopération étroite du CPT avec les autorités
nationales, notamment dans des situations sensibles. Cependant,
la mise en œuvre effective des recommandations du CPT appelle davantage
de transparence afin de permettre à l’ensemble des acteurs concernés
de contribuer à l’amélioration de la situation des personnes privées
de liberté. La quasi-totalité des Etats parties demandent la publication
des rapports du CPT et de leurs commentaires y relatifs dans des
délais variables, mais permettant ainsi le démarrage en temps utile
du débat public sur les problèmes constatés et les moyens de les
résoudre. Seule la Fédération de Russie se montre encore récalcitrante
à agir ainsi.
36. L’Assemblée regrette que le Protocole facultatif à la Convention
des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants n’ait pas encore été ratifié par
tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, et que tous les Etats
membres qui l’ont ratifié n’aient pas encore mis en œuvre les mécanismes
nationaux de prévention (MNP) prévus par cet instrument.
37. Les MNP constituent une innovation importante dans le sens
de la subsidiarité. Ils devraient être pleinement indépendants et
bénéficier de ressources suffisantes, y compris en termes d’expertise
juridique, médicale et autre, indispensables aux tâches de prévention
et de contrôle sur le terrain.
38. L’Assemblée se félicite des efforts entrepris au sein du Conseil
de l’Europe en vue de créer des synergies entre le CPT d’un côté
et les mécanismes prévus par l’OPCAT de l’autre, et de partager
les expériences en la matière.
39. Une approche similaire, évitant des doubles emplois et le
gaspillage de ressources limitées, s’impose également dans les relations
entre le CPT et les actions envisagées par l’Union européenne en
vue d’améliorer les conditions de détention dans les Etats membres.
40. Sur la base de ces conclusions, j’ai formulé dans les projets
de résolution et de recommandation un certain nombre d’invitations
précises adressées aux Etats membres du Conseil de l’Europe, aux
Etats parties à la Convention européenne pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, au
CPT lui-même ainsi qu’au Comité des Ministres et aux institutions
compétentes de l’Union européenne.