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Rapport | Doc. 12636 | 06 juin 2011

Les parlements nationaux: garants des droits de l'homme en Europe

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Christos POURGOURIDES, Chypre, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3721 du 8 octobre 2010. 2011 - Troisième partie de session

Résumé

Toutes les branches du pouvoir étatique (l’exécutif, le législatif et le pouvoir judiciaire) sont tenues de garantir le respect des droits de l’homme. Les parlements nationaux sont souvent oubliés dans ce contexte. Néanmoins, ils sont essentiels à la mise en œuvre effective des normes internationales applicables aux droits de l'homme à l'échelon national et ils sont dans une position privilégiée pour protéger les droits de l'homme, en légiférant, en participant à la ratification des conventions internationales relatives aux droits de l'homme, en demandant des comptes à l'exécutif (en particulier en ce qui concerne l'exécution rapide et effective des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme), en établissant des relations avec les institutions nationales chargées de la protection des droits de l'homme et en favorisant la création d'une culture omniprésente des droits de l'homme.

Le rapport examine les façons d’exploiter davantage le potentiel des parlements à cet égard et propose des principes fondamentaux, qui doivent être respectés par les parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe.

Les parlements nationaux devraient établir des structures parlementaires adéquates pour assurer un suivi rigoureux et régulier du respect des obligations internationales en matière de droits de l'homme, dans la mesure du possible par le biais de commissions des droits de l'homme spécialisées, dont les compétences doivent être clairement définies et inscrites dans la loi.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 6 juin 2011.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle qu'il incombe aux Etats membres du Conseil de l'Europe de mettre en œuvre de manière effective les normes internationales applicables en matière de droits de l'homme auxquelles ils ont adhéré, et notamment les normes de la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5) (ci-après «la Convention»). Cette obligation lie l'ensemble des organes de l'Etat, au sein des pouvoirs aussi bien exécutif, judiciaire ou législatif.
2. Les parlements nationaux sont souvent oubliés en la matière. Il est indispensable de réfléchir davantage au potentiel qu’ils représentent. Ils sont essentiels à la mise en œuvre effective des normes internationales applicables aux droits de l'homme à l'échelon national et ils accomplissent leur mission de protection des droits de l'homme en légiférant (y compris en vérifiant des projets de loi), en participant à la ratification des conventions internationales relatives aux droits de l'homme, en demandant des comptes à l'exécutif, en établissant des relations avec les institutions nationales chargées de la protection des droits de l'homme et en favorisant la création d'une culture des droits de l'homme omniprésente.
3. Les membres de l'Assemblée ont, de par leur double mandat de membre de l'Assemblée et de leurs parlements nationaux respectifs, l’obligation particulière de contribuer à cette action.
4. L'Assemblée observe que les «Principes de Paris» des Nations Unies de 1993 sont devenus la référence internationalement admise, qui fixe les normes minimales essentielles applicables au rôle et au fonctionnement des institutions nationales indépendantes chargées des droits de l'homme; il convient d'établir des critères similaires pour les organes parlementaires.
5. S'agissant de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après «la Cour»), l'Assemblée:
5.1. estime que les parlements nationaux sont exceptionnellement bien placés pour demander aux gouvernements des comptes sur l'exécution rapide et effective des arrêts de la Cour, ainsi que pour adopter rapidement les amendements législatifs nécessaires;
5.2. regrette que le débat sur l'avenir du système de la Convention qui a fait suite à la conférence d'Interlaken ne prenne pas suffisamment en compte le rôle important que pourraient jouer les parlements et déplore le silence de la Déclaration d'Izmir sur ce point;
5.3. met en avant les exemples positifs de plusieurs Etats membres, notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Finlande et la Roumanie, qui ont mis en place des structures parlementaires chargées du suivi de l'exécution des arrêts de la Cour.
6. Par ailleurs, l'Assemblée:
6.1. encourage les parlementaires à superviser la détermination des normes relatives aux droits de l'homme par les autorités judiciaires et administratives nationales et leur application;
6.2. invite instamment les parlementaires à exercer leur responsabilité s'agissant d’examiner attentivement le travail de l'exécutif de leur pays, notamment à l'égard de la mise en œuvre des normes internationales applicables aux droits de l'homme;
6.3. invite les gouvernements à associer les parlements nationaux au processus de négociation des conventions internationales relatives aux droits de l'homme et au processus de mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme;
6.4. invite tous les Etats membres à prévoir une procédure parlementaire adéquate destinée à vérifier systématiquement la compatibilité des projets de loi avec les normes de la Convention et à éviter de futures violations de la Convention, y compris par le suivi régulier de l'ensemble des arrêts susceptibles d'avoir une incidence sur les ordres juridiques concernés;
6.5. invite instamment les parlements à redoubler d'effort dans leur contribution au contrôle des arrêts de la Cour, en surveillant les mesures prises par les autorités compétentes pour exécuter les arrêts défavorables, y compris par l’examen attentif des mesures effectivement prises;
6.6. invite les parlements à mettre en place et/ou à renforcer les structures qui permettraient l'intégration et le contrôle rigoureux de leurs obligations internationales relatives aux droits de l'homme, sur la base des principes ci-dessous.
7. L'Assemblée invite, en conséquence, les parlements à mettre en œuvre les principes fondamentaux du contrôle parlementaire des normes internationales relatives aux droits de l'homme suivants:
7.1. Cadre et attributions adéquats
7.1.1. Les parlements nationaux établissent des structures parlementaires adéquates pour garantir le suivi et le contrôle rigoureux et régulier du respect des obligations internationales en matière de droits de l'homme, qu'il s'agisse de commissions des droits de l'homme spécifiques ou de structures analogues adéquates, dont les compétences doivent être clairement définies et consacrées par la loi.
7.1.2. Ces compétences devraient englober, notamment,
7.1.2.1. la vérification systématique de la compatibilité des projets de loi avec les obligations internationales en matière de droits de l'homme;
7.1.2.2. l’obligation faite aux gouvernements de soumettre régulièrement des rapports consacrés aux arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l'homme et à leur exécution;
7.1.2.3. l'initiative de propositions de loi et d'amendements à la législation;
7.1.2.4. des pouvoirs d'assignation de témoins et de communication de documents dans le cadre de leurs compétences.
7.1.3. Ces commissions sont chargées de veiller à ce que les parlements soient convenablement conseillés et informés sur les questions relatives aux droits de l'homme. Il convient également de dispenser aux parlementaires et à leur personnel une formation aux droits de l'homme.
7.2. Conseils indépendants
7.2.1. Les commissions des droits de l'homme, ou les structures analogues adéquates, ont accès à une expertise indépendante dans le domaine des droits de l'homme.
7.2.2. Des ressources suffisantes sont également mises à leur disposition pour leur offrir l'appui d'un secrétariat spécialisé.
7.3. Coopération avec les autres institutions et la société civile
7.3.1. Une coopération et un dialogue régulier sont maintenus, le cas échéant, avec les instances nationales (par exemple, les institutions nationales chargées des droits de l'homme, les membres des commissions parlementaires) et internationales (par exemple, l'Assemblée parlementaire, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, les instances européennes et les autres instances internationales chargées du suivi des droits de l'homme) pertinentes, ainsi qu'avec les représentants d'organisations non gouvernementales reconnues ayant une expérience significative et pertinente.

B. Exposé des motifs, par M. Pourgourides, rapporteur

(open)

1. Etat de la procédure à ce jour

1. La commission des questions juridiques et des droits de l'homme a proposé de choisir comme thème principal du débat sur la situation des droits de l'homme en Europe, programmé pour la partie de session de juin 2011, le thème suivant: «Les parlements nationaux, garants des droits de l'homme en Europe», conformément aux priorités définies par la Résolution 1547 (2007), et la Recommandation 1791 (2007) sur la situation des droits de l'homme et de la démocratie en Europe. Le Bureau de l’Assemblée parlementaire a accepté cette proposition lors de sa réunion du 8 octobre 2010. La commission des questions juridiques et des droits de l'homme m’a nommé rapporteur sur cette question le 17 novembre 2010.
2. Lors de sa réunion du 14 avril 2011, la commission a procédé à une audition avec les experts suivants:
  • M. Martin Kuijer, conseiller juridique des droits de l’homme du ministre de la Sécurité et de la Justice, Pays-Bas
  • Mme Almut Wittling-Vogel, agente des droits de l’homme auprès du ministère fédéral allemand de la Justice;
  • M. Alexey Ivanovich Aleksandrov, président de la commission de législation constitutionnelle du Conseil de la Fédération de Russie;
  • M. Murray Hunt, conseiller juridique, commission parlementaire mixte des droits de l’homme, Royaume-Uni.
3. Un questionnaire portant sur le contrôle parlementaire des normes européennes en matière de droits de l'homme 
			(2) 
			Centre européen de
recherche et de documentation parlementaires (CERDP), demande n°
1586. a été adressé en anglais, français, allemand et russe aux parlements de l'ensemble des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe le 30 novembre 2010. Il visait à obtenir des informations sur les structures parlementaires mises en place au niveau national pour assurer le suivi et l’évaluation de façon régulière de l’application des normes internationales en matière de droits de l'homme:
  • Quelles sont les structures parlementaires qui existent pour assurer de façon régulière le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des normes internationales en matière de droits de l'homme? Y a-t-il des (sous-)commissions spéciales pour assurer cette évaluation et ce suivi réguliers? S’il n’existe pas de telles structures, quelles sont les mesures qui sont prises pour en créer?
  • Existe-t-il dans votre structure parlementaire des groupes parlementaires informels? Le cas échéant, veuillez préciser, en indiquant aussi les arrangements ad hoc avec des organisations non gouvernementales (ONG) et des institutions nationales de défense des droits de l'homme.
  • Quelle formation particulière est assurée aux parlementaires et/ou à leurs collaborateurs en ce qui concerne les droits de l'homme? Les parlementaires et leurs collaborateurs bénéficient-ils du soutien d'experts juridiques indépendants spécialistes des droits de l'homme? Veuillez préciser.
4. Trente-six Etats membres ont répondu à ce questionnaire. Le présent rapport expose les principales conclusions de cette enquête.

2. Objet du présent rapport

5. Le respect des droits de l'homme est une condition préalable indispensable à l’existence d’une démocratie effective 
			(3) 
			Association des secrétaires
généraux des parlements (ASGP), «Les mécanismes de traitement des
droits de l'homme dans les parlements», Informations
constitutionnelles et parlementaires, vol. 53, 2003,
n° 186, p. 5., et inversement; il semble donc indispensable que les parlements jouent un rôle déterminant en matière de droits de l'homme.
6. Toutefois, en dépit de leur rôle crucial dans toute démocratie, les parlements sont souvent oubliés dans le débat sur les droits de l'homme. C’est, en effet, le pouvoir judiciaire, en charge au quotidien des recours contre les violations des droits de l'homme, qui est le plus souvent désigné comme le garant de ces droits. En outre, même la société civile, par l’intermédiaire de diverses ONG et des médias, semble bien souvent plus soucieuse de la protection des droits de l'homme que les parlements.
7. L’examen plus attentif de la réalité de la situation montre pourtant que les parlements et les parlementaires devraient se situer, et se trouvent effectivement, au cœur de la protection des droits de l'homme. Les parlements, expression de la représentation du peuple, définissent le cadre législatif dans lequel les sociétés fonctionnent. Un tel cadre législatif doit se conformer aux normes nationales et internationales en matière de droits de l'homme et de primauté du droit. La législation permet certes de garantir les droits de l'homme, mais elle peut également être à l'origine de leur violation. Comme les parlements adoptent les lois qui sont ensuite appliquées par l’administration et interprétées par les tribunaux, ils devraient également en contrôler l'application par l'exécutif.
8. Les parlements et leurs membres incarnent le lien entre le peuple, sujet des droits de l'homme, et les pouvoirs publics. Ils ont le pouvoir de jouer un rôle majeur dans la protection des droits de l'homme dans une société démocratique.
9. Ce rapport vise à examiner les divers moyens dont disposent les parlements en matière de protection des droits de l'homme et à souligner leur rôle dans ce domaine.
10. Il traite des parlements nationaux européens. Toutefois, compte tenu du rôle exceptionnel du Parlement européen, qui exerce une influence croissante sur la politique relative aux droits de l'homme des Etats membres de l’Union européenne, d’une part, et de l’adhésion prochaine de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme («la Convention»), d’autre part, le rapport évoquera aussi les mécanismes et les pratiques du Parlement européen en la matière.
11. A l’exception de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le rapport n’étudiera pas les organes parlementaires internationaux comme l’Association parlementaire du Commonwealth ou l’Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
12. Dans le système européen de protection des droits de l'homme, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme («la Cour») revêt une importance capitale. C’est au Comité des Ministres qu’il incombe avant tout de contrôler l'exécution des arrêts de la Cour 
			(4) 
			Article
46, paragraphe 2, de la Convention.. L’Assemblée y contribue néanmoins fortement depuis 2000 
			(5) 
			Voir la note 70 infra. Voir aussi Drzemczewski A.,
«The Parliamentary Assembly’s Involvement in the Supervision of the
Judgments of the Strasbourg Court», Netherlands
Quarterly of Human Rights, vol. 28/2, 2010, p. 164-178..
13. Le rôle joué par les parlements nationaux dans l'exécution des arrêts de la Cour retient moins l'attention. Dans mon dernier rapport sur l'exécution des arrêts de la Cour, je soulignais l'importance que revêt la participation des parlements nationaux à l'exécution des arrêts de la Cour 
			(6) 
			Voir Doc. 12455, paragraphes
195 à 208.. Cette thèse est ici reprise et développée.
14. La plupart des parlements nationaux n’exercent pas un contrôle régulier et effectif sur l'exécution des arrêts de la Cour. Le présent rapport recense les exemples de bonnes pratiques de certains Etats, qui pourraient servir de modèle aux autres.

3. Définition et fonctions

3.1. Définition du parlement

15. Le parlement est la réunion des représentants du peuple. Le terme lui-même provient du mot latin parliamentum et du mot français parlement, qui découle du premier et désigne le fait de s’exprimer. Il s'agit donc d'une assemblée de personnes qui s’expriment et discutent des affaires de l'Etat.
16. D'après l'Union interparlementaire (UIP), un parlement fondé sur les principes démocratiques doit présenter les caractéristiques suivantes: 1) être représentatif socialement et politiquement de la diversité de la population et garantir l'égalité des chances et la protection de l'ensemble de ses membres (représentativité); 2) être ouvert à la nation par le biais de différents médias et transparent dans la conduite de ses affaires (transparence); 3) être accessible au public, ce qui suppose la participation des associations et des mouvements de la société civile (accessibilité); 4) les parlementaires sont tenus de rendre compte à l'électorat de l'exercice de leurs fonctions et de l'intégrité de leur conduite, ce que garantissent la procédure parlementaire et la tenue d’élections régulières (obligation de rendre compte); enfin, 5) le parlement doit organiser efficacement ses activités dans le respect des valeurs démocratiques et exercer ses fonctions législatives et de contrôle dans l'intérêt de l'ensemble de la population (effectivité) 
			(7) 
			Voir «Parlement et
démocratie au XXIe siècle: guide des bonnes pratiques», UIP, 2006,
p. 7, 
			(7) 
			<a href='http://www.ipu.org/PDF/publications/democracy_fr.pdf'>www.ipu.org/PDF/publications/democracy_fr.pdf</a>..
17. L’article 3 du premier Protocole à la Convention européenne des droits de l'homme précise que les Hautes Parties contractantes s'engagent à organiser à intervalles raisonnables des élections libres à bulletin secret, sous réserve qu'elles garantissent la libre expression de l'opinion des citoyens dans le choix du corps législatif 
			(8) 
			L'article 25 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques comporte une
formulation similaire..

3.2. Fonctions du parlement

18. Conformément à la doctrine de la séparation des pouvoirs, la puissance publique est exercée par des institutions distinctes et indépendantes les unes des autres, afin d'éviter toute concentration du pouvoir par une seule et même personne ou institution. Selon cette doctrine, le pouvoir législatif est exercé par le parlement, le pouvoir exécutif est confié à un gouvernement chargé d'élaborer et de mettre en œuvre une politique pour le bien commun de la société, tandis que le pouvoir judiciaire est détenu par les tribunaux, qui veillent à ce que la législation soit correctement appliquée et à ce que toute faute soit sanctionnée de façon adéquate 
			(9) 
			Voir «Guide de la pratique
parlementaire», UIP et UNESCO, 2003, p. 4, <a href='http://www.ipu.org/PDF/publications/unesco_fr.pdf'>www.ipu.org/PDF/publications/unesco_fr.pdf</a>..
19. Les parlements équilibrent les pouvoirs exécutif et judiciaire en débattant de la législation, en l’adoptant et en assurant son suivi. Ils définissent le cadre dans lequel s'exerce l'action de l'exécutif et du pouvoir judiciaire, notamment en adoptant le budget de l'Etat.
20. Les fonctions des parlements sont par conséquent les suivantes. En premier lieu, ils légifèrent, c'est-à-dire qu'ils adoptent la législation qui régit la société. Cette activité englobe la ratification ou l'autorisation de ratification des conventions internationales, ainsi que le fait de veiller à ce que les normes énoncées par ces conventions soient transposées en droit interne et mises en œuvre. Deuxièmement, ils approuvent le budget et définissent les priorités de la politique nationale. Ils s’assurent dans ce cas que des fonds suffisants sont consacrés à la mise en œuvre des droits de l'homme et que ces fonds sont utilisés à bon escient. Troisièmement, ils surveillent l'action de l'exécutif et l'examinent attentivement, afin de veiller à ce que le gouvernement, l'administration et les autres instances étatiques respectent les obligations en matière de droits de l'homme. Quatrièmement, les parlementaires peuvent contribuer, en leur qualité de guides de l'opinion publique, à l’instauration d’une culture des droits de l'homme dans leur pays.
21. Nous examinerons à présent comment traduire dans les structures parlementaires une politique en faveur des droits de l'homme, eu égard aux fonctions que nous venons d'exposer.

4. Intégration de la politique relative aux droits de l'homme dans les structures parlementaires

4.1. Liberté d'expression et d’information des parlementaires

22. La garantie de la liberté d'expression et de réunion des parlementaires est indispensable à la qualité des débats, qui constituent le principal instrument des parlements. Les parlementaires doivent également être libres de rechercher, d'obtenir et de communiquer des informations, ainsi que d'exprimer des idées sans crainte de représailles, dans les limites de leur responsabilité devant les électeurs. Leur statut d'indépendance et d'autonomie, qui leur permet d'agir sans subir de pressions, exception faite des dispositions internes prises par les partis, doit être protégé. Les privilèges et immunités parlementaires sont à cet égard primordiaux. Les parlementaires n'ont de compte à rendre qu’aux électeurs. Leur fonction doit être inviolable. Ils ne peuvent être arrêtés, détenus et poursuivis (au pénal ou plus rarement au civil) au cours de leur mandat qu'avec le consentement du parlement 
			(10) 
			Pour
une analyse détaillée des immunités parlementaires, voir Hulst M.,
“The parliamentary mandate: a global overview”, 2000, p. 63 et suiv.. Ce principe a, à l'évidence, ses limites. Inviolabilité ne signifie pas impunité. Elle permet uniquement au parlement de vérifier que les poursuites engagées à l'encontre de ses membres sont fondées en droit 
			(11) 
			«Droits
de l'homme: guide à l'usage des parlementaires», UIP et Haut-Commissariat
des Nations Unies aux droits de l’homme, 2005, p. 65.. En conséquence, les immunités ne sauraient en aucun cas permettre d'empêcher qu'une enquête effective, indépendante et impartiale soit ouverte au sujet de graves violations des droits de l'homme 
			(12) 
			Voir la Résolution 1675 (2009) «Situation
des droits de l’homme en Europe: nécessité d’éradiquer l’impunité», paragraphe
9.2..

4.2. Structures de gestion des parlements

23. Les Constitutions nationales définissent les caractéristiques essentielles des attributions et de l'organisation des parlements et confèrent pour l'essentiel à ces derniers la compétence d'organiser à leur guise leurs travaux et leurs procédures 
			(13) 
			Voir “Parliamentary
Human Rights Committees”, National Democratic Institute for International
Affairs, 2004, p. 11, <a href='http://www.ndi.org/files/parlhrscommittees_080105.pdf'>www.ndi.org/files/parlhrscommittees_080105.pdf</a>..
24. Les parlements présentent en règle générale une structure de gestion à deux niveaux 
			(14) 
			Voir
«Guide de la pratique parlementaire», op.
cit., p. 6.. La structure politique est chargée de prendre les décisions qui ont trait aux questions politiques soumises au parlement. Cette structure traduit la configuration politique du parlement: les partis de la majorité et de l'opposition y sont représentés. Elle est dirigée par un président. La structure administrative seconde le processus de prise de décision politique. Cette fonction est d’ordinaire assurée par un secrétariat placé sous l'autorité du président, qui fournit les services administratifs et autres services d'assistance aux parlementaires. Les agents du secrétariat sont habituellement recrutés en fonction de leurs compétences et rémunérés par le parlement. Ils sont indépendants vis-à-vis des autorités politiques et sont tenus d'exercer leurs fonctions sans tenir compte de l'apparentement politique des parlementaires concernés.
25. Les travaux des parlements s'effectuent principalement par le biais des commissions, qui en sont les organes. Elles assument les fonctions législatives et de contrôle, préparent le travail de la plénière, examinent attentivement les textes de loi proposés et soumettent des recommandations. Ces commissions peuvent être permanentes ou non (ad hoc). Les premières, qui fonctionnent de façon continue d'un mandat parlementaire à l'autre, assument l'essentiel des activités parlementaires, tandis que les dernières sont constituées pour enquêter ou faire rapport sur une question précise 
			(15) 
			Voir la note 14 supra.. Les parlements composés de deux chambres mettent souvent en place des commissions mixtes chargées d'étudier les questions d'intérêt commun et d'en rendre compte.

4.3. Législation: les commissions des droits de l'homme, transversales ou spécialisées

26. Les parlements sont en principe libres de légiférer selon les idées de leurs membres. C'est là l’une de leurs principales fonctions, comme nous l'avons souligné tout à l'heure. Ils façonnent le mode de fonctionnement des sociétés et définissent le cadre législatif. Cependant, comme ils s’inscrivent au sein d'un Etat, ils sont également tenus de respecter la Constitution et les obligations supranationales et internationales. Les droits de l'homme touchent à l'ensemble de ces secteurs. La question est donc de savoir comment organiser les structures des parlements pour garantir le respect des obligations nationales, supranationales et internationales en matière de droits de l'homme au cours de la procédure législative.
27. Il existe, en gros, deux manières d’aborder les droits de l'homme au sein des structures parlementaires et au moyen des commissions parlementaires.
28. Dans le premier modèle, les droits de l'homme sont envisagés comme une question transversale et horizontale, qui doit être prise en compte («intégrée») dans les travaux de l'ensemble des commissions parlementaires. Chaque commission parlementaire est ainsi considérée comme une «commission des droits de l'homme». C'est la solution retenue en Andorre 
			(16) 
			La commission législative
de l'intérieur examine le rapport annuel du médiateur., Autriche 
			(17) 
			Bien
que la commission des droits de l'homme et la commission constitutionnelle
du Conseil national examinent toutes deux la législation relative
aux droits de l'homme, il n'existe aucun suivi ni aucune évaluation
systématiques en la matière., Belgique 
			(18) 
			La commission de la
justice des deux assemblées (Chambre des représentants et Sénat)
traite des questions internes relatives aux droits de l'homme et
la commission des relations extérieures traite des questions internationales relatives
aux droits de l'homme., au Danemark 
			(19) 
			Chaque commission traite
des droits de l'homme dans son domaine de compétence. La commission
des questions juridiques, d'une part, et l'Institut danois des droits
de l'homme et le médiateur, d'autre part, entretiennent des contacts réguliers.
La commission examine les rapports de ces entités., en Estonie 
			(20) 
			Plusieurs
commissions permanentes, comme la commission constitutionnelle et
la commission des questions juridiques, traitent des questions relatives
aux droits de l'homme., Union européenne 
			(21) 
			Une sous-commission
des droits de l'homme traite des questions relatives aux droits
de l'homme à l'extérieur de l'Union européenne., Finlande, France, Islande, aux Pays-Bas, en Norvège, Fédération de Russie, République slovaque 
			(22) 
			La commission des droits
de l'homme et des minorités examine les projets de loi, les conventions
internationales et certains programmes gouvernementaux au regard
de leur respect des droits de l'homme nationaux et internationaux.
Elle coopère avec les instances centrales de l'administration nationale,
notamment le Défenseur public des droits, l'Institut pour la mémoire
de la nation, l'Office de protection des données à caractère personnel
et le Centre national des droits de l'homme. Il n'existe aucun groupe
parlementaire informel. Toutefois, les rapports des entités précitées
sont présentés chaque année devant le Conseil national et ses commissions., Slovénie 
			(23) 
			Il n'existe
aucune commission particulière chargée des droits de l'homme; ces
questions sont examinées par la commission de la politique intérieure,
de l'administration publique et de la justice. La commission des
pétitions, des droits de l'homme et de l'égalité des chances traite
des plaintes des citoyens, examine les rapports annuels habituels
et les rapports spéciaux du médiateur et dispense des conseils relatifs
aux droits de l'homme à l'Assemblée nationale., Espagne 
			(24) 
			Ni le
Congrès des députés ni le Sénat ne dispose d'une structure spéciale.
Les droits de l'homme sont en général examinés par les commissions
constitutionnelles permanentes des deux chambres du parlement. Une
commission spéciale est chargée des rapports avec le médiateur., Suède et Suisse 
			(25) 
			Les
commissions permanentes traitent, dans le cadre de leurs compétences,
des questions relatives aux droits de l'homme. Le gouvernement informe
cependant le parlement par le biais de son rapport annuel sur les
activités de la Suisse au sein du Conseil de l'Europe..
29. Le deuxième modèle suppose de créer une commission parlementaire spécialement chargée des droits de l'homme ou d'ajouter ce mandat des droits de l'homme à la compétence d'une commission déjà existante. Cette commission a souvent pour tâche de veiller à ce que les autres commissions parlementaires agissent dans le respect des droits de l'homme. Ces commissions existent dans les pays suivants: Bosnie-Herzégovine, Croatie 
			(26) 
			La commission permanente
des droits de l'homme et des minorités nationales élabore la politique
en la matière et contrôle sa mise en œuvre, y compris l'application
des conventions internationales ratifiées relatives aux droits de l'homme., Chypre 
			(27) 
			Une commission
permanente des droits de l'homme est chargée du suivi et de l'examen
attentif de la mise en œuvre des normes nationales et internationales
applicables en matière de droits de l'homme. Elle examine les diverses
affaires de violation des droits de l'homme et coopère étroitement
avec le médiateur, qui peut rendre des avis., République tchèque 
			(28) 
			La
commission des recours du parlement examine les dispositions législatives
relatives aux droits de l'homme et des minorités, y compris les
projets de loi destinés à transposer en droit interne le droit de
l'Union européenne. Elle examine le rapport sur la situation des
droits de l'homme en République tchèque et procède au suivi des
activités du défenseur public des droits et du rapport synthétique
annuel consacré aux activités de ce dernier. Le Sénat compte une
commission de l'éducation, de la science, de la culture, des droits
de l'homme et des recours., Géorgie 
			(29) 
			La commission des droits
de l'homme participe au processus législatif qui a trait à la ratification
et à la mise en œuvre des normes internationales relatives aux droits
de l'homme., Allemagne, Grèce, Hongrie 
			(30) 
			Une commission des
droits de l'homme, des minorités, des questions civiles et de la
religion prend des initiatives, fait des propositions, rend des
avis et prend des décisions en matière de droits de l'homme., Irlande, Italie 
			(31) 
			Chambre
des députés: le Parlement italien ne compte aucune instance distincte
spécialement chargée de vérifier la compatibilité des projets de
loi avec la Convention, puisque cette activité est exercée par chaque
commission permanente. Les commissions permanentes vérifient en
effet la conformité à la Convention, qui est également une composante
de la procédure législative applicable aux projets de loi. Un Centre
de contrôle de la xénophobie et du racisme a été créé en 2009. Sénat:
une commission spéciale des droits de l'homme a été instituée en
2001; sa compétence est consultative., Lettonie 
			(32) 
			La commission des droits
de l'homme et des questions publiques assure le contrôle et l'examen
de la mise en œuvre des normes internationales applicables en matière
de droits de l'homme. Les commissions consultent souvent les ONG., Lituanie, Luxembourg 
			(33) 
			Une
commission consultative des droits de l'homme est au service du
gouvernement., «l'ex-République yougoslave de Macédoine», Moldova 
			(34) 
			Une
commission des droits de l'homme et des relations interethniques
est chargée de contrôler et d'évaluer la mise en œuvre des normes
relatives aux droits de l'homme., Pologne 
			(35) 
			La commission de la
justice et des droits de l'homme du Sejm est chargée de veiller
au respect de l'Etat de droit par l'ensemble des acteurs de la procédure
judiciaire, ainsi qu’au respect des droits de l'homme. Le commissaire
des droits des citoyens remet chaque année son rapport au Sejm., Roumanie, Serbie 
			(36) 
			La commission
des droits de l'homme et des minorités, des libertés et des droits
de l'enfant examine les projets de loi et les autres questions en
la matière., Turquie 
			(37) 
			Une commission parlementaire
permanente des droits de l'homme veille au respect des normes internationales relatives
aux droits de l'homme. et Royaume-Uni.
30. Les informations recueillies et l'expérience montrent, selon moi, que ce deuxième modèle présente d'indéniables avantages. Il centralise les compétences et définit des axes. Je reviendrai plus en détail sur ce point dans les propositions que je formule plus loin.

4.4. Ratification des conventions relatives aux droits de l'homme

31. Les conventions internationales relatives aux droits de l'homme sont habituellement négociées et signées par les représentants du pouvoir exécutif des Parties contractantes. Afin d'assurer leur validité au sein d'un ordre juridique donné, elles peuvent être ensuite ratifiées conformément aux obligations constitutionnelles spécifiques des divers ordres juridiques. Dans la plupart des Etats, cette démarche suppose la participation du parlement. Compte tenu du fait que les parlementaires nationaux ne prennent en général pas directement part à l'élaboration des conventions internationales ou au processus décisionnel qui y est associé 
			(38) 
			L’Assemblée
représente dans une certaine mesure une exception à ce principe,
puisqu'elle donne son avis – lorsque le Comité des Ministres le
lui demande, d'ordinaire sur la base d'un texte établi par la commission
des questions juridiques et des droits de l'homme – sur les projets
de convention, avant leur adoption définitive., l'UIP préconise une plus grande participation des parlementaires nationaux à la négociation des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dans la mesure où il leur appartient en définitive d'adopter la législation pertinente et de veiller à sa mise en œuvre. Ils devraient intervenir bien en amont de la ratification et participer, avec les représentants du gouvernement, à l'élaboration des nouveaux instruments au sein des instances délibératives internationales 
			(39) 
			Voir «Droits de l'homme:
guide à l'usage des parlementaires», op.
cit., p. 65. Voir également le rapport sur le rôle des parlements
dans la consolidation et le développement des droits sociaux en
Europe», Doc. 12632 (rapporteur:
Mme Carina Ohlsson, Suède, SOC), paragraphe 9..
32. Je ne puis que souscrire à ce souhait, que j'adresse à mon tour aux Etats membres du Conseil de l'Europe. Les Etats membres pourraient ainsi s'inspirer de la procédure prévue par le Protocole n° 1 au traité de Lisbonne sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne 
			(40) 
			Le
protocole est publié au Journal officiel de l'Union européenne,
C 83/203 du 30 mars 2010: 
			(40) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:0201:0328:FR:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:0201:0328:FR:PDF</a>., qui met en place un mécanisme de rapport aux parlements nationaux sur les textes de loi en cours d'élaboration au sein des institutions de l’Union européenne.
33. Le processus d'élaboration de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210) offre une excellente illustration de la participation anticipée des parlementaires à l'établissement d'un traité international. En l'espèce, la Déclaration de Vienne de 2008, qui demandait au Conseil de l'Europe d'établir un avant-projet, préconisait déjà la participation des parlements 
			(41) 
			Déclaration de Vienne
– «Parlements: agissez maintenant pour stopper la violence domestique!»,
adoptée à Vienne le 30 avril 2008, <a href='http://www.coe.int/t/pace/campaign/stopviolence/source/vienna_declaration_fr.pdf'>www.coe.int/t/pace/campaign/stopviolence/source/vienna_declaration_fr.pdf</a>. A cet égard, le Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) a régulièrement tenu compte des contributions des parlements nationaux, par l'intermédiaire de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes de l’Assemblée. Une campagne spécifique, intitulée «Stop à la violence domestique faite aux femmes (2006-2008)», prévoyait une structure informelle et efficace. Des parlementaires de référence ont été désignés pour chaque parlement. Cette campagne a ensuite abouti à la constitution du réseau de parlementaires de référence de l'Assemblée parlementaire chargés de la lutte contre la violence à l'égard des femmes, dont la mission consistait à intervenir au sein de leurs parlements respectifs en faveur de la signature et de la ratification de la convention 
			(42) 
			Pour
de plus amples informations: 
			(42) 
			<a href='http://assembly.coe.int/main.asp?link=/Communication/Campaign/DomesticViolence/default_FR.asp'>http://assembly.coe.int/main.asp?link=/Communication/Campaign/DomesticViolence/default_FR.asp</a>.
34. Cette convention est par ailleurs le premier instrument international à prévoir la participation des parlements à la procédure de suivi. Cette participation est double: à l'échelon national, les parlements prennent part au suivi des mesures adoptées pour mettre en œuvre la convention; à l’échelon européen, l'Assemblée parlementaire sera invitée à faire régulièrement le point sur la convention.
35. Le réseau de parlementaires de référence constitué dans le cadre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201) représente un projet similaire. Là encore, l'Assemblée a mis en place un réseau de parlementaires chargés d'associer les membres des parlements nationaux à la dimension parlementaire de la Campagne du Conseil de l'Europe «Un sur cinq contre la violence sexuelle à l'égard des enfants», afin de coordonner l'action parlementaire nationale, européenne et internationale en faveur de la lutte contre les violences sexuelles commises sur les enfants, de faciliter le partage des meilleures pratiques mises en œuvre dans chaque Etat membre sur le plan de l'action législative et politique et de promouvoir la signature et la ratification de la convention 
			(43) 
			Pour de plus amples
informations: <a href='http://www.coe.int/t/dg3/children/1in5/PACE/About_fr.asp?expandable=5'>www.coe.int/t/dg3/children/1in5/PACE/About_fr.asp?expandable=5</a>.
36. Il conviendra à l’avenir de suivre ces exemples.

4.5. Contrôler l'action de l'exécutif

37. Il incombe aux parlements de demander des comptes à l'exécutif, en contrôlant son action et en veillant à ce qu'il ne porte pas atteinte aux droits des citoyens. Ils peuvent, à cette fin, demander à l'exécutif de leur remettre des rapports réguliers sur ses activités, poser des questions aux ministres, créer des commissions spéciales et organiser des visites sur le terrain, pour enquêter sur l'action de l'exécutif et proposer des mesures rectificatives 
			(44) 
			Voir «Guide de la pratique
parlementaire», op. cit.,
p. 9..
38. Ces activités sont courantes et exigent une vigilance de chaque instant. Le Parlement suisse a récemment offert un remarquable exemple à cet égard: à propos de la constitution de listes noires par le Conseil de sécurité des Nations Unies, il a adopté, contre l'avis du gouvernement, une proposition qui imposait à la Suisse de ne plus appliquer les sanctions pertinentes lorsque, à l'issue d'une période de trois ans, l'intéressé n'avait pas été déféré devant une autorité judiciaire ou n'avait pu saisir d'un recours une autorité indépendante. La proposition a été adoptée à l'unanimité par le Conseil des Etats (Sénat) et à une large majorité par la Chambre basse. Le Gouvernement suisse a de ce fait été contraint de notifier cette décision au Conseil de sécurité des Nations Unies 
			(45) 
			L'échange de courrier
avec le Conseil de sécurité des Nations Unies et de plus amples
informations sont disponibles dans le document AS/Jur «Note d’information:
Compatibilité des listes noires [terrorisme] du Conseil de sécurité
des Nations Unies avec les exigences de la Convention européenne
des droits de l’homme» : 
			(45) 
			<a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/07122010_blacklists_F.pdf'>http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/07122010_blacklists_F.pdf</a>.

4.6. Contentieux

39. Dans certains ordres juridiques, les parlements nationaux peuvent prendre part à la protection des droits de l'homme par le biais du contentieux. Ainsi, en droit allemand, le tribunal constitutionnel fédéral a compétence pour statuer sur une demande déposée par un quart des députés du Bundestag, en cas de désaccord ou de doute au sujet de la compatibilité sur la forme ou sur le fond du droit fédéral ou du droit d’un Land avec la Constitution ou à propos de la conformité du droit d’un Land avec le reste de la législation fédérale 
			(46) 
			Voir l’article 93 de
la Constitution allemande (Grundgesetz).. Ce type de recours concerne souvent les droits fondamentaux consacrés par la Constitution.
40. Les parlements devraient utiliser les possibilités de défense des droits de l'homme que leur offre la procédure.

4.7. Liens avec les institutions nationales chargées des droits de l'homme

41. Un certain nombre de pays ont mis en place des institutions nationales indépendantes chargées des droits de l'homme 
			(47) 
			Ces institutions existent
dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe: Albanie, Allemagne,
Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Danemark, Espagne, France,
Grèce, Irlande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal,
Fédération de Russie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Royaume-Uni. et fondées sur les «Principes de Paris». Ces principes 
			(48) 
			Principes relatifs
au statut des institutions nationales (Principes de Paris): 
			(48) 
			<a href='http://www2.ohchr.org/english/law/parisprinciples.htm'>www2.ohchr.org/english/law/parisprinciples.htm</a>, qui ont été entérinés par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies 
			(49) 
			Résolution
1992/54 du 3 mars 1992. et l'Assemblée générale des Nations Unies 
			(50) 
			Résolution
48/134 du 20 décembre 1993, annexe., sont devenus la référence internationalement admise, qui fixe les normes minimales essentielles applicables au fonctionnement des institutions nationales chargées des droits de l'homme. Elles exigent que les institutions nationales compétentes en matière de droits de l'homme aient un mandat clairement défini et élargi, fondé sur les normes universelles relatives aux droits de l'homme; qu'elles jouissent d'une indépendance garantie par la législation ou la Constitution et d'une autonomie par rapport au gouvernement; qu'elles soient l'expression d'un pluralisme, y compris au travers de leur composition, qui doit être le reflet de la société dans ses grandes lignes; que des pouvoirs d'enquête adéquats leur soient conférés et qu'elles bénéficient de moyens suffisants.
42. Il convient d'étudier de façon plus approfondie les relations avec ces institutions, car elles présentent un énorme potentiel de protection des droits de l'homme à l'échelon national. A cet égard, j'aimerais attirer l'attention de l'Assemblée sur les «lignes directrices d’Abuja», établies en 2004 à Abuja (Nigeria), qui visent à renforcer la coopération entre les institutions nationales chargées des droits de l'homme et les parlements 
			(51) 
			«Droits de l'homme:
guide à l'usage des parlementaires», op.
cit., p. 75..

4.8. Formation des parlementaires et de leur personnel

43. Une protection suffisante des droits de l'homme ne peut être assurée que si les parlementaires et leurs collaborateurs connaissent et comprennent leur existence et leur portée. Comme les parlementaires sont des guides d'opinion dont l’exemple compte, la mise en place d'une culture parlementaire des droits de l'homme est de la plus haute importance pour intégrer efficacement les préoccupations relatives aux droits de l'homme dans tous les aspects de l'action parlementaire. Rares sont les parlements qui offrent une telle formation: c'est le cas en Bosnie-Herzégovine, au Danemark 
			(52) 
			Les parlementaires
et les agents peuvent demander à suivre une formation., en Estonie, dans l’Union européenne 
			(53) 
			Une formation régulière
est dispensée aux parlementaires et aux agents., en Finlande 
			(54) 
			Il
existe un «groupe des droits de l'homme» informel, qui organise
une formation sur les droits de l'homme à l'intention des parlementaires., en Géorgie 
			(55) 
			Des
experts externes dispensent une formation avec l'aide d'organisations
internationales. et dans «l'ex-République yougoslave de Macédoine» 
			(56) 
			Les
membres de la commission d'enquête permanente pour la protection
des droits et libertés civils suivent une formation sur la protection
des droits de l'homme dispensée par la Fondation Westminster et
l'Association macédonienne des jeunes avocats.. En Bosnie-Herzégovine, par exemple, la fondation allemande Konrad Adenauer organise à l'intention des parlementaires et des agents une série de séminaires sur les droits de l’homme, et notamment sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.
44. Les parlements devraient dispenser davantage de formations à leurs parlementaires et agents, comme le fait la Bosnie-Herzégovine. Il convient, par ailleurs, de fournir aux nouveaux parlementaires et agents des manuels sur les droits de l'homme.
45. A cet égard, le double mandat des membres de l'Assemblée, qui sont à la fois membres de l'Assemblée et de leur parlement national, présente un intérêt particulier pour sensibiliser leurs collègues aux questions relatives aux droits de l'homme. J'estime qu'il est de notre devoir à tous de contribuer à cette sensibilisation à tous les niveaux possibles. Nous avons en la matière une responsabilité particulière.

4.9. Promouvoir une culture des droits de l'homme

46. L'intégration de la politique relative aux droits de l'homme dans les structures parlementaires peut prendre de nombreuses autres formes.
47. Les groupes informels qui transcendent les appartenances politiques pour défendre des intérêts communs sont extrêmement utiles. Bien qu'ils n’aient pas le pouvoir conféré aux commissions officielles, leur caractère informel leur permet souvent de s'exprimer plus franchement, ce qui les autorise à exercer leur influence au profit des questions relatives aux droits de l'homme. Les données recueillies grâce au questionnaire sur ce point sont peu nombreuses. Ces groupes informels sont extrêmement rares au sein des parlements. On en trouve à l'Union européenne 
			(57) 
			Il existe plusieurs
groupes parlementaires informels, tel l’intergroupe sur le Tibet., en Pologne 
			(58) 
			Une
équipe parlementaire pour la coopération avec les ONG assure le
suivi de la législation relative aux ONG et est chargée de promouvoir
le dialogue civil. Une équipe parlementaire chargée de la promotion
de la démocratie dans les pays de l’ancien bloc communiste procède
au suivi et à l'analyse de la situation politique dans ces pays
en matière de normes démocratiques, prend des initiatives politiques
en vue de favoriser les changements démocratiques et coopère avec
des organisations polonaises et étrangères, ainsi qu’avec des initiatives
qui émanent de citoyens., en Serbie 
			(59) 
			Il existe quelques
groupes informels, comme un groupe chargé de la protection des droits
de l'enfance et un groupe de prévention et de protection sociale
des patients séropositifs., en Suède 
			(60) 
			Il existe un certain
nombre de groupes informels, comme un groupe de lutte contre l’antisémitisme,
un groupe des droits de l’homme et un comité pour le Tibet., en Suisse 
			(61) 
			Un groupe
parlementaire informel chargé des droits de l’homme maintient des
contacts étroits avec les ONG., en Turquie 
			(62) 
			Le pays compte des
groupes informels: la Commission de suivi des droits de l'enfance
et les Groupes de travail mixtes de la société civile (baptisés
TGNA). et au Royaume-Uni 
			(63) 
			Le Parlement du Royaume-Uni
dispose d’un système de groupes parlementaires informels réunissant
tous les partis, par exemple sur l’antisémitisme, la peine de mort,
les restitutions extraordinaires, le génocide et les crimes contre l’humanité,
ainsi que les réfugiés. Ces groupes n'ont aucun mandat officiel
ni pouvoir formel, ni, généralement, accès à des experts indépendants..
48. Les groupes informels sont un excellent instrument de promotion et de compréhension des droits de l'homme. Ils fournissent aux parlementaires des informations spécifiques sur un thème commun. Ils transcendent bien souvent les divisions entre les partis politiques. J'espère que davantage de ces groupes verront le jour au sein de nos parlements respectifs.
49. Les parlementaires peuvent avoir une forte influence sur la sensibilisation aux droits de l'homme, du fait de leur statut et de leur caractère public. Dans les milieux politiques, les «Early Day Motions» du Royaume-Uni offrent un moyen efficace d'attirer l'attention des médias sur une question, en l’inscrivant à l'ordre du jour 
			(64) 
			UIP/PNUD (2004). Séminaire
international à l'intention des présidents et membres des instances
parlementaires pour les droits de l'homme, p. 41, <a href='http://www.ipu.org/pdf/publications/hr04_fr.pdf'>www.ipu.org/pdf/publications/hr04_fr.pdf</a>.. Lorsqu'ils intègrent les droits de l'homme dans le programme de partis politiques, les parlementaires s'obligent à œuvrer en faveur du renforcement de la culture des droits de l'homme. Les propositions conjointes des principaux partis ou des principales coalitions et de l’opposition démontrent l'importance de cette question au grand public, qui réalise que l'ensemble des responsables politiques collaborent main dans la main à la protection et à la promotion des droits de l'homme. Parallèlement, les activités des parlementaires qui ont trait aux droits de l'homme peuvent également améliorer la manière dont les citoyens perçoivent leurs représentants, puisque ces activités leur offrent de multiples occasions de démontrer leur prise de position humaniste et fidèle à un certain nombre de principes.
50. Enfin, l'attribution de prix qui récompensent la défense des droits de l'homme renforce considérablement la sensibilisation en la matière. Depuis 1988, l’Union européenne décerne le Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit à des personnalités ou des organisations pour leur dévouement exceptionnel à la cause des droits de l'homme. Ce prix est décerné par le Parlement européen, dont les membres ont ainsi le pouvoir de braquer les projecteurs sur les droits de l'homme en sélectionnant et en examinant les éventuels lauréats 
			(65) 
			Pour de plus amples
informations sur ce prix: 
			(65) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/parliament/archive/staticDisplay.do?language=FR&id=1003'>www.europarl.europa.eu/parliament/archive/staticDisplay.do?language=FR&id=1003</a>. Les parlements nationaux attribuent des prix similaires, par exemple en France, aux Pays-Bas ou au Portugal. Enfin et surtout, le Prix des droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire récompense l'action exceptionnelle de la société civile en faveur de la défense des droits de l'homme en Europe 
			(66) 
			Voir <a href='http://assembly.coe.int/Committee/JUR/HumanRightsPrize/Regulations_F.pdf'>http://assembly.coe.int/Committee/JUR/HumanRightsPrize/Regulations_F.pdf</a>.

5. Le contrôle du respect des obligations relatives aux droits de l'homme

5.1. Rôle de l'Assemblée à l'échelon européen

51. Le joyau du système européen de protection des droits de l'homme est sans conteste la Convention européenne des droits de l'homme, telle qu'interprétée par la Cour de Strasbourg. Sa jurisprudence donne en effet corps et vie aux articles concis de la Convention. L'exécution scrupuleuse, vigilante et consciencieuse des arrêts par les Etats membres est une condition préalable indispensable pour que les citoyens tirent parti de l'action menée par la Cour.
52. Bien que le contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour incombe avant tout au Comité des Ministres en vertu de l'article 46, paragraphe 2, de la Convention, l'Assemblée contribue depuis plusieurs années à l'exécution effective des arrêts de la Cour, en exerçant une pression politique sur les gouvernements des Etats dans lesquels les délais d'exécution des arrêts sont particulièrement longs. Cela permet à l'Assemblée de montrer qu'elle prend ses responsabilités pour protéger les valeurs défendues par le Conseil de l'Europe et veiller à ce que les Etats membres respectent soigneusement les normes de la Convention.
53. Sans entrer dans les détails, j'aimerais souligner que l'Assemblée a adopté depuis 2000 sept résolutions et six recommandations, qui visent à aider les Etats à surmonter leurs faiblesses structurelles et à accélérer le processus de respect scrupuleux des arrêts de la Cour 
			(67) 
			Voir les Résolution 1226 (2000), Recommandation 1477 (2000), Résolution 1268 (2002), Recommandation 1546 (2002), Résolution 1297 (2002), Recommandation 1576 (2002), Résolution 1381 (2004), Résolution 1411 (2004), Recommandation 1685 (2004), Résolution 1516 (2006), Recommandation 1764 (2006), Résolution 1787 (2011) et Recommandation 1955 (2011)..

5.2. Rôle crucial des parlements nationaux

54. Il convient de ne pas faire abstraction du rôle capital des parlements nationaux dans ce domaine, même s'il retient moins l'attention.
55. Les autorités nationales ont l'obligation de garantir le respect des droits et libertés consacrés par la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles. L'article 1 de la Convention précise expressément que «les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention». Il appartient donc à chaque instance de l’Etat, qu'elle fasse partie du pouvoir exécutif, judiciaire ou législatif, de prévenir les violations des droits de l'homme commises à l'échelon national et d’y remédier.
56. Les parlementaires nationaux sont, en leur qualité de représentants démocratiquement élus du peuple, bien placés pour examiner attentivement l'action du gouvernement, de manière à garantir l'exécution rapide et effective des arrêts de la Cour. Ils doivent veiller à ce que les autorités compétentes adoptent les mesures nécessaires à l’exécution d'un arrêt de la Cour défavorable à l'Etat concerné, puis examiner attentivement le véritable contenu de ces mesures.
57. Dans le dernier rapport que j'ai consacré à l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme en janvier 2011, après avoir constaté que dans les Etats où l’exécution des arrêts est considérable les acteurs parlementaires prennent une part active au processus d'exécution 
			(68) 
			Voir
l'étude comparative du projet JURISTRAS, «Why do states implement
differently the European Court of Human Rights judgments? The case
law on civil liberties and the rights of minorities», avril 2009,
p. 23: 
			(68) 
			<a href='http://www.juristras.eliamep.gr/wp-content/uploads/2009/05/why-do-states-implement-differently-the-european-court-of-human.pdf'>www.juristras.eliamep.gr/wp-content/uploads/2009/05/why-do-states-implement-differently-the-european-court-of-human.pdf</a>. , je soulignais que la participation des parlements nationaux était un instrument capital pour l'exécution des arrêts de la Cour 
			(69) 
			Voir le Doc. 12455, paragraphes
195-208.. Je déplorais également que les Etats soient aujourd'hui aussi rares à s'engager activement dans cette voie 
			(70) 
			Voir également
Drzemczewski A., op. cit.,
p. 174 et 175..
58. De même, la Déclaration d'Interlaken du 19 février 2010 
			(71) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/conferenceizmir/INTERLAKEN DECLARATION final_fr.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/conferenceizmir/INTERLAKEN%20DECLARATION%20final_fr.pdf</a> invite au renforcement du principe de subsidiarité et à l'amélioration de l'efficacité du système de contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour. Dans son préambule, elle mentionne expressément le rôle joué par les parlements [nationaux] dans la garantie et la protection des droits de l'homme à l'échelon national. Cette mention particulière des parlements a été ajoutée à la déclaration juste avant la conférence et on peut affirmer de façon catégorique que cette insertion est le fruit de l'action menée par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée sous la présidence de mon prédécesseur, Mme Herta Däubler-Gmelin 
			(72) 
			Pour une analyse approfondie
de la question, voir également Drzemczewski A., op. cit., p. 165, note 2.. Ma collègue, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, a également fait part de ses regrets: «il est quelque peu étrange de constater que les documents adoptés à Interlaken ne fassent aucunement mention de l’Assemblée, et à peine du rôle des parlements nationaux» 
			(73) 
			Voir Doc. 12221 et la Résolution 1726 (2010) «Mise
en œuvre effective de la Convention européenne des droits de l'homme:
le processus d'Interlaken»..
59. Il est notamment décevant de constater que l'actuel débat sur l'avenir du système de la Convention ne semble pas tenir compte du rôle joué par les parlements nationaux dans le contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour. A cette fin, la déclaration adoptée au terme de la dernière conférence consacrée à cette question, qui s'est tenue à Izmir les 26 et 27 avril 2011 
			(74) 
			Pour de plus amples
informations: <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/conferenceizmir/default_FR.asp?.'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/conferenceizmir/default_FR.asp?.</a>, mentionne le contrôle de l'exécution des arrêts, mais uniquement sous l'angle du rôle du Comité des Ministres 
			(75) 
			Voir le B.1.b de la déclaration: «La Conférence
(…) invite les Etats Parties à (…) coopérer pleinement avec le Comité des
Ministres dans le cadre des nouvelles méthodes de surveillance de
l’exécution des arrêts de la Cour». Voir également la partie H du
plan de suivi, 
			(75) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/conferenceizmir/Declaration Izmir F.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/conferenceizmir/Declaration%20Izmir%20F.pdf</a>.
60. L'établissement de structures parlementaires pertinentes progresse lentement. Il existe néanmoins des raisons d'espérer, comme j'aimerais vous le montrer au travers des quelques exemples de bonnes pratiques en la matière.

5.3. Exemples de bonnes pratiques

5.3.1. Le Royaume-Uni

61. Au sein du Parlement britannique, le principal mécanisme de surveillance est assuré par la commission mixte des droits de l'homme (Joint Committee on Human Rights): cette commission spéciale se compose de 12 membres, dont six de la Chambre des communes et six de la Chambre des Lords 
			(76) 
			Le
site web de la commission mixte des droits de l'homme: <a href='http://www.parliament.uk/business/committees/committees-archive/joint-committee-on-human-rights'>www.parliament.uk/business/committees/committees-archive/joint-committee-on-human-rights</a>.. Son mandat est étendu: elle est chargée d'examiner les questions relatives aux droits de l'homme au Royaume-Uni (mais pas les affaires individuelles). Son secrétariat compte deux experts indépendants en droits de l'homme. Les autres commissions parlementaires examinent à l'occasion les questions relatives aux droits de l'homme lorsque celles-ci s'avèrent pertinentes pour leur mission, mais leur surveillance n’est pas axée sur les droits de l'homme et elles ne sont pas assistées par des experts indépendants en droits de l'homme.
62. Depuis sa création en 2001, la commission mixte des droits de l'homme a élaboré plusieurs méthodes différentes d'assistance au parlement, destinées à surveiller la mise en œuvre des normes relatives aux droits de l'homme au Royaume-Uni. Les principales d'entre elles consistent à examiner attentivement et systématiquement tous les textes législatifs et réglementaires du gouvernement pour vérifier leur compatibilité avec les obligations du Royaume-Uni en matière de droits de l'homme, et notamment avec la Convention européenne des droits de l'homme; procéder au suivi régulier de la réaction du gouvernement face aux arrêts rendus par les juridictions dans le domaine des droits de l'homme, aussi bien la Cour européenne des droits de l'homme que les juridictions britanniques; réaliser des enquêtes thématiques sur des questions précises relatives aux droits de l'homme (par exemple le décès de prévenus en détention provisoire, les affaires et les droits de l'homme, le droit des personnes handicapées à mener une existence indépendante); donner suite aux recommandations des instances internationales chargées de contrôler le respect des droits de l'homme, comme les commissions de contrôle des Nations Unies.
63. La nouvelle commission formée à la suite des élections législatives de 2010 a poursuivi l'essentiel de ce travail, bien que sa capacité à le faire ait été atténuée par les restrictions budgétaires 
			(77) 
			Le nombre d'experts
des droits de l'homme au service de la commission est passé de trois
à deux. .
64. La ligne de conduite adoptée par la commission pour procéder au suivi de la réaction du Gouvernement britannique face aux décisions de justice ayant trait aux droits de l'homme est définie dans les recommandations adressées aux ministères sur les suites à donner aux décisions de justice portant sur les droits de l'homme (Guidance for Departments on Responding to Court Judgments on Human Rights), publiées par la précédente commission mixte des droits de l'homme en mars 2010, mais adoptées par la commission actuelle 
			(78) 
			Fifteenth Report of
Session 2009-10, Enhancing Parliament’s
role in relation to human rights judgments, HL Paper 85/HC
455 (annexe).. La commission attend du gouvernement qu'il réagisse rapidement et pleinement aux décisions de justice qui constatent l’incompatibilité du droit ou de la politique britannique avec les droits de l'homme. Elle a établi un calendrier pour l’adoption des mesures destinées à remédier à ces situations et entend connaître les raisons de tout retard pris par rapport à ce calendrier. Les intentions de la commission sont notamment les suivantes:
  • elle attend du gouvernement qu'il lui notifie rapidement toutes les décisions de justice pertinentes;
  • elle entend que, dans un délai de quatre mois à compter de la décision de justice, le gouvernement l’informe en détail de l'attitude qu'il compte adopter à la suite de cette décision, notamment des mesures générales qu'il se propose, le cas échéant, de prendre et d'un calendrier établi à titre indicatif;
  • elle attend du gouvernement qu'il prenne, dans un délai de six mois à compter de la décision de justice, une décision définitive sur le moyen de porter remède à cette incompatibilité constatée. La commission examine attentivement les raisons invoquées par le gouvernement pour justifier le non-respect du calendrier;
  • la commission peut demander des preuves de la réponse que le gouvernement propose d'apporter à la décision de justice, écrire au gouvernement à ce sujet, interroger oralement le ministre et faire rapport au parlement sur le fond de la mesure corrective en question, notamment en lui indiquant si elle porte remède à l’incompatibilité constatée et en lui faisant part de toute autre préoccupation sur la manière dont la législation ou la politique concernée a été modifiée à la suite de la décision de justice. La commission peut entendre des témoins oraux sur les questions soulevées par des décisions de justice précises;
  • le gouvernement répond aux demandes particulières et a désormais accepté de faire rapport chaque année en juillet;
  • la commission mixte des droits de l'homme fait rapport au parlement environ une fois par an sur les réponses faites par le gouvernement à ses demandes;
  • la commission peut proposer des modifications à apporter à la législation afin que les décisions de justice produisent leurs effets.
65. La commission mixte des droits de l'homme surveille essentiellement la mise en œuvre des normes internationales relatives aux droits de l'homme, y compris celles de la Convention européenne des droits de l'homme, en examinant attentivement la compatibilité des textes législatifs et réglementaires du gouvernement avec les droits de l'homme. Elle examine ainsi soigneusement tous les projets de loi du gouvernement et entend faire rapport suffisamment tôt sur un projet de loi déposé devant le parlement, de manière à éclairer les débats sur les éventuelles modifications du texte justifiées par le respect des droits de l'homme. La commission agit de plus en plus en amont dans son travail d'examen attentif des projets de loi. Elle recense les textes susceptibles de poser problème sur le plan des droits de l'homme et demande que leur bien-fondé lui soit démontré avant leur publication. Les experts en droits de l'homme de la commission rencontrent, lorsque cela s'avère possible, les agents du gouvernement qui établissent le projet de loi, afin de déceler les questions qui pourraient être soulevées en matière de droits de l'homme par l’objet du texte. Les ministères transmettent désormais fréquemment à la commission une note détaillée relative aux droits de l'homme, qui expose précisément les motifs sur lesquels repose la conviction qu’a le gouvernement de la compatibilité du texte avec les obligations en matière de droits de l'homme du Royaume-Uni. La commission demande par écrit au gouvernement de lui donner davantage d'informations ou des éclaircissements sur l'explication qu'il avance ou de lui préciser le fondement juridique de son point de vue. Elle fait rapport au parlement à la lumière de la réponse du gouvernement et son échange de courrier avec ce dernier est publié pour éclairer le débat. Les rapports de la commission peuvent préconiser les modifications à apporter au projet de loi pour que les recommandations de la commission produisent leurs effets. Les membres de la commission peuvent déposer en leur nom propre des amendements, la commission n'étant pas elle-même habilitée à le faire.

5.3.2. Les Pays-Bas

66. Comme la plupart des autres Etats membres du Conseil de l'Europe, les Pays-Bas ne disposent pas d'une procédure parlementaire particulière de vérification de la compatibilité des projets de loi avec la Convention européenne des droits de l'homme. Les fonctionnaires chargés de rédiger les projets de loi doivent néanmoins tenir compte d'«instructions» spécifiques en la matière, qui les obligent à préciser pour quelle raison ce projet de loi est jugé compatible avec les normes internationales applicables en matière de droits de l'homme. Cette obligation conduit bien souvent le service des droits de l'homme du ministère de la Justice à vérifier la compatibilité du texte avec la Convention 
			(79) 
			Ainsi,
en 2008, 95 demandes d'information environ ont été déposées par
des fonctionnaires du service de la législation du ministère de
la Justice, 195 demandes provenaient d'autres services du ministère
de la Justice et quelque 75 demandes ont été déposées par d'autres
ministères..
67. En outre, lorsque le parlement fait part de ses doutes au sujet de la compatibilité du projet de loi avec les droits de l'homme, une disposition est ajoutée au texte, qui prévoit l'obligation de procéder à son évaluation à l'issue d'un certain nombre d'années.
68. S'agissant du contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, l'agent du gouvernement auprès de la Cour présente chaque année au parlement un rapport sur les arrêts rendus par la Cour contre les Pays-Bas. Ce rapport comporte désormais, à la suite de la demande du Sénat en 2006, des informations sur les mesures adoptées pour l'exécution des arrêts défavorables de la Cour. Il comprend aussi des arrêts contre d'autres Etats parties qui pourraient avoir un effet direct ou indirect sur le système juridique néerlandais 
			(80) 
			Le
rôle joué par le parlement dans la mise en œuvre des normes relatives
aux droits de l'homme ne se limite pas aux arrêts de la Cour: 1)
il débat également avec le gouvernement des observations en guise
de conclusion des commissions des Nations Unies. Le gouvernement
transmet ces observations au parlement, accompagnées de sa réponse,
qui est habituellement suivie d'un débat parlementaire; 2) il débat
avec le gouvernement des rapports du Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT); là encore, le rapport et les observations du gouvernement
sont transmis au parlement, qui peut y consacrer un débat parlementaire;
3) il débat avec le gouvernement des observations critiques formulées
par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe..
69. Les résultats de cette méthode sont tangibles: à plusieurs reprises, des arrêts rendus par la Cour dans des affaires qui portaient sur la législation néerlandaise ou sur son application ont abouti à la modification de la législation ou de la politique nationale. Plusieurs modifications importantes ont ainsi été apportées à diverses dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale, du droit administratif et du Code de procédure administrative, de la législation applicable aux ressortissants étrangers, du droit de la famille, du droit de la sécurité sociale, du Code de procédure civile, du Code disciplinaire militaire et de la législation relative à l'internement en hôpital psychiatrique.
70. En outre, les arrêts rendus par la Cour contre d'autres Hautes Parties contractantes peuvent également entraîner la modification du droit interne. Un exemple récent illustre cette situation: immédiatement après le prononcé de l'arrêt Salduz 
			(81) 
			Salduz
c. Turquie, requête n° 36391/02, arrêt du 27 novembre
2008., un débat parlementaire a conduit à entreprendre les modifications qu'il convenait d'apporter à la législation néerlandaise.

5.3.3. Allemagne

71. Le Bundestag dispose de plusieurs mécanismes de rapport, fort utiles. Premièrement, depuis 2007, conséquence directe de l'action de l'Assemblée 
			(82) 
			Voir
la Résolution 1516 et
la Recommandation 1764
(2006) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme. , le ministre de la Justice rend chaque année un rapport écrit au parlement sur les arrêts et les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme et leur exécution en Allemagne. Depuis l’an dernier, un autre rapport présente les affaires pertinentes qui concernent les Etats autres que l'Allemagne. Deuxièmement, la commission des droits de l'homme et de l'aide humanitaire participe à l'établissement des rapports destinés à diverses instances des Nations Unies 
			(83) 
			Il
s'agit des rapports nationaux que l'Allemagne est tenue d’établir
au titre des conventions des Nations Unies relatives aux droits
de l'homme, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques (ICCPR), la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD), la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants (CAT), ainsi que du rapport initial sur la Convention internationale
pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions
forcées (ICED) et du document principal. Lorsque le ministère fédéral
de la Justice entreprend d'établir ces rapports, il informe la commission
des droits de l'homme et de l'aide humanitaire du Bundestag et lui
donne la possibilité de formuler ses observations. Il s'agit de
rapports du gouvernement et le parlement conserve son indépendance.
Mais il arrive que la commission des droits de l'homme ait une influence
sur la présentation de ses travaux dans le rapport ou qu’elle donne
son avis sur les sujets dont elle censée faire rapport. Une fois
achevé et adopté par le gouvernement fédéral, le rapport national
est transmis aux Nations Unies et au Bundestag. La commission des
droits de l'homme inscrit à certains intervalles ces rapports nationaux
à son ordre du jour et demande au gouvernement fédéral de lui en
faire rapport. Contrairement à ce qui se passe pour les rapports
qui concernent les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme,
la commission peut ici examiner de façon plus globale l'action du
gouvernement sur certaines questions relatives aux droits de l'homme,
comme la lutte contre le racisme ou la prévention de la torture.. Troisièmement, le gouvernement présente tous les deux ans un rapport général sur les droits de l'homme au parlement et lui soumet un plan d'action pour les améliorations à apporter 
			(84) 
			Le champ d'application
de ce rapport est extrêmement étendu. En l'espèce, le gouvernement
fédéral fait rapport de sa politique en matière de droits de l'homme.
Le document est établi spécialement pour le parlement et englobe
la politique étrangère et la politique intérieure. Ces dernières
années, ce rapport comportait également un Plan d'action national
pour les droits de l'homme. Tous les ministères concernés par les
droits de l'homme participent à la rédaction du rapport. Le ministère
des Affaires étrangères est chargé de sa compilation. Le parlement
a eu une influence décisive sur ce rapport, qui traitait à l'origine
uniquement des questions de politique étrangère. La commission des
droits de l'homme et, à la suite de son initiative, le Bundestag,
ont évalué et critiqué dans diverses résolutions la composition
du rapport, ce qui a contraint le gouvernement à décrire de plus
en plus la situation des droits de l'homme également à l'intérieur
du pays. Le Bundestag a par ailleurs expressément demandé l'établissement
d'un Plan d'action national pour les droits de l'homme. Cette portion
du rapport n'existerait probablement pas sans cette initiative parlementaire.
Voir le dernier rapport, qui couvre la période du 1er mars 2008
au 28 février 2010, « 9. Bericht der Bundesregierung über ihre Menschenrechtspolitik»: 
			(84) 
			<a href='http://www.bmj.de/SharedDocs/Downloads/DE/pdfs/9_Bericht_der_Bundesregierung_ueber_ihre_Menschenrechtspolitik.pdf?__blob=publicationFile'>www.bmj.de/SharedDocs/Downloads/DE/pdfs/9_Bericht_der_Bundesregierung_ueber_ihre_Menschenrechtspolitik.pdf?__blob=publicationFile</a>.. Enfin, le gouvernement rend souvent, de façon ponctuelle, des rapports oraux et écrits sur les questions relatives aux droits de l'homme à la commission parlementaire des droits de l'homme et de l'aide humanitaire.
72. Les deux rapports annuels sur la jurisprudence de la Cour de Strasbourg traitent de trois aspects: 1) l'ensemble des arrêts et décisions rendus au cours d’une année donnée contre l'Allemagne; 2) les mesures prises pour l'exécution des arrêts rendus contre l'Allemagne; et 3) les arrêts et décisions rendus contre d'autres Etats et susceptibles de présenter une importance pour l'Allemagne. Ces rapports sont transmis non seulement au parlement, mais également aux autres services et personnes concernés. Ils sont publiés sur le site web du ministère fédéral de la Justice 
			(85) 
			Voir le dernier rapport
du 20 juin 2010, «Bericht über die Rechtsprechung des Europäischen
Gerichtshofs für Menschenrechte und die Umsetzung seiner Urteile
in Verfahren gegen die Bundesrepublik Deutschland im Jahr 2009», 
			(85) 
			<a href='www.bmj.de/SharedDocs/Downloads/DE/pdfs/Bericht_ueber_die_Rechtsprechung_des_Europaeischen_Gerichtshofs_fuer_Menschenrechte_und_die_Umsetzung_seiner_Urteile_in_Verfahren_gegen_die_Bundesrepublik_Deutschland_im_Jahr_2009.pdf?__blob=publicationFile'>www.bmj.de/SharedDocs/Downloads/DE/pdfs/Bericht_ueber_die_Rechtsprechung_des_Europaeischen_Gerichtshofs_fuer_Menschenrechte_und_die_Umsetzung_seiner_Urteile_in_Verfahren_gegen_die_Bundesrepublik_Deutschland_im_Jahr_2009.pdf?__blob=publicationFile</a>..
73. Il convient de noter qu'il s'agit là d'une évolution très récente. Bien que les rapports consacrés aux arrêts et décisions rendus contre l'Allemagne soient établis depuis 2004, les mesures prises pour l'exécution des arrêts de la Cour n'y ont été intégrées qu'à partir de 2007, à la demande du parlement.
74. Ces rapports s'avèrent particulièrement importants lorsqu'un arrêt constate l'incompatibilité d'un texte de loi allemand avec la Convention européenne des droits de l'homme. En pareil cas, la modification du texte est normalement indispensable. La compétence de suivi de l'exécution des arrêts par le gouvernement, assumée par le parlement, rejoint sur ce point la compétence législative qui représente l'essentiel de son action.
75. L'Allemagne a commencé à faire rapport sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans les affaires portant sur d'autres pays à partir de l'an dernier. Ce rapport, établi par un institut universitaire, est financé par le ministère fédéral de la Justice et publié sur le site web du ministère 
			(86) 
			Voir le dernier rapport
du 13 janvier 2011, «Bericht über die Rechtsprechung des Europäischen
Gerichtshofs für Menschenrechte in Fällen gegen andere Staaten als
Deutschland im Jahr 2009», <a href='http://www.bmj.de/SharedDocs/Downloads/DE/pdfs/Bericht_ueber_die_Rechtsprechung_des_Europaeischen_Gerichtshofs_fuer_Menschenrechte_in_Faellen_gegen_andere_Staaten_als_Deutschland_2009.html'>www.bmj.de/SharedDocs/Downloads/DE/pdfs/Bericht_ueber_die_Rechtsprechung_des_Europaeischen_Gerichtshofs_fuer_Menschenrechte_in_Faellen_gegen_andere_Staaten_als_Deutschland_2009.html</a>..
76. En outre, le ministère fédéral de la Justice évalue la compatibilité avec les droits de l'homme, le droit de l'Union européenne et l'ordre constitutionnel en vigueur en Allemagne de l'ensemble des projets de loi. Lorsque ceux-ci portent sur d'importantes questions relatives aux droits de l'homme, les conclusions de cette évaluation sont présentées dans l'exposé des motifs officiels, qui est soumis au parlement avec le projet de loi. Le gouvernement fédéral a l'obligation de rendre compte de cette évaluation au cours des délibérations consacrées au projet de loi dans les commissions parlementaires concernées et de répondre aux questions des parlementaires.
77. Je salue tout particulièrement le mécanisme de rapport mis en place pour les arrêts de la Cour, y compris pour les arrêts constatant des violations commises par d'autres Etats, mais qui pourraient avoir une incidence sur l'ordre juridique national. Cette pratique reconnaît à bon droit l'autorité interprétative («res interpretata») des arrêts de la Cour. J'ai déjà fait l'apologie de cette pratique lors de la Conférence sur le principe de subsidiarité, qui s'est tenue à Skopje les 1er et 2 octobre 2010 
			(87) 
			Ce principe, fondé
sur les articles 1 et 19 de la Convention, est d'une importance
capitale pour garantir le caractère effectif de la Convention. Il
ne doit pas être confondu avec l'effet «opposable à tous» dont les
arrêts sont très clairement dépourvus, puisque l'article 46 de la
Convention limite expressément leur effet aux seules Parties. Pour
une analyse plus poussée, voir ma contribution sur le sujet: «Strengthening
Subsidiarity: Integrating the Strasbourg Court’s Case law into National
Law and Judicial Practice»: <a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/20101125_skopje.pdf'>http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/20101125_skopje.pdf</a>.. Ces rapports s'avèrent extrêmement utiles, puisque les arrêts qui constatent des violations commises dans un Etat peuvent être d'un grand secours pour prévenir la commission de nouvelles violations des droits de l'homme, qui donneraient naissance à un grand nombre de requêtes supplémentaires introduites devant la Cour par les citoyens d'autres Etats.

5.3.4. Finlande

78. En Finlande, la commission de droit constitutionnel publie une déclaration sur la constitutionnalité des projets de loi et d'autres points soumis à son examen, ainsi que sur leur rapport avec les conventions internationales relatives aux droits de l'homme; l'appréciation des textes de loi se fait essentiellement au regard de cet instrument international qu'est la Convention. Par ailleurs, une fois par an, le gouvernement soumet un rapport aux parlements sur la politique en matière de droits de l'homme de la Finlande. La commission des affaires étrangères entend à cette occasion les experts issus de différentes organisations et ONG et établit un rapport de commission pour la plénière.

5.3.5. Roumanie

79. L'évolution constatée en Roumanie est prometteuse. A la suite d'une initiative prise par l'Assemblée 
			(88) 
			Voir la Résolution 1516 et
la Recommandation 1764
(2006) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme. , la Chambre des députés roumaine a créé en 2007 une sous-commission de sa commission des questions juridiques, spécialement chargée de contrôler l'exécution des arrêts de la Cour. Elle se compose de sept parlementaires représentant l'ensemble des groupes politiques. Lors d'une réunion de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée tenue en avril 2011, M. Tudor Panţiru, président élu de la nouvelle sous-commission roumaine et ancien juge à la Cour européenne des droits de l'homme, a indiqué que la sous-commission avait commencé à travailler en procédant à des auditions sur des questions spécifiques.

5.3.6. «L’ex-République yougoslave de Macédoine»

80. D'après les informations écrites recueillies par le secrétariat lors de la préparation de ce rapport, le parlement de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» compte une commission d'enquête permanente pour la protection des droits et libertés civils, qui vérifie de plein droit la conformité de la législation avec le droit international, et notamment la Convention européenne des droits de l'homme. En outre, l’agent du gouvernement auprès de la Cour de Strasbourg fait rapport chaque année à cette commission.

5.3.7. Italie

81. En Italie, la «loi Azzolini» 
			(89) 
			Loi n° 12 de 2006.
La loi porte le nom de son initiateur, M. Claudio Azzolini, qui
était alors président de la délégation italienne auprès de l'Assemblée. de 2006 constitue le fondement juridique d'une procédure de contrôle spéciale de l'exécution des arrêts par le gouvernement et le parlement. Le Premier ministre a l'obligation de communiquer immédiatement aux deux chambres du parlement les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme au titre de l'Italie, afin qu'ils puissent être examinés par les commissions parlementaires permanentes compétentes, et soumet un rapport annuel au parlement sur les suites données à propos de l'exécution de ces arrêts. Par ailleurs, les présidents des deux chambres du parlement ont pris des circulaires qui soulignent l'importance d'une vérification systématique de la compatibilité des projets de loi avec la Convention, en vue d'anticiper et de prévenir plus efficacement les violations.

5.3.8. Ukraine

82. Au cours d'une visite effectuée en Ukraine dans le cadre de l'établissement d'un précédent rapport, un mémorandum d'accord sur les suites données par l'Ukraine aux arrêts définitifs de la Cour européenne des droits de l'homme a été signé le 9 juillet 2009 par M. Kivalov, président de la commission de la justice de la Verkhovna Rada et membre de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée, et moi-même; ce document jugeait souhaitable que la commission de la justice et une de ses sous-commissions assurent le suivi de l'exécution des arrêts de la Cour qui concernent l'Ukraine, ainsi que de toute autre jurisprudence pertinente de la Cour. M. Kivalov a plus spécialement indiqué que la nouvelle sous-commission de l'application des normes internationales de la commission de la justice entreprendrait bientôt une analyse complète de la situation de l'exécution des arrêts de la Cour en Ukraine.
83. Bien que ces éléments paraissent encourageants, je n'ai pas pour l'instant été informé d'un quelconque fait nouveau à ce sujet.

5.3.9. Autres bonnes pratiques

84. La commission de la justice de la Chambre belge des représentants a été chargée par la Conférence des présidents de veiller à l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. En Bosnie-Herzégovine, la commission constitutionnelle et législative vérifie systématiquement la constitutionnalité des lois, et notamment leur compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'homme, compte tenu du statut constitutionnel que cette dernière a dans le pays.
85. En Grèce, la compatibilité des projets de loi avec la Convention est vérifiée par le service scientifique du parlement, qui établit un rapport non contraignant distribué aux parlementaires avant le débat consacré à l'examen du projet de loi.
86. En Lituanie, la commission des questions juridiques vérifie la constitutionnalité des projets de loi et leur conformité avec les conventions internationales, dont la Convention européenne des droits de l'homme.
87. En Fédération de Russie, le Conseil de la Fédération a créé un centre de contrôle de la législation, en vue d’atténuer les atteintes aux droits de l'homme. La commission de législation constitutionnelle du Conseil de la Fédération assure le suivi des arrêts de la Cour constitutionnelle russe qui n’ont pas été exécutés. J'espère que ce suivi sera étendu au contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.
88. Il convient également de mentionner la Norvège, où une commission informelle créée en 2009 est chargée de proposer une révision de la Constitution, en vue d’y renforcer la place des droits de l'homme 
			(90) 
			Cette commission informelle
remettra son rapport le 1er janvier 2012.. J'espère que ses réflexions porteront aussi sur les mécanismes de contrôle parlementaire.
89. En Irlande, une commission des droits de l'homme chargée de promouvoir et de protéger les droits de l'homme dans la législation, la politique et la pratique examine les projets de loi, publie des déclarations de principe sur les questions relatives aux droits de l'homme et adresse des recommandations au gouvernement. Elle est cependant associée à un service du gouvernement et non au parlement, ce qui atténue de façon regrettable l'influence exercée par le parlement sur la définition d’une politique conforme aux normes applicables en matière de droits de l'homme.

6. Conclusion et propositions

90. Les bonnes pratiques que nous venons de décrire montrent que, pour ce qui est de la création au sein des parlements nationaux de procédures spécifiques de contrôle du respect des obligations en matière de droits de l'homme, des progrès ont été réalisés au cours de ces dernières années, notamment pour les mécanismes de contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour. Ils traduisent une tendance positive et donnent des raisons d'espérer.
91. Pour autant, la situation est loin d'être satisfaisante. La plupart des parlements nationaux n'exploitent pas, tant s'en faut, la pleine mesure de leur capacité en la matière. Il est indispensable de renforcer d'urgence la capacité des parlements nationaux à exercer une surveillance efficace de la mise en œuvre des droits de l'homme.
92. Il convient de prendre des mesures plus audacieuses pour que les parlements deviennent les véritables garants des droits de l'homme. Le moment est venu de coordonner les initiatives et d’énoncer des principes directeurs clairs. Nous avons vu les répercussions que les «Principes de Paris» ont eues sur l'apparition et la rationalisation des institutions nationales indépendantes chargées des droits de l'homme. Il importe de définir un ensemble de principes fondamentaux comparables à ceux-ci. C'est la raison pour laquelle je propose l'adoption de ces principes fondamentaux:

Principes fondamentaux du contrôle parlementaire des normes internationales relatives aux droits de l'homme:

1. Cadre et attributions adéquats

Les parlements nationaux établissent des structures parlementaires adéquates pour garantir le suivi et le contrôle rigoureux et régulier du respect des obligations internationales en matière de droits de l'homme, qu'il s'agisse de commissions des droits de l'homme spécifiques ou de structures analogues adéquates, dont les compétences doivent être clairement définies et consacrées par la loi.

Ces compétences devraient englober, notamment:

  • la vérification systématique de la compatibilité des projets de loi avec les obligations internationales en matière de droits de l'homme;
  • l’obligation faite aux gouvernements de soumettre régulièrement des rapports consacrés aux arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l'homme et à leur exécution;
  • l'initiative de propositions de loi et d'amendements à la législation;
  • des pouvoirs d'assignation de témoins et de communication de documents dans le cadre de leurs compétences.

Ces commissions sont chargées de veiller à ce que les parlements soient convenablement conseillés et informés sur les questions relatives aux droits de l'homme. Il convient également de dispenser aux parlementaires et à leur personnel une formation aux droits de l'homme.

2. Conseils indépendants

Les commissions des droits de l'homme, ou les structures analogues adéquates, ont accès à une expertise indépendante dans le domaine des droits de l'homme.

Des ressources suffisantes sont également mises à leur disposition pour leur offrir l'appui d'un secrétariat spécialisé.

3. Coopération avec les autres institutions et la société civile

Une coopération et un dialogue régulier sont maintenus, le cas échéant, avec les instances nationales (par exemple, les institutions nationales chargées des droits de l'homme, les membres des commissions parlementaires) et internationales (par exemple, l'Assemblée parlementaire, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, les instances européennes et les autres instances internationales chargées du suivi des droits de l'homme) pertinentes, ainsi qu'avec les représentants d'organisations non gouvernementales reconnues ayant une expérience significative et pertinente.

93. J'aimerais encourager chacun d'entre nous à agir en faveur de la mise en œuvre de ces principes fondamentaux, afin que nos parlements deviennent de véritables garants des droits de l'homme en Europe.