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Contribution | Doc. 12729 | 28 septembre 2011

Les activités de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2010-2011

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteure : Mme Sandra OSBORNE, Royaume-Uni, SOC

Origine - Renvoi en commission: mandat permanent. Commission saisie pour rapport: Commission des questions économiques et du développement. Voir Doc. 12683. Contribution approuvée par la commission le 13 septembre 2011. 2011 - Quatrième partie de session

1. Conclusions de la commission

1. La commission des migrations, des réfugiés et de la population se félicite du rapport de Mme Birutė Vėsaitė (Lituanie, SOC) qui passe en revue les activités de l’OCDE en 2010‑2011 à la lumière du 50e anniversaire de l’organisation et de son tout dernier rapport annuel, centré sur les tendances actuelles et les perspectives de l’économie mondiale. La tenue régulière de débats sur les activités de l’OCDE garde tout son intérêt pour le travail du Conseil de l’Europe, en particulier sur les questions ayant trait à la gouvernance économique qui sont intimement liées aux valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe et aux travaux de plusieurs commissions de l’Assemblée. A cet égard, la commission se félicite de la recommandation du paragraphe 3 du projet de résolution invitant l’OCDE à n’avoir de cesse d’exiger comme critère primordial d’adhésion des pays candidats le plein respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit.
2. Concernant son propre domaine d’activités, la commission salue le travail essentiel qu’accomplit l’OCDE dans le domaine des migrations internationales. Ce travail, et notamment le large éventail de statistiques de migrations qu’offre son Système d’observation permanente des migrations (SOPEMI), est d’une importance primordiale en particulier dans la période actuelle de turbulences économiques que connaissent plusieurs Etats membres de l’OCDE.
3. La commission se félicite de la récente publication de l’édition 2011 des Perspectives des migrations internationales (ci-après «l’IMO 2011») qui présente des données récentes sur les flux migratoires et formule des propositions politiques pour le traitement des incidences du ralentissement de l’activité économique sur le marché de l’emploi. La plupart des données analysées concernent l’année 2009, ce qui explique pourquoi certains développements plus récents dans le monde – que ce soit les conséquences du «printemps arabe» ou la menace imminente de défaut de paiement d’un certain nombre d’Etats membres européens de l’OCDE – n’y sont pas encore consignés.
4. La commission observe que les migrations internationales se ressentent des mêmes changements globaux que ceux qui touchent l’économie mondiale. Les changements déterminants dans les politiques et scénarios de migration peuvent influer de manière considérable sur la stabilité sociale, les relations interétatiques et le rythme de reprise de l’économie mondiale. L’IMO 2011 indique que les économies émergentes de Chine et d’Inde sont à présent les principaux pays d’origine de l’immigration vers la région de l’OCDE (représentant respectivement 9 % et 4,5 % des immigrants), tandis que l’Afrique du Sud est le principal pays de destination des demandeurs d’asile. La croissance économique dans les pays en développement de l’Asie dépassant celle des pays de l’OCDE, les flux migratoires régionaux gagnent en importance. Les migrations sud-sud représentent d’ores et déjà environ la moitié des mouvements mondiaux et la compétition pour les talents s’étend bien au‑delà de la région de l’OCDE. Les mouvements migratoires futurs ne reproduiront donc probablement pas complètement les scénarios du passé.
5. La commission prend note des évolutions et développements suivants dans la région de l’OCDE: en 2009, la récession s’est traduite par une diminution d’environ 7 % des flux régulés permanents de main‑d’œuvre. La libre circulation au sein de l’Union européenne et les migrations temporaires de main‑d’œuvre ont enregistré les baisses les plus importantes: 22 % et 16 % respectivement par rapport à 2008. Par rapport aux mouvements observés avant la crise, les baisses absolues les plus fortes ont été enregistrées pour les migrations en provenance des nouveaux Etats membres de l’Union européenne, tout particulièrement de la Roumanie, de la Pologne et de la Bulgarie.
6. Néanmoins, indépendamment de la gravité de la crise économique, les mouvements migratoires n’ont pas diminué autant que l’on aurait pu s’y attendre. L’OCDE estime que cela pourrait refléter pour partie l’impact des tendances démographiques actuelles, notamment en Europe, où le vieillissement de la population et la baisse des taux de fécondité engendrent une demande croissante de main‑d’œuvre tant qualifiée que non qualifiée. Cela montre également que les migrations familiales et humanitaires sont moins touchées par les ralentissements de l’activité économique que les migrations de main‑d’œuvre, et tendent à se maintenir inchangées.
7. La crise économique n’a pas eu d’impact manifeste sur le nombre de demandes d’asile dans les pays de l’OCDE, qui était de l’ordre de 363 000 en 2009 et est resté pratiquement inchangé en 2010, soit un niveau relativement faible, comme le souligne le rapport, comparé aux pics historiques atteints du début au milieu des années 1990, ou même comparé aux plus de 600 000 demandes dans la première partie de la décennie. Reste à voir comment le «printemps arabe» de 2011 et les événements qui ont suivi se répercuteront sur les nombres de demandes d’asile en Europe.
8. Comme cela était indiqué dans les éditions 2009 et 2010 des Perspectives des migrations internationales, les migrants ont subi de manière disproportionnée et immédiate les effets de la récession et de la crise de l’emploi qui a suivi. Le rapport de 2011 relève que, entre les trois premiers trimestres de 2008 et 2009, le taux de chômage des personnes nées à l’étranger a nettement augmenté dans tous les pays de l’OCDE. En Espagne, par exemple, au quatrième trimestre 2010, le taux de chômage des personnes nées à l’étranger a atteint 29,3 % par rapport à 18,4 % pour les autochtones.
9. Les données de l’OCDE confirment que les femmes migrantes ont été moins touchées que les hommes migrants. L’une des raisons en est que l’emploi des femmes migrantes est concentré dans des secteurs (par exemple, les services sociaux et domestiques) qui n’ont pas trop souffert de la crise. Autre explication possible, les femmes migrantes peuvent avoir accru leur participation à la main‑d’œuvre pour compenser la perte de revenus des hommes de leur famille.
10. Les jeunes migrants continuent d’être dans une situation particulièrement vulnérable sur le marché de l’emploi. Sauf en Allemagne, le taux d’emploi des jeunes migrants de 15 à 24 ans a baissé les trois dernières années et ce, plus que chez les jeunes nés dans le pays de résidence. En moyenne dans les pays européens de l’OCDE, au troisième trimestre 2010, 24,5 % des jeunes migrants étaient au chômage par rapport à 19,6 % des jeunes nés dans le pays de résidence.
11. Et pourtant, en dépit de la création d’emplois net négative, l’embauche n’a pas cessé. L’emploi de migrants s’est accru dans certains secteurs (éducation, santé, soins de longue durée, services domestiques), alors qu’il a diminué ailleurs (bâtiment, finances, commerces de gros et de détail, etc.). Cela étant, on ne sait pas avec certitude dans quelle mesure les travailleurs migrants licenciés peuvent saisir les nouvelles opportunités d’emploi, ce qui accentue le risque de chômage de longue durée pour des catégories spécifiques de travailleurs, en particulier les hommes peu et moyennement qualifiés, et se traduit pour un nombre sans cesse croissant de migrants réguliers (souvent de longue durée) par la perte de leur statut juridique.
12. A cet égard, la commission exprime à nouveau son inquiétude concernant le risque de «normalisation de l’irrégularité» en Europe. Les migrants qui perdent leur statut légal sont souvent contraints d’accepter des conditions extrêmement peu favorables par crainte du chômage et de la misère. Leur situation en fait également des proies faciles pour les réseaux de passeurs et trafiquants en tout genre.
13. La population migrante prend une part significative à la croissance démographique de nombreux pays de l’OCDE. La population née à l’étranger représentait, en 2009, 14 % de la population totale des pays de l’OCDE pour lesquels les données sont disponibles, soit une augmentation de 13 % par rapport à l’année 2006 et de 37 % au cours de la dernière décennie. Dans 20 des 34 pays de l’OCDE, les migrants dépassent 10 % de la population totale. Les pays traditionnels d’immigration, tels que l’Allemagne et les Pays‑Bas (dont les populations migrantes représentent 13 et 11 % de la population totale respectivement) sont dépassés par les nouveaux pays de migration, comme l’Irlande et l’Espagne.
14. La commission partage l’inquiétude de l’OCDE eu égard au peu d’empressement des sociétés européennes à accepter ces changements structurels. Les récentes élections intervenues dans le contexte de situations économiques difficiles ont révélé le malaise de nombreux électeurs dans les pays de l’OCDE face à la perspective de relever les niveaux de migration internationale. Le discours anti-immigration s’est imposé dans maintes campagnes électorales en 2009 et 2010. Plusieurs pays ont adopté des mesures restrictives concernant les migrations de main‑d’œuvre. C’est le cas notamment de l’Espagne ou de l’Irlande, mais aussi du Royaume-Uni où le changement de gouvernement s’est accompagné d’une approche beaucoup plus restrictive de la question. Les politiques familiales et humanitaires ainsi que les contrôles aux frontières ont également été resserrés, quoique pour des raisons différentes.
15. Imposer des mesures restrictives dictées par les mouvements populistes ou des restrictions excessives ou systématiques à l’immigration pourrait conduire les pays européens à payer chèrement une croissance future. Après cette mise en garde, la commission relève pourtant avec une certaine satisfaction que, dans de nombreux Etats membres, la politique officielle consiste en fait à favoriser des migrations de main‑d’œuvre plus ouvertes, du moins en attendant de recruter des effectifs supérieurs de migrants hautement qualifiés dans les années à venir, dans les secteurs professionnels où l’offre interne est insuffisante. Plusieurs pays ont mis en œuvre des réformes pour accroître leur attrait en tant que pays d’accueil, pour les travailleurs étrangers en général et les travailleurs qualifiés en particulier.
16. Dans ce contexte, la commission estime que les avantages de la migration ne se manifestent pleinement que grâce à des mesures d’intégration efficaces dont beaucoup n’ont malheureusement pas atteint leurs objectifs à ce jour. La diversité qu’apportent avec elles les migrations peut être un avantage en termes de compétitivité pour les économies européennes. Il faudrait à cet effet déployer davantage d’efforts pour offrir aux nouveaux venus la possibilité d’apprendre la langue du pays d’accueil, d’obtenir un emploi ou d’étudier. L’IMO 2011 relève néanmoins des initiatives positives et, au niveau politique, une attention grandissante portée au ciblage des nouveaux arrivants, à l’intégration sur le marché du travail, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance des qualifications étrangères et l’intégration des enfants de migrants.
17. Enfin, la commission rappelle que la naturalisation est pour les immigrés l’un des éléments déterminants pour obtenir des résultats satisfaisants en matière d’emploi et, au bout du compte, permettre leur intégration. Il ressort de l’étude de l’OCDE que les migrants naturalisés obtiennent de bien meilleurs résultats sur le marché du travail selon toute une série d’indicateurs, par exemple une plus grande chance d’être recrutés, une meilleure situation professionnelle et la possibilité d’accéder au secteur public, ainsi que des salaires plus élevés. Les gouvernements doivent, d’une part, encourager les migrants qui remplissent les conditions requises à demander la nationalité du pays d’accueil et, d’autre part, envisager de réduire les obstacles à la naturalisation, comme les limites à la double nationalité et les critères d’éligibilité excessivement restrictifs.
18. A la lumière de ce qui précède, la commission soutient les quatre recommandations essentielles de l’OCDE, telles qu’elles figurent dans l’IMO 2011 eu égard:
  • à l’importance de faire connaître les faits au grand public, en brossant en particulier le tableau réel de l’intégration des migrants dans les économies et les sociétés européennes;
  • à la généralisation de la coopération entre les pays de l’OCDE et les pays d’origine, ainsi qu’entre les gouvernements et les employeurs;
  • à la nécessité de renforcer les efforts d’intégration, qui ne sont pas à considérer comme une dépense de court terme, mais comme un investissement à long terme;
  • à l’importance de donner à tous les mêmes chances de réussir dans la société dans laquelle ils vivent en facilitant les programmes de naturalisation et en garantissant à tous l’égalité des droits.

2. Contribution proposée au projet de résolution

19. Tout en marquant son soutien au projet de résolution déposé par la commission des questions économiques et du développement, la commission des migrations, des réfugiés et de la population propose d’inclure les paragraphes ci-après dans le projet de résolution:
«1. L’Assemblée élargie s’inquiète des effets de la persistante crise économique et de l’emploi sur les migrations internationales. Elle se félicite de l’analyse constante que fait l’OCDE des répercussions de la situation économique sur les pays d’origine et de destination à court et à moyen terme, ainsi que des conseils politiques spécifiques qu’elle donne aux gouvernements pour relever ce défi. A cet égard, elle salue tout particulièrement la récente publication des Perspectives des migrations internationales 2011.
2. L’Assemblée élargie reconnaît que l’Europe est un continent d’immigration – et il est dans son intérêt de l’être. Il importe de veiller à ce que le renforcement des contrôles aux frontières et le refus de possibilités d’entrée légale ou de regroupement familial n’augmentent pas les migrations irrégulières et le ressentiment de l’opinion à l’égard des étrangers. Cela pourrait favoriser la xénophobie ainsi que l’apparition de conflits sociaux et de tensions dans les relations interétatiques.
3. L’Assemblée élargie est convaincue que la présente crise économique offre une formidable occasion de jeter les bases d’une gestion saine de la mobilité des hommes dans l’avenir. Les dangers potentiels actuels peuvent être amplement atténués par des mesures préventives prises en temps voulu. Elle appelle par conséquent les Etats membres à adopter des politiques d’immigration flexibles, compatibles avec les besoins, actuels et anticipés, de main‑d’œuvre, à éviter les politiques populistes de repli sur soi, et à adopter des mesures volontaristes pour le marché de l’emploi, notamment par la création d’emplois.»