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Rapport | Doc. 12626 | 01 juin 2011

La forte baisse du taux d’emploi des jeunes: inverser la tendance

Commission des questions économiques et du développement

Rapporteure : Mme Marija PEJČINOVIĆ-BURIĆ, Croatie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12288, renvoi n° 3695 du 25 juin 2010. 2011 - Troisième partie de session

Résumé

En Europe, la jeune génération est durement frappée par le chômage: environ un jeune sur cinq n’a pas d’emploi et le taux de chômage des jeunes reste deux fois plus élevé que celui des autres groupes d’âge. Pourtant, la plupart des jeunes Européens ont un meilleur niveau d’études que leurs parents et beaucoup de pays européens sont confrontés à une pénurie de personnel dans un nombre croissant de secteurs. Si les gouvernements ne proposent pas de solutions réalistes au chômage des jeunes, l’Europe risque fort de le payer au prix d’une «génération sacrifiée» et de compromettre sa compétitivité, sa sécurité, la paix sociale et ses perspectives de développement.

Le chômage et le sous-emploi des jeunes sont principalement imputables à l’inadéquation entre les qualifications des jeunes et les besoins du marché du travail, à l’évolution rapide des conditions du marché du travail, aux mutations économiques structurelles et à l’érosion des dépenses publiques consacrées aux stratégies intégrées en faveur de l’emploi. La situation est encore aggravée par la crise économique.

Les Etats membres sont vivement encouragés à revoir leurs politiques publiques de manière à respecter pleinement les dispositions de la Charte sociale européenne révisée concernant le travail, et à donner la priorité à la réduction du chômage des jeunes. Ils devraient donc promouvoir l’acquisition de meilleures qualifications et compétences, une plus grande mobilité, une plus grande solidarité intergénérationnelle, un meilleur accès aux offres d’emploi et aux programmes d’apprentissage, ainsi qu’une plus grande interaction entre employeurs, agences nationales pour l’emploi et jeunes demandeurs d’emploi. Le rapport souligne aussi la nécessité, pour les responsables politiques européens, d’aider les pays du sud de la Méditerranée à exploiter pleinement leur potentiel de développement en offrant un avenir meilleur à leur jeunesse en quête de travail et de conditions de vie décentes.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			.
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 20
mai 2011.

(open)
1. L’accès à un emploi correctement rémunéré est essentiel pour pouvoir gagner sa vie, être à l’abri de la pauvreté et de l’exclusion socio-économique et exercer ses droits fondamentaux. Afin de garantir la mise en œuvre effective du droit au travail – consacré par la Charte sociale européenne révisée –, les Etats européens sont tenus de prendre des mesures législatives ou d’élaborer des politiques ou des programmes spécifiques, notamment pour réduire au minimum les conséquences négatives et le coût considérable du chômage pour la société. S’il est vrai que le chômage et les emplois précaires portent atteinte à la dignité de chaque individu concerné et nuisent au progrès humain de l’ensemble de la société, les jeunes sont toutefois particulièrement vulnérables à de telles situations.
2. En Europe, le chômage des jeunes reste deux fois plus élevé que celui d’autres groupes de population en âge de travailler et la situation est encore aggravée par les effets de la crise économique. A la fin de 2010, un jeune sur cinq en moyenne était sans emploi, tant dans les Etats membres de l’Union européenne que dans les pays d’Europe centrale et orientale; le taux de chômage des jeunes atteignait 42% en Espagne, mais demeurait inférieur à 10% dans quelques pays, dont l’Allemagne, les Pays-Bas et la Norvège. A l’échelle mondiale, le chômage frappait environ 13% des jeunes actifs, taux le plus élevé jamais enregistré par l’Organisation internationale du travail.
3. L’Assemblée parlementaire constate avec préoccupation que, en dépit du meilleur niveau d’études qu’ont les jeunes aujourd’hui en Europe par rapport à leurs parents et de la pénurie de personnel à laquelle beaucoup de pays européens sont confrontés dans un nombre croissant de secteurs, les jeunes rencontrent plus de difficultés pour s’insérer ou se réinsérer sur le marché du travail que le reste de la population. Si les gouvernements ne proposent pas de solutions réalistes au chômage des jeunes, l’Europe risque fort de le payer au prix d’une «génération sacrifiée» et de compromettre sa compétitivité, sa sécurité, la paix sociale et ses perspectives de développement. Au vu des défis liés à la mondialisation et des effets persistants de la crise économique, l’Europe ne peut tout simplement pas se permettre de gâcher les talents, l’énergie, la mobilité et la créativité de sa jeunesse.
4. L’Assemblée considère que le chômage et le sous-emploi des jeunes sont principalement imputables à l’inadéquation entre les qualifications des jeunes et les besoins du marché du travail, à l’évolution rapide des conditions du marché du travail, aux mutations économiques structurelles et à l’érosion des dépenses publiques consacrées aux stratégies intégrées en faveur de l’emploi. Il importe donc de remanier les politiques publiques, tant au niveau européen que national, en vue d’appliquer pleinement les dispositions de la Charte sociale européenne révisée concernant le travail et de promouvoir l’acquisition de meilleures qualifications et compétences, une plus grande mobilité, un meilleur accès aux offres d’emploi et aux programmes d’apprentissage, ainsi qu’une plus grande interaction entre employeurs, agences nationales pour l’emploi et jeunes demandeurs d’emploi.
5. Prenant en compte la taille et les implications éventuelles du problème du chômage des jeunes, l’Assemblée estime que les responsables politiques européens sont soumis à l’impératif de favoriser l’intégration des jeunes demandeurs d’emploi avant de faire venir des travailleurs hautement qualifiés de pays non européens. Un renforcement de la solidarité intergénérationnelle et la mise en œuvre de dispositions innovantes sur les lieux de travail devraient permettre de faciliter le transfert de compétences entre les travailleurs expérimentés et les jeunes, tout en aidant les seconds à accéder plus rapidement à un emploi rémunéré et les premiers à préparer progressivement leur retraite.
6. L’Assemblée est convaincue que les organisations européennes, notamment l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, peuvent et doivent consentir des efforts supplémentaires pour aider leurs Etats membres à multiplier et améliorer les emplois offerts à la jeune génération. D’autres partenaires, tels que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB), le Centre Nord-Sud, le Fonds social européen (FSE) et la Banque européenne d’investissement (BEI), pourraient compléter utilement les programmes d’action européens et nationaux.
7. Dans ce contexte, l’Assemblée souligne la nécessité pour les responsables politiques européens de prendre davantage en compte la réalité démographique, les problèmes de développement économique et les défis démocratiques auxquels doivent faire face les pays méditerranéens voisins de l’Europe, où des millions de jeunes qualifiés frustrés de ne pas trouver de travail sont prêts à tout pour avoir une vie meilleure et un emploi, y compris à émigrer. L’Assemblée estime qu’il serait dans l’intérêt des Etats européens, à tous égards et dans une perspective à long terme, de soutenir l’action de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe – par le biais de leurs politiques de voisinage et stratégies pour la jeunesse respectives, et en impliquant le Centre Nord-Sud – afin d’aider les pays du sud de la Méditerranée à exploiter pleinement leur potentiel de développement et à proposer un avenir meilleur à leur jeunesse.
8. En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à faire de l’emploi des jeunes l’une des grandes priorités à moyen terme de la politique publique;
8.2. à encourager la création d’emplois de qualité, le dialogue social et les incitations à embaucher des jeunes, en particulier dans les secteurs économiques les plus porteurs, notamment les services, et dans ceux qui souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre;
8.3. à améliorer l’interaction entre employeurs, agences nationales pour l’emploi et jeunes demandeurs d’emploi;
8.4. à renforcer les liens entre les établissements d’enseignement et les entreprises, en vue de parvenir à une meilleure adéquation entre les qualifications des jeunes et les besoins du marché du travail – actuels et futurs;
8.5. à améliorer l’orientation scolaire, le développement des compétences, l’orientation professionnelle, la formation à l’employabilité et les services de recherche d’emploi, afin d’aider les jeunes à passer plus facilement des études au travail;
8.6. à garantir une aide supplémentaire en matière d’éducation, de formation et un complément de revenu, afin de faciliter le changement de mode de vie des jeunes défavorisés ou vulnérables, y compris ceux qui sont d’origine immigrée ou appartiennent à une minorité et ceux qui vivent dans des zones rurales ou isolées, et à soutenir les organisations de jeunesse qui travaillent sur le terrain dans ce domaine;
8.7. à veiller attentivement à ce que les employeurs respectent leur obligation de garantir des conditions de travail décentes, des formations régulières et une rémunération adéquate aux jeunes travailleurs, notamment dans le cadre des contrats de travail temporaire;
8.8. à envisager de créer ou de renforcer, selon le cas, des partenariats entre le public et le privé qui aident les jeunes à acquérir une première expérience professionnelle et à bénéficier d’une formation en entreprise;
8.9. à mettre en place des mesures fiscales destinées à inciter les entreprises à proposer à des jeunes des contrats de travail de longue durée, notamment pour favoriser l’intégration des jeunes handicapés et de ceux qui sont les plus exposés au risque d’exclusion sociale ou de marginalisation;
8.10. à étudier les politiques et pratiques, notamment les formes de «flexisécurité», mises en œuvre par des pays qui ont un meilleur taux d’emploi des jeunes, en vue d’en tirer des enseignements pour réduire le chômage des jeunes dans leur propre pays;
8.11. à soutenir, notamment par des contributions volontaires, les projets du Conseil de l’Europe visant à promouvoir l’emploi des jeunes, leur mobilité et le développement de leurs compétences linguistiques et d’autres compétences;
8.12. à promouvoir l’accès de la jeune génération à une activité indépendante, à des dispositifs de microcrédit et à des services de conseil pour la création d’entreprise;
8.13. à encourager les banques de développement multilatérales, en particulier la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque de Développement du Conseil de l’Europe (CEB), ainsi que d’autres institutions pertinentes, comme le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales («Centre Nord-Sud»), à contribuer à la mise en œuvre des politiques de voisinage de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, notamment par le biais de projets visant à favoriser la création d’emplois et l’emploi des jeunes dans les pays du sud de la Méditerranée.
9. L’Assemblée invite les parlements nationaux des Etats membres du Conseil de l’Europe à envisager de tenir des débats annuels sur les problèmes de la jeunesse, y compris les défis liés à l’emploi des jeunes, et à étudier la possibilité de proposer des plans d’action pour la jeunesse pour traiter les problèmes ainsi identifiés.

B. Exposé des motifs, par Mme Pejčinović-Burić, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. La Charte sociale européenne révisée 
			(2) 
			. Ce traité (STE no 163)
a été ratifié par 30 Etats membres et signé par 15 autres Etats
membres. (partie I, paragraphe 1) affirme que «toute personne doit avoir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement entrepris». L’article 1 garantit le droit au travail et souligne que les Parties contractantes ont la responsabilité d’atteindre et de maintenir un niveau d’emploi élevé et stable en vue de la réalisation du plein emploi. Par conséquent, il appartient aux Etats membres du Conseil de l’Europe de chercher à protéger de façon efficace les droits socio-économiques de leur population, en visant donc à fournir des services de l’emploi gratuits pour tous les travailleurs ainsi qu’une orientation, une formation et une réadaptation professionnelles appropriées.
2. La population mondiale comprend actuellement 1,2 milliard de jeunes âgés de 15 à 24 ans. Ce groupe représente une part importante de la population active mondiale (24,7%), et plus importante encore de la population mondiale au chômage (43,7%) 
			(3) 
			. Coenjaerts C., Ernst C.,
Fortuny M., Rei D. et Pilgrim M., Vers une croissance pro-pauvres:
l’emploi, OCDE, Paris, 2009.. Dans les 27 pays de l’Union européenne, le taux de chômage des jeunes est deux fois plus élevé que pour le reste de la population active (20,9% contre 9,6% en 2010) et il n’a pas cessé d’augmenter en 2010. La situation est analogue dans les pays non membres de l’Union européenne situés en Europe centrale et orientale, où un jeune actif sur cinq était au chômage en 2010 
			(4) 
			.
Communiqué de presse d’Eurostat no 49/2011 du 1er avril 2011 et
Tendances mondiales de l’emploi 2011: le défi d’une reprise de l’emploi,
rapport publié par l’OIT (Organisation internationale du travail),
2011.. Le chômage frappe donc les jeunes de manière disproportionnée, un problème auquel le Conseil de l’Europe doit s’efforcer de proposer des solutions.

2. Les effets de la mondialisation

2.1. L’Europe face à des économies émergentes de plus en plus dynamiques et les conséquences qui en découlent

3. L’économie mondiale subit des mutations qui ne sont pas sans affecter l’Europe. La mondialisation est en effet un phénomène paradoxal: d’une part, elle permet de réduire la pauvreté dans certains domaines, mais, d’autre part, elle crée de nouvelles inégalités. C’est la mondialisation qui a révélé le manque de compétitivité de l’Europe face à des économies émergentes pleines de dynamisme.
4. Ces économies émergentes attirent davantage les investisseurs grâce à des coûts plus bas et aux opportunités de développement plus conséquentes qu’elles peuvent offrir. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) modernes, les réseaux de transport internationaux et une main-d’œuvre très flexible leur permettent de multiplier les échanges commerciaux. La tendance observée au niveau mondial montre également que les économies émergentes enregistrent une croissance bien plus importante que celle des pays développés. De plus, l’expérience acquise par ces économies dans le domaine des hautes technologies leur donne aujourd’hui les moyens d’opposer une concurrence sérieuse à l’industrie européenne. L’Europe a perdu en compétitivité et il est désormais plus difficile pour les économies nationales de tirer leur épingle du jeu. Les systèmes ou modèles sociaux européens font obstacle à l’abaissement des coûts de production, c’est pourquoi la réussite des entreprises européennes repose toujours davantage sur des stratégies de différenciation (par la qualité des produits).
5. Il est évident que la mondialisation a eu un impact sur le marché du travail européen. Les entreprises européennes n’ont pas le choix: elles sont contraintes de se spécialiser dans des activités qui nécessitent plus de capital et de talents que de main-d’œuvre de base, ce qui implique une réduction des effectifs. Par conséquent, la plupart des économies européennes recherchent de plus en plus un personnel hautement qualifié afin de rester compétitives. Dans ce contexte, les jeunes actifs pourraient jouer un rôle déterminant pour relever le défi de la compétitivité; c’est l’une des raisons pour lesquelles le problème du chômage des jeunes doit être résolu.

2.2. L’impératif de compétitivité et ses conséquences pour les jeunes Européens sur le marché du travail

6. La nécessité d’être compétitives a contraint les entreprises européennes à faire des choix. Or, elles n’ont pas beaucoup d’options pour survivre dans une économie mondialisée. Elles peuvent choisir unestratégie de différenciationconsistant à rendre les produits compétitifs d’une manière ou d’une autre (par exemple, en insistant sur la qualité, l’innovation et la valeur ajoutée élevée des produits ou en exploitant des niches de marché). En même temps, mener une politique de prix bas en réduisant les coûts de production peut aussi être considéré comme visant le même objectif.
7. Dans le cas d’une stratégie de différenciation, les entreprises doivent investir dans la recherche-développement et miser autant que possible sur l’innovation. Et pour maximiser les chances de réussite dans ce cadre, il leur faut recruter du personnel hautement qualifié. Du côté des candidats, l’important n’est pas seulement d’avoir des diplômes, mais surtout de posséder les qualifications requises sur le marché du travail. Les systèmes européens d’éducation ne dispensent pas toujours une formation adaptée aux besoins particuliers du marché. Par ailleurs, la recherche de personnes plus qualifiées peut avoir pour conséquence une réduction des emplois faiblement qualifiés, car cette stratégie va généralement de pair avec une augmentation de l’intensité capitalistiqueau détriment du facteur travail.
8. Si les entreprises ont pour but de réduire les coûts de production, différentes options s’offrent à elles. Elles peuvent choisir d’améliorer la productivitéen se fondant sur davantage de flexibilité et d’efficience, ou en réduisant la masse salariale. Dans les deux cas, la rigidité du marché du travail peut constituer un obstacle de taille. Moins le marché est réglementé, plus il est facile d’être flexible et plus les coûts sont bas. Cela étant, la recherche d’une flexibilité toujours plus grande, d’une mobilité et d’un allégement du droit du travail affectera sans aucun doute négativement les conditions de travail et la stabilité de l’emploi.
9. Tout cela nuit à l’emploi des jeunes, même si les retombées négatives varient en fonction des décisions prises par les entreprises et les responsables politiques. Ces décisions influent en effet soit sur les conditions de travail des jeunes, soit sur les opportunités qu’ils ont – ou non – de trouver un travail à l’issue de leurs études. Il faut de plus faire une distinction entre jeunes actifs peu qualifiés et jeunes actifs hautement qualifiés: certaines politiques favorables aux uns peuvent pénaliser les autres. La diminution des chances de trouver un emploi officiel fait augmenter la probabilité que des jeunes basculent dans l’économie souterraine et occupent des emplois non déclarés.
10. La Insider-Outsider Theory of Employment and Unemployment («la théorie Insiders/Outsiders») 
			(5) 
			. Lindbeck A. et Snower D.
J., The Insider-Outsider Theory of Employment and Unemployment,
MIT Press, 1989., apporte un éclairage intéressant sur la question qui nous préoccupe ici. Selon cette théorie, le marché du travail est segmenté:on trouve d’un côté les personnes déjà intégrées dans une entreprise, et de l’autre celles qui cherchent un emploi. Cela s’explique principalement par le coût élevé que représente l’intégration de nouveaux employés pour les entreprises; celles-ci préfèrent augmenter la rémunération de leur personnel déjà en place (les insiders) plutôt que d’embaucher de nouvelles recrues (les outsiders): c’est l’option souvent la moins coûteuse.
11. Le taux de chômage des jeunes est supérieur au taux de chômage total et ils sont les premiers touchés par les crises économiques. Les raisons de ce phénomène sont multiples. Il ne faut pas oublier que les jeunes qui veulent accéder au marché du travail se trouvent confrontés à des barrières inhérentes à ce marché. Le manque d’expérience et le coût élevé de la formation de nouveaux venus représentent toujours des handicaps pour les jeunes, même lorsqu’ils sont qualifiés et qu’ils viennent de terminer leurs études.
12. Les statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montrent que l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Pologne, la Slovénie et la Suède comptent un nombre relativement important de travailleurs temporaires. A l’inverse, au Danemark, en Estonie, en Hongrie, en République slovaque et au Royaume-Uni, la proportion de travailleurs temporaires est moindre. La fréquence des contrats temporaires est l’une des raisons pour lesquelles le chômage des jeunes est plus sensible à la conjoncture dans certains pays d’Europe de l’Ouest et dans les économies en transition d’Europe centrale 
			(6) 
			. Scarpetta S., Sonnet
A. et Manfredi T., Montée du chômage des jeunes dans la crise: comment
éviter un impact négatif à long terme sur toute une génération?,
OCDE, 2010..

3. Le chômage des jeunes: une situation préoccupante

3.1. Un chômage en hausse et qui touche particulièrement les jeunes

13. D’après Eurostat, le taux de chômage des jeunes est défini comme la proportion de chômeurs âgés de 15 à 24 ans par rapport à la population active (personnes occupant ou non un emploi) dans la même tranche d’âge. Ce groupe d’âge représente de 10% (par exemple en Italie) jusqu’à 17% (en Turquie) de la population totale en Europe 
			(7) 
			. «Youth in Europe
– A statistical portrait», Eurostat (édition 2009).. Les études publiées par Eurostat soulignent que le taux de chômage des jeunes est très supérieur au taux de chômage total de la population. Cela étant, ces données sont à manier avec prudence: en effet, nombre de jeunes ne se trouvent pas sur le marché du travail, soit parce qu’ils sont encore élèves ou étudiants, soit parce qu’ils ne sont pas à la recherche d’un emploi, ce qui fausse le calcul du taux de chômage. Elles indiquent néanmoins que les jeunes rencontrent des difficultés spécifiques dans leur recherche d’emploi. Le chômage des jeunes touche aujourd’hui quelque 15 millions de personnes dans la zone OCDE et concerne presque 19% de la population active entre 15 et 24 ans. Dans les pays de l’Union européenne, le chômage des jeunes a augmenté ces trois dernières années, de 14,9% au début de 2008 à 20,9% à la fin de 2010. Ce pourcentage varie considérablement selon les pays, pour atteindre par exemple 42% en Espagne, 35% en Lettonie et Lituanie, et 34% en Slovaquie (voir aussi le tableau figurant en annexe) 
			(8) 
			. Communiqué
de presse d’Eurostat no 49/2011 du 1er avril 2011..
14. La forte hausse du chômage des jeunes n’est pas un problème nouveau; c’est un fléau qui sévit en Europe depuis plusieurs années, comme en témoignent les nombreux articles et rapports consacrés à la question ainsi que les multiples mesures adoptées depuis dix ans. La rapporteure souligne cependant que les améliorations apportées aux politiques publiques de l’emploi n’ont pas suffi à résoudre le problème. Il faut employer des remèdes plus efficaces.
15. La crise économique actuelle a, de plus, entraîné une baisse de l’activité économique qui s’est répercutée de façon négative sur le marché du travail dans les pays européens et a eu des conséquences catastrophiques sur le taux de chômage et la création d’emplois dans le monde entier. Les jeunes se trouvent dans une situation encore plus grave que d’autres catégories de la population, car le marché du travail n’a pas la capacité d’absorber une population active jeune de plus en plus nombreuse. Avant de proposer des solutions, il est indispensable de déterminer les causes principales du problème et de comprendre pourquoi les jeunes sont plus touchés par la crise que le reste de la population active.
16. L’effet dévastateur de la crise sur l’emploi des jeunes peut s’expliquer par le fait que la plupart d’entre eux ont été embauchés par le biais de contrats temporaires. Selon diverses estimations en Europe, environ 40% des jeunes travailleurs – et parfois plus de 60% dans certains pays, par exemple en Espagne, Pologne et Slovénie – avaient de tels contrats en 2007, contre environ 18% pour le reste de la main-d’œuvre. Une telle situation s’explique seulement partiellement du fait que certains jeunes cherchent un emploi temporaire tout en étudiant; mais une majorité de jeunes Européens sont sous contrat temporaire parce qu’ils ne peuvent pas trouver de travail permanent. Ce type de contrat permet aux entreprises de licencier facilement leurs employés en cas de ralentissement de l’activité économique, ce qui augmente le risque pour les jeunes de perdre leur emploi en temps de crise. Les jeunes actifs sont souvent les derniers recrutés et les premiers licenciés: c’est ce que l’on appelle le système de licenciement last-in first-out, ou règle du «dernier entré, premier sorti». En période de crise, la plupart des entreprises choisissent en effet de se passer de nouvelles recrues peu expérimentées, dont la formation aurait un coût élevé. En cas de non-renouvellement des contrats et de gel des embauches par les entreprises, les nouveaux venus sur le marché du travail sont donc les premiers touchés.
17. Un autre facteur permet d’expliquer la forte hausse du chômage des jeunes: ceux-ci travaillent souvent dans des secteurs sensibles à la conjoncture, par exemple le bâtiment. En France, la crise a ainsi frappé de plein fouet la main-d’œuvre masculine jeune et faiblement qualifiée employée dans ces secteurs. En conséquence, depuis le troisième trimestre 2008 
			(9) 
			.
Des emplois pour les jeunes: France, OCDE, 2009., pour la première fois en France, le taux de chômage des jeunes hommes dépasse celui des jeunes femmes. On observe également la même tendance dans d’autres pays européens.
18. En temps de crise économique, le nombre de départs à la retraite anticipés diminue. En outre, l’âge de départ à la retraite a été relevé en Europe ces dernières années en tenant compte des tendances démographiques. Les postes disponibles pour les jeunes sont donc moins nombreux, ce qui contribue à faire augmenter le taux de chômage dans cette tranche d’âge. Les statistiques de l’OCDE font état d’une augmentation sensible de l’emploi des 55-64 ans ces deux dernières années 
			(10) 
			. Perspectives de l’emploi.
Sortir de la crise de l’emploi, OCDE, 2010. Voir annexe statistique,
tableau C, «Rapports emploi/population, taux d’activité et taux
de chômage par groupe d’âge».. La même tendance est perceptible dans les Etats membres du Conseil de l’Europe 
			(11) 
			. Moyenne calculée
sur la base de statistiques de l’OCDE portant sur 23 Etats membres
du Conseil de l’Europe: Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark,
Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg,
Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République
tchèque, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie., avec une augmentation de 10% en moyenne du taux d’activité des 55-64 ans pendant la même période. Une explication possible: les actifs de cette tranche d’âge souhaitent conserver leur emploi plus longtemps afin d’améliorer leur situation financière pour leur retraite. Dans certains pays, en effet, nombre de salariés qui ont vu fondre leurs économies du fait de la crise sont déterminés à les reconstituer en travaillant quelques années de plus.

3.2. Les différentes catégories de jeunes

19. Certaines catégories de jeunes courent un plus grand risque de perdre le contact avec le marché du travail. Les études de l’OCDE distinguent quatre groupes: les «performants», les «débutants en mal d’insertion», les «laissés pour compte» etles«raccrocheurs». Les «performants» sont en situation d’emploi pendant la majorité du temps et il leur faut moins de six mois pour trouver un emploi à l’issue de leurs études. Les «raccrocheurs» sont des jeunes qui décident de terminer leur formation secondaire ou de faire des études supérieures à la suite d’une expérience décevante sur le marché du travail. Les «laissés pour compte» sont des jeunes sans diplôme, issus de l’immigration/d’une minorité et/ou vivant dans des zones défavorisées/rurales/isolées. Ce groupe fait référence à ceux qui ne sontni au travail ni scolarisés ou en formation (NEET: neither in employment, nor in education or training). Les «débutants en mal d’insertion» sont souvent qualifiés, mais ils ont des difficultés à trouver un emploi stable, même en période de croissance économique. Ils connaissent de fréquents allers-retours entre emplois temporaires et chômage ou inactivité 
			(12) 
			. Voir la note 7 supra..
20. Les «débutants en mal d’insertion» et les «laissés pour compte» risquent fortement de perdre le contact avec le marché du travail. Ces deux catégories existent dans tous les pays de l’OCDE, mais la seconde est particulièrement importante dans des pays comme l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie et le Japon. L’Etat devrait aider ces jeunes dans leur recherche d’emploi dès la fin de leurs études, par exemple en leur offrant la possibilité de participer à des programmes délivrant une qualification reconnue ou un diplôme. Concernant les «débutants en mal d’insertion», les pouvoirs publics doivent veiller à ce que ces jeunes trouvent rapidement un emploi stable qui leur offre de meilleures perspectives de carrière.
21. La rapporteure souligne que les tendances générales de l’emploi peuvent aussi s’appliquer aux jeunes. Par exemple, lesinégalités entre les hommes et les femmes semblent également pénaliser les jeunes femmes. Un seul facteur leur est favorable: dans l’ensemble, elles sont moins représentées dans les secteurs sensibles aux variations conjoncturelles et par conséquent moins touchées par les périodes de ralentissement économique. Toutefois, à l’avenir, les jeunes femmes pourraient être davantage touchées étant donné que les secteurs dans lesquels elles sont le plus souvent employées (le secteur public, la santé, l’éducation, les services sociaux, etc.) seront frappés par l’austérité budgétaire dans de nombreux pays européens.
22. De même, les personnes handicapéessont régulièrement victimes de discrimination sur le marché du travail et la question de l’emploi des jeunes handicapés doit être spécifiquement prise en compte.
23. Plus on s’attaque tôt aux problèmes, moins il s’en pose par la suite. De plus, en ce qui concerne la discrimination, des mesures plus efficaces doivent être prises pour en traiter les causes et limiter les répercussions possibles sur toute la population. Les pays européens doivent également adapter leurs politiques afin d’améliorer le soutien spécifique aux groupes les plus vulnérables.

4. Les problèmes structurels liés aux systèmes éducatifs

4.1. L’incidence du niveau d’études sur l’emploi des jeunes

24. Il existe généralement une forte corrélationentre le taux d’emploi et le niveau d’études: plus celui-ci est élevé, plus grandes sont les chances d’éviter le chômage. Dans la plupart des secteurs économiques, entre 20 et 40% des jeunes travailleurs suivent aussi un enseignement formel. Dans les pays de l’Union européenne, la moitié des jeunes travailleurs sont employés dans des emplois basiques ou peu qualifiés; cette proportion se réduit à 35% pour le groupe d’âge suivant étant donné que les jeunes à la recherche d’un emploi possèdent un diplôme et des qualifications plus élevées. Selon les statistiques de l’OCDE, l’Italie est le seul pays de l’OCDE où le taux d’emploi des jeunes âgés entre 15 et 29 ans qui ont un diplôme du secondaire supérieur est plus élevé que celui des jeunes qui ont un diplôme de l’enseignement supérieur 
			(13) 
			. Ibid.. Certes, l’intérêt d’un solide niveau d’études dépend des caractéristiques économiques du pays, dans la mesure où celles-ci influent sur les compétences demandées sur le marché du travail. Néanmoins, posséder un diplôme d’éducation élevé confère un avantage relatif sur le marché du travail.
25. Du point de vue de l’employeur, notamment dans le contexte de la mondialisation, «il est essentiel de disposer d’un capital humain bien formé, capable non seulement de s’adapter aux nouvelles technologies et de les utiliser, mais aussi de repousser les frontières technologiques» 
			(14) 
			.
Cheminement vers le travail: pratiques courantes et besoins futurs
pour l’intégration des jeunes sur le marché du travail, étude commandée
par la Commission européenne, septembre 2008, p. 132. . Les employeurs sont réticents à l’idée d’embaucher «de jeunes travailleurs qui n’ont pas les compétences souhaitées» 
			(15) 
			. Ibid. en raison du coût de la formation et de l’adaptation au cadre de travail. On rejoint ici la théorie Insiders-Outsiders, décrite au chapitre 2.2. Cette théorie peut aider à expliquer certaines difficultés que rencontrent les jeunes sur le marché du travail, en particulier ceux qui ont un faible niveau d’études et ne peuvent de ce fait se prévaloir d’aucun avantage comparatif par rapport aux insiders.
26. L’un des principaux problèmes relevés dans les rapports institutionnels sur le chômage des jeunes est la question du décrochage scolaire. Il apparaît que, si trop de jeunes quittent l’école prématurément (éducation secondaire de base), les pays sont exposés à un risque accru de chômage de longue durée. En Espagne, par exemple, «un jeune sur quatre quitte le système scolaire avant la fin du secondaire supérieur, qui est considéré comme le niveau de compétences minimum pour s’insérer aujourd’hui sur le marché du travail» 
			(16) 
			. Des emplois pour
les jeunes – Espagne, OCDE, 2007. . Même si la situation est meilleure dans d’autres pays de l’OCDE, la question du décrochage scolaire doit être traitée en priorité dans une perspective de prévention de l’exclusion sociale des jeunes. Cette question peut être mise en relation avec le taux croissant de jeunes NEET (ni au travail ni scolarisés ou en formation): en effet, la probabilité pour un jeune de devenir un «NEET» est supérieure lorsqu’il quitte l’école trop tôt sans avoir acquis des qualifications. Ces jeunes, qui présentent un «risque élevé d’échec sur le marché du travail et d’exclusion sociale» 
			(17) 
			. Des emplois pour
les jeunes – Royaume-Uni, OCDE, 2008. , représentaient en moyenne 11% des 15-24 ans dans les pays membres de l’OCDE en 2007 
			(18) 
			. Voir la note 7 supra., environ 15% dans l’Union européenne des 27 (mais environ 36% à Malte et au Portugal), 28% en Islande et presque 48% en Turquie. A quelques exceptions près, les jeunes hommes sont plus nombreux que les jeunes femmes à abandonner l’école.
27. Pour parvenir à des emplois stables et à des contrats à long terme,le niveau d’études est également un facteur déterminant. Il est indéniable que la plupart des jeunes sont recrutés sur des contrats à durée déterminée. Cependant, les conséquences sur la carrière future ne sont pas les mêmes selon le niveau d’études. Il n’est pas justifié de condamner les contrats à durée déterminée, dans la mesure où il est prouvé qu’ils peuvent permettre à certains jeunes «de rebondir vers des emplois permanents [plutôt que d’]entrer dans la précarité» 
			(19) 
			. Ibid.. Pour autant, la probabilité d’obtenir un emploi permanent à l’issue d’un contrat temporaire ou même après une période de chômage est toujours plus grande pour les jeunes hautement qualifiés.

4.2. La transition de l’école à l’emploi

28. Par transition de l’école à l’emploi, on entend la période entre la fin des études et le moment où le jeune trouve un emploi. La durée de cette transition varie selon les pays, et certains jeunes rencontrent plus de difficultés que d’autres. De surcroît, «de nombreux jeunes changent de statut sur le marché du travail (…) avant de trouver un emploi qui leur offre des perspectives de carrière et une certaine stabilité 
			(20) 
			. Ibid.. Peu de jeunes entrent sur le marché du travail immédiatement après avoir quitté l’école. Deux groupes de jeunes rencontrent des difficultés particulières sur le marché du travail: les «laissés pour compte» et les «débutants en mal d’insertion». Le premier de ces groupes requiert une assistance spécifique pour éviter le piège du chômage et de l’inactivité de longue durée. Etant donné que ces jeunes semblent cumuler les handicaps, il devrait être possible de les repérer avant que leur situation devienne irrémédiable. Le second groupe est plutôt caractérisé par une vie professionnelle instable, alternant contrats temporaires et périodes de chômage. De l’avis de la rapporteure, il importe de remédier à la situation de ces deux catégories de jeunes pour qui la transition de l’école à l’emploi est particulièrement difficile.
29. Tout d’abord, il convient d’améliorer la transition de l’école à l’emploi pour limiter le chômage de longue durée, lié à l’augmentation de la proportion de NEET parmi les jeunes. Ces jeunes en difficulté ont besoin d’aide soit pour trouver rapidement un emploi, soit pour entreprendre un programme de formation. Par ailleurs, il faut trouver une solution pour que les emplois temporaires deviennent réellement un tremplin vers «des emplois plus stables et plus prometteurs» 
			(21) 
			. Ibid.. Les pays européens doivent travailler à ces objectifs pour chercher à résoudre le problème des «jeunes laissés pour compte» et la question des contrats précaires qui accroissent le risque de chômage en période de ralentissement économique.
30. D’après les études de l’OCDE, la transition de l’école au travail se déroule mieux sur les marchés du travail moins réglementés, car l’instabilité liée aux contrats temporaires pour les nouveaux entrants semble y être compensée par la flexibilité du marché. En outre, la transition est généralement plus aisée et plus rapide pour les jeunes qui ont au moins une qualification du niveau secondaire supérieur. Enfin, dans les pays où les programmes d’apprentissage et les systèmes de formation en alternance sont bien développés, les jeunes rencontrent moins de difficultés pour effectuer cette transition. La rapporteure est néanmoins persuadée que toute situation peut être améliorée et que la question de la transition de l’école au travail est l’un des principaux problèmes auxquels les Etats membres devraient s’attaquer.

5. Les conséquences du chômage des jeunes

5.1. Les conséquences pour les jeunes

31. Au niveau mondial, plus d’un tiers des jeunes sont au chômage, ont complètement renoncé à chercher un emploi (chômeurs découragés), ou ont un emploi mais vivent en dessous du seuil de pauvreté de 2 $US par jour (travailleurs pauvres). On évalue à 152 millions le nombre de jeunes travailleurs pauvres vivant dans l’extrême pauvreté avec moins de 1,25 $US par jour, soit 28% des jeunes ayant un emploi (chiffres de 2008) 
			(22) 
			.
«La crise économique mondiale a accéléré une augmentation record
du chômage des jeunes dit l’OIT», communiqué de presse de l’OIT,
11 août 2010.. Le rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les tendances générales de l’emploi des jeunes en 2010 indique que 81 sur 620 millions de jeunes économiquement actifs étaient au chômage fin 2009 – un nombre record jamais atteint. Les perspectives pour 2010 n’étaient guère meilleures.
32. Pour les jeunes, le chômage peut notamment avoir de sérieuses répercussions négatives sur leurs perspectives professionnelles. On a parlé à cet égard d’«effet de stigmatisation» (scarring effect): la simple expérience du chômage accroît le risque de chômage futur et/ou réduit les revenus futurs. Plus la période de chômage est longue, plus le risque futur de «dépendance à l’égard de la voie suivie» (path dependence) est important (chômage de longue durée, moindres possibilités d’emploi et niveau de rémunération proportionnellement plus bas). De plus, les longues périodes de chômage se soldent généralement, à plus ou moins long terme, par une plus grande insatisfaction professionnelle et davantage de problèmes de santé. Pour la plupart des jeunes, être chômeur au tout début de la vie active semble n’avoir qu’un effet temporaire sur les perspectives ultérieures de carrière. Mais pour les jeunes défavorisés qui n’ont pas acquis les savoirs de base, un échec lors de leur première expérience sur le marché du travail est souvent difficile à rattraper et peut les exposer à une «stigmatisation» durable 
			(23) 
			.
Voir la note 7 supra..
33. La rapporteure insiste sur les conséquences psychologiques dont peuvent souffrir les jeunes qui sont exclus pendant un certain temps du marché du travail. Dans notre société européenne, la reconnaissance sociale est étroitement liée à la situation professionnelle; les sociologues ont montré que le chômage, parce qu’il va de pair avec de bas revenus et une déconsidération sociale, pouvait conduire à l’exclusion sociale ou à la marginalisation. C’est pourquoi les périodes de chômage peuvent avoir des effets extrêmement négatifs sur des jeunes qui n’ont jamais eu l’occasion de faire la preuve de leur capacité à travailler et qui, se sentant inutiles ou inaptes au travail, risquent de perdre confiance en eux-mêmes.

5.2. Les conséquences pour la société

34. La rapporteure n’ignore pas que la situation de surendettement des pays européens les conduit à réduire les dépenses publiques. Il ne faut cependant pas oublier que le chômage des jeunes est un problème qui, si rien n’est fait maintenant, pèsera sur l’avenir de notre société tout entière. Un défi majeur pour les autorités publiques est donc d’assurer une action cohérente qui prenne en compte les contraintes actuelles sur les dépenses publiques à court ou à moyen terme, les tendances structurelles sur le marché du travail et l’intérêt public à tous égards et sur le long terme. Or, au vu des tendances et des évolutions globales en Europe, le chômage des jeunes est bien un problème structurel et pas simplement une conséquence de la crise économique actuelle. En vue d’améliorer les conditions de vie en Europe, l’accroissement du chômage des jeunes doit être traité en priorité.
35. Tout d’abord, un fort taux de chômage crée un important manque à gagner pour les économies européennes, car il réduit la demande et les dépenses d’investissement 
			(24) 
			. Communiqué de presse,
OIT, 27 octobre 2006., alors qu’un faible taux de chômage stimule la consommation et l’investissement, c’est-à-dire la croissance économique et les revenus fiscaux dans la plupart des cas. Il faudrait articuler la lutte contre le chômage avec la lutte contre la pauvreté et les situations précaires, deux fléaux préjudiciables aux économies européennes, spécialement en temps de crise lorsque la première priorité est la reprise de l’économie.
36. La situation actuelle menace demarginaliser de nombreux jeunes, dont les possibilités d’emploi futures risquent de se tarir par suite d’une restructuration du marché du travail. En «sacrifiant» ainsi une génération d’actifs, on risque non seulement de ruiner les projets et les attentes des individus, mais aussi de diminuer leur contribution à l’économie, à la démocratie et au retour sur investissement social pour le pays.
37. Les pays où le taux de chômage des jeunes est élevé s’exposent à une autre conséquence: l’émigration de ces derniers vers des pays à même de leur offrir un avenir professionnel plus prometteur. Pour les pays concernés, cette forme d’émigration peut se traduire par une baisse de productivité et une perte de jeunes actifs (aussi bien non qualifiés que très qualifiés) et, par voie de conséquence, compromettre leur développement économique futur. En aidant les jeunes à accéder à l’emploi et à trouver leur premier emploi, les Etats atténueraient les tensions sociales dans la société et diminueraient la dépendance de certains secteurs économiques à l’égard de la main-d’œuvre immigrée.
38. En outre, compte tenu de la situation démographique en Europe et du fonctionnement des systèmes de protection sociale, il est impératif que les jeunes travaillent pour financer les retraites. Dans un contexte de vieillissement de la population, les pays européens doivent préparer l’avenir: la jeune génération représente une chance de pérenniser la solidarité intergénérationnelle et le développement national. Alors que les baby-boomers partent à la retraite, les économies européennes ont besoin que davantage de jeunes travaillent 
			(25) 
			. Selon les études
réalisées par la société de consultant McKinsey, l’Allemagne – la
plus grande économie d’Europe – sera confrontée, en 2020, à un manque
d’environ 2 millions de travailleurs qualifiés pour occuper des
postes vacants dans des secteurs comme l’ingénierie, l’industrie
de haute-technologie, les télécommunications, la fabrication manufacturière
et les services, en particulier les soins de santé. Le manque se
fait déjà ressentir.. Ces départs devraient faire mécaniquement baisser le chômage des jeunes, mais une action des pouvoirs publics est toujours nécessaire pour améliorer les qualifications des jeunes et leur donner accès à des possibilités d’emploi satisfaisantes.
39. Une conséquence possible et très inquiétante de l’absence de perspectives sur le marché du travail est la montée de la violence ou de la délinquance parmi les jeunes, qui risque à son tour d’entraîner une augmentation des coûts sociaux. Cette question pourrait s’inscrire dans un débat élargi sur l’inégalité des chances, qui a récemment provoqué des réactions de violence dans certains pays européens et dans le voisinage méditerranéen de l’Europe, où les populations réclament leurs droits fondamentaux de vivre et de travailler dans la dignité.

6. Des solutions

6.1. Mesures pour améliorer les perspectives d’emploi des jeunes

40. Il importe que tous les coûts sociaux induits par le chômage des jeunes soient pris en considération et que les pouvoirs publics trouvent le moyen de les réduire, et si possible de les supprimer. Les institutions européennes, notamment l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, peuvent et doivent consentir des efforts supplémentaires pour aider leurs Etats membres à multiplier et améliorer les emplois offerts à la jeune génération. Les autres partenaires, dont la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque de développement du Conseil de l’Europe, le Centre Nord-Sud, le Fonds social européen (FSE) et la Banque européenne d’investissement, pourraient apporter une valeur ajoutée aux programmes d’action existants au niveau européen et national.
41. Le FSE est en fait le principal instrument financier de l’Union européenne pour promouvoir l’emploi des jeunes, l’esprit d’entreprise et la mobilité à des fins d’apprentissage des jeunes travailleurs, ainsi que les mesures pour prévenir le décrochage scolaire et améliorer les niveaux de compétence. Environ un tiers des 10 millions de personnes qui bénéficient chaque année du soutien du FSE sont des jeunes. Par ailleurs, environ 60% du budget total du FSE (75 milliards d’euros pour 2007-2013) viennent s’ajouter au cofinancement national en faveur des jeunes 
			(26) 
			.
«Jeunesse en mouvement», Commission européenne, 15 septembre 2010.. Notons également qu’en septembre 2010 la Commission européenne a lancé une consultation publique sur les futurs programmes d’enseignement et d’apprentissage en vue de présenter de nouvelles propositions en 2011, à temps pour la prochaine période de programmation du FSE. La rapporteure encourage toutes les personnes intéressées par les projets pour la jeunesse et l’emploi bénéficiant d’un soutien du FSE dans les Etats membres de l’Union européenne à consulter le site internet du fonds 
			(27) 
			. <a href='http://ec.europa.eu/employment_social/esf/index_en.htm'>http://ec.europa.eu/employment_social/esf/index_en.htm</a>..
42. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont défini leurs propositions stratégiques sur l’emploi des jeunes dans la déclaration adoptée lors de la 8e Conférence des ministres responsables de la jeunesse (octobre 2008), parallèlement à la «Résolution du Conseil sur un cadre renouvelé pour la coopération européenne dans le domaine de la jeunesse 2010-2018» de l’Union européenne et à sa stratégie économique «UE 2020», notamment l’initiative phare «Jeunesse en mouvement». La rapporteure observe qu’un programme conjoint entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne sur «l’accord de partenariat cadre dans le domaine de la jeunesse 2010-2013» a notamment pour objectif l’inclusion sociale des jeunes grâce à l’accès aux droits et à la création d’opportunités dans le domaine de l’emploi, de l’éducation et de la formation. Dans ce contexte, il pourrait être utile de créer davantage de synergies entre les travaux du Centre de la jeunesse du Conseil de l’Europe et du Fonds social européen pour aboutir à des projets concrets destinés à faire reculer le chômage des jeunes.
43. Alors que le vent d’un changement démocratique souffle au sud de la Méditerranée, les «vieilles» démocraties d’Europe ne peuvent pas se contenter d’observer passivement les événements. Dans le cadre d’un débat plus large sur la politique de voisinage du Conseil de l’Europe, l’Organisation devrait envisager de mieux exploiter le potentiel de son Centre Nord-Sud pour des projets communs en faveur des jeunes, de l’emploi et du développement humain dans les pays situés au sud de la Méditerranée.
44. Le secteur privé a un rôle majeur à jouer pour favoriser la création d’emplois en général et le développement de l’emploi des jeunes en particulier. A cet égard, les pouvoirs publics doivent encourager les entreprises à recruter de jeunes travailleurs peu qualifiés par des contrats d’apprentissage qui leur permettent d’associer les études à une première expérience sur le marché du travail. L’apprentissage offre aussi l’occasion à ces travailleurs peu qualifiés d’acquérir les compétences nécessaires pour exercer un métier et d’accumuler suffisamment d’expérience pour devenir des atouts pour leur entreprise. C’est en outre un excellent moyen de faire concorder les compétences acquises par les apprentis avec celles qui sont recherchées sur le marché du travail. Pour assurer une formation dans le cadre de l’apprentissage, les entreprises doivent pouvoir se faire aider en matière de pédagogie et d’encadrement, en particulier dans le cas d’apprentis sans qualifications.
45. Selon les données disponibles, un système d’enseignement en alternance, associant les études à une formation en apprentissage ou dans le cadre d’autres programmes de formation professionnelle, est une voie efficace pour entrer sur le marché du travail et facilite par conséquent la transition de l’école à l’emploi. Il est également démontré que, dans les pays dotés de solides systèmes d’apprentissage, on relève une plus forte proportion de jeunes «performants». Des pays comme l’Allemagne et l’Autriche utilisent la formation en alternance en complément d’un marché du travail réglementé. L’Allemagne et l’Autriche enregistrent les plus faibles taux de chômage des jeunes en Europe grâce à un système d’apprentissage efficace qui, pour la plupart des jeunes, permet une transition relativement fluide de l’école au monde du travail.
46. Même si certains experts sont convaincus que la clé du problème est l’élimination des rigidités du marché du travail qui pénalisent l’emploi des jeunes, beaucoup estiment que même des marchés du travail très réglementés fonctionnent bien lorsque de solides systèmes d’enseignement et de formation professionnels sont en place. En effet, il n’est pas nécessaire de déréglementer le marché du travail du moment que les pays sont en mesure de gérer un système éducatif efficace. De plus, nous devrions prendre en considération que plus le marché est flexible, plus les jeunes occupent des emplois précaires. Vu le taux élevé de chômage cyclique chez les jeunes dans certains pays comme l’Espagne, il importe, pour réduire le risque de débauchage lors des phases de ralentissement économique, d’éviter la généralisation des contrats temporaires dans cette catégorie de la population.
47. Le développement d’un système d’apprentissage efficace profite à la fois aux entreprises et aux jeunes salariés. Cette approche nécessite le soutien adéquat de l’Etat et une programmation. Selon la rapporteure, les gouvernements devraient s’attacher à promouvoir ces dispositifs en accordant aux entreprises, en particulier aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux «start-up», des aides publiques (octroyées par les municipalités, les régions ou l’Etat) ou des allégements fiscaux. Ils pourraient aussi prévoir des mesures ciblées d’accompagnement pour empêcher que les apprentis ne soient licenciés avant qu’ils aient achevé leur formation. Les gouvernements pourraient enfin encourager financièrement les entreprises à recruter leurs apprentis sur des contrats de plus longue durée à l’issue de l’apprentissage. Toutefois, dans certains pays où le système d’apprentissage est bien établi, les entreprises sont aujourd’hui moins disposées à proposer des contrats de ce type, surtout à des jeunes ayant un faible niveau d’études ou issus de l’immigration. Pour remédier à cette situation, la rapporteure estime que les avantages fiscaux devraient être accordés de préférence aux entreprises qui recrutent des apprentis non qualifiés.
48. Il est à noter que les contrats d’apprentissage peuvent devenir contre-productifs si les entreprises n’en font pas un usage approprié. Le souci constant d’abaisser les coûts de main-d’œuvre risque de conduire les entreprises à exploiter le travail d’apprentis faiblement rémunérés. Le recours abusif à ces contrats peut engendrer une situation précaire pour les apprentis puisque, au lieu de se former, ceux-ci sont appelés à faire le même travail que des salariés ordinaires mais ne reçoivent pas la rémunération correspondante. Les gouvernements devraient par conséquent veiller à ce que les apprentis reçoivent un salaire minimal et ils devraient les protéger contre tout abus. Le droit international et les législations nationales pourraient limiter la prolongation des contrats d’apprentissage lorsque les travailleurs dépassent un certain âge. En outre, les aides accordées devraient être conçues de manière à réduire au minimum les effets d’«aubaine» ou de substitution et n’être octroyées que pour des jeunes sans qualifications ou des apprentis dont le contrat a été rompu afin de les aider à obtenir une qualification.
49. Les experts de l’OCDE préconisent plusieurs autres mesures susceptibles de faciliter la transition de l’école à l’emploi. Ils recommandent aux pays européens de «proposer de façon précoce des conseils aux jeunes qui ont quitté l’école et cherchent un emploi», d’«étendre les mesures d’aide à la recherche d’emploi à ceux qui sont prêts pour l’emploi», d’«assurer une meilleure coopération entre les services de l’emploi et le système d’enseignement de façon à intervenir auprès des jeunes dès que possible lorsqu’un risque de désengagement est détecté» et de «maintenir ceux qui ne sont pas directement aptes à travailler en contact avec le marché du travail» 
			(28) 
			. Voir
la note 7 supra.. La rapporteure partage cette opinion. En outre, dans ce contexte, elle rappelle la proposition du Forum européen de la jeunesse d’introduire «des garanties pour les jeunes» – des mesures politiques qui viseraient à garantir qu’aucun jeune ne reste sans emploi, éducation ou stage pendant plus de quatre mois, excepté si c’est le libre choix de l’intéressé.
50. Etant donné qu’il semble utopique de vouloir atteindre le plein emploi, il faut se préoccuper d’aide au revenu en cas de chômage. Il s’agit de protéger les jeunes chômeurs contre l’exclusion sociale tout en empêchant qu’ils ne deviennent dépendants des prestations sociales. Autrement dit, l’indemnité de chômage doit être subordonnée à un certain nombre de conditions permettant de garantir que le chômeur fait des efforts pour trouver du travail ou participe à des programmes de formation. Les pratiques de certains pays encouragent malheureusement la dépendance aux allocations. En Belgique, par exemple, les jeunes peuvent bénéficier sans condition d’une indemnité de chômage non limitée dans le temps dès la fin de leurs études 
			(29) 
			. «Des emplois pour
les jeunes – Belgique», OCDE, 2007.. A l’inverse, au Danemark, l’octroi d’une indemnité est soumis à des conditions très strictes: les jeunes bénéficiant de prestations sociales doivent passer un entretien la première semaine, participer à un stage de formation à la recherche d’emploi la deuxième semaine et entamer une formation ou trouver un emploi la troisième semaine 
			(30) 
			. Ha B-J., McInerney
C., Tobin S. et Torres R., L’emploi des jeunes en crise, Institut
international d’études sociales, 2010..
51. Selon la rapporteure, un dispositif intermédiaire pourrait être mis en œuvre dans le double but de protéger les jeunes contre le risque d’exclusion sociale et de prévenir leur dépendance aux indemnités de chômage. Les pays européens devraient aider les jeunes chômeurs non seulement en leur octroyant une allocation, mais aussi en leur offrant de nouvelles perspectives. En d’autres termes, les politiques publiques doivent tenir compte du fait que, pour les nouveaux venus sur le marché du travail, le chômage risque de peser sur la suite de leur vie professionnelle. Il faut prendre un certain nombre de mesures pour accroître les chances des jeunes chômeurs de se remettre en selle après une période sans emploi. En même temps, il est évident que les pays européens ne peuvent se permettre de financer des prestations sociales sans mener une politique vigoureuse en faveur de l’emploi.
52. L’octroi de prestations sociales devrait être soumis à certaines conditions, afin d’encourager les chômeurs à rechercher activement un emploi. Afin de réduire l’écart entre les jeunes chômeurs et les autres, la rapporteure préconise l’adoption de mesures spécifiques en faveur des 15-24 ans qui n’ont pas accès à l’indemnité de chômage ordinaire parce qu’ils n’ont pas travaillé le minimum de temps requis. Il faudrait proposer à ces jeunes de participer à un entretien pour leur apporter une aide plus personnalisée dans leur recherche d’emploi ou de formation; il faudrait aussi leur demander de suivre une formation à la recherche d’emploi. Les agences publiques de l’emploi pourraient proposer aux allocataires des postes correspondant à leur profil pendant une période limitée. Les allocataires ne devraient être autorisés à refuser une offre que s’ils prouvent qu’elle ne correspond pas à leurs compétences et à leur expérience professionnelle. Un nombre déterminé de refus non fondés peut être autorisé mais, au-delà, les allocataires devraient être tenus d’accepter les emplois qui leur sont proposés ou renoncer à leur droit à l’indemnité de chômage. La rapporteure note que le succès de ces mesures dépend de la qualité des agences publiques de l’emploi ainsi que de leur capacité à faire coïncider les offres et les demandes d’emploi et à tenir compte des profils des chômeurs.

6.2. Mesures en matière d’éducation

53. Comme cela a déjà été souligné, les systèmes éducatifs ont un impact important sur le taux d’emploi des jeunes. La rapporteure est convaincue que les pays européens devraient investir dans des réformes radicales pour remédier au manque de cohérence, préjudiciable aux jeunes, entre ces systèmes et le marché du travail. Plusieurs améliorations pourraient être apportées afin de garantir aux jeunes les compétences requises par le marché du travail lorsqu’ils sortent du système éducatif.
54. Des mesures spécifiques et novatrices s’imposent pour intégrer les jeunes défavorisés. Premièrement, les pays européens doivent s’attacher à doter les immigrants des compétences linguistiques nécessaires afin de faciliter leur insertion sur leur marché du travail. Deuxièmement, pour limiter le problème des jeunes qui ne sont «ni au travail ni scolarisés ou en formation» (NEET), ils doivent réduire le nombre de décrochages scolaires et aider les jeunes concernés à prendre un nouveau départ. La rapporteure note que les «écoles de la deuxième chance» créées dans plusieurs pays (par exemple en Hongrie) 
			(31) 
			. «Hongrie:
le lycée de la “seconde chance”», OCDE, 2008. peuvent être un exemple à suivre. L’Union européenne a lancé un projet pilote afin de «mett[re] en place de nouvelles voies personnalisées pour ramener (…) vers le monde du travail et la citoyenneté active» 
			(32) 
			. «Les écoles de la
deuxième chance – Résultats d’un projet pilote européen», Commission
européenne, 2001. des jeunes ayant quitté le système scolaire avant d’avoir acquis un bagage correspondant aux besoins du marché du travail.
55. En règle générale, les systèmes éducatifs devraient préparer les jeunes à travailler dans un monde globalisé en leur enseignant, dans la mesure du possible, trois langues étrangères, dont l’anglais 
			(33) 
			. Dans la plupart des
pays européens, en moyenne environ la moitié des programmes scolaires
d’enseignement supérieur offrent déjà l’enseignement de deux langues
étrangères; cependant, les chiffres sont beaucoup plus bas que la moyenne
pour l’Irlande, la Grèce, le Luxembourg, le Portugal et le Royaume-Uni
(Source: Eurostat).. Cette possibilité existe déjà dans certains pays, mais le niveau des élèves varie considérablement d’un pays à l’autre; il convient par conséquent d’améliorer les systèmes moins efficaces. La connaissance de langues étrangères est en effet un atout économique pour les entreprises internationales et les jeunes à la recherche d’un emploi. Etant donné que les pays européens n’ont pas d’autre choix que de prendre part à la mondialisation, il semble indispensable d’assurer un enseignement linguistique de qualité dans le cadre scolaire afin de faciliter la communication et la mobilité dans une Europe multilingue et au-delà. En effet, comme les économies européennes ne sont pas toutes spécialisées dans les mêmes domaines, le multilinguisme pourrait être un facteur d’équilibrage de l’offre et de la demande sur le marché du travail européen.
56. De plus, les pays européens devraient s’efforcer de bâtir des systèmes éducatifs alliant de manière équilibrée études théoriques et formation professionnelle. Même si cela semble évident, certains pays n’ont pas suffisamment encouragé certaines qualifications professionnelles qui sont fortement exigées sur le marché mais ont perdu du prestige auprès du public. En France, par exemple, faire des études universitaires est devenu l’objectif numéro un pour les jeunes, malgré les besoins réels du marché du travail et le manque de spécialistes dans certaines professions (surtout dans les métiers manuels et l’artisanat). Une meilleure communication entre tous les acteurs de l’emploi impliqués dans la procédure est nécessaire pour identifier des secteurs dynamiques ou prometteurs et guider les étudiants dans leur choix. On aurait ainsi une meilleure adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail.
57. Uneautre possibilité consisterait à établirune meilleure réglementation des admissions dans les universités. Cette mesure pourrait aider à parvenir à un équilibre entre les offres d’emplois et les personnes à la recherche d’un emploi en orientant les jeunes étudiants vers des études qui offrent de meilleures perspectives d’emploi. Limiter l’accès aux études dans certains secteurs considérés comme offrant peu de débouchés pourrait être une bonne mesure à court terme pour éviter une désillusion aux futurs diplômés contraints de travailler dans un secteur pour lequel ils ne sont pas qualifiés. Cette mesure devrait toutefois être accompagnée d’une promotion des secteurs les plus dynamiques sur le plan de l’emploi ou des tendances de développement économique du pays concerné.
58. Enfin, et ce n’est pas le moins important, la rapporteure préconise de développer l’association entre les études et le travail, y compris au niveau universitaire, car «allier des bases théoriques solides et une expérience professionnelle peut faciliter l’intégration à long terme des jeunes sur le marché du travail» 
			(34) 
			. Voir la note 31 supra.. Cette idée part du constat que de nombreux parcours universitaires imposent aux étudiants un stage en entreprise. La rapporteure préconise d’intégrer davantage de matières pratiques dans les études universitaires et de prévoir dans les emplois du temps une journée de stage hebdomadaire pour permettre aux étudiants d’acquérir les connaissances pratiques nécessaires sur le marché du travail. Autrement dit, il s’agit de mettre en place un système d’alternance non seulement pour la formation professionnelle, mais aussi pour les études supérieures. Une telle mesure permettrait d’associer les entreprises au processus de formation et réduirait ainsi le décalage qui existe actuellement entre les systèmes éducatifs et les besoins du marché du travail.

7. Remarques finales

59. S’il est vrai que le chômage et les emplois précaires portent atteinte à la dignité humaine de chaque individu concerné et nuisent au progrès humain de l’ensemble de la société, les jeunes sont toutefois tout particulièrement vulnérables. Comme l’attestent les chiffres, ils sont plus durement touchés par le chômage et rencontrent plus de difficultés pour s’insérer ou se réinsérer sur le marché du travail que le reste de la population. Et ce, en dépit du meilleur niveau d’études qu’ont les jeunes aujourd’hui par rapport à leurs parents et de la pénurie de personnel à laquelle de nombreux pays européens sont confrontés dans de plus en plus de secteurs. Au vu des défis que pose la mondialisation et des effets persistants de la crise économique, l’Europe ne peut se permettre de gâcher les talents, l’énergie, la mobilité et la créativité de ses jeunes.
60. Le déséquilibre entre les qualifications des jeunes et les besoins du marché du travail, l’évolution rapide des conditions du marché du travail et l’érosion des dépenses publiques consacrées aux stratégies intégrées en faveur de l’emploi semblent être les principales causes de cette situation. Il importe de remanier les politiques publiques, au niveau tant européen que national, en vue de promouvoir l’acquisition de meilleures qualifications et compétences, une plus grande mobilité, un meilleur accès aux offres d’emploi et une plus grande interaction entre employeurs, agences nationales pour l’emploi et jeunes demandeurs d’emploi. Les responsables politiques sont soumis à l’impératif moral de favoriser l’intégration des jeunes à la recherche d’un emploi avant de faire venir des travailleurs hautement qualifiés de pays non européens. Il s’agit là d’une question d’intérêt public capital si les Européens veulent remporter la course mondiale à la concurrence et éviter des problèmes de société majeurs à moyen et long terme.
61. Les pays européens ont expérimenté diverses solutions au problème du chômage des jeunes et certaines semblent donner d’assez bons résultats. Les choix politiques les plus concluants font partie d’un cadre intégré pour le développement économique et humain, qui tient compte des spécificités nationales. Un enseignement de qualité, une formation professionnelle ou des études supérieures ainsi que l’expérience du «premier emploi» ou de la période de stage restent de bons tremplins vers la vie active. Un meilleur accompagnement des jeunes dans le choix d’une filière d’études débouchant sur un emploi est nécessaire pour retrouver un équilibre entre la demande réelle sur le marché du travail et un vivier de demandeurs d’emploi suffisamment qualifiés et motivés.
62. Les stratégies mises en place par les pays devraient faire le point sur les atouts et les faiblesses au niveau national afin que tous les acteurs des secteurs privé et public disposent d’informations fiables concernant les priorités stratégiques nationales, la formation/le recyclage/l’apprentissage tout au long de la vie et les opportunités d’emploi dans les secteurs économiques en expansion, les possibilités de requalification prises en charge par l’Etat et toute mesure fiscale en faveur de l’emploi. Les pouvoirs publics pourraient devoir consentir un effort supplémentaire pour obliger les entreprises à recruter des jeunes sur la base d’un contrat décent, pour créer les conditions encourageant l’esprit d’entreprise des jeunes, pour favoriser l’emploi des jeunes les plus vulnérables et pour recourir à des partenariats public-privé pour le développement des zones défavorisées.
63. Les Nations Unies ont lancé une Année internationale de la jeunesse qui a démarré en août 2010. Les pays européens pourraient défendre la cause des jeunes en exploitant plus efficacement le potentiel des jeunes par le biais du travail et progresser ainsi de manière significative sur la voie d’une société plus juste, plus prospère, plus inclusive et plus démocratique.

Annexe

(open)
Taux de chômage des jeunes (moins de 25 ans) dans quelques pays européens (en pourcentage de la population active)
 

2009

2010

Hommes

Femmes

2009

2010

2009

2010

Autriche

Belgique

Bulgarie

Chypre

République tchèque

Danemark

Estonie

Finlande

France

Allemagne

Grèce

Hongrie

Irlande

Italie

Lettonie

Lituanie

Luxembourg

Malte

Pays-Bas

Pologne

Portugal

Roumanie

Slovénie

Slovaquie

Espagne

Suède

Royaume-Uni

10,0

21,9

16,2

14,0

16,6

11,2

27,5

21,5

23,5

11,2

25,8

26,5

24,4

25,4

33,6

29,2

16,5

14,4

7,7

20,6

20,0

20,8

13,6

27,3

37,8

25,0

19,1

8,8

22,4

23,2

17,8

18,3

13,8

32,9

21,4

23,3

9,9

32,9

26,6

27,8

27,8

34,5

35,1

16,1

12,9

8,7

23,7

22,4

22,1

14,7

33,6

41,6

25,2

19,6

4,7

8,2

9,9

6,1

7,1

8,3

23,4

9,5

9,7

8,0

8,3

11,6

16,4

7,5

24,1

21,9

4,2

6,9

4,5

9,5

9,6

8,0

7,0

14,3

19,2

8,9

9,0

4,7

7,7

12,7

6,7

6,2

8,3

-

8,3

8,9

6,8

-

12,5

18,0

7,6

-

-

3,7

6,5

4,3

9,5

10,2

-

8,3

14,1

20,1

7,7

-

4,2

8,6

8,9

6,3

8,7

5,8

14,4

7,8

10,1

6,5

14,8

10,5

8,8

9,9

15,5

12,9

5,2

7,8

4,5

10,0

11,4

6,6

6,5

15,1

19,5

8,7

6,6

5,0

7,5

10,3

7,7

8,1

7,4

-

7,6

10,3

5,9

-

11,4

11,0

9,5

-

-

5,4

6,4

4,2

10,1

12,2

-

7,8

13,9

20,9

7,5

-

UE-27

20,0

20,9

9,8

9,5

9,4

9,6

Croatie

Norvège

Moldova

Fédération de Russie

Turquie

Ukraine

25,0

8,9

22,1

26,7

22,7

17,8

30,7

8,9

25,6

-

19,7

17,4

-

4,1

12,9

-

-

-

-

-

16,3

-

-

-

-

2,9

9,2

-

-

-

-

-

9,3

-

-

-

Sources: Eurostat, données ventilées par sexe (pour les pays de l’Union européenne, la Croatie, la Norvège et la Turquie) de février 2010 et 2011; services statistiques nationaux pour la Moldova, la Fédération de Russie et l’Ukraine.