1. Introduction
et objet du rapport
1. En ma qualité de rapporteur de la commission des
questions politiques sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil
de l’Europe, je me suis rendue à Bruxelles les 9 et 10 juin 2010
pour effectuer une visite d’information au sujet de laquelle j’ai
rédigé une note que j’ai présentée à la commission quelques jours plus
tard, note qui a été rendue publique sur décision de la commission
. Cette visite m’a permis de rencontrer des
représentants de toutes les institutions de l’Union européenne basées
à Bruxelles, à savoir la Commission, le Conseil et le Parlement
européens. Elle a été organisée avec une grande efficacité par le
Bureau de liaison du Conseil de l’Europe avec l’Union européenne
(Bureau de Bruxelles). Je tiens à remercier tout particulièrement
M. l’ambassadeur Frøysnes, directeur du bureau et représentant spécial
du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, et M. Humbert de Biolley,
directeur adjoint, qui m’ont également accompagnée aux diverses
réunions.
2. Depuis juin 2010, j’ai tenu un certain nombre de réunions
supplémentaires à haut niveau avec des représentants des institutions
de l’Union européenne à Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg, ainsi
qu’avec des représentants du Conseil de l’Europe, pour examiner
divers aspects de mon rapport. A intervalles réguliers, j’ai informé
verbalement la commission des échanges de vues que j’ai eus et des
développements importants liés à l’élaboration de mon rapport. Le
23 juin 2011, j’ai présenté à la commission une note introductive
qui présente un premier compte rendu écrit des principaux éléments,
ainsi que quelques conclusions. Une semaine plus tard, le 30 juin 2011,
j’ai rencontré le Secrétaire général exécutif du nouveau Service
européen pour l’action extérieure (SEAE), M. Vimont, lors d’une
réunion qui a été organisée avec une grande efficacité par le chef
de la délégation de l’Union européenne auprès du Conseil de l’Europe, Mme l’ambassadrice
Pavan-Woolfe.
3. Conformément à la proposition de résolution pour laquelle
j’ai été désignée rapporteur, le rapport couvre plusieurs aspects
des relations entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe
dans la période post-Traité de Lisbonne, tel que l’impact de ce
traité sur:
- le fonctionnement
démocratique du processus décisionnel de l’Union européenne ainsi
réformée, notamment les conséquences du traité sur:
- le rôle et les pouvoirs du Parlement européen;
- le rôle des parlements nationaux dans le processus décisionnel
de l’Union européenne;
- le rôle et les pouvoirs des citoyens de l’Union européenne
(l’Initiative citoyenne européenne comme premier outil de démocratie
directe et transnationale en Europe);
- la participation de l’Union européenne aux travaux du
Conseil de l’Europe, notamment dans le domaine de l’élaboration
des normes et du suivi, et en particulier:
- l’adhésion de l’Union européenne aux instruments du Conseil
de l’Europe, dont le plus important (mais non le seul) est la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»);
- la mise en œuvre du Programme de Stockholm de l’Union
européenne et la contribution du Conseil de l’Europe dans ce contexte,
en particulier par le biais de ses mécanismes et organes de suivi;
- l’interaction entre l’Union européenne et ses Etats membres
dans la négociation des conventions du Conseil de l’Europe et la
participation aux comités directeurs du Conseil de l’Europe;
- la représentation de l’Union européenne au sein des organes
statutaires et instances du Conseil de l’Europe;
- d’une manière générale, la coopération entre le Conseil
de l’Europe et l’Union européenne.
4. Bien que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
européenne des droits de l'homme ne soit qu’un sujet parmi ceux
que je traiterai dans mon rapport, elle a été de loin le thème principal
de mes discussions avec tous les membres du Parlement européen et
autres représentants de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe
que j’ai rencontrés. En particulier, j’ai examiné cette question
de manière approfondie avec, du côté de l’Union européenne, le Président
de la Cour de justice de l’Union européenne, M. Vassilios Skouris,
des députés influents du Parlement européen et notamment des membres
de sa Commission des affaires étrangères, tels que Mme Heidi Hautala
(alors présidente de la sous-commission des droits de l’homme) et
MM. Helmar Brock et Roberto Gualtieri, ainsi qu’avec M. Michael
Shotter, conseiller juridique de Mme Viviane Reding, Vice-Présidente
de la Commission européenne et commissaire de l’Union européenne en
charge de la justice, des droits de l’homme et de la citoyenneté,
M. Nikiforos Diamandouros, médiateur européen, Mme Tonje Meinich,
présidente du Groupe de travail informel sur l’adhésion de l’Union
européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (CDDH-UE),
ainsi que des représentants de la société civile, et notamment d’Amnesty
International, du centre AIRE (Advice on Individual Rights in Europe)
et de la Commission internationale de juristes. J’ai également discuté
de la question de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
avec le Président de la Cour européenne des droits de l’homme, M. Jean-Paul Costa,
le Président de notre Assemblée, M. Mevlüt Çavuşoğlu, le Président
sortant des Délégués des Ministres, l’ambassadeur de Turquie, M. Daryal
Batibay, ainsi qu’avec le Secrétaire Général de l’Organisation, M. Thorbjørn
Jagland, et le Commissaire aux droits de l’homme, M. Thomas Hammarberg.
5. Le deuxième sujet qui est revenu le plus souvent lors des
réunions avec des fonctionnaires de l’Union européenne et du Conseil
de l’Europe a été la nécessité d’assurer un espace commun de protection
des droits de l’homme en Europe, au-delà de l’adhésion de l’Union
européenne à la Convention, et plus globalement un partenariat renforcé
Conseil de l’Europe-Union européenne au sein duquel le Conseil de
l’Europe joue pleinement son rôle de référence en matière de droits
de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie en Europe. J’ai évoqué
en particulier l’adhésion de l’Union européenne à d’autres conventions
clés du Conseil de l’Europe, ainsi que la nécessité de consolider
les synergies pour le suivi de l’application des normes, en particulier
dans le contexte de la mise en œuvre du Programme de Stockholm de
l’Union européenne. J’ai également souligné la nécessité pour l’Union
européenne de promouvoir les instruments clés du Conseil de l’Europe
(par exemple les conventions sur la protection des données et sur
la cybercriminalité) dans ses relations extérieures, auprès des
Etats non membres de l’Union européenne et au-delà des frontières
européennes, afin de contribuer à l’établissement d’un modèle européen
cohérent et solide sur le continent et sur la scène mondiale.
6. J’ai notamment examiné ces dernières questions de manière
approfondie lors d’une réunion avec la Commissaire de l’Union européenne
pour les affaires intérieures, Mme Cecilia Malmström, chargée (avec Mme Reding)
de la mise en œuvre du Programme de Stockholm, notamment dans les
domaines de la lutte contre la corruption, des migrations et de
l’asile, ainsi qu’avec le Secrétaire général exécutif du SEAE, M. Pierre
Vimont.
7. Le Traité de Lisbonne mettant l’accent sur les questions liées
aux droits de l’homme, à l’Etat de droit et à la démocratie dans
le cadre de la coopération de l’Union européenne avec les pays voisins,
et faisant suite aux événements récents survenus dans le sud de
la Méditerranée, j’ai également examiné les nouvelles possibilités
pour le Conseil de l’Europe de renforcer son partenariat avec l’Union
européenne en ce qui concerne les pays participant aux politiques
d’élargissement et de voisinage de l’Union européenne, et notamment
ceux
du sud de la Méditerranée
,
avec mes interlocuteurs du Parlement européen et avec M. Vimont.
8. Dans le cadre de la préparation de mon rapport, la commission
a tenu deux auditions, l’une le 18 novembre 2010 avec Mme Heidi
Hautala, alors présidente de la sous-commission des droits de l’homme de
la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, et
l’autre le 23 juin 2011, organisée conjointement avec la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme, et la commission
des migrations, des réfugiés et de la population, avec la participation
de Mme Tonje Meinich, présidente du Groupe de travail informel sur
l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des
droits de l’homme (CDDH-UE), et M. Morten Kjaerum, directeur de
l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.
9. Enfin, en ma qualité de rapporteur sur l’impact du Traité
de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe, j’ai été désignée membre
de l’organe informel conjoint Assemblée parlementaire/Parlement
européen (APCE/PE) – qui a été créé début 2011 à l’initiative du
Parlement européen «afin de coordonner le partage d’informations» et
qui s’est réuni à l’origine dans l’optique de l’adhésion de l’Union
européenne à la Convention – et j’ai pu participer à ses deux réunions
tenues les 14 mars et 15 juin 2011, respectivement à Bruxelles et
à Paris.
2. Principaux
changements introduits par le Traité de Lisbonne
2.1. D’une manière générale
10. Le Traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009
à la suite de sa ratification par la République tchèque (dernier
Etat membre de l’Union européenne à le ratifier) le 3 novembre 2009.
Le traité met fin à l’ancienne structure à trois piliers établie
par le Traité de Maastricht, en fusionnant le pilier communautaire
et les deux piliers intergouvernementaux de sorte à former une seule
et unique Union européenne. Il convient de noter que, bien que le
Traité de Lisbonne ait fusionné les trois anciens piliers dans un
seul cadre juridique, les compétences dans les différents domaines
politiques sont maintenant réparties en trois catégories: les compétences
exclusives (pour la plupart dans des domaines qui n’ont pas de rapport
direct avec les activités du Conseil de l’Europe), les compétences
partagées (par exemple dans le secteur de la politique sociale et
dans les domaines de la liberté, de la sécurité et de la justice)
et les compétences complémentaires (par exemple dans les domaines
de la culture, de l’éducation, de la jeunesse et du sport). Le Traité
de Lisbonne renforce clairement le rôle de l’Union européenne dans
les domaines d’activité traditionnels du Conseil de l’Europe que
sont la liberté, la sécurité et la justice.
11. L’objectif global du traité est de doter l’Union européenne
d’institutions modernes et de méthodes de travail optimisées en
vue d’améliorer son efficience, sa responsabilité et sa légitimité
démocratiques, ainsi que la cohérence de son action. Le traité place
au cœur des politiques de l’Union européenne les valeurs sur lesquelles
l’Union se fonde et qu’elle partage avec le Conseil de l’Europe,
à savoir le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de
l’Etat de droit. Il vise également à rapprocher l’Europe de ses
citoyens et à créer un espace ouvert et sûr pour tous. Parmi les
grands changements apportés par le Traité de Lisbonne pour remplir
ces objectifs, citons:
- l’octroi
de la personnalité juridique à l’Union européenne;
- la création des deux postes clés de président du Conseil
européen et de haut représentant pour les affaires étrangères et
la politique de sécurité;
- la création d’un Service européen pour l’action extérieure
(SEAE);
- la création d’une instance de procureur public de l’Union
européenne;
- une utilisation renforcée du vote à la majorité qualifiée
au Conseil des ministres et une présidence tournante de dix-huit
mois du Conseil des ministres partagée par une troïka d’Etats membres;
- l’extension du mandat du médiateur européen;
- une augmentation des pouvoirs législatifs du Parlement
européen;
- un renforcement du rôle des parlements nationaux dans
les processus législatifs;
- le lancement de l’Initiative citoyenne européenne, qui
donne la possibilité à un million de citoyens européens de présenter
des propositions législatives ;
- l’obligation pour l’Union européenne d’adhérer à la Convention;
- la possibilité pour l’Union européenne d’adhérer à d’autres
instruments juridiques internationaux en matière de droits de l’homme,
tels que la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes
handicapées, à laquelle l’Union européenne a déjà adhéré en 2010;
- le caractère juridiquement contraignant de la déclaration
des droits propre à l’Union européenne, à savoir la Charte des droits
fondamentaux;
- la mise en place d’une procédure d’urgence à la Cour de
justice de l’Union européenne, qui lui permettra d’agir dans un
délai minimal lorsqu’une affaire concerne un individu en détention
provisoire;
- une solidarité mutuelle si un Etat membre est victime
d’une attaque terroriste ou d’une catastrophe d’origine humaine;
- de nouvelles possibilités dans le domaine de la gestion
des effets transfrontaliers de la politique énergétique, de la protection
civile et de la lutte contre les menaces sanitaires transfrontalières
graves;
- une action commune pour combattre les réseaux criminels
se livrant au trafic transfrontalier d’êtres humains;
- des règles communes pour éviter le phénomène d’ asylum shopping qui consiste à déposer
des demandes d’asile multiples, auprès de différents Etats membres;
- la lutte contre le terrorisme par le gel des avoirs, tout
en garantissant l’exercice d’un contrôle juridictionnel complet
par la Cour de justice de l’Union européenne.
12. En tant que traité «portant modification», le Traité de Lisbonne
n’entend pas remplacer les traités existants. Il consiste en plusieurs
modifications du Traité de l’Union européenne (TUE) et du Traité
établissant la Communauté européenne, ce dernier ayant été renommé
«Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne» (TFUE).
13. Le Premier ministre belge, M. van Rompuy, a été nommé Président
du Conseil européen le 19 novembre 2009 pour une durée de deux ans
et demi. Son mandat est renouvelable une fois. Son rôle est de promouvoir
la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen qu’il préside.
Il a également le pouvoir de réunir le Conseil européen si les événements
survenant au niveau international l’exigent.
14. La baronne Catherine Ashton, actuelle haute représentante
pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a aussi
été nommée le 19 novembre 2009 par le Conseil européen. Elle est
en outre Vice-Présidente de la Commission; sa désignation a donc
été approuvée par le Président de la Commission et par le Parlement
européen. Elle préside également le Conseil des affaires étrangères.
La création de ce poste découle en fait de la fusion des fonctions
de commissaire chargé des relations extérieures et de la politique européenne
de voisinage et de haut représentant pour la politique étrangère
et de sécurité commune. La haute représentante est assistée par
le SEAE, un organe de l’Union européenne fonctionnant de manière
autonome, distinct de la Commission et du Secrétariat général du
Conseil. Le SEAE, qui est constitué de fonctionnaires de la Commission,
du Secrétariat général du Conseil et de diplomates des Etats membres
de l’Union européenne, a pour mission de contribuer à bâtir une
culture diplomatique commune et à assurer la cohérence de l’action
extérieure de l’Union européenne.
15. Les critiques soutiennent que ce nouveau système est trop
lourd et qu’au lieu de rendre l’Union européenne plus efficace,
il a créé des procédures inutilement complexes et rendu plus difficiles
les relations entre les différentes institutions de l’Union européenne.
A ce propos, M. Vimont m’a appris qu’à l’issue de négociations difficiles
avec la Commission européenne et le Parlement européen, le SEAE
n’est devenu pleinement opérationnel qu’en janvier 2011. Il est
donc trop tôt pour évaluer son impact et son efficacité. Il faut également
du temps pour trouver les équilibres nécessaires entre les différentes
institutions de l’Union européenne, qu’elles soient anciennes ou
récentes.
16. Cela dit, comme l’a également souligné M. Vimont, le fait
est qu’avec le Traité de Lisbonne, l’Union européenne a acquis,
en même temps que la personnalité juridique, un nouveau statut et
une voix nouvelle au sein des organisations régionales et internationales,
y compris l’Organisation des Nations Unies. Les anciennes délégations
de la Commission européenne (environ 130 dans le monde entier) sont
devenues des délégations de l’Union européenne sous l’autorité de
la haute représentante Catherine Ashton. Récemment, une avancée
très importante a été faite sur le plan de la participation de l’Union
européenne à l’Assemblée générale de l’ONU avec l’adoption, le 3 mai 2011,
d’une résolution qui permet à l’Union européenne de faire des interventions
en même temps que les autres grands groupes à l’Assemblée générale
et d’être invitée au débat général de l’Assemblée générale. Un autre
avantage de ce nouveau système est que l’Union européenne est plus
souvent représentée par les mêmes représentants politiques – le
Président du Conseil européen, le Président de la Commission, le
haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
et non par les présidences tournantes des Etats membres – ce qui
facilite les relations avec des pays tiers et des partenaires majeurs
tels que les Etats-Unis, la Chine ou le Brésil.
17. En ce qui concerne les accords internationaux, dans le contexte
de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), le Conseil
de l’Union européenne a pour rôle: de décider de l’ouverture de
négociations sur la base d’une recommandation soit du haut représentant,
si l’accord concerne exclusivement ou principalement la PESC, soit
de la Commission dans les autres cas; de désigner le négociateur
(non plus la présidence); d’établir les lignes directrices de négociation;
d’autoriser la signature et d’adopter la décision de conclure l’accord.
Tout au long de la procédure, le Conseil se prononcera à la majorité
qualifiée. Toutefois, il interviendra à l’unanimité pour les accords
couvrant les domaines où l’unanimité est exigée, pour les accords d’association,
pour les accords relatifs à la coopération économique, financière
et technique avec les Etats candidats à l’adhésion et pour l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme.
18. Excepté lorsque les accords ont trait exclusivement à la PESC,
le consentement du Parlement européen est nécessaire (conformément
au Traité de Lisbonne). C’est notamment le cas de l’accord relatif
à l’adhésion à la Convention. Dans d’autres cas, la consultation
du Parlement suffit. Si l’accord concerné contient à la fois des
éléments liés et non liés à la PESC, il est traité selon la procédure
relative à son objet principal.
19. Un Etat membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission
peuvent demander à la Cour de justice de l’Union européenne un avis
sur la compatibilité d’un accord avec les traités existants.
2.2. Aspects institutionnels
des relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
20. Les relations avec le Conseil de l’Europe, comme
avec toutes les organisations internationales, sont maintenant placées
sous l’autorité globale de la haute représentante Catherine Ashton.
L’ambassadrice Pavan-Woolfe (ancienne représentante de la Commission
européenne) est devenue chef de la délégation de l’Union européenne
auprès du Conseil de l’Europe. La haute représentante Ashton a ouvert
la délégation de l’Union européenne auprès du Conseil de l’Europe
le 19 janvier 2011. A cette occasion, elle a insisté sur la nécessité
que les deux organisations «continuent de se soutenir mutuellement
pour renforcer les valeurs communes. L’Europe change: notre coopération
doit évoluer. Notre objectif est plus de démocratie, de paix et de
prospérité», a-t-elle ajouté.
21. Le Traité de Lisbonne ayant étendu les compétences de l’Union
européenne dans les domaines d’activité traditionnels du Conseil
de l’Europe que sont la liberté, la sécurité et la justice, elle
a également renforcé le rôle que joue l’Union européenne au sein
de l’Organisation.
22. La participation de la Commission européenne aux réunions
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et de ses groupes
de rapporteurs, sans droit de vote, a été autorisée par décision
du Comité des Ministres en décembre 1996. Cette participation est
toutefois beaucoup plus active depuis que l’ambassadrice Pavan-Woolfe
a pris ses fonctions. Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne,
c’est elle – en sa qualité de chef de la délégation de l’Union européenne
auprès du Conseil de l’Europe – qui s’exprime au nom de l’Union
européenne dans les réunions du Comité des Ministres, et non plus
le pays qui représente la présidence de l’Union européenne.
23. En ce qui concerne la présence de l’Union européenne au sein
des comités directeurs du Conseil de l’Europe, la Commission européenne
participait déjà à tous les comités avant l’entrée en vigueur du
Traité de Lisbonne en vertu de décisions prises par le Comité des
Ministres
,
avec le même statut que celui des Etats observateurs auprès du Conseil
de l’Europe, c’est-à-dire avec le droit de parole mais sans droit
de vote. Le Traité de Lisbonne modifie principalement l’étendue
de cette participation. Pour être plus précis, l’Union européenne
joue un rôle différent selon que la question examinée au sein d’un
comité directeur donné relève des compétences exclusives, partagées
ou complémentaires de l’Union européenne. Dans le premier cas (compétence
exclusive), c’est l’Union européenne qui s’exprime au nom de ses
Etats membres. De même, lors de l’élaboration d’une nouvelle convention
du Conseil de l’Europe au sein d’un comité directeur, si le thème
de la nouvelle convention relève de la compétence exclusive de l’Union
européenne, c’est cette dernière qui négociera la nouvelle convention
au sein du Conseil de l’Europe au nom des Etats membres de l’Union européenne
si un mandat de négociation a été demandé et obtenu par le Conseil
européen. Pour citer un exemple récent, une convention sur les droits
voisins des sociétés de radiodiffusion est actuellement en cours de
préparation au sein du Conseil de l’Europe. Cette question relevant
de la compétence exclusive de l’Union européenne, la Commission
européenne a demandé au Conseil de l’Union européenne un tel mandat
de négociation. La Commission européenne entend également demander
sous peu un mandat de négociation pour représenter les Etats membres
de l’Union européenne dans les négociations portant sur la révision
de la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes
à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel
(STE no 108), les questions abordées par cette convention relevant
presque toutes de la compétence exclusive de l’Union européenne.
24. A compter de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne et
en vertu de son article premier, l’Union européenne succède à la
Communauté européenne en tant que partie contractante aux accords,
traités ou conventions internationaux, parmi lesquels 11 traités
du Conseil de l’Europe.
25. Pour le reste, le Traité de Lisbonne ne devrait pas affecter
l’objectif global du mémorandum d’accord de 2007, qui oriente et
structure actuellement les relations entre les deux organisations
et confirme le rôle du Conseil de l’Europe en tant que «référence
en matière de droits de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie en
Europe»
.
Les modalités de la coopération pourraient cependant être adaptées
si nécessaire. Les agents de l’Union européenne avec lesquels je
me suis entretenue à Bruxelles et des représentants du Conseil de l’Europe
m’ont dit qu’ils considéraient que le mémorandum d’accord de 2007
constituait une base précieuse pour la coopération entre les deux
organisations et qu’ils étaient très satisfaits de son fonctionnement
dans la pratique. Sa révision n’était donc pas au programme, du
moins pour le moment. A ce propos, il est rappelé que celui-ci prévoit
que les deux organisations «évalueront régulièrement la mise en
œuvre du mémorandum d’accord. A la lumière de cette évaluation,
il sera décidé d’un commun accord, au plus tard en 2013, de réviser si
nécessaire le mémorandum d’accord en vue d’inclure des priorités
nouvelles dans leur coopération».
2.3. Renforcement de
la responsabilité démocratique
26. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a considérablement
renforcé les pouvoirs législatifs, budgétaires et de désignation
du Parlement européen.
27. Un nombre considérable de nouveaux domaines ont été ajoutés
à la «procédure législative ordinaire» (ancienne procédure de «codécision»)
qui fait du Parlement européen un colégislateur, avec le Conseil
de l’Union européenne. Ils englobent des domaines d’action clés
relevant des compétences du Conseil de l’Europe, comme la liberté,
la sécurité et la justice.
28. Comme indiqué précédemment, excepté lorsque les accords sont
en lien direct avec la Politique étrangère et de sécurité commune
(PESC), le consentement du Parlement européen est nécessaire pour
les accords internationaux à conclure par l’Union européenne, y
compris l’adhésion à la Convention. Dans le cadre de la PESC, le
Parlement européen a le droit d’être informé et consulté par le
haut représentant, mais ne joue aucun rôle dans le processus décisionnel.
Il peut formuler des recommandations et tenir un débat deux fois par
an sur les progrès de la PESC et de la Politique européenne de sécurité
et de défense (PESD).
29. La déclaration sur la responsabilité politique présentée par
la haute représentante pour obtenir l’accord du Parlement européen
sur la proposition de décision du Conseil fixant l’organisation
et le fonctionnement du SEAE en juillet 2010
dispose
que, dans ses relations avec le Parlement européen, la haute représentante «prendra
pour point de départ les engagements en matière de consultation,
d’information et d’établissement de rapports qui ont été pris lors
de la précédente législature par l’ancien commissaire chargé des
relations extérieures, par l’ancien haut représentant pour la politique
étrangère et de sécurité commune et par la présidence tournante
du Conseil». En particulier, s’agissant de la PESC, la haute représentante
«consultera le Parlement européen sur les principaux aspects et
les choix fondamentaux de ladite politique, conformément à l’article 36
du TUE».
30. Sur le plan budgétaire, le Traité de Lisbonne confère au Parlement
la parité totale avec le Conseil de l’Union européenne pour approuver
l’intégralité des dépenses afférentes au budget annuel.
31. Pour ce qui est des pouvoirs de désignation, conformément
au Traité de Lisbonne, le Parlement élit le Président de la Commission
d’après la candidature proposée par le Conseil européen, en tenant
compte du résultat des élections européennes.
32. Lors de mes échanges de vues avec le Parlement européen, les
députés, en particulier MM. Brock et Gualtieri, se sont montrés
satisfaits du renforcement des pouvoirs du Parlement européen par
le Traité de Lisbonne, par la manière dont les dispositions pertinentes
ont jusqu’à présent été mises en œuvre dans la pratique, ainsi que
par leur position renforcée vis-à-vis du poste nouvellement créé
de haut représentant, notamment à la lumière de la déclaration sur
la responsabilité politique précédemment citée, déclaration qu’ils considèrent
comme un succès considérable. La question des relations entre le
Parlement européen post-Traité de Lisbonne et notre Assemblée sera
traitée dans un chapitre ultérieur consacré de manière générale au
partenariat renforcé entre l’Union européenne post-Traité de Lisbonne
et le Conseil de l’Europe. J’y ferai également des propositions
pour l’action future dans ce domaine.
33. Le Protocole no 1 au Traité de Lisbonne sur le rôle des parlements
nationaux des Etats membres de l’Union européenne vise à encourager
une participation accrue des parlements nationaux aux activités
de l’Union européenne et à renforcer leur capacité à exprimer leur
point de vue sur les projets d’actes législatifs de l’Union européenne,
ainsi que sur d’autres questions pouvant présenter pour eux un intérêt
particulier. A cette fin, les projets d’actes législatifs adressés
au Parlement européen et au Conseil sont également transmis aux
parlements nationaux. Les parlements nationaux peuvent adresser
aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission
un avis motivé concernant la conformité d’un projet d’acte législatif avec
le principe de subsidiarité, selon la procédure prévue par le protocole
sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Sauf en cas d’urgence (dont les motifs sont exposés dans l’acte
ou la position du Conseil), aucun accord ne peut être constaté sur
un projet d’acte législatif pendant huit semaines à compter de la
date où il est mis à la disposition des parlements nationaux dans
les langues officielles de l’Union.
34. Le Protocole no 1 au Traité de Lisbonne prévoit également
que le Parlement européen et les parlements nationaux définissent
ensemble l’organisation et la promotion d’une coopération interparlementaire
efficace et régulière au sein de l’Union. Une conférence des organes
parlementaires spécialisés dans les affaires de l’Union peut soumettre
toute contribution qu’elle juge appropriée à l’attention du Parlement
européen, du Conseil et de la Commission. Cette conférence promeut,
en outre, l’échange d’informations et de meilleures pratiques entre
les parlements nationaux et le Parlement européen, y compris entre
leurs commissions spécialisées. Elle peut également organiser des
conférences interparlementaires sur des thèmes particuliers, notamment
pour débattre des questions liées à la politique étrangère et de
sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense
commune. Les contributions de la conférence ne lient pas les parlements nationaux
et ne préjugent pas de leur position.
35. Dans sa résolution législative du 8 juillet 2010 sur la proposition
de décision du Conseil fixant l’organisation et le fonctionnement
du SEAE, le Parlement européen s’est dit résolu à renforcer sa coopération avec
les parlements nationaux des Etats membres comme l’impose le traité.
36. Les députés du Parlement européen que j’ai rencontrés ne semblaient
pas pleinement satisfaits de la manière dont les dispositions du
traité concernant le rôle des parlements nationaux et leurs relations
avec le Parlement européen sont mises en œuvre dans la pratique.
J’estime qu’en tant qu’organe rassemblant des membres des parlements
nationaux de tous les Etats membres de l’Union européenne, notre
Assemblée devrait examiner les moyens de faciliter l’application
des dispositions précitées, par exemple au cours d’une future conférence
européenne des présidents de parlement. L’Assemblée pourrait également
organiser avec le Parlement européen des conférences interparlementaires
sur des sujets de préoccupation communs.
2.4. Attachement accru
aux droits fondamentaux
37. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne fin 2009
a non seulement ouvert la voie à l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention, mais a également offert à l’Union européenne sa
propre déclaration des droits juridiquement contraignante, à savoir
la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le Traité
de Lisbonne donne ainsi une «nouvelle base juridique à l’Union européenne»
et
devrait permettre au fil du temps de favoriser un meilleur accès
à la justice et une meilleure participation démocratique des citoyens de
l’Union européenne.
38. En vertu de l’article 6 du TUE, la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne a la même valeur juridique que les traités
de l’Union européenne. Il convient de noter que ce même article
prévoit que les dispositions de la Charte «n’étendent en aucune
manière les compétences de l’Union telles que définies dans les
traités»
.
Les dispositions de la Charte sont
adressées aux institutions et aux organes de l’Union et aux Etats
membres, uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union
européenne
.
39. En conséquence, la Cour de Luxembourg peut se prononcer sur
la compatibilité de la législation d’un Etat membre ou d’une institution
de l’Union européenne avec la Charte à propos de la mise en œuvre
du droit de l’Union européenne. La nature juridiquement contraignante
de la Charte implique un contrôle juridictionnel du respect de la
Charte par les institutions de l’Union européenne et par les Etats
membres lorsqu’ils agissent dans le domaine du droit de l’Union
européenne, ainsi qu’un contrôle accru au sein de l’Union du respect
des droits fondamentaux dans la prise de décisions et le travail
législatif de l’Union.
40. J’ai discuté de la compétence étendue de la Cour de justice
de l’Union européenne lorsque j’ai rencontré son Président, M. Vassilios
Skouris, qui a mentionné le fait que, à la suite de l’entrée en
vigueur du Traité de Lisbonne, qui étend la compétence de l’Union
européenne dans les domaines de la justice et des affaires intérieures,
la Cour a commencé à traiter des affaires civiles et pénales, y
compris des affaires de terrorisme. Toutefois, il a rappelé que
la Cour n’est pas compétente en matière de politique étrangère et
de sécurité, et qu’une adhésion de l’Union européenne à la Convention
ne devrait rien changer sur ce point.
41. Depuis la date à laquelle le Traité de Lisbonne a accordé
à la Charte des droits fondamentaux le rang de droit primaire de
l’Union européenne (1er décembre 2009), celle-ci a été citée dans
une trentaine d’arrêts de la Cour de Luxembourg. Par conséquent,
comme l’ont souligné les présidents des deux cours – le Président Costa
de la Cour de Strasbourg et le Président Skouris de la Cour de Luxembourg
– dans une communication commune à la suite de leur réunion du 17 janvier 2011,
il importe de veiller à la plus grande cohérence entre la Convention
et la Charte dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant
à ceux garantis par la Convention. Etant donné que la Charte dispose
que dans ce cas le sens et la portée des droits de la Convention
et de la Charte sont les mêmes, une «interprétation parallèle» des
deux textes pourrait s’avérer utile.
42. A compter de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, toutes
les institutions de l’Union européenne ont mis en avant et réaffirmé
leur attachement aux droits fondamentaux dans leurs domaines de
compétence respectifs.
43. Dans sa Résolution du 15 décembre 2010 sur la situation et
la mise en œuvre effective des droits fondamentaux au sein de l’Union
européenne (2009) – Aspects institutionnels à la suite de l'entrée
en vigueur du Traité de Lisbonne, le Parlement européen a mis l’accent
sur la nécessité de prendre en compte la Charte dans les processus
de prise de décision et dans la mise en œuvre de la législation.
44. La Commission européenne a, pour sa part, conclu dans sa communication
sur la stratégie pour la mise en œuvre des droits fondamentaux faite
à l’automne 2010 que «toutes les composantes d’une politique ambitieuse
des droits fondamentaux sont réunies»
.
Elle a ajouté que l’action de l’Union en matière de droits fondamentaux
s’étendait au-delà de ses politiques internes, et que la Charte
s’appliquait aussi à l’action extérieure de l’Union. Les représentants
de la société civile que j’ai rencontrés à Strasbourg et à Bruxelles
ont souligné combien il était important que l’Union européenne,
après son adhésion à la Convention, examine des moyens de veiller
à ce qu’elle soit comptable de ses actes en matière de droits de
l’homme dans son action extérieure, afin d’assurer une cohérence
avec la Charte et la Convention
.
45. En outre, depuis décembre 2009, le Conseil de l’Union européenne
dispose d’un nouveau groupe de travail permanent sur «les droits
fondamentaux, les droits des citoyens et la libre circulation des
personnes» (FREMP). Ce nouveau groupe a pour fonction de traiter
les questions liées aux droits fondamentaux et aux droits des citoyens,
en particulier les négociations sur l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention, le suivi des rapports de l’Agence des droits fondamentaux
et la libre circulation des personnes.
46. Le Traité de Lisbonne a également renforcé le rôle du médiateur
européen. Il a en particulier étendu son mandat, qui couvre maintenant
toutes les institutions et organes de l’Union européenne, y compris
la Cour de justice dans ses fonctions non judiciaires, ainsi que
les plaintes sur les dysfonctionnements administratifs en matière
de politique étrangère et de sécurité. Le médiateur européen peut
donc, par exemple, recevoir des plaintes d’un membre de troupes
militaires de l’Union européenne opérant sur décision du Conseil.
En outre, l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux énonce
le droit juridiquement contraignant à une bonne administration,
exigeant que les affaires des citoyens de l’Union européenne soient
traitées «impartialement et équitablement». Le médiateur européen,
M. Diamandouros, m’a informée que même avant que la Charte ne devienne
juridiquement contraignante, il avait toujours pris en compte ses
dispositions et celles de la Convention ainsi que la jurisprudence
correspondante dans ses décisions, notamment pour préciser les règles et
les principes permettant de définir ce qu’est une «bonne» ou une
«mauvaise» administration.
47. En ce qui concerne les relations entre le médiateur européen
et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
MM. Diamandouros et Hammarberg m’ont tous deux dit qu’ils étaient
très satisfaits de leur coopération, en particulier s’agissant de
la coordination des médiateurs européens, le premier étant coordinateur
des médiateurs des Etats membres de l’Union européenne, et le second
coordinateur des médiateurs des Etats membres du Conseil de l’Europe
mais non membres de l’Union européenne. Ils ont développé d’excellentes
relations de travail, bien qu’informelles. Par exemple, ils ont
mené à bien un projet commun de soutien aux institutions du médiateur
dans les Balkans. Il m’a semblé que tous deux souhaitaient voir
leur coopération développée, en particulier sur toutes les questions
liées aux droits fondamentaux.
48. En ce qui concerne l’Agence des droits fondamentaux et ses
relations avec le Conseil de l’Europe, l’audition coorganisée en
juin 2011 par notre commission, la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme et la commission des migrations, des réfugiés
et de la population, avec la participation du directeur de l’Agence
des droits fondamentaux, M. Kjaerum, a mis en évidence le fait que
le Traité de Lisbonne n’avait pas réellement eu d’impact sur le
travail de l’Agence ou ses relations avec le Conseil de l’Europe.
C’est pourquoi je préfère renvoyer aux travaux menés dans ce domaine
par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme,
qui suit régulièrement la question des relations entre le Conseil
de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux, et, en particulier,
au rapport établi l’année dernière par M. Boriss Cilevičs, qui couvre
tous les points pertinents
.
2.5. Participation accrue
des citoyens au sein de l’Union européenne
49. Avec l’initiative citoyenne européenne, le Traité
de Lisbonne a introduit une nouvelle forme de participation publique
au sein de l’Union européenne
. L’article 11(4)
du Traité sur l’Union européenne (TUE) dispose que «des citoyens
de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un
nombre significatif d’Etats membres, peuvent prendre l’initiative
d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions,
à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles
ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire
aux fins de l’application des traités». L’initiative citoyenne devrait
contribuer à sensibiliser davantage les citoyens de l’Union aux
aspects importants de l’intégration européenne.
50. Les modalités d’utilisation de ce nouvel instrument de démocratie
directe et transnationale figurent dans un règlement du Parlement
européen qui a été approuvé par le Conseil de l’Union européenne
fin 2010. Le règlement a été officiellement adopté le 14 février 2011.
Il prévoit que le million de signatures nécessaires doit venir d’au
moins un quart de tous les Etats membres (c’est-à-dire sept Etats
membres).
51. D’après ce règlement, les Etats membres de l’Union européenne
se doivent de mettre en place des structures et des procédures au
niveau national pour faciliter le recueil du million de signatures
nécessaires pour lancer une initiative citoyenne.
52. Le médiateur européen, M. Diamandouros, m’a dit qu’il était
intervenu dans le processus d’élaboration de la réglementation en
question pour veiller à ce que les plaintes relatives à cette initiative
(par exemple en ce qui concerne la collecte de signatures) puissent
être déposées devant la Cour de justice de l’Union européenne et
sa propre institution. Il espérait que les structures et procédures
nationales qui seraient établies soient aussi flexibles que possible.
L’efficacité et la flexibilité de ce nouveau système ne pourront
véritablement être testées que lorsque la première initiative aura
été lancée. Le médiateur européen considère par exemple qu’il est
important, même si une initiative citoyenne n’entre pas «dans le
cadre des attributions de la Commission» et n’est donc pas recevable,
que la Commission réponde par des courriers «adaptés au citoyen» et
non formalistes, de manière à encourager le dialogue avec les citoyens,
ce qui est l’un des principaux objectifs du Traité de Lisbonne.
3. Vers un espace
commun de protection des droits de l’homme en Europe
3.1. Adhésion de l’Union
européenne à la Convention européenne des droits de l’homme
3.1.1. Un objectif de
longue date pour un renforcement de la protection des individus
53. Il convient de noter que l’entrée en vigueur quasi
simultanée du Traité de Lisbonne et du Protocole no 14 à la Convention,
qui ont ouvert la voie à l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
européenne des droits de l'homme, a marqué une étape importante
dans la construction d’une Europe des droits de l’homme.
54. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention fait l’objet
de discussions depuis plus de trente ans. Notre Assemblée a adopté
de nombreuses résolutions et recommandations appelant à cette adhésion,
dont les plus récentes sont la Résolution 1610 (2008) et la Recommandation 1834
(2008).
55. Du côté de l’Union européenne, la Résolution sur les aspects
institutionnels de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
, adoptée par le
Parlement européen le 19 mai 2010, exprime un soutien solide en
faveur d’une adhésion rapide de l’Union européenne à la Convention
et au système global de protection des droits de l’homme du Conseil
de l’Europe (voir également ci-dessous). La résolution du Parlement européen
est un rapport exhaustif dans lequel toutes les grandes questions
font l’objet d’une analyse approfondie
. Le Parlement européen
a également souligné que, dans la mesure où l’adhésion à la Convention
ne concerne pas uniquement les institutions européennes mais également
les citoyens de l’Union, il doit être consulté et impliqué tout
au long du processus de négociation, et qu’il doit être associé
et informé immédiatement et complètement à toutes les étapes des
négociations, conformément au Traité de Lisbonne. Il a aussi proposé
qu’afin de sensibiliser les citoyens à la valeur ajoutée de l’adhésion,
le Conseil de l’Europe et l’Union européenne élaborent des lignes
directrices comportant des explications claires de toutes les implications
et de toutes les incidences de cette adhésion. Enfin, il a souligné
qu’il était important de disposer d’un organe informel afin de coordonner
le partage d’informations entre le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe.
56. Les députés du Parlement européen que j’ai rencontrés à Bruxelles
en juin 2010, dont M. Jáuregui Atondo, rapporteur, et M. López Aguilar,
président de la Commission des libertés civiles, de la justice et
des affaires intérieures, qui a présenté un avis sur le rapport
et organisé plusieurs auditions sur le sujet, ainsi que Mme Heidi
Hautala, alors présidente de la sous-commission des droits de l’homme
de la Commission des affaires étrangères, m’ont indiqué que ledit
rapport avait été accueilli favorablement par une vaste majorité
de députés européens soutenant globalement l’adhésion de l’Union
européenne à la Convention, ainsi que par Mme Reding, commissaire
à la justice, à la liberté et à la sécurité, qui a insisté sur l’importance
historique du processus d’adhésion et de ce débat
.
Au cours des échanges de vues, plusieurs députés européens ont fait
observer qu’il convenait d’approfondir certaines questions, telles
les relations entre les deux cours européennes. Seuls quelques députés
européens ont mis en doute la valeur ajoutée de l’adhésion.
57. Le 11 mai 2011, le Parlement européen a adopté une nouvelle
Résolution sur l’Union européenne en tant qu’acteur mondial: son
rôle dans les organisations multilatérales, dans laquelle il évoque
notamment les relations de l’Union européenne avec le Conseil de
l’Europe et réaffirme son soutien en faveur de l’adhésion de l’Union
européenne à la Convention ainsi qu’aux organes ou mécanismes de
suivi du Conseil de l’Europe, à savoir le Comité pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT), la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) et la Commission européenne pour l'efficacité de la justice
(CEPEJ)
.
58. Pour résumer à présent les arguments en faveur de l’adhésion
à la Convention européenne des droits de l'homme, je souhaiterais
souligner que cette adhésion est une occasion exceptionnelle d’instaurer
un système cohérent de protection des droits de l’homme en Europe,
dans le cadre duquel 47 Etats et les institutions de l’Union européenne
seront liés par le même ensemble de normes et soumis à l’examen
attentif de la même cour des droits de l’homme
.
S’il est vrai que l’Union européenne est fondée sur le respect des droits
fondamentaux – droits dont l’application est garantie par la Cour
de justice de l’Union européenne, ainsi que par les juridictions
internes des Etats membres de l’Union européenne –, l’adhésion de
l’Union européenne à la Convention renforcera la cohérence de la
protection judiciaire des droits de l’homme en Europe. Ce système
offrira donc aux citoyens une protection contre les actions de l’Union
similaire à celle dont ils bénéficient déjà contre les actions de
tous ses Etats membres. Il est d’autant plus pertinent à l’heure
actuelle qu’avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, les
Etats membres de l’Union européenne ont transféré d’importants pouvoirs
à l’Union. Il est également crucial lorsque la protection accordée
par l’Union européenne est inférieure à celle de la Convention.
59. Par ailleurs, l’adhésion permettra un contrôle externe sur
l’ordre juridique de l’Union européenne et améliorera par conséquent
la crédibilité de l’engagement de celle-ci – aux niveaux interne
et externe – en faveur des droits fondamentaux. Dans une situation
où la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne
devient une «déclaration des droits» interne qui fixe les limites
des pouvoirs des institutions de l’Union européenne, le mécanisme
de la Convention permettra un contrôle externe des activités de
l’Union européenne. L’adhésion contribuera de surcroît au développement
harmonieux de la jurisprudence des deux cours européennes, la Cour
de justice de l’Union européenne à Luxembourg et la Cour européenne des
droits de l’homme à Strasbourg, notamment en raison du besoin accru
de dialogue et de coopération, et créera ainsi un système intégral
au sein duquel les deux cours fonctionneront en harmonie
.
60. Tous ces arguments en faveur de l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention européenne des droits de l'homme étaient déjà valables
avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Ce qui a changé aujourd’hui,
c’est que le traité sert de base juridique au lancement des négociations
en vue de l’adhésion, tout en faisant de cette adhésion une obligation
(voir l’article 6 du Traité de Lisbonne). En outre, le Programme
de Stockholm de l’Union européenne appelle à une adhésion «rapide»
à la Convention.
61. Du côté du Conseil de l’Europe, l’entrée en vigueur du Protocole
no 14, le 1er juin 2010, a fourni la base juridique de l’adhésion
(voir l’article 59 de la Convention tel que modifié par le Protocole
no 14). Lors de la session ministérielle du 11 mai 2010, les ministres
du Conseil de l’Europe ont salué l’engagement de l’Union européenne
en faveur de l’adhésion à la Convention et appelé à un achèvement
précoce des négociations et à une adhésion rapide. Un an plus tard,
dans leur déclaration adoptée lors de la session ministérielle du 11 mai 2011
à Istanbul, M. Ahmet Davutoğlu, Président sortant du Comité des
Ministres, et M. Kostyantyn Gryshchenko, Président entrant du Comité
des Ministres, ont réaffirmé leur attachement «à la conclusion rapide
des négociations sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention,
parachevant ainsi l’établissement d’un espace cohérent de protection
des droits de l’homme à travers l’Europe» et appelé toutes les parties
«à conclure dès que possible les travaux sur le projet d’accord
d’adhésion».
3.1.2. Négociations d’adhésion
62. Pour négocier un accord d’adhésion avec le Conseil
de l’Europe, le Conseil de l’Union européenne a donné un mandat
de négociation à la Commission européenne en juin 2010, et les négociations
ont débuté en été 2010.
63. L’adoption d’un mandat de négociation (directives de négociation)
par le Conseil de l’Union européenne figurait parmi les priorités
de la présidence espagnole. Au sein du Conseil de l’Union européenne,
une vaste majorité de pays était favorable à des négociations rapides.
D’autres (par exemple le Royaume-Uni et la Pologne) ont toutefois
prévenu du fait que les négociations risquaient de prendre du temps
et soutenu que la qualité des préparatifs devait primer sur l’urgence.
Le fait est que le Conseil de l’Union européenne a adopté les directives
de négociation autorisant la Commission à négocier l’accord d’adhésion
le 4 juin 2010, c’est-à-dire plus tôt encore que prévu au départ
(fin juin).
64. Ce faisant, le Conseil de l’Union européenne a envoyé un signal
politique fort de son engagement en faveur d’une adhésion rapide.
Bien que le contenu des directives de négociation soit confidentiel,
j’ai été informée qu’afin de parvenir rapidement à une décision
positive, le Conseil de l’Union européenne a laissé en suspens plusieurs
questions juridiques délicates en formulant les directives de manière
à permettre une certaine souplesse dans les choix qui seront faits
à la fin des négociations.
65. Du côté du Conseil de l’Europe, les Délégués des Ministres
ont, le 26 mai 2010, chargé le Comité directeur pour les droits
de l’homme (CDDH) d’élaborer, avant le 30 juin 2011 au plus tard,
un instrument juridique exposant les modalités d’adhésion de l’Union
européenne à la Convention, y compris sa participation au système
de la Convention et, dans ce contexte, d’examiner toute question
y afférente. Ils ont invité le Secrétaire Général à s’assurer que
ces travaux sont réalisés efficacement en vue de leur prompt achèvement. Le
CDDH a élu 14 membres (7 parmi les Etats membres de l’Union européenne
et 7 parmi les Etats non membres de l’Union européenne) pour prendre
part à un groupe de travail informel sur l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention (CDDH-UE) avec la Commission européenne, qui a été
chargé de mettre en œuvre le mandat ad hoc précité.
66. Le groupe de travail informel CDDH-UE, sous la présidence
de Mme Tonje Meinich (Norvège), a tenu au total huit réunions de
travail avec la Commission européenne et fait rapport régulièrement
au CDDH sur les progrès réalisés et les questions restant à régler.
Le groupe a également tenu deux échanges de vues avec des représentants
de la société civile, qui ont régulièrement fait part de leurs commentaires
sur les documents de travail. Au cours de sa huitième et dernière
réunion, du 20 au 24 juin 2011, le groupe a finalisé un projet d’accord
d’adhésion et son projet de rapport explicatif, ainsi qu’un nouveau
projet de règle à ajouter aux Règles du Comité des Ministres pour
la surveillance de l’exécution des arrêts et des termes des règlements
amiables. Les participants siégeaient au sein du groupe de travail
en leur qualité d’experts, et non en tant que représentants de leurs
Etats respectifs, membres du Conseil de l’Europe. De même, les projets
d’instruments élaborés par le groupe n’engagent pas leurs gouvernements
respectifs, et les conclusions formulées par ce dernier ne préjugent
pas de la discussion au sein du CDDH.
67. A la demande du CDDH, les Délégués des Ministres ont accepté,
le 25 mai 2011, de reporter le délai de présentation du projet d’accord
d’adhésion au plus tard au 31 décembre 2011, les délégations au
sein du CDDH et du Comité des Ministres ayant jugé qu’il était préférable,
compte tenu de l’importance de la question, de donner aux délégations
suffisamment de temps – c’est-à-dire durant la pause estivale –
pour examiner le projet d’accord et son rapport explicatif. Il a
été convenu que le CDDH examinerait la version finale de ces documents,
à des fins d’adoption, lors d’une réunion extraordinaire qui se
tiendra du 11 au 14 octobre 2011.
68. J’ai partagé un déjeuner de travail avec Mme Meinich au début
de l’année. Depuis, je m’informe régulièrement de l’état d’avancement
des négociations au sein du groupe de travail informel dont les
travaux sont confidentiels, mais dont les documents de travail sont
diffusés sur son site web, ce qui les rend accessibles à un vaste
public. Le 23 juin 2011, Mme Meinich a présenté à l’ensemble de
notre commission un compte rendu des progrès accomplis dans le cadre
des négociations au sein du groupe.
69. Comme Mme Meinich l’a également indiqué à notre commission,
les négociations au sein du groupe de travail ont été menées sans
heurts et, pour reprendre les termes du Secrétaire Général, «ont
été marquées par un esprit de compréhension mutuelle et une attitude
constructive»
.
Toutefois, bon nombre de questions juridiques complexes n’ont toujours
pas trouvé de réponse et toutes les décisions devront au final être
prises par les gouvernements et les parlements.
3.1.3. Principales questions
abordées au cours des négociations
3.1.3.1. Le champ de l’adhésion
de l’Union européenne au système de la Convention
70. Dans sa résolution du 19 mai 2010, le Parlement européen
s’est prononcé en faveur d’une adhésion à l’ensemble des protocoles
de la Convention «concernant des droits qui correspondent à la Charte
des droits fondamentaux, et ceci indépendamment de leur ratification
par les Etats membres de l’Union européenne». La deuxième option
était l’adhésion de l’Union européenne à tous les protocoles de
la Convention, qu’ils aient été ratifiés ou non par l’ensemble des
Etats membres de l’Union européenne et qu’ils concernent ou non
«des droits qui correspondent à la Charte des droits fondamentaux»
– un critère difficile à appliquer, selon certains de mes interlocuteurs.
La troisième option, la plus restrictive, consistait en l’adhésion
de l’Union à la Convention et aux seuls protocoles ratifiés par
tous les Etats membres de l’Union européenne.
71. Finalement, le projet d’accord d’adhésion propose que, dans
un premier temps, l’Union européenne adhérera à la Convention et
aux Protocoles nos 1 et 6. L’entrée en vigueur de l’accord d’adhésion
aura pour effet simultané de modifier la Convention européenne des
droits de l'homme et d’inclure l’Union européenne parmi ses Hautes
Parties contractantes, sans que l’Union européenne ait elle aussi
à déposer un instrument d’adhésion à la Convention. La même disposition
s’applique pour l’adhésion de l’Union européenne aux Protocoles nos
1 et 6. L’adhésion de l’Union européenne à tous les autres protocoles
de la Convention sera possible à l’avenir, mais il lui faudra pour
cela déposer des instruments d’adhésion distincts.
3.1.3.2. Questions institutionnelles:
la participation de l’Union européenne aux organes du Conseil de
l’Europe qui exercent des fonctions liées à la Convention
72. Deux questions essentielles sont traitées sous ce
titre, à savoir l’élection de juges à la Cour européenne des droits
de l’homme après l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
européenne des droits de l'homme et la participation de l’Union
européenne au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.
73. Conformément au principe d’assurer l’adhésion de l’Union européenne
sur un pied d’égalité avec les autres Hautes Parties contractantes
à la Convention, le juge élu au titre de l’Union européenne devrait participer
aux travaux de la Cour européenne des droits de l’homme à égalité
avec les autres juges et avoir le même statut et les mêmes attributions
que ces derniers.
74. La question de l’élection des juges à la suite de l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention fera l’objet d’un rapport
spécifique de mon collègue, M. Serhiy Holovaty (Ukraine, ADLE),
pour la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
Dans l’intervalle, l’organe informel conjoint Assemblée parlementaire/Parlement
européen, après deux réunions tenues le 14 mars et le 15 juin, présidées
par MM. Christos Pourgourides (Chypre, PPE/DC), président de la
commission des questions juridiques et des droits de l’homme de
l’Assemblée, et Carlo Casini (Italie, PPE), président de la Commission
des affaires constitutionnelles du Parlement européen, a convenu
qu’après l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, le Parlement
européen serait autorisé à participer aux séances de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe et de ses organes compétents
lorsque ceux-ci exercent leurs fonctions relatives à l’élection des
juges à la Cour européenne des droits de l’homme conformément à
l’article 22 de la Convention
.
75. En particulier, le nombre de représentants du Parlement européen
à l’Assemblée parlementaire lorsque celle-ci élit des juges sera
égal au nombre maximal de représentants auquel ont droit les Etats
membres (actuellement 18). Ce principe a également été intégré au
projet d’accord d’adhésion qui prévoit du reste que les modalités
de participation des représentants du Parlement européen aux séances
de l’Assemblée parlementaire et de ses organes compétents «seront
définies par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en
coopération avec le Parlement européen».
76. A ce propos, il y a également eu accord au sein de l’organe
informel conjoint sur la manière dont les représentants du Parlement
européen siégeront et voteront dans les différentes instances de
l’Assemblée au cours du processus électoral. Plus précisément, le
Parlement européen aura droit à: quatre sièges de titulaires et
quatre sièges de suppléants au sein de la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire,
composée de 84 membres, en tant que de besoin; lorsque l’élection
de juges sera à l’ordre du jour du Bureau de l’Assemblée, un représentant
du Parlement européen participera, avec le droit de vote sur la
question; un représentant du Parlement européen (avec un suppléant)
sera autorisé à siéger de droit, avec droit de vote, au sein de
la sous-commission sur l’élection des juges à la Cour européenne
des droits de l’homme (de la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme) de l’Assemblée parlementaire.
77. Ces arrangements devront être approuvés en temps utile par
l’Assemblée parlementaire et par le Parlement européen, conformément
à leurs procédures respectives. Il me semble toutefois extrêmement important
qu’en seulement deux réunions, nous soyons parvenus à résoudre une
question difficile et techniquement complexe avec nos collègues
du Parlement européen dans un esprit de bonne foi et de dialogue
constructif.
78. La question de la participation de l’Union européenne – et
de son droit de vote – au Comité des Ministres, en particulier lorsque
ce dernier exerce sa fonction de contrôle de l’exécution des arrêts
de la Cour de Strasbourg, s’est révélée être une des questions les
plus difficiles du programme de négociations, d’un point de vue
technique, mais aussi politique. Si le principe selon lequel l’Union
européenne devrait participer à la surveillance de l’exécution des
arrêts (voir article 46 de la Convention) semblait compris par tous
les membres du groupe chargé de la négociation, le point qui semblait
problématique était celui de l’octroi de droits de vote au sein
du Comité des Ministres à une entité non membre du Conseil de l’Europe.
S’il est bien connu que, dans le cadre de la surveillance de l’exécution
des arrêts au sein du Comité des Ministres, le vote est plutôt l’exception
que la règle, les décisions étant régulièrement adoptées par consensus,
certains Etats membres du Conseil de l’Europe semblaient craindre
que l’Union européenne et ses Etats membres (au nombre de 28 sur
48 après adhésion) puissent adopter des positions coordonnées en
cas de vote («vote en bloc»). La nécessité de trouver des garanties
appropriées pour préserver le fonctionnement efficace du système
de surveillance de l’exécution des arrêts dans tous les cas a généralement
été reconnue au sein du groupe CDDH-UE.
79. Au terme de longues discussions, le projet d’accord d’adhésion
reconnaît le droit de l’Union européenne de participer, avec droit
de vote, au Comité des Ministres lorsque ce dernier exerce ses fonctions conformément
à la Convention. Tel est le cas lorsque le Comité des Ministres
prend des décisions dans l’exercice des fonctions qui lui sont expressément
conférées par la Convention, et notamment la surveillance de l’exécution
des arrêts de la Cour (article 46) et des termes des règlements
amiables (article 39)
,
mais également lorsqu’il traite un certain nombre de questions directement
liées au fonctionnement du système de la Convention et à sa mise
en œuvre mais qui ne sont pas expressément abordées dans la Convention,
à savoir: lorsque le Comité des Ministres prend des décisions concernant
l’adoption de protocoles à la Convention ou concernant l’adoption
ou la mise en œuvre de tout autre instrument ou texte adressé à
la Cour ou à toutes les Hautes Parties contractantes à la Convention,
ou liées aux fonctions exercées en vertu de la Convention par le
Comité des Ministres ou l’Assemblée parlementaire
.
80. Un ensemble de dispositions figurant dans le projet d’accord
d’adhésion lui-même et dans un projet de règle à ajouter aux règles
pertinentes du Comité des Ministres régissent le vote lorsque le
Comité des Ministres exerce ses fonctions de surveillance des arrêts
ou des règlements amiables dans les affaires auxquelles l’Union
européenne est partie, pour veiller à ce que les règles de l’Union
européenne applicables en matière de coordination de la position
de l’Union européenne et de ses Etats membres (y compris la possibilité
d’un «vote en bloc») ne compromettent pas l’efficacité de l’exercice,
par le Comité des Ministres, de ses fonctions de surveillance au
titre des articles 39 et 46 de la Convention. En outre, le projet
d’accord d’adhésion indique clairement que, lorsque le Comité des
Ministres exerce ses fonctions de surveillance dans des affaires
dirigées contre un Etat membre de l’Union européenne, l’Union européenne
ne peut pas, pour des raisons liées à son ordre juridique interne,
exprimer une position ou exercer son droit de vote. Dans de tels
cas, les traités de l’Union européenne n’obligent pas les Etats
membres de l’Union à exprimer des positions ou à voter de manière
coordonnée. De façon similaire, aucune obligation de ce type ne
s’applique aux Etats membres de l’Union européenne dans les affaires
dirigées contre un Etat non membre de l’Union, même lorsque l’Union exprime
sa position ou exerce son droit de vote dans de telles affaires
.
81. Bien que ces dispositions ajoutent de la complexité à une
procédure qui, dans la réalité, a rarement recours au vote (les
décisions relatives à l’exécution des arrêts sont normalement prises
par consensus au sein du Comité des Ministres), elles limitent le
changement à des cas exceptionnels et semblent constituer la seule
proposition actuellement à l’examen qui soit en même temps politiquement
acceptable et techniquement réalisable.
3.1.3.3. Questions juridiques:
le mécanisme de codéfendeur et les relations entre la Cour de Luxembourg
et la Cour de Strasbourg
82. L’une des particularités du système juridique de
l’Union européenne est le fait que les actes adoptés par les institutions
de l’Union européenne peuvent être mis en œuvre par les organes
de ses Etats membres et inversement, que les dispositions des traités
fondateurs de l’Union européenne adoptés par les Etats membres peuvent
être mises en œuvre par les organes de l’Union européenne. Avec
l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, une situation
unique pour le système de la Convention européenne des droits de
l'homme va se créer, dans laquelle un acte juridique peut être adopté
par une Haute Partie contractante et mis en œuvre par une autre.
83. Pour tenir dûment compte de la situation spécifique de l’Union
européenne en tant qu’entité non étatique dotée d’un ordre juridique
autonome qui adhère à la Convention à côté de ses Etats membres,
un nouveau mécanisme est introduit afin de permettre à l’Union européenne
de devenir codéfendeur dans une procédure contre un ou plusieurs
de ses Etats membres et, de manière similaire, de permettre à un
ou plusieurs Etats membres de l’Union européenne de devenir codéfendeur(s)
dans une procédure contre cette dernière.
84. Les discussions concernant les modalités précises du mécanisme
de codéfendeur ont été assez longues et complexes.
85. Pour ma part, j’ai examiné cette question avec plusieurs interlocuteurs
du côté de l’Union européenne et du côté du Conseil de l’Europe,
ainsi qu’avec des représentants d’organisations non gouvernementales.
J’ai noté avec satisfaction que le CDDH-UE avait tenu compte de
l’avis des représentants d’associations de citoyens et de groupes
œuvrant en faveur des droits de l’homme, lesquels ont été officiellement
invités à ses réunions de janvier et de juin 2011 pour une consultation.
J’espère que ce dialogue constructif avec les représentants de la
société civile se poursuivra tout au long du processus de négociation
et que la consultation s’étendra aux discussions qui se tiendront
au sein du groupe de travail à Bruxelles (FREMP) sur les ajustements
nécessaires à l’ordre juridique de l’Union européenne.
86. Dans leurs communications orales et écrites au CDDH-UE, les
ONG ont souligné combien il importait d’éviter de faire peser une
charge excessive sur le requérant individuel, qui risque de se retrouver
face à plusieurs défendeurs, dont l’Union européenne, afin de préserver
le droit de déposer une requête individuelle et le principe de l’égalité
des armes. Le mécanisme de codéfendeur ne devrait donc être utilisé
que dans des circonstances bien précises. C’est une préoccupation
que je partage pleinement et sur laquelle j’ai insisté au cours
de mes différentes réunions avec des représentants de l’Union européenne
et du Conseil de l’Europe.
87. Au cours des négociations informelles au sein du CDDH-UE,
l’une des formulations proposées prenait soin de limiter le champ
d’application du mécanisme de codéfendeur en prévoyant que ce dernier
ne s’appliquerait qu’aux affaires «dans lesquelles l’acte ou l’omission
à la base de la violation alléguée n’aurait pu être évité par le
défendeur qu’en méconnaissant une obligation découlant du droit
de l’Union européenne»
. Toutefois, les discussions
au sein du CDDH-UE ont abouti à des critères plus larges pour l’application
de ce mécanisme. Plus précisément, le projet d’accord d’adhésion
prévoit actuellement que, lorsqu’une requête est notifiée à un ou
plusieurs Etats membres de l’Union européenne, cette dernière peut
devenir codéfendeur dans une procédure s’il apparaît que la violation
alléguée «met en cause la compatibilité d’une disposition du droit de
l’Union européenne avec les droits de la Convention en question,
notamment lorsque cette violation n’aurait pu être évitée qu’en
méconnaissant une obligation découlant du droit de l’Union européenne»
. Cela étant, le projet de
rapport explicatif du projet d’accord d’adhésion indique que, sur
la base de la jurisprudence pertinente de la Cour, on peut s’attendre
à ce que ce mécanisme ne s’applique que dans un nombre limité d’affaires.
88. Les représentants de la société civile ont proposé d’étendre
les délais d’intervention de tiers lorsque le mécanisme de codéfendeur
est activé, afin que les tierces parties disposent de suffisamment
de temps et de flexibilité pour intervenir dans des affaires plus
complexes. Il sera également essentiel d’assurer aux requérants
une aide juridique appropriée dans de telles affaires.
89. D’autres questions complexes ont été celles relatives à l’articulation
des relations entre la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg
et la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg après l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention, notamment la nécessité de
préserver le monopole de la Cour de justice de l’Union européenne
pour ce qui est de l’interprétation du droit de l’Union européenne.
La situation est toutefois devenue beaucoup plus claire à partir
du moment où les présidents des cours, MM. Costa et Skouris, ont
publié une communication commune en janvier 2011 dans laquelle ils
donnent leurs avis sur la manière dont la question devrait être
abordée
.
90. Il est clair que, dans les affaires où la Cour de Strasbourg
devra contrôler la compatibilité avec la Convention des mesures
adoptées par les institutions de l’Union européenne, la condition
relative à l’épuisement des voies de recours internes obligera les
requérants désireux de s’adresser à la Convention à saisir au préalable
les juridictions de l’Union européenne. Ainsi, il est garanti que
le contrôle exercé par la Cour de Strasbourg sera précédé par le
contrôle interne effectué par la Cour de Luxembourg et que la subsidiarité sera
respectée.
91. La situation est plus complexe s’agissant des requêtes déposées
devant la Cour de Strasbourg contre des lois adoptées par les autorités
des Etats membres de l’Union européenne dans le cadre de la mise
en œuvre du droit de l’Union européenne: le requérant devra en premier
lieu saisir les juridictions de l’Etat membre concerné, lesquelles
peuvent, et dans certains cas, doivent saisir la Cour de Luxembourg
d’un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation et/ou la validité
des dispositions litigieuses du droit de l’Union européenne. Mais,
si, pour une raison quelconque, il n’était pas procédé à un tel
renvoi préjudiciel, la Cour de Strasbourg serait appelée à se prononcer
sur une requête mettant en cause des dispositions du droit de l’Union européenne
sans que la Cour de Luxembourg ait eu l’occasion de contrôler la
conformité de ce droit avec les droits fondamentaux garantis par
la Charte de l’Union européenne.
92. Dans leur communication commune, les deux présidents estiment
indiqué de mettre en place une procédure souple pour veiller à ce
que, dans de tels cas – qui devraient être relativement rares –,
le principe de subsidiarité puisse être respecté et que la Cour
de Luxembourg puisse effectuer un contrôle interne avant que n’intervienne
le contrôle externe exercé par la Cour de Strasbourg. Pour éviter
que la procédure devant la Cour de Strasbourg ne soit différée de
manière déraisonnable, la Cour de Luxembourg pourrait être amenée à
statuer en procédure accélérée.
93. Le projet d’accord d’adhésion prévoit expressément que l’Union
européenne devra veiller à ce que le jugement de la Cour de Luxembourg
soit rendu «rapidement» et que l’intervention préalable de la Cour
de Luxembourg n’affectera pas les compétences de la Cour de Strasbourg.
Le projet de rapport explicatif ajoute que la Cour de Strasbourg
n’est pas liée par le jugement de la Cour de Luxembourg, et que
la Cour de justice de l’Union européenne ne se prononcera pas sur
l’acte ou l’omission dénoncé par le requérant, mais seulement sur
la base juridique de ce dernier dans le droit de l’Union européenne.
Il précise également que les parties impliquées – y compris le requérant,
qui aura la possibilité d’obtenir une aide juridique – auront la possibilité
de formuler des observations dans le cadre de la procédure devant
la Cour de Luxembourg. D’après le rapport, l’examen du fond de la
requête par la Cour de Strasbourg ne devrait pas reprendre avant
que les parties et les éventuels tiers intervenants n’aient été
en mesure d’apprécier utilement les éventuelles conséquences à tirer
de la décision de la Cour de Luxembourg. En ce qui concerne les
délais, le rapport fait observer qu’il existe déjà une procédure
accélérée devant la Cour de justice, dans le cadre de laquelle cette dernière
peut statuer en six à huit mois.
94. Lorsque j’ai examiné avec les présidents des deux cours les
questions relatives à l’intervention préalable de la Cour de Luxembourg
dans des affaires impliquant l’Union européenne en qualité de codéfendeur,
tous deux se sont félicités de ce que les négociations au sein du
CDDH-UE se soient basées sur les positions qu’ils avaient exprimées
dans leur communication commune de janvier 2011.
95. Le président Costa m’a dit également que, selon les résultats
d’une étude de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg au cours
de ces quinze dernières années, menée par des juristes de l’Union
européenne et du Conseil de l’Europe, il n’aurait fallu appliquer
le mécanisme de codéfendeur que dans trois affaires et il n’y aurait
eu, dans aucune d’entre elles, la nécessité d’une intervention préalable
de la Cour de Luxembourg dans le cadre des procédures menées devant
la Cour de Strasbourg
.
3.1.4. Procédure d’adoption
de l’accord d’adhésion
96. Une fois que le projet d’accord d’adhésion et son
rapport explicatif auront été approuvés par le CDDH en octobre 2011,
la procédure en vue de son adoption sera engagée. Cette procédure,
régie par le Traité de Lisbonne, est assez complexe et exigeante
du côté de l’Union européenne: unanimité au Conseil de l’Union européenne,
consentement du Parlement européen, ratification par tous les Etats
membres de l’Union.
97. D’après ce qu’ont pu me dire mes interlocuteurs du côté de
l’Union européenne, notamment le Président de la Cour de justice
et le conseiller juridique de Mme Reding, la Cour de justice de
l’Union européenne sera également chargée, par la Commission européenne,
de présenter un avis sur l’accord d’adhésion avant que ce dernier
ne soit soumis au Conseil de l’Union européenne. Plus particulièrement,
il sera demandé à la Cour de Luxembourg d’évaluer les questions
de compétence, de base juridique et de compatibilité de l’accord d’adhésion
avec le droit primaire de l’Union européenne. Par le passé, la Cour
de Luxembourg avait rejeté l’idée de l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention au motif qu’il n’y avait pas de base juridique pour une
telle adhésion.
98. Il est clair que depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne,
l’Union européenne a compétence pour adhérer à la Convention et
qu’il existe une base juridique pour une telle adhésion. La principale
question que devra, par conséquent, évaluer la Cour de justice sera
la compatibilité de l’accord avec le droit primaire de l’Union européenne.
Le Président Skouris a insisté notamment sur la nécessité de garantir
la compatibilité avec le Protocole no 8 au TUE qui renvoie à l’article 6(2)
du Traité concernant l’adhésion de l’Union européenne à la Convention.
99. Du côté du Conseil de l’Europe, le projet d’accord d’adhésion
devra être approuvé par le Comité des Ministres après avis de l’Assemblée
et de la Cour européenne des droits de l’homme. A terme, il devra
être ratifié par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
100. S’il est vrai que la ratification du Traité de Lisbonne et
celle du Protocole no 14 à la Convention ont marqué l’engagement
politique des Etats membres des deux organisations en faveur de
l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, il est également
clair qu’il faudra un engagement réaffirmé et le soutien actif à
la fois de leurs gouvernements et de leurs parlements pour que le
processus de ratification nécessaire de l’accord d’adhésion puisse
avoir lieu dans un avenir proche et, je le répète, dans l’intérêt
de tous les citoyens européens.
3.2. Cohérence des normes
du Conseil de l’Europe et du droit de l’Union européenne et cohérence
de l’évaluation de leur mise en œuvre par les Etats européens: le
Programme de Stockholm
101. Aujourd’hui, la société européenne est confrontée
à des défis majeurs, parmi lesquels les menaces transnationales
comme le terrorisme international, les atteintes à la vie privée
et la cybercriminalité, la traite des êtres humains, etc. Les fléaux
plus anciens, comme la torture, la violence à l’égard des femmes, l’exploitation
des enfants ou la corruption, prennent eux aussi des dimensions
transnationales et exigent une action au niveau paneuropéen. L’Union
européenne post-Traité de Lisbonne a acquis des pouvoirs et des compétences
nouveaux ou renforcés dans bon nombre de domaines, qui relèvent
traditionnellement des compétences du Conseil de l’Europe. Il est
donc de plus en plus nécessaire pour les deux organisations de conjuguer
leurs efforts pour apporter des réponses adéquates à ces problèmes
et assurer un espace commun de protection des droits de l’homme
sur tout le continent, en s’appuyant sur leurs valeurs communes
et leurs atouts respectifs, au-delà de l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention.
102. En particulier, le Traité de Lisbonne renforce la nécessité
de veiller à l’harmonie entre les normes du Conseil de l’Europe
et le droit de l’Union européenne et d’assurer une évaluation ou
un suivi cohérents de la mise en œuvre de ces normes par les Etats
européens, tout en évitant les doubles emplois et la lassitude liée au
suivi, notamment dans le contexte de la crise économique sans précédent
qui frappe aujourd’hui notre continent.
103. Du côté du Conseil de l’Europe, le processus de réforme lancé
par le Secrétaire Général vise à «renforcer la pertinence et l’impact
(de l’Organisation) sur le plan politique dans les affaires européennes, notamment
par un partenariat renforcé avec l’Union européenne, partenariat
qui prend appui sur le mémorandum d’accord conclu en 2007 entre
les deux organisations»
. Ce processus
de réforme devrait permettre au Conseil de l’Europe de pleinement
jouer un rôle essentiel, en particulier en veillant à ce qu’il existe au
niveau paneuropéen une sécurité démocratique – «douce»/«profonde»
– et en se réaffirmant en tant que «la référence en matière de droits
de l’homme, de l’Etat de droit et de démocratie en Europe»
.
3.2.1. Cohérence des normes
104. Au cours de mes réunions à Bruxelles, j’ai évoqué
la nécessité d’assurer une cohérence entre les normes du Conseil
de l’Europe et le droit de l’Union européenne, y compris par l’adhésion
de l’Union européenne à des conventions clés du Conseil de l’Europe
autres que la Convention européenne des droits de l'homme, qui s’attaquent
aux problèmes majeurs précités. En particulier, j’ai recommandé
vivement à mes interlocuteurs d’envisager l’adhésion de l’Union
européenne aux conventions du Conseil de l’Europe sur la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants;
sur la lutte contre la traite des êtres humains; sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels; sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes; sur la protection
des données; sur la prévention du terrorisme; sur la corruption;
sur la cybercriminalité, ainsi qu’à la Charte sociale européenne
révisée. J’ai insisté sur le fait que l’adhésion aux conventions
du Conseil de l’Europe garantirait l’application, à l’échelon paneuropéen,
de normes minimales communes, contribuant ainsi à la création d’un
espace juridique européen commun, avant tout pour le bien des citoyens
européens. Cela ne doit pas empêcher l’Union européenne d’aller
plus loin et d’assurer des normes plus élevées pour ses membres,
car dans la pratique, tout Etat membre du Conseil de l’Europe peut
prévoir dans sa législation nationale des normes plus élevées que
celles garanties par les conventions de l’Organisation. Mais il
faut absolument éviter les doublons et l’abaissement des normes.
105. Le Parlement européen a pour sa part déjà adopté une position
claire sur le sujet en indiquant, dans sa résolution du 19 mai 2010,
que l’adhésion à la Convention constitue un premier pas essentiel
qu’il convient de compléter par l’adhésion de l’Union à d’autres
conventions du Conseil de l’Europe telles que la Charte sociale révisée.
106. Les représentants de la Commission ont soutenu que l’adhésion
à ces autres conventions du Conseil de l’Europe ne devrait être
envisagée qu’après l’achèvement du processus d’adhésion de l’Union
européenne à la Convention. Une approche progressive a été retenue
du fait du risque de compromettre l’adhésion à la Convention. Le
Secrétaire Général exécutif du SEAE, M. Vimont, a évoqué une «approche
pragmatique» et l’examen de l’adhésion de l’Union européenne à d’autres
conventions du Conseil de l’Europe «au cas par cas». L’adhésion
à chaque convention doit être considérée en fonction de son intérêt
intrinsèque, après avoir pesé le pour et le contre avec l’aide de
la Commission européenne. Mes interlocuteurs du Conseil de l’Union européenne
semblaient s’accorder sur le fait que l’adhésion aux autres conventions
du Conseil de l’Europe pourrait être envisagée avant l’achèvement
de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention.
107. J’ai été particulièrement heureuse d’apprendre à cet égard,
lors de ma réunion avec la commissaire Malmström, que l’adhésion
de l’Union européenne à d’autres conventions du Conseil de l’Europe était
à l’ordre du jour, en particulier l’adhésion à la Convention sur
la cybercriminalité (STE no 185). J’ai également noté avec satisfaction
que des négociations débuteront bientôt concernant l’adhésion de
l’Union européenne à la Convention du Conseil de l’Europe sur la
protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des
données à caractère personnel.
108. De mon point de vue, le Conseil de l’Europe lui-même peut
aider l’Union européenne à constituer une vision à long terme, plus
stratégique, sur les synergies avec le Conseil de l’Europe et son
éventuelle adhésion à d’autres instruments du Conseil de l’Europe,
au-delà d’une approche pragmatique ou au cas par cas, en s’appuyant
également sur la position favorable adoptée par le Parlement européen
à cet égard. Il y a selon moi deux moyens de le faire. Tout d’abord,
l’examen des conventions du Conseil de l’Europe, engagé par le Secrétaire
Général, devrait permettre d’identifier les moyens de faciliter
l’adhésion de l’Union européenne aux conventions du Conseil de l’Europe
.
J’espère que ce processus sera bientôt mené à bonne fin, tout en veillant
à ce que le système de chaque convention soit préservé en l’état,
avec des ajustements mineurs. Deuxièmement, je propose que le Secrétariat
du Conseil de l’Europe prépare une liste des implications et avantages
concrets de l’adhésion de l’Union européenne aux conventions clés
du Conseil de l’Europe, liste que le Secrétaire Général pourrait
ensuite présenter aux responsables de l’Union européenne au plus
haut niveau politique pour encourager un débat plus vaste sur la
multiplication des synergies entre le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne dans l’intérêt de tous les citoyens européens.
109. Je tiens également à souligner que les dispositions arrêtées
dans le cadre de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention
concernant la participation de l’Union européenne et ses droits
de vote au sein du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pourraient
faire office de précédent pour l’adhésion future de l’Union à d’autres
conventions du Conseil de l’Europe.
110. Au-delà de la question de l’adhésion de l’Union européenne
aux conventions du Conseil de l’Europe et pour permettre une évaluation
globale des activités de l’Union européenne au regard des normes
de droits de l’homme fixées par le Conseil de l’Europe, l’Union
européenne devrait en outre assurer des consultations systématiques
et ouvertes avec les organes compétents du Conseil de l’Europe,
d’un bout à l’autre des processus législatifs de l’Union européenne.
Ainsi, dans le domaine de la justice pénale, le Conseil de l’Union européenne
s’est engagé à veiller à ce que toutes ses initiatives législatives
dans le domaine des droits procéduraux des suspects et des personnes
poursuivies dans des procédures pénales «[respectent] les critères
de Strasbourg», «[assurent] une mise en œuvre et un respect complets
des normes énoncées par la convention» et, le cas échéant, «[développent]
les normes existantes ou rend[ent] leur application plus uniforme»
.
111. En ce qui concerne les initiatives normatives à prendre par
l’Union européenne ou le Conseil de l’Europe, tous mes interlocuteurs
ont insisté sur la nécessité de consultations préalables entre les
deux organisations, à un stade aussi précoce que possible et à un
niveau politique plus élevé. Je leur ai confirmé qu’il s’agissait
également de la position du Conseil de l’Europe. J’ai souligné qu’il
était essentiel, avant de se lancer dans de nouvelles initiatives
normatives, que l’Union européenne étudie le fort potentiel et les
avantages des conventions du Conseil de l’Europe, qu’elle encourage
l’adhésion de ses Etats membres (et d’Etats non membres dans le
cadre de ses relations extérieures) à ces instruments et qu’elle-même
y adhère, le cas échéant.
112. En réponse à la nécessité de consultations préalables, des
contacts réguliers ont été établis, dès la fin de 2009, à la fois
au niveau politique et opérationnel entre le Secrétaire Général
et des hauts fonctionnaires du Conseil de l’Europe d’une part, et
les commissaires Reding et Malmström et leurs cabinets, d’autre
part.
113. Faisant suite à des contacts entre le Secrétaire Général et
ces commissaires en juin-juillet 2010, des consultations régulières
ont lieu, qui couvrent en particulier les questions soulevées dans
le Programme de Stockholm et le mémorandum d’accord, telles que:
le racisme et la xénophobie, les droits de l’enfant, la justice pénale
et la protection des données à caractère personnel, la lutte contre
la traite des êtres humains, le terrorisme, la criminalité organisée,
la cybercriminalité, le blanchiment d’argent, la corruption et la
protection des enfants contre les abus sexuels.
114. Un exemple récent d’entraide réussie entre les deux organisations
a été fourni dans le domaine des droits de l’enfant, lorsque le
programme du Conseil de l’Europe «Construire une Europe pour et
avec les enfants» a soutenu le processus ayant mené à l’élaboration
d’une stratégie de l’Union européenne sur les droits de l’enfant.
115. Un autre domaine dans lequel une action coordonnée entre l’Union
européenne et le Conseil de l’Europe est nécessaire est celui des
migrations et de l’asile. Evoquant l’arrêt
M.S.S.
c. Grèce et Belgique et les événements d’Afrique du Nord
ayant conduit à l’arrivée de demandeurs d’asile et de migrants au
sud de l’Europe, j’ai posé la question de la nécessité d’une action
coordonnée en la matière lors de ma réunion avec la commissaire
Malmström
. J’ai
indiqué en particulier que la coopération Conseil de l’Europe/Union européenne
devrait se concentrer sur: l’élaboration de normes minimales communes
sur la protection des droits des migrants (par exemple en ce qui
concerne les conditions de détention des migrants irréguliers et
des demandeurs d’asile); l’assistance aux Etats membres (à la fois
les Etats membres de l’Union européenne et les Etats membres du
Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union européenne)
en vue de renforcer leurs capacités pour répondre à ces défis de
manière adéquate, avec efficacité et dans le respect plein et entier
des normes européennes en matière de droits de l’homme, ainsi que
la contribution des organes de suivi du Conseil de l’Europe, tels
que l’ECRI, le CPT et le Comité européen des Droits sociaux aux
initiatives de l’Union européenne pour améliorer le règlement Dublin II.
Il convient de noter à cet égard l’absence de suivi des droits de
l’homme au niveau de l’Union européenne en ce qui concerne les opérations
de contrôle aux frontières menées par les Etats membres de l’Union
européenne et les opérations Frontex.
116. En outre, la poursuite du processus engagé par la conférence
de haut niveau du Conseil de l’Europe sur les questions rom, tenue
à Strasbourg en octobre 2010, a déjà donné une nouvelle occasion
de travailler en étroite coopération avec l’Union européenne dans
ce domaine, par exemple au moyen d’une action commune pour le renforcement
des capacités au niveau local (médiateurs roms, promotion et diffusion
des bonnes pratiques, etc.) – et ce d’autant plus que ces questions
ont suscité de vives préoccupations dans plusieurs Etats membres
de l’Union européenne et attisé les tensions entre ces Etats et
les institutions de l’Union européenne.
117. Afin de renforcer davantage les questions prioritaires pour
la coopération et faciliter un flux réciproque d’informations, les
discussions entre le Secrétariat du Conseil de l’Europe et les directions
générales Justice et Affaires intérieures de la Commission européenne
ont donné lieu à un accord visant à établir un mécanisme d’information
mutuel (MIM), composé de fonctionnaires de l’Union européenne et
du Conseil de l’Europe. Des réunions
de ce mécanisme tenues à intervalles réguliers permettraient de
fournir des informations sur les initiatives normatives et pourraient,
au besoin aboutir à des consultations d’experts bilatérales entre
le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.
3.2.2. Cohérence du suivi
de la mise en œuvre des normes
118. Le Traité de Lisbonne permet à l’Union européenne
(le Conseil en collaboration avec la Commission) de procéder à une
évaluation objective et impartiale de la mise en œuvre, par les
autorités des Etats membres, des politiques de l’Union dans les
domaines de la liberté, de la sécurité et de la justice, en particulier
afin de favoriser la pleine application du principe de reconnaissance
mutuelle.
119. Conformément au Traité de Lisbonne, le Programme de Stockholm
intitulé «Une Europe ouverte et sûre qui se met au service des citoyens
et les protège», adopté par l’Union européenne en décembre 2009
pour énoncer le programme de priorités de l’Union européenne pour
la période 2010-2014, accorde une importance particulière à l’évaluation
de la mise en œuvre des politiques de l’Union dans ces domaines.
A cet égard, le Conseil européen estime que «si les doubles emplois
avec d’autres mécanismes d’évaluation devraient être évités, il
convient néanmoins de viser à mettre en œuvre des synergies et une
coopération, notamment eu égard aux travaux menés par le Conseil
de l’Europe. L’Union devrait
participer activement et contribuer aux travaux des organes de suivi
du Conseil de l’Europe».
120. Dans ce contexte, durant toutes mes réunions depuis l’année
dernière, j’ai également souligné la nécessité de renforcer les
synergies entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe en
matière de suivi de l’application des normes dans le cadre de la
mise en œuvre du Programme de Stockholm de l’Union européenne. Les
organes de suivi du Conseil de l’Europe, tels que la Commission
européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), qui évalue les
systèmes judiciaires des Etats membres du Conseil de l’Europe
, et le
Groupe
d’Etats contre la corruption (GRECO), bénéficient d’une riche expérience
dans leurs domaines de compétence respectifs et constituent un acquis
pour l’Europe dans son ensemble. Ils peuvent donc apporter une contribution
effective au processus d’évaluation que l’Union européenne viendrait
à établir dans le cadre de son Programme de Stockholm
.
121. Outre la CEPEJ et le GRECO, le Conseil de l’Europe compte
plusieurs autres instances de suivi qui se consacrent aux questions
liées à la justice et aux affaires intérieures – questions pour
lesquelles l’Union européenne dispose désormais de compétences élargies.
Il convient d’encourager un renforcement des synergies avec ces
instances, et en particulier: le Comité européen des Droits sociaux
(CEDS), dont les travaux portent notamment sur des droits économiques
et sociaux minimaux pour les migrants et les demandeurs d’asile
et sur la situation des Roms; le Comité pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui
surveille les conditions de détention de migrants en situation irrégulière
et d’étrangers faisant l’objet de mesures d’expulsion; la Commission
européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), dont les activités
concernent les politiques d’intégration, le racisme et le discours
de haine; le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des
êtres humains (GRETA), instance indépendante de lutte contre la
traite des êtres humains, établie au titre de la convention du Conseil
de l’Europe sur le sujet, dont les travaux concernent les besoins
spéciaux et les droits des victimes de la traite; et MONEYVAL, qui
se consacre à la lutte contre le blanchiment de capitaux. J’ai souligné
que l’adhésion de l’Union européenne aux mécanismes de suivi existants
du Conseil de l’Europe devrait être envisagée avant de se lancer
dans la création de nouveaux mécanismes, afin d’éviter les doublons
et ainsi les risques d’incohérence, de divergence des résultats,
de «forum shopping» et de faible impact. Bien entendu, il convient
également d’encourager un renforcement des synergies avec le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
122. Ici encore, à l’exception du GRECO, j’ai trouvé dans le Parlement
européen un partenaire solide qui, dans sa résolution du 19 mai 2010,
a appelé clairement à l’adhésion de l’Union européenne à des instances du
Conseil de l’Europe telles que le CPT, l’ECRI et la CEPEJ, ainsi
qu’au renforcement de la coopération entre les institutions de l’Union
européenne et les instances spécialisées du Conseil de l’Europe.
Les députés européens que j’ai rencontrés à Bruxelles ont réaffirmé
cette position. Dans sa résolution encore plus récente du 11 mai 2011,
le Parlement européen a souligné que, pour accroître son efficacité
dans le domaine des droits de l’homme au niveau paneuropéen, l’Union
européenne devrait adhérer à des organes du Conseil de l’Europe,
comme le CPT, l’ECRI et la CEPEJ. On ne peut que se réjouir de cette
position.
123. Pour ce qui concerne plus précisément le GRECO et la lutte
contre la corruption, l’adhésion de l’Union européenne au GRECO
est envisagée dans le Programme de Stockholm. Le programme invite
la Commission «à mettre au point des indicateurs, sur la base des
systèmes existants et de critères communs, pour mesurer l’effet
des mesures de lutte contre la corruption, en particulier dans les
domaines relevant de l’acquis (marchés publics, contrôle financier,
etc.), et à élaborer une politique globale de lutte contre la corruption,
en étroite coopération avec le GRECO». Il invite également la Commission
à présenter en 2010 «un rapport sur les modalités d’adhésion de
l’Union européenne au GRECO». Des consultations intensives entre
des représentants du GRECO et des représentants de la Commission
et du Conseil de l’Union européenne ont eu lieu depuis l’année dernière.
124. Lorsque j’ai rencontré la commissaire Malmström en avril 2011
et après avoir consulté des fonctionnaires du Conseil de l’Europe
travaillant pour le GRECO, j’ai insisté sur le fait que la pleine
adhésion de l’Union européenne au GRECO et une évaluation des institutions
de l’Union par le GRECO devraient rester l’objectif ultime de la
coopération dans ce domaine, ce qui devrait figurer dans tout accord
de participation. En attendant
l’adhésion de l’Union, la participation accrue de l’Union européenne
aux travaux du GRECO devrait être visée dès que possible, notamment
la participation de représentants de l’Union européenne à l’évaluation des
Etats membres du GRECO. A titre de réciprocité, le GRECO devrait
pouvoir participer au mécanisme de suivi de la lutte contre la corruption
qui sera mis en place par l’Union.
125. J’ai été particulièrement heureuse d’apprendre, de la part
de la commissaire Malmström, l’existence d’une forte volonté politique
au sein de l’Union européenne d’éviter des doubles emplois avec
les structures du Conseil de l’Europe et d’utiliser les mécanismes
de suivi existants de ce dernier, dans la mesure du possible, notamment
le GRECO pour ce qui est de la lutte contre la corruption.
126. Deux mois plus tard, après avoir analysé les modalités possibles
de la participation de l’Union européenne au GRECO et considérant
que le GRECO est l’instrument le plus complet qui soit pertinent
pour l’Union européenne, car tous les Etats membres de l’Union européenne
y participent, la Commission a décidé de demander au Conseil de
l’Union européenne l’autorisation d’engager des négociations sur
ce point. Dans sa communication du 6 juin 2011 sur la lutte contre
la corruption dans l’Union européenne
, la Commission affirme
que, par l’intermédiaire du GRECO, «le Conseil de l’Europe contribue
à assurer l’application de normes minimales dans l’espace juridique
paneuropéen» et demande aux Etats membres de l’Union européenne d’appuyer
la candidature de l’Union européenne au GRECO, au sein du Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe.
127. La Commission a proposé de compléter la participation de l’Union
européenne au GRECO par la mise en place d’un rapport anticorruption
dans l’Union. Dans sa communication, la Commission affirme que la participation
de l’Union au GRECO permettrait la création de synergies entre les
deux mécanismes. Le GRECO pourrait notamment contribuer au mécanisme
de suivi de l’Union européenne en fournissant des analyses comparées
de ses rapports de conformité et d’évaluation existants sur les
Etats membres de l’Union européenne et en indiquant les principales
recommandations exigeant un suivi supplémentaire. Le GRECO contribuerait
ainsi à la définition d’indicateurs et de critères communs en matière
de lutte contre la corruption. Ses conclusions serviraient de base
à la Commission pour établir sa propre évaluation des efforts des
Etats membres de l’Union européenne dans ce domaine.
128. Il est à espérer que ces développements positifs aboutiront
à la pleine adhésion de l’Union européenne au GRECO. Ils devraient
également faciliter la création de synergies appropriées entre d’autres
mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe et tout nouveau mécanisme
d’évaluation que l’Union européenne mettra en place dans d’autres
domaines relevant des compétences des deux organisations.
129. Il est également important, à mon avis, que l’Union européenne
travaille davantage en concertation avec le Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe pour ce qui est de la mise en
œuvre des normes applicables en matière de droits de l’homme, non
seulement par les Etats non membres de l’Union européenne dans le
cadre de ses politiques d’élargissement et de voisinage, mais également
par ses propres Etats membres. Dans sa résolution du 19 mai 2011,
le Parlement européen s’est prononcé en faveur d’un tel renforcement
des échanges et de la coopération avec le Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe.
130. Pour conclure, tout en saluant les mesures déjà prises en
ce sens et les développements en cours, j’estime que le rôle du
Conseil de l’Europe en tant que «référence en matière de droits
de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie en Europe» doit encore
être développé et pleinement et véritablement reconnu par toutes
les institutions de l’Union européenne, et ce pour le bien de tous
les citoyens européens. S’appuyant sur le mémorandum d’accord de 2007
entre les deux organisations, le Traité de Lisbonne et les perspectives offertes
par la réforme en cours du Conseil de l’Europe, le partenariat récemment
renforcé entre les deux organisations devrait être encore consolidé
et la coordination systématique des politiques davantage développée
à tous les niveaux.
4. Vers un partenariat
renforcé entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
131. Le Traité de Lisbonne a également permis à l’Union
européenne de renforcer la mise en œuvre de sa politique étrangère:
la coopération avec les pays voisins a été étendue de manière à
couvrir plus efficacement et de manière intégrée l’éventail complet des aspects qu’englobe
cette politique, et notamment les questions liées aux droits de
l’homme, à l’Etat de droit et à la démocratie, ce qui a ouvert de
nouvelles possibilités de renforcement de la coopération avec le
Conseil de l’Europe sur ces points également. Cela est d’autant
plus vrai que les politiques d’élargissement et de voisinage de
l’Union européenne s’appliquent à des pays qui soit sont membres
à part entière du Conseil de l’Europe et bénéficient des procédures
de conseil et de suivi de ce dernier, soit font partie de son voisinage
et ont donc adhéré – ou sont susceptibles d’adhérer – à des conventions
ou accords partiels ouverts de l’Organisation, comme la Commission
de Venise et le Centre Nord-Sud, et dont les parlements ont obtenu
– ou sont susceptibles d’obtenir – le statut de Partenaire pour
la démocratie auprès de notre Assemblée.
132. Les événements récents survenus dans le sud de la Méditerranée
ont donné un regain d’actualité au développement d’une nouvelle
politique du Conseil de l’Europe en faveur de ses régions voisines
proposant une coopération basée sur la demande avec les pays concernés.
Le statut de Partenaire pour la démocratie créé par l’Assemblée
à l’intention des parlements de ces régions est un élément important
de cette politique. Notre Assemblée a octroyé ce statut au Parlement
du Maroc le 21 juin 2011, tandis qu’une demande du Conseil national
palestinien est en cours d’examen. Il n’est pas exclu que d’autres
parlements des régions voisines suivent, par exemple la Tunisie
dès lors que les conditions exigées seront remplies.
133. Ces mêmes événements dans le sud de la Méditerranée ont également
relancé le processus de révision de la politique européenne de voisinage
de l’Union européenne (PEV) engagé depuis l’entrée en vigueur du Traité
de Lisbonne et en particulier à partir de l’été 2010. Cette question
a récemment fait l’objet de deux communications conjointes de la
Commission européenne et de la haute représentante de l’Union européenne pour
les affaires étrangères et la politique de sécurité
qui
proposent une «nouvelle approche de la PEV», laquelle doit être
«définie sur la base d’une responsabilité mutuelle et d’un d’attachement
commun aux valeurs universelles des droits de l’homme, de la démocratie
et de l’Etat de droit»
. Aux termes de la communication du
25 mai 2011 intitulée «Une stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage
en mutation», «l’Union européenne doit relever les défis historiques
auxquels son voisinage est confronté». La communication insiste
également sur le fait que la «coordination entre l’Union européenne,
ses Etats membres et les grands partenaires internationaux est cruciale
et peut être améliorée»; elle ajoute qu’une «coopération accrue
avec le Conseil de l’Europe pourrait également contribuer à promouvoir
le respect [des engagements dans le domaine des droits de l’homme]
».
Il convient de noter que la Commission européenne et la haute représentante
de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique
de sécurité, dans leur communication conjointe du 8 mars 2011, ont
proposé «un Partenariat pour la démocratie et une Prospérité partagée
avec le sud de la Méditerranée»
à
l’intention des pays pour les parlements desquels notre propre Assemblée
a créé un statut de «Partenariat pour la démocratie» en 2009.
134. Si la tenue de consultations régulières au niveau opérationnel
entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe concernant les
pays candidats et candidats potentiels à l’adhésion à l’Union européenne
est une pratique déjà ancienne, récemment, des contacts réguliers
ont été établis à un niveau politique élevé, en particulier entre
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le commissaire européen
à l’élargissement et à la politique européenne de voisinage, M.
Stefan Füle. Ce dernier s’est également exprimé devant le Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe en juillet 2011
. Des contacts intensifiés à haut
niveau ont également été établis avec la haute représentante Catherine
Ashton et des hauts fonctionnaires du nouveau SEAS.
135. J’ai, pour ma part, discuté des possibilités de coopération
accrue entre les deux organisations dans le cadre d’une PEV révisée
dans mes échanges de vues avec des députés européens, ainsi que
plus récemment au cours de mon entretien avec M. Vimont. Lors de
mes réunions, j’ai insisté sur la nécessité pour l’Union européenne
de tirer un meilleur parti de l’expertise et du rôle de conseil
et de référence du Conseil de l’Europe dans le contexte de ses politiques
d’élargissement et de voisinage.
136. Lorsque j’ai présenté plus en détail la valeur ajoutée du
nouveau statut de Partenaire pour la démocratie, conçu pour les
parlements des régions voisines du Conseil de l’Europe, j’ai souligné
en particulier que ce nouveau statut, en tant qu’outil parlementaire,
offre des critères concrets et prévoit un mécanisme de suivi/d’évaluation
(à mener par la commission des questions politiques pour le compte
de l’Assemblée). Il est donc considéré comme le début et non comme
la fin du processus.
137. M. Vimont a confirmé le grand intérêt de l’Union européenne
pour le statut nouvellement créé de Partenaire pour la démocratie,
car ce dernier propose des critères concrets et un suivi politique
qui correspondent à l’approche «more for more» de l’Union européenne,
c’est-à-dire le fait que dans le cadre de sa coopération avec les
pays voisins, notamment dans le sud de la Méditerranée, l’Union
européenne souhaite relier assistance accrue et progrès dans la
transformation démocratique. Pour lui, si l’on ne peut guère parler de
vision à long terme ou de stratégie de l’Union européenne en matière
de coopération avec le Conseil de l’Europe dans le cadre de la politique
de voisinage de l’Union européenne, il semble y avoir un terrain
favorable pour renforcer la coopération pratique, à nouveau sur
la base d’une approche pragmatique. M. Vimont a cité le Partenariat
oriental en tant que modèle pour le développement de la coopération
dans le sud de la Méditerranée et évoqué, parmi les institutions
compétentes du Conseil de l’Europe, le rôle particulièrement important
de la Commission de Venise compte tenu de son expérience en matière
d’assistance aux pays dans le cadre des réformes constitutionnelles.
Plutôt que de reproduire les activités de la Commission de Venise
ou d’essayer de réinventer la roue, l’Union européenne a largement
renforcé sa coopération avec cette instance et continuera à le faire.
138. Par ailleurs, les programmes conjoints entre le Conseil de
l’Europe et la Commission européenne, financés en grande partie
par l’Union européenne, restent un outil sans équivalent pour soutenir
le programme de réforme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
ou les pays de ses régions voisines et promouvoir la démocratie
et le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit dans les
pays concernés. Je considère qu’en cette période post-Traité de
Lisbonne et dans le cadre du partenariat actuellement renforcé entre
les deux organisations, ces programmes conjoints et, plus généralement,
les actions conjointes, doivent être développés davantage, notamment
par un partenariat financier plus stable avec le Conseil de l’Europe (financement
par «lignes de crédit») qui permettrait un renforcement de la coopération
stratégique et une planification conjointe à long terme.
139. Pour sa part, l’Assemblée a renforcé sa coopération avec le
Parlement européen à la suite de l’entrée en vigueur du Traité de
Lisbonne, au titre duquel le Parlement européen est devenu colégislateur
avec le Conseil de l’Union européenne dans un certain nombre de
domaines d’action clés qui relèvent de la compétence du Conseil
de l’Europe.
140. Pour plus de précisions sur l’état actuel des relations, on
se référera à un document
préparé récemment à l’attention du Bureau
de l’Assemblée. Pour citer quelques exemples récents, permettez-moi
de rappeler que l’organe informel conjoint, créé début 2011 à l’initiative
du Parlement européen «afin de coordonner le partage d’informations»,
a réussi en seulement deux réunions à résoudre des questions difficiles et
techniquement complexes liées à la participation du Parlement européen
à l’élection des juges après l’adhésion de l’Union européenne à
la Convention, dans un esprit de bonne foi et de dialogue constructif.
Les contacts plus fréquents avec le Parlement européen ont abouti
en novembre 2010 à un échange de vues fructueux entre notre commission
et Mme Heidi Hautala, alors présidente de la sous-commission des
droits de l’homme de la Commission des affaires étrangères du Parlement
européen, et à la participation de plusieurs membres de l’Assemblée
à des réunions ou des auditions organisées par la sous-commission.
Le Comité des présidents de l’Assemblée parlementaire rencontrera
la Conférence des présidents du Parlement européen le 22 septembre 2011.
141. Lors de mes entretiens avec des députés au Parlement européen,
en particulier MM. Brock et Gualtieri ainsi que Mme Hautala, j’ai
également discuté des possibilités d’accroître la coopération entre
notre Assemblée et le Parlement européen en ce qui concerne les
pays participant à la PEV, un grand nombre de thèmes d’intérêt commun
figurant dans nos programmes de travail respectifs, notamment la
situation dans certains pays du Partenariat oriental – comme le
Bélarus – ou du sud de la Méditerranée. A nouveau, les députés ont
manifesté un vif intérêt pour le statut de Partenaire pour la démocratie
créé par notre Assemblée à l’intention des parlements des régions
voisines du Conseil de l’Europe, ainsi que pour la procédure de
suivi ou de dialogue postsuivi avec les Etats membres du Conseil
de l’Europe qui prennent part aux politiques d’élargissement ou
de voisinage de l’Union européenne.
142. A la suite aussi de mes discussions avec des députés européens
et avec mes collègues au sein de l’Assemblée, je propose que l’Assemblée
développe encore ses relations avec le Parlement européen, en s’appuyant
sur l’accord du 28 novembre 2007 relatif au renforcement de la coopération
entre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement
européen, notamment:
- en renforçant
la pratique d’organiser régulièrement des réunions entre, d’une
part, leurs présidents respectifs et, d’autre part, son Comité des
présidents et la Conférence des présidents du Parlement européen
sur la base d’un ordre du jour précis;
- en poursuivant les travaux de leur organe informel conjoint
– qui a été créé à l’initiative du Parlement européen pour améliorer
l’échange d’informations entre les deux institutions et s’est, à
l’origine, réuni dans l’optique de l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention – de manière à examiner, dans une composition variant
selon les besoins, d’autres questions d’actualité présentant un
intérêt commun;
- en développant les échanges de vues et d’informations
ainsi que les activités communes entre les membres de l’Assemblée
et du Parlement européen au niveau des commissions, et en organisant
des réunions régulières entre les présidents des commissions concernées
des deux institutions;
- en étudiant les moyens de contribuer à la consolidation
effective des relations entre le Parlement européen et les parlements
nationaux des Etats membres de l’Union européenne, en sa qualité d’organe
rassemblant les membres de tous ces parlements;
- en organisant avec le Parlement européen des conférences
interparlementaires sur des thèmes particuliers d’intérêt commun;
- en renforçant la coopération dans le cadre des missions
conjointes d’observation des élections.
143. Je considère également qu’après l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention européenne des droits de l'homme, la participation
de représentants du Parlement européen aux séances de l’Assemblée parlementaire
et de ses organes concernés lorsqu’ils exercent leurs fonctions
relatives à l’élection des juges à la Cour de Strasbourg créera
des opportunités concrètes de multiplication des contacts entre
les membres de l’Assemblée et les députés européens. Dans ce contexte,
les groupes politiques de l’Assemblée pourront également jouer un
rôle particulier en cherchant des moyens de faciliter les contacts
avec les députés européens de leurs groupes politiques respectifs.
144. Dernier point, mais non le moindre, je propose que les gouvernements
et les parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi
que l’Union européenne et les organisations de la société civile, promeuvent
la visibilité du partenariat renforcé entre le Conseil de l’Europe
et l’Union européenne en cette période post-Traité de Lisbonne,
et sensibilisent l’opinion publique à la nécessité de consolider
encore ce partenariat dans l’intérêt de tous les citoyens européens.
Pour ce faire, les parlements des Etats membres de l’Union européenne
pourraient notamment tenir des débats réguliers sur des questions
liées aux relations entre les deux organisations, en particulier
entre l’Assemblée et le Parlement européen, et à adresser des questions
parlementaires au gouvernement
.
145. Le Bureau de liaison du Conseil de l’Europe avec l’Union européenne
(Bureau de Bruxelles) joue quant à lui un rôle de plus en plus important
en matière de promotion de la visibilité des relations Conseil de
l’Europe-Union européenne: il fait régulièrement rapport sur la
coopération entre les deux organisations, facilite les contacts
opérationnels et à haut niveau, et présente régulièrement les organes
et activités du Conseil de l’Europe aux institutions de l’Union
européenne et à la presse. J’espère que le potentiel de ce bureau
sera davantage développé dans un proche avenir.
5. Conclusions
146. Comme le montre clairement ce rapport, l’entrée en
vigueur du Traité de Lisbonne a ouvert de nouvelles perspectives
de renforcement du partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne, sur la base de l’acquis et des atouts propres à chacune
des organisations. De mon point de vue, un tel partenariat devrait viser
à garantir la cohérence entre, d’une part, le projet paneuropéen
soutenu par le Conseil de l’Europe et, d’autre part, le processus
d’intégration lancé par l’Union européenne. Il devrait aboutir à
terme à la création d’un espace commun de protection des droits
de l’homme sur l’ensemble du continent, dans l’intérêt de tous les
citoyens européens.
147. De nombreuses mesures allant dans le bon sens ont été prises
récemment, parmi lesquelles:
- les
négociations d’adhésion de l’Union européenne à la Convention, objectif
de longue date qui aboutira à la création d’un espace commun de
protection des droits de l’homme en Europe, qui ont progressé régulièrement
et ont abouti à un projet d’accord d’adhésion;
- l’organe informel conjoint Assemblée parlementaire/Parlement
européen, créé début 2011 à l’initiative du Parlement européen «afin
de coordonner le partage d’informations», qui a réussi en seulement
deux réunions à résoudre des questions difficiles et techniquement
complexes liées à la participation du Parlement européen à l’élection
des juges après l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, dans
un esprit de bonne foi et de dialogue constructif;
- les contacts plus fréquents avec le Parlement européen
qui ont conduit à un échange de vue fructueux avec Mme Heidi Hautala,
alors présidente de la sous-commission des droits de l’homme de
la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, ainsi
qu’à la participation de plusieurs membres de l’Assemblée à des
réunions ou des auditions organisées par la sous-commission;
- l’intensification des contacts à haut niveau entre le
Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et les commissaires de
l’Union européenne ainsi que la haute représentante pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité qui a amélioré la coordination
des politiques;
- les récents événements survenus dans les pays du sud de
la Méditerranée qui ont ouvert de nouvelles perspectives en matière
de développement de la coopération entre les deux organisations,
dans le cadre d’une politique européenne de voisinage révisée du
côté de l’Union européenne, et d’une nouvelle politique de voisinage
du côté du Conseil de l’Europe, politique dont le statut de Partenaire
pour la démocratie auprès de notre Assemblée est un élément essentiel.
L’Union européenne a proposé en mars 2011 un Partenariat pour la
démocratie et une prospérité partagée» aux pays du sud de la Méditerranée,
tandis que notre Assemblée avait créé en 2009 déjà le statut de
Partenaire pour la démocratie à l’intention des parlements des pays
de la même région. Notre Assemblée a octroyé ce statut pour la première
fois en juin 2011 au Parlement du Maroc et une demande émanant du
Conseil national palestinien est en cours d’examen ;
- en ce qui concerne la cohérence des normes entre l’Union
européenne et le Conseil de l’Europe, un processus de révision des
conventions qui a été initié au sein de notre Organisation, processus
qui devrait faciliter l’adhésion de l’Union européenne à des conventions
du Conseil de l’Europe autres que la Convention européenne des droits
de l'homme. Ainsi, l’adhésion de l’Union européenne aux conventions
du Conseil de l’Europe sur la protection des données et sur la cybercriminalité
semble être au programme;
- en ce qui concerne la cohérence du suivi des normes et
la mise en œuvre du Programme de Stockholm, les négociations sur
la participation de l’Union européenne au GRECO qui devraient bientôt
s’ouvrir. Il est à espérer qu’elles ouvriront la voie à une future
adhésion. Dans une récente résolution, le Parlement européen a renouvelé
son appel en faveur de l’adhésion de l’Union européenne à d’autres
organes ou mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, comme le
CPT, l’ECRI ou la CEPEJ.
148. Tout en saluant ces mesures positives, j’estime que le rôle
du Conseil de l’Europe en tant que «référence en matière de droits
de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie en Europe» doit être
davantage développé et pleinement et véritablement reconnu par toutes
les institutions de l’Union européenne post-Traité de Lisbonne.
Il y a lieu de mettre en place une vision stratégique ou à plus
long terme sur les relations entre les deux organisations. S’appuyant
sur le mémorandum d’accord de 2007 entre les deux organisations,
le Traité de Lisbonne et les perspectives offertes par la réforme
en cours du Conseil de l’Europe, le partenariat récemment renforcé
entre les deux organisations devrait être encore consolidé et la
coordination systématique des politiques davantage développée à
tous les niveaux.
149. Afin de mener à bien la construction d’un espace commun de
protection des droits de l’homme au niveau paneuropéen et de garantir
la cohérence des normes et du suivi de leur application par les
Etats membres sur l’ensemble du continent, il faut maintenant s’assurer
le soutien actif de tous les gouvernements et parlements européens,
ainsi que de l’Union européenne. Ces derniers devront:
- renouveler l’engagement politique
qu’ils ont pris lorsqu’ils ont ratifié le Traité de Lisbonne, et/ou
le Protocole no 14 à la Convention européenne des droits de l'homme,
afin de permettre la conclusion rapide de l’accord d’adhésion de
l’Union européenne à la Convention, son adoption et son entrée en vigueur,
guidés par le principe qu’une telle adhésion vise à accroître la
protection des droits fondamentaux de chaque individu;
- promouvoir et faciliter l’adhésion de l’Union européenne
à d’autres conventions majeures du Conseil de l’Europe et à ses
mécanismes et organes de suivi, notamment par la voie de la révision
en cours des conventions du Conseil de l’Europe, en veillant toutefois
à préserver l’essence du système de chaque convention et à ne pas
porter atteinte au bon fonctionnement de ces mécanismes et organes;
- coordonner leur action avec celle de l’Union européenne
dans le domaine des migrations et de l’asile, et poursuivre conjointement
le processus engagé par la conférence de haut niveau sur la situation
des Roms, organisée par le Conseil de l’Europe en octobre 2010;
- garantir la cohérence des activités normatives au sein
des deux organisations, notamment par le biais de consultations
préalables à un stade aussi précoce que possible et à un haut niveau
politique, en plus d’un échange d’informations entre les secrétariats
au niveau opérationnel;
- développer des synergies appropriées entre les organes
et mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe et tout nouveau mécanisme
d’évaluation que l’Union européenne entend établir.
150. Eu égard aux perspectives ouvertes par le Traité de Lisbonne
et aux événements récents survenus dans toute la région du sud de
la Méditerranée, il y a lieu de renforcer l’expertise et le rôle
de conseil et de référence du Conseil de l’Europe dans le contexte
des politiques d’élargissement et de voisinage de l’Union européenne, en
particulier dans la mesure où ces politiques s’appliquent à des
pays qui soit sont membres à part entière du Conseil de l’Europe,
soit font partie de son voisinage.
151. Plusieurs propositions concrètes pour améliorer les relations
entre l’Assemblée et le Parlement européen renforcé par le Traité
de Lisbonne sont formulées dans le projet de résolution. Le même
texte comporte des recommandations plus concrètes aux gouvernements,
aux parlements nationaux et à l’Union européenne, tandis que le
projet de recommandation contient des recommandations au Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe.
152. Je rappelle qu’il est de la plus haute importance que les
gouvernements et les parlements des Etats membres du Conseil de
l’Europe, ainsi que l’Union européenne, promeuvent la visibilité
du partenariat renforcé entre le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne en cette période post-Traité de Lisbonne, et qu’ils sensibilisent
l’opinion publique à la nécessité de consolider encore ce partenariat,
notamment par le biais de débats parlementaires et d’un meilleur
usage du potentiel du Conseil de l’Europe.
153. Pour terminer mon rapport, je souhaiterais émettre une proposition
déjà formulée en 2006 par le Premier ministre du Grand-Duché de
Luxembourg, M. Jean-Claude Juncker, dans le rapport qu’il a préparé
en son nom propre sur les relations entre le Conseil de l’Europe
et l’Union européenne, à la demande des chefs d’Etat et de gouvernement
du Conseil de l’Europe réunis au sommet de Varsovie du Conseil de
l’Europe. Dans la conclusion de son rapport, il y a cinq ans, M. Juncker
écrivait: «Il résulte de la relation de complémentarité entre le
Conseil de l’Europe et l’Union européenne (…) et du renforcement
de la coopération entre les deux ensembles, qui s’impose dans l’intérêt
de la sécurité démocratique des citoyens du continent, qu’un pas supplémentaire
doit être envisagé dans cette relation dès que l’Union européenne
aura été dotée d’une personnalité juridique: l’adhésion de l’Union
européenne au Conseil de l’Europe d’ici à 2010. (…) Elle pourra ainsi
parler directement en son nom dans toutes les instances du Conseil
de l’Europe, et ce sur toutes les questions qui touchent aux intérêts
de l’Union européenne et qui sont de sa compétence. Le tout dans
le cadre d’une dynamique paneuropéenne, que l’Union européenne contribuera
à faire avancer dans l’intérêt général du continent»
.
154. Aujourd’hui, j’estime que l’entrée en vigueur du Traité de
Lisbonne, avec toutes ses conséquences juridiques et politiques
et le remodelage de l’architecture européenne qui en résulte, donne
un regain d’actualité aux propos de M. Juncker lorsqu’il se référait
au Conseil de l’Europe et à l’Union européenne comme «une seule
ambition pour le continent européen», ainsi qu’à la perspective
de l’adhésion de l’Union européenne au Statut du Conseil de l’Europe.
Cette perspective mérite à présent un examen plus approfondi.