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Rapport | Doc. 12747 | 05 octobre 2011

La situation politique dans les Balkans

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Björn von SYDOW, Suède, SOC

Origine - Renvoi en commission: Débat d’urgence, Renvoi 3808 du 3 octobre 2011. 2011 - Quatrième partie de session

Résumé

Malgré une évaluation positive globale de la situation dans les Balkans occidentaux, le récent regain des tensions et l'impasse politique dans certaines parties de la région suscitent des inquiétudes.

Le rapport résume les développements inquiétants dans le nord du Kosovo et en Bosnie-Herzégovine, ainsi que les développements récents en Albanie où une longue crise politique semble avoir touché à sa fin. Il propose une série de recommandations pour résoudre les problèmes dans la région.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			.
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 4
octobre 2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire constate que, malgré une évaluation positive globale de la situation dans les Balkans, la récente aggravation des tensions et de l’impasse politique dans certaines parties de la région provoque des inquiétudes. Elle est préoccupée en particulier par:
1.1. les affrontements violents dans le nord du Kosovo 
			(2) 
			.
Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit
à son territoire, ses institutions ou sa population, doit se comprendre
en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations Unies et sans préjuger de son statut. aux points de passage administratifs avec la Serbie, qui ont fait un mort au cours de l’été, et la persistance des tensions et des éruptions de violence aujourd’hui encore, ce qui bloque tout progrès dans les négociations entre Pristina et Belgrade sous la médiation de l’Union européenne;
1.2. l’impasse politique en Bosnie-Herzégovine, qui, un an après les élections générales d’octobre 2010, ne dispose toujours pas de gouvernement au niveau étatique, ce qui constitue la crise politique la plus grave depuis la fin de la guerre en 1995.
2. En ce qui concerne le regain de tensions et de violences dans le nord du Kosovo, l’Assemblée:
2.1. regrette vivement les actes les plus récents de violence touchant le personnel de la Force de paix au Kosovo (KFOR) qui sert sous commandement de l’OTAN;
2.2. réclame d'urgence l'ouverture d'une enquête objective sur l'incident survenu au point de passage administratif de Jarinje le 27 septembre 2011, où six personnes ont essuyé des tirs;
2.3. invite les habitants du nord du Kosovo à faire preuve de retenue et à coopérer sans délai dans un esprit constructif avec la KFOR et avec la Mission Etat de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX);
2.4. invite les autorités de Pristina à apporter une réponse positive et attentive à toute préoccupation légitime des minorités dans la région;
2.5. exhorte les autorités de Belgrade et de Pristina à reprendre le dialogue sous la médiation de l’Union européenne sur toutes les questions en souffrance, dans un esprit de coopération et de réconciliation, y compris la situation dans le nord du Kosovo; tout doit être fait pour que, dans les Balkans occidentaux, le nord du Kosovo ne reste pas un trou noir échappant au contrôle des autorités à la fois de Pristina et de Belgrade;
2.6. en appelle aux Etats membres du Conseil de l’Europe pour qu’ils exhortent les autorités de Belgrade et de Pristina à rechercher une solution pacifique à la question du nord du Kosovo;
2.7. invite son Comité des présidents à envisager d'envoyer une mission dans la région pour intensifier le dialogue et surmonter les tensions;
2.8. souligne que les priorités des acteurs régionaux et internationaux dans la région doivent rester la sécurité, la stabilité, le respect des droits de l’homme et l'intégrité des frontières internationalement reconnues, à la fois au Kosovo et dans toute la région.
3. S’agissant de l’impasse politique en Bosnie-Herzégovine, l’Assemblée:
3.1. note que, en raison de querelles d’ordre ethnique sur la répartition des postes ministériels entre les dix membres du Conseil des ministres, cette impasse a entraîné de graves conséquences: les agences financières internationales ont abaissé la note du pays; les investissements directs étrangers ont baissé de 75 % depuis 2009; le chômage frappe plus de 43 % de la population active; l’Etat fonctionne avec un budget provisoire étant donné que le budget de l’Etat n’a toujours pas été adopté;
3.2. regrette que le gouvernement sortant n’ait pas été en mesure de lancer les réformes nécessaires pour que la Bosnie-Herzégovine se prépare à adhérer à l’Union européenne, si bien que l’accord de stabilisation et d’association, ratifié par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne depuis octobre 2010, n’est toujours pas entré en vigueur;
3.3. exhorte tous les dirigeants de partis politiques à trouver sans délai une solution à l’impasse politique, ce qui offrirait au pays la perspective d’une intégration européenne et d’une coopération régionale renforcée;
3.4. invite, une fois de plus, les autorités à exécuter sans délai l’arrêt Sejdic et Finci de la Cour européenne des droits de l’homme en garantissant aux minorités ou aux «autres» personnes qui ne font pas partie des «trois peuples constituants» (les Bosniaques, les Croates et les Serbes) le droit de se présenter aux élections;
3.5. exhorte tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à proposer une assistance aux autorités de Bosnie-Herzégovine pour qu'elles surmontent l'impasse politique et la détérioration de la situation économique et respectent leurs obligations et engagements auprès de l’Organisation.
4. En ce qui concerne la situation en Albanie, l’Assemblée:
4.1. se félicite que les élections locales de 2011 soient officiellement achevées maintenant et que leur résultat ait été accepté par les électeurs albanais;
4.2. note l’engagement du chef du parti socialiste de mettre fin au boycott du parlement par son parti;
4.3. encourage l’ensemble des partis à œuvrer sans délai pour renforcer leur fonctionnement démocratique interne et pour normaliser la situation politique et entamer un dialogue politique au sein du parlement sur les priorités et les réformes nécessaires à réaliser, mais aussi à le faire dans l’optique des négociations d’adhésion à l’Union européenne;
4.4. salue le récent accord conclu entre le parti démocrate et le parti socialiste pour faire avancer la réforme électorale et les exhorte à veiller à ce que la réforme remédie aux carences constatées lors des élections législatives et locales et donne davantage de chances aux petits partis d’entrer au parlement, de façon à mettre fin à la bipolarisation politique qui a marqué la vie politique en Albanie et qui a laissé le peuple albanais insatisfait ces dernières décennies. L’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) devrait être recherché dans le processus de réforme électorale.
5. L’Assemblée décide de continuer à suivre de près la situation dans les Balkans occidentaux et notamment au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine et en Albanie.

B. Exposé des motifs, par M. von Sydow, rapporteur

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1. Introduction

1. A la suite de la demande d’un débat suivant la procédure d’urgence sur la situation politique dans les Balkans, la commission des questions politiques m’a désigné rapporteur le 3 octobre 2011. Cette décision a été dictée par l’aggravation récente des tensions et de l’instabilité politique dans les Balkans, en particulier par les violents affrontements dans le nord du Kosovo 
			(3) 
			.
Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit
à son territoire, ses institutions ou sa population, doit se comprendre
en pleine conformité avec la Résolution 1244 du
Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjuger de son statut. aux points de passage administratifs avec la Serbie, qui ont fait un mort pendant l’été, entretenu la tension et favorisé une explosion de violence jusqu’à aujourd’hui encore, bloquant tout progrès dans les négociations engagées sous la médiation de l’Union européenne entre Pristina et Belgrade; et également par l’impasse politique en Bosnie-Herzégovine qui, un an après les élections générales d’octobre 2010, reste sans gouvernement au niveau de l’Etat, ce qui constitue la crise politique la plus longue du pays depuis la fin de la guerre en 1995.
2. En Albanie, la longue crise politique qui a suivi les dernières élections locales semble s’être terminée par l’achèvement officiel des élections locales et la décision du dirigeant du parti socialiste de mettre fin au boycott du parlement par son parti.
3. Il convient de rappeler que, le 26 janvier 2011, l'Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1786 (2011) et la Recommandation 1954 (2011) sur la réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie dans lesquelles elle soutient les efforts des pays de l’ex-Yougoslavie pour se réconcilier et pour reconstruire une nouvelle relation entre eux, et se félicite de leur engagement à l’égard de la coopération régionale, qui témoigne d’une plus forte volonté de surmonter les séquelles du passé. Elle estime que des efforts renouvelés de la part de tous les gouvernements de la région sont nécessaires afin de parvenir à une véritable réconciliation et à leur intégration euro-atlantique. Les récentes tensions dans le nord du Kosovo et l'impasse politique en Bosnie-Herzégovine représentent une menace pour le processus de réconciliation et d'intégration euro-atlantique.

2. Kosovo

4. Il convient de rappeler que depuis la déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008, les institutions du Kosovo se considèrent comme les autorités souveraines et légitimes du territoire et qu’elles ont pris des mesures pour affirmer le statut d’Etat du Kosovo. 84 Etats membres des Nations Unies ont reconnu l’indépendance du Kosovo. Pour sa part, la Serbie revendique le Kosovo comme faisant partie de son propre territoire souverain.
5. L’Assemblée a exprimé tout récemment son point de vue sur le Kosovo en adoptant la Résolution 1739 (2010) et la Recommandation 1923 (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, sur la base d’une approche de neutralité quant au statut du Kosovo 
			(4) 
			. Voir aussi la Résolution 1782 (2011),
adoptée le 25 janvier 2011, sur l’enquête sur les allégations de
traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes
humains au Kosovo..
6. Responsable du rapport sur cette question, j’ai depuis lors continué à suivre la situation. Je me suis ainsi rendu au Kosovo en novembre 2010 avant la tenue des élections.
7. Dans sa réponse à la recommandation de l’année dernière, le Comité des Ministres a mis en relief les programmes de coopération déjà engagés au Kosovo (pour l’essentiel dans le cadre de projets communs Conseil de l’Europe – Union européenne). Il a reconnu que tout processus de suivi concernant la situation au Kosovo n’aurait de sens que si les autorités compétentes du territoire y participaient directement et étaient responsables des suites données aux recommandations. Il convient de saluer tout particulièrement la volonté exprimée par les Délégués des Ministres de lancer une étude de faisabilité sur la mise en œuvre des mécanismes de suivi des conventions du Conseil de l’Europe au Kosovo.
8. Le nord du Kosovo désigne une région située dans le nord du territoire où une majorité de Serbes de souche jouit d’une large autonomie face au reste du territoire contesté, qui est habité par une majorité d’albanophones. Des institutions serbes parallèles existent dans cette région pour les Serbes qui y vivent, situation qui est manifestement contestée par les institutions kosovares. La Force de paix au Kosovo (KFOR), sous commandement de l’OTAN, assure la sécurité contre les menaces extérieures et intérieures dans tout le territoire du Kosovo.
9. A la fin de juillet 2011, les tensions se sont aggravées dans le nord du Kosovo en raison de la décision du Gouvernement kosovar d’envoyer des forces de police spéciales prendre le contrôle de deux points de passage à la frontière administrative avec la Serbie pour faire respecter l’interdiction de l’importation de produits serbes. Les points de passage étaient gardés jusque-là par des membres serbes de la police kosovare. Le Gouvernement kosovar les soupçonnait de ne pas mettre en vigueur les contrôles douaniers. La volonté des autorités kosovares de prendre le contrôle des points de passage s’est heurtée à la résistance des Serbes de souche du nord du territoire. Ces derniers ont bloqué des routes pour exiger qu’une solution soit trouvée à la question du contrôle des postes. Un officier de police kosovar a été tué le 25 juillet 2011 et des violences ont éclaté. Le 28 juillet 2011, alors que la tension montait, les deux points de passage ont été déclarés zones militaires à accès restreint par la KFOR.
10. En dépit d’une demande de la Serbie au Conseil de sécurité des Nations Unies d’empêcher les autorités kosovares de prendre le contrôle des points de passage, le 16 septembre 2011, la Mission Etat de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX) a déployé des fonctionnaires des douanes et de la police des frontières, protégés par les forces de la KFOR.
11. A ce jour, les tensions restent vives dans le Nord et se traduisent par des éruptions de violence entre les forces de la KFOR et les Serbes du Kosovo, qui rejettent toujours la présence de fonctionnaires des douanes du Kosovo aux points de passage entre le Kosovo et la Serbie.
12. En raison de l’escalade de la tension, une série de négociations entre Belgrade et Pristina, qui devaient avoir lieu les 27 et 28 septembre 2011 à Bruxelles grâce aux bons offices de l’Union européenne, ont été ajournées sine die. A l’origine, les autorités serbes voulaient sortir de l’impasse en mettant la question à l’ordre du jour du dialogue qui se déroule régulièrement avec Pristina par l’entremise de l’Union européenne, mais le Gouvernement kosovar a refusé de l’aborder. Le 28 septembre 2011, la Serbie s’est retirée de la réunion de dialogue prévue avec la médiation de l’Union européenne après avoir déclaré qu’elle ne parlerait que de la situation à la frontière. Il sera probablement extrêmement difficile de reprendre les négociations tant que la situation ne sera pas réglée dans le nord du Kosovo.
13. Il y a eu une vive réaction internationale aux derniers événements qui se sont produits au Kosovo.
14. Catherine Ashton, Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a exhorté les deux parties à s’abstenir de prendre d’autres mesures et à rechercher une solution pacifique au problème par le dialogue. Les Etats-Unis ont accusé les Serbes de provoquer des violences, tandis que le ministère russe des Affaires étrangères a exprimé sa profonde préoccupation au sujet de la situation au Kosovo en soulignant que le conflit, largement perçu comme un incident frontalier, pourrait déstabiliser la situation dans toute la région.
15. Le 28 septembre, les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies se sont réunis pour des consultations d’urgence à New York afin de discuter de la situation dans le sud de la Serbie, mais ils ne sont pas parvenus à trouver une position commune sur le conflit.
16. A Pristina, le gouvernement et l’opposition étaient unanimes à faire valoir que les actions des autorités kosovares étaient légitimes et qu’elles devraient être poursuivies jusqu’à ce que le contrôle des postes-frontières soit pleinement assuré. Le 29 septembre, Bajram Rexhepi, ministre de l’Intérieur du Kosovo, a déclaré que les barrages routiers installés par les Serbes du cru seraient supprimés, tout en promettant que les autorités kosovares ne prendraient pas de mesure unilatérale et que toute action serait menée en coordination avec les forces de la KFOR et la mission de l’Union européenne.
17. Le Gouvernement serbe a fermement condamné les violences au Kosovo. Il a invité la KFOR et l’EULEX à garantir la sécurité sur le territoire et à ne pas tolérer les mesures unilatérales de Pristina. Il a également déclaré qu’il ne renoncerait pas à rechercher une solution pacifique à la question kosovare.
18. Il est malheureux de constater que la question du contrôle de la frontière du nord du Kosovo est maintenant examinée dans un contexte de crise et de tensions.
19. 19. Cependant, il convient de saluer le fait que les autorités serbes ont montré qu’elles sont attachées au dialogue et qu’elles sont disposées à rechercher une solution à des problèmes spécifiques.
20. Alors que l’arrestation, plus tôt cette année, de Radko Mladic, l’ex-chef militaire des Serbes de Bosnie, et celle de Goran Hadzic, le chef des Serbes de Croatie, semblaient avoir levé les derniers obstacles à la reconnaissance à la Serbie du statut de candidat à l’Union européenne, le 22 août, la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé qu’elle exigerait que la Serbie devienne un facteur de stabilisation dans les Balkans, en particulier en apaisant ses relations avec le Kosovo. Elle espérait que la coalition gouvernementale pro-occidentale conduite par le parti démocrate du Président Boris Tadic abandonnerait sa politique paradoxale consistant à demander à adhérer à l’Union européenne tout en contestant l’indépendance du Kosovo.
21. Il semble peu probable que la Serbie avance considérablement sur la voie d'une normalisation de ses relations avec le Kosovo avant les élections qui y sont prévues en 2012. L'objectif de la coalition au pouvoir sera de trouver un juste équilibre entre l'obtention du statut de pays candidat à l'Union européenne et la résistance aux pressions qui visent à faire reconnaître le Kosovo. Cet équilibre devrait sensiblement renforcer la position des partenaires de la coalition actuelle lors des prochaines échéances électorales. Cela étant, si la Serbie obtient le statut de candidat mais ne satisfait pas aux exigences de la chancelière Merkel, l'Union européenne perdra ses moyens de pression vis-à-vis de la Serbie dans ses efforts de stabilisation des Balkans.
22. En même temps, la situation au nord du Kosovo retarde l’avancement du Kosovo lui-même vers l’intégration européenne, y compris le processus de libéralisation des visas pour la population du Kosovo.
23. Je crois que la solution réside dans la recherche d’un compromis entre les deux parties, qui devraient faire des concessions. Un accord politique sur l’administration du nord du territoire est une condition préalable à une solution durable. Il est essentiel d’y parvenir, au nom de la stabilité dans les Balkans, mais aussi des demandes d’adhésion de Belgrade et de Pristina à l’Union européenne.

3. Bosnie-Herzégovine

24. Le 3 octobre 2011 marque le premier anniversaire des élections générales tenues en octobre 2010. Un an plus tard, la Bosnie-Herzégovine n’a toujours pas de gouvernement au niveau de l’Etat. C’est la crise politique la plus longue depuis la fin de la guerre en 1995.
25. Le gouvernement sortant s’occupe des affaires courantes, mais il ne peut introduire les réformes nécessaires pour que la Bosnie-Herzégovine soit en position de rejoindre l’Union européenne. L’Accord de stabilisation et d’association (ASA), ratifié par tous les Etats membres de l’Union européenne depuis octobre 2010, n’a toujours pas été mis en œuvre, car la Bosnie-Herzégovine se trouverait immédiatement en infraction avec l’accord, pour n'avoir pas adopté de loi sur le recensement, de loi sur les aides d’Etat ni de réforme constitutionnelle visant à éliminer la discrimination que la Cour européenne des droits de l’homme a estimée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sejdic et Finci, en décembre 2009.
26. Une telle situation a des conséquences désastreuses: les agences de notation internationales ont abaissé les cotes de crédit du pays; les investissements directs étrangers ont chuté de 75 % depuis 2009; le chômage est à plus de 43 % de la population active; l’Etat fonctionne avec des financements temporaires, étant donné qu’aucun budget de l’Etat n’a encore été adopté; et, bien sûr, la réputation du pays à l’étranger a été sérieusement mise à mal. La lutte entre les différents niveaux de gouvernement (Etat, entités, cantons) au sujet de la répartition des 96 millions d’euros affectés par l’Union européenne dans le cadre de l’Instrument de préadhésion (IPA) pour 2011 pourrait se traduire par une réaffectation partielle des crédits aux programmes régionaux, tandis que le Fonds monétaire international pourrait ne pas pouvoir verser la deuxième tranche de l’accord de confirmation de 1,2 milliard d'euros. La faillite et le surendettement menacent dans les deux entités.
27. La cause fondamentale de ce problème est la querelle d'ordre ethnique sur la répartition des postes ministériels au sein du Conseil des ministres, composé de 10 membres. Il y a neuf ministères (et neuf vice-ministres), plus un Président, et ces postes doivent être partagés entre les principaux partis ethniques représentant les trois peuples constituants: les Bosniaques, les Serbes et les Croates 
			(5) 
			.
La Constitution de Dayton prévoit que la Fédération de Bosnie-Herzégovine,
l’une des deux entités composant la Bosnie-Herzégovine, ne peut
pas désigner plus des deux tiers des ministres. Chaque ministre
peut avoir un vice-ministre, qui doit être d’un autre peuple constituant..
28. Rappelons que le principal gagnant des élections d’octobre 2010 est le Parti social-démocrate multiethnique. La coalition qu’il forme avec le principal parti bosniaque (le SDA) et deux petits partis croates (le HSP et le NSRzB) détient 17 des 42 sièges du parlement de l’Etat et revendique par conséquent le poste de Président du Conseil des ministres. Son candidat, M. Slavo Kukic, un croate ethnique sans étiquette, n’a cependant pas été confirmé par le parlement en juillet 2011, en raison de l’opposition des partis serbes et des partis croates du courant majoritaire.
29. La loi sur le Conseil des ministres prévoit que la présidence, composée de trois membres, aurait dû présenter de nouveaux candidats au poste de Président du Conseil des ministres dans un délai de huit jours. Or, à ce jour, les membres de la présidence attendent la conclusion d’un accord entre partis sur la répartition des postes. Le 26 septembre 2011, à Brčko, la dernière réunion des dirigeants des six principaux partis n’a donné aucun résultat, bien que les principaux partis serbes (le SNSD et le SDS 
			(6) 
			. Le
SNSD et le SDS ont formé une coalition au niveau de l’Etat, occupant
12 sièges au parlement de l’Etat, mais ils sont dans l’opposition
au niveau de l’entité en Republika Srpska.) aient fait preuve d’un peu plus de souplesse qu’auparavant. L’obstacle essentiel reste celui de la répartition des postes «réservés» aux Croates: aussi bien l’Union démocratique croate (HDZ) que le sécessionniste HDZ-1990 qui, à eux deux, détiennent quatre sièges au parlement de l’Etat, soutiennent qu’ils sont les seuls représentants «légitimes» des Croates de Bosnie-Herzégovine et exigent par conséquent trois ministères, notamment le poste de Président du Conseil des ministres. Ils n’acceptent pas que les Croates ethniques membres du Parti social-démocrate multiethnique puissent être des représentants légitimes du peuple croate, étant donné que certains d’entre eux, notamment le membre croate de la présidence, ont été élus avec l’aide de voix bosniaques.
30. L’impasse politique ne favorise pas la confiance multiethnique et le sens du bien commun pour le pays. Elle a, en outre, renforcé l’allégation des autorités de la Republika Srpska, selon lesquelles une «séparation pacifique» serait une meilleure solution. Pour sa part, la communauté croate, qui représente entre 10 % et 12 % de la population totale (tandis que les Bosniaques représentent de 40 % à 48 % des 3,9 millions d’habitants du pays), craint d’être marginalisée et de perdre son importance politique.
31. Si les dirigeants des partis n’agissent pas rapidement pour régler les problèmes, la Bosnie-Herzégovine risque de devenir un trou noir dans les Balkans occidentaux: en effet, la Constitution de l’Etat et sa législation électorale ne prévoient pas la possibilité de tenir des élections anticipées. L’impasse politique pourrait en théorie durer jusqu’aux prochaines élections générales, prévues en 2014.
32. En outre, la situation affecte la coopération régionale. Les relations avec la Serbie se sont améliorées lentement au cours des dernières années, mais la Bosnie-Herzégovine, qui est le seul pays de la région à ne pas avoir reconnu le Kosovo, violait jusqu’il y a peu l’Accord de libre-échange centre-européen (ALECE) en refusant de reconnaître les tampons des douanes portant les symboles du Kosovo ou l’inscription «Service des douanes du Kosovo» (tels que reconnus par la MINUK). Par ailleurs, le processus dit de Sarajevo visant à trouver une solution globale au problème des réfugiés et des personnes déplacées dans la région n’est pas encore suffisamment monté en puissance.
33. La Bosnie-Herzégovine n’a pas non plus respecté ses obligations et ses engagements à l’égard du Conseil de l’Europe. En particulier, près de deux ans après l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, il n’y a pas eu d’efforts crédibles en vue d’assurer l’exécution de l’arrêt Sejdic et Finci c. Bosnie-Herzégovine. Les minorités ou les «autres» n’appartenant pas aux «trois peuples constituants» (les Bosniaques, les Croates et les Serbes) ne peuvent toujours pas présenter de candidats aux élections.

4. Albanie

34. L'Albanie a récemment connu une grave crise politique à propos des résultats de l'élection municipale de Tirana, laquelle trouvait déjà son origine dans une crise politique survenue à la suite des élections législatives de juin 2009.
35. Le parti socialiste, alléguant des fraudes dans un certain nombre de circonscriptions, a fait appel des résultats des élections législatives de 2009 auprès de la Commission électorale centrale, puis devant le Collège électoral 
			(7) 
			. Le Collège électoral
est la plus haute juridiction électorale du pays.. Dans les deux cas, les recours du parti socialiste ont été rejetés. Pour protester contre l'issue des élections, le parti socialiste a décidé de boycotter les travaux du parlement et d'un certain nombre d'institutions publiques. Etant donné que la majorité au pouvoir n'a pas la majorité qualifiée des trois cinquièmes nécessaire pour procéder à des modifications constitutionnelles et organiques, ce boycott a eu des effets négatifs sur la mise en œuvre d'un certain nombre de réformes importantes, indispensables dans la perspective de l'éventuelle adhésion du pays à l'Union européenne, qui est l'une des principales priorités politiques de l'Albanie. Le parti socialiste a fini par mettre fin à son boycott du parlement et l'a remplacé par une «relation conditionnelle avec le parlement». Cette décision était essentiellement dictée par le souhait de ne pas perdre ses mandats parlementaires, ce qui aurait été le cas si ses membres n'avaient pas prêté serment dans un délai de six mois après les élections. Le parti socialiste était certes revenu officiellement au parlement sans pour autant mettre fin, en réalité, à l'immobilisme et à l'impasse politique. Cette situation a, à son tour, marqué la préparation des élections locales qui se sont tenues le 8 mai 2011.
36. A la suite de ces élections, le 23 juin 2011, M. Lulzim Basha (parti démocrate) a été officiellement déclaré vainqueur du scrutin pour la mairie de Tirana avec une avance de 93 voix sur son rival, le maire sortant Edi Rama (parti socialiste). Les décisions de la Commission électorale centrale ont été vivement contestées et ont fait l’objet de plusieurs recours. Le parti socialiste a exigé un nouveau scrutin auprès du Collège électoral. Cependant, celui-ci a rejeté ces recours et ces exigences pour des motifs juridiques. Le 1er août 2011, M. Basha est devenu le nouveau maire de Tirana.
37. Selon les informations communiquées par les corapporteurs de la commission de suivi sur l'Albanie, M. Jirsa et M. Petrenco, concernant leur récente mission d'information à Tirana (30 juin - 1er juillet 2011) 
			(8) 
			. La note d’information a été
rendue publique par décision de la commission de suivi en date du
8 septembre 2011, document AS/Mon (2011) 21 rev., les élections locales de 2011 en Albanie sont désormais officiellement terminées et il semble que les résultats aient été acceptés par la population albanaise, si ce n'est par l'ensemble de ses dirigeants politiques.
38. Il est encourageant de voir que la communauté internationale a agi à l'unisson sous la coordination des ambassadeurs de l'Union européenne, des Etats-Unis et de l'OSCE.Cela a été fort utile pour éviter l'escalade et l'internationalisation de la crise et a contribué à l'acceptation finale des résultats de ces élections par les partenaires électoraux, y compris et surtout par les électeurs albanais.
39. Le dirigeant du parti socialiste, M. Rama, a expressément promis que son parti ne boycotterait plus le parlement et qu'il participerait de nouveau aux travaux de celui-ci après la pause estivale.Il importe désormais que tous les partis s'emploient à normaliser la situation politique et qu'ils entament, au sein du parlement, un dialogue politique sur les priorités du pays, également en vue des négociations d'adhésion à l'Union européenne.
40. Je salue aussi l'accord que le parti démocrate au pouvoir et le parti socialiste ont récemment conclu pour poursuivre la réforme électorale en vue de remédier aux insuffisances mises au jour lors des élections législatives et des élections locales. Il conviendrait également que cette réforme offre aux petits partis davantage de possibilités d'entrer au parlement, ce qui permettrait de renforcer la représentativité et le pluralisme et mettrait fin à la bipolarisation qui caractérise la scène politique albanaise depuis plusieurs dizaines d'années et crée dans la population une grande frustration. Il importe tout autant de mettre un terme aux pratiques de négociation et de modification du code électoral à la veille de chaque élection.
41. A ce propos, on peut noter que le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe a écrit aux autorités albanaises, les informant de son intention de demander à la Commission de Venise un avis sur la manière d'éviter à l'avenir les insuffisances constatées pendant les élections locales. Ce geste a été considéré par certains interlocuteurs des corapporteurs comme une forme possible d'ingérence dans les procédures judiciaires internes. Je considère pour ma part que les intentions du Secrétaire Général ont été mal comprises et je soutiens sans réserve sa proposition qui vise à améliorer le Code électoral et à le rendre plus clair en vue d'élections futures.
42. Je crois savoir que les corapporteurs de la commission de suivi ont l'intention de se rendre à nouveau en Albanie en vue d'évaluer les progrès accomplis par le pays pour honorer toutes les obligations et tous les engagements souscrits lors de son adhésion au Conseil de l'Europe. Il est très important que l'impasse politique ne continue pas de paralyser les procédures législatives et l'adoption des réformes indispensables pour le pays, notamment pour entamer les négociations d'adhésion à l'Union européenne.

5. Nécessité de suivre de près la situation

43. L’Albanie et la Bosnie-Herzégovine font l’objet d’une procédure de suivi par l’Assemblée. La situation dans ces deux pays est et devrait continuer à être suivie de près par la commission de suivi.
44. Pour sa part, la commission des questions politiques suit de près la situation au Kosovo. Une nouvelle visite doit être prochainement organisée et nous devrions tenir un échange de vues sur la situation générale au Kosovo avec des représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo, selon les termes de la Résolution 1739 (2010), lors d’une de nos prochaines réunions.
45. Par conséquent, sur la base des travaux de sa commission des questions politiques, d’un côté, et de sa commission de suivi, de l’autre, l’Assemblée doit continuer à suivre de près la situation dans ces pays et, le cas échéant, dans d’autres pays des Balkans afin de promouvoir la sécurité, la stabilité et le respect de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme. Des recommandations concrètes sont faites dans le projet de résolution.