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Recommandation 1327 (1997)

Protection et renforcement des droits de l'homme des réfugiés et des demandeurs d'asile en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 avril 1997 (14e séance) (voir Doc. 7783, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, rapporteuse: Mme Brasseur). Texte adopté par l’Assemblée le 24 avril 1997 (14e séance).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle et réaffirme sa Recommandation 1236 (1994) relative au droit d’asile, sa Recommandation 1237 (1994) relative à la situation des demandeurs d’asile déboutés, et sa Recommandation 1309 (1996) relative à la formation du personnel accueillant des demandeurs d’asile aux postes frontière.
2. Le nombre de demandeurs d’asile a augmenté régulièrement dans les Etats membres du Conseil de l’Europe au début des années 90 pour atteindre un niveau tel que de nombreux pays européens ont eu du mal à traiter les demandes. De plus, en raison des difficultés économiques et des tensions sociales, l’opinion publique est devenue de plus en plus hostile aux arrivées massives de demandeurs d’asile.
3. En conséquence, presque tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ont modifié leur législation en matière d’asile pour la rendre plus restrictive; ils ont aussi plus fréquemment recours à certaines notions telles que le «statut de protection temporaire» et le «droit de séjour pour raisons humanitaires», et ils ont conclu un certain nombre de traités multilatéraux et d’accords bilatéraux de réadmission.
4. Ces politiques restrictives ont entraîné une diminution considérable du nombre de demandeurs d’asile. Parallèlement, les procédures appliquées en matière d’asile par de nombreux pays européens ont cessé d’être conformes aux normes minimales sur certains points fondamentaux, ce qui est préoccupant du point de vue du respect des droits de l’homme des demandeurs d’asile.
5. L’Assemblée parlementaire s’inquiète de voir appliquer des pratiques visant à restreindre l’accès à la procédure de demande d’asile; elle s’inquiète aussi des lacunes constatées dans la procédure de détermination du statut de réfugié.
6. En raison de l’absence d’harmonisation à l’échelle européenne des politiques en matière d’asile, le «partage de la charge» est inégal, et l’on cherche continuellement à déplacer la responsabilité toujours plus vers l’est.
7. L’absence de règles régissant clairement la détention et l’expulsion des demandeurs d’asile est source de violations des droits de l’homme.
8. L’Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres:
8.1. d’intensifier davantage la coopération à l’échelle européenne dans le domaine des politiques d’asile;
8.2. de prendre l’initiative d’élaborer un accord contraignant entre les Etats membres, accord qui fixe des normes minimales harmonisées concernant les procédures d’asile, et qui tienne compte des dispositions de la résolution adoptée le 14 novembre 1996 par le Parlement européen sur les garanties minimales pour les procédures d’asile;
8.3. d’insister auprès des Etats membres qui n’ont pas encore signé la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (1951) et son protocole de New York (1967) pour qu’ils signent ces instruments le plus rapidement possible, et de demander instamment aux Etats membres concernés de lever les limites géographiques qu’ils ont fixées au moment de la signature;
8.4. de charger le comité compétent de faire des propositions de normes minimales à appliquer lors de la mise en œuvre des procédures accélérées de détermination du statut de réfugié;
8.5. d’entreprendre une réforme de la Convention européenne des Droits de l’Homme afin que les dispositions de l’article 36 du Règlement intérieur de la Commission européenne des Droits de l’Homme concernant des mesures provisoires (telles que la suspension des arrêtés d’expulsion) s’imposent à tous les Etats signataires de la Convention;
8.6. de demander instamment aux Etats membres parties à la convention de Dublin relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés européennes de modifier celle-ci afin de permettre aux demandeurs d’asile d’exprimer un choix quant au pays où ils souhaitent demander asile, dès lors qu’ils peuvent faire la preuve d’un lien avec ce pays;
8.7. de demander instamment aux Etats membres:
a. d’adopter une législation nationale permettant aux victimes de tortures ou d’autres violations graves des droits de l’homme d’intenter dans le pays d’accueil une action civile en réparation à l’encontre des personnes coupables de ces violations, dans l’esprit de la loi de recours contre les étrangers (Alien Tort Claims Act) aux Etats-Unis, et de déterminer dans quelle mesure il serait possible d’élaborer une convention européenne ayant cet objectif;
b. de décider d’inscrire les persécutions fondées sur le sexe parmi les critères déterminant l’octroi du droit d’asile;
c. d’inclure, dans les accords de réadmission auxquels ils sont parties, des dispositions garantissant la protection des demandeurs d’asile;
d. de faire en sorte que les principes de «pays tiers sûr» et de «pays d’origine sûr» ne soient pas appliqués de manière arbitraire, et que les critères employés pour déterminer quels sont les pays «sûrs» soient précis et s’inspirent de ceux recommandés par le Comité ad hoc d’experts sur les aspects juridiques de l’asile territorial, des réfugiés et des apatrides (CAHAR);
e. de faire tout leur possible pour que les procédures d’asile soient conformes aux principes essentiels régissant l’accès à la procédure, le droit à une audience équitable et le droit de recours, tels qu’ils figurent dans la Conclusion no 8 (XXVIII) «Détermination du statut de réfugié», adoptée en 1977 par le Comité exécutif du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR);
f. de prévoir dans leur législation l’effet suspensif de tout recours juridictionnel;
g. de recourir en priorité à des méthodes non privatives de liberté, comme les systèmes de surveillance, l’obligation de se présenter régulièrement devant une autorité, la liberté sous caution ou d’autres systèmes de garantie;
h. d’élaborer et de diffuser des critères précis pour déterminer quels demandeurs d’asile doivent être détenus, conformément à la Conclusion no 44 (XXXVII) «Détention des réfugiés et des personnes en quête d’asile», adoptée en 1986 par le Comité exécutif du HCR, étant précisé que les enfants non accompagnés ne peuvent être placés en détention;
i. d’introduire dans leur législation en matière d’asile, s’ils ne l’ont pas encore fait, des règles fixant la durée maximale de détention des demandeurs d’asile;
j. de revoir et, le cas échéant, d’améliorer les conditions de détention, et en particulier de ne pas détenir les demandeurs d’asile avec les prisonniers de droit commun;
k. de réexaminer les procédures employées lors des expulsions forcées afin d’éliminer les traitements inhumains, et en particulier d’établir un système d’observation des procédures d’expulsion, y compris un contrôle sur le lieu de destination;
l. de coopérer plus étroitement avec le HCR et les organisations non gouvernementales locales, notamment leur permettre d’observer, dans le cadre d’arrangements spéciaux, la situation des personnes expulsées;
m. de soutenir les programmes d’aide au retour des réfugiés mis en place par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM);
n. de se conformer au principe de retour volontaire des bénéficiaires d’une protection temporaire, et de s’assurer que tout rapatriement forcé qui sera jugé nécessaire ait un caractère exceptionnel et soit effectué d’une façon conforme aux recommandations du HCR, en coopération étroite avec cette organisation;
o. d’inclure, dans la notion de famille du demandeur d’asile, les membres lui appartenant de facto (famille naturelle), par exemple le concubin ou les enfants naturels du demandeur d’asile, ou encore les personnes qui sont âgées ou infirmes ou qui dépendent de lui de toute autre manière;
p. de permettre aux membres d’une même famille d’être réunis dès le stade de la procédure de détermination du statut de réfugié, car celle-ci dure parfois très longtemps;
q. de permettre aux membres d’une même famille d’être réunis dès le stade de la procédure de détermination du statut de réfugié, car celle-ci dure parfois très longtemps;
r. de revoir leur politique en matière de regroupement familial à l’égard des personnes bénéficiant d’un statut de protection temporaire ou d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires;
s. de revoir leurs politiques en matière d’aide et de droits sociaux pour que les demandes d’asile soient bien traitées cas par cas, notamment pour faire en sorte qu’il n’y ait aucune discrimination à l’encontre de certaines catégories de demandeurs d’asile, comme ceux que l’on appelle les «demandeurs tardifs»;
t. d’élaborer des programmes visant à intégrer les réfugiés dans la société d’accueil et à préparer leur éventuel retour (y compris des projets destinés à leur donner des compétences professionnelles et à leur procurer un revenu, afin qu’ils deviennent autonomes);
u. de signer et de ratifier la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et d’introduire dans leur législation nationale des dispositions visant à prévenir les activités de caractère discriminatoire, raciste ou xénophobe;
v. de mettre en œuvre, au niveau national, les recommandations de politique générale formulées par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, dans le cadre du plan d’action du Conseil de l’Europe sur la lutte contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance;
w. de renforcer leurs relations avec les organisations non gouvernementales qui s’intéressent aux droits de l’homme, et de favoriser la création de réseaux pour leurs activités.