Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1490 (2006)

Interprétation de l’article 15.a. de l’Accord général sur les Privilèges et Immunités du Conseil de l’Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 17 mars 2006 (voir Doc.10840, rapport de la commission du Règlement et des immunités, rapporteur: M. Jurgens).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1325 (2003) et sa Recommandation 1602 (2003) sur les immunités des membres de l’Assemblée parlementaire, dans lesquelles elle affirmait que ces immunités sont accordées pour conserver l’intégrité de l’Assemblée et pour assurer l’indépendance de ses membres dans l’accomplissement de leur mandat européen.
2. L’Assemblée rappelle que la protection reconnue à ses membres par l’article 40 du Statut du Conseil de l’Europe («Traité de Londres») (STE no 1), les articles 14 et 15 de l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe (STE no 2) et l’article 3 de son protocole (STE no 10) s’inscrit dans un régime spécifique d’immunité européenne, qui est indépendant des immunités nationales dont ils peuvent jouir. Le caractère autonome de l’immunité reconnue par le Conseil de l’Europe se justifie par le fait que l’Assemblée et ses membres, indépendamment des parlements des Etats membres, sont investis de fonctions parlementaires spécifiques, en application du Traité de Londres du 5 mai 1949.
3. Le régime institutionnel du Conseil de l’Europe est notamment caractérisé par le fait que les immunités dont jouissent les membres de l’Assemblée sont valides pendant toute la durée de l’année parlementaire. L’Assemblée a constamment interprété les expressions «pendant la durée des sessions» figurant à l’article 15 de l’accord général et «au cours d’une session» figurant à l’article 25.b du Statut comme couvrant l’année parlementaire.
4. L’Assemblée rappelle que, depuis 1952, les dispositions régissant les immunités des membres du Parlement européen (Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes de 1965 et textes antérieurs) et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sont identiques. Toutefois, dans une résolution adoptée le 23 juin 2005, le Parlement européen (PE) a invité les Etats membres de l’Union européenne (UE) à réviser, s’agissant des dispositions relatives aux députés au Parlement, le Protocole de 1965, en prenant comme modèle le statut des membres du PE approuvé les 3 et 4 juin 2003. L’Assemblée formule le vœu que les gouvernements des Etats membres de l’UE approuvent ces propositions et qu’elles seront adoptées lors de la prochaine conférence intergouvernementale de l’UE. Lorsque le nouveau protocole de l’UE sera entré en vigueur, il serait utile que l’Assemblée demande que l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe et son protocole additionnel soient révisés et mis à jour, dans la mesure où les membres de l’Assemblée sont concernés.
5. Sur la base des dispositions de 1965, le PE a établi une abondante pratique concernant l’étendue de ces immunités. Sa pratique récente en la matière montre que les autorités nationales avaient interprété de manière incorrecte les immunités européennes dans d’importantes affaires touchant la participation de députés européens à des manifestations ou leur liberté de circulation. Des députés européens se sont vu privés de leur immunité parlementaire nationale sur le territoire de leur pays d’origine. Le 15 novembre 2005, le PE a adopté une résolution sur une éventuelle infraction au Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes par un Etat membre (P6_TA-(2005) 0426).
6. Dans sa Résolution 1325 (2003), l’Assemblée a estimé que la pratique du PE devrait aussi servir de base pour l’interprétation de l’article 15 de l’accord général et, en particulier, de son alinéa a, relatif aux immunités des membres de l’Assemblée sur leur territoire national. En outre, dans sa Recommandation 1602 (2003), l’Assemblée a invité le Comité des Ministres à prendre certaines mesures concernant l’interprétation et l’application des articles 14 et 15.a de l’accord général.
7. Toutefois, le Comité des Ministres n’a pas pris les mesures préconisées dans la Recommandation 1602 (2003). Selon les informations disponibles, les tribunaux nationaux qui devaient appliquer le régime d’immunité de l’Assemblée parlementaire n’ont pas adhéré à la conception de l’Assemblée exposée dans la Résolution 1325 (2003), mais ont privilégié une interprétation littérale de l’article 15.a de l’accord général, sans prendre en compte l’intégralité de cette disposition. Dans ces conditions, l’Assemblée a reconsidéré sa position concernant l’article 15.a.
8. Elle décide d’interpréter l’article 15.a comme suit: quel que soit leur régime national d’immunité, les représentants à l’Assemblée et leurs suppléants sont protégés contre toutes mesures de détention et toute poursuite judiciaire lorsqu’ils exercent leurs fonctions en qualité de membres de l’Assemblée ou lorsqu’ils sont en mission officielle pour l’Assemblée, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de leur pays. S’ils n’exercent pas d’activité au sens ainsi défini et s’ils ne sont pas en mission pour l’Assemblée, leur régime d’immunité nationale s’applique dans leur pays.
9. L’Assemblée juge également opportun que, lorsqu’ils examinent des demandes de levée ou de défense de l’immunité de ses membres, les organes compétents de l’Assemblée se posent la question de savoir si les autorités nationales compétentes ont respecté la Convention européenne des Droits de l’Homme telle qu’interprétée par la Cour européenne des Droits de l’Homme ainsi que les autres instruments et textes juridiques pertinents du Conseil de l’Europe que les pays concernés ont ratifiés ou acceptés. L’Assemblée devrait exprimer sa préoccupation quand des normes du Conseil de l’Europe ont manifestement été enfreintes à l’égard de l’un de ses membres.
10. L’Assemblée rappelle que, dans la réponse à sa Recommandation 1602 (2003), le Comité des Ministres avait invité les Etats membres dont la législation le permet à reconnaître unilatéralement comme document officiel le laissez-passer délivré aux membres de l’Assemblée par les autorités compétentes du Conseil de l’Europe.
11. En conséquence, l’Assemblée décide:
11.1. d’ajouter, après le paragraphe 6 de l’article 64 de son Règlement, le paragraphe suivant:
a. Lorsqu’ils examinent une demande de levée ou de défense de l’immunité reconnue au titre du Conseil de l’Europe à un membre de l’Assemblée, les organes compétents de l’Assemblée interprètent comme suit l’article 15.a de l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe. Les représentants à l’Assemblée et leurs suppléants sont protégés contre toutes mesures de détention et toute poursuite judiciaire lorsqu’ils exercent leurs fonctions en qualité de membres de l’Assemblée ou lorsqu’ils sont en mission officielle pour l’Assemblée, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de leur pays. S’ils n’exercent pas d’activité au sens ainsi défini et s’ils ne sont pas en mission pour l’Assemblée, leur régime d’immunité nationale s’applique dans leur pays.
b. L’expression “lorsqu’ils exercent leurs fonctions” vise toutes les tâches officielles accomplies dans les Etats membres par les représentants à l’Assemblée et leurs suppléants, en application d’une décision prise par un organe compétent de l’Assemblée et avec l’accord des autorités nationales pertinentes.
c. En cas de doute, le Bureau de l’Assemblée décide si les activités des membres de l’Assemblée entrent dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.»;
11.2. d’inviter le Bureau de l’Assemblée à prendre des mesures visant:
11.2.1. à renforcer la valeur juridique du laissez-passer délivré aux membres de l’Assemblée par les autorités compétentes du Conseil de l’Europe;
11.2.2. à faire reconnaître ce laissez-passer comme document officiel par davantage d’Etats membres;
11.2.3. à compléter les informations contenues sur le laissez-passer par l’insertion du contenu du paragraphe 11.1 ci-dessus ainsi que de sa traduction dans les trois langues de travail de l’Assemblée.
12. L’Assemblée décide que la nouvelle disposition réglementaire entrera en vigueur dès l’adoption de la présente résolution.