Imprimer
Autres documents liés

Recommandation 1802 (2007)

Situation des réfugiés et personnes déplacées de longue date en Europe du Sud-Est

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2007 (24e séance) (voir Doc. 11289, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: M. Dendias). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2007 (24e séance).

1. L’Assemblée parlementaire s’intéresse à la question humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées en Europe du Sud-Est depuis le tout début du conflit armé dans la région. L’Assemblée fait en particulier référence à sa Recommandation 1588 (2003) sur le déplacement de populations en Europe du Sud-Est: tendances, problèmes, solutions, et à sa Recommandation 1633 (2003) sur les retours forcés de Roms originaires de l’ex-République fédérale de Yougoslavie, y compris du Kosovo, vers la Serbie-Monténégro, en provenance d’Etats membres du Conseil de l’Europe.
2. Douze ans après la guerre en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, et huit ans après le conflit armé au Kosovo, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées dans la région est encore trop élevé: 120 000 réfugiés et 383 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDI), soit au total plus d’un demi-million de personnes déplacées. En Croatie, le nombre de réfugiés s’élève à 2 500 et celui de PDI à 4 000; on dénombre 10 000 réfugiés et 135 000 PDI après le réenregistrement en Bosnie-Herzégovine; c’est en Serbie que le nombre de réfugiés et de PDI est le plus élevé, avec respectivement 98 500 réfugiés et 228 000 PDI, y compris 21 000 PDI au seul Kosovo; le Monténégro compte 6 900 réfugiés et 16 200 PDI; et «l’ex-République yougoslave de Macédoine» compte 2 000 réfugiés, essentiellement issus de minorités ethniques du Kosovo (Roms, Ashkalis et Egyptiens).
3. Ces chiffres concernent souvent les personnes les plus vulnérables, notamment des personnes âgées sans soutien familial, des individus traumatisés ayant survécu à des atrocités, des malades et des handicapés, des mères seules, des membres de minorités nationales, ou des personnes ayant besoin d’une protection en tant que témoins, dont certaines vivent encore dans des centres collectifs et dont la plupart ont été négligées au cours des dernières années, faute de ressources locales et d’aide humanitaire.
4. L’Assemblée insiste sur le fait que la recherche de solutions adéquates aux besoins des réfugiés, des personnes rapatriées et des PDI ainsi que la mise en œuvre d’une stratégie nationale en faveur de solutions durables pour leur retour volontaire et permanent ou leur intégration locale doivent occuper une place plus importante dans l’agenda politique de tous les pays de la région. Pour atteindre ces objectifs, les gouvernements devraient instituer des cadres juridiques et institutionnels clairs et fournir les ressources financières nécessaires. Les critères de la priorité de l’aide devraient être fondés sur la vulnérabilité.
5. Il est préoccupant de constater que certains rapatriés et PDI ne sont toujours pas régularisés, faute de détenir des documents valides. L’absence de statut les empêche d’accéder à leurs droits socio-économiques.
6. Bien que l’apatridie de droit ait généralement été évitée par l’application du principe de la continuité de la citoyenneté républicaine (en vigueur dans l’ex-République fédérale socialiste de Yougoslavie – RFSY), la seule application de cette règle n’apporte pas une solution raisonnable à la situation de nombreux citoyens de l’ancienne RFSY qui vivent dans d’autres républiques que celles où ils ont été enregistrés pour obtenir une citoyenneté républicaine.
7. Dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la législation a été modifiée en 2004 pour faciliter la naturalisation de quelque 4 200 de ces citoyens.
8. L’entrave majeure à l’intégration tient au fait que l’acquisition des droits dépend généralement du droit de résider dans un territoire donné (statut de résidence). L’Assemblée est préoccupée par le fait que ce cadre juridique en vigueur dans la plupart des pays de la région ne prend pas en considération la situation particulièrement vulnérable des réfugiés, des rapatriés et des PDI.
9. Concernant les réfugiés, l’Assemblée réaffirme l’importance de garantir des conditions pour leur retour durable ou leur intégration locale dans la région où ils ont été déplacés par le transfert des droits à la sécurité sociale et à pension, la reconstruction des propriétés endommagées, la construction de logements de remplacement, l’application des droits de récupération des biens et l’indemnisation équitable des anciens occupants/locataires.
10. L’Assemblée se félicite donc de la coopération régionale instituée entre la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro dans le cadre du processus de Sarajevo, et exhorte les gouvernements respectifs à résoudre rapidement les deux questions en suspens concernant la Croatie, à savoir trouver une solution équitable pour les anciens titulaires des droits de location/occupation et valider les années de travail et les droits à pension acquis dans les territoires anciennement occupés – et adopter une matrice régionale de mise en œuvre.
11. En l’absence d’un système de protection international contraignant, les responsables des PDI sont les gouvernements de la région, qui doivent veiller à ce que les PDI jouissent des mêmes droits que les autres citoyens. En Serbie et au Monténégro, les PDI en provenance du Kosovo se heurtent à de nombreuses difficultés pour exercer leurs droits civiques, économiques et sociaux fondamentaux, notamment l’accès aux documents personnels, aux droits de propriété, aux soins de santé, à la protection sociale, à un logement correct et à l’emploi. Sans l’existence de mesures de protection particulières, les PDI n’ont pas accès aux services sociaux et s’enfoncent de plus en plus dans la pauvreté et l’exclusion. L’Assemblée insiste sur le fait que cette population vulnérable ne doit pas être l’otage des futurs accords politiques.
12. La situation de Roms déplacés demeure une préoccupation particulière, comme le montrent notamment le grand nombre d’accords de réadmission qui ont été récemment signés avec les Etats membres de l’Union européenne. La plupart des rapatriés sont confrontés à la situation d’un déplacement secondaire après leur retour. En conséquence, l’Assemblée réitère sa préoccupation quant au fait que les accords de réadmission ne définissent pas clairement les conditions d’accueil des personnes rapatriées; ils ne confèrent aucune responsabilité aux Etats d’accueil en ce qui concerne la réintégration des rapatriés; et ils ne sont pas assortis de programmes d’aide ou de financement en faveur de l’intégration durable.
13. Il est essentiel que l’ensemble de la région se penche sur les modes de discrimination profondément ancrés subis par les membres des minorités ethniques, qui sont de sérieuses entraves à des retours durables. Les «retours de minorités» sont particulièrement fragiles dans les zones rurales en raison de problèmes réels ou de situations perçues comme des problèmes de sécurité et de discrimination, des importantes dégradations causées aux propriétés, de l’absence d’infrastructure et de l’impossibilité de vivre de l’agriculture étant donné les difficultés pour reprendre possession des terres ou la présence de champs de mines.
14. L’Assemblée parlementaire recommande donc au Comité des Ministres:
14.1. d’appeler instamment les Gouvernements de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Serbie, la MINUK et les Institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo (PISG), les Gouvernements du Monténégro et de «l’ex-République yougoslave de Macédoine»:
14.1.1. à mettre en œuvre les instruments internationaux des droits de l’homme, et en particulier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967, les principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays et la Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays; la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridies, la Convention européenne de 1997 sur la nationalité et la Convention du Conseil de l’Europe de 2006 sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’Etats (STCE no 200);
14.1.2. à appliquer les plans d’action nationaux pour trouver une solution durable pour les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées dans leur pays, en établissant un cadre institutionnel et juridique clair, et en mettant à disposition les ressources financières nécessaires;
14.1.3. à simplifier et à accélérer le processus de détermination du statut en vue de favoriser l’intégration locale;
14.1.4. à utiliser les critères de l’aide prioritaire fondés sur la vulnérabilité;
14.1.5. à trouver des solutions durables pour les groupes de personnes les plus vulnérables hébergées dans des centres collectifs;
14.1.6. à faciliter l’accès des réfugiés, des PDI et des rapatriés aux informations sur leurs droits en vertu du droit national et à soutenir pleinement, y compris par la mise à disposition de ressources financières, l’aide juridictionnelle gratuite et l’assistance par des médiateurs et des organisations locales non gouvernementales;
14.1.7. à renforcer les capacités et à entreprendre des réformes policières, judiciaires et administratives pour permettre l’intégration locale et le retour volontaire dans un climat de sécurité et de dignité, notamment en vue de garantir l’égalité des droits et de répondre aux besoins spécifiques des populations minoritaires;
14.1.8. à poursuivre le processus de réconciliation avec beaucoup plus de vigueur, en particulier dans les domaines du retour, en renforçant un climat politique et culturel de respect, de tolérance et de non-discrimination, et en poursuivant les auteurs de crimes de guerre et de violences interethniques;
14.1.9. à mettre pleinement en œuvre les dispositions de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales (STE no 157), y compris le droit à l’emploi des personnes appartenant à des populations minoritaires dans l’administration publique, judiciaire et de la police, en particulier dans les zones où vivent des rapatriés appartenant à des groupes minoritaires;
14.1.10. à soutenir les retours et la réinstallation locale, en trouvant des solutions adéquates aux problèmes de logement, notamment pour la reconstruction d’habitations qui ont été endommagées ou la construction de logements de remplacement, pour l’exercice des droits à récupération des biens ou à indemnisation équitable des anciens droits d’habitation/de location;
14.1.11. à accorder la priorité à la relance économique, à la reconstruction de l’infrastructure et au déminage dans les zones de retour;
14.1.12. à instituer une pleine coopération régionale et bilatérale pour résoudre les questions en suspens concernant les réfugiés et les PDI;
14.2. d’appeler le Bureau du haut représentant (BHR) à contribuer énergiquement au processus de réconciliation en Bosnie-Herzégovine en accélérant la recherche d’un consensus entre les parties de la Bosnie-Herzégovine;
14.3. afin de renforcer la stabilité politique et économique dans la région, d’exhorter les Etats membres du Conseil de l’Europe:
14.3.1. à poursuivre leur appui au processus de rapatriement volontaire et d’intégration locale en apportant l’aide financière et l’expertise nécessaires;
14.3.2. à faire des contributions volontaires en faveur des programmes spéciaux du Conseil de l’Europe visant à renforcer la protection des droits de l’homme, la primauté du droit et la démocratie dans la région;
14.3.3. dans le cadre des accords de réadmission, à éviter d’organiser des opérations de rapatriement de grande envergure des Kosovars dont la demande d’asile n’a pas abouti, tant que ne sont pas remplies les conditions de leur retour volontaire dans la sécurité et la dignité;
14.4. d’exhorter l’Union européenne:
14.4.1. à maintenir l’élan politique dans la région dans une perspective claire d’intégration européenne;
14.4.2. à poursuivre l’assistance au processus de retour volontaire, y compris en établissant des critères et des points de référence clairs pour protéger les droits et les intérêts des rapatriés, ainsi qu’au processus d’intégration locale, par le biais d’une aide financière et d’une expertise;
14.4.3. à apporter un soutien financier aux programmes spéciaux du Conseil de l’Europe visant à renforcer la protection des droits de l’homme, la primauté du droit et la démocratie dans la région;
14.5. d’inviter le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à maintenir leur présence au niveau régional et sur le terrain en vue de remplir leur rôle de suivi et d’incitation pour apporter une aide supplémentaire au renforcement des capacités locales et sensibiliser davantage les donateurs/la communauté internationale aux questions et aux besoins les plus pressants de la région.
15. 15. L’Assemblée recommande en outre au Comité des Ministres:
15.1. de veiller au maintien de la présence et à la poursuite de l’action globale du Conseil de l’Europe dans la région, entre autres dans les domaines de la coopération politique et du processus de suivi, de la coopération juridique (réformes constitutionnelles, réformes judiciaires, renforcement des capacités, formation), des droits de l’homme, des droits des minorités nationales, de la protection des Roms, de la démocratie locale, des droits sociaux, des migrations et des politiques en matière d’asile, de l’éducation et de l’instauration de la tolérance, du respect du patrimoine culturel et des activités de jeunesse;
15.2. d’aider les autorités de la région à mettre en œuvre les plans d’action nationaux en faveur de solutions durables aux problèmes des réfugiés et des PDI:
15.2.1. par la promotion des normes internationales pertinentes en matière de droits de l’homme, et en particulier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967, les principes directeurs des Nations Unies sur les déplacements des personnes à l’intérieur de leur pays et la Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, la Convention européenne de 1997 sur la nationalité et la Convention du Conseil de l’Europe de 2006 sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’Etats;
15.2.2. par la mise en œuvre de programmes d’assistance et de suivi pour l’application de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales;
15.2.3. par la mise à disposition de l’expertise juridique nécessaire en matière de restitution des biens et des droits de location/occupation, en prenant en considération la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
16. L’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux à donner suite à sa Résolution 175 (2004) sur les flux migratoires et la cohésion sociale en Europe du Sud-Est: rôle des autorités locales et régionales.
17. L’Assemblée invite le commissaire aux droits de l’homme à soutenir la coopération des médiateurs et des institutions nationales des droits de l’homme dans la région en vue de renforcer leurs capacités et d’accroître leurs effectifs et leur présence sur le terrain afin de mieux aider les réfugiés, les rapatriés et les PDI à accéder à leurs droits.
18. L’Assemblée demande à la Banque de développement du Conseil de l’Europe de renforcer sa coopération avec les pays de la région dans le but de financer un plus grand nombre de projets concernant les réfugiés et les PDI au moyen de prêts, de financements par le biais du Compte fiduciaire sélectif et de dons spécifiques, en collaboration avec le HCR.