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Résolution 1564 (2007)

Poursuites engagées pour les crimes relevant de la compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 juin 2007 (25e séance) (voir Doc. 11281 rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Lloyd). Texte adopté par l’Assemblée le 28 juin 2007 (25e séance).

1. Bien que plus de dix ans se soient écoulés depuis les conflits qui ont touché le territoire de l’ex-Yougoslavie, tous les responsables de crimes de guerre n’ont pas encore été traduits en justice. Le processus de réconciliation, aussi long et douloureux qu’il puisse être, nécessite encore de nombreux efforts.
2. L’Assemblée parlementaire désire souligner d’emblée que la justice est un élément indispensable du processus de réconciliation pour les victimes, les communautés et les pays concernés, et qu’il est essentiel de lutter avec détermination contre l’inacceptable impunité.
3. La responsabilité ne peut peser sur des peuples, ni sur des communautés entières, mais bien sur des individus reconnus coupables à l’issue d’une procédure judiciaire équitable.
4. L’Assemblée regrette les conséquences du décès de Slobodan Milošević avant la fin de son procès. En tant que premier chef d’Etat en exercice à comparaître devant une juridiction internationale, son inculpation était historique. Toutefois, sa possible condamnation tant historique que symbolique n’aura pas lieu, privant ainsi de justice des milliers de victimes.
5. L’Assemblée rappelle aux autorités nationales des Etats concernés leur obligation en droit international de coopérer pleinement et effectivement avec le tribunal.
6. L’Assemblée se félicite de constater que cette coopération s’est largement améliorée dans certains cas, surtout sur le plan technique. Elle déplore cependant que les autorités de certains Etats ou entités concernés fassent preuve d’un manque de volonté politique flagrant, au point qu’elles fragilisent les efforts réels entrepris par le pouvoir judiciaire dans ces pays.
7. Ce constat est particulièrement évident en matière de poursuite et d’arrestation des fugitifs inculpés par le tribunal: onze ans après leur inculpation pour génocide, Radovan Karadžić et Ratko Mladić, pour ne citer que les noms les plus connus, sont toujours en fuite. Le fait qu’ils ne soient pas traduits devant la justice est un affront à la mémoire des victimes et aux attentes des survivants à ce conflit.
8. L’Assemblée appelle les autorités concernées à tout mettre en œuvre pour assurer une coopération pleine et entière avec le tribunal, et exhorte en particulier les autorités serbes et celles de la Republika Srpska à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour rechercher et arrêter les fugitifs, afin de démontrer que personne n’est au-dessus des lois.
9. L’Assemblée se félicite de l’arrestation de Zdravko Tolimir et de Vlastimir Djordjevic, et de leur transfert au Tribunal de La Haye. Elle note que cette mesure positive a permis à l’Union européenne de reprendre les négociations. Cela étant, l’Assemblée invite l’Union européenne à maintenir ses exigences en matière de coopération de la Serbie avec le TPIY comme condition à la signature d’un accord de stabilisation et d’association.
10. L’Assemblée est consciente que le mandat du tribunal va bientôt toucher à sa fin et a connaissance de la stratégie d’achèvement des travaux qu’il a développée, stratégie dont la réussite dépend du soutien et de l’engagement des Etats concernés à mettre fin à l’impunité. L’Assemblée est préoccupée par le fait que certains fugitifs pourraient être encore en liberté lorsque le tribunal fermera définitivement ses portes.
11. L’Assemblée encourage les Nations Unies à continuer à mettre tout en œuvre pour combattre l’impunité en matière de crimes de guerre et à trouver une solution pour que les inculpés encore en fuite n’échappent pas à la justice internationale, quelle que soit la date à laquelle ils seront arrêtés. Etant donné l’engagement à long terme (et moral) du TPIY vis-à-vis de ses propres témoins, un mécanisme résiduel devrait aussi être mis en place afin de continuer à assurer la protection des témoins lorsque le mandat du tribunal sera échu.
12. L’Assemblée constate la lenteur et la complexité des procédures devant le tribunal et, en conséquence, invite instamment le TPIY à redoubler d’efforts pour que les procédures soient le plus efficaces possible.
13. L’Assemblée observe que plus de quatre ans se sont maintenant écoulés depuis que Vojislav Šešelj s’est présenté volontairement au tribunal; depuis lors, il est maintenu en détention et son procès n’a pas encore commencé. En conséquence, l’Assemblée appelle le tribunal à fixer une date pour le début de son procès.
14. L’Assemblée considère que le moment est venu pour les juridictions nationales des Etats concernés d’assurer le relais du tribunal et de poursuivre les responsables de crimes de guerre n’ayant pas encore été traduits en justice (à part les six fugitifs déjà inculpés par le tribunal, qui devront comparaître devant la justice internationale).
15. L’Assemblée se félicite de constater que des progrès ont été réalisés pour renforcer le système judiciaire de ces Etats; en même temps, elle exhorte les autorités politiques des Etats concernés à tout entreprendre pour garantir l’impartialité et l’équité des procès en cours et à venir en matière de crimes de guerre, et à bannir toutes considérations à caractère ethnique dans les griefs retenus par les tribunaux.
16. L’Assemblée se félicite des importantes activités de suivi des procès pour crimes de guerre devant les juridictions nationales entreprises par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qu’elle encourage vivement à poursuivre cette tâche importante.
17. Par ailleurs, l’Assemblée est particulièrement préoccupée de constater que les législations nationales des Etats concernés constituent un réel obstacle à la poursuite effective des suspects de crimes de guerre devant leurs juridictions nationales et participent ainsi à l’existence d’un espace d’impunité qui ne saurait être toléré plus longtemps.
18. Il est évident que l’interdiction d’extradition des nationaux dans tous les pays concernés est un obstacle sérieux au cours de la justice. L’Assemblée considère:
18.1. que la non-extradition des nationaux ne devrait pas s’appliquer aux personnes inculpées de crimes de guerre dès lors que les garanties d’un procès juste et équitable existent. L’Assemblée est convaincue que les Etats concernés doivent remédier à cette situation, dans l’intérêt de la justice;
18.2. que, dans ce contexte, un usage abusif de l’acquisition de la double nationalité 
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			2. Le terme «nationalité» ne s’entend pas au sens de l’appartenance ethnique, mais qualifie les ressortissants d’un Etat. est inquiétant parce qu’il permet à certains inculpés d’échapper à la justice d’un pays donné en acquérant la nationalité d’un pays voisin, et de bénéficier ainsi de l’interdiction d’extradition des nationaux.
19. Malgré des avancées concrètes réalisées sur le plan technique avec le soutien de l’OSCE, dans le cadre du «processus de Palić» en matière de coopération judiciaire interétatique au niveau régional, et la signature d’accords entre le procureur de Croatie et ceux de Serbie et du Monténégro, l’Assemblée déplore qu’un trop grand nombre d’inculpés soient encore jugés par contumace, en raison de l’interdiction d’extradition des nationaux, et encourage fortement les Etats de la région à poursuivre leurs efforts pour assurer une meilleure coopération en matière judiciaire afin de réduire le nombre de procès de ce type.
20. En conséquence, l’Assemblée invite:
20.1. les autorités compétentes des Etats concernés:
20.1.1. à lever immédiatement l’interdiction d’extradition de leurs nationaux inculpés de crimes de guerre;
20.1.2. à soumettre l’acquisition de la nationalité à un examen attentif et à ne pas l’accorder à une personne inculpée de crime de guerre dans un autre pays;
20.1.3. à stimuler de manière positive et explicative le débat relatif aux crimes de guerre afin de parvenir à une meilleure acceptation des poursuites judiciaires des responsables par l’opinion publique;
20.1.4. à lever la règle restrictive qui empêche le transfert de dossiers de poursuites judiciaires vers un autre pays dès lors que la peine encourue dépasse les dix ans d’emprisonnement;
20.1.5. à intensifier leurs efforts pour assurer une meilleure coopération en matière judiciaire, afin de réduire le nombre de procès par contumace;
20.1.6. à renforcer la coopération et le transfert d’informations entre les services de police de leurs pays dans le cadre des enquêtes sur les criminels de guerre, par le biais d’accords bilatéraux efficaces;
20.1.7. à renforcer les moyens attribués aux institutions judiciaires, tant en matière d’enquête que sur le plan financier et en terme de personnel;
20.1.8. à exhorter les instances judiciaires à adopter une approche qui soit la plus objective possible, garantissant l’impartialité des procès en matière de crimes de guerre, ainsi qu’à assurer une formation adéquate des magistrats, des procureurs et des avocats exerçant devant les instances judiciaires locales;
20.1.9. à améliorer les conditions de travail et la qualité de la défense pour garantir l’équité des procès;
20.1.10. à assurer la meilleure coordination possible entre tous les acteurs engagés dans le processus judiciaire de poursuite des crimes de guerre, y compris les forces de police;
20.1.11. à renforcer la protection des témoins au niveau national et la coordination régionale en la matière, et à en préciser les garanties législatives;
20.2. les autorités de Bosnie-Herzégovine:
20.2.1. à assurer l’harmonisation de la jurisprudence en envisageant de créer une cour suprême au niveau national ou d’en donner les compétences à une instance judiciaire existante, pour assurer la sécurité juridique;
20.2.2. à encourager la signature d’accords entre le procureur de Bosnie-Herzégovine et ses homologues de la région, sur le modèle des accords signés par les procureurs de Croatie, de Serbie et du Monténégro.