Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1599 (2008)

La situation dans les républiques d'Asie centrale

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2008 (6e séance) (voir Doc. 11460, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Mercan). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2008 (6e séance).

1. En proclamant leur indépendance, en 1991, les nouveaux Etats souverains d’Asie centrale (Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan) se sont donné pour but de devenir des sociétés libres et démocratiques, reposant sur l’économie de marché et intégrées à la communauté internationale.
2. Cependant, confrontés à l’héritage autoritariste du régime précédent, aux défis représentés par une transition à la fois politique, économique et sociale, et à des vagues d’instabilité dues à de violents conflits ethniques, religieux et sociaux, les Etats d’Asie centrale ont eu les plus grandes difficultés à se rapprocher de ce but. Leurs progrès ont également été entravés par le manque de réel engagement politique en faveur des réformes, par une mauvaise conception de ces dernières ainsi que par l’absence de traditions démocratiques et de mécanismes de suivi des responsabilités. D’abord pleins d’espoir à l’idée d’une transformation rapide, les habitants de la région ont vite été déçus, ce qui a sérieusement affaibli à la fois la motivation des élites politiques et le soutien populaire en faveur des réformes. Les résultats des transitions sont donc mitigés, les transformations loin d’être achevées, et on constate dans certains cas d’incontestables régressions.
3. En tant qu’anciennes républiques de l’Union soviétique, les Etats d’Asie centrale font partie de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et sont donc politiquement liés par les engagements humains de cette organisation, dont le respect des droits de l’homme, la prééminence du droit et la promotion des principes démocratiques, qui coïncident pour une bonne part avec les missions essentielles du Conseil de l’Europe.
4. Le bilan des Etats d’Asie centrale dans ces domaines varie cependant, d’un Etat à un autre, d’améliorations limitées à un échec total. Les principes démocratiques n’ont réussi ni à s’enraciner au sein de la société et des élites dirigeantes, ni à remplacer les modes de gouvernement autoritaires hérités du passé. Le pouvoir reste fortement concentré au sein de l’exécutif, sans véritables contrepoids. Les institutions démocratiques sont faibles, voire de pure façade. Les atteintes aux droits de l’homme, la corruption, les abus de pouvoir et les mauvais traitements à l’encontre de personnes privées de leur liberté sont des sujets de préoccupation; les autorités doivent être encouragées à prendre des mesures pour faire face à ces problèmes.
5. En outre, les pouvoirs publics n’offrent pas aux citoyens les services de base en matière sociale, économique, éducative et sanitaire qu’ils sont en droit de recevoir d’un Etat moderne. L’absence de tradition et de moyens effectifs de contrôle démocratique du pouvoir, associée au manque de transparence, crée dans la population une profonde défiance envers les institutions publiques. Les conditions sont donc réunies pour qu’on assiste à des tensions entre l’Etat et la population, et à une rapide montée en puissance de groupes militants extrémistes. La corruption et l’inefficacité des pouvoirs publics forcent les citoyens ordinaires à se mettre en quête d’une société juste.
6. Pour éviter que la situation continue à se détériorer, engendrant un risque réel d’instabilité sociale et politique, il faut que les pays d’Asie centrale procèdent à de profondes réformes en faveur d’une bonne gouvernance, de transformations politiques et de la stabilité sociale. Les problèmes qu’ils rencontrent appellent des solutions politiques adaptées au terrain, qui peuvent être encouragées, mais non fournies telles quelles par la communauté internationale.
7. Les élites et l’ensemble des habitants d’Asie centrale sont intéressés et attirés par l’expérience politique et sociale européenne. L’Europe devrait user de son influence et de son pouvoir de persuasion pour promouvoir la libéralisation et les réformes politiques dans la région. Cependant, l’Asie centrale n’est pas à considérer comme l’arène d’un nouveau Great Game géopolitique. Tout projet conçu depuis l’extérieur, excluant les forces politiques existantes ou ignorant les réalités locales ou les intérêts de la majorité, ne ferait qu’entraîner une déstabilisation et serait voué à l’échec.
8. L’Asie centrale ne se situant pas en Europe, les pays de la région ne sont pas des candidats potentiels à l’adhésion au Conseil de l’Europe. Cependant, compte tenu du fait que l’Asie centrale est voisine de l’Europe et qu’elle est de plus en plus exposée à l’immigration clandestine, à la production et au trafic de drogue, au trafic d’armes et à la menace de l’extrémisme et du terrorisme, notre Organisation devrait promouvoir la stabilité et la bonne gouvernance dans les pays de la région, renforcer leurs capacités et établir une coopération fiable avec eux dans la lutte contre les menaces communes.
9. Fort de son expérience en matière de transition en Europe centrale et orientale, le Conseil de l’Europe pourrait également contribuer, en coopération avec l’Union européenne et l’OSCE, à redéfinir le champ des réformes en Asie centrale, accroissant ainsi leurs chances de réussite.
10. L’Assemblée prie instamment les autorités et les forces politiques d’Asie centrale:
10.1. de lancer d’importantes réformes en faveur de la bonne gouvernance, de la modernisation des institutions, de la libéralisation politique et de l’obligation de rendre compte;
10.2. de traiter sans retard les questions urgentes auxquelles leurs pays sont confrontés, telles que la corruption, le crime organisé, la pauvreté ou la propagation de maladies, afin de regagner la confiance de la population;
10.3. de renforcer les capacités nationales et d’accentuer la coopération internationale en matière de lutte contre l’immigration clandestine, le trafic des êtres humains, la production et le trafic de drogue, le blanchiment d’argent, le trafic d’armes et le terrorisme;
10.4. de faire usage de l’expertise internationale, et notamment de celle du Conseil de l’Europe, en matière de transition démocratique;
10.5. de progresser dans leur respect des engagements politiques pris dans le cadre de l’OSCE en matière de construction de la démocratie, de protection des droits de l’homme et de respect de la prééminence du droit, et notamment:
10.5.1. d’autoriser le pluralisme politique et d’assurer les conditions d’une véritable compétition politique au moyen d’élections libres et équitables;
10.5.2. de garantir une séparation effective entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ainsi que le bon fonctionnement des institutions démocratiques;
10.5.3. de garantir tous les droits de l’homme et toutes les libertés politiques fondamentales, dont la liberté d’association, la liberté d’expression et la liberté des médias;
10.5.4. de permettre la tenue de discussions politiques libres et des enquêtes sur les prisonniers politiques;
10.5.5. de respecter toutes les normes internationales concernant la torture et le mauvais traitement des personnes privées de liberté.
11. L’Assemblée appelle les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe:
11.1. à renforcer le dialogue avec les autorités des pays d’Asie centrale, afin de promouvoir et d’appuyer les réformes en faveur de la bonne gouvernance, de la libéralisation politique, de la modernisation et de la transparence des institutions, et afin de partager avec eux leurs expériences et connaissances en matière de transition démocratique;
11.2. à maintenir les questions de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit au coeur de ce dialogue, tout en évitant que ces thèmes soient perçus comme des outils de pression visant à obtenir des avantages politiques ou économiques;
11.3. à soutenir le renforcement des institutions démocratiques et des organisations de la société civile dans les pays d’Asie centrale et à développer leur coopération avec elles.
12. L’Assemblée appelle l’Union européenne et l’OSCE à faire usage de l’expérience et des connaissances du Conseil de l’Europe en matière de transition démocratique dans leurs programmes et activités en Asie centrale.
13. L’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe:
13.1. à informer les autorités des Etats d’Asie centrale des activités et réalisations essentielles du Conseil de l’Europe pour la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit;
13.2. à étudier les moyens de partager avec les Etats d’Asie centrale l’expérience et les connaissances du Conseil de l’Europe en matière de transition démocratique;
13.3. à contribuer au renforcement des organisations de la société civile en Asie centrale et à les intégrer dans des réseaux de coopération européens.
14. L’Assemblée se félicite du fait que le Kirghizistan coopère avec la Commission de Venise et encourage les autres Etats d’Asie centrale à s’engager dans une telle coopération.
15. L’Assemblée se déclare prête à contribuer à nouer un dialogue politique avec l’Asie centrale au niveau parlementaire, visant au renforcement des principes et normes démocratiques. A cette fin, elle décide:
15.1. de tenir les parlements des Etats d’Asie centrale informés de ses activités et de ses résolutions et recommandations;
15.2. d’envisager d’inviter des représentants de ces parlements à participer aux sessions plénières, aux réunions de commissions et aux autres activités traitant de questions d’intérêt commun;
15.3. d’envisager d’inviter les parlements d’Asie centrale à s’associer aux conférences européennes des présidents de parlements;
15.4. d’encourager ses représentants officiels auprès des organisations parlementaires internationales dans lesquelles des parlements d’Asie centrale sont représentés à établir des contacts et à développer le dialogue avec leurs représentants.