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Résolution 1701 (2010) Version finale
Fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine
1. Depuis que la Bosnie-Herzégovine
a adhéré au Conseil de l’Europe en 2002, l’Assemblée parlementaire a
appelé à maintes reprises à la mise en œuvre d’une réforme constitutionnelle
afin d’améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques
du pays, d’assurer le respect de la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5) (la Convention)
et d’accélérer les réformes nécessaires pour achever la mise en œuvre
de ses obligations et engagements subsistants. Dans sa Résolution 1626 (2008) sur
le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine,
l’Assemblée a appelé l’ensemble des acteurs politiques à «relancer
le dialogue sur les diverses propositions de réforme immédiatement
après l’élection locale d’octobre 2008, en étroite collaboration
avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), afin d’élaborer et d’adopter une nouvelle Constitution
avant octobre 2010».
2. L’Assemblée regrette que l’absence de réforme constitutionnelle
ait fréquemment conduit à une impasse au sein des institutions étatiques,
dans la mesure où les entités et les partis bloquent le processus décisionnel.
Affrontement et obstructionnisme perpétuels nuisent au respect par
la Bosnie-Herzégovine des engagements qu’elle a pris envers le Conseil
de l’Europe. De plus, la Bosnie-Herzégovine est à la traîne par rapport
à ses voisins sur la voie de l’intégration euro-atlantique et l’écart
s’accentue chaque jour. Tout cela empêche l’aboutissement de réformes
indispensables, telles que:
2.1. la
mise en œuvre des Stratégies nationales sur les crimes de guerre
et sur la réforme judiciaire;
2.2. l’adoption de la Stratégie révisée pour la mise en œuvre
de l’annexe VII de l’Accord de paix de Dayton;
2.3. des réformes en matière de décentralisation et le transfert
effectif de compétences sectorielles et de ressources financières
aux municipalités de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Republika
Srpska.
3. L’Assemblée note que, depuis l’adoption de la Résolution 1626 (2008),
deux initiatives destinées à mettre en œuvre une réforme constitutionnelle
ont été lancées:
3.1. le «processus
de Prud» a rassemblé les dirigeants des principaux partis politiques
qui forment la majorité au pouvoir au niveau de l’Etat, et a contribué
à résoudre plusieurs questions en suspens, comme l’adoption du premier
amendement constitutionnel sur le statut du district de Brćko et
l’accord sur l’organisation d’un recensement de la population en
2011;
3.2. le «processus de Butmir» était une initiative conjointe
conduite par les Etats-Unis et l’Union européenne pour élaborer
un accord entre les acteurs politiques nationaux sur des propositions concrètes
liées à la réforme constitutionnelle et à la répartition des biens
de l’Etat et de la défense. L’«ensemble de Butmir», soutenu par
le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, au nom de l’Union
européenne, et par le vice-secrétaire d’Etat Jim Steinberg, au nom
des Etats-Unis, cherchait à harmoniser l’ordre constitutionnel interne
avec la Convention et à améliorer le fonctionnement des institutions
démocratiques du pays. La Commission de Venise avait été associée
au processus de rédaction de manière informelle.
4. Malheureusement, les deux initiatives n’ont pas donné de résultats
concrets jusqu’ici. Le processus de Prud s’est achevé avant que
commence réellement un débat sur des propositions de réforme concrètes
et le processus de Butmir n’a pas permis jusqu’ici d’aboutir à un
accord entre les principaux acteurs de la scène politique interne.
5. L’Assemblée est sérieusement préoccupée par l’absence de progrès
de la réforme constitutionnelle. Elle prend note de l’arrêt rendu
par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine, dans
lequel la Cour estime que le maintien de l’interdiction faite aux
requérants de se présenter aux élections à la Chambre des peuples
et à la présidence de la Bosnie-Herzégovine, au motif qu’ils n’ont
déclaré leur appartenance à aucun des trois «peuples constituants»,
emporte violation de l’article 14 combiné avec l’article 3 du Protocole
no 1 et de l’article 1 du Protocole no 12
à la Convention. Pour se conformer à l’arrêt de la Cour, les autorités
de Bosnie-Herzégovine doivent mettre en œuvre une réforme constitutionnelle.
Si celle-ci n’est pas mise en œuvre ces prochains mois, il sera
impossible de tenir les élections législatives d’octobre 2010 sur
la base de nouvelles règles, dans la mesure où la législation électorale n’aura
pu être modifiée à temps. C’est pourquoi le risque est grand que,
au terme des élections d’octobre 2010, les institutions du pays
soient à nouveau formées dans des conditions contraires à la Convention.
6. L’Assemblée est convaincue qu’il reste possible d’arriver
à un accord de dernière minute sur la réforme constitutionnelle.
Cependant, elle note que les négociations doivent être axées sur
un ensemble de propositions de réforme, approuvées par la Commission
de Venise et conformes aux normes de la Convention. Une approche
parcellaire fondée sur des compromis à court terme et des formules
ambiguës ne ferait que masquer les problèmes auxquels la Bosnie-Herzégovine
est confrontée, au lieu de les régler.
7. L’Assemblée est fortement préoccupée par des déclarations
et actions possibles de responsables politiques au plus haut niveau
de la Republika Srpska, qui sapent les institutions de l’Etat et
contestent l’autorité et les pouvoirs du haut représentant. Tant
que les autorités de l’Etat et des entités se conforment à leurs
obligations constitutionnelles et légales, le haut représentant
n’a pas de raison d’user des pouvoirs qui lui ont été conférés par
la Conférence de Bonn afin d’imposer des textes de loi. Tant que
l’obstructionnisme se poursuivra, et que des réformes importantes
seront bloquées en raison de préoccupations ethniques et des attitudes
des entités, le haut représentant devra rester l’autorité suprême
pour mettre en œuvre l’Accord de paix de Dayton sous le contrôle
politique et avec le soutien du Conseil de mise en œuvre de la paix.
8. L’Assemblée estime que, quatorze ans après la signature de
l’Accord de paix de Dayton, de nouveaux problèmes qui compromettent
la stabilité des institutions de la Bosnie-Herzégovine sont apparus
et qu’il faut rechercher des approches et des solutions nouvelles.
C’est pourquoi elle considère qu’il est grand temps de lancer un
large débat, avec la participation des principales parties prenantes,
locales et internationales, y compris les membres du Conseil de
mise en œuvre de la paix et, en particulier, les institutions de
l’Union européenne et les voisins de la Bosnie-Herzégovine, sur
les problèmes auxquels la Bosnie-Herzégovine est actuellement confrontée
et les moyens de les régler. Un tel débat devrait accélérer l’avancement
du pays sur la voie de l’intégration euro-atlantique. Le Conseil
de l’Europe pourrait jouer un rôle moteur dans ce processus.
9. Etant donné les considérations ci-dessus, l’Assemblée exhorte
l’ensemble des acteurs de la scène politique nationale à s’associer
pleinement à un dialogue digne de ce nom et constructif sur des
propositions concrètes d’amendements à la Constitution dans le droit-fil
des recommandations de la Commission de Venise de 2005, afin d’adopter
un ensemble de réformes en temps opportun pour les élections législatives
de 2010 qui devraient être organisées conformément à la Constitution
révisée.
10. De plus, l’Assemblée invite les autorités de Bosnie-Herzégovine:
10.1. à mettre fin à leur obstructionnisme
et à œuvrer dans un esprit constructif au niveau des institutions
étatiques afin d’adopter rapidement les principaux textes législatifs
nécessaires pour progresser sur la voie de l’intégration euro-atlantique;
10.2. à accélérer la mise en œuvre des principales réformes
liées à la réalisation du reste des engagements pris à l’égard du
Conseil de l’Europe, en particulier s’agissant des Stratégies nationales sur
les crimes de guerre et sur la réforme judiciaire;
10.3. à se conformer à la décision du haut représentant concernant
la prolongation du mandat des juges et des procureurs internationaux
de la Cour d’Etat et du parquet d’Etat qui travaillent sur les affaires
de crimes de guerre, ainsi qu’à réunir les fonds nécessaires et
former les personnels appropriés afin de pouvoir embaucher en 2013
des juges et des procureurs nationaux en remplacement des magistrats
internationaux;
10.4. à faire aboutir la réforme de l’institution du médiateur
au niveau de l’Etat en démantelant effectivement les bureaux des
médiateurs au niveau des entités existantes;
10.5. à mettre en œuvre une réforme globale de l’administration
locale en vue d’harmoniser la législation en la matière aux niveaux
des entités et, dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, entre les
différents cantons, afin de transférer de fait des compétences sectorielles
aux autorités locales, de renforcer la décentralisation fiscale,
de développer les capacités des autorités locales et de promouvoir la
coopération intercommunale entre les entités;
10.6. à assurer le pluralisme des médias et à veiller à ce que
tous les partis politiques aient accès aux médias dans des conditions
d’égalité, afin de garantir une couverture équitable et impartiale
de la campagne électorale à l’approche des élections législatives
d’octobre 2010;
10.7. à adopter d’urgence la Stratégie révisée de mise en œuvre
de l’annexe VII à l’Accord de paix de Dayton; les fonds pour la
mise en place de la stratégie révisée devraient être obtenus conformément
à la décision de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine
de février 2009;
10.8. à adopter d’urgence la législation nécessaire pour réaliser
en 2011 un recensement de la population à l’échelle du pays, conformément
à l’accord conclu auparavant entre les principales parties prenantes;
10.9. à se conformer à leurs obligations légales pour parachever
la mise en œuvre de la décision finale concernant Brćko et à œuvrer
pour la cessation de la supervision internationale.
11. L’Assemblée décide de suivre de près la situation en Bosnie-Herzégovine
et invite sa commission de suivi à examiner, lors de sa prochaine
réunion avant la partie de session d’avril 2010, les progrès réalisés
par les autorités de ce pays en matière de mise en œuvre de la présente
résolution et des résolutions antérieures de l’Assemblée sur le
sujet, et à proposer d’autres mesures à prendre si la situation
l’exige.