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Résolution 1857 (2012) Version finale
La situation au Bélarus
1. L'Assemblée parlementaire est profondément
préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l'homme
et des libertés civiles et politiques au Bélarus, depuis l'adoption,
en janvier 2011, de la Résolution 1790
(2011) sur la situation au Bélarus après l'élection présidentielle.
2. Les autorités du Bélarus ont continué de prendre des mesures
de plus en plus répressives contre toute tentative de contestation,
en ayant recours de façon régulière à l'intimidation et aux arrestations
arbitraires, et en ciblant les membres de l'opposition, les médias
indépendants, les militants de la société civile et les défenseurs
des droits de l'homme. Ces actions viennent confirmer la tendance
préoccupante des autorités de Minsk à tourner délibérément le dos
à l'Europe et aux valeurs qu'elle défend.
3. L'Assemblée déplore qu’un certain nombre de personnes, y compris
d’anciens candidats à la présidence et des militants de la société
civile, ainsi que d'éminents défenseurs des droits de l'homme, soient
toujours incarcérés pour des motifs politiques. Elle note que certaines
des personnes qui avaient été condamnées à des peines d'emprisonnement
pour leur participation à des manifestations contre le gouvernement
ont été graciées depuis lors. Cependant, certains prisonniers ont
affirmé avoir été contraints de demander la clémence et d’admettre
leur culpabilité pour obtenir leur libération. Dans de nombreux
cas, les prisonniers libérés ont affirmé qu’ils ont été victimes
d'actes de torture, qu’ils n’ont pas reçu de soins médicaux appropriés
et qu’ils se sont vu refuser un accès effectif à une représentation
juridique.
4. Au vu des récents développements préoccupants dans les domaines
de la liberté d'expression, de réunion et d’association, l'Assemblée:
4.1. condamne la persécution permanente
des membres de l'opposition et le harcèlement des militants de la
société civile, des médias indépendants et des défenseurs des droits
de l'homme au Bélarus;
4.2. est vivement préoccupée par les conditions de détention
des prisonniers politiques qui sont souvent détenus au secret et
qui courent un risque réel de subir des actes de torture et autres
formes de mauvais traitements;
4.3. déplore la condamnation d’Ales Bialiatski à quatre ans
et demi d'emprisonnement pour une évasion fiscale présumée, et considère
que cela équivaut à un harcèlement juridique envers un défenseur
des droits de l'homme pour la conduite d'activités légitimes en
faveur des droits de l'homme dans un pays où les organisations indépendantes
ne peuvent pas se faire enregistrer et recevoir des fonds de l’étranger;
4.4. condamne le recours politiquement motivé à la législation
fiscale pour supprimer l'activité des défenseurs des droits de l'homme;
4.5. déplore les récentes modifications législatives adoptées
en octobre 2011, qui apportent des restrictions supplémentaires
à la liberté d'expression, de réunion et d'association, en assujettissant
les activités des organisations non gouvernementales bélarussiennes
à un contrôle politique encore plus strict et en proscrivant les
financements étrangers.
5. Concernant la liberté des médias, l'Assemblée:
5.1. note avec une vive préoccupation
que les journaux et autres organisations de médias indépendants
continuent d'être harcelés et ciblés par l’application d’amendes
ainsi que par des actes d'intimidation à l'égard d'annonceurs publicitaires
potentiels;
5.2. condamne la pratique des «avertissements» adressés par
les autorités du Bélarus à un certain nombre de journalistes et
d'organisations des droits de l'homme, et considère que cela constitue
une violation des normes des droits de l'homme internationalement
admises;
5.3. condamne la pratique consistant à dresser des «listes
noires» de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme et
d'autres militants dans le but de restreindre leur activité professionnelle
et leur liberté de mouvement.
6. Concernant la peine de mort, l'Assemblée:
6.1. est consternée par l'exécution,
en juillet 2011, de la sentence de mort prononcée contre Aleh Grichkovstov
et Andreï Bourdyka, alors que leur affaire était en instance auprès
du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, et par le refus
permanent du Bélarus de prendre des mesures concrètes vers l'abolition
de la peine de mort ou l'instauration d'un moratoire sur la question;
6.2. déplore les sentences de mort prononcées le 30 novembre
2011 contre Dmitry Konovalov et Vladislav Kovalev, et a de sérieuses
craintes que l'enquête et le procès soient entachés de graves atteintes
aux droits de l'homme (y compris d'un recours à la torture en vue
d'extorquer des aveux), ainsi que de contradictions et de lacunes
des éléments de preuve présentés lors du procès; elle invite les autorités
compétentes à procéder à une enquête complète sur les allégations
formulées à ce propos et à garantir une véritable justice aux victimes
des actes terroristes odieux en question, et réitère qu'une telle
peine irréversible, cruelle et inhumaine est inacceptable, aussi
odieux que soient les crimes allégués perpétrés;
6.3. note avec regret que les travaux du groupe de travail
parlementaire sur l'étude de la question de la peine de mort, amorcés
il y a deux ans, n'aient pas débouché sur des résultats tangibles.
7. Concernant la situation des droits de l'homme et des libertés
politiques, l'Assemblée réitère son appel aux autorités du Bélarus:
7.1. à libérer et à réhabiliter tous
les prisonniers politiques, y compris ceux qui ont été graciés,
et à engager une enquête approfondie et crédible sur les allégations
de mauvais traitements et de torture au moment de l'arrestation
et pendant la détention;
7.2. à s'abstenir d'exercer des pressions sur les prisonniers
politiques, à garantir une assistance juridique et médicale adéquate
à tous les prisonniers, et à autoriser leur famille à les approcher,
de manière appropriée;
7.3. à permettre aux avocats d'exercer leur activité professionnelle
sans crainte de représailles, à rétablir la licence des avocats
qui ont été radiés pour des motifs politiques et à mettre fin à
la procédure d’examen de qualification extraordinaire des avocats
déjà qualifiés;
7.4. à abroger l’article 193-1 du Code pénal, qui pénalise
l’organisation d’activités par des associations publiques non enregistrées
ainsi que la participation à leurs activités;
7.5. à garantir la liberté de réunion et à mettre un terme
au recours à la force pour disperser les actions de protestation
et arrêter les manifestants;
7.6. à garantir la liberté d'expression et à mettre fin au
harcèlement des journalistes et des médias indépendants ainsi qu’à
la pratique des «avertissements»;
7.7. à permettre à la mission de l'Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE) de retourner dans le pays et
d'y reprendre ses activités;
7.8. à coopérer de manière pleine et entière avec toutes les
organisations internationales des droits de l'homme et à répondre
positivement aux demandes de visite formulées par les rapporteurs
de l'Assemblée, les organes des Nations Unies, l'OSCE et l'Union
européenne, y compris dans les lieux où sont détenus les prisonniers
politiques;
7.9. à instaurer immédiatement un moratoire sur les exécutions
en vue de l'abolition complète de la peine de mort, conformément
aux appels répétés de l'Assemblée; elle demande instamment aux autorités
du Bélarus de ne pas appliquer les sentences de mort prononcées
à l’encontre de Dmitry Konovalov et de Vladislav Kovalev;
7.10. à amener les auteurs, ainsi que les instigateurs et les
organisateurs de la disparition de Youri Zakharenko, Victor Gontchar,
Anatoly Krassovski et Dmitri Zavadski, à rendre compte de leurs
actes, conformément à la demande urgente faite par l'Assemblée pour
la première fois dans sa Résolution 1371
(2004) sur les personnes disparues au Bélarus.
8. Concernant les élections législatives de 2012, l'Assemblée
exhorte les autorités du Bélarus:
8.1. à
poursuivre le processus de réforme de la législation et de la pratique
électorales en tenant compte de tout l’éventail de recommandations
du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme
(BIDDH/OSCE) et de la Commission européenne pour la démocratie par
le droit (Commission de Venise);
8.2. à prendre immédiatement des mesures pour renforcer l'indépendance
de la Commission électorale du Bélarus et de ses organes régionaux;
8.3. à inviter les observateurs internationaux, y compris l'OSCE
et d'autres organisations parlementaires, dont l'Assemblée, à superviser
les élections ainsi que la campagne électorale;
8.4. à prendre des mesures supplémentaires pour garantir, tant
dans la législation que dans la pratique, la transparence du décompte
des voix au cours des élections, et pour donner l'opportunité aux observateurs
de superviser de façon effective le processus de vote, le dépouillement
du scrutin et le pointage des résultats.
9. L'Assemblée encourage toutes les forces politiques et les
militants engagés dans la campagne pour les élections législatives
à venir à se focaliser sur les nombreux défis auxquels les citoyens
sont confrontés et à présenter des programmes concrets visant le
changement politique pour améliorer la vie de la population, en mettant
l'accent sur les réformes politiques et économiques.
10. L'Assemblée estime que la communauté internationale doit s’engager
massivement, de façon pleine et entière, et durablement auprès du
peuple du Bélarus. L'ouverture, le dialogue et la multiplicité des
contacts sont essentiels pour nouer des relations avec les citoyens
du Bélarus.
11. Par conséquent, l'Assemblée décide:
11.1. de renforcer son engagement auprès des représentants de
la société civile, des médias indépendants et des forces d'opposition,
ainsi que des associations professionnelles indépendantes, pour
apporter un appui renforcé à leur développement, et de les inviter
à participer aux tables rondes, séminaires et auditions organisés
par ses commissions;
11.2. d'intensifier la coopération entre ses différents organes
qui s'occupent du Bélarus et leurs homologues du Parlement européen,
de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE et du Forum de la société civile
du Partenariat oriental de l'Union européenne, afin d'améliorer
l'efficacité des activités des institutions européennes visant à
renforcer la société civile au Bélarus.
12. En outre, l'Assemblée encourage les Etats membres du Conseil
de l'Europe:
12.1. à utiliser leur
influence politique et diplomatique pour convaincre les autorités
du Bélarus à prendre les initiatives législatives pertinentes pour
harmoniser les lois nationales avec les normes des droits de l’homme
internationalement admises, et à coopérer effectivement avec le
Conseil de l'Europe, l'OSCE, l’Union européenne ainsi que les organes
des Nations Unies;
12.2. à s’aligner sur le régime de sanctions ciblées de l’Union
européenne jusqu’à la libération et la réhabilitation complète de
tous les prisonniers politiques, et à exhorter les autorités du
Bélarus à mettre un terme à la répression des opposants politiques;
12.3. à développer plus encore les canaux de communication avec
les représentants de la société civile, les médias indépendants
et les forces d'opposition du Bélarus;
12.4. à envisager le réexamen des mécanismes internationaux
et bilatéraux d'échange d'information en vue d'éviter une utilisation
abusive des données par les autorités du Bélarus;
12.5. à envisager la possibilité de réduire ou de supprimer
les frais de visa d'entrée pour les citoyens du Bélarus;
12.6. à continuer d'ouvrir les universités et d'offrir des programmes
de bourses aux jeunes étudiants bélarussiens, et à établir des liens
avec l'Université des humanités européennes exilée à Vilnius et
avec l’Ecole des études politiques du Conseil de l’Europe, également
en exil à Kiev.
13. L'Assemblée appelle aussi l'Union européenne et ses Etats
membres:
13.1. à maintenir, voire
à renforcer, le régime de sanctions ciblées, en particulier à l’encontre d’entreprises
détenues par l’Etat, liées au Président Loukachenko et à d’autres
hauts fonctionnaires qui continuent à réprimer le peuple bélarussien,
jusqu'à la libération et à la réhabilitation pleine et entière de tous
les prisonniers politiques, et jusqu’à la fin de la répression de
l'opposition politique, des médias indépendants et des défenseurs
des droits de l'homme;
13.2. à poursuivre leur soutien, y compris financier, en faveur
du développement des organisations de la société civile, y compris
les organisations des droits de l'homme et les médias indépendants,
les associations professionnelles indépendantes, les organisations
apolitiques de la base et les organisations de création de réseaux
axées sur une meilleure utilisation de l'internet et des réseaux sociaux,
et offrant aux jeunes l’opportunité de s’engager davantage dans
leur communauté;
13.3. à mettre en place des programmes d'échange et de formation
professionnelle à l'intention des journalistes et des avocats des
droits de l'homme.
14. L'Assemblée réitère qu'il ne peut y avoir de progrès dans
le dialogue avec les autorités du Bélarus sans avancée vers les
normes du Conseil de l'Europe.
15. A la lumière des développements depuis l'adoption de sa Résolution 1790 (2011) en
janvier 2011, l'Assemblée ne peut que réaffirmer sa décision de
suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau avec
les autorités du Bélarus et réitérer son appel au Bureau de l'Assemblée
de ne pas lever la suspension du statut d'invité spécial du Parlement
du Bélarus:
15.1. jusqu'à ce qu’un
moratoire sur la peine de mort ait été décrété par les autorités
bélarussiennes compétentes;
15.2. jusqu'à ce qu’il y ait des progrès substantiels, tangibles
et vérifiables en termes de respect des valeurs et des principes
démocratiques défendus par le Conseil de l'Europe.