Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1883 (2012) Version finale

Les cimetières juifs

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 25 mai 2012 (voir Doc. 12930, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur: M. de Bruyn).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle la contribution historique des communautés juives à la création du tissu social, culturel et économique de l’Europe, et souligne l’importance de préserver l’identité religieuse, historique et culturelle des communautés juives.
2. L’Assemblée souligne l’importance de la liberté de religion et d’expression religieuse, et défend le droit de reposer en paix, interprété comme un aspect particulier du droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5). L’Assemblée estime qu’il y a une responsabilité de protéger la dignité humaine au sens large en préservant les défunts dans leur sépulture d’une manière compatible avec leur religion.
3. Les cimetières et les fosses communes juifs (ci-après «lieux d’enterrement») font partie du patrimoine culturel européen. La Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199, «Convention de Faro») établit un lien important entre la protection des droits fondamentaux et celle du patrimoine, et affirme l’existence d’une «responsabilité européenne commune» vis-à-vis du patrimoine culturel, qui embrasse non seulement les éléments exceptionnels, mais aussi ordinaires du patrimoine et les valeurs qui y sont attachées.
4. L’histoire tragique du peuple juif a conduit à l’extermination, à l’exode ou au transfert de nombreuses communautés locales. Bien qu’il y ait encore souvent des traces des anciens cimetières dans les villes et villages qui ont perdu leur population juive, leur préservation et leur protection sont constamment menacées.
5. L’Assemblée relève que les dommages subis par les lieux d’enterrement juifs en Europe ne se limitent pas aux profanations de tombes mais sont très souvent le résultat d’une gestion déficiente, d’un manque de ressources, de violations des mesures de protection, de règles d’urbanisme inadaptées ou d’abus de propriété.
6. En outre, le statut juridique des lieux d’enterrement juifs est complexe, compte tenu de la variété des situations juridiques dans lesquelles se trouvent à la fois ces sites et les communautés juives dans différents pays européens. Il se peut aussi que, notamment dans les pays d’Europe centrale et orientale, un statut juridique spécial ait été tout simplement négligé ou oublié à la suite d’importants changements de régime politique.
7. Toutefois, l’Assemblée attire également l’attention sur les exemples positifs d’efforts de protection et de préservation des lieux d’enterrement juifs, déployés conjointement par des organisations locales et internationales juives et non juives, en coopération avec les autorités locales, dans toute l’Europe. Ces efforts mettent en évidence la volonté de favoriser une prise de conscience et de tirer les enseignements de l’Histoire, et une détermination à assumer une responsabilité commune pour la sauvegarde de ce patrimoine.
8. Un Itinéraire européen du patrimoine juif – établi sous les auspices de l’Accord partiel élargi du Conseil de l’Europe sur les itinéraires culturels – crée les opportunités et les conditions favorables pour protéger et préserver le patrimoine juif, dont les lieux d’enterrement, dans le cadre de son objectif général: contribuer à la réintégration spirituelle et historique des communautés juives détruites et à une connaissance accrue de l’histoire de l’Europe.
9. Par conséquent, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
9.1. de signer, de ratifier et de mettre en œuvre la Convention de Faro;
9.2. d’adhérer à l’Accord partiel élargi du Conseil de l’Europe sur les itinéraires culturels et, le cas échéant, de participer à son Itinéraire européen du patrimoine juif, qui constitue un excellent cadre pour une action concertée aux niveaux national et international;
9.3. de réviser, si besoin est, les cadres juridique, financier et professionnel nationaux afin notamment:
9.3.1. que la réglementation applicable, comme celle relative à l’urbanisme, prenne en compte les dispositions particulières en matière de conservation;
9.3.2. que les projets de développement local fassent l’objet d’un contrôle effectif pour éviter la violation des lieux d’enterrement juifs;
9.3.3. que les décisions concernant d’éventuels aménagements de ces sites tiennent dûment compte des valeurs et traditions culturelles et religieuses juives;
9.4. de mettre en œuvre, en partenariat avec les autorités locales concernées et les organisations juives intéressées, comme le Comité pour la préservation des cimetières juifs en Europe et l’organisation mondiale Agudath Israel, des initiatives visant à améliorer la gestion, l’entretien, la préservation et la restauration des lieux d’enterrement juifs et, en particulier:
9.4.1. de favoriser les actions conjointes entre les pouvoirs publics et les parties prenantes concernées telles que des experts, des universitaires, des centres d’archivage publics et privés, des entreprises et des organisations non gouvernementales;
9.4.2. de recenser et de recueillir les meilleures pratiques, et d’élaborer des lignes directrices nationales;
9.4.3. d’établir des programmes de localisation des lieux d’enterrement juifs, en recourant à des moyens techniques non intrusifs (comme les radars à pénétration de sol) et de faciliter les recherches techniques et le recensement de ces sites;
9.4.4. de constituer des bibliothèques virtuelles des sites, comportant des cartes, des photographies et des témoignages, et de les actualiser en permanence;
9.4.5. de promouvoir la connaissance de l’histoire locale et du patrimoine culturel local juif dans le cadre des stratégies de développement local;
9.4.6. de sensibiliser les communautés locales au besoin impérieux de préserver les sites menacés de profanation, de dégradation ou de disparition;
9.4.7. de lancer ou d’encourager des projets pilotes faisant participer des établissements scolaires et des associations locales à la construction de murs protecteurs, à l’entretien des cimetières, à la consultation des archives locales, à «l’adoption» de cimetières, etc.;
9.5. de coopérer avec le Conseil de l’Europe:
9.5.1. pour élaborer des instruments pratiques destinés à promouvoir la mise en œuvre de la Convention de Faro, comme des mécanismes participatifs visant à associer les communautés patrimoniales à la protection, à la restauration, à l’entretien et à la transmission du patrimoine culturel et religieux local;
9.5.2. pour échanger les meilleures pratiques et élaborer des lignes directrices communes concernant la protection du patrimoine juif, dont les lieux d’enterrement juifs;
9.5.3. pour promouvoir, avec le concours d’organisations juives locales et internationales, la connaissance de l’histoire juive, en mettant tout particulièrement l’accent sur la contribution positive des Juifs, individuellement ou collectivement, et de leur culture aux sociétés européennes, et sur leur rôle dans l’histoire locale et nationale.
10. L’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe à prendre en compte la présente résolution et à promouvoir la coopération entre les autorités locales et régionales à cet égard.
11. L’Assemblée invite l’Union européenne à coopérer avec le Conseil de l’Europe afin de soutenir la mise en œuvre effective de la Convention de Faro, d’élaborer des principes directeurs et de mettre en place des incitations financières pour protéger et préserver les sites patrimoniaux juifs dans le cadre de l’Accord partiel élargi du Conseil de l’Europe sur les itinéraires culturels.