1. La procédure à ce jour
1. Le 20 novembre 2009, l’Assemblée
parlementaire a décidé de renvoyer à la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme, pour rapport, la proposition de résolution
sur l’inacceptabilité des restrictions à la liberté de circulation
en guise de sanction pour des prises de position politiques (
Doc. 11903). A sa réunion du 26 janvier 2010, la commission m’a
désigné comme rapporteur.
2. Le 4 octobre 2011, la commission a tenu un échange de vues
avec Mme Nuala Mole, fondatrice et directrice
du Centre AIRE
(Londres),
afin de recueillir des éléments d’information sur certains aspects juridiques
de la question. Mme Mole a alors expliqué
à la commission le cadre juridique de l’espace Schengen et les règles
de l’Union européenne régissant la libre circulation des personnes.
Le rapporteur a également reçu une contribution écrite du professeur
Matthew Happold, de l’université du Luxembourg, concernant «Les signalements
visés à l’article 96 aux fins de non-admission et le système d’information
Schengen», qui lui a été très utile pour la préparation du présent
rapport.
2. La
problématique
3. Pour l'Assemblée et notre commission,
les questions liées à la liberté de circulation ne sont pas nouvelles.
A la veille de la dernière vague d’adhésions à l’Union européenne,
en janvier 2004, l'Assemblée avait adopté la
Recommandation 1648 (2004) sur les conséquences de l’élargissement de l’Union européenne pour
la liberté de circulation entre les Etats membres du Conseil de
l'Europe
. Le rapport correspondant de
la commission des questions juridiques et des droits de l'homme
donne une vue d’ensemble des travaux de l’Assemblée dans le domaine
de la liberté de circulation des personnes avant 2004
. Ceci étant, la question spécifique
de l’application de restrictions à la liberté de circulation en
guise de sanction pour l’expression d’opinions politiques ou idéologiques
n’a jamais été examinée par l’Assemblée auparavant.
4. Aux termes de la proposition de résolution, certains Etats
membres du Conseil de l'Europe abusent de leur droit d’interdire
l’entrée de leur territoire aux ressortissants d'autres Etats en
établissant des «listes noires» de ces personnes, en guise de «sanction»
pour l’expression d’opinions politiques. Il y est soutenu que, dans certains
cas, les ressortissants concernés ne se sont même pas rendus dans
les Etats qui les ont «placés sur une liste noire» et n’ont donc
pas pu enfreindre leurs lois. En revanche, dans leur propre pays,
ils ont activement participé à des actions politiques pour critiquer
les politiques des autorités d'autres Etats. Selon la proposition,
leur liberté de circulation est donc restreinte en guise de sanction
pour avoir exprimé des critiques politiques, ce qui va à l’encontre
des valeurs défendues par le Conseil de l'Europe. Si l’Etat interdisant
l’entrée sur son territoire à ces personnes est partie à l’Accord
de Schengen, cette interdiction est étendue automatiquement à tous
les autres Etats parties à l’accord. La proposition de résolution
affirme que les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent protéger
le droit des citoyens à la liberté de circulation, conformément à
l’Accord européen sur le régime de la circulation des personnes
entre les pays membres du Conseil de l'Europe (STE no 25).
5. Les restrictions sont, en général, imposées pour des motifs
plus graves que le fait de défendre ou d’exprimer certaines opinions
politiques. Toutefois, comme le montrent les quelques exemples ci-après,
il est déjà arrivé que la liberté de circulation soit soumise à
des restrictions pour ce motif précis.
6. Au printemps 2007, l’Estonie a décidé de retirer du centre
de Tallin la statue en bronze d’un soldat héroïque datant de l’ère
soviétique, ce qui a donné lieu à des manifestations de personnes
d’origine russe en Estonie, notamment des membres du groupe pro-Kremlin
«Nashi». Ces manifestations ont été émaillées par de violents affrontements
en Estonie, lors desquels plus de 40 personnes ont été blessées
et 300 autres ont été arrêtées
. Le pays a alors
interdit l’entrée sur son territoire à certains membres russes du
groupe Nashi pour des raisons de sécurité nationale
.
Lorsque l’Estonie est devenue partie à l’Accord de Schengen en décembre
2007, ces interdictions ont été enregistrées dans les bases de données
Schengen, ce qui a empêché les militants concernés de se rendre
dans un quelconque Etat membre de l’espace Schengen. En décembre
2008, 488 ressortissants russes figuraient toujours sur cette «liste
noire».
7. En octobre 2007, l’entrée en Russie a été refusée, prétendument
pour des raisons de sécurité, à un expert allemand qui, pourtant,
était en possession d’un visa
. Le problème a ensuite été résolu,
et l’analyste a pu entrer en Russie un mois plus tard
, mais il n’en reste pas moins que
sa liberté de circulation a temporairement été soumise à restrictions.
8. Dans un autre cas, une militante néozélandaise de Greenpeace
a fait l’objet d’un signalement par la France dans le système d'information
Schengen au motif qu'elle représentait une menace pour la sécurité nationale
parce qu’elle avait participé à des manifestations contre les essais
nucléaires français dans le Pacifique Sud
.
Par ailleurs, M. et Mme Moon, dirigeants
de «l’Eglise de l'unification», ont été signalés par les autorités
allemandes, qui ont considéré que leur visite en Allemagne représenterait
une menace pour la jeunesse allemande et, par conséquent, pour l’ordre
public et la sécurité
.
3. Principaux
aspects juridiques et de droits de l'homme
9. L’évaluation juridique de telles
actions dépend du contexte géographique dans lequel elles interviennent.
Les ensembles de règles qui s’appliquent diffèrent en fonction des
situations. Selon le cas, les règles communautaires ou les conventions
du Conseil de l’Europe peuvent s’appliquer et interagir avec les normes
classiques du droit international public.
10. En application des règles générales du droit international
public, par dérogation aux normes relatives à l’asile, les Etats
peuvent définir les conditions dans lesquelles les non-ressortissants
(«étrangers») sont admis sur leur territoire. En conséquence, le
droit international public général ne confère pas à une personne
le droit d’entrer sur le territoire d’un pays dont elle n’est pas
un ressortissant, ni d’y séjourner
.
11. Dans le droit international public, la «liberté de circulation»
désigne la circulation des personnes à l’intérieur d’un Etat et
entre deux Etats différents. C’est précisément ce deuxième aspect
qui est examiné dans le présent rapport.
12. Ce rapport ne vise pas à faire une distinction entre les Etats
qui ne délivrent pas de visas et ceux qui refusent l'entrée sur
leur territoire par d'autres moyens
. Il ne traite pas non plus de la
question spécifique des listes noires anti-terroristes dressées
par le Conseil de sécurité des Nations Unies et l’Union européenne.
Les problèmes de droits de l'homme soulevés par certaines «sanctions
ciblées» ont fait l'objet d'un rapport à part, préparé par notre
ancien collègue, M. Dick Marty
.
3.1. Le
cadre du Conseil de l'Europe
13. Dès les premières années de
son existence, le Conseil de l'Europe a œuvré dans le domaine de
la libre circulation des personnes. A cet égard, je rappelle en
particulier la Convention européenne d’établissement
de 1955 (STE no 19)
et l’Accord européen de 1957 sur le régime de la circulation des
personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe (STE no 25),
ainsi que la Convention européenne relative au statut juridique du
travailleur migrant (STE no 93) et la
Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière
des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106).
14. En particulier, l’Accord européen sur le régime de la circulation
des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe, auquel
fait référence la proposition de résolution, et qui a pour objet
de faciliter les déplacements des personnes entre les pays signataires
a été signé à Paris le 13 décembre 1957; il est entré en vigueur
le 1er janvier 1958. A ce jour, 16 Etats
membres du Conseil de l'Europe l’ont ratifié
. Le
but de l’accord est de permettre aux ressortissants des Etats parties
d’entrer sur le territoire des autres Etats parties ou d’en sortir
par une quelconque frontière sur présentation de l’un des documents
énumérés dans l’annexe à l’accord. Les facilités accordées ne le
sont que pour des séjours d’une durée inférieure ou égale à trois
mois. Le suivi de la mise en œuvre de l’accord a été assuré par
trois comités d’experts successifs, puis abandonné en 1991, en raison
de difficultés de fonctionnement de l’accord
. On peut donc considérer,
sans risque d’erreur, que l’accord n’est plus applicable de fait.
15. Aux termes de l’article 2 du Protocole no 4
à la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 46),
intitulé «Liberté de circulation», quiconque se trouve régulièrement
sur le territoire d’un pays a le droit d’y circuler librement et
de quitter ce pays, quel qu’il soit. Ceci étant, l’article considéré
ne traite pas du droit d’entrée
dans un
pays, dont il est question dans le présent rapport. En outre, certains
Etats membres du Conseil de l'Europe n’ont pas adhéré à ce protocole
.
16. Du reste, les droits inscrits dans la Convention européenne
des droits de l'homme (STE no 5, «la Convention»)
ne confèrent pas en eux-mêmes un droit général d’entrer sur le territoire
d’un Etat membre du Conseil de l'Europe. En fait, la Cour européenne
des droits de l’homme («la Cour») considère que les décisions relatives
à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers ne relèvent
pas du champ d’application de la garantie d’un «procès équitable»
visée à l’article 6.1, dans la mesure où elles n’emportent pas contestation
sur des droits ou obligations de caractère civil ni n'ont trait
au bien-fondé d’une accusation en matière pénale
.
17. De même, la Cour estime qu'en général, le respect de la vie
privée et familiale, prévu à l'article 8 de la Convention, ne garantit
pas à un étranger le droit d’entrer ou de résider dans un pays donné
.
Elle considère toutefois que dans des situations particulières,
les personnes pourraient invoquer l’article 8 de la Convention pour
entrer et résider dans un Etat membre en vue d’y rejoindre leur
famille
,
ce qui montre clairement que le droit des Etats à interdire l’entrée
de leur territoire aux étrangers peut être limité dans certaines
circonstances.
18. A ce jour, il ne semble pas exister de cas où le droit d’entrée
aurait été établi sur la base de la liberté d’expression, visée
à l’article 10 de la Convention.
19. Ceci étant, refuser à une personne l’entrée sur un territoire
au seul motif qu’elle défend certaines opinions politiques pourrait
constituer un abus du droit de déterminer l’entrée sur un territoire
et une forme de discrimination au sens de l’article 14 de la Convention.
3.2. Le
cadre juridique de l’Union européenne
3.2.1. Situations
intra-Union européenne
20. Dans la mesure où les actions
mentionnées dans la proposition de résolution ont lieu au sein de
l’Union européenne, c'est-à-dire lorsqu’un Etat membre refuse l’entrée
sur son territoire au ressortissant d’un autre Etat membre ou d’un
pays tiers soumis au droit de l’Union européenne, ce sont les règles
sur la liberté de circulation de l’Union européenne qui s’appliquent.
Dans ce cas, aux termes de l’article 3.2 du Traité sur l’Union européenne
(TUE), l’Union offre à ses ressortissants «un espace de liberté,
de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel
est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec
des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures,
d’asile, d’immigration, ainsi que de prévention de la criminalité
et de lutte contre ce phénomène». En outre, l’article 26.2 du Traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que le
marché intérieur comprend un espace sans frontières intérieures,
dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes,
des services et des capitaux est assurée.
21. Plus spécifiquement, le Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne prévoit à ses articles 18 (non-discrimination), 20 (citoyenneté
de l’Union), 45 (libre circulation des travailleurs), 49 (liberté d’établissement)
et 56 (libre prestation des services) un ensemble de règles juridiquement
contraignantes qui permet aux ressortissants de l’Union européenne
de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l'Union.
Ces droits ont été progressivement dissociés du contexte de l’activité
économique, essentiellement du fait de la jurisprudence de la Cour
de justice de l’Union européenne
. La Directive 2004/38/CE
donne des précisions à cet égard
.
22. Bien évidemment, il peut exister des exceptions à cette règle
de libre circulation. Les Etats membres peuvent invoquer des motifs
d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Ces restrictions
doivent toutefois être interprétées d’une manière restrictive et
être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu
concerné. Elles doivent en outre être conformes aux droits fondamentaux.
Même des condamnations pénales antérieures ne constituent pas en
elles-mêmes des motifs suffisants pour prendre de telles mesures.
La Cour de justice a ainsi considéré que la réserve relevant de
l’ordre public constitue une dérogation – devant faire l’objet d’une
interprétation restrictive – au principe de libre circulation et
que son champ ne peut être déterminé unilatéralement par chaque
Etat membre de l’Union européenne
. Par conséquent, seule l’existence
d’une menace réelle et suffisamment grave pesant sur l’un des intérêts fondamentaux
de la société justifie la prise de mesures – pour des motifs d’ordre
public et de sécurité publique – entraînant une restriction de la
liberté de circulation. Les Etats membres de l’Union européenne
ne peuvent refuser l’entrée sur leur territoire qu’aux ressortissants
d’autres pays de l’Union européenne (et à des ressortissants de
pays tiers séjournant légalement sur le territoire d’autres pays
de l’Union européenne) dont la présence constituerait en elle-même
un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique
.
23. S’agissant des restrictions à la liberté de circulation qui
pourraient être considérées comme une sanction pour des prises de
position politiques, une affaire est actuellement pendante devant
la Cour de justice de l’Union européenne: le 8 juillet 2010, la
Hongrie a intenté une action contre la République slovaque. La Hongrie demande
à la Cour de justice de déclarer que la République slovaque n’a
pas rempli ses obligations au titre de la législation de l’Union
européenne en n’autorisant pas le Président hongrois à entrer sur
le territoire de la République slovaque
. Le respect de la procédure en cours
devant la Cour m’interdit de faire tout commentaire à ce sujet.
Je tiens cependant à souligner que la Commission européenne, en
tant que gardienne impartiale des traités, est intervenue dans cette
affaire en faveur de la République slovaque
. J’aimerais aussi faire remarquer
que des affaires comme celle-ci, dans lesquelles au lieu de la Commission
européenne ce sont des Etats qui intentent un recours en manquement
contre d’autres Etats, sont extrêmement rares devant la Cour de
justice. Ce n’est en effet que la quatrième affaire de ce type dans
l’histoire de l’Union européenne.
24. Il apparaît donc que dans les situations intra-Union européenne,
les Etats membres ne peuvent pas imposer de restrictions à la liberté
de circulation d’une personne au seul motif que cette dernière défend certaines
opinions politiques. Comme nous avons pu le voir, le droit de l’Union
européenne fixe des règles très strictes en ce qui concerne l’application
de restrictions à la liberté de circulation. Une telle pratique
irait directement à l’encontre du droit primaire et dérivé de l’Union
européenne et pourrait donner lieu à des actions devant la Cour
de justice de l’Union européenne ainsi qu’à des procédures de demande
de dommages-intérêts à l’Etat en cause pour les préjudices subis
par la personne concernée. Selon la jurisprudence établie de la
Cour de justice de l’Union européenne, des personnes lésées ont
droit à réparation dès lors que la règle de droit de l’Union européenne
violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation
est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité
direct entre cette violation et le préjudice subi par la personne concernée,
que la violation en question se rapporte aux traités eux-mêmes ou
à des actes de droit dérivé
.
3.2.2. L’espace
Schengen
25. La circulation des personnes
entre un Etat membre de l’Union européenne et un pays tiers n’étant
pas soumis à la juridiction de l’Union européenne est régie par
le régime de Schengen. Ce régime n’établit pas le droit d’un ressortissant
d’un pays tiers à entrer sur le territoire de l'Union européenne,
mais fixe le cadre technique dans lequel les Etats membres contrôlent
leurs frontières extérieures (c’est-à-dire leurs frontières avec
les pays se trouvant hors de l’espace Schengen) et s’envoient mutuellement
des signalements pour prévenir l’entrée de personnes indésirables
dans l’espace Schengen.
3.2.2.1. Le
système Schengen
26. Le premier Accord de Schengen
a été conclu le 14 juin 1985
par la France, l’Allemagne et les trois Etats du Benelux dans le
but d’abolir progressivement les contrôles aux frontières communes
et de promouvoir ainsi la libre circulation des marchandises et
des personnes. Cet accord initial prévoyait de remplacer les contrôles
des passeports par la vérification visuelle des véhicules qui pourraient
franchir la frontière sans s’arrêter, en ralentissant simplement
au passage des postes frontières.
27. L’abolition des contrôles aux frontières communes des pays
de l’espace Schengen supposait nécessairement la création et la
protection d’une frontière extérieure commune, ce qui a amené les
mêmes Etats à adopter, le 19 juin 1990, la Convention d’application
de l’accord de Schengen («Convention de Schengen»)
. Compte tenu du déficit de sécurité
qui pourrait résulter de l’abolition des contrôles aux frontières,
cette convention, entrée en vigueur le 26 mars 1995 pour les pays
signataires initiaux, plus l’Espagne et le Portugal, a institué
des mesures compensatoires concernant l’asile et la coopération
entre les autorités policières, judiciaires et douanières. Elle
énonce donc essentiellement des mesures concernant les règles applicables
aux contrôles aux frontières extérieures, l’harmonisation des règles
pour les visas et la coopération policière. Elle prévoit également
la création du système d’information Schengen (SIS), qui permet aux
autorités nationales compétentes de tous les Etats parties d’avoir
accès aux données concernant les individus non habilités à pénétrer
dans l’espace Schengen. Ce système sera examiné plus en détail ci-après.
28. Même si sa vocation ultime était de concourir à la réalisation
de l’objectif du Traité (CEE), à savoir la libre circulation des
marchandises et des personnes, l’espace Schengen s’est d’abord développé
dans un cadre purement intergouvernemental, en dehors du cadre juridique
communautaire, jusqu’au moment où les accords de Schengen ont été
intégrés à l'ordre juridique de l'Union européenne par le Traité
d’Amsterdam
, en tant que composante de «l’espace de
liberté, de sécurité et de justice». Les dispositions ont dès lors
été scindées entre le «premier pilier» de l'Union européenne, supranational,
et le «troisième pilier», essentiellement intergouvernemental. Les
aspects concernant la libre circulation des personnes, tels que
la politique en matière de visa et d’immigration, ont été intégrés
au premier pilier, dans le chapitre suivant les dispositions relatives
au marché intérieur correspondantes, tandis que les mesures dans
le domaine de la sécurité ont été regroupées dans le troisième pilier.
29. En outre, un protocole au Traité d’Amsterdam
a établi la base juridique permettant
l’intégration des traités de Schengen et des mesures d’application
(acquis de Schengen) dans le droit
de l’Union européenne
. Ce protocole existe toujours aujourd’hui
. Par la suite, la structure à trois
piliers a été abolie par le Traité de Lisbonne, ce qui a eu d’importantes
répercussions sur les procédures décisionnelles et le contrôle juridictionnel
.
30. L’espace Schengen regroupe actuellement 22 Etats membres de
l’Union européenne
et quatre Etats non membres
. Chypre, l’Irlande et le Royaume-Uni
n’en font pas partie, comme c’est encore le cas actuellement pour
la Bulgarie et la Roumanie, dont les demandes d’adhésion ont été
repoussées en septembre 2011
.
3.2.2.2. Inscription
sur les «listes noires» du système d’information Schengen
31. La proposition de résolution
évoque l’inscription sur des «listes noires» dans le contexte de
l’Accord de Schengen. Je tiens à donner des explications sur ce
procédé.
32. L’abolition des contrôles aux frontières intérieures entre
les Etats de l’espace Schengen est compensée par des contrôles plus
stricts aux frontières extérieures et par l’instauration de diverses
mesures préventives. En plus de la procédure classique de délivrance
d’un visa, une base de données électroniques, appelée système d’information
Schengen (SIS), a été mise en place en vertu de l’article 92 de
la Convention de Schengen pour faciliter le contrôle des frontières.
Cette base de données, qui constitue l’élément central du régime
de Schengen, contient des renseignements sur les individus ayant
commis des délits graves et sur ceux qui se sont déjà vu refuser
l’entrée dans l’espace Schengen
. Elle est
utilisée par les autorités nationales des Etats membres pour échanger
des données sur diverses catégories de personnes et de biens. Elle
vise à préserver l’ordre et la sécurité publics, y compris la sécurité
nationale, sur les territoires des parties contractantes et à appliquer
sur ces mêmes territoires les dispositions sur la circulation des
personnes de la convention en utilisant les informations transmises
via ce système
.
33. «L’inscription sur les listes noires du système Schengen»
désigne le fait de réaliser un signalement dans le système d’information
Schengen aux fins de non-admission dans l’espace Schengen. Ces signalements sont
désignés par «signalements visés à l’article 96», par référence
à la numérotation de la Convention de Schengen. Les signalements
dans le SIS aux fins de non-admission des étrangers non ressortissants
de l’Union européenne relèvent des cours ou autorités administratives
compétentes des Etats membres de l’espace Schengen, qui procèdent
suivant les règles de procédure établies dans leur législation nationale
.
34. Tout Etat membre de l’espace Schengen peut faire un signalement
et les autres Etats membres sont tenus de le respecter
.
Les motifs pour lesquels un Etat membre peut faire un signalement
aux fins de non-admission sont énoncés à l’article 96 de la Convention
de Schengen. En particulier, l’article 96.2 dispose que les décisions
prises par les autorités nationales compétentes peuvent être fondées
sur la menace pour l'ordre public ou la sécurité et la sûreté nationales
que peut constituer la présence d'un étranger sur le territoire national.
Le même article donne des exemples
,
à savoir des personnes déjà condamnées, des personnes à l'égard
desquelles il existe des raisons sérieuses de croire qu'elles ont
commis des faits punissables graves ou des personnes à l'égard desquelles
il existe des indices réels laissant à penser qu'elles envisagent
de commettre de tels faits. La formulation des dispositions («tel
peut être notamment le cas…») indique que la liste d’exemples n’est
qu’indicative et non pas exhaustive
. Les motifs pour lesquels
un signalement peut être effectué sont donc très nombreux.
35. Des refus d’entrée peuvent aussi être saisis dans le SIS lorsque
le ressortissant du pays tiers a déjà fait l'objet d'une mesure
d'éloignement, de renvoi ou d'expulsion non rapportée ou suspendue,
assortie d'une interdiction d'entrée.
36. L’Etat membre à l’origine du signalement est tenu de vérifier
en permanence que son signalement reste valable et bien fondé; il
doit l’effacer dès lors qu’il ne tend plus à des fins légales.
37. Les Etats membres sont par ailleurs liés par le Code frontières
Schengen
.
L’article 5 dudit règlement définit les conditions d’entrée pour
les ressortissants de pays tiers. Ces derniers doivent notamment
être en possession d’un visa en cours de validité et ne pas être
signalés aux fins de non-admission dans le système d’information
Schengen. Il s’ensuit en particulier que les Etats membres sont
tenus d’exécuter tout refus d’entrée ayant été saisi dans le SIS
par un autre Etat membre. L’article 13 du Code frontières Schengen énumère
les conditions dans lesquelles l’entrée peut être refusée et précise
que la décision motivée indiquant les raisons précises du refus
doit être notifiée au moyen d'un formulaire standard, rempli par
l'autorité compétente habilitée par la législation nationale à refuser
l'entrée. Le formulaire ainsi complété est remis au ressortissant
du pays tiers concerné, qui accuse réception de la décision de refus
au moyen du même formulaire.
38. Au-delà de ces situations, un Etat membre ne peut autoriser
un tel ressortissant à entrer sur son territoire qu’à titre exceptionnel,
pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison
d'obligations internationales
.
Ceci étant, il est évident que dans de nombreux cas, ces exceptions
risquent d’être sans effet. Une personne n’ayant pas besoin de visa
pour voyager dans l’espace Schengen ou ayant obtenu son visa avant
qu’un signalement la concernant n’ait été fait ne découvrira qu’elle
est inscrite sur une liste noire qu’au moment où son entrée sera
refusée au poste frontière, et il est très peu probable qu’une exception
lui sera alors accordée. Les conséquences peuvent même être encore
plus graves si la personne concernée se trouve déjà dans l’espace
Schengen, auquel cas elle sera placée en rétention et/ou soumise
à une mesure d’éloignement.
39. Dans la pratique, le recours à des signalements au titre de
l’article 96 varie considérablement d’un Etat membre à un autre.
Selon les statistiques les plus récentes, au 1er janvier
2011, 716 767 de ces signalements avaient été faits dans la base
de données du SIS aux fins de non-admission
. Une décomposition par Etat membre
n’est pas fournie, mais il semblerait que la majorité de ces signalements
émanent d’un petit nombre d’Etats seulement
. Dans son rapport de 2005, l’autorité
de contrôle commune de Schengen appelait à l’harmonisation des motifs
justifiant le recours à un signalement au titre de l’article 96
dans les différents Etats membres
. Dans son rapport le plus récent,
elle note toutefois que les progrès réalisés en la matière et à d’autres
égards restent limités
.
40. Il apparaît aussi clairement qu'au moins certains Etats membres
interprètent leurs pouvoirs au titre de l'article 96 de manière
large. Par exemple, l’Allemagne et l’Italie ont adopté une pratique
consistant à signaler au titre de l’article 96 tous les demandeurs
d’asile déboutés
.
41. La situation est moins marquée dans le cas des ressortissants
de pays tiers, conjoints de ressortissants d’un Etat membre de l’Union
européenne. La Cour de justice de l'Union européenne considère en
effet que l’entrée sur le territoire d’un Etat de l’espace Schengen
et la délivrance d’un visa ne peuvent être refusées à ces personnes
au seul motif qu’elles sont signalées dans le SIS. Dans un tel cas,
les Etats membres de l’Union européenne sont tenus de vérifier «si
la présence de ces personnes constituait une menace réelle, actuelle
et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société»
. En d’autres termes, les droits
d’une personne en tant que conjoint d'un ressortissant de l'Union
européenne en application des règles de la libre circulation ne
sauraient être niés au motif que la personne en question est signalée
dans le SIS.
42. Toujours est-il que, d’une manière générale, le fait de signaler
une personne dans le SIS fait problème. C’est une chose qu’un Etat
refuse un visa à une personne et l’empêche ainsi d’entrer sur son
territoire. Cela en est une autre qu’il signale cette personne dans
le SIS et, ce faisant, lui interdise l’accès à l’ensemble de l’Espace
Schengen. Le fait d’enregistrer des données personnelles et de les
utiliser pour empêcher une personne d’entrer dans d’autres pays
est susceptible de porter atteinte aux droits de cette personne,
par exemple à son droit au respect de la vie privée, visé à l’article 8
de la Convention européenne des droits de l'homme. Une telle atteinte
doit systématiquement être justifiée par rapport à l’article 8.2
de la Convention, ce qui peut ne pas toujours être le cas compte
tenu du libellé général des motifs admissibles pour effectuer un signalement
dans le SIS. En particulier, les Etats membres de l’espace Schengen
(qui sont tous Parties à la Convention européenne des droits de
l'homme) ne devraient pas être autorisés à signaler une personne
dans le SIS au seul motif que cette dernière défend des opinions
politiques qui déplaisent aux autorités de l’Etat considéré. De
mon point de vue, les Etats qui recourent à de telles pratiques
enfreignent l’article 96 de la Convention de Schengen mais aussi
l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
3.2.2.3. Recours
judiciaires contre une inscription sur les «listes noires» du système
d’information Schengen
43. Mais les choses ne s’arrêtent
pas là. Compte tenu du fait qu’être signalé dans la base de données
du SIS en tant «qu’étranger indésirable» peut avoir de graves conséquences
pour une personne, telles que le refus d’un visa, le refus d’une
entrée, une mise en rétention et/ou un éloignement, la personne
concernée a le moyen de contester son signalement. Aux termes de
l’article 109 de la Convention de Schengen, toute personne a le
droit d’accéder aux données la concernant saisies dans le SIS. Elle
peut faire rectifier des données entachées d'erreur de fait la concernant
ou faire effacer des données entachées d'erreur de droit la concernant
. A cette fin, elle peut
saisir, sur le territoire de chaque partie contractante, la juridiction
ou l'autorité compétente en vertu du droit national d'une action,
notamment, en rectification, en effacement, en information ou en
indemnisation en raison d'un signalement la concernant
. Ce droit
«s’exerce dans le respect du droit de la Partie contractante auprès
de laquelle elle le fait valoir» et «la communication de l'information […]
est refusée si elle peut nuire à l'exécution de la tâche légale
consignée dans le signalement»
.
44. La formulation de ces dispositions tend à indiquer qu’une
personne a le droit d’engager une telle action auprès des juridictions
ou de l’autorité nationale chargée de la protection des données
(si cette dernière est l’autorité compétente en vertu de la législation
nationale) de n’importe quel Etat membre de l’espace Schengen et
pas seulement de celui qui a effectué le signalement. Qui plus est,
les Etats membres s’engagent «mutuellement» à exécuter les «décisions
définitives» rendues dans de telles affaires, ce qui implique que l’autorité
nationale compétente de l’Etat ayant fait le signalement est tenue
de respecter toute décision concernant son signalement rendue par
l’autorité nationale chargée de la protection des données ou les juridictions
d’un autre Etat membre+
. C’est le raisonnement que la Cour de justice
semble avoir suivi dans l’affaire Van Strateen c. Pays-Bas
.
45. Par ailleurs, des personnes introduisent régulièrement un
recours administratif contre une décision de refus de visa ou de
refus d’entrée dont elles sont victimes en invoquant qu’elles ont
été signalées à tort dans le SIS, que les données saisies sont incorrectes
ou qu’elles ne sont pas la personne signalée. Cette procédure équivaut
donc à une contestation incidente de la décision initiale portant
inscription dans le SIS.
46. Ceci étant, dans la pratique, les choses sont moins claires.
Premièrement, les autorités d’un Etat membre sont souvent peu disposées
à réexaminer les décisions rendues par les autorités d’un autre
Etat membre. Deuxièmement, quand elles le font, les autorités de
l’autre Etat sont susceptibles de ne pas vouloir exécuter leur décision.
Il peut aussi être difficile de déterminer la mesure dans laquelle
les décisions ont été exécutées. Même lorsque la procédure est engagée
dans l’Etat membre ayant effectué le signalement, des difficultés
peuvent se présenter; l’accès aux informations peut notamment être
refusé, par exemple pour des motifs de sécurité nationale (visés
à l’article 109(2) de la Convention de Schengen: «la communication
de l'information […] est refusée si elle peut nuire à l'exécution
de la tâche légale consignée dans le signalement»)
. Les procédures de recours contre
un signalement (ou contre une décision administrative prise au titre
du signalement d’une personne dans le SIS) peuvent donc se révéler
longues et d’une efficacité incertaine.
47. J’aimerais illustrer ici mes propos par quelques exemples.
48. Dans l’affaire de M. et Mme Forabosco,
le Conseil d’Etat français a annulé les décisions refusant à Mme Forabosco
un visa parce qu’elle avait été signalée dans le SIS par les autorités
allemandes au seul motif que sa demande d’asile en Allemagne avait
été rejetée. Le Conseil d’Etat a en effet considéré que ce motif
ne justifiait pas un refus d’entrée au titre de l’article 96 de
la Convention de Schengen
.
49. L’affaire des Moons (Sun Myung X (Moon)) s’est, elle, révélée
plus compliquée. Dans ce cas précis, le Conseil d’Etat a estimé
que, au vu des informations communiquées par les autorités allemandes
concernant les motifs du signalement des Moons dans le SIS, les
autorités françaises n’avaient pas «commis d’erreur d’appréciation
manifeste» en concluant que les signalements au titre de l’article
96 n’étaient pas entachés d’erreur de fait ni de droit
. Les Moons n’ont pas non plus obtenu gain
de cause auprès des tribunaux néerlandais, bien qu’étant parvenus
à convaincre les tribunaux belges de les laisser entrer sur le territoire belge
pour y assister à une conférence de l’Eglise de l’unification. Toutefois,
pour régulariser leur situation en Belgique, il leur fallait convaincre
les tribunaux allemands que leur signalement était illicite et obtenir
des autorités allemandes qu’elles effacent leur signalement dans
la base de données du SIS
.
50. Il semble que la Cour européenne des droits de l’homme adopte
une approche plutôt prudente en ce qui concerne les recours contre
un signalement dans le SIS et qu’elle ne considère pas que les droits
visés dans la Convention soient enfreints. C’est ce qui ressort
de l’affaire
Dalea c.France,
dans laquelle la Cour a conclu que la requête était irrecevable
.
3.2.3. Perspectives
51. Nous avons vu que les Etats
membres de l’espace de Schengen jouissent d’un pouvoir d’appréciation relativement
large pour ce qui est des signalements aux fins de non-admission
dans la base de données du SIS, et que les méthodes permettant d'exercer
un contrôle sur ce pouvoir sont plutôt limitées dans la pratique. Cette
situation n’est pas satisfaisante. La procédure pour obtenir l’effacement
d’un signalement dans le SIS s’avère relativement lourde, et j’affirme
que les actuelles voies de recours sont loin d'être satisfaisantes.
En particulier, lorsqu’une personne est signalée dans le système
exclusivement à cause de ses opinions politiques et, donc, pour
des motifs n’étant pas visés à l’article 96 de la Convention de
Schengen, il est du devoir des Etats de garantir une voie de recours
effective et efficace, comme prévu à l’article 109 de la Convention
de Schengen.
52. Ceci étant, deux développements pourraient contribuer à améliorer
la situation dans le futur.
53. D’abord, le système SIS va être remplacé par une nouvelle
base de données, SIS II. L’entrée en service de ce nouveau système,
initialement prévue pour 2006, a été reportée du fait de retards,
de dépassements de coût et d’une controverse politique
.
Actuellement, tout laisse à penser que SIS II ne pourra pas être opérationnel
avant 2013 au plus tôt. Il n’en reste pas moins que le Règlement 1987/2006,
qui servira à contrôler le fonctionnement de la nouvelle base de
données, modifie quelque peu le système de signalement visé dans
la Convention de Schengen. Les critères de signalement restent les
mêmes pour la plupart
.
Par contre, un signalement ne peut être effectué que «sur la base
d’une évaluation individuelle»
(ce qui
implique que les autorités nationales ne peuvent pas signaler automatiquement
une personne au motif qu’elle a fait l’objet d’une autre décision)
et «avant d’introduire un signalement, l’Etat membre signalant doit
vérifier si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important
pour justifier l'introduction du signalement dans le SIS II»
.
54. Ensuite, à compter de 2014, en application du Traité de Lisbonne,
les activités précédemment regroupées dans le «troisième pilier»
seront placées sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne.
Les répercussions de ce changement sont difficilement prévisibles
à ce stade. Comme évoqué précédemment, d’une manière générale, la
Cour européenne des droits de l’homme ne considère pas que les refus
de visas et les refus d’entrée portent atteinte à des droits individuels
protégés par la Convention européenne des droits de l’homme, hormis
dans la situation d’un regroupement familial visée à l’article 8
de ladite convention. Il reste donc à savoir si, dans la mise en
application de la Charte des droits fondamentaux, la Cour de justice
est prête à aller plus loin que la Cour européenne des droits de
l'homme. En tout état de cause, le Traité de Lisbonne pourrait contribuer
à une plus grande harmonisation des règles et procédures nationales
relatives à l'accès aux données, sachant que la Charte des droits
fondamentaux dispose que «toute personne a le droit d’accéder aux
données collectées la concernant et d’en obtenir la rectification»
.
4. Conclusion
55. La liberté de circulation ne
devrait pas faire l’objet de restrictions en guise de sanction pour
l’expression d’opinions politiques n’incitant pas à la violence.
Les Etats membres du Conseil de l’Europe, qui ont signé la Convention
européenne des droits de l'homme dont l’article 10 établit la liberté
d’expression, devraient garantir pleinement ce droit et ne pas limiter
indirectement la liberté d’expression en refusant l’entrée sur leur
territoire. Par ailleurs, la liberté de circulation est indispensable
à l’exercice de beaucoup d’autres droits et une condition essentielle
au libre développement de la personne.
56. Dans l’ordre juridique de l’Union européenne, la liberté de
circulation est une liberté fondamentale qui ne peut être soumise
à restrictions que dans de rares cas, clairement définis. Une restriction
de la liberté de circulation d’un Etat membre vers un autre en guise
de sanction pour l’expression d’une opinion politique exprimée de
manière pacifique ne constitue pas une menace grave pour un intérêt
fondamental de la société et, donc, est illicite dans l’ordre juridique
de l’Union européenne. Les Etats membres qui pratiquent de telles restrictions
risquent d'être poursuivis devant la Cour par les personnes lésées
et de devoir payer des dommages-intérêts.
57. S’agissant du régime de Schengen, je tiens à rappeler que
les signalements dans le SIS ne doivent en aucun cas être utilisés
de manière abusive pour refuser à des non-ressortissants d’un Etat
membre de l’Union européenne l’accès à l’espace Schengen en faisant
valoir des motifs qui portent atteinte aux droits protégés par la
Convention européenne des droits de l’homme et aux principes défendus
par le Conseil de l’Europe. Qui plus est, les Etats membres de l’espace
Schengen sont tenus de soumettre les signalements effectués dans la
base de données à une procédure de contrôle juridictionnel rapide.