1. Introduction
1. J’ai été à nouveau désigné rapporteur sur la situation
au Kosovo le 6 octobre 2011. A ce jour, deux ans et demi après l’adoption
de mon premier rapport, en juin 2010, et quatre ans après la déclaration
unilatérale d’indépendance du Kosovo, en 2008, la situation a progressé
mais il reste de nombreux sujets d’inquiétude, tout particulièrement
en matière de prééminence du droit et de droits de l’homme.
2. Plusieurs développements importants sont intervenus, tant
sur le plan interne qu’au niveau international. La situation a évolué
à la fois en ce qui concerne la stabilité politique, la gouvernance
et la démocratie au Kosovo et l’attitude de la communauté internationale
dans son ensemble vis-à-vis du Kosovo. Toutefois, la question du
statut du Kosovo continue de diviser.
3. L’objectif du présent rapport est double:
- évaluer les développements depuis
l’adoption de la Résolution
1739 (2010) et de la Recommandation 1923
(2010) de l’Assemblée sur la situation au Kosovo et le rôle
du Conseil de l’Europe, notamment concernant la situation de la
démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit;
- trouver un moyen de progresser, notamment en ce qui concerne
les relations entre le Kosovo et le Conseil de l’Europe.
4. J’ai eu l’occasion d’effectuer un certain nombre de visites
d’information dans la région:
- du
28 au 30 novembre 2010, à la veille des élections (à Pristina et
à Gracanica);
- du 1er au 4 novembre 2011 (à
Pristina, à Gracanica et à Mitrovica);
- du 18 au 20 janvier 2012 (à Belgrade);
- du 28 au 31 octobre 2012 (à Pristina et à Peja/Peç);
- les 15 et 16 novembre 2012 (à Belgrade).
5. Le 15 décembre 2010 et le 30 mai 2012, la commission des questions
politiques et de la démocratie a organisé des auditions à laquelle
ont participé des représentants des forces politiques élues à l’Assemblée
du Kosovo. Des représentants de la société civile étaient également
présents lors de la deuxième audition. La commission a organisé
un nouvel échange de vues à Paris, le 14 novembre 2012, avec la
participation du médiateur du Kosovo, des représentants des forces
politiques élues à l’Assemblée du Kosovo et d’un représentant de
la Direction générale des programmes du Conseil de l’Europe. Un
quatrième échange de vues avec des représentants des forces politiques
élues au Kosovo a eu lieu lors de la réunion de la commission le 14
décembre 2012 à Turin.
6. Tout au long de 2011 et 2012, lors des parties de session
de l’Assemblée, j’ai pu rencontrer un certain nombre d’interlocuteurs
à Strasbourg, en particulier des ambassadeurs, le Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe, le Commissaire aux droits de l’homme du
Conseil de l’Europe ainsi que des représentants de la société civile,
qui se sont révélés des sources d’information très précieuses. J’ai
également largement exploité les rapports de la Mission d’administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), de la Mission Etat
de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX) et de l’OSCE.
7. Au cours de ces cinq dernières années, mon intention, en qualité
de rapporteur sur la situation au Kosovo, n’a pas changé: promouvoir
un consensus sur la nécessité pour les personnes vivant au Kosovo
de bénéficier d’une bonne gouvernance, de la démocratie, de la prééminence
du droit et des mêmes droits, y compris des droits de l’homme, que
les autres personnes vivant en Europe. Malgré quelques progrès,
ces objectifs ne sont pas encore atteints.
2. Développements
institutionnels récents
8. Aujourd’hui, quatre ans et demi après la déclaration
unilatérale d’indépendance du Kosovo, 96 des 192 Etats membres de
l’Organisation des Nations Unies, dont 34 des 47 Etats membres du
Conseil de l’Europe
, et 22 des 27 Etats membres de l’Union
européenne ont reconnu le Kosovo comme Etat indépendant.
9. Le Kosovo est devenu membre de la Banque mondiale et du Fonds
monétaire international en 2009. Le 16 novembre 2012, le Conseil
des gouverneurs de la Banque européenne pour la reconstruction et
le développement (BERD) a décidé d’autoriser le Kosovo à devenir
membre de la BERD, sans préjudice des positions de ses membres sur
la question du statut du Kosovo.
10. Si la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé, le 22 juillet
2010, que la déclaration d’indépendance du Kosovo «n’a violé ni
le droit international général, ni la Résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité, ni le cadre constitutionnel»
,
la décision de reconnaître ou non le Kosovo reste toujours une question
politique qu’il appartient à chaque Etat de trancher.
11. J’ai de ce fait décidé d’exclure intentionnellement la question
de la reconnaissance du cadre de mon rapport et je me limite à livrer
un aperçu de l’architecture institutionnelle du Kosovo, qui demeure
complexe. Les autorités du Kosovo n’ont pas le monopole de l’usage
de la force et continuent de partager le pouvoir avec une présence
internationale qui a été peu à peu réduite au fil des ans.
12. Le 2 juillet 2012, l’International Steering Group (ISG) pour
le Kosovo – groupe composé de 25 pays ayant reconnu le Kosovo et
supervisant la mise en œuvre du «plan Ahtisaari» – a annoncé que
la Proposition globale de règlement (CSP)
avait été dûment
mise en application et il a donné son feu vert aux étapes finales permettant
de mettre fin à l’indépendance sous supervision et de fermer le
Bureau civil international (BCI) d’ici fin 2012
.
13. L’ISG a souligné que les principes et l’esprit qui ont présidé
à la Proposition globale de règlement devaient perdurer après la
phase d’indépendance sous supervision. A cet égard, l’ISG salue
la déclaration du Premier ministre Thaçi confirmant l’engagement
actuel du Kosovo à respecter et à appliquer résolument ces principes.
14. L’Union européenne joue un rôle éminent dans la reconstruction
et le développement du Kosovo, en particulier pour favoriser la
mise en place d’institutions stables et un développement économique
durable afin d’assurer au pays son avenir européen. Sa présence
au Kosovo est assurée par:
- le
bureau de l’Union européenne au Kosovo et le Représentant spécial
de l’Union européenne (RSUE) qui, sous l’autorité de la Haute Représentante
de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité,
veillent au maintien d’un dialogue politique et technique avec les
institutions de Bruxelles, apportent un soutien au gouvernement
du Kosovo dans le processus politique et, enfin, contribuent au développement
et à la consolidation du respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales;
- l’EULEX, qui assiste les autorités du Kosovo en matière
de prééminence du droit, notamment dans les secteurs de la police,
de la justice et des douanes. Son mandat a récemment été prolongé
jusqu’en 2014 avec une réduction de personnel d’environ 25 % (2 250 agents).
Actuellement, EULEX fait l’objet d’importantes réformes visant à
donner la priorité à certains domaines relatifs à la prééminence
du droit – tels que la lutte contre la corruption et la criminalité
organisée, particulièrement au nord du Kosovo – ainsi qu’à soutenir
le programme de l’Union européenne en termes de libéralisation du
régime des visas, de dialogue entre Pristina et Belgrade et de dialogue
structuré sur l’Etat de droit .
- les représentations d’Etats membres de l’Union européenne
(actuellement 17 ambassades et bureaux de liaison).
15. EULEX opère sous l’autorité générale et dans le cadre de l’action
de l’Organisation des Nations Unies, neutre sur le plan du statut,
dont la présence a été peu à peu réduite au fil des ans. Néanmoins,
le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies,
à la tête des 418 membres de la MINUK, jouit encore d’un pouvoir
exécutif civil et assure la coordination de la présence civile internationale
opérant au titre de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des
Nations Unies.
16. L’OSCE conserve le statut de pilier de la MINUK en ce qui
concerne la mise en place d’institutions, la protection et la promotion
des droits de l’homme, la démocratisation et l’accès aux services
par toutes les communautés du Kosovo. Elle encourage également dans
tout le pays les municipalités à réagir rapidement et efficacement
aux incidents liés à la sécurité qui touchent les communautés minoritaires,
y compris serbes, mais aussi les communautés albanaises minoritaires
dans les municipalités administrées par des Serbes.
17. Depuis 12 ans, la mission de la Force dirigée par l’OTAN au
Kosovo (KFOR) contribue au maintien de la sécurité sur place. L’effectif
de ses troupes est progressivement tombé à environ 5 576. La KFOR
assure également la formation de la Force de sécurité du Kosovo
– force professionnelle pluriethnique entièrement volontaire dotée
d’un armement léger – et maintient les conditions nécessaires aux
opérations d’autres organisations internationales. Comme en témoigne
la détérioration de la situation dans le nord du Kosovo en 2011,
des tensions demeurent et l’action de la KFOR continue de s’imposer
pour garantir à la population stabilité, liberté de circulation
et sécurité.
18. En septembre 2012, l’Agence
des statistiques du Kosovo a publié les résultats du recensement
de la population et des logements réalisé dans le pays (sauf dans
le nord) en avril 2011. Il s’agit des premières données de recensement
internationalement reconnues pour le Kosovo depuis 1981. D’après
ce recensement, la population se compose à 88 % d’Albanais de souche,
à 7 % de Serbes de souche, à 5% d’autres groupes ethniques (notamment
de Bosniaques, Goranis, Roms, Ashkalis, Egyptiens et Turcs).
19. Les autorités serbes continuent d’influer sur la vie des Serbes
du Kosovo et il y a encore des structures financées par les Serbes
dans le nord du Kosovo, principalement dans les secteurs de la santé,
de l’éducation, de l’administration municipale, de la sécurité et
de la justice. Toutefois, leur efficacité et leur efficience sont
de plus en plus remises en cause par les responsables locaux eux-mêmes,
que j’ai rencontrés lors d’une visite à Mitrovica-Nord en novembre
2011. Face à une situation économique désastreuse, la population
locale reste tributaire de l’assistance sociale de Belgrade.
20. Pendant et depuis les élections législatives et présidentielle
serbes qui se sont tenues les 6 et 20 mai 2012, quatre faits importants
sont intervenus:
- durant la
campagne électorale, la question du Kosovo est restée relativement
marginale par rapport aux questions socioéconomiques, au chômage,
à la privatisation, aux allégations de corruption et, dans une moindre
mesure, à l’adhésion à l’Union européenne ;
- les efforts de Belgrade et de Pristina, qui ont manifesté
un grand sens des responsabilités et de l’autorité avec l’appui
de la communauté internationale , ont permis aux citoyens serbes vivant
au Kosovo d’exercer leur droit de vote; de plus, la Serbie a décidé
ne pas organiser d’élections locales au Kosovo ;
- peu après son élection, le nouveau Président de la Serbie,
Tomislav Nikolić, a réaffirmé l’engagement de son pays à honorer
pleinement tous les accords conclus dans le cadre du dialogue facilité
par l’Union européenne entre Belgrade et Pristina, et à reprendre
des négociations à un niveau politique plus élevé. Cette intention
a été confirmée plus récemment par le Premier ministre, Ivica Dacic,
nommé en octobre 2012 à la tête de l’équipe négociatrice de Belgrade,
qui a déclaré que le gouvernement de la Serbie travaillait actuellement
«à construire de nouvelles passerelles avec Pristina», et «[voulait]
un règlement pacifique pour le Kosovo et une reprise du dialogue
entre Belgrade et Pristina, dialogue qui doit couvrir des questions
politiques mais aussi techniques», soulignant que la «bonne volonté,
le souci du compromis et la sagesse sont nécessaires pour trouver
une solution définitive à la question du Kosovo» ;
- les Premiers ministres Dacic et Thaçi se sont rencontrés
à Bruxelles les 19 octobre, 7 novembre et 4 décembre 2012, lors
d’une réunion présidée par la Haute Représentante de l’Union européenne, Catherine
Ashton, et se sont engagés à travailler ensemble à la normalisation
des relations et à l’application de tous les accords.
3. Démocratie, bonne
gouvernance et stabilité politique
21. Depuis deux ans, grâce à d’importants développements
en termes de gouvernance et de stabilité politique, et à la mise
en œuvre de réformes majeures, le Kosovo s’est rapproché des normes
européennes. Reste que des efforts soutenus s’imposent pour améliorer
le fonctionnement des institutions démocratiques, en particulier
l’Assemblée du Kosovo, mettre en place une administration publique
et un système judiciaire efficients et faire respecter la prééminence
du droit.
3.1. Elections libres
et équitables
22. Les toutes dernières élections générales ont eu lieu
le 12 décembre 2010, après le retrait de la Ligue démocratique du
Kosovo (LDK) du gouvernement de coalition dirigé par le Parti démocratique
du Kosovo (PDK) et la décision du président Krasniqi, alors en exercice,
de dissoudre l’Assemblée et de tenir des élections extraordinaires.
23. Les élections se sont déroulées sans violence mais ont été
entachées d’irrégularités, comme l’ont constaté plusieurs observateurs
internationaux. L’Assemblée parlementaire n’a pas observé ces élections. Pour
ma part, je me suis rendu au Kosovo du 28 au 30 novembre 2010, c’est-à-dire
deux semaines avant les élections, en ma capacité de rapporteur,
et j’ai rencontré, entre autres, les sept principaux acteurs des élections,
y compris les deux nouveaux partis, le Mouvement pour l’autodétermination (Vetevendosje) et le parti libéral
FER (qui a été ensuite absorbé par Vetevendosje).
24. Ces élections législatives étaient les premières depuis la
déclaration d’indépendance et ont été organisées sans intervention
de l’administration internationale. Les irrégularités et les fraudes
ont notamment pris la forme de votes multiples et d’une manipulation
des bulletins de vote. Suite à cela, la Commission électorale centrale
(CEC) a décidé de recompter les bulletins de 681 bureaux de vote
du Kosovo et de recommencer les élections dans cinq municipalités,
le 9 janvier 2011. Celles-ci ont donné lieu à beaucoup moins d’irrégularités.
25. Le 10 janvier 2011, selon une délégation du Parlement européen
qui observait les élections, de graves anomalies ont souligné un
manque de volonté politique, notamment au niveau de la base, de
mener une élection respectueuse des normes internationales et des
bonnes pratiques électorales. Le 12 janvier 2011, le Réseau européen
des organisations d’observation des élections a annoncé qu’un nombre
élevé d’irrégularités durant les élections de l’Assemblée du Kosovo
avait gravement entamé la confiance dans le processus démocratique
du pays.
26. La CEC a annoncé que 47,8 % des 1 630 000 électeurs inscrits
avaient voté, soit une augmentation de 18,3 % par rapport aux élections
de 2007. Le Parti démocratique du Kosovo du Premier ministre Hashim
Thaçi a remporté 34 des 120 sièges de l’Assemblée, suivi de la Ligue
démocratique du Kosovo avec 27 sièges, du Vetëvendosje (mouvement
d’autodétermination) avec 14 sièges, de l’Alliance pour l’avenir
du Kosovo (AAK) avec 12 sièges et de la coalition de l’Alliance
pour un nouveau Kosovo (AKR) avec 8 sièges.
27. Les partis politiques albanais du Kosovo ont remporté un total
de 95 sièges et les partis serbes du Kosovo, outre les 10 sièges
leur étant réservés, 3 sièges de plus (2 pour le Parti libéral indépendant
et un pour la Liste unifiée serbe). Les «autres communautés» ont
gagné 2 sièges (un pour le Parti démocratique turc du Kosovo (KTDP)
et un pour le Parti d’intégration ashkali (PAI)) en plus des 10 sièges
leur étant réservés (4 pour les communautés roms, ashkalis et égyptiennes,
3 pour la communauté bosniaque, 2 pour la communauté turque et un pour
la communauté gorani).
28. Quant à la participation de la communauté serbe du Kosovo,
elle a été mitigée. Plus de 21 000 Serbes du Kosovo ont voté au
sud de l’Ibar – la plus forte participation électorale depuis les
élections de 2001 –, contre une participation négligeable au nord.
29. La LDK et l’AAK ayant refusé de participer à une coalition
menée par le PDK, celui-ci a finalement constitué une coalition
gouvernementale avec l’AKR et avec l’écrasante majorité des partis
serbes et «autres communautés» du Kosovo, bénéficiant ainsi du soutien
de 64 députés. Sur les 19 ministères, les Serbes du Kosovo en détiennent
trois (contre deux dans le précédent gouvernement), notamment le
ministère de l’Administration de l’autonomie locale, dont le ministre
compte aussi parmi les six vice-premiers ministres. Parmi les actuels
vice-ministres, trois sont serbes et huit originaires d’autres communautés.
30. Le 22 février 2011, l’Assemblée du Kosovo a élu Behgjet Pacolli,
chef de l’AKR, à la présidence du Kosovo, avec 62 voix, et nommé
un gouvernement dirigé par le Premier ministre Thaçi. En mars 2011,
des membres de l’opposition ont contesté la légalité du processus
électoral présidentiel, par la suite décrété contraire à la Constitution
par décision de justice, pour cause d’absence d’un second candidat
et du quorum nécessaire.
31. En avril 2011, Mme Atifete Jahjaga, jusqu’alors directrice
générale adjointe de la police du Kosovo, a été proposée comme candidate
consensuelle, à la suite d’un accord de compromis entre le gouvernement
et la LDK qui prévoyait de nouvelles réformes du système électoral.
Mme Jahjaga a été élue par l’Assemblée du Kosovo avec 80 voix et
101 députés présents. En juillet 2012, la Cour constitutionnelle
du Kosovo a décidé que le mandat de la Présidente, Mme Jahjaga,
serait un mandat plein de cinq ans allant jusqu’en 2016, et non 2013,
date à laquelle la réforme électorale devra être entrée en vigueur,
conformément à un accord politique antérieur entre le PDK, la LDK
et l’AAK.
32. L’Assemblée du Kosovo a mis en place une commission ad hoc
chargée des réformes électorales générales qui, en mai 2012, a produit
un premier projet de loi amendée sur les élections, avec l’aide
et les conseils d’un groupe de travail électoral composé d’acteurs
internationaux et locaux et coordonné par l’OSCE. Des projets d’amendement
établissant l’élection directe du Président et le remaniement de
ses pouvoirs constitutionnels sont actuellement en cours de discussion.
33. Le mouvement extrémiste nationaliste Vetëvendosje, qui a obtenu
12,66 % des voix aux élections de 2010, reste actif et s’oppose
à la présence internationale, au processus de décentralisation,
au dialogue entre Belgrade et Pristina sous l’égide de l’Union européenne
et à la négociation pour le statut final du Kosovo. Son chef, M. Albin
Kurti, est également président de la Commission parlementaire des
affaires étrangères. Le mouvement a souvent été à l’origine d’actes
de violence.
3.2. Le fonctionnement
des institutions démocratiques
34. Les institutions démocratiques du Kosovo continuent
de se développer. Plusieurs organes et institutions indépendantes
se plaignent d’une ingérence politique. La séparation des pouvoirs
entre les branches législative, exécutive et judiciaire n’est pas
encore claire. Il est à noter que la séparation des pouvoirs n’est
pas seulement une caractéristique essentielle de toute démocratie,
c’est aussi une condition nécessaire pour faire progresser l’économie,
attirer les investissements étrangers et créer de la richesse.
35. La mission de l’OSCE s’emploie à soutenir le fonctionnement
de l’Assemblée du Kosovo et des institutions indépendantes, tout
en favorisant activement le développement des partis politiques.
Il s’agit, notamment, de renforcer la capacité des groupes parlementaires
non albanais à participer plus activement aux activités législatives
et de contrôle des travaux de l’Assemblée
. Néanmoins,
plusieurs observateurs ont remis en cause la capacité de l’Assemblée
à examiner les projets de lois et les travaux du gouvernement en raison
du rôle dominant de la coalition gouvernementale et il est à craindre
que le règlement ne soit pas toujours suivi. Aussi est-il nécessaire
de mieux examiner la législation et contrôler la mise en œuvre des politiques
et des lois, ainsi que de renforcer l’indépendance financière de
l’Assemblée.
36. Pour sa part, et sur la base de la
Résolution 1739 (2010), notre commission a engagé un dialogue avec des représentants
des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo et a tenu, depuis,
quatre auditions sur la situation au Kosovo. A ces réunions ont
participé au moins un représentant de la majorité et un de l’opposition
et la commission s’est efforcée d’assurer une représentation de
la composante serbe. A mon avis, l’Assemblée parlementaire devrait
intensifier son engagement auprès de l’Assemblée du Kosovo et trouver
les moyens de faire participer des membres de l’Assemblée du Kosovo
à ses débats.
37. Sont également opérationnelles au Kosovo un certain nombre
d’institutions indépendantes, notamment l’Institut judiciaire du
Kosovo, la Commission indépendante des médias, la Commission électorale
centrale, l’institution du médiateur et, enfin, le Conseil indépendant
de contrôle de la fonction publique du Kosovo. Il est capital de
consolider leurs capacités, de renforcer leurs relations mutuelles
et celles avec l’Assemblée du Kosovo et, aussi, de protéger leur
indépendance contre toute ingérence politique.
3.3. La situation dans
le nord du Kosovo
38. La situation dans le nord du Kosovo, qui a toujours
été tendue en raison d’un blocage prolongé du commerce transfrontalier,
s’est détériorée en juillet 2011. Des affrontements et des épisodes
de violence ont éclaté lorsque la police du Kosovo a pénétré sur
le territoire de communes du nord pour tenter de contrôler deux
postes frontières jouxtant le point de contrôle administratif et
de faire appliquer un embargo sur les importations en provenance
de Serbie, en réaction au refus de ce pays d’accepter des marchandises
du Kosovo depuis 2008. Cette tentative n’avait pas été coordonnée
avec la présence internationale ni avec les communautés présentes
sur le terrain.
39. En réponse, des Serbes du Kosovo ont installé des barrages
pour bloquer l’accès aux points de passage et à tous les grands
axes routiers du nord du Kosovo, limitant ainsi gravement la liberté
de circulation par la route. Des affrontements ont éclaté à plusieurs
autres occasions l’an dernier, faisant des dizaines de blessés et
deux morts parmi les manifestants et les forces de maintien de la
paix.
40. Le 6 octobre 2011, à la suite d’un débat selon la procédure
d’urgence, l’Assemblée parlementaire a adopté la
Résolution 1839 (2011) sur la situation politique dans les Balkans, appelant
la population du nord du Kosovo à agir avec retenue et à coopérer
sans délai avec la KFOR et EULEX, et exhortant les autorités à Belgrade
et à Pristina à reprendre le dialogue, avec la médiation de l’Union
européenne, sur toutes les questions en souffrance, dans un esprit
de coopération et de réconciliation.
41. Malgré la suppression de presque tous les barrages routiers
après l’intervention de la KFOR, la tension est restée vive jusqu’à
la fin de 2011 et, à ce jour, la situation demeure fragile. En dépit
de quelques améliorations, il est regrettable que des barrages routiers
et des incidents de sécurité répétés continuent de faire obstacle
à la mise en œuvre du mandat d’EULEX
.
42. Le regain de tension ne pouvait que freiner l’obtention du
statut de candidat à l’Union européenne par la Serbie; la procédure
a été retardée lors du sommet de l’Union européenne de décembre
2011 mais a finalement abouti en mars 2012.
43. Il est regrettable que, les 14 et 15 février 2012, malgré
les critiques du Gouvernement serbe, des autorités kosovares et
de la communauté internationale, les municipalités du nord du Kosovo
aient lancé un «référendum» sur la question: «Acceptez-vous les
institutions de la République du Kosovo?». Selon la MINUK et d’autres
institutions internationales, le référendum n’a pas eu de conséquence
juridique.
44. Dans une perspective à plus long terme, Belgrade et Pristina
doivent continuer de rechercher des moyens de réduire au minimum
les risques de réveil des conflits et privilégier la mise en œuvre
d’un accord conclu en 2012 sur la «gestion intégrée des frontières»
(IBM) dans le cadre du dialogue mené avec la médiation de l’Union
européenne. Ces efforts devraient contribuer à un rétablissement
de la confiance et à une solution diplomatique et progressive pour
sortir de l’impasse. A mon avis, cela doit se faire en concertation avec
les responsables des communautés, quelle que soit leur légitimité,
car ce sont les seuls représentants sur le terrain qui ont la confiance
de la population.
45. Seule une intégration progressive, résultant de pourparlers
de portée générale, incluant toutes les parties, et de compromis
et d’accords politiques, peut assurer des résultats durables et
pacifiques acceptés de toutes les parties et de la population. Les
méthodes qui reposent sur la force peuvent être sources de tensions et
de dangers supplémentaires; elles sont à éviter dans une région
encore fragile
.
46. Le fait que la Serbie n’ait pas organisé d’élections locales
dans le nord du Kosovo en 2012 est un bon signe, si l’on songe que
les élections de 2008 avaient abouti à des administrations locales
parallèles dans les communes serbes du nord.
47. Les entretiens que j’ai eus avec les responsables de communautés
et avec les autorités de Belgrade et de Pristina ont renforcé ma
conviction: une impasse prolongée ne sert les intérêts à moyen et
à long terme de personne et un accord politique sur la manière de
diriger le nord du Kosovo est une condition préalable à une solution
durable et à la réalisation des aspirations européennes de Belgrade
et de Pristina.
48. Parallèlement, comme je l’ai indiqué après ma visite de 2011
à Mitrovica-Nord, il est absolument nécessaire de favoriser un climat
de confiance pour les Serbes du Kosovo résidant dans le nord. Les
autorités, tant à Pristina qu’à Belgrade, doivent déployer des efforts
intenses et soutenus, avec le soutien de la communauté internationale,
pour garantir l’égalité des droits et des chances à tous ceux qui
vivent dans cette région
.
49. L’initiative des autorités kosovares, annoncée le 23 mai 2012,
de mettre en place un bureau administratif dans le secteur nord
de Mitrovica – en utilisant des fonds provenant de l’Administration
de la MINUK à Mitrovica – s’est heurtée au refus des dirigeants
serbes du nord du Kosovo, qui ont appelé la population à la boycotter.
Le bureau a ouvert le 6 juillet 2012 et a commencé à assurer des
services en matière notamment d’enregistrement, de cadastre et de
permis de construire. Cette démarche me paraît trop précipitée et
je ne peux que réitérer les conclusions de ma visite dans le secteur
nord du Kosovo: toute solution imposée est vouée à l’échec et ne
produira ni réconciliation ni coopération ni progrès. Les dirigeants
du Kosovo doivent être prêts à envisager des solutions de compromis,
dans un esprit de dialogue et de réconciliation, avec l’appui de la
communauté internationale.
50. Aussi suis-je absolument d’accord avec l’ancien représentant
civil international au Kosovo, Peter Feith, que j’ai rencontré à
Pristina l’an passé et qui, récemment, mettait en garde l’Union
européenne contre le risque que l’impasse au nord du Kosovo ne devienne
«un conflit gelé au cœur de l’Europe». Il estime que la communauté
serbe du nord du Kosovo doit pouvoir tisser des «relations privilégiées»
avec Belgrade en matière de soins de santé et d’éducation, mais
que tout transfert financier entre eux doit s’effectuer dans la transparence
et non au moyen «d’enveloppes», ajoutant que scinder le Kosovo «n’est
pas une option»
. Il semble
que ce soit également l’intention du Premier ministre serbe, M.
Dacic, que j’ai rencontré à Belgrade le 15 novembre 2012.
51. Les municipalités du nord pourraient collaborer, comme prévu
dans le plan Ahtisaari, et constituer des associations, conformément
à la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122), tout
en continuant à coopérer avec les institutions de Belgrade et à
recevoir une aide financière et technique
.
4. Prééminence du
droit
52. Mes entretiens avec EULEX et d’autres interlocuteurs
ont confirmé plusieurs faiblesses en matière de prééminence du droit,
à savoir:
- la coopération encore
fragile entre les services du parquet et de la police lors des enquêtes;
- la coordination insuffisante entre les ministères concernés
quant aux questions transversales touchant la prééminence du droit
et entre police et douane quant aux questions de gestion des frontières;
- la mise en œuvre insuffisante du cadre juridique, pour
réduire l’ingérence du politique dans la sphère judiciaire;
- la nécessité de renforcer le cadre juridique, politique
et institutionnel anti-corruption;
- la nécessité de développer un système adéquat de protection
des témoins;
- la nécessité de réformer l’administration publique, notamment
en termes de financement et de personnel;
- la difficulté persistante à produire des données fiables
à des fins d’analyse transversale.
53. Selon la MINUK, il y a eu encore beaucoup d’assassinats, d’affaires
de détention illégale d’armes et d’échanges de coups de feu en 2012.
Quant au crime organisé, surtout axé sur la contrebande et le trafic
de stupéfiants, il a continué de sévir dans tout le Kosovo. Les
communautés minoritaires sont restées la proie d’actes de harcèlement,
de menaces, d’agressions simples et d’atteintes aux biens, surtout
au sud de l’Ibar.
54. L’OSCE a constaté que la traite des êtres humains demeure,
du point de vue des droits de l’homme, un grave problème au Kosovo,
car il est rare que la justice applique correctement les dispositions
juridiques réglementaires. Une analyse et une application correctes
de la loi accroîtraient les chances d’en finir avec l’impunité des
trafiquants et réduiraient le nombre de nouvelles victimes
.
55. Le 30 mai 2012, la Commission européenne a lancé un «Dialogue
structuré sur l’Etat de droit», portant prioritairement sur le système
judiciaire et la lutte contre le crime organisé et la corruption,
dans le but d’assurer la nécessaire coordination entre les principaux
acteurs. Ce forum se réunit deux fois par an, fixe les priorités de
réforme en matière de prééminence du droit et suit les résultats.
56. Le 30 octobre 2012, la Cour des comptes européenne a critiqué
l’action d’EULEX au Kosovo, laissant entendre que le crime et la
corruption continuent de prospérer et que la police n’est pas encore
capable de traiter de crimes financiers graves, comme les affaires
de blanchiment de capitaux. Le système judiciaire continue à pâtir
de l’ingérence politique, d’un manque d’efficacité et de transparence,
ainsi que de la non-application de la législation. La capacité limitée
des autorités kosovares à protéger les principaux témoins et les
difficultés à réinstaller ces derniers à l’étranger constituent
d’importantes lacunes. Les Etats membres de l’Union européenne ont
détaché auprès d’EULEX des agents trop peu nombreux et trop peu
qualifiés et pour des périodes trop courtes
.
57. Selon ce rapport, une amélioration de la législation, des
politiques et des pratiques, y compris de la responsabilisation
et de l’efficacité de la communauté internationale et d’EULEX en
particulier, s’impose, notamment dans les secteurs suivants:
- blanchiment d’argent;
- financement du terrorisme;
- traite des êtres humains, trafic de stupéfiants et d’armes;
- confiscation d’actifs.
58. A cet égard, les travaux du Conseil de l’Europe – avec son
Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), le Comité d’experts sur
l’évaluation des mesures contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme (MONEYVAL), ainsi qu’avec le Groupe Pompidou
sur la lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants –
peuvent se révéler utiles aux autorités du Kosovo, de même que le «Dialogue
structuré sur l’Etat de droit» mis en place par l’Union européenne.
4.1. Impunité, responsabilité
et accès à la justice
59. Depuis deux ans, les crimes de guerre font de plus
en plus l’objet de poursuites. Néanmoins, une culture de l’impunité,
souvent encouragée par des membres du gouvernement kosovar, reste
l’une des grandes préoccupations en matière de droits de l’homme
et la présence d’enquêteurs, de procureurs et de juges internationaux,
en particulier pour les affaires impliquant des justiciables mis
en cause pour des actes particulièrement graves, demeure cruciale
pour éradiquer cette culture
.
60. L’impunité persiste pour des crimes de guerre commis par les
parties au conflit armé de 1999. Seuls quelques membres des forces
militaires, policières et paramilitaires serbes responsables de
crimes de guerre contre les Albanais du Kosovo ont comparu devant
la justice. M. Vladimir Vukcevic, procureur serbe pour les crimes
de guerre, que j’ai rencontré lors de ma dernière visite à Belgrade,
a insisté sur la nécessité de signer un protocole opérationnel entre
la Serbie et EULEX afin de permettre à ses services de réunir des
preuves au Kosovo.
61. Quant aux membres de l’Armée de libération du Kosovo (ALK)
responsables de crimes de guerre contre des Serbes du Kosovo, des
Roms et des membres d’autres communautés minoritaires, ils sont
encore moins nombreux à avoir été poursuivis et condamnés. Le 16
novembre 2012, trois anciens combattants de l’ALK, actuellement
membres des Forces de sécurité du Kosovo (KSF) entraînées par l’OTAN,
ont été arrêtés par la police d’EULEX pour des crimes de guerre
commis contre des civils en 1999. Le 21 novembre 2012, la Cour suprême
du Kosovo a ordonné la révision du procès pour crimes de guerre
de Fatmir Limaj et de trois autres membres de l’ALK, annulant le
jugement qui avait déclaré irrecevables les preuves apportées par
un témoin clé, Agim Zogaj, qui se serait suicidé alors qu’il bénéficiait
du régime de protection des témoins.
62. Malgré de réels progrès d’EULEX pour enquêter et poursuivre
les crimes de guerre, le nombre des affaires portées devant la justice,
par rapport au nombre d’affaires pendantes, est faible. Les cas
de disparitions forcées et d’enlèvements ne font toujours pas l’objet
d’enquêtes, tandis que les corps de plus de 1 700 personnes n’ont
toujours pas été exhumés, identifiés, ni rendus à leurs familles.
La protection des témoins, avant, pendant et après les procédures
dans les affaires de crime relevant du droit international, est encore
jugée inadéquate. En outre, l’accès à la justice constitue une réelle
préoccupation dans le secteur nord de Mitrovica, où le tribunal
d’arrondissement fonctionne tant bien que mal, avec l’aide d’EULEX.
63. Par ailleurs, je me suis entretenu avec les autorités de Belgrade
à propos de l’introduction d’un «mandat d’arrêt balkanique», un
traité d’extradition pan-balkanique similaire au mandat d’arrêt
européen, qui est censé accélérer les procédures d’extradition et
réduire l’ingérence du politique dans la sphère judiciaire. Je suis
d’avis que le Kosovo ne doit pas être laissé à l’écart et rester
un refuge pour les auteurs de crimes transfrontaliers. La politique
interne de la Serbie ne doit pas dicter les décisions concernant
les enquêtes pénales liées au crime organisé.
64. En janvier 2011, l’Assemblée a adopté la Résolution 1782 (2011)
«Enquête sur les allégations de traitement inhumain de personnes
et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo», sur la base
d’un rapport de Dick Marty. Ce rapport fait état d’une longue série
de crimes perpétrés durant la période 1998-2000, notamment des enlèvements,
des détentions illégales, des traitements inhumains et des exécutions extrajudiciaires
de détenus, ainsi que des meurtres commis dans le but de prélever
des organes humains à des fins de trafic.
65. Etablir la vérité sur les crimes perpétrés est, me semble-t-il,
un préalable essentiel à une stabilité durable. Toutefois, les allégations
contenues dans le rapport de M. Marty sortent du cadre de mon rapport. Aussi
me limiterai-je à noter qu’une Task force spéciale d’enquête (SITF)
a été créée à Bruxelles, en mai 2011, pour enquêter sur les délits
allégués dans le rapport Marty et intenter des poursuites et que
le chef de la mission EULEX a officiellement nommé, le 17 octobre
2011, M. Clint Williamson procureur et l’a placé sous l’autorité
juridique de l’Office des poursuites spéciales du Kosovo. Autre
événement positif: la reconnaissance, par l’Albanie, de l’autorité
exclusive de la SITF pour enquêter sur tous les crimes allégués
dans le rapport et ce, grâce à une loi sur la coopération avec la
SITF, adoptée à l’unanimité par le Parlement albanais le 10 mai 2012.
66. Le 4 juin 2012, pour traiter les violations des droits de
l’homme survenues durant la guerre de 1998-99 et la période de transition,
le Gouvernement du Kosovo a annoncé la création du Groupe de travail interministériel
chargé des questions relatives au passé et à la réconciliation.
La priorité d’EULEX doit être d’enquêter sur les crimes de guerre
et de poursuivre leurs auteurs en justice, ainsi que de mettre en
place un programme efficace de protection des témoins, qui bénéficie
d’un financement suffisant, faute de quoi les poursuites seront
impossibles. La mission EULEX doit aussi faire en sorte qu’à son
départ, le système judiciaire soit indépendant, impartial et efficace.
4.2. Lutte contre la
corruption et le crime organisé
67. Ces deux dernières années, des collèges mixtes composés
de juges locaux et de juges d’EULEX se sont prononcés sur plusieurs
affaires concernant des abus de fonction officielle. Parmi les principaux
chefs d’inculpation retenus, on citera la corruption, l’abus de
pouvoir ou d’autorité, les mauvais traitements infligés dans l’exercice
des fonctions, le détournement d’autorisations économiques, des
décisions judiciaires illégitimes, la proposition ou la sollicitation
de pots-de-vin, la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. La corruption
reste largement répandue, compromet l’accès des citoyens aux services
publics et implique souvent de hauts responsables.
68. Les autorités ont commencé à s’occuper de ce phénomène. En
février 2012, la Présidente, Mme Jahjaga, a inauguré un Conseil
national de lutte anti-corruption chargé de fixer des priorités
stratégiques pour combattre la corruption au Kosovo, ainsi que de
proposer des amendements à la législation et des dispositions réglementaires
pour faciliter la coordination entre les institutions dans ce domaine.
69. Le cadre législatif de la lutte contre la corruption s’est
amélioré – la nouvelle législation s’applique à la passation de
marchés publics, au financement des partis politiques, aux donneurs
d’alerte, à la déclaration patrimoniale et à la prévention des conflits
d’intérêts – mais il reste encore à le renforcer et à le mettre pleinement
en application. Les organes de lutte contre la corruption ont peu
de pouvoir et le contrôle de l’attribution des marchés publics est
complexe. De plus, selon la Cour des comptes européenne, la complexité et
la fragmentation augmentent les risques de corruption.
70. En outre, d’après les rapports de la MINUK, l’impasse entre
les ministères de la justice du Kosovo et de la Serbie concernant
l’entraide judiciaire dans les affaires de corruption persiste,
malgré la participation active et la médiation de la MINUK
. J’ai soulevé cette question au cours de
mes entretiens au ministère de la Justice et de l’Administration
publique avec le Secrétaire d’Etat serbe qui n’a semblé poser aucune
réserve pour coopérer avec les autorités du Kosovo sous la médiation
d’EULEX.
71. Il me paraît nécessaire que le projet conjoint Union européenne–Conseil
de l’Europe de lutte contre la criminalité économique au Kosovo
(PECK) soit réactualisé et reçoive le soutien politique nécessaire, notamment
grâce à l’apport du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO)
et à la participation active des autorités du Kosovo, à la fois
sur le plan technique et politique.
4.3. Le système judiciaire
72. Depuis l’adoption de la
Recommandation 1923 (2010), des progrès ont été faits. Au ministère de la Justice,
la division pour une coopération juridique internationale a étoffé
ses moyens, tandis que le Conseil judiciaire du Kosovo a commencé
à traiter des priorités clés. Le Conseil des procureurs du Kosovo,
dont tous les membres ont été nommés, est aujourd’hui opérationnel.
Les rémunérations des juges et des procureurs ont été revues à la
hausse.
73. Le ministère de la Justice a invité EULEX à participer à un
groupe de travail pour examiner un «paquet judiciaire» (Loi sur
le Conseil des procureurs du Kosovo, Loi sur le ministère public,
Loi sur le Conseil judiciaire du Kosovo, Loi sur les tribunaux et
Loi sur l’Office des poursuites spéciales du Kosovo).
74. Malgré ces quelques progrès, la justice conserve encore son
image de système corrompu et peu digne de confiance. Des affaires
sont toujours en souffrance et l’on continue de signaler des menaces
et des actes d’intimidation des juges – en particulier dans les
affaires sensibles concernant, par exemple, les droits de propriété –
et les ingérences politiques dans le fonctionnement de la justice
restent préoccupantes. Malgré l’intérêt croissant de la communauté
serbe pour l’institution judiciaire, seuls 9,37% des effectifs sont
issus de minorités.
75. Récemment, alors que l’Assemblée du Kosovo examinait des amendements
à la Constitution et à la législation électorale, la Cour constitutionnelle
du Kosovo s’est plainte d’ingérence politique. L’indépendance de
la Cour constitutionnelle est cruciale, en particulier à l’heure
des réformes. A mon avis, la Cour constitutionnelle pourrait bénéficier
de l’expertise et des conseils de la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise), qui est l’organe
consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles.
76. L’Assemblée du Kosovo a adopté des lois importantes, comme
celles sur la protection des témoins, sur la responsabilité pénale
des personnes morales pour des infractions pénales ou encore la
loi sur la coopération judiciaire internationale.
77. Le Kosovo devrait être vivement incité à poursuivre la réforme
judiciaire pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et la transparence
de la justice. Les priorités clés sont les suivantes:
- réduire le nombre d’affaires
en instance;
- prévoir un budget suffisant pour assurer le bon fonctionnement
des tribunaux, notamment dans le district de Mitrovica;
- restructurer le ministère public et pourvoir les postes
vacants réservés aux minorités;
- moderniser le système de traitement des affaires et mettre
en place une filière rapide pour les informations relatives aux
affaires de corruption;
- assurer la sécurité et la protection des juges, des procureurs,
des parties et des témoins;
- améliorer la prise en compte des droits de l’homme dans
les décisions de justice.
78. Au cours de mes entretiens avec les instances dirigeantes
du Conseil judiciaire du Kosovo, j’ai constaté que de nouvelles
interventions du Conseil de l’Europe sous forme de programmes de
formation destinés aux juges sur l’application de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE n° 5) seraient utiles, à la
fois dans le cadre de la formation initiale et de la formation professionnelle
continue.
4.4. La police
79. Selon des sondages de 2009 et 2010, la police est
l’institution du Kosovo qui inspire le plus de confiance
. Grâce à une restructuration
organisationnelle, elle a pu redorer son image aux yeux du public. Elle
a atteint ses objectifs de formation et de diversité en termes d’appartenance
ethnique et de genre – avec 10 % de Serbes de souche et 15% de femmes
parmi ses effectifs. Il convient de noter que le niveau de corruption
est faible au sein de la police.
80. Pourtant, des obstacles demeurent faute de personnel judiciaire
suffisant. Résultat: malgré des enquêtes menées à bien par la police,
les délinquants échappent souvent aux poursuites, aux condamnations et
aux sanctions. L’une des plus grandes difficultés se rencontre au
nord, où les Serbes du Kosovo n’acceptent pas la force neutre d’EULEX
et où la police du Kosovo se voit rejetée, ce qui laisse tout le
travail aux réservistes de l’OTAN.
81. Parmi les secteurs qui restent prioritaires pour la police
du Kosovo figurent l’amélioration de la gestion des ressources,
le renforcement de la pluriethnicité, le recrutement et la promotion
de représentants de la communauté au sein de la police, la création
d’une police de proximité, la lutte contre la criminalité organisée et
la protection des témoins.
5. Droits de l’homme
5.1. Droit et politique
82. Le Kosovo n’est membre ni des Nations Unies, ni du
Conseil de l’Europe. Il n’est pas en mesure de ratifier les instruments
internationaux correspondants en matière de droits de l’homme et
ne fait pas non plus l’objet des procédures de suivi régulier mises
en place par les organes internationaux. La stratégie gouvernementale
visant à intégrer, dans la législation nationale, les principaux
instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, comme
indiqué dans la Constitution, était inscrite dans le plan d’action
2009-2011 sur les droits de l’homme.
83. Le Groupe de contact international pour les droits de l’homme,
sous la coordination conjointe de la MINUK et du Bureau du Haut-Commissariat
aux droits de l’homme au Kosovo, a invité les autorités du Kosovo à
prendre des mesures correctives, notamment en matière de droits
de propriété, et à réagir efficacement aux incidents liés à la sécurité.
84. Toutefois, le cadre institutionnel relatif aux droits de l’homme
n’est pas suffisamment précis et les instances chargées de la protection
des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont multiples
et variées. Même les organisations non gouvernementales (ONG) et
les organismes de défense manquent d’efficacité car trop politisés.
Sans compter que, d’une manière générale, les instruments relatifs
aux droits de l’homme sont peu connus.
85. En septembre 2012, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
ont lancé un projet conjoint de renforcement des capacités visant
à améliorer la mise en œuvre des normes des droits de l’homme au
Kosovo. L’institution du médiateur, les antennes ministérielles
et municipales des droits de l’homme ainsi que les organisations
de la société civile sont directement impliquées. Il est à espérer
que ce développement bienvenu renforcera les garanties en matière
de droits de l’homme au Kosovo.
86. Cependant, l’absence de base juridique permettant à la Cour
européenne des droits de l’homme d’exercer sa juridiction est un
obstacle grave qui empêche la population du Kosovo de jouir pleinement
des droits de l’homme. Toutes les parties prenantes, y compris la
Serbie et le Conseil de l’Europe, devraient prêter toute l’attention
nécessaire à cette situation.
5.2. Le médiateur
87. L’Assemblée du Kosovo nomme un médiateur et cinq
médiateurs adjoints. La loi impose à toutes les institutions publiques
du Kosovo de répondre aux requêtes du médiateur.
88. L’institution rencontre des difficultés financières. Pour
que cette institution fonctionne convenablement, une coopération
étroite entre les médiateurs et l’Assemblée du Kosovo est cruciale,
de même qu’un financement adéquat et un soutien politique fort.
89. En présentant le rapport annuel 2011 des médiateurs
, M. Sami Kurteshi, élu médiateur
en 2009, a déploré le peu d’effet sur les pouvoirs publics des recommandations
émises par son institution. Il a souligné une tendance inquiétante
de certains pouvoirs publics à réduire au minimum le rôle des institutions
nationales indépendantes, généralement en faisant fi de leurs conclusions,
en ne respectant ni n’appliquant leurs recommandations, voire en
agissant de manière illégale pour saper leur indépendance, pourtant
inscrite dans la Constitution
.
Il est profondément regrettable que le médiateur n’ait, à l’en croire,
pas reçu la moindre réaction d’institutions publiques concernant
la mise en œuvre de ses recommandations.
90. S’adressant à la commission à Paris le 14 novembre 2012, M.
Kurteshi s’est plaint de l’inefficacité du système judiciaire et
de la non-mise en œuvre des décisions de justice et des recommandations
du médiateur. Plus positivement, le médiateur a déclaré avoir créé,
en coopération avec des ONG locales, un groupe de travail agissant
comme mécanisme national de prévention au Kosovo et a souligné les
efforts de son institution pour promouvoir l’intégration des communautés
rom, ashkali et égyptienne dans la vie publique et sociale.
5.3. La responsabilité
des organisations internationales en matière de droits de l’homme
91. En juin 2009, en tant que président de la commission,
j’ai demandé à la Commission de Venise d’élaborer un avis de suivi
sur les mécanismes d’examen de la compatibilité des actes de la
MINUK et d’EULEX au Kosovo avec les normes relatives aux droits
de l’homme. Cet avis a été adopté les 17 et 18 décembre 2010. La
Commission de Venise a salué la mise en place, en novembre 2007,
du Comité consultatif sur les droits de l’homme de la MINUK, largement
conforme à ses propres recommandations de 2004, et a instamment
invité ce Comité et la MINUK à trouver une solution pour que les
affaires en instance devant le comité (plus de 450) soient traitées
avant que la MINUK ne quitte le Kosovo. Au 1er octobre
2012, la situation avait progressé et, sur 587 affaires reçues,
seules 287 restaient pendantes
.
92. La Commission de Venise s’est également félicitée de la création
du Comité consultatif des droits de l’homme EULEX, en novembre 2009,
qu’elle a encouragé à continuer d’être proactif. Toutefois, elle
a recommandé au Conseil de l’Union européenne de revoir certaines
caractéristiques de cet organe, en particulier son indépendance,
le caractère non contraignant de ses recommandations et les procédures d’assurance
qui visent à autoriser des compensations financières en cas de violation
des droits de l’homme
.
6. Droits des minorités
93. Un très grand nombre d’institutions et de mécanismes
s’occupent des questions liées aux minorités, tant au niveau local
que central, notamment le Conseil consultatif des communautés (CCC),
le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme,
l’égalité des chances et l’égalité entre les sexes (AOGG), le Bureau
des affaires civiles (OCA), le ministère des Communautés et des
retours (MCR), les Antennes ministérielles des droits de l’homme
(HRU), le Coordinateur des droits de l’homme (HRC), les médiateurs,
le Comité des droits et intérêts des communautés (CRIC) et, enfin,
le ministère de la gouvernance et de l’administration locales. Cependant,
comme l’a souligné le Directeur du Centre européen sur les questions
des minorités (EMCI) lors de l’audition organisée par notre commission
le 30 mai 2012, étant donné la faible mise en œuvre des dispositions
prévues par le cadre juridique et institutionnel pour protéger et
promouvoir les droits des minorités, et l’insuffisance des capacités
institutionnelles, des problèmes majeurs se posent pour assurer la
pleine intégration des communautés minoritaires au Kosovo.
94. Comme j’ai pu moi-même le constater lors de mes dernières
visites au Kosovo, les sentiments des Serbes vivant au sud de l’Ibar
changent depuis que le Kosovo s’est engagé dans un processus de décentralisation
qui a renforcé l’autonomie des municipalités serbes, mais a aussi
permis d’accroître le taux de participation électorale. De nombreux
Serbes se sentent plus concernés et m’ont dit qu’ils «viennent du Kosovo
et veulent avoir voix au chapitre». Pour autant, les craintes quant
à leur sécurité et au plein respect de leurs droits persistent,
et les interactions entre les communautés serbes et albanaises du
Kosovo restent très limitées. La situation au nord est particulièrement
complexe, comme je l’ai souligné plus haut, et le sentiment d’isolement
reste fort.
95. Lors de ma visite dans la région, j’ai également constaté
la persistance de certains problèmes pratiques qui soulèvent des
questions. Au Kosovo, deux types de plaques d’immatriculation sont
en service: les plaques «KS» (Kosovo), qui permettent d’entrer sur
le territoire de la Serbie, et les plaques «RKS» (République du Kosovo)
qui ne sont pas autorisées en Serbie. De l’avis général, les Serbes
locaux opteraient de préférence pour les plaques «KS», mais en réalité
cela les rendrait trop facilement identifiables lors de leurs déplacements au
Kosovo. C’est pourquoi la majorité des Serbes vivant au sud de l’Ibar
ont choisi des plaques «RKS», dans l’espoir de préserver leur anonymat.
Cependant, il s’avère que les plaques d’immatriculation «RKS» assignées aux
résidents des villages serbes sont facilement et clairement identifiables
par leurs deux dernières lettres. Un simple coup d’œil suffit pour
connaître l’origine ethnique des personnes voyageant dans le véhicule.
Cette situation pose problème eu égard aux articles 2 et 5.i de
la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale et à l’article 4 de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales (STE n° 157), qui sont
directement applicables au Kosovo
.
96. Les jeunes générations n’apprennent qu’une seule des deux
langues officielles (albanais ou serbe), ce qui fait obstacle à
la communication et à l’intégration intercommunautaire. Il n’y a
pas de programme en langue serbe dans les établissements kosovars:
les Serbes et autres communautés non albanaises (Roms, Goranis) recourent
à un système éducatif parallèle géré par la Serbie. Autre problème:
l’absence de manuels et de programmes de bonne qualité en turc et
en bosniaque. A quoi s’ajoutent toutes les difficultés – discrimination, absence
de réelle mise en œuvre du programme en langue romani, faibles taux
de scolarisation et taux élevés d’abandon scolaire – que continuent
de rencontrer les communautés rom, ashkali et égyptienne. Enfin,
la communauté gorani, qui utilise essentiellement le système éducatif
parallèle serbe, se trouve en situation particulièrement vulnérable.
A Dragaš, les enseignants goranis se voient interdire l’accès aux
locaux scolaires administrés par le Kosovo parce qu’ils n’ont pas
signé de contrat avec la municipalité
.
97. Je tiens à souligner que l’isolement fait le lit de futurs
conflits. L’enseignement de l’histoire est un outil essentiel pour
rompre l’isolement, promouvoir la tolérance, prévenir la haine et
éviter que l’histoire ne devienne l’otage de sentiments nationalistes.
Comme l’a souligné M. Pietro Marcenaro dans son rapport sur la réconciliation
et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie
, nous devons continuer de soutenir les
travaux pertinents du Conseil de l’Europe dans les régions de conflit
et de post-conflit sur la révision et la conception de manuels scolaires
et d’apprentissage, l’organisation de séminaires pour enseignants
et l’identification de sources.
98. Dans son rapport d’évaluation sur les droits des communautés
publié en juillet 2012
, l’OSCE souligne également que,
malgré l’existence d’un cadre législatif avancé pour protéger et
promouvoir les droits des communautés du Kosovo, la mise en œuvre
a très peu progressé depuis 2010. L’OSCE a également publié une
évaluation de la viabilité des retours et des problèmes de sécurité,
qui demeurent importants. Les incidents liés à la sécurité contre
des personnes retournées chez elles se poursuivent et ont même pris
de l’ampleur dans certaines zones, alimentant ainsi le sentiment
général que les retours ne sont pas bienvenus. Les contraintes budgétaires,
les questions de propriété, le respect du cadre législatif et le
manque de volonté politique sont les principaux défis posés à la
protection des droits des communautés.
99. Une centaine de familles roms et ashkalis du Kosovo ont été
déplacées des camps de Česmin Lug et Osterode, contaminés au plomb,
vers le quartier rom de la Mahalla, à Mitrovica-sud, où je me suis
rendu en novembre 2011. Il n’empêche que, pour les communautés rom,
ashkali et égyptienne du Kosovo, l’accès au logement, aux soins
de santé, à l’éducation, à la protection sociale et à l’emploi reste
très limité et que plusieurs familles roms et ashkalis du Kosovo
vivent encore dans un camp contaminé au plomb à Osterode. Des efforts soutenus,
des fonds, une volonté politique et une meilleure coordination entre
les institutions centrales et locales s’imposent pour améliorer
la situation. La Commission européenne et le ministère kosovar pour l’Intégration
européenne ont identifié 40 actions à même de favoriser la mise
en œuvre, au niveau central et local, de la Stratégie et du Plan
d’action pour les Roms, les Ashkalis et les Egyptiens.
100. Point positif, les autorités du Kosovo ont alloué 3,4 millions
d’euros d’aides aux personnes rapatriées, notamment aux communautés
minoritaires, et la police assure une protection 24 heures sur 24
de 23 sites religieux et culturels serbes.
101. Il est capital de faciliter l’interaction entre les communautés
vivant au Kosovo afin de promouvoir l’intégration culturelle et
sociale de tous ces groupes, en particulier:
- en reconnaissant l’importance fondamentale du dialogue
interethnique pour promouvoir la tolérance et la compréhension mutuelle;
- en assurant l’emploi des membres des communautés dans
l’administration publique, y compris à des postes d’encadrement;
- en investissant davantage dans la formation linguistique
des fonctionnaires municipaux en albanais et en serbe;
- en allouant des ressources suffisantes aux bureaux d’état
civil, en étant à l’écoute des communautés vulnérables et en appliquant
des droits d’enregistrement abordables;
- en enquêtant promptement sur les agressions à motivation
ethnique ou religieuse, et en améliorant la collecte des données;
- en poursuivant la mise en œuvre de la décentralisation;
- en permettant aux enfants de recevoir un enseignement
dans leur langue maternelle dans les écoles publiques et en établissant
une procédure d’accréditation des établissements d’enseignement
privés qui dispensent une éducation dans la langue de leur choix;
- en allouant un budget au Bureau du commissaire aux langues,
chargé de contrôler la loi sur l’emploi des langues;
- en assurant la diffusion des programmes de l’opérateur
public de radio et télévision du Kosovo en langue serbe;
- en soutenant les travaux de la Commission des litiges
relatifs aux biens immobiliers chargée des conflits de propriété,
de nature essentiellement interethniques, afin de réduire le nombre
d’affaires en attente;
- en allouant des fonds pour la mise en œuvre de la Stratégie
d’intégration des communautés rom, ashkali et égyptienne;
- en appliquant la législation sur la protection du patrimoine
culturel et de l’Eglise orthodoxe serbe.
102. Plusieurs projets visant à soutenir les communautés minoritaires
bénéficient actuellement du financement de l’Union européenne (y
compris les projets conjoints Union européenne/Conseil de l’Europe), de
l’OSCE, d’organes des Nations Unies ainsi que de certains ministères
des Affaires étrangères.
103. En vertu de la Constitution du Kosovo, la Convention-cadre
du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales
est directement applicable au Kosovo et prime sur la législation
du pays. Le Kosovo a clairement l’obligation de veiller à ce que
ses lois, ses politiques et ses pratiques soient conformes aux dispositions
des textes du Conseil de l’Europe.
7. Disparus et personnes
déplacées
104. La question des personnes disparues reste un obstacle
majeur à la réconciliation. Sur 6 024 cas signalés au Comité international
de la Croix-Rouge (CICR), le sort de plus de 1 766 personnes portées disparues
n’est toujours pas élucidé. L’an dernier, les autorités de Belgrade
et de Pristina ont poursuivi leurs efforts pour retrouver les personnes
disparues, conformément aux engagements qu’elles ont pris au sein
du Groupe de travail Belgrade-Pristina sur les personnes portées
disparues, forum humanitaire présidé par le CICR. Néanmoins, la
présidente du groupe est préoccupée par la lenteur du processus
et demande davantage de ressources et un renforcement de la coopération
régionale pour élucider le sort des disparus.
105. Plusieurs difficultés demeurent aussi en ce qui concerne les
personnes rapatriées, les réfugiés et les personnes déplacées, avec
plus de 17 000 personnes principalement concentrées dans la région
de Mitrovica, à Gracanica et autour des villages serbes du Kosovo.
Au niveau local, bien qu’elles aient mis en place des bureaux à
l’intention des communautés et des personnes de retour et des groupes
de travail sur les retours, plusieurs municipalités manquent souvent
de personnel, de ressources et d’initiatives et restent tributaires d’autres
acteurs ou d’organisations internationales.
106. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR), depuis 2010, 24 020 personnes sont rentrées «volontairement»
au Kosovo
. La pénurie de terrains
et le nombre limité de maisons en construction constituent des obstacles
majeurs pour les personnes de retour. Tant pour les populations majoritaires
que minoritaires, les retours basés sur des accords de réadmission
ont diminué au fil du temps (1 079 retours en 2010, 751 en 2011
et 362 en 2012); il en est de même pour les retours volontaires
«aidés».
107. Les «retours forcés» depuis les pays d’Europe occidentale
se maintiennent, ce qui pose un problème particulier pour les communautés
considérées «à risque» (environ 600 personnes en 2010, 2011 et 2012)
. En particulier, la réinsertion
des personnes issues des communautés rom, ashkali et égyptienne
expulsées de pays d’Europe occidentale continue de poser de graves
problèmes, notamment lorsqu’il s’agit de trouver des solutions durables;
or ce phénomène prend de l’ampleur depuis quelques années. La situation
est particulièrement difficile pour les enfants, peu d’entre eux
poursuivant leur scolarité, faute de compétences linguistiques et
de programmes scolaires adaptés, mais aussi pour des raisons de
pauvreté
.
Les Etats européens devraient se conformer aux recommandations de
l’Assemblée
et
à celles du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
et mettre un terme au retour forcé des Roms tant que la sécurité
et la viabilité des retours ne sont pas garanties.
108. Le processus de restitution des biens après le conflit n’est
pas achevé, 70% des affaires en instance concernant la région de
Mitrovica, selon l’Agence de la propriété au Kosovo (KPA), qui est
le dispositif de traitement collectif institué au Kosovo pour résoudre
des catégories données de litiges de propriété liés au conflit.
Hormis les cas en attente de traitement par la KPA, un nombre important
de litiges de propriété liés au conflit sont également portés devant
les tribunaux locaux, la grande majorité des plaignants étant des personnes
déplacées. Les autorités locales devraient assurer à tous un accès
libre aux tribunaux, quel que soit le statut des intéressés, ce
droit devant être interprété à la lumière des normes internationales
régissant la restitution des biens à la suite d’un conflit, et prendre
en considération les obstacles spécifiques que rencontrent les personnes
déplacées
.
Point positif, en 2012, le gouvernement a chargé un coordinateur
des droits de propriété d’élaborer une stratégie et un plan d’action
pour la protection des droits de propriété au Kosovo, en particulier
ceux des personnes déplacées et des groupes vulnérables.
109. Un problème additionnel m’a été signalé lors de ma dernière
visite à Belgrade: la situation des personnes déplacées en Serbie
qui semble avoir été oubliée dans le contexte plus large de la normalisation des
relations entre Belgrade et Pristina. Selon une évaluation des besoins
de ces personnes menée par le HCR en février 2011, 97 286 personnes
déplacées dans le besoin vivent en Serbie dans des zones urbaines. Il
s’agit en majorité de Serbes, mais aussi de Roms. 74,5 % des Roms
déplacés sont dans le besoin, alors que seules 41,7% des personnes
déplacées non roms connaissent la même situation. Le chômage frappe
39 % des personnes déplacées dans le besoin, alors que ce taux n’est
que de 20 % pour la population générale. Elles ont avant tout besoin
de logements et 49 % d’entre elles sont propriétaires d’un appartement/d’une maison
au Kosovo, qui a généralement été détruit ou saisi. 24,1 % des personnes
déplacées dans le besoin souffrent de maladies chroniques, et 8,5%
d’entre elles sont considérées comme handicapées. 8 % de ces personnes
ne disposent pas des documents essentiels (carte d’identité ou certificat
de naissance). Ce pourcentage est beaucoup plus élevé chez les Roms
(17,6 %) qu’au sein de la population non rom (5,5 %). Rares sont
les personnes déplacées (20 %) ayant exprimé la volonté de rentrer
au Kosovo, et chez les Roms cette volonté est encore moins marquée
(8,8 %)
.
110. Tant que le problème des personnes déplacées ne sera pas traité
et résolu, les séquelles tangibles du conflit continueront de se
faire sentir au plan humain. La mise au point de solutions durables
pour aider ces personnes et faciliter l’intégration locale de celles
vivant en Serbie, où beaucoup souhaitent rester, pourrait accélérer
le processus de «normalisation» entre Belgrade et Pristina. L’Union
européenne pourrait renforcer son aide dans ce domaine.
8. Liberté d’expression
111. La liberté d’expression continue de susciter des
inquiétudes. Pressions et menaces à l’égard des médias indépendants
se poursuivent. La société de médias Koha Group, qui possède la
chaîne de télévision Kohavision et publie le quotidien Koha Ditore, a été particulièrement
visée. Le radiodiffuseur public Radiotélévision Kosovo (RTK) est
à la merci d’une ingérence politique, car son indépendance et sa
viabilité financière ne sont pas encore garanties.
112. L’Association des journalistes du Kosovo (APJK), le Conseil
de la presse du Kosovo (PCK) et la Commission indépendante des médias
se sont élevés contre l’ingérence politique.
113. Le Kosovo a apporté plusieurs améliorations à sa législation
avec l’adoption de la loi sur l’accès à l’information, la décriminalisation
de la diffamation et l’amélioration du Code pénal. Je me félicite
aussi de l’adoption par l’Assemblée du Kosovo, en mars 2012, des
lois sur Radiotélévision Kosovo (RTK) et sur la Commission indépendante
des médias (IMC). La loi sur RTK apporte au radiodiffuseur public
des garanties quant à son indépendance éditoriale et à sa responsabilité
à l’égard du public, tout en prévoyant une solution durable pour
son financement. La loi sur l’IMC garantit que cet organe de réglementation
pourra exercer ses compétences pour promouvoir des normes éthiques
et techniques auprès des médias de radiodiffusion kosovars et, espérons-le,
préserver sa nécessaire indépendance. Il est donc crucial que ces
lois soient dès à présent pleinement mises en œuvre.
114. De plus, le ministère kosovar de l’Intérieur devrait élaborer
un manuel détaillant les procédures à suivre pour communiquer avec
les journalistes et traiter les cas de violences à leur encontre.
De même, le Conseil des procureurs du Kosovo devrait élaborer et
adopter des lignes de conduite détaillant les méthodes de traitement
des violences contre les journalistes et en assurer l’application.
Ces lignes de conduite doivent aussi garantir que les procureurs
comprennent l’urgence qu’il y a à garantir la protection des journalistes
.
115. Le Kosovo est doté d’une loi sur l’accès aux documents officiels,
mais elle n’est pas encore complètement mise en application et les
journalistes ne bénéficient toujours pas de cet accès. Par ailleurs,
il convient de davantage promouvoir l’accès à l’information pour
les communautés non albanaises.
9. La situation des
femmes
116. Avec le soutien du Haut-Commissariat aux droits de
l’homme (HCDH) au Kosovo et de l’entité des Nations Unies pour l’égalité
des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), l’Agence
pour l’égalité des sexes, qui relève du Cabinet du Premier ministre,
a créé un groupe de travail chargé d’élaborer un plan d’action pour
l’application de la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité
sur la protection des femmes et leur participation à la prise de
décision et au maintien de la paix.
117. 33% des membres de l’Assemblée du Kosovo sont des femmes.
Prenant la parole lors d’une audition organisée par la commission
le 14 novembre 2012, Mme Teuta Sahatqija, membre de l’Assemblée
du Kosovo et présidente du Caucus des femmes, un groupe de députées
travaillant sous l’égide de l’OSCE au renforcement de la condition
féminine dans la sphère politique et la société, a souhaité établir
le dialogue avec les femmes parlementaires siégeant au Parlement
serbe. Lorsque j’ai abordé ce point avec ces dernières, j’ai senti
une ouverture et un intérêt à organiser une réunion de ce type avec
le Caucus des femmes de l’Assemblée du Kosovo, initiative que je
ne peux qu’encourager.
118. La MINUK, l’OSCE, ONU-Femmes, le PNUD, le Réseau des femmes
du Kosovo, ainsi que plusieurs organisations de femmes œuvrent activement
pour promouvoir l’égalité entre les sexes, lutter contre la violence
à l’égard des femmes et améliorer l’accès à la justice.
119. Au début de 2012, le plan d’action sur la violence domestique
pour la période 2012-2015 a été finalisé. L’aide aux victimes de
violence domestique nécessite davantage de ressources financières
et humaines, et je ne peux que saluer les initiatives prises par
l’Agence pour l’égalité des sexes du Kosovo pour organiser des formations,
en 2012, sur la prévention de la violence domestique, avec l’appui
de l’OSCE, ainsi que la nomination en juillet 2012 d’un coordinateur
national. Il serait également souhaitable que les autorités kosovares
finalisent les directives générales à l’intention des victimes de
la violence domestique et envisagent de créer des programmes de
réinsertion pour les victimes qui décident de quitter les foyers
d’accueil.
120. Selon des données de l’UNICEF, le Kosovo est un lieu d’origine,
de destination et de traite interne des filles et des femmes à des
fins d’exploitation sexuelle. Alors que l’existence de la traite
de femmes et de filles étrangères au Kosovo est connue depuis 1999,
l’existence de la traite de femmes et de filles kosovares n’est pleinement
reconnue que depuis peu.
121. A cet égard, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (STCE n° 210), ainsi que la Convention sur la lutte contre
la traite des êtres humains (STCE n° 197), peuvent apporter au Kosovo
des outils très utiles pour améliorer la situation des femmes.
122. Lors d’une réunion avec plusieurs présidents de commission
de l’Assemblée du Kosovo, le 30 octobre 2012, je me suis entretenu
avec Mme Suzan Novoberdaliu, Présidente de la Commission des droits
de l’homme, de l’égalité entre les sexes, des personnes disparues
et du droit de pétition, de la possibilité que des membres de l’Assemblée
du Kosovo intègrent le réseau parlementaire de l’Assemblée parlementaire
«Pour le droit des femmes de vivre sans violence». Ceci pourrait
aider le Kosovo à améliorer ses normes juridiques et politiques
dans le domaine de la prévention des violences faites aux femmes,
de la protection des victimes et de la poursuite effective des auteurs
de tels actes.
10. Patrimoine culturel
et religieux
123. Le Kosovo a commencé à mettre en œuvre les conventions
du Conseil de l’Europe et de l’UNESCO sur les droits culturels.
124. Selon la KFOR, la police du Kosovo a bien su assurer la surveillance
des sites historiques et religieux que la Force de l’OTAN lui avait
confiée. Cependant, les actes de vandalisme et d’intolérance religieuse persistent,
notamment contre les églises orthodoxes serbes. Des sites orthodoxes
serbes ont été restaurés en coopération avec l’Eglise et les autorités
serbes grâce à des dons de la Fédération de Russie. La Turquie et l’Albanie
ont également financé la restauration de sites islamiques et catholiques.
En avril 2012, la loi sur Velika Hoča/Hoçë e Madhe et la loi sur
le centre historique de Prizren, toutes deux visant à protéger le
patrimoine religieux et culturel, ont été approuvées. Toutefois,
selon l’OSCE, seules quelques très rares municipalités interviennent
activement pour promouvoir la culture des communautés non majoritaires,
en particulier celles des communautés les moins nombreuses, comme
les Ashkali, les Egyptiens ou les Monténégrins du Kosovo.
125. Le 31 octobre 2012, j’ai visité le monastère de Peja/Peć,
berceau spirituel de l’Eglise orthodoxe serbe, dont les belles fresques
du XIVe siècle devraient attirer de nombreux
touristes dans la région. En 2006, le Patriarcat a été inscrit à
la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO à titre d’extension du
site de Visoki Dečani, dont l’intégralité a été inscrite à la liste
du patrimoine mondial en péril.
126. Je suis convaincu que la protection du patrimoine religieux
et culturel est une question d’une grande portée politique et qu’elle
s’inscrit pleinement dans l’identité culturelle et l’histoire du
Kosovo.
127. Le Conseil de l’Europe mène une action importante dans ce
domaine, essentiellement par l’intermédiaire du programme conjoint
Union européenne–Conseil de l’Europe pour la promotion de la diversité culturelle
au Kosovo.
128. Lors de ma dernière visite au Kosovo, j’ai été informé par
l’ambassadeur de Grèce, qui dirige le Bureau de liaison de la Grèce
à Pristina, que son pays, bien qu’il ne reconnaisse pas le Kosovo,
soutient activement la création du Conseil de suivi de la mise en
œuvre des plans, chargé de superviser l’application des plans régissant
la gestion de zones de protection spéciale et d’autres sites du
patrimoine culturel. Cet organisme inclut l’Union européenne, l’OSCE,
l’Eglise orthodoxe serbe, ainsi que le ministère de la Culture et
celui de l’Environnement et de l’aménagement du territoire du Kosovo.
Il est regrettable que le Conseil de l’Europe, nonobstant ses efforts
sur le terrain pour promouvoir la diversité culturelle et assurer
la liaison avec les municipalités kosovares, n’y participe pas en
raison de sa neutralité statutaire. Cela n’empêche cependant pas d’autres
organisations internationales, ou des Etats qui, à titre individuel,
comme la Grèce, ne reconnaissent pas le Kosovo, de participer activement
à cette initiative.
11. Le Kosovo et l’Union
européenne
129. L’Union européenne a donné une perspective européenne
claire à l’ensemble des Balkans occidentaux, y compris le Kosovo.
130. Le 14 juin 2012, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures,
Cecilia Malmström, a remis aux autorités du Kosovo une feuille de
route pour la libéralisation du régime des visas. Le Kosovo a déjà
soumis son premier rapport à ce sujet.
131. Durant la période 2010-12, le Kosovo a reçu une aide financière
de 206 millions d’euros au titre de l’Instrument d’aide de préadhésion.
Il bénéficie également de nombreux programmes de l’Union européenne, notamment
Tempus et Erasmus Mundus, ainsi que de l’Instrument européen pour
la démocratie et les droits de l’homme. A la suite d’un accord conclu
par le Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne, le 15 octobre
2012, sur la participation du Kosovo aux programmes de l’Union européenne,
des négociations devraient être entamées en vue de la conclusion
d’un accord-cadre sur la participation du Kosovo aux programmes
de l’Union européenne ouverts à tous les pays des Balkans occidentaux.
132. Le 10 octobre 2012, la Commission européenne a adopté une
Communication sur une étude de faisabilité concernant un Accord
de stabilisation et d’association (ASA) avec le Kosovo, processus
lancé en 2009. Cette étude a confirmé que «le Kosovo est prêt à
engager des négociations en vue de la conclusion d’un accord de
stabilisation et d’association» alors même que les Etats membres
de l’Union ont un point de vue divergent sur le statut de ce dernier.
Pour pouvoir négocier et mettre en œuvre cet accord, le Kosovo doit progresser
dans un certain nombre de domaines importants, à savoir:
- la mise en œuvre de tous les
accords conclus entre Belgrade et Pristina;
- l’amélioration visible et durable des relations entre
le Kosovo et la Serbie;
- la résolution des problèmes affectant le nord du Kosovo,
dans le respect des besoins particuliers de la population locale;
- la prééminence du droit, l’administration publique, la
protection des minorités, les capacités commerciales, la réforme
profonde du système judiciaire, la législation électorale, les pouvoirs
de l’Assemblée, les droits humains et fondamentaux (en particulier
la liberté d’expression, le droit de propriété et la protection
des données), les questions liées au commerce et au marché intérieur.
133. En mars 2011, Belgrade et Pristina ont entamé un dialogue
sous les auspices de l’Union européenne, dialogue qui a conduit
à plusieurs accords pour améliorer le quotidien de la population
du Kosovo. Les accords conclus portent notamment sur la reconnaissance
des diplômes, les registres d’état civil, le cadastre, la gestion intégrée
des points de passage, la représentation et la coopération régionale
et la libre circulation des biens.
134. Malheureusement, tous les accords n’ont pas été mis en œuvre.
Certains attendent la promulgation d’une législation ad hoc et d’autres
n’ont pas été appliqués de bonne foi, par exemple les dispositions
relatives aux plaques d’immatriculation des véhicules et aux frais
d’assurance élevés qui, en fait, réduisent la liberté de circulation.
Des interprétations divergentes quant aux modalités de mise en œuvre
de l’accord de représentation et de coopération régionales, connu
aussi sous le nom d’accord «de l’astérisque», qui permet au Kosovo
de se représenter lui-même sous l’appellation «Kosovo*»
à toutes
les réunions régionales, se sont traduites par des problèmes concernant
la participation de délégations de Pristina et de Belgrade à des réunions
régionales, qui semblent désormais résolus. Cependant, cet accord
ne traite pas du cœur du problème entre les parties, à savoir le
statut du nord du Kosovo et de Pristina, et la situation reste instable
.
135. Ces discussions ont été suspendues en raison des élections
serbes de mai 2012. Les 19 octobre et 7 novembre 2012, MM. Thaçi
et Dacic, réunis à Bruxelles à l’invitation de Mme Ashton, ont décidé
de travailler ensemble à la mise en œuvre des accords conclus et
à une normalisation des relations afin d’améliorer la vie des citoyens,
de trouver une solution pour le nord du Kosovo et de progresser
sur le programme européen. Le 4 décembre 2012, les Premiers ministres
ont revu les progrès réalisés sur la mise en œuvre de l’accord l’IBM (Integrated Borders Management) et
sont convenus de nommer chacun un officier de liaison aux points
de passage. La délégation de l’Union européenne à Belgrade et le
Bureau du l’Union européenne à Pristina fourniront des bureaux pour
les officiers de liaison. Le Premier ministre Thaçi a confirmé qu’il
avait déjà mis en place une police spéciale multiethnique au sein
de la police du Kosovo, chargée de la protection des héritages culturels
et religieux. Les deux parties sont convenues de réfléchir sur les
manières d’assurer la transparence de la circulation de capitaux
en soutien à la communauté serbe du Kosovo. Elles sont également
convenues d’intensifier la coopération entre les commissions respectives
pour les personnes disparues et de poursuivre les travaux sur l’énergie
et les télécoms aux niveau des experts.
136. Avec la résolution adoptée le 18 octobre 2012 par 68 des 120
membres de l’Assemblée du Kosovo, qui soutient le processus de normalisation
entre les «deux Etats indépendants et souverains» dans le but de résoudre
les problèmes qui les opposent, d’améliorer la vie des citoyens
et d’avancer sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne, le
Premier ministre du Kosovo a été mandaté par le parlement pour négocier
avec Belgrade.
137. Ce dialogue, instauré par l’entremise de l’Union européenne,
se heurte toutefois à l’opposition interne du Mouvement pour l’autodétermination
(Vetevendosje), qui a provoqué manifestations et affrontements. Parce
qu’il entend normaliser les relations et établir une coopération
sur des questions pratiques, j’estime que ce dialogue ne représente
pas une menace, mais bien une opportunité pour le Kosovo.
12. Le Kosovo et le
Conseil de l’Europe
138. Le Comité des Ministres, dans sa réponse à la
Recommandation 1923 (2010)de l’Assemblée, a confirmé son attachement à ce qu’une
perspective européenne soit offerte à tous ceux qui vivent au Kosovo,
qui devraient pouvoir bénéficier d’un niveau de droits équivalent
à celui de tous les Européens en matière de démocratie, de droits
de l’homme et de prééminence du droit
.
139. En particulier, les ministres ont souligné que le processus
de suivi n’aurait pleinement de sens que si les institutions pertinentes
et compétentes au Kosovo étaient directement impliquées dans le
processus de suivi et responsables du suivi des recommandations.
D’autre part, ils ont chargé le Secrétariat d’élaborer une étude de
faisabilité sur la mise en œuvre d’autres mécanismes de monitoring
du Conseil de l’Europe au Kosovo, ainsi que d’aligner l’interaction
de l’Organisation avec les autorités kosovares concernées et compétentes
sur la pratique d’autres organisations internationales neutres du
point de vue du statut. A la suite de cet engagement, le bureau
du Conseil de l’Europe à Pristina a été renforcé, notamment dans
les domaines de l’analyse et du développement de projets.
140. Les activités de monitoring menées au Kosovo interviennent
dans le cadre d’accords spéciaux portant sur la Convention européenne
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (STE n° 126) et sur la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales; ces accords ont été signés avec la MINUK
en 2004.
141. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des
peines oui traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué
plusieurs visites au Kosovo en 2007, 2010 et 2011. Il a bénéficié
d’une réelle coopération de la part de toutes les autorités compétentes
au Kosovo, notamment de la MINUK, d’EULEX et d’autres autorités
concernées (dont les ministères de la Justice, de l’Intérieur et
du Travail et des Affaires sociales), ainsi que d’un accès immédiat
et illimité à tous les lieux de détention. Dans son rapport d’octobre 2011,
le CPT a relevé la perpétuation des mauvais traitements lors des
gardes à vue et un manque de garanties juridiques pour les personnes
internées d’office en établissement psychiatrique. La prévention
de la torture et des mauvais traitements mérite une attention particulière,
de même qu’il faut également remédier aux problèmes liés au manque
d’espace et au surpeuplement des prisons.
142. Depuis 2004, deux cycles de suivi sur la mise en œuvre de
la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
ont eu lieu; ils ont abouti à deux résolutions adoptées par le Comité
des Ministres en juin 2006 et en juillet 2011. Des contacts officiels
sont maintenus avec la MINUK. Au cours de ces visites, le Comité consultatif
rencontre aussi les autorités et institutions compétentes au niveau
central et local, notamment les services de police et les autorités
municipales du Kosovo. Parmi les récents développements dans la
mise en œuvre de la Convention-cadre, on peut citer la Stratégie
d’intégration des communautés rom, ashkali et égyptienne, adoptée
en 2008; la fermeture d’un des camps contaminés au plomb – Česmin
Lug, au nord du Kosovo, fermé en octobre 2010 – et la mise à disposition
de nouveaux logements pour ceux qui y vivaient encore; la reconstruction,
par la Commission pour la mise en œuvre de la reconstruction, de
tous les sites religieux orthodoxes serbes endommagés et l’inclusion
de la communauté monténégrine dans le champ d’application de la
Convention-cadre par un amendement à la Loi sur les communautés,
en décembre 2011. La visite du troisième cycle de suivi du Comité
consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales a eu lieu en décembre 2012.
143. S’agissant des programmes de coopération, l’engagement du
Conseil de l’Europe au Kosovo est important et s’est renforcé au
cours des dernières années. Ces projets se montent à près de 10
millions d’euros, financés principalement par l’Union européenne,
et sont axés sur trois grands domaines:
- le renforcement de la protection des droits de l’homme
au Kosovo, visant à améliorer la mise en œuvre des normes contenues
dans la Convention européenne des droits de l’homme, la Convention européenne
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants et la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales;
- le projet de lutte contre la criminalité économique au
Kosovo (PECK), destiné à renforcer les capacités institutionnelles
afin de combattre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement
du terrorisme, conformément aux normes européennes;
- le soutien de la promotion de la diversité culturelle
au Kosovo.
144. Un projet éventuel visant à faciliter la mise en œuvre d’une
législation anti-discrimination a également été développé, mais
son financement n’est pas encore assuré. Un tel projet combinerait
un soutien aux mécanismes de lutte contre la discrimination, une
formation technique des juristes et des ONG à l’application des
dispositions de la législation anti-discrimination et à la prise
en compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme. Des actions plus larges de sensibilisation du public sont
également prévues. Plusieurs initiatives multilatérales/régionales
sont par ailleurs mises en œuvre au Kosovo et portent principalement
sur la protection des minorités et des groupes vulnérables.
145. Dans le secteur de la justice, les possibilités de mener un
projet de coopération axé sur l’indépendance de la magistrature
sont en cours de discussion avec le Conseil judiciaire du Kosovo
et attendent des financements. Une autre proposition de projet,
elle aussi non encore financée, vise à assurer une expertise spécialisée
dans l’application des normes du CPT.
146. Afin d’améliorer l’efficacité de la mise en œuvre des projets,
le Bureau du Conseil de l’Europe à Pristina a vu ses moyens, son
personnel et ses capacités d’analyse politique et d’alerte précoce
renforcés, comme le demandaient l’Assemblée et le Comité des Ministres
(voir
Recommandation
1923 (2010) et la réponse y afférente). J’ai pu apprécier moi-même
le haut niveau de professionnalisme et de compétence du Bureau lors de
mes visites en 2011 et 2012.
147. Durant plusieurs mois, en 2011 et 2012, le Groupe de rapporteurs
du Comité des Ministres sur la démocratie (GR-DEM) a examiné un
projet d’accord entre la MINUK et le Conseil de l’Europe sur le
cadre de mise en œuvre des mécanismes de monitoring du Conseil de
l’Europe au Kosovo, mais sans parvenir à un consensus, ni sur les
compétences de la MINUK, ni sur la mise en œuvre du projet d’accord.
Malgré cet échec, les Délégués des Ministres semblent partager une
même volonté de consolider l’application des normes du Conseil de
l’Europe au Kosovo, conformément à la réponse adoptée par le Comité
des Ministres le 12 janvier 2011.
148. Intervenant lors du débat ouvert de la partie de session de
juin 2012, tout en saluant l’attachement des autorités de Belgrade
et de Pristina à résoudre les questions en attente par le dialogue
mené par l’entremise de l’Union européenne, je me suis demandé quelle
est la place du Conseil de l’Europe dans ce processus et s’il ne
peut ou ne devrait pas faire plus pour améliorer le niveau de vie
dans la région et développer des relations de bon voisinage.
149. Je me félicite de la récente discussion informelle qu’a consacrée
le Comité des Ministres, le 13 juin 2012, à l’occasion d’un déjeuner
de travail, au thème de la «Protection des droits de l’homme en
Europe: combler les lacunes». A juste titre, les ministres ont identifié
un certain nombre de problèmes en Europe, en particulier la mise
en œuvre des normes du Conseil de l’Europe dans les régions post-conflit
(au Kosovo, par exemple) auxquelles l’Organisation ne peut accéder
qu’en partie, voire pas du tout. Ils ont souligné que, dans ces
régions, le Conseil de l’Europe devait renforcer son action de promotion
des normes relatives aux droits de l’homme.
150. Le 10 octobre 2012, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,
dans une intervention devant les Délégués des Ministres, à Strasbourg,
les a informés des réunions bilatérales qu’il avait eues à New York, entre
le 22 et le 28 septembre 2012, avec le ministre serbe des Affaires
étrangères, M. Ivan Mrkic, et avec le Premier ministre du Kosovo,
M. Thaçi. Je me félicite qu’il ait insisté sur l’importance de se
concentrer sur ce que le Conseil de l’Europe peut faire au Kosovo
de manière constructive et pragmatique afin de soutenir le dialogue
entre Belgrade et Pristina et qu’il ait réaffirmé avec conviction
qu’aucun Européen ne devait être exclu des avantages découlant de
l’application de la Convention européenne des droits de l’homme.
151. La réunion entre le Secrétaire Général et le Premier ministre
Thaçi a ouvert un nouveau chapitre dans les relations entre le Conseil
de l’Europe et le Kosovo. Cependant, une question demeure à ce jour:
comment la population du Kosovo dans son ensemble peut-elle bénéficier
de la Convention européenne des droits de l’homme?
152. Il convient d’observer qu’il existe, au Conseil de l’Europe,
un certain nombre d’organes et de réseaux spécialisés, outre le
CPT et le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales, qui peuvent présenter un grand intérêt
pour la population du Kosovo. Il s’agit par exemple:
- du Groupe d’Experts sur la lutte
contre la traite des êtres humains (GRETA);
- du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO);
- du Comité d’experts sur l’évaluation des mesures contre
le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL);
- du Comité d’experts de la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires;
- de la Commission de Venise;
- du Groupe Pompidou, chargé de la lutte contre la toxicomanie
et le trafic de drogue;
- du Comité européen des droits sociaux;
- de la Banque de développement du Conseil de l’Europe.
153. C’est toute la région qui est privée des bienfaits de la prééminence
du droit, d’un environnement politique et économique plus stable
et plus sûr, d’un cadre juridique solide, et d’une justice, d’une
police et d’une administration publique efficientes et efficaces.
154. J’appelle le Comité des Ministres à jouer son rôle, aux côtés
de la communauté internationale, et à veiller à ce que le Kosovo
reste l’une de ses priorités.
155. En fait, il convient de noter que certains Etats qui ne reconnaissent
pas le Kosovo, telle la Grèce, interviennent déjà directement
dans le cadre des projets. Récemment, le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe et le ministre serbe des Affaires étrangères, M. Mrkic,
ont conclu un accord portant sur l’introduction d’une nouvelle note
explicative (accord de représentation et de coopération régionales)
dans les documents du Conseil de l’Europe publiés dans le cadre
de la mise en œuvre des programmes conjoints du Conseil de l’Europe
et de l’Union européenne.
156. Une intervention plus importante pourrait, par exemple, se
concrétiser par l’intensification des programmes de coopération
et l’extension de leur portée. De mes discussions avec des responsables
du Conseil de l’Europe, notamment le Secrétaire Général, j’ai cru
comprendre qu’il est possible d’étendre les programmes du Conseil
de l’Europe à condition que les financements nécessaires soient
assurés.
13. Remarques conclusives
157. Comme je l’ai indiqué à la suite de ma récente visite
au Kosovo, j’ai l’impression que le jeu démocratique s’est amélioré
au fil des ans, mais la démocratie prend du temps. Des efforts soutenus
s’imposent pour améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques,
pour mettre en place une administration publique efficiente, des
institutions et un système judiciaire indépendants, pour se départir
d’une culture d’impunité et pour faire respecter la prééminence
du droit. Le cadre législatif de lutte contre la corruption doit
encore être renforcé et pleinement appliqué.
158. Le Kosovo est confronté à de nombreux défis, dont la normalisation
des relations entre Pristina et Belgrade dans le cadre du dialogue
entretenu avec la médiation de l’Union européenne, la liberté de
circulation dans le nord du Kosovo, la liberté de la presse, la
situation des rapatriés, des réfugiés et des personnes déplacées
et l’accès à l’information et à l’éducation pour toutes les communautés
vivant au Kosovo, y compris les groupes vulnérables.
159. Le principal défi est l’application des normes relatives aux
droits de l’homme et à la prééminence du droit. J’estime que le
Conseil de l’Europe est bien placé pour jouer un rôle important
si tous les Etats membres, qu’ils reconnaissent ou non le Kosovo,
admettent, de bonne foi, qu’il n’est pas possible d’oublier toutes
les personnes qui vivent au Kosovo et qu’elles doivent bénéficier
de la même protection des droits fondamentaux et des mêmes normes
de démocratie et de prééminence du droit que toutes les personnes
vivant en Europe qui sont protégées par la Convention européenne
des droits de l’homme et d’autres conventions du Conseil de l’Europe.
160. Dans sa réponse à la
Recommandation
1923 (2010) de l’Assemblée, le Comité des Ministres a souligné que
«le processus de suivi n’aura pleinement de sens que si les institutions
pertinentes et compétentes au Kosovo sont directement impliquées
dans le processus de suivi et responsables du suivi des recommandations.
En outre, le Comité des Ministres
convient avec l’Assemblée parlementaire que la mise en œuvre d’autres
mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe est une composante indispensable
à une contribution du Conseil de l’Europe pour élever les standards
relatifs à la démocratie, aux droits de l’homme et à l’Etat de droit
au Kosovo».
161. En dépit des développements positifs dans les programmes conjoints
Conseil de l’Europe–Union européenne, cet objectif n’a à ce jour
pas encore été atteint. Il n’y a pas de mise en œuvre «d’autres mécanismes
de suivi du Conseil de l’Europe» et l’interaction directe avec les
autorités du Kosovo reste limitée.
162. Les organisations neutres du point de vue du statut, telles
que les Nations Unies, l’OSCE et l’Union européenne, entretiennent
des relations directes avec les autorités kosovares et il en va
de même des 34 Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont reconnu
le Kosovo et de certains qui ne l’ont pas reconnu. J’en conclus
que le Comité des Ministres n’a pas suivi, dans son interaction
avec les autorités compétentes du Kosovo, la pratique mise en œuvre
par les organisations internationales neutres du point de vue du
statut susmentionnées, comme expressément souligné dans sa réponse
à notre recommandation.
163. J’invite par conséquent le Comité des Ministres à se montrer
flexible, pragmatique et prêt à engager une interaction directe,
véritable et constructive avec les autorités du Kosovo, tout en
respectant la neutralité du point de vue du statut. A cet égard,
j’accueille avec satisfaction et je soutiens entièrement la récente
proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’introduire
la possibilité d’une interaction directe entre des représentants
du Conseil de l’Europe et des autorités compétentes et pertinentes
au Kosovo, sur la base des responsabilités fonctionnelles exercées
par eux, proposition qui met en œuvre la Recommandation
1923 (2010) de l’Assemblée ainsi que la réponse du Comité des Ministres
y relative.
164. J’attends également de l’Organisation qu’elle mette en œuvre
la réponse du Comité des Ministres et avance des propositions concrètes
quant à l’élargissement des programmes de coopération dans les secteurs évoqués
précédemment, en plaçant un accent particulier sur les droits de
l’homme et la prééminence du droit. Je souhaiterais par ailleurs
qu’elle permette une implication directe des autorités compétentes
du Kosovo dans la mise en œuvre des activités et des programmes
du Conseil de l’Europe.
165. Pour sa part, l’Assemblée devrait élargir le dialogue avec
les représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo
et inviter son Bureau à en définir les modalités dans le plein respect
de la neutralité quant au statut. Elle doit rester attachée à la
promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence
du droit au Kosovo et continuer à suivre de près les développements
dans ces domaines ainsi que les activités pertinentes du Conseil
de l’Europe.