Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13088 | 07 janvier 2013

La situation au Kosovo* et le rôle du Conseil de l'Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Björn von SYDOW, Suède, SOC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3844 du 9 mars 2012.* Toute référence au Kosovo, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et sans préjuger du statut du Kosovo. 2013 - Première partie de session

Résumé

Indépendamment du statut du Kosovo, toutes les personnes y vivant doivent bénéficier d’une bonne gouvernance, de la démocratie, de la prééminence du droit et des mêmes droits, y compris des droits de l’homme, que les autres personnes vivant en Europe. Le principal défi auquel doit faire face le Kosovo est l’application des normes existantes relatives aux droits de l’homme et à la prééminence du droit, en particulier dans la lutte contre la corruption et le crime organisé.

L’état actuel du dialogue entre Pristina et Belgrade, au niveau des Premiers ministres – mené avec la médiation de l’Union européenne – ouvre la voie à la résolution de problèmes politiques fondamentaux et de questions d’ordre technique.

Le rapport appelle le Conseil de l’Europe à renforcer son action concernant la promotion des normes en matière de démocratie, droits de l’homme et prééminence du droit, en étendant la portée des programmes de coopération et en permettant aux autorités compétentes au Kosovo d’être directement impliquées dans la mise en œuvre des activités et des programmes du Conseil de l’Europe. Il propose également que l’Assemblée intensifie et élargisse son propre dialogue avec les représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo et invite le Bureau de l’Assemblée à en définir les modalités dans le plein respect de la neutralité du statut.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 14 décembre
2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire constate que, depuis la déclaration unilatérale d’indépendance en 2008, le Kosovo 
			(2) 
			Toute référence au
Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de son territoire,
de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans
le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo. est toujours en quête d’une reconnaissance internationale tout en poursuivant le développement de ses institutions démocratiques.
2. Les autorités du Kosovo continuent de partager le pouvoir avec une présence internationale opérant dans le cadre, neutre sur le plan du statut, de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette présence, qui comprend la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et la Mission Etat de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX), a été peu à peu réduite au fil des ans.
3. L’Assemblée estime que l’état actuel des négociations entre Pristina et Belgrade, au niveau des Premiers ministres, menées avec la médiation de l’Union européenne, témoigne d’une plus forte volonté des deux parties de promouvoir la réconciliation et de surmonter les séquelles du passé et ouvre la voie à la résolution de problèmes politiques fondamentaux et de questions d’ordre technique.
4. L’Assemblée note que le Conseil de l’Europe continue d’appliquer, à l’égard du Kosovo, une politique de neutralité du point de vue du statut, en dépit de la reconnaissance par 34 de ses 47 Etats membres du Kosovo comme Etat souverain et indépendant. Rappelant sa Résolution 1739 (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, elle souligne une fois encore que, indépendamment du statut du Kosovo, les personnes y vivant doivent bénéficier d’une bonne gouvernance, de la démocratie, de la prééminence du droit et des mêmes droits, y compris des droits de l’homme, que les autres personnes vivant en Europe.
5. A cet égard, l’Assemblée déplore la lenteur des progrès réalisés sur un plan général en termes d’amélioration de la prééminence du droit au Kosovo, s’agissant en particulier de la lutte contre la criminalité organisée et la corruption, au nord comme au sud du Kosovo. Elle regrette par ailleurs que le système judiciaire continue à pâtir de l’ingérence politique, d’un manque d’efficacité et de transparence, ainsi que de la non-application de la législation. L’Assemblée se félicite par conséquent de la récente restructuration de la mission EULEX visant à accorder la priorité à certains domaines relevant de la prééminence du droit comme la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, en particulier dans le nord du Kosovo.
6. Ainsi qu’elle l’a souligné dans la Résolution 1839 (2011) sur la situation politique dans les Balkans, l’Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation, y compris en ce qui concerne la sécurité de la communauté serbe, dans le nord du Kosovo, où persistent des tensions et des incidents liés à la sécurité. Elle reste convaincue qu’un accord politique sur la manière de diriger cette région est une condition préalable à une solution durable et à la réalisation des aspirations de Belgrade et de Pristina d’adhésion à l’Union européenne.
7. Depuis que les municipalités serbes bénéficient d’une plus grande autonomie, les sentiments des Serbes vivant au sud de l’Ibar semblent changer, se traduisant entre autres par une augmentation du taux de participation électorale. Toutefois, l’Assemblée regrette la persistance des craintes quant à leur sécurité et au plein respect de leurs droits et estime que les interactions entre les communautés serbes et albanaises du Kosovo doivent être davantage encouragées. Par ailleurs, la stratégie adoptée par les autorités pour protéger et promouvoir les droits des communautés rom, ashkali et égyptienne vivant au Kosovo doit être mise en œuvre avec plus de vigueur.
8. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les autorités du Kosovo, EULEX et la MINUK à continuer de renforcer la prééminence du droit et le cadre juridique, institutionnel et politique afin de lutter contre la corruption, notamment:
8.1. en prenant des mesures concrètes pour garantir la bonne mise en œuvre du cadre juridique afin de réduire l’ingérence politique dans les activités du système judiciaire et de fournir à ce dernier le soutien, les ressources et la formation appropriés;
8.2. en donnant davantage de pouvoirs aux organes indépendants de lutte contre la corruption et en mettant en place une procédure accélérée de communication aux autorités judiciaires des informations relatives aux affaires de corruption;
8.3. en simplifiant le contrôle de l’attribution des marchés publics et en vérifiant l’application des règles existantes;
8.4. en améliorant la législation, les politiques et les pratiques dans les domaines du blanchiment d’argent, du financement du terrorisme, de la traite des êtres humains, du trafic de stupéfiants et d’armes ou encore de la confiscation d’actifs;
8.5. en développant un système adéquat de protection des témoins;
8.6. en octroyant les fonds et le personnel nécessaires à la mise en place d’un système d’administration publique efficace, compétent et multiethnique, et en assurant une formation à la déontologie et la lutte contre la corruption.
9. L’Assemblée accueille avec satisfaction le soutien de l’Union européenne aux programmes de coopération du Conseil de l’Europe et encourage cette dernière:
9.1. à continuer de donner une perspective européenne à l’ensemble des Balkans occidentaux, y compris au Kosovo;
9.2. à veiller à ce que ses dialogues politiques avec le Kosovo soient axés tout particulièrement sur le renforcement de la prééminence du droit et liés à des incitations et des conditions prioritaires, conformément aux récentes recommandations de la Cour des comptes européenne;
9.3. à s’assurer que le processus de normalisation entre Pristina et Belgrade aille de pair avec la mise en œuvre des normes européennes en matière de droits de l’homme et de prééminence du droit dans l’ensemble de la région;
9.4. à soutenir les autorités serbes afin d’élaborer des solutions durables et de faciliter l’intégration au plan local, en Serbie, des personnes déplacées qui ne souhaitent pas rentrer, afin d’accélérer le processus de normalisation;
9.5. à renforcer sa mission EULEX:
9.5.1. en améliorant la responsabilité et l’efficacité de ses actions de lutte contre la corruption de haut niveau et la criminalité organisée;
9.5.2. en mettant l’accent sur les enquêtes et les poursuites des crimes de guerre, parallèlement à un programme de protection des témoins efficace et doté des moyens financiers nécessaires;
9.5.3. en mettant en œuvre les recommandations formulées dans l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur les mécanismes actuels d’examen de la compatibilité des actes de la MINUK et d’EULEX au Kosovo avec les normes relatives aux droits de l’homme.
10. L’Assemblée appelle les autorités de Pristina et de Belgrade:
10.1. à s’engager dans le dialogue mené avec la médiation de l’Union européenne dans un esprit ouvert et sans condition préalable;
10.2. à continuer de coopérer avec les organes pertinents d’EULEX exerçant des fonctions exécutives de maintien de l’ordre public au Kosovo, y compris les Unités d’enquête sur les crimes de guerre et le crime organisé, ainsi qu’avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et avec la Task force spéciale d’enquête de l’Union européenne (SITF);
10.3. à s’abstenir de recourir à des moyens non judiciaires, tels que la presse, de telle manière que ce pourrait être perçu comme une menace à l’intégrité du processus judiciaire;
10.4. à intensifier leurs efforts pour éviter que l’impasse dans laquelle se trouve la situation dans le nord du Kosovo ne se transforme en un conflit gelé et à trouver des moyens d’associer au dialogue la société civile serbe du Kosovo;
10.5. à lutter contre le crime organisé transnational et la corruption, notamment en progressant sur la voie de la création d’un mandat d’arrêt régional pour les pays des Balkans et d’un mécanisme d’extradition pan-balkanique qui, pour être véritablement efficaces, devront inclure le Kosovo; à cet égard, la signature d’un protocole opérationnel entre les autorités serbes et EULEX améliorerait l’entraide judiciaire dans les affaires de corruption;
10.6. à allouer des ressources adéquates au Groupe de travail Belgrade–Pristina sur les personnes portées disparues et à renforcer la coopération régionale pour aider à élucider le sort des disparus;
10.7. à intensifier la coopération technique afin d’établir des statistiques claires correspondant au retour des réfugiés et des personnes déplacées et à l’intégration locale, et à continuer d’apporter leur assistance pour favoriser le retour et la réintégration des réfugiés dans leur lieu d’origine ou, le cas échéant, l’intégration dans leur lieu d’accueil, en coopération avec la communauté internationale, en privilégiant la promotion de l’accès aux droits fondamentaux, notamment le droit au logement, à l’éducation, à la santé, à l’emploi et aux services sociaux;
10.8. à condamner publiquement et à enquêter sur les crimes interethniques et tous les actes d’intolérance religieuse et de vandalisme contre des symboles religieux ou culturels;
10.9. à soutenir les initiatives transfrontalières, populaires et de la société civile visant à réconcilier les citoyens et à favoriser un changement culturel.
11. L’Assemblée invite les autorités au Kosovo:
11.1. à poursuivre la réforme judiciaire pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et la transparence de la justice, et en particulier:
11.1.1. à prévoir des ressources suffisantes pour assurer le bon fonctionnement des tribunaux, notamment dans le district de Mitrovica;
11.1.2. à assurer la sécurité et la protection des juges, des procureurs, des parties et des témoins;
11.1.3. à restructurer le ministère public et à pourvoir les postes vacants réservés aux minorités;
11.1.4. à moderniser le système de traitement des affaires;
11.1.5. à améliorer la prise en compte des droits de l’homme dans les décisions de justice;
11.2. à renforcer l’indépendance financière de l’Assemblée du Kosovo et des autres institutions indépendantes;
11.3. à mettre en œuvre les recommandations de l’institution du médiateur du Kosovo et à garantir les ressources nécessaires à son fonctionnement;
11.4. à mettre en œuvre les dispositions prévues par le cadre juridique et institutionnel pour protéger et promouvoir les droits des minorités et faciliter l’interaction entre les communautés, en particulier:
11.4.1. en procédant rapidement à des enquêtes sur les agressions à motivation ethnique ou religieuse, et en améliorant la collecte des données;
11.4.2. en assurant l’emploi des membres des communautés dans l’administration publique, y compris à des postes d’encadrement;
11.4.3. en permettant aux enfants de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle dans les écoles publiques et en établissant une procédure d’accréditation des établissements d’enseignement privés qui dispensent une éducation dans la langue de leur choix;
11.4.4. en allouant des ressources suffisantes aux bureaux d’état civil, en étant à l’écoute des communautés vulnérables et en appliquant des droits d’enregistrement abordables;
11.4.5. en allouant des ressources suffisantes au Bureau du commissaire aux langues, chargé de contrôler la loi sur l’emploi des langues;
11.4.6. en assurant la diffusion des programmes de l’opérateur public de radio et télévision du Kosovo en langue serbe;
11.4.7. en soutenant les travaux de la Commission des litiges relatifs aux biens immobiliers afin de réduire le nombre d’affaires en attente;
11.4.8. en appliquant la législation sur la protection du patrimoine culturel;
11.4.9. en allouant le financement nécessaire à la mise en œuvre de la stratégie pour l’intégration des communautés rom, ashkali et égyptienne, et en prêtant attention à la situation des communautés turques et bosniaques;
11.4.10. en assurant que toutes les obligations relatives aux plaques d’immatriculation soient remplies, sans discrimination;
11.5. à créer les conditions propices à un retour durable et à la réintégration des personnes déplacées et rapatriées, en particulier:
11.5.1. en allouant du personnel et des ressources suffisants aux bureaux mis en place au niveau local à l’intention des communautés et aux groupes de travail sur les retours;
11.5.2. en se conformant aux normes internationales régissant la restitution des biens à la suite d’un conflit;
11.6. à garantir l’indépendance des médias et la protection adéquate des journalistes, en particulier:
11.6.1. en mettant pleinement en œuvre les lois sur la Radiotélévision Kosovo (RTK) et sur la Commission indépendante des médias (IMC);
11.6.2. en élaborant un manuel détaillant les procédures à suivre pour traiter les cas de violence à l’encontre de journalistes;
11.6.3. en mettant pleinement en application la loi sur l’accès aux documents officiels;
11.6.4. en promouvant davantage l’accès à l’information pour les communautés non albanaises;
11.7. à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et l’autonomisation des femmes, en particulier:
11.7.1. en renforçant la lutte contre la traite des êtres humains;
11.7.2. en mettant en œuvre le plan d’action sur la violence domestique pour la période 2012-2015;
11.7.3. en finalisant les directives générales à l’intention des victimes de la violence domestique et en élaborant des programmes de réinsertion pour les victimes.
12. Afin de renforcer le rôle du Conseil de l’Europe au Kosovo, l’Assemblée réitère sa précédente invitation au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de faire part au Secrétariat de l’Organisation de la nécessité d’entretenir des relations de travail directes avec les autorités du Kosovo à tous les niveaux pour assurer la bonne mise en œuvre des activités du Conseil de l’Europe dans le respect de la neutralité du statut.
13. Afin de contribuer au fonctionnement démocratique des institutions du Kosovo, l’Assemblée:
13.1. encourage l’Assemblée du Kosovo à améliorer la communication avec les institutions indépendantes telles que l’institution du médiateur, et à veiller à ce qu’elles bénéficient des ressources nécessaires pour accomplir leur mandat;
13.2. encourage les partis politiques du Kosovo à favoriser la diversité ethnique parmi leurs membres et dirigeants;
13.3. décide d’intensifier et d’élargir son propre dialogue avec les représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo et invite son Bureau à en définir les modalités dans le plein respect de la neutralité quant au statut.
14. Enfin, l’Assemblée maintient son engagement à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit au Kosovo et décide par conséquent de continuer de suivre de près les développements dans ces domaines ainsi que les activités du Conseil de l’Europe s’y rapportant.

B. Projet de recommandation 
			(3) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 14 décembre
2012.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2013) sur la situation au Kosovo 
			(4) 
			Toute
référence au Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de
son territoire, de ses institutions ou de sa population, doit être
entendue dans le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil
de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du
statut du Kosovo. et le rôle du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire réaffirme sa position selon laquelle, indépendamment du statut du Kosovo, les personnes y vivant doivent bénéficier d’une bonne gouvernance, de la démocratie, de la prééminence du droit et des mêmes droits, y compris des droits de l’homme, que les autres personnes vivant en Europe.
2. L’Assemblée note que dans sa réponse à la Recommandation 1923 (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, adoptée le 12 janvier 2011, le Comité des Ministres a confirmé son engagement d’offrir une perspective européenne à tous les habitants du Kosovo, reconnaissant que «le processus de suivi [n’aurait] pleinement de sens que si les institutions pertinentes et compétentes au Kosovo [étaient] directement impliquées dans le processus de suivi et responsables du suivi des recommandations».
3. L’Assemblée se félicite également de l’engagement plus fort du Conseil de l’Europe au Kosovo par le biais de programmes de consolidation de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit au Kosovo et les activités menées par son Bureau à Pristina, qui a été renforcé à la suite de la demande de l’Assemblée.
4. Cependant, l’Assemblée regrette que l’Organisation n’ait pas été en mesure de mettre en œuvre, au Kosovo, «d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe», comme souligné par le Comité des Ministres dans sa réponse. En même temps, elle accueille avec satisfaction la récente proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’introduire la possibilité d’une interaction directe entre des représentants du Conseil de l’Europe et des autorités compétentes et pertinentes au Kosovo, sur la base des responsabilités fonctionnelles exercées par eux.
5. Considérant que le principal défi est l’application des normes relatives aux droits de l’homme et à la prééminence du droit au Kosovo, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
5.1. de développer davantage ses actions de promotion des normes relatives aux droits de l’homme et à la prééminence du droit et d’étendre la portée des programmes du Conseil de l’Europe y compris au travers des activités des principaux organes du Conseil de l’Europe et de la Banque de développement du Conseil de l’Europe, en particulier dans les domaines suivants:
5.1.1. mise en œuvre de la législation anti-discrimination;
5.1.2. indépendance et efficacité de la justice;
5.1.3. action contre la corruption et évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme;
5.1.4. lutte contre la traite des êtres humains;
5.1.5. action de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et prévention et lutte contre la violence domestique et à l’égard des femmes;
5.2. d’inviter les Etats membres du Conseil de l’Europe:
5.2.1. à mettre fin aux retours forcés de Roms au Kosovo jusqu’à ce que la preuve soit faite de leur sûreté et de leur viabilité, conformément à la Résolution 1768 (2010) sur les demandeurs d’asile roms en Europe et aux recommandations du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe;
5.2.2. à continuer de fournir une assistance financière afin de garantir que les plans d’action existants tournés vers la recherche d’une solution durable pour les réfugiés et les personnes déplacées soient suivis d’actions concrètes;
5.2.3. à contribuer aux programmes de coopération pertinents, selon les priorités définies par l’Organisation;
5.3. de soutenir la proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de veiller à ce que les responsables du Conseil de l’Europe soient en mesure d’interagir et d’établir des relations de travail directes avec les autorités du Kosovo en vue de faciliter la mise en œuvre des activités et programmes du Conseil de l’Europe, sans préjuger de l’approche neutre du point de vue du statut adoptée par l’Organisation;
5.4. de renforcer les travaux pertinents du Conseil de l’Europe dans les régions de conflit et de post- conflit sur la révision et la conception de manuels scolaires et d’apprentissage, l’organisation de séminaires pour enseignants et l’identification de sources comme souligné également dans la Recommandation 1954 (2011) sur la réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie;
5.5. de continuer à coopérer étroitement avec les autres acteurs internationaux, en particulier l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les organes des Nations Unies, afin d’améliorer la coordination, de renforcer l’impact et d’éviter la duplication des efforts.

C. Exposé des motifs, par M. von Sydow, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. J’ai été à nouveau désigné rapporteur sur la situation au Kosovo le 6 octobre 2011. A ce jour, deux ans et demi après l’adoption de mon premier rapport, en juin 2010, et quatre ans après la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, en 2008, la situation a progressé mais il reste de nombreux sujets d’inquiétude, tout particulièrement en matière de prééminence du droit et de droits de l’homme.
2. Plusieurs développements importants sont intervenus, tant sur le plan interne qu’au niveau international. La situation a évolué à la fois en ce qui concerne la stabilité politique, la gouvernance et la démocratie au Kosovo et l’attitude de la communauté internationale dans son ensemble vis-à-vis du Kosovo. Toutefois, la question du statut du Kosovo continue de diviser.
3. L’objectif du présent rapport est double:
  • évaluer les développements depuis l’adoption de la Résolution 1739 (2010) et de la Recommandation 1923 (2010) de l’Assemblée sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, notamment concernant la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit;
  • trouver un moyen de progresser, notamment en ce qui concerne les relations entre le Kosovo et le Conseil de l’Europe.
4. J’ai eu l’occasion d’effectuer un certain nombre de visites d’information dans la région:
  • du 28 au 30 novembre 2010, à la veille des élections (à Pristina et à Gracanica);
  • du 1er au 4 novembre 2011 (à Pristina, à Gracanica et à Mitrovica);
  • du 18 au 20 janvier 2012 (à Belgrade);
  • du 28 au 31 octobre 2012 (à Pristina et à Peja/Peç);
  • les 15 et 16 novembre 2012 (à Belgrade).
5. Le 15 décembre 2010 et le 30 mai 2012, la commission des questions politiques et de la démocratie a organisé des auditions à laquelle ont participé des représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo. Des représentants de la société civile étaient également présents lors de la deuxième audition. La commission a organisé un nouvel échange de vues à Paris, le 14 novembre 2012, avec la participation du médiateur du Kosovo, des représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo et d’un représentant de la Direction générale des programmes du Conseil de l’Europe. Un quatrième échange de vues avec des représentants des forces politiques élues au Kosovo a eu lieu lors de la réunion de la commission le 14 décembre 2012 à Turin.
6. Tout au long de 2011 et 2012, lors des parties de session de l’Assemblée, j’ai pu rencontrer un certain nombre d’interlocuteurs à Strasbourg, en particulier des ambassadeurs, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ainsi que des représentants de la société civile, qui se sont révélés des sources d’information très précieuses. J’ai également largement exploité les rapports de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), de la Mission Etat de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX) et de l’OSCE.
7. Au cours de ces cinq dernières années, mon intention, en qualité de rapporteur sur la situation au Kosovo, n’a pas changé: promouvoir un consensus sur la nécessité pour les personnes vivant au Kosovo de bénéficier d’une bonne gouvernance, de la démocratie, de la prééminence du droit et des mêmes droits, y compris des droits de l’homme, que les autres personnes vivant en Europe. Malgré quelques progrès, ces objectifs ne sont pas encore atteints.

2. Développements institutionnels récents

8. Aujourd’hui, quatre ans et demi après la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, 96 des 192 Etats membres de l’Organisation des Nations Unies, dont 34 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe 
			(5) 
			Les
Etats membres du Conseil de l’Europe suivants ont reconnu le Kosovo
comme Etat indépendant: Albanie, Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique,
Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Hongrie,
Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg,
Malte, Monaco, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal,
République tchèque, Royaume-Uni, Saint-Marin, Slovénie, Suède, Suisse,
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», Turquie. 
			(5) 
			Les
Etats membres suivants n’ont pas reconnu le Kosovo comme Etat indépendant:
Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Espagne, Géorgie,
Grèce, République de Moldova, Roumanie, Russie, Serbie, République slovaque,
Ukraine., et 22 des 27 Etats membres de l’Union européenne ont reconnu le Kosovo comme Etat indépendant.
9. Le Kosovo est devenu membre de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international en 2009. Le 16 novembre 2012, le Conseil des gouverneurs de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a décidé d’autoriser le Kosovo à devenir membre de la BERD, sans préjudice des positions de ses membres sur la question du statut du Kosovo.
10. Si la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé, le 22 juillet 2010, que la déclaration d’indépendance du Kosovo «n’a violé ni le droit international général, ni la Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ni le cadre constitutionnel» 
			(6) 
			L’avis avait été demandé
par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2008 sur la question,
«La déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international?»., la décision de reconnaître ou non le Kosovo reste toujours une question politique qu’il appartient à chaque Etat de trancher.
11. J’ai de ce fait décidé d’exclure intentionnellement la question de la reconnaissance du cadre de mon rapport et je me limite à livrer un aperçu de l’architecture institutionnelle du Kosovo, qui demeure complexe. Les autorités du Kosovo n’ont pas le monopole de l’usage de la force et continuent de partager le pouvoir avec une présence internationale qui a été peu à peu réduite au fil des ans.
12. Le 2 juillet 2012, l’International Steering Group (ISG) pour le Kosovo – groupe composé de 25 pays ayant reconnu le Kosovo et supervisant la mise en œuvre du «plan Ahtisaari» – a annoncé que la Proposition globale de règlement (CSP) 
			(7) 
			La Proposition globale
de règlement portant sur le statut du Kosovo a été présentée par
le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies aux membres
du Conseil de sécurité le 26 mars 2007. C’est une équipe dirigée
par le Président Martti Ahtisaari, envoyé spécial du Secrétaire
général, qui en avait assuré la rédaction. Dans sa déclaration d’indépendance,
le 17 février 2008, l’Assemblée du Kosovo s’est pleinement engagée
à mettre en œuvre le règlement et a invité les présences internationales,
notamment le Bureau civil international, à se déployer dans le pays
pour superviser cette opération. avait été dûment mise en application et il a donné son feu vert aux étapes finales permettant de mettre fin à l’indépendance sous supervision et de fermer le Bureau civil international (BCI) d’ici fin 2012 
			(8) 
			Malgré la fermeture
du BCI, les mandats de nombreux responsables internationaux ont
été prolongés jusqu’en 2014, notamment pour assurer une présence
internationale soutenue au sein du Bureau du Vérificateur général
des comptes du Kosovo, de l’Agence de privatisation du Kosovo, de
l’Agence de la propriété au Kosovo, du Fonds d’épargne-pension du Kosovo,
des Commissions indépendantes de révision des manuels scolaires
en langue serbe, de la Cour constitutionnelle, du Conseil judiciaire
du Kosovo et de la Cour suprême..
13. L’ISG a souligné que les principes et l’esprit qui ont présidé à la Proposition globale de règlement devaient perdurer après la phase d’indépendance sous supervision. A cet égard, l’ISG salue la déclaration du Premier ministre Thaçi confirmant l’engagement actuel du Kosovo à respecter et à appliquer résolument ces principes.
14. L’Union européenne joue un rôle éminent dans la reconstruction et le développement du Kosovo, en particulier pour favoriser la mise en place d’institutions stables et un développement économique durable afin d’assurer au pays son avenir européen. Sa présence au Kosovo est assurée par:
  • le bureau de l’Union européenne au Kosovo et le Représentant spécial de l’Union européenne (RSUE) qui, sous l’autorité de la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, veillent au maintien d’un dialogue politique et technique avec les institutions de Bruxelles, apportent un soutien au gouvernement du Kosovo dans le processus politique et, enfin, contribuent au développement et à la consolidation du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
  • l’EULEX, qui assiste les autorités du Kosovo en matière de prééminence du droit, notamment dans les secteurs de la police, de la justice et des douanes. Son mandat a récemment été prolongé jusqu’en 2014 avec une réduction de personnel d’environ 25 % (2 250 agents). Actuellement, EULEX fait l’objet d’importantes réformes visant à donner la priorité à certains domaines relatifs à la prééminence du droit – tels que la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, particulièrement au nord du Kosovo – ainsi qu’à soutenir le programme de l’Union européenne en termes de libéralisation du régime des visas, de dialogue entre Pristina et Belgrade et de dialogue structuré sur l’Etat de droit 
			(9) 
			Rapport
2012 du programme EULEX..
  • les représentations d’Etats membres de l’Union européenne (actuellement 17 ambassades et bureaux de liaison).
15. EULEX opère sous l’autorité générale et dans le cadre de l’action de l’Organisation des Nations Unies, neutre sur le plan du statut, dont la présence a été peu à peu réduite au fil des ans. Néanmoins, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, à la tête des 418 membres de la MINUK, jouit encore d’un pouvoir exécutif civil et assure la coordination de la présence civile internationale opérant au titre de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
16. L’OSCE conserve le statut de pilier de la MINUK en ce qui concerne la mise en place d’institutions, la protection et la promotion des droits de l’homme, la démocratisation et l’accès aux services par toutes les communautés du Kosovo. Elle encourage également dans tout le pays les municipalités à réagir rapidement et efficacement aux incidents liés à la sécurité qui touchent les communautés minoritaires, y compris serbes, mais aussi les communautés albanaises minoritaires dans les municipalités administrées par des Serbes.
17. Depuis 12 ans, la mission de la Force dirigée par l’OTAN au Kosovo (KFOR) contribue au maintien de la sécurité sur place. L’effectif de ses troupes est progressivement tombé à environ 5 576. La KFOR assure également la formation de la Force de sécurité du Kosovo – force professionnelle pluriethnique entièrement volontaire dotée d’un armement léger – et maintient les conditions nécessaires aux opérations d’autres organisations internationales. Comme en témoigne la détérioration de la situation dans le nord du Kosovo en 2011, des tensions demeurent et l’action de la KFOR continue de s’imposer pour garantir à la population stabilité, liberté de circulation et sécurité.
18. En septembre 2012, l’Agence des statistiques du Kosovo a publié les résultats du recensement de la population et des logements réalisé dans le pays (sauf dans le nord) en avril 2011. Il s’agit des premières données de recensement internationalement reconnues pour le Kosovo depuis 1981. D’après ce recensement, la population se compose à 88 % d’Albanais de souche, à 7 % de Serbes de souche, à 5% d’autres groupes ethniques (notamment de Bosniaques, Goranis, Roms, Ashkalis, Egyptiens et Turcs).
19. Les autorités serbes continuent d’influer sur la vie des Serbes du Kosovo et il y a encore des structures financées par les Serbes dans le nord du Kosovo, principalement dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’administration municipale, de la sécurité et de la justice. Toutefois, leur efficacité et leur efficience sont de plus en plus remises en cause par les responsables locaux eux-mêmes, que j’ai rencontrés lors d’une visite à Mitrovica-Nord en novembre 2011. Face à une situation économique désastreuse, la population locale reste tributaire de l’assistance sociale de Belgrade.
20. Pendant et depuis les élections législatives et présidentielle serbes qui se sont tenues les 6 et 20 mai 2012, quatre faits importants sont intervenus:
  • durant la campagne électorale, la question du Kosovo est restée relativement marginale par rapport aux questions socioéconomiques, au chômage, à la privatisation, aux allégations de corruption et, dans une moindre mesure, à l’adhésion à l’Union européenne 
			(10) 
			Rapport final sur la
Mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH – République de
Serbie, élections législatives et élection présidentielle anticipée,
6 et 20 mai 2012.;
  • les efforts de Belgrade et de Pristina, qui ont manifesté un grand sens des responsabilités et de l’autorité avec l’appui de la communauté internationale 
			(11) 
			L’OSCE a joué un rôle
de facilitateur et le scrutin s’est déroulé sans problème dans les
90 bureaux de vote mis en place dans 28 localités du Kosovo pour
accueillir quelque 110 000 électeurs (citoyens serbes vivant au
Kosovo)., ont permis aux citoyens serbes vivant au Kosovo d’exercer leur droit de vote; de plus, la Serbie a décidé ne pas organiser d’élections locales au Kosovo 
			(12) 
			Malgré l’objection
formelle de Belgrade, seulement deux municipalités du nord (Zveçan
et Zubin Potok) ont tenu des élections locales qui n’ont, cependant,
été reconnues par aucun des acteurs locaux ou internationaux.;
  • peu après son élection, le nouveau Président de la Serbie, Tomislav Nikolić, a réaffirmé l’engagement de son pays à honorer pleinement tous les accords conclus dans le cadre du dialogue facilité par l’Union européenne entre Belgrade et Pristina, et à reprendre des négociations à un niveau politique plus élevé. Cette intention a été confirmée plus récemment par le Premier ministre, Ivica Dacic, nommé en octobre 2012 à la tête de l’équipe négociatrice de Belgrade, qui a déclaré que le gouvernement de la Serbie travaillait actuellement «à construire de nouvelles passerelles avec Pristina», et «[voulait] un règlement pacifique pour le Kosovo et une reprise du dialogue entre Belgrade et Pristina, dialogue qui doit couvrir des questions politiques mais aussi techniques», soulignant que la «bonne volonté, le souci du compromis et la sagesse sont nécessaires pour trouver une solution définitive à la question du Kosovo» 
			(13) 
			Le Premier ministre
Dacic, s’adressant au Forum sécuritaire de Belgrade le 21 septembre
2012.;
  • les Premiers ministres Dacic et Thaçi se sont rencontrés à Bruxelles les 19 octobre, 7 novembre et 4 décembre 2012, lors d’une réunion présidée par la Haute Représentante de l’Union européenne, Catherine Ashton, et se sont engagés à travailler ensemble à la normalisation des relations et à l’application de tous les accords.

3. Démocratie, bonne gouvernance et stabilité politique

21. Depuis deux ans, grâce à d’importants développements en termes de gouvernance et de stabilité politique, et à la mise en œuvre de réformes majeures, le Kosovo s’est rapproché des normes européennes. Reste que des efforts soutenus s’imposent pour améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques, en particulier l’Assemblée du Kosovo, mettre en place une administration publique et un système judiciaire efficients et faire respecter la prééminence du droit.

3.1. Elections libres et équitables

22. Les toutes dernières élections générales ont eu lieu le 12 décembre 2010, après le retrait de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) du gouvernement de coalition dirigé par le Parti démocratique du Kosovo (PDK) et la décision du président Krasniqi, alors en exercice, de dissoudre l’Assemblée et de tenir des élections extraordinaires.
23. Les élections se sont déroulées sans violence mais ont été entachées d’irrégularités, comme l’ont constaté plusieurs observateurs internationaux. L’Assemblée parlementaire n’a pas observé ces élections. Pour ma part, je me suis rendu au Kosovo du 28 au 30 novembre 2010, c’est-à-dire deux semaines avant les élections, en ma capacité de rapporteur, et j’ai rencontré, entre autres, les sept principaux acteurs des élections, y compris les deux nouveaux partis, le Mouvement pour l’autodétermination (Vetevendosje) et le parti libéral FER (qui a été ensuite absorbé par Vetevendosje).
24. Ces élections législatives étaient les premières depuis la déclaration d’indépendance et ont été organisées sans intervention de l’administration internationale. Les irrégularités et les fraudes ont notamment pris la forme de votes multiples et d’une manipulation des bulletins de vote. Suite à cela, la Commission électorale centrale (CEC) a décidé de recompter les bulletins de 681 bureaux de vote du Kosovo et de recommencer les élections dans cinq municipalités, le 9 janvier 2011. Celles-ci ont donné lieu à beaucoup moins d’irrégularités.
25. Le 10 janvier 2011, selon une délégation du Parlement européen qui observait les élections, de graves anomalies ont souligné un manque de volonté politique, notamment au niveau de la base, de mener une élection respectueuse des normes internationales et des bonnes pratiques électorales. Le 12 janvier 2011, le Réseau européen des organisations d’observation des élections a annoncé qu’un nombre élevé d’irrégularités durant les élections de l’Assemblée du Kosovo avait gravement entamé la confiance dans le processus démocratique du pays.
26. La CEC a annoncé que 47,8 % des 1 630 000 électeurs inscrits avaient voté, soit une augmentation de 18,3 % par rapport aux élections de 2007. Le Parti démocratique du Kosovo du Premier ministre Hashim Thaçi a remporté 34 des 120 sièges de l’Assemblée, suivi de la Ligue démocratique du Kosovo avec 27 sièges, du Vetëvendosje (mouvement d’autodétermination) avec 14 sièges, de l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK) avec 12 sièges et de la coalition de l’Alliance pour un nouveau Kosovo (AKR) avec 8 sièges.
27. Les partis politiques albanais du Kosovo ont remporté un total de 95 sièges et les partis serbes du Kosovo, outre les 10 sièges leur étant réservés, 3 sièges de plus (2 pour le Parti libéral indépendant et un pour la Liste unifiée serbe). Les «autres communautés» ont gagné 2 sièges (un pour le Parti démocratique turc du Kosovo (KTDP) et un pour le Parti d’intégration ashkali (PAI)) en plus des 10 sièges leur étant réservés (4 pour les communautés roms, ashkalis et égyptiennes, 3 pour la communauté bosniaque, 2 pour la communauté turque et un pour la communauté gorani).
28. Quant à la participation de la communauté serbe du Kosovo, elle a été mitigée. Plus de 21 000 Serbes du Kosovo ont voté au sud de l’Ibar – la plus forte participation électorale depuis les élections de 2001 –, contre une participation négligeable au nord.
29. La LDK et l’AAK ayant refusé de participer à une coalition menée par le PDK, celui-ci a finalement constitué une coalition gouvernementale avec l’AKR et avec l’écrasante majorité des partis serbes et «autres communautés» du Kosovo, bénéficiant ainsi du soutien de 64 députés. Sur les 19 ministères, les Serbes du Kosovo en détiennent trois (contre deux dans le précédent gouvernement), notamment le ministère de l’Administration de l’autonomie locale, dont le ministre compte aussi parmi les six vice-premiers ministres. Parmi les actuels vice-ministres, trois sont serbes et huit originaires d’autres communautés.
30. Le 22 février 2011, l’Assemblée du Kosovo a élu Behgjet Pacolli, chef de l’AKR, à la présidence du Kosovo, avec 62 voix, et nommé un gouvernement dirigé par le Premier ministre Thaçi. En mars 2011, des membres de l’opposition ont contesté la légalité du processus électoral présidentiel, par la suite décrété contraire à la Constitution par décision de justice, pour cause d’absence d’un second candidat et du quorum nécessaire.
31. En avril 2011, Mme Atifete Jahjaga, jusqu’alors directrice générale adjointe de la police du Kosovo, a été proposée comme candidate consensuelle, à la suite d’un accord de compromis entre le gouvernement et la LDK qui prévoyait de nouvelles réformes du système électoral. Mme Jahjaga a été élue par l’Assemblée du Kosovo avec 80 voix et 101 députés présents. En juillet 2012, la Cour constitutionnelle du Kosovo a décidé que le mandat de la Présidente, Mme Jahjaga, serait un mandat plein de cinq ans allant jusqu’en 2016, et non 2013, date à laquelle la réforme électorale devra être entrée en vigueur, conformément à un accord politique antérieur entre le PDK, la LDK et l’AAK.
32. L’Assemblée du Kosovo a mis en place une commission ad hoc chargée des réformes électorales générales qui, en mai 2012, a produit un premier projet de loi amendée sur les élections, avec l’aide et les conseils d’un groupe de travail électoral composé d’acteurs internationaux et locaux et coordonné par l’OSCE. Des projets d’amendement établissant l’élection directe du Président et le remaniement de ses pouvoirs constitutionnels sont actuellement en cours de discussion.
33. Le mouvement extrémiste nationaliste Vetëvendosje, qui a obtenu 12,66 % des voix aux élections de 2010, reste actif et s’oppose à la présence internationale, au processus de décentralisation, au dialogue entre Belgrade et Pristina sous l’égide de l’Union européenne et à la négociation pour le statut final du Kosovo. Son chef, M. Albin Kurti, est également président de la Commission parlementaire des affaires étrangères. Le mouvement a souvent été à l’origine d’actes de violence.

3.2. Le fonctionnement des institutions démocratiques

34. Les institutions démocratiques du Kosovo continuent de se développer. Plusieurs organes et institutions indépendantes se plaignent d’une ingérence politique. La séparation des pouvoirs entre les branches législative, exécutive et judiciaire n’est pas encore claire. Il est à noter que la séparation des pouvoirs n’est pas seulement une caractéristique essentielle de toute démocratie, c’est aussi une condition nécessaire pour faire progresser l’économie, attirer les investissements étrangers et créer de la richesse.
35. La mission de l’OSCE s’emploie à soutenir le fonctionnement de l’Assemblée du Kosovo et des institutions indépendantes, tout en favorisant activement le développement des partis politiques. Il s’agit, notamment, de renforcer la capacité des groupes parlementaires non albanais à participer plus activement aux activités législatives et de contrôle des travaux de l’Assemblée 
			(14) 
			OSCE, «The state of
independent institutions in Kosovo» [la situation des institutions
indépendantes au Kosovo], 12 juillet 2012.. Néanmoins, plusieurs observateurs ont remis en cause la capacité de l’Assemblée à examiner les projets de lois et les travaux du gouvernement en raison du rôle dominant de la coalition gouvernementale et il est à craindre que le règlement ne soit pas toujours suivi. Aussi est-il nécessaire de mieux examiner la législation et contrôler la mise en œuvre des politiques et des lois, ainsi que de renforcer l’indépendance financière de l’Assemblée.
36. Pour sa part, et sur la base de la Résolution 1739 (2010), notre commission a engagé un dialogue avec des représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo et a tenu, depuis, quatre auditions sur la situation au Kosovo. A ces réunions ont participé au moins un représentant de la majorité et un de l’opposition et la commission s’est efforcée d’assurer une représentation de la composante serbe. A mon avis, l’Assemblée parlementaire devrait intensifier son engagement auprès de l’Assemblée du Kosovo et trouver les moyens de faire participer des membres de l’Assemblée du Kosovo à ses débats.
37. Sont également opérationnelles au Kosovo un certain nombre d’institutions indépendantes, notamment l’Institut judiciaire du Kosovo, la Commission indépendante des médias, la Commission électorale centrale, l’institution du médiateur et, enfin, le Conseil indépendant de contrôle de la fonction publique du Kosovo. Il est capital de consolider leurs capacités, de renforcer leurs relations mutuelles et celles avec l’Assemblée du Kosovo et, aussi, de protéger leur indépendance contre toute ingérence politique.

3.3. La situation dans le nord du Kosovo

38. La situation dans le nord du Kosovo, qui a toujours été tendue en raison d’un blocage prolongé du commerce transfrontalier, s’est détériorée en juillet 2011. Des affrontements et des épisodes de violence ont éclaté lorsque la police du Kosovo a pénétré sur le territoire de communes du nord pour tenter de contrôler deux postes frontières jouxtant le point de contrôle administratif et de faire appliquer un embargo sur les importations en provenance de Serbie, en réaction au refus de ce pays d’accepter des marchandises du Kosovo depuis 2008. Cette tentative n’avait pas été coordonnée avec la présence internationale ni avec les communautés présentes sur le terrain.
39. En réponse, des Serbes du Kosovo ont installé des barrages pour bloquer l’accès aux points de passage et à tous les grands axes routiers du nord du Kosovo, limitant ainsi gravement la liberté de circulation par la route. Des affrontements ont éclaté à plusieurs autres occasions l’an dernier, faisant des dizaines de blessés et deux morts parmi les manifestants et les forces de maintien de la paix.
40. Le 6 octobre 2011, à la suite d’un débat selon la procédure d’urgence, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1839 (2011) sur la situation politique dans les Balkans, appelant la population du nord du Kosovo à agir avec retenue et à coopérer sans délai avec la KFOR et EULEX, et exhortant les autorités à Belgrade et à Pristina à reprendre le dialogue, avec la médiation de l’Union européenne, sur toutes les questions en souffrance, dans un esprit de coopération et de réconciliation.
41. Malgré la suppression de presque tous les barrages routiers après l’intervention de la KFOR, la tension est restée vive jusqu’à la fin de 2011 et, à ce jour, la situation demeure fragile. En dépit de quelques améliorations, il est regrettable que des barrages routiers et des incidents de sécurité répétés continuent de faire obstacle à la mise en œuvre du mandat d’EULEX 
			(15) 
			Rapport de la Haute
Représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères
et la politique de sécurité au Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies sur les activités d’EULEX (couvrant la période
du 16 avril au 15 juillet 2012)..
42. Le regain de tension ne pouvait que freiner l’obtention du statut de candidat à l’Union européenne par la Serbie; la procédure a été retardée lors du sommet de l’Union européenne de décembre 2011 mais a finalement abouti en mars 2012.
43. Il est regrettable que, les 14 et 15 février 2012, malgré les critiques du Gouvernement serbe, des autorités kosovares et de la communauté internationale, les municipalités du nord du Kosovo aient lancé un «référendum» sur la question: «Acceptez-vous les institutions de la République du Kosovo?». Selon la MINUK et d’autres institutions internationales, le référendum n’a pas eu de conséquence juridique.
44. Dans une perspective à plus long terme, Belgrade et Pristina doivent continuer de rechercher des moyens de réduire au minimum les risques de réveil des conflits et privilégier la mise en œuvre d’un accord conclu en 2012 sur la «gestion intégrée des frontières» (IBM) dans le cadre du dialogue mené avec la médiation de l’Union européenne. Ces efforts devraient contribuer à un rétablissement de la confiance et à une solution diplomatique et progressive pour sortir de l’impasse. A mon avis, cela doit se faire en concertation avec les responsables des communautés, quelle que soit leur légitimité, car ce sont les seuls représentants sur le terrain qui ont la confiance de la population.
45. Seule une intégration progressive, résultant de pourparlers de portée générale, incluant toutes les parties, et de compromis et d’accords politiques, peut assurer des résultats durables et pacifiques acceptés de toutes les parties et de la population. Les méthodes qui reposent sur la force peuvent être sources de tensions et de dangers supplémentaires; elles sont à éviter dans une région encore fragile 
			(16) 
			International
Crisis Group, «Kosovo and Serbia: a little goodwill could go a long
way», 2 février 2012..
46. Le fait que la Serbie n’ait pas organisé d’élections locales dans le nord du Kosovo en 2012 est un bon signe, si l’on songe que les élections de 2008 avaient abouti à des administrations locales parallèles dans les communes serbes du nord.
47. Les entretiens que j’ai eus avec les responsables de communautés et avec les autorités de Belgrade et de Pristina ont renforcé ma conviction: une impasse prolongée ne sert les intérêts à moyen et à long terme de personne et un accord politique sur la manière de diriger le nord du Kosovo est une condition préalable à une solution durable et à la réalisation des aspirations européennes de Belgrade et de Pristina.
48. Parallèlement, comme je l’ai indiqué après ma visite de 2011 à Mitrovica-Nord, il est absolument nécessaire de favoriser un climat de confiance pour les Serbes du Kosovo résidant dans le nord. Les autorités, tant à Pristina qu’à Belgrade, doivent déployer des efforts intenses et soutenus, avec le soutien de la communauté internationale, pour garantir l’égalité des droits et des chances à tous ceux qui vivent dans cette région 
			(17) 
			Communiqué
de presse de l’Assemblée «<a href='http://www.assembly.coe.int/ASP/NewsManager/EMB_NewsManagerView.asp?ID=7118'>Nord
du Kosovo: le rapporteur de l’APCE lance un appel au compromis</a>», 4 novembre 2011..
49. L’initiative des autorités kosovares, annoncée le 23 mai 2012, de mettre en place un bureau administratif dans le secteur nord de Mitrovica – en utilisant des fonds provenant de l’Administration de la MINUK à Mitrovica – s’est heurtée au refus des dirigeants serbes du nord du Kosovo, qui ont appelé la population à la boycotter. Le bureau a ouvert le 6 juillet 2012 et a commencé à assurer des services en matière notamment d’enregistrement, de cadastre et de permis de construire. Cette démarche me paraît trop précipitée et je ne peux que réitérer les conclusions de ma visite dans le secteur nord du Kosovo: toute solution imposée est vouée à l’échec et ne produira ni réconciliation ni coopération ni progrès. Les dirigeants du Kosovo doivent être prêts à envisager des solutions de compromis, dans un esprit de dialogue et de réconciliation, avec l’appui de la communauté internationale.
50. Aussi suis-je absolument d’accord avec l’ancien représentant civil international au Kosovo, Peter Feith, que j’ai rencontré à Pristina l’an passé et qui, récemment, mettait en garde l’Union européenne contre le risque que l’impasse au nord du Kosovo ne devienne «un conflit gelé au cœur de l’Europe». Il estime que la communauté serbe du nord du Kosovo doit pouvoir tisser des «relations privilégiées» avec Belgrade en matière de soins de santé et d’éducation, mais que tout transfert financier entre eux doit s’effectuer dans la transparence et non au moyen «d’enveloppes», ajoutant que scinder le Kosovo «n’est pas une option» 
			(18) 
			«EU
must avoid frozen conflict in Northern Kosovo, says Feith», Europolitics
International, 23 septembre 2012.. Il semble que ce soit également l’intention du Premier ministre serbe, M. Dacic, que j’ai rencontré à Belgrade le 15 novembre 2012.
51. Les municipalités du nord pourraient collaborer, comme prévu dans le plan Ahtisaari, et constituer des associations, conformément à la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122), tout en continuant à coopérer avec les institutions de Belgrade et à recevoir une aide financière et technique 
			(19) 
			«Rohan: Ahtisaari’s
Plan Not to Be Changed», V.I.P. Daily News Report, 25 octobre 2012..

4. Prééminence du droit

52. Mes entretiens avec EULEX et d’autres interlocuteurs ont confirmé plusieurs faiblesses en matière de prééminence du droit, à savoir:
  • la coopération encore fragile entre les services du parquet et de la police lors des enquêtes;
  • la coordination insuffisante entre les ministères concernés quant aux questions transversales touchant la prééminence du droit et entre police et douane quant aux questions de gestion des frontières;
  • la mise en œuvre insuffisante du cadre juridique, pour réduire l’ingérence du politique dans la sphère judiciaire;
  • la nécessité de renforcer le cadre juridique, politique et institutionnel anti-corruption;
  • la nécessité de développer un système adéquat de protection des témoins;
  • la nécessité de réformer l’administration publique, notamment en termes de financement et de personnel;
  • la difficulté persistante à produire des données fiables à des fins d’analyse transversale.
53. Selon la MINUK, il y a eu encore beaucoup d’assassinats, d’affaires de détention illégale d’armes et d’échanges de coups de feu en 2012. Quant au crime organisé, surtout axé sur la contrebande et le trafic de stupéfiants, il a continué de sévir dans tout le Kosovo. Les communautés minoritaires sont restées la proie d’actes de harcèlement, de menaces, d’agressions simples et d’atteintes aux biens, surtout au sud de l’Ibar.
54. L’OSCE a constaté que la traite des êtres humains demeure, du point de vue des droits de l’homme, un grave problème au Kosovo, car il est rare que la justice applique correctement les dispositions juridiques réglementaires. Une analyse et une application correctes de la loi accroîtraient les chances d’en finir avec l’impunité des trafiquants et réduiraient le nombre de nouvelles victimes 
			(20) 
			Mission de l’OSCE au
Kosovo, «Defining and Prosecuting the Crime of Human Trafficking»
(définition et poursuite du crime de la traite des êtres humains),
octobre 2011..
55. Le 30 mai 2012, la Commission européenne a lancé un «Dialogue structuré sur l’Etat de droit», portant prioritairement sur le système judiciaire et la lutte contre le crime organisé et la corruption, dans le but d’assurer la nécessaire coordination entre les principaux acteurs. Ce forum se réunit deux fois par an, fixe les priorités de réforme en matière de prééminence du droit et suit les résultats.
56. Le 30 octobre 2012, la Cour des comptes européenne a critiqué l’action d’EULEX au Kosovo, laissant entendre que le crime et la corruption continuent de prospérer et que la police n’est pas encore capable de traiter de crimes financiers graves, comme les affaires de blanchiment de capitaux. Le système judiciaire continue à pâtir de l’ingérence politique, d’un manque d’efficacité et de transparence, ainsi que de la non-application de la législation. La capacité limitée des autorités kosovares à protéger les principaux témoins et les difficultés à réinstaller ces derniers à l’étranger constituent d’importantes lacunes. Les Etats membres de l’Union européenne ont détaché auprès d’EULEX des agents trop peu nombreux et trop peu qualifiés et pour des périodes trop courtes 
			(21) 
			Cour des comptes européenne,
Rapport spécial n° 18/2012: L’aide de l’Union européenne au Kosovo
dans le domaine de l’Etat de droit, 30 octobre 2012..
57. Selon ce rapport, une amélioration de la législation, des politiques et des pratiques, y compris de la responsabilisation et de l’efficacité de la communauté internationale et d’EULEX en particulier, s’impose, notamment dans les secteurs suivants:
  • blanchiment d’argent;
  • financement du terrorisme;
  • traite des êtres humains, trafic de stupéfiants et d’armes;
  • confiscation d’actifs.
58. A cet égard, les travaux du Conseil de l’Europe – avec son Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL), ainsi qu’avec le Groupe Pompidou sur la lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants – peuvent se révéler utiles aux autorités du Kosovo, de même que le «Dialogue structuré sur l’Etat de droit» mis en place par l’Union européenne.

4.1. Impunité, responsabilité et accès à la justice

59. Depuis deux ans, les crimes de guerre font de plus en plus l’objet de poursuites. Néanmoins, une culture de l’impunité, souvent encouragée par des membres du gouvernement kosovar, reste l’une des grandes préoccupations en matière de droits de l’homme et la présence d’enquêteurs, de procureurs et de juges internationaux, en particulier pour les affaires impliquant des justiciables mis en cause pour des actes particulièrement graves, demeure cruciale pour éradiquer cette culture 
			(22) 
			Voir,
en particulier, le rapport détaillé et bien documenté d’Amnesty
International sur le Kosovo: «Time for EULEX to prioritize war crimes»
[Il est temps pour EULEX de traiter en priorité les crimes de guerre],
avril 2012..
60. L’impunité persiste pour des crimes de guerre commis par les parties au conflit armé de 1999. Seuls quelques membres des forces militaires, policières et paramilitaires serbes responsables de crimes de guerre contre les Albanais du Kosovo ont comparu devant la justice. M. Vladimir Vukcevic, procureur serbe pour les crimes de guerre, que j’ai rencontré lors de ma dernière visite à Belgrade, a insisté sur la nécessité de signer un protocole opérationnel entre la Serbie et EULEX afin de permettre à ses services de réunir des preuves au Kosovo.
61. Quant aux membres de l’Armée de libération du Kosovo (ALK) responsables de crimes de guerre contre des Serbes du Kosovo, des Roms et des membres d’autres communautés minoritaires, ils sont encore moins nombreux à avoir été poursuivis et condamnés. Le 16 novembre 2012, trois anciens combattants de l’ALK, actuellement membres des Forces de sécurité du Kosovo (KSF) entraînées par l’OTAN, ont été arrêtés par la police d’EULEX pour des crimes de guerre commis contre des civils en 1999. Le 21 novembre 2012, la Cour suprême du Kosovo a ordonné la révision du procès pour crimes de guerre de Fatmir Limaj et de trois autres membres de l’ALK, annulant le jugement qui avait déclaré irrecevables les preuves apportées par un témoin clé, Agim Zogaj, qui se serait suicidé alors qu’il bénéficiait du régime de protection des témoins.
62. Malgré de réels progrès d’EULEX pour enquêter et poursuivre les crimes de guerre, le nombre des affaires portées devant la justice, par rapport au nombre d’affaires pendantes, est faible. Les cas de disparitions forcées et d’enlèvements ne font toujours pas l’objet d’enquêtes, tandis que les corps de plus de 1 700 personnes n’ont toujours pas été exhumés, identifiés, ni rendus à leurs familles. La protection des témoins, avant, pendant et après les procédures dans les affaires de crime relevant du droit international, est encore jugée inadéquate. En outre, l’accès à la justice constitue une réelle préoccupation dans le secteur nord de Mitrovica, où le tribunal d’arrondissement fonctionne tant bien que mal, avec l’aide d’EULEX.
63. Par ailleurs, je me suis entretenu avec les autorités de Belgrade à propos de l’introduction d’un «mandat d’arrêt balkanique», un traité d’extradition pan-balkanique similaire au mandat d’arrêt européen, qui est censé accélérer les procédures d’extradition et réduire l’ingérence du politique dans la sphère judiciaire. Je suis d’avis que le Kosovo ne doit pas être laissé à l’écart et rester un refuge pour les auteurs de crimes transfrontaliers. La politique interne de la Serbie ne doit pas dicter les décisions concernant les enquêtes pénales liées au crime organisé.
64. En janvier 2011, l’Assemblée a adopté la Résolution 1782 (2011) «Enquête sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo», sur la base d’un rapport de Dick Marty. Ce rapport fait état d’une longue série de crimes perpétrés durant la période 1998-2000, notamment des enlèvements, des détentions illégales, des traitements inhumains et des exécutions extrajudiciaires de détenus, ainsi que des meurtres commis dans le but de prélever des organes humains à des fins de trafic.
65. Etablir la vérité sur les crimes perpétrés est, me semble-t-il, un préalable essentiel à une stabilité durable. Toutefois, les allégations contenues dans le rapport de M. Marty sortent du cadre de mon rapport. Aussi me limiterai-je à noter qu’une Task force spéciale d’enquête (SITF) a été créée à Bruxelles, en mai 2011, pour enquêter sur les délits allégués dans le rapport Marty et intenter des poursuites et que le chef de la mission EULEX a officiellement nommé, le 17 octobre 2011, M. Clint Williamson procureur et l’a placé sous l’autorité juridique de l’Office des poursuites spéciales du Kosovo. Autre événement positif: la reconnaissance, par l’Albanie, de l’autorité exclusive de la SITF pour enquêter sur tous les crimes allégués dans le rapport et ce, grâce à une loi sur la coopération avec la SITF, adoptée à l’unanimité par le Parlement albanais le 10 mai 2012.
66. Le 4 juin 2012, pour traiter les violations des droits de l’homme survenues durant la guerre de 1998-99 et la période de transition, le Gouvernement du Kosovo a annoncé la création du Groupe de travail interministériel chargé des questions relatives au passé et à la réconciliation. La priorité d’EULEX doit être d’enquêter sur les crimes de guerre et de poursuivre leurs auteurs en justice, ainsi que de mettre en place un programme efficace de protection des témoins, qui bénéficie d’un financement suffisant, faute de quoi les poursuites seront impossibles. La mission EULEX doit aussi faire en sorte qu’à son départ, le système judiciaire soit indépendant, impartial et efficace.

4.2. Lutte contre la corruption et le crime organisé

67. Ces deux dernières années, des collèges mixtes composés de juges locaux et de juges d’EULEX se sont prononcés sur plusieurs affaires concernant des abus de fonction officielle. Parmi les principaux chefs d’inculpation retenus, on citera la corruption, l’abus de pouvoir ou d’autorité, les mauvais traitements infligés dans l’exercice des fonctions, le détournement d’autorisations économiques, des décisions judiciaires illégitimes, la proposition ou la sollicitation de pots-de-vin, la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. La corruption reste largement répandue, compromet l’accès des citoyens aux services publics et implique souvent de hauts responsables.
68. Les autorités ont commencé à s’occuper de ce phénomène. En février 2012, la Présidente, Mme Jahjaga, a inauguré un Conseil national de lutte anti-corruption chargé de fixer des priorités stratégiques pour combattre la corruption au Kosovo, ainsi que de proposer des amendements à la législation et des dispositions réglementaires pour faciliter la coordination entre les institutions dans ce domaine.
69. Le cadre législatif de la lutte contre la corruption s’est amélioré – la nouvelle législation s’applique à la passation de marchés publics, au financement des partis politiques, aux donneurs d’alerte, à la déclaration patrimoniale et à la prévention des conflits d’intérêts – mais il reste encore à le renforcer et à le mettre pleinement en application. Les organes de lutte contre la corruption ont peu de pouvoir et le contrôle de l’attribution des marchés publics est complexe. De plus, selon la Cour des comptes européenne, la complexité et la fragmentation augmentent les risques de corruption.
70. En outre, d’après les rapports de la MINUK, l’impasse entre les ministères de la justice du Kosovo et de la Serbie concernant l’entraide judiciaire dans les affaires de corruption persiste, malgré la participation active et la médiation de la MINUK 
			(23) 
			Rapport du Secrétaire
général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations
Unies au Kosovo présenté au Conseil de sécurité, S/2012/275, 27 avril
2012.. J’ai soulevé cette question au cours de mes entretiens au ministère de la Justice et de l’Administration publique avec le Secrétaire d’Etat serbe qui n’a semblé poser aucune réserve pour coopérer avec les autorités du Kosovo sous la médiation d’EULEX.
71. Il me paraît nécessaire que le projet conjoint Union européenne–Conseil de l’Europe de lutte contre la criminalité économique au Kosovo (PECK) soit réactualisé et reçoive le soutien politique nécessaire, notamment grâce à l’apport du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) et à la participation active des autorités du Kosovo, à la fois sur le plan technique et politique.

4.3. Le système judiciaire

72. Depuis l’adoption de la Recommandation 1923 (2010), des progrès ont été faits. Au ministère de la Justice, la division pour une coopération juridique internationale a étoffé ses moyens, tandis que le Conseil judiciaire du Kosovo a commencé à traiter des priorités clés. Le Conseil des procureurs du Kosovo, dont tous les membres ont été nommés, est aujourd’hui opérationnel. Les rémunérations des juges et des procureurs ont été revues à la hausse.
73. Le ministère de la Justice a invité EULEX à participer à un groupe de travail pour examiner un «paquet judiciaire» (Loi sur le Conseil des procureurs du Kosovo, Loi sur le ministère public, Loi sur le Conseil judiciaire du Kosovo, Loi sur les tribunaux et Loi sur l’Office des poursuites spéciales du Kosovo).
74. Malgré ces quelques progrès, la justice conserve encore son image de système corrompu et peu digne de confiance. Des affaires sont toujours en souffrance et l’on continue de signaler des menaces et des actes d’intimidation des juges – en particulier dans les affaires sensibles concernant, par exemple, les droits de propriété – et les ingérences politiques dans le fonctionnement de la justice restent préoccupantes. Malgré l’intérêt croissant de la communauté serbe pour l’institution judiciaire, seuls 9,37% des effectifs sont issus de minorités.
75. Récemment, alors que l’Assemblée du Kosovo examinait des amendements à la Constitution et à la législation électorale, la Cour constitutionnelle du Kosovo s’est plainte d’ingérence politique. L’indépendance de la Cour constitutionnelle est cruciale, en particulier à l’heure des réformes. A mon avis, la Cour constitutionnelle pourrait bénéficier de l’expertise et des conseils de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), qui est l’organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles.
76. L’Assemblée du Kosovo a adopté des lois importantes, comme celles sur la protection des témoins, sur la responsabilité pénale des personnes morales pour des infractions pénales ou encore la loi sur la coopération judiciaire internationale.
77. Le Kosovo devrait être vivement incité à poursuivre la réforme judiciaire pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et la transparence de la justice. Les priorités clés sont les suivantes:
  • réduire le nombre d’affaires en instance;
  • prévoir un budget suffisant pour assurer le bon fonctionnement des tribunaux, notamment dans le district de Mitrovica;
  • restructurer le ministère public et pourvoir les postes vacants réservés aux minorités;
  • moderniser le système de traitement des affaires et mettre en place une filière rapide pour les informations relatives aux affaires de corruption;
  • assurer la sécurité et la protection des juges, des procureurs, des parties et des témoins;
  • améliorer la prise en compte des droits de l’homme dans les décisions de justice.
78. Au cours de mes entretiens avec les instances dirigeantes du Conseil judiciaire du Kosovo, j’ai constaté que de nouvelles interventions du Conseil de l’Europe sous forme de programmes de formation destinés aux juges sur l’application de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) seraient utiles, à la fois dans le cadre de la formation initiale et de la formation professionnelle continue.

4.4. La police

79. Selon des sondages de 2009 et 2010, la police est l’institution du Kosovo qui inspire le plus de confiance 
			(24) 
			Morgan Greene, Jonathan
Friedman, Richard Bennet, «Rebuilding the Police in Kosovo», Foreign
Policy, 18 juillet 2012.. Grâce à une restructuration organisationnelle, elle a pu redorer son image aux yeux du public. Elle a atteint ses objectifs de formation et de diversité en termes d’appartenance ethnique et de genre – avec 10 % de Serbes de souche et 15% de femmes parmi ses effectifs. Il convient de noter que le niveau de corruption est faible au sein de la police.
80. Pourtant, des obstacles demeurent faute de personnel judiciaire suffisant. Résultat: malgré des enquêtes menées à bien par la police, les délinquants échappent souvent aux poursuites, aux condamnations et aux sanctions. L’une des plus grandes difficultés se rencontre au nord, où les Serbes du Kosovo n’acceptent pas la force neutre d’EULEX et où la police du Kosovo se voit rejetée, ce qui laisse tout le travail aux réservistes de l’OTAN.
81. Parmi les secteurs qui restent prioritaires pour la police du Kosovo figurent l’amélioration de la gestion des ressources, le renforcement de la pluriethnicité, le recrutement et la promotion de représentants de la communauté au sein de la police, la création d’une police de proximité, la lutte contre la criminalité organisée et la protection des témoins.

5. Droits de l’homme

5.1. Droit et politique

82. Le Kosovo n’est membre ni des Nations Unies, ni du Conseil de l’Europe. Il n’est pas en mesure de ratifier les instruments internationaux correspondants en matière de droits de l’homme et ne fait pas non plus l’objet des procédures de suivi régulier mises en place par les organes internationaux. La stratégie gouvernementale visant à intégrer, dans la législation nationale, les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, comme indiqué dans la Constitution, était inscrite dans le plan d’action 2009-2011 sur les droits de l’homme.
83. Le Groupe de contact international pour les droits de l’homme, sous la coordination conjointe de la MINUK et du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Kosovo, a invité les autorités du Kosovo à prendre des mesures correctives, notamment en matière de droits de propriété, et à réagir efficacement aux incidents liés à la sécurité.
84. Toutefois, le cadre institutionnel relatif aux droits de l’homme n’est pas suffisamment précis et les instances chargées de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont multiples et variées. Même les organisations non gouvernementales (ONG) et les organismes de défense manquent d’efficacité car trop politisés. Sans compter que, d’une manière générale, les instruments relatifs aux droits de l’homme sont peu connus.
85. En septembre 2012, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont lancé un projet conjoint de renforcement des capacités visant à améliorer la mise en œuvre des normes des droits de l’homme au Kosovo. L’institution du médiateur, les antennes ministérielles et municipales des droits de l’homme ainsi que les organisations de la société civile sont directement impliquées. Il est à espérer que ce développement bienvenu renforcera les garanties en matière de droits de l’homme au Kosovo.
86. Cependant, l’absence de base juridique permettant à la Cour européenne des droits de l’homme d’exercer sa juridiction est un obstacle grave qui empêche la population du Kosovo de jouir pleinement des droits de l’homme. Toutes les parties prenantes, y compris la Serbie et le Conseil de l’Europe, devraient prêter toute l’attention nécessaire à cette situation.

5.2. Le médiateur

87. L’Assemblée du Kosovo nomme un médiateur et cinq médiateurs adjoints. La loi impose à toutes les institutions publiques du Kosovo de répondre aux requêtes du médiateur.
88. L’institution rencontre des difficultés financières. Pour que cette institution fonctionne convenablement, une coopération étroite entre les médiateurs et l’Assemblée du Kosovo est cruciale, de même qu’un financement adéquat et un soutien politique fort.
89. En présentant le rapport annuel 2011 des médiateurs 
			(25) 
			<a href='http://www.ombudspersonkosovo.org/repository/docs/48705_Raporti 2011 ANGLISHT.pdf'>www.ombudspersonkosovo.org/repository/docs/48705_Raporti%202011%20ANGLISHT.pdf</a>., M. Sami Kurteshi, élu médiateur en 2009, a déploré le peu d’effet sur les pouvoirs publics des recommandations émises par son institution. Il a souligné une tendance inquiétante de certains pouvoirs publics à réduire au minimum le rôle des institutions nationales indépendantes, généralement en faisant fi de leurs conclusions, en ne respectant ni n’appliquant leurs recommandations, voire en agissant de manière illégale pour saper leur indépendance, pourtant inscrite dans la Constitution 
			(26) 
			Voir
le discours prononcé par le médiateur, M. Sami Kurteshi, devant
l’Assemblée de la République du Kosovo, le 17 septembre 2012.. Il est profondément regrettable que le médiateur n’ait, à l’en croire, pas reçu la moindre réaction d’institutions publiques concernant la mise en œuvre de ses recommandations.
90. S’adressant à la commission à Paris le 14 novembre 2012, M. Kurteshi s’est plaint de l’inefficacité du système judiciaire et de la non-mise en œuvre des décisions de justice et des recommandations du médiateur. Plus positivement, le médiateur a déclaré avoir créé, en coopération avec des ONG locales, un groupe de travail agissant comme mécanisme national de prévention au Kosovo et a souligné les efforts de son institution pour promouvoir l’intégration des communautés rom, ashkali et égyptienne dans la vie publique et sociale.

5.3. La responsabilité des organisations internationales en matière de droits de l’homme

91. En juin 2009, en tant que président de la commission, j’ai demandé à la Commission de Venise d’élaborer un avis de suivi sur les mécanismes d’examen de la compatibilité des actes de la MINUK et d’EULEX au Kosovo avec les normes relatives aux droits de l’homme. Cet avis a été adopté les 17 et 18 décembre 2010. La Commission de Venise a salué la mise en place, en novembre 2007, du Comité consultatif sur les droits de l’homme de la MINUK, largement conforme à ses propres recommandations de 2004, et a instamment invité ce Comité et la MINUK à trouver une solution pour que les affaires en instance devant le comité (plus de 450) soient traitées avant que la MINUK ne quitte le Kosovo. Au 1er octobre 2012, la situation avait progressé et, sur 587 affaires reçues, seules 287 restaient pendantes 
			(27) 
			<a href='http://www.unmikonline.org/hrap/Eng/Documents/Statistical-summary-eng.pdf'>www.unmikonline.org/hrap/Eng/Documents/Statistical-summary-eng.pdf</a>..
92. La Commission de Venise s’est également félicitée de la création du Comité consultatif des droits de l’homme EULEX, en novembre 2009, qu’elle a encouragé à continuer d’être proactif. Toutefois, elle a recommandé au Conseil de l’Union européenne de revoir certaines caractéristiques de cet organe, en particulier son indépendance, le caractère non contraignant de ses recommandations et les procédures d’assurance qui visent à autoriser des compensations financières en cas de violation des droits de l’homme 
			(28) 
			Commission
de Venise, Avis sur les mécanismes existants pour vérifier la compatibilité
avec les droits de l’homme des actions de la MINUK et d’EULEX au
Kosovo, 17-18 décembre 2010..

6. Droits des minorités

93. Un très grand nombre d’institutions et de mécanismes s’occupent des questions liées aux minorités, tant au niveau local que central, notamment le Conseil consultatif des communautés (CCC), le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et l’égalité entre les sexes (AOGG), le Bureau des affaires civiles (OCA), le ministère des Communautés et des retours (MCR), les Antennes ministérielles des droits de l’homme (HRU), le Coordinateur des droits de l’homme (HRC), les médiateurs, le Comité des droits et intérêts des communautés (CRIC) et, enfin, le ministère de la gouvernance et de l’administration locales. Cependant, comme l’a souligné le Directeur du Centre européen sur les questions des minorités (EMCI) lors de l’audition organisée par notre commission le 30 mai 2012, étant donné la faible mise en œuvre des dispositions prévues par le cadre juridique et institutionnel pour protéger et promouvoir les droits des minorités, et l’insuffisance des capacités institutionnelles, des problèmes majeurs se posent pour assurer la pleine intégration des communautés minoritaires au Kosovo.
94. Comme j’ai pu moi-même le constater lors de mes dernières visites au Kosovo, les sentiments des Serbes vivant au sud de l’Ibar changent depuis que le Kosovo s’est engagé dans un processus de décentralisation qui a renforcé l’autonomie des municipalités serbes, mais a aussi permis d’accroître le taux de participation électorale. De nombreux Serbes se sentent plus concernés et m’ont dit qu’ils «viennent du Kosovo et veulent avoir voix au chapitre». Pour autant, les craintes quant à leur sécurité et au plein respect de leurs droits persistent, et les interactions entre les communautés serbes et albanaises du Kosovo restent très limitées. La situation au nord est particulièrement complexe, comme je l’ai souligné plus haut, et le sentiment d’isolement reste fort.
95. Lors de ma visite dans la région, j’ai également constaté la persistance de certains problèmes pratiques qui soulèvent des questions. Au Kosovo, deux types de plaques d’immatriculation sont en service: les plaques «KS» (Kosovo), qui permettent d’entrer sur le territoire de la Serbie, et les plaques «RKS» (République du Kosovo) qui ne sont pas autorisées en Serbie. De l’avis général, les Serbes locaux opteraient de préférence pour les plaques «KS», mais en réalité cela les rendrait trop facilement identifiables lors de leurs déplacements au Kosovo. C’est pourquoi la majorité des Serbes vivant au sud de l’Ibar ont choisi des plaques «RKS», dans l’espoir de préserver leur anonymat. Cependant, il s’avère que les plaques d’immatriculation «RKS» assignées aux résidents des villages serbes sont facilement et clairement identifiables par leurs deux dernières lettres. Un simple coup d’œil suffit pour connaître l’origine ethnique des personnes voyageant dans le véhicule. Cette situation pose problème eu égard aux articles 2 et 5.i de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à l’article 4 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n° 157), qui sont directement applicables au Kosovo 
			(29) 
			Further Support to
Refugees and IDPs in Serbia, Freedom of movement: issuance of RKS
license plates to members of non-Albanian communities in Kosovo,
2012..
96. Les jeunes générations n’apprennent qu’une seule des deux langues officielles (albanais ou serbe), ce qui fait obstacle à la communication et à l’intégration intercommunautaire. Il n’y a pas de programme en langue serbe dans les établissements kosovars: les Serbes et autres communautés non albanaises (Roms, Goranis) recourent à un système éducatif parallèle géré par la Serbie. Autre problème: l’absence de manuels et de programmes de bonne qualité en turc et en bosniaque. A quoi s’ajoutent toutes les difficultés – discrimination, absence de réelle mise en œuvre du programme en langue romani, faibles taux de scolarisation et taux élevés d’abandon scolaire – que continuent de rencontrer les communautés rom, ashkali et égyptienne. Enfin, la communauté gorani, qui utilise essentiellement le système éducatif parallèle serbe, se trouve en situation particulièrement vulnérable. A Dragaš, les enseignants goranis se voient interdire l’accès aux locaux scolaires administrés par le Kosovo parce qu’ils n’ont pas signé de contrat avec la municipalité 
			(30) 
			ECMI Kosovo, Policy
Brief – «Minority Education Issues in Kosovo», 2011; ECMI Kosovo,
Policy Brief – «Language Policy in Kosovo», 2011..
97. Je tiens à souligner que l’isolement fait le lit de futurs conflits. L’enseignement de l’histoire est un outil essentiel pour rompre l’isolement, promouvoir la tolérance, prévenir la haine et éviter que l’histoire ne devienne l’otage de sentiments nationalistes. Comme l’a souligné M. Pietro Marcenaro dans son rapport sur la réconciliation et le dialogue politique entre les pays de l’ex-Yougoslavie 
			(31) 
			Recommandation 1954 (2011) et Résolution
1786 (2011) de l’Assemblée, Doc. 12461., nous devons continuer de soutenir les travaux pertinents du Conseil de l’Europe dans les régions de conflit et de post-conflit sur la révision et la conception de manuels scolaires et d’apprentissage, l’organisation de séminaires pour enseignants et l’identification de sources.
98. Dans son rapport d’évaluation sur les droits des communautés publié en juillet 2012 
			(32) 
			<a href='http://www.osce.org/kosovo/92244'>www.osce.org/kosovo/92244</a>., l’OSCE souligne également que, malgré l’existence d’un cadre législatif avancé pour protéger et promouvoir les droits des communautés du Kosovo, la mise en œuvre a très peu progressé depuis 2010. L’OSCE a également publié une évaluation de la viabilité des retours et des problèmes de sécurité, qui demeurent importants. Les incidents liés à la sécurité contre des personnes retournées chez elles se poursuivent et ont même pris de l’ampleur dans certaines zones, alimentant ainsi le sentiment général que les retours ne sont pas bienvenus. Les contraintes budgétaires, les questions de propriété, le respect du cadre législatif et le manque de volonté politique sont les principaux défis posés à la protection des droits des communautés.
99. Une centaine de familles roms et ashkalis du Kosovo ont été déplacées des camps de Česmin Lug et Osterode, contaminés au plomb, vers le quartier rom de la Mahalla, à Mitrovica-sud, où je me suis rendu en novembre 2011. Il n’empêche que, pour les communautés rom, ashkali et égyptienne du Kosovo, l’accès au logement, aux soins de santé, à l’éducation, à la protection sociale et à l’emploi reste très limité et que plusieurs familles roms et ashkalis du Kosovo vivent encore dans un camp contaminé au plomb à Osterode. Des efforts soutenus, des fonds, une volonté politique et une meilleure coordination entre les institutions centrales et locales s’imposent pour améliorer la situation. La Commission européenne et le ministère kosovar pour l’Intégration européenne ont identifié 40 actions à même de favoriser la mise en œuvre, au niveau central et local, de la Stratégie et du Plan d’action pour les Roms, les Ashkalis et les Egyptiens.
100. Point positif, les autorités du Kosovo ont alloué 3,4 millions d’euros d’aides aux personnes rapatriées, notamment aux communautés minoritaires, et la police assure une protection 24 heures sur 24 de 23 sites religieux et culturels serbes.
101. Il est capital de faciliter l’interaction entre les communautés vivant au Kosovo afin de promouvoir l’intégration culturelle et sociale de tous ces groupes, en particulier:
  • en reconnaissant l’importance fondamentale du dialogue interethnique pour promouvoir la tolérance et la compréhension mutuelle;
  • en assurant l’emploi des membres des communautés dans l’administration publique, y compris à des postes d’encadrement;
  • en investissant davantage dans la formation linguistique des fonctionnaires municipaux en albanais et en serbe;
  • en allouant des ressources suffisantes aux bureaux d’état civil, en étant à l’écoute des communautés vulnérables et en appliquant des droits d’enregistrement abordables;
  • en enquêtant promptement sur les agressions à motivation ethnique ou religieuse, et en améliorant la collecte des données;
  • en poursuivant la mise en œuvre de la décentralisation;
  • en permettant aux enfants de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle dans les écoles publiques et en établissant une procédure d’accréditation des établissements d’enseignement privés qui dispensent une éducation dans la langue de leur choix;
  • en allouant un budget au Bureau du commissaire aux langues, chargé de contrôler la loi sur l’emploi des langues;
  • en assurant la diffusion des programmes de l’opérateur public de radio et télévision du Kosovo en langue serbe;
  • en soutenant les travaux de la Commission des litiges relatifs aux biens immobiliers chargée des conflits de propriété, de nature essentiellement interethniques, afin de réduire le nombre d’affaires en attente;
  • en allouant des fonds pour la mise en œuvre de la Stratégie d’intégration des communautés rom, ashkali et égyptienne;
  • en appliquant la législation sur la protection du patrimoine culturel et de l’Eglise orthodoxe serbe.
102. Plusieurs projets visant à soutenir les communautés minoritaires bénéficient actuellement du financement de l’Union européenne (y compris les projets conjoints Union européenne/Conseil de l’Europe), de l’OSCE, d’organes des Nations Unies ainsi que de certains ministères des Affaires étrangères.
103. En vertu de la Constitution du Kosovo, la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales est directement applicable au Kosovo et prime sur la législation du pays. Le Kosovo a clairement l’obligation de veiller à ce que ses lois, ses politiques et ses pratiques soient conformes aux dispositions des textes du Conseil de l’Europe.

7. Disparus et personnes déplacées

104. La question des personnes disparues reste un obstacle majeur à la réconciliation. Sur 6 024 cas signalés au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le sort de plus de 1 766 personnes portées disparues n’est toujours pas élucidé. L’an dernier, les autorités de Belgrade et de Pristina ont poursuivi leurs efforts pour retrouver les personnes disparues, conformément aux engagements qu’elles ont pris au sein du Groupe de travail Belgrade-Pristina sur les personnes portées disparues, forum humanitaire présidé par le CICR. Néanmoins, la présidente du groupe est préoccupée par la lenteur du processus et demande davantage de ressources et un renforcement de la coopération régionale pour élucider le sort des disparus.
105. Plusieurs difficultés demeurent aussi en ce qui concerne les personnes rapatriées, les réfugiés et les personnes déplacées, avec plus de 17 000 personnes principalement concentrées dans la région de Mitrovica, à Gracanica et autour des villages serbes du Kosovo. Au niveau local, bien qu’elles aient mis en place des bureaux à l’intention des communautés et des personnes de retour et des groupes de travail sur les retours, plusieurs municipalités manquent souvent de personnel, de ressources et d’initiatives et restent tributaires d’autres acteurs ou d’organisations internationales.
106. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), depuis 2010, 24 020 personnes sont rentrées «volontairement» au Kosovo 
			(33) 
			HCR,
Bureau du Chef de mission à Pristina, «Statistical overview», mise
à jour fin septembre 2012.. La pénurie de terrains et le nombre limité de maisons en construction constituent des obstacles majeurs pour les personnes de retour. Tant pour les populations majoritaires que minoritaires, les retours basés sur des accords de réadmission ont diminué au fil du temps (1 079 retours en 2010, 751 en 2011 et 362 en 2012); il en est de même pour les retours volontaires «aidés».
107. Les «retours forcés» depuis les pays d’Europe occidentale se maintiennent, ce qui pose un problème particulier pour les communautés considérées «à risque» (environ 600 personnes en 2010, 2011 et 2012). En particulier, la réinsertion des personnes issues des communautés rom, ashkali et égyptienne expulsées de pays d’Europe occidentale continue de poser de graves problèmes, notamment lorsqu’il s’agit de trouver des solutions durables; or ce phénomène prend de l’ampleur depuis quelques années. La situation est particulièrement difficile pour les enfants, peu d’entre eux poursuivant leur scolarité, faute de compétences linguistiques et de programmes scolaires adaptés, mais aussi pour des raisons de pauvreté 
			(34) 
			«<a href='http://www.slideshare.net/unicefceecis/silent-harm'>Silent
harm</a> – A report assessing the situation of repatriated children’s
psycho-social health», mars 2012 – UNICEF-Kosovo en coopération
avec Kosovo Health Foundation and Publications; UNICEF-Kosovo en
coopération avec German Foundation for Kosovo, «<a href='http://www.unicef.org/kosovo/No_Place_to_Call_Home_English_2011.pdf'>No
place to call home</a> – Repatriation from Germany to Kosovo as seen and experienced
by Roma, Ashkali and Egyptian children», août 2011.. Les Etats européens devraient se conformer aux recommandations de l’Assemblée 
			(35) 
			Résolution 1768 (2010) sur les demandeurs d’asile roms en Europe. et à celles du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et mettre un terme au retour forcé des Roms tant que la sécurité et la viabilité des retours ne sont pas garanties.
108. Le processus de restitution des biens après le conflit n’est pas achevé, 70% des affaires en instance concernant la région de Mitrovica, selon l’Agence de la propriété au Kosovo (KPA), qui est le dispositif de traitement collectif institué au Kosovo pour résoudre des catégories données de litiges de propriété liés au conflit. Hormis les cas en attente de traitement par la KPA, un nombre important de litiges de propriété liés au conflit sont également portés devant les tribunaux locaux, la grande majorité des plaignants étant des personnes déplacées. Les autorités locales devraient assurer à tous un accès libre aux tribunaux, quel que soit le statut des intéressés, ce droit devant être interprété à la lumière des normes internationales régissant la restitution des biens à la suite d’un conflit, et prendre en considération les obstacles spécifiques que rencontrent les personnes déplacées 
			(36) 
			«Access
to Justice for Internally Displaced Persons from Kosovo», European
Union Programme for the Republic of Serbia, juin 2012.. Point positif, en 2012, le gouvernement a chargé un coordinateur des droits de propriété d’élaborer une stratégie et un plan d’action pour la protection des droits de propriété au Kosovo, en particulier ceux des personnes déplacées et des groupes vulnérables.
109. Un problème additionnel m’a été signalé lors de ma dernière visite à Belgrade: la situation des personnes déplacées en Serbie qui semble avoir été oubliée dans le contexte plus large de la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. Selon une évaluation des besoins de ces personnes menée par le HCR en février 2011, 97 286 personnes déplacées dans le besoin vivent en Serbie dans des zones urbaines. Il s’agit en majorité de Serbes, mais aussi de Roms. 74,5 % des Roms déplacés sont dans le besoin, alors que seules 41,7% des personnes déplacées non roms connaissent la même situation. Le chômage frappe 39 % des personnes déplacées dans le besoin, alors que ce taux n’est que de 20 % pour la population générale. Elles ont avant tout besoin de logements et 49 % d’entre elles sont propriétaires d’un appartement/d’une maison au Kosovo, qui a généralement été détruit ou saisi. 24,1 % des personnes déplacées dans le besoin souffrent de maladies chroniques, et 8,5% d’entre elles sont considérées comme handicapées. 8 % de ces personnes ne disposent pas des documents essentiels (carte d’identité ou certificat de naissance). Ce pourcentage est beaucoup plus élevé chez les Roms (17,6 %) qu’au sein de la population non rom (5,5 %). Rares sont les personnes déplacées (20 %) ayant exprimé la volonté de rentrer au Kosovo, et chez les Roms cette volonté est encore moins marquée (8,8 %) 
			(37) 
			HCR, Assessment
of the needs of internally displaced persons in Serbia, février
2011..
110. Tant que le problème des personnes déplacées ne sera pas traité et résolu, les séquelles tangibles du conflit continueront de se faire sentir au plan humain. La mise au point de solutions durables pour aider ces personnes et faciliter l’intégration locale de celles vivant en Serbie, où beaucoup souhaitent rester, pourrait accélérer le processus de «normalisation» entre Belgrade et Pristina. L’Union européenne pourrait renforcer son aide dans ce domaine.

8. Liberté d’expression

111. La liberté d’expression continue de susciter des inquiétudes. Pressions et menaces à l’égard des médias indépendants se poursuivent. La société de médias Koha Group, qui possède la chaîne de télévision Kohavision et publie le quotidien Koha Ditore, a été particulièrement visée. Le radiodiffuseur public Radiotélévision Kosovo (RTK) est à la merci d’une ingérence politique, car son indépendance et sa viabilité financière ne sont pas encore garanties.
112. L’Association des journalistes du Kosovo (APJK), le Conseil de la presse du Kosovo (PCK) et la Commission indépendante des médias se sont élevés contre l’ingérence politique.
113. Le Kosovo a apporté plusieurs améliorations à sa législation avec l’adoption de la loi sur l’accès à l’information, la décriminalisation de la diffamation et l’amélioration du Code pénal. Je me félicite aussi de l’adoption par l’Assemblée du Kosovo, en mars 2012, des lois sur Radiotélévision Kosovo (RTK) et sur la Commission indépendante des médias (IMC). La loi sur RTK apporte au radiodiffuseur public des garanties quant à son indépendance éditoriale et à sa responsabilité à l’égard du public, tout en prévoyant une solution durable pour son financement. La loi sur l’IMC garantit que cet organe de réglementation pourra exercer ses compétences pour promouvoir des normes éthiques et techniques auprès des médias de radiodiffusion kosovars et, espérons-le, préserver sa nécessaire indépendance. Il est donc crucial que ces lois soient dès à présent pleinement mises en œuvre.
114. De plus, le ministère kosovar de l’Intérieur devrait élaborer un manuel détaillant les procédures à suivre pour communiquer avec les journalistes et traiter les cas de violences à leur encontre. De même, le Conseil des procureurs du Kosovo devrait élaborer et adopter des lignes de conduite détaillant les méthodes de traitement des violences contre les journalistes et en assurer l’application. Ces lignes de conduite doivent aussi garantir que les procureurs comprennent l’urgence qu’il y a à garantir la protection des journalistes 
			(38) 
			Institute for Development
Policy (INDEP), The State of the Media in Kosovo, juin 2012..
115. Le Kosovo est doté d’une loi sur l’accès aux documents officiels, mais elle n’est pas encore complètement mise en application et les journalistes ne bénéficient toujours pas de cet accès. Par ailleurs, il convient de davantage promouvoir l’accès à l’information pour les communautés non albanaises.

9. La situation des femmes

116. Avec le soutien du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) au Kosovo et de l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), l’Agence pour l’égalité des sexes, qui relève du Cabinet du Premier ministre, a créé un groupe de travail chargé d’élaborer un plan d’action pour l’application de la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur la protection des femmes et leur participation à la prise de décision et au maintien de la paix.
117. 33% des membres de l’Assemblée du Kosovo sont des femmes. Prenant la parole lors d’une audition organisée par la commission le 14 novembre 2012, Mme Teuta Sahatqija, membre de l’Assemblée du Kosovo et présidente du Caucus des femmes, un groupe de députées travaillant sous l’égide de l’OSCE au renforcement de la condition féminine dans la sphère politique et la société, a souhaité établir le dialogue avec les femmes parlementaires siégeant au Parlement serbe. Lorsque j’ai abordé ce point avec ces dernières, j’ai senti une ouverture et un intérêt à organiser une réunion de ce type avec le Caucus des femmes de l’Assemblée du Kosovo, initiative que je ne peux qu’encourager.
118. La MINUK, l’OSCE, ONU-Femmes, le PNUD, le Réseau des femmes du Kosovo, ainsi que plusieurs organisations de femmes œuvrent activement pour promouvoir l’égalité entre les sexes, lutter contre la violence à l’égard des femmes et améliorer l’accès à la justice.
119. Au début de 2012, le plan d’action sur la violence domestique pour la période 2012-2015 a été finalisé. L’aide aux victimes de violence domestique nécessite davantage de ressources financières et humaines, et je ne peux que saluer les initiatives prises par l’Agence pour l’égalité des sexes du Kosovo pour organiser des formations, en 2012, sur la prévention de la violence domestique, avec l’appui de l’OSCE, ainsi que la nomination en juillet 2012 d’un coordinateur national. Il serait également souhaitable que les autorités kosovares finalisent les directives générales à l’intention des victimes de la violence domestique et envisagent de créer des programmes de réinsertion pour les victimes qui décident de quitter les foyers d’accueil.
120. Selon des données de l’UNICEF, le Kosovo est un lieu d’origine, de destination et de traite interne des filles et des femmes à des fins d’exploitation sexuelle. Alors que l’existence de la traite de femmes et de filles étrangères au Kosovo est connue depuis 1999, l’existence de la traite de femmes et de filles kosovares n’est pleinement reconnue que depuis peu.
121. A cet égard, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210), ainsi que la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197), peuvent apporter au Kosovo des outils très utiles pour améliorer la situation des femmes.
122. Lors d’une réunion avec plusieurs présidents de commission de l’Assemblée du Kosovo, le 30 octobre 2012, je me suis entretenu avec Mme Suzan Novoberdaliu, Présidente de la Commission des droits de l’homme, de l’égalité entre les sexes, des personnes disparues et du droit de pétition, de la possibilité que des membres de l’Assemblée du Kosovo intègrent le réseau parlementaire de l’Assemblée parlementaire «Pour le droit des femmes de vivre sans violence». Ceci pourrait aider le Kosovo à améliorer ses normes juridiques et politiques dans le domaine de la prévention des violences faites aux femmes, de la protection des victimes et de la poursuite effective des auteurs de tels actes.

10. Patrimoine culturel et religieux

123. Le Kosovo a commencé à mettre en œuvre les conventions du Conseil de l’Europe et de l’UNESCO sur les droits culturels.
124. Selon la KFOR, la police du Kosovo a bien su assurer la surveillance des sites historiques et religieux que la Force de l’OTAN lui avait confiée. Cependant, les actes de vandalisme et d’intolérance religieuse persistent, notamment contre les églises orthodoxes serbes. Des sites orthodoxes serbes ont été restaurés en coopération avec l’Eglise et les autorités serbes grâce à des dons de la Fédération de Russie. La Turquie et l’Albanie ont également financé la restauration de sites islamiques et catholiques. En avril 2012, la loi sur Velika Hoča/Hoçë e Madhe et la loi sur le centre historique de Prizren, toutes deux visant à protéger le patrimoine religieux et culturel, ont été approuvées. Toutefois, selon l’OSCE, seules quelques très rares municipalités interviennent activement pour promouvoir la culture des communautés non majoritaires, en particulier celles des communautés les moins nombreuses, comme les Ashkali, les Egyptiens ou les Monténégrins du Kosovo.
125. Le 31 octobre 2012, j’ai visité le monastère de Peja/Peć, berceau spirituel de l’Eglise orthodoxe serbe, dont les belles fresques du XIVe siècle devraient attirer de nombreux touristes dans la région. En 2006, le Patriarcat a été inscrit à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO à titre d’extension du site de Visoki Dečani, dont l’intégralité a été inscrite à la liste du patrimoine mondial en péril.
126. Je suis convaincu que la protection du patrimoine religieux et culturel est une question d’une grande portée politique et qu’elle s’inscrit pleinement dans l’identité culturelle et l’histoire du Kosovo.
127. Le Conseil de l’Europe mène une action importante dans ce domaine, essentiellement par l’intermédiaire du programme conjoint Union européenne–Conseil de l’Europe pour la promotion de la diversité culturelle au Kosovo.
128. Lors de ma dernière visite au Kosovo, j’ai été informé par l’ambassadeur de Grèce, qui dirige le Bureau de liaison de la Grèce à Pristina, que son pays, bien qu’il ne reconnaisse pas le Kosovo, soutient activement la création du Conseil de suivi de la mise en œuvre des plans, chargé de superviser l’application des plans régissant la gestion de zones de protection spéciale et d’autres sites du patrimoine culturel. Cet organisme inclut l’Union européenne, l’OSCE, l’Eglise orthodoxe serbe, ainsi que le ministère de la Culture et celui de l’Environnement et de l’aménagement du territoire du Kosovo. Il est regrettable que le Conseil de l’Europe, nonobstant ses efforts sur le terrain pour promouvoir la diversité culturelle et assurer la liaison avec les municipalités kosovares, n’y participe pas en raison de sa neutralité statutaire. Cela n’empêche cependant pas d’autres organisations internationales, ou des Etats qui, à titre individuel, comme la Grèce, ne reconnaissent pas le Kosovo, de participer activement à cette initiative.

11. Le Kosovo et l’Union européenne

129. L’Union européenne a donné une perspective européenne claire à l’ensemble des Balkans occidentaux, y compris le Kosovo.
130. Le 14 juin 2012, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström, a remis aux autorités du Kosovo une feuille de route pour la libéralisation du régime des visas. Le Kosovo a déjà soumis son premier rapport à ce sujet.
131. Durant la période 2010-12, le Kosovo a reçu une aide financière de 206 millions d’euros au titre de l’Instrument d’aide de préadhésion. Il bénéficie également de nombreux programmes de l’Union européenne, notamment Tempus et Erasmus Mundus, ainsi que de l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme. A la suite d’un accord conclu par le Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne, le 15 octobre 2012, sur la participation du Kosovo aux programmes de l’Union européenne, des négociations devraient être entamées en vue de la conclusion d’un accord-cadre sur la participation du Kosovo aux programmes de l’Union européenne ouverts à tous les pays des Balkans occidentaux.
132. Le 10 octobre 2012, la Commission européenne a adopté une Communication sur une étude de faisabilité concernant un Accord de stabilisation et d’association (ASA) avec le Kosovo, processus lancé en 2009. Cette étude a confirmé que «le Kosovo est prêt à engager des négociations en vue de la conclusion d’un accord de stabilisation et d’association» alors même que les Etats membres de l’Union ont un point de vue divergent sur le statut de ce dernier. Pour pouvoir négocier et mettre en œuvre cet accord, le Kosovo doit progresser dans un certain nombre de domaines importants, à savoir:
  • la mise en œuvre de tous les accords conclus entre Belgrade et Pristina;
  • l’amélioration visible et durable des relations entre le Kosovo et la Serbie;
  • la résolution des problèmes affectant le nord du Kosovo, dans le respect des besoins particuliers de la population locale;
  • la prééminence du droit, l’administration publique, la protection des minorités, les capacités commerciales, la réforme profonde du système judiciaire, la législation électorale, les pouvoirs de l’Assemblée, les droits humains et fondamentaux (en particulier la liberté d’expression, le droit de propriété et la protection des données), les questions liées au commerce et au marché intérieur.
133. En mars 2011, Belgrade et Pristina ont entamé un dialogue sous les auspices de l’Union européenne, dialogue qui a conduit à plusieurs accords pour améliorer le quotidien de la population du Kosovo. Les accords conclus portent notamment sur la reconnaissance des diplômes, les registres d’état civil, le cadastre, la gestion intégrée des points de passage, la représentation et la coopération régionale et la libre circulation des biens.
134. Malheureusement, tous les accords n’ont pas été mis en œuvre. Certains attendent la promulgation d’une législation ad hoc et d’autres n’ont pas été appliqués de bonne foi, par exemple les dispositions relatives aux plaques d’immatriculation des véhicules et aux frais d’assurance élevés qui, en fait, réduisent la liberté de circulation. Des interprétations divergentes quant aux modalités de mise en œuvre de l’accord de représentation et de coopération régionales, connu aussi sous le nom d’accord «de l’astérisque», qui permet au Kosovo de se représenter lui-même sous l’appellation «Kosovo*» 
			(39) 
			L’astérisque renvoie
à une nouvelle note explicative dont le libellé est le suivant:
«Cette désignation est sans préjudice des positions sur le statut
et est conforme à la résolution n°1244 du Conseil de sécurité des
Nations-Unies et à l’avis de la Cour internationale de Justice sur
la Déclaration d’indépendance du Kosovo». à toutes les réunions régionales, se sont traduites par des problèmes concernant la participation de délégations de Pristina et de Belgrade à des réunions régionales, qui semblent désormais résolus. Cependant, cet accord ne traite pas du cœur du problème entre les parties, à savoir le statut du nord du Kosovo et de Pristina, et la situation reste instable 
			(40) 
			Istituto Affari Internazionali,
«Beyond the Asterisk Agreement», IAI Working Papers 12, 21 juillet
2012..
135. Ces discussions ont été suspendues en raison des élections serbes de mai 2012. Les 19 octobre et 7 novembre 2012, MM. Thaçi et Dacic, réunis à Bruxelles à l’invitation de Mme Ashton, ont décidé de travailler ensemble à la mise en œuvre des accords conclus et à une normalisation des relations afin d’améliorer la vie des citoyens, de trouver une solution pour le nord du Kosovo et de progresser sur le programme européen. Le 4 décembre 2012, les Premiers ministres ont revu les progrès réalisés sur la mise en œuvre de l’accord l’IBM (Integrated Borders Management) et sont convenus de nommer chacun un officier de liaison aux points de passage. La délégation de l’Union européenne à Belgrade et le Bureau du l’Union européenne à Pristina fourniront des bureaux pour les officiers de liaison. Le Premier ministre Thaçi a confirmé qu’il avait déjà mis en place une police spéciale multiethnique au sein de la police du Kosovo, chargée de la protection des héritages culturels et religieux. Les deux parties sont convenues de réfléchir sur les manières d’assurer la transparence de la circulation de capitaux en soutien à la communauté serbe du Kosovo. Elles sont également convenues d’intensifier la coopération entre les commissions respectives pour les personnes disparues et de poursuivre les travaux sur l’énergie et les télécoms aux niveau des experts.
136. Avec la résolution adoptée le 18 octobre 2012 par 68 des 120 membres de l’Assemblée du Kosovo, qui soutient le processus de normalisation entre les «deux Etats indépendants et souverains» dans le but de résoudre les problèmes qui les opposent, d’améliorer la vie des citoyens et d’avancer sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne, le Premier ministre du Kosovo a été mandaté par le parlement pour négocier avec Belgrade.
137. Ce dialogue, instauré par l’entremise de l’Union européenne, se heurte toutefois à l’opposition interne du Mouvement pour l’autodétermination (Vetevendosje), qui a provoqué manifestations et affrontements. Parce qu’il entend normaliser les relations et établir une coopération sur des questions pratiques, j’estime que ce dialogue ne représente pas une menace, mais bien une opportunité pour le Kosovo.

12. Le Kosovo et le Conseil de l’Europe

138. Le Comité des Ministres, dans sa réponse à la Recommandation 1923 (2010)de l’Assemblée, a confirmé son attachement à ce qu’une perspective européenne soit offerte à tous ceux qui vivent au Kosovo, qui devraient pouvoir bénéficier d’un niveau de droits équivalent à celui de tous les Européens en matière de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit 
			(41) 
			Réponse du Comité des
Ministres adoptée lors de la 1102e réunion
des Délégués des Ministres, le 12 janvier 2011, Doc. 12465. .
139. En particulier, les ministres ont souligné que le processus de suivi n’aurait pleinement de sens que si les institutions pertinentes et compétentes au Kosovo étaient directement impliquées dans le processus de suivi et responsables du suivi des recommandations. D’autre part, ils ont chargé le Secrétariat d’élaborer une étude de faisabilité sur la mise en œuvre d’autres mécanismes de monitoring du Conseil de l’Europe au Kosovo, ainsi que d’aligner l’interaction de l’Organisation avec les autorités kosovares concernées et compétentes sur la pratique d’autres organisations internationales neutres du point de vue du statut. A la suite de cet engagement, le bureau du Conseil de l’Europe à Pristina a été renforcé, notamment dans les domaines de l’analyse et du développement de projets.
140. Les activités de monitoring menées au Kosovo interviennent dans le cadre d’accords spéciaux portant sur la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE n° 126) et sur la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales; ces accords ont été signés avec la MINUK en 2004.
141. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines oui traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué plusieurs visites au Kosovo en 2007, 2010 et 2011. Il a bénéficié d’une réelle coopération de la part de toutes les autorités compétentes au Kosovo, notamment de la MINUK, d’EULEX et d’autres autorités concernées (dont les ministères de la Justice, de l’Intérieur et du Travail et des Affaires sociales), ainsi que d’un accès immédiat et illimité à tous les lieux de détention. Dans son rapport d’octobre 2011, le CPT a relevé la perpétuation des mauvais traitements lors des gardes à vue et un manque de garanties juridiques pour les personnes internées d’office en établissement psychiatrique. La prévention de la torture et des mauvais traitements mérite une attention particulière, de même qu’il faut également remédier aux problèmes liés au manque d’espace et au surpeuplement des prisons.
142. Depuis 2004, deux cycles de suivi sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ont eu lieu; ils ont abouti à deux résolutions adoptées par le Comité des Ministres en juin 2006 et en juillet 2011. Des contacts officiels sont maintenus avec la MINUK. Au cours de ces visites, le Comité consultatif rencontre aussi les autorités et institutions compétentes au niveau central et local, notamment les services de police et les autorités municipales du Kosovo. Parmi les récents développements dans la mise en œuvre de la Convention-cadre, on peut citer la Stratégie d’intégration des communautés rom, ashkali et égyptienne, adoptée en 2008; la fermeture d’un des camps contaminés au plomb – Česmin Lug, au nord du Kosovo, fermé en octobre 2010 – et la mise à disposition de nouveaux logements pour ceux qui y vivaient encore; la reconstruction, par la Commission pour la mise en œuvre de la reconstruction, de tous les sites religieux orthodoxes serbes endommagés et l’inclusion de la communauté monténégrine dans le champ d’application de la Convention-cadre par un amendement à la Loi sur les communautés, en décembre 2011. La visite du troisième cycle de suivi du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a eu lieu en décembre 2012.
143. S’agissant des programmes de coopération, l’engagement du Conseil de l’Europe au Kosovo est important et s’est renforcé au cours des dernières années. Ces projets se montent à près de 10 millions d’euros, financés principalement par l’Union européenne, et sont axés sur trois grands domaines:
  • le renforcement de la protection des droits de l’homme au Kosovo, visant à améliorer la mise en œuvre des normes contenues dans la Convention européenne des droits de l’homme, la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales;
  • le projet de lutte contre la criminalité économique au Kosovo (PECK), destiné à renforcer les capacités institutionnelles afin de combattre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, conformément aux normes européennes;
  • le soutien de la promotion de la diversité culturelle au Kosovo.
144. Un projet éventuel visant à faciliter la mise en œuvre d’une législation anti-discrimination a également été développé, mais son financement n’est pas encore assuré. Un tel projet combinerait un soutien aux mécanismes de lutte contre la discrimination, une formation technique des juristes et des ONG à l’application des dispositions de la législation anti-discrimination et à la prise en compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Des actions plus larges de sensibilisation du public sont également prévues. Plusieurs initiatives multilatérales/régionales sont par ailleurs mises en œuvre au Kosovo et portent principalement sur la protection des minorités et des groupes vulnérables.
145. Dans le secteur de la justice, les possibilités de mener un projet de coopération axé sur l’indépendance de la magistrature sont en cours de discussion avec le Conseil judiciaire du Kosovo et attendent des financements. Une autre proposition de projet, elle aussi non encore financée, vise à assurer une expertise spécialisée dans l’application des normes du CPT.
146. Afin d’améliorer l’efficacité de la mise en œuvre des projets, le Bureau du Conseil de l’Europe à Pristina a vu ses moyens, son personnel et ses capacités d’analyse politique et d’alerte précoce renforcés, comme le demandaient l’Assemblée et le Comité des Ministres (voir Recommandation 1923 (2010) et la réponse y afférente). J’ai pu apprécier moi-même le haut niveau de professionnalisme et de compétence du Bureau lors de mes visites en 2011 et 2012.
147. Durant plusieurs mois, en 2011 et 2012, le Groupe de rapporteurs du Comité des Ministres sur la démocratie (GR-DEM) a examiné un projet d’accord entre la MINUK et le Conseil de l’Europe sur le cadre de mise en œuvre des mécanismes de monitoring du Conseil de l’Europe au Kosovo, mais sans parvenir à un consensus, ni sur les compétences de la MINUK, ni sur la mise en œuvre du projet d’accord. Malgré cet échec, les Délégués des Ministres semblent partager une même volonté de consolider l’application des normes du Conseil de l’Europe au Kosovo, conformément à la réponse adoptée par le Comité des Ministres le 12 janvier 2011.
148. Intervenant lors du débat ouvert de la partie de session de juin 2012, tout en saluant l’attachement des autorités de Belgrade et de Pristina à résoudre les questions en attente par le dialogue mené par l’entremise de l’Union européenne, je me suis demandé quelle est la place du Conseil de l’Europe dans ce processus et s’il ne peut ou ne devrait pas faire plus pour améliorer le niveau de vie dans la région et développer des relations de bon voisinage.
149. Je me félicite de la récente discussion informelle qu’a consacrée le Comité des Ministres, le 13 juin 2012, à l’occasion d’un déjeuner de travail, au thème de la «Protection des droits de l’homme en Europe: combler les lacunes». A juste titre, les ministres ont identifié un certain nombre de problèmes en Europe, en particulier la mise en œuvre des normes du Conseil de l’Europe dans les régions post-conflit (au Kosovo, par exemple) auxquelles l’Organisation ne peut accéder qu’en partie, voire pas du tout. Ils ont souligné que, dans ces régions, le Conseil de l’Europe devait renforcer son action de promotion des normes relatives aux droits de l’homme.
150. Le 10 octobre 2012, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, dans une intervention devant les Délégués des Ministres, à Strasbourg, les a informés des réunions bilatérales qu’il avait eues à New York, entre le 22 et le 28 septembre 2012, avec le ministre serbe des Affaires étrangères, M. Ivan Mrkic, et avec le Premier ministre du Kosovo, M. Thaçi. Je me félicite qu’il ait insisté sur l’importance de se concentrer sur ce que le Conseil de l’Europe peut faire au Kosovo de manière constructive et pragmatique afin de soutenir le dialogue entre Belgrade et Pristina et qu’il ait réaffirmé avec conviction qu’aucun Européen ne devait être exclu des avantages découlant de l’application de la Convention européenne des droits de l’homme.
151. La réunion entre le Secrétaire Général et le Premier ministre Thaçi a ouvert un nouveau chapitre dans les relations entre le Conseil de l’Europe et le Kosovo. Cependant, une question demeure à ce jour: comment la population du Kosovo dans son ensemble peut-elle bénéficier de la Convention européenne des droits de l’homme?
152. Il convient d’observer qu’il existe, au Conseil de l’Europe, un certain nombre d’organes et de réseaux spécialisés, outre le CPT et le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, qui peuvent présenter un grand intérêt pour la population du Kosovo. Il s’agit par exemple:
  • du Groupe d’Experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA);
  • du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO);
  • du Comité d’experts sur l’évaluation des mesures contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL);
  • du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires;
  • de la Commission de Venise;
  • du Groupe Pompidou, chargé de la lutte contre la toxicomanie et le trafic de drogue;
  • du Comité européen des droits sociaux;
  • de la Banque de développement du Conseil de l’Europe.
153. C’est toute la région qui est privée des bienfaits de la prééminence du droit, d’un environnement politique et économique plus stable et plus sûr, d’un cadre juridique solide, et d’une justice, d’une police et d’une administration publique efficientes et efficaces.
154. J’appelle le Comité des Ministres à jouer son rôle, aux côtés de la communauté internationale, et à veiller à ce que le Kosovo reste l’une de ses priorités.
155. En fait, il convient de noter que certains Etats qui ne reconnaissent pas le Kosovo, telle la Grèce, interviennent déjà directement dans le cadre des projets. Récemment, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le ministre serbe des Affaires étrangères, M. Mrkic, ont conclu un accord portant sur l’introduction d’une nouvelle note explicative (accord de représentation et de coopération régionales) dans les documents du Conseil de l’Europe publiés dans le cadre de la mise en œuvre des programmes conjoints du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.
156. Une intervention plus importante pourrait, par exemple, se concrétiser par l’intensification des programmes de coopération et l’extension de leur portée. De mes discussions avec des responsables du Conseil de l’Europe, notamment le Secrétaire Général, j’ai cru comprendre qu’il est possible d’étendre les programmes du Conseil de l’Europe à condition que les financements nécessaires soient assurés.

13. Remarques conclusives

157. Comme je l’ai indiqué à la suite de ma récente visite au Kosovo, j’ai l’impression que le jeu démocratique s’est amélioré au fil des ans, mais la démocratie prend du temps. Des efforts soutenus s’imposent pour améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques, pour mettre en place une administration publique efficiente, des institutions et un système judiciaire indépendants, pour se départir d’une culture d’impunité et pour faire respecter la prééminence du droit. Le cadre législatif de lutte contre la corruption doit encore être renforcé et pleinement appliqué.
158. Le Kosovo est confronté à de nombreux défis, dont la normalisation des relations entre Pristina et Belgrade dans le cadre du dialogue entretenu avec la médiation de l’Union européenne, la liberté de circulation dans le nord du Kosovo, la liberté de la presse, la situation des rapatriés, des réfugiés et des personnes déplacées et l’accès à l’information et à l’éducation pour toutes les communautés vivant au Kosovo, y compris les groupes vulnérables.
159. Le principal défi est l’application des normes relatives aux droits de l’homme et à la prééminence du droit. J’estime que le Conseil de l’Europe est bien placé pour jouer un rôle important si tous les Etats membres, qu’ils reconnaissent ou non le Kosovo, admettent, de bonne foi, qu’il n’est pas possible d’oublier toutes les personnes qui vivent au Kosovo et qu’elles doivent bénéficier de la même protection des droits fondamentaux et des mêmes normes de démocratie et de prééminence du droit que toutes les personnes vivant en Europe qui sont protégées par la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres conventions du Conseil de l’Europe.
160. Dans sa réponse à la Recommandation 1923 (2010) de l’Assemblée, le Comité des Ministres a souligné que «le processus de suivi n’aura pleinement de sens que si les institutions pertinentes et compétentes au Kosovo sont directement impliquées dans le processus de suivi et responsables du suivi des recommandations.En outre, le Comité des Ministres convient avec l’Assemblée parlementaire que la mise en œuvre d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe est une composante indispensable à une contribution du Conseil de l’Europe pour élever les standards relatifs à la démocratie, aux droits de l’homme et à l’Etat de droit au Kosovo».
161. En dépit des développements positifs dans les programmes conjoints Conseil de l’Europe–Union européenne, cet objectif n’a à ce jour pas encore été atteint. Il n’y a pas de mise en œuvre «d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe» et l’interaction directe avec les autorités du Kosovo reste limitée.
162. Les organisations neutres du point de vue du statut, telles que les Nations Unies, l’OSCE et l’Union européenne, entretiennent des relations directes avec les autorités kosovares et il en va de même des 34 Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont reconnu le Kosovo et de certains qui ne l’ont pas reconnu. J’en conclus que le Comité des Ministres n’a pas suivi, dans son interaction avec les autorités compétentes du Kosovo, la pratique mise en œuvre par les organisations internationales neutres du point de vue du statut susmentionnées, comme expressément souligné dans sa réponse à notre recommandation.
163. J’invite par conséquent le Comité des Ministres à se montrer flexible, pragmatique et prêt à engager une interaction directe, véritable et constructive avec les autorités du Kosovo, tout en respectant la neutralité du point de vue du statut. A cet égard, j’accueille avec satisfaction et je soutiens entièrement la récente proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’introduire la possibilité d’une interaction directe entre des représentants du Conseil de l’Europe et des autorités compétentes et pertinentes au Kosovo, sur la base des responsabilités fonctionnelles exercées par eux, proposition qui met en œuvre la Recommandation 1923 (2010) de l’Assemblée ainsi que la réponse du Comité des Ministres y relative.
164. J’attends également de l’Organisation qu’elle mette en œuvre la réponse du Comité des Ministres et avance des propositions concrètes quant à l’élargissement des programmes de coopération dans les secteurs évoqués précédemment, en plaçant un accent particulier sur les droits de l’homme et la prééminence du droit. Je souhaiterais par ailleurs qu’elle permette une implication directe des autorités compétentes du Kosovo dans la mise en œuvre des activités et des programmes du Conseil de l’Europe.
165. Pour sa part, l’Assemblée devrait élargir le dialogue avec les représentants des forces politiques élues à l’Assemblée du Kosovo et inviter son Bureau à en définir les modalités dans le plein respect de la neutralité quant au statut. Elle doit rester attachée à la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit au Kosovo et continuer à suivre de près les développements dans ces domaines ainsi que les activités pertinentes du Conseil de l’Europe.