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Résolution 1914 (2013) Version finale
Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg: les insuffisances structurelles dans les Etats Parties
1. Aux yeux de l’Assemblée parlementaire,
la viabilité du système de protection des droits de l’homme fondé
sur la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention») relève de la responsabilité commune – outre le
Comité des Ministres – des Etats parties et de la Cour européenne
des droits de l’homme («la Cour»). Cependant, ce sont en premier
lieu les Etats parties qui doivent veiller à ce que la Convention
soit effectivement appliquée au niveau national.
2. L’Assemblée rappelle ses précédents travaux sur le sujet,
en particulier ses Résolutions
1516 (2006) et 1787 (2011) et les Recommandations
1764 (2006) et 1955 (2011), sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme, ainsi que sa Résolution 1856 (2012) «Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention
européenne des droits de l’homme».
3. L’Assemblée déplore que la Cour reste surchargée d’un grand
nombre d’affaires répétitives qui révèlent d’importants dysfonctionnements
dans les systèmes juridiques nationaux. La plupart de ces affaires
portent sur des problèmes structurels identifiés par une jurisprudence
bien établie, comme la durée excessive des procédures judiciaires,
la non-exécution chronique des décisions judiciaires internes, les
décès et les mauvais traitements dus à des fonctionnaires des forces
de l’ordre et l’absence d’enquêtes effectives à leur sujet, et l’illégalité
et la durée excessive des placements en détention provisoire. Par
ailleurs, certains Etats parties présentent des insuffisances structurelles/systémiques
particulières, dont certaines sont propres à un seul système juridique
national. Le juge de l’Etat partie compétent devrait être habilité
à repérer les affaires qui soulèvent des questions juridiques systémiques,
de façon à les classer par ordre de priorité et à assurer leur examen
rapide afin de mettre fin à une violation persistante.
4. L’Assemblée confirme, ainsi qu’elle l’a souligné dans la Résolution 1787 (2011), que, entre autres Etats la Bulgarie, la Grèce, l’Italie,
la République de Moldova, la Pologne, la Roumanie, la Fédération
de Russie, la Turquie et l’Ukraine sont confrontées à de graves
problèmes structurels qui entraînent des retards dans l’exécution
des arrêts de la Cour. L’Assemblée note également les progrès accomplis
dans certains de ces pays.
5. L'Assemblée tient à souligner que, lorsque la Cour de Strasbourg
identifie des insuffisances structurelles majeures et complexes
dans les Etats parties, il convient d'assurer, outre leur examen
par le Comité des Ministres dans le cadre de la «procédure de surveillance
soutenue», une surveillance nationale régulière et rigoureuse pour
y remédier convenablement.
6. L’Assemblée s’inquiète vivement de cette situation, qui sape
l’efficacité du système de la Convention et empêche la Cour de se
concentrer sur des questions nouvelles et importantes concernant
l’interprétation et l’application de la Convention.
7. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats parties:
7.1. à accentuer leurs efforts pour
exécuter pleinement et rapidement les arrêts de la Cour, notamment
en appliquant la Déclaration et le Plan d’action d’Interlaken (19
février 2010) ainsi que la Déclaration d’Izmir (27 avril 2011) et
la Déclaration de Brighton (20 avril 2012), en particulier à travers les
mesures suivantes:
7.1.1. en priorité,
mettre en place des stratégies complètes visant à résoudre les problèmes structurels
et coordonner ces stratégies au plus haut niveau politique;
7.1.2. transmettre rapidement des plans d’action au Comité des
Ministres;
7.1.3. envisager l’instauration d’un organisme national uniquement
chargé de l’exécution des arrêts de la Cour, afin d’éviter un conflit
d’intérêts avec l’agent représentant le gouvernement devant la Cour;
7.2. à modifier leur législation conformément aux normes découlant
de la jurisprudence de la Court à veiller à ce que la Convention
soit appliquée par toutes les autorités nationales concernées;
7.3. à mettre en place des recours internes effectifs, principalement
dans les domaines touchés par les problèmes structurels;
7.4. à prendre des mesures complètes pour mieux faire connaître
les normes de la Convention telles qu’interprétées par la Cour.
Dans les Etats parties présentant des problèmes structurels majeurs,
il pourrait s’agir entre autres des mesures suivantes:
7.4.1. créer et mettre à la disposition
du public une base de données sur la jurisprudence de la Cour, comprenant
notamment la traduction officielle d’arrêts pertinents pour l’Etat
concerné;
7.4.2. améliorer la formation juridique, afin d’approfondir la
connaissance de la Convention par les professionnels du droit;
7.4.3. créer des centres d’information permanents non gouvernementaux
pour les requérants potentiels afin de les conseiller sur les normes
de la Convention;
7.5. à renforcer la coopération entre les autorités nationales
et la société civile, les barreaux, les experts et les institutions
nationales des droits de l’homme;
7.6. à renforcer les garanties légales de l’indépendance des
juges de la Cour et à assurer leur immunité par les mesures suivantes:
7.6.1. les faire bénéficier, ainsi
que les membres de leur famille, d’une immunité diplomatique à vie,
y compris les immunités, exonérations et facilités accordées aux
envoyés diplomatiques et aux juges nationaux au niveau le plus élevé;
7.6.2. veiller à ce qu’après son remplacement à la Cour l’ancien
juge ait droit à une fonction similaire s’il n’a pas encore atteint
l’âge de la retraite;
7.6.3. prendre en considération la durée de son mandat à la Cour
dans le calcul du nombre d’années d’ancienneté au niveau national
concernant sa carrière judiciaire ou autre;
7.6.4. veiller à ce que l’ancien juge ait droit, quand il atteint
l’âge de la retraite, à une pension équivalente à celle des juges
des juridictions de degré supérieur ou des agents de l’Etat exerçant des
fonctions similaires.
8. Les travaux antérieurs de l’Assemblée ont montré la nécessité
d’accentuer le rôle des parlements nationaux dans le suivi de la
mise en œuvre effective des normes de la Convention au niveau national.
Par conséquent, l’Assemblée:
8.1. appelle
à nouveau les Etats parties à mettre en pratique les principes fondamentaux
du contrôle parlementaire dans ce domaine, tels qu’énoncés dans
sa Résolution 1823 (2011) «Les parlements nationaux: garants des droits
de l’homme en Europe»;
8.2. invite les parlements à veiller à ce que les commissions
parlementaires chargées de surveiller le respect des obligations
en matière de droits de l’homme prennent une part active dans l’exécution
des arrêts pilotes de la Cour et des autres arrêts révélant des
problèmes structurels;
8.3. invite les membres de l’Assemblée à interroger régulièrement,
en leur qualité de parlementaires nationaux, leur gouvernement sur
l’exécution des arrêts de la Cour.