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Rapport | Doc. 13134 | 15 février 2013

Le patrimoine industriel en Europe 

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Ismeta DERVOZ, Bosnie-Herzégovine, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12677, Renvoi 3799 du 3 octobre 2011. 2013 - Commission permanente de mars

Résumé

Les composantes matérielles et immatérielles du patrimoine industriel constituent un élément essentiel de l’identité commune européenne; elles ont été façonnées au fil de l’histoire grâce à de fructueux échanges de compétences, de savoir-faire, de technologies et de procédés par-delà les frontières nationales.

Cependant, le patrimoine industriel est extrêmement vulnérable, la plupart du temps perdu par manque de connaissance, d’information, de reconnaissance ou de protection, mais aussi en raison des changements de conjoncture économique, des difficultés posées par les questions environnementales, ou de la taille et de la complexité écrasantes des éléments à préserver. Les pouvoirs publics devraient mieux comprendre et apprécier le potentiel du patrimoine industriel, qui peut devenir un élément clé de la revitalisation socio-économique durable d’un territoire.

Le rapport adresse aux décideurs nationaux un certain nombre de recommandations concrètes afin de préserver pour les générations futures l’héritage de l’ère industrielle européenne. Au niveau européen, l’Unesco et l’Union européenne sont invités à coopérer avec le Conseil de l'Europe pour concevoir un label européen du patrimoine industriel et à soutenir la campagne menée par la Fédération européenne des associations du patrimoine industriel et technique (E-FAITH) pour faire de 2015 l’Année européenne du patrimoine industriel.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 23 janvier
2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle que l’Europe a été pionnière dans l’industrialisation mondiale, comme en témoigne le nombre de sites du patrimoine industriel européen inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco (36 sur 46). Elle considère que le patrimoine industriel européen – dans ses composantes matérielles et immatérielles – constitue un fondement de notre identité commune: il a été façonné au fil de l’histoire grâce à de fructueux échanges de compétences, de savoir-faire, de technologies et de procédés par-delà les frontières nationales. C’est pourquoi il importe de transmettre aux générations futures notre connaissance de ce patrimoine et notre intérêt pour celui-ci, notamment pour ses sites les plus remarquables.
2. L’Assemblée estime que, pour que la protection du patrimoine industriel européen soit efficace, un label européen du patrimoine industriel serait nécessaire, afin d’offrir un niveau de protection intermédiaire (européen) aux sites présentant un intérêt européen manifeste, à défaut d’être mondial, qui couvrirait également les «constellations de patrimoine» (sites liés les uns aux autres par une même thématique ou un même territoire).
3. L’Assemblée demande d’encourager sans relâche toute participation du public et tout travail bénévole susceptibles de faire prendre conscience de la valeur du patrimoine industriel, de la faire apprécier, et de contribuer, par des initiatives locales, à désigner, préserver et reconvertir des milliers de sites du patrimoine industriel dans toute l'Europe. Dans ce contexte, l’Assemblée soutient la campagne menée par la Fédération européenne des associations du patrimoine industriel et technique (E-FAITH), pour faire de 2015 l'Année européenne du patrimoine industriel.
4. Afin de préserver l’héritage de l’ère industrielle européenne pour les générations futures, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
4.1. de signer, de ratifier et de mettre en œuvre la Convention européenne du paysage (STE no 176) et la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199, «Convention de Faro»);
4.2. d’adhérer à l’Accord partiel élargi du Conseil de l’Europe sur les itinéraires culturels et au Réseau de la Route européenne du patrimoine industriel (ERIH), qui offrent un excellent cadre pour mener des actions concertées de promotion et de préservation du patrimoine européen au niveau national et international;
4.3. d’inclure dans la législation relative à la protection des sites historiques des critères spécifiquement applicables au patrimoine industriel afin qu’un plus grand nombre de sites puissent être désignés comme devant être protégés;
4.4. de créer, au niveau régional et national, des équipes de recherche interdisciplinaires ayant notamment une expertise scientifique et technique chargées de dresser et de tenir à jour des inventaires complets du patrimoine industriel;
4.5. de veiller à ce que les groupes consultatifs composés d’experts et de représentants d’organismes officiels qui examinent les sites à protéger travaillent et rendent leurs décisions en toute transparence;
4.6. d’accorder de la valeur à l’expertise des bénévoles et de créer des mécanismes de coopération permettant d’associer les organisations non gouvernementales aux diverses procédures de protection et de gestion efficace du patrimoine industriel et, le cas échéant, de cultiver les ressources bénévoles au moyen de programmes de renforcement des capacités;
4.7. de considérer les sites du patrimoine industriel comme faisant partie intégrante du paysage social et étroitement liés aux savoir-faire, à la mémoire et à l’identité locales, et, de par leur potentiel, comme un élément clé des stratégies de développement territorial;
4.8. d’encourager la création d’un réseau de groupes de travail pluridisciplinaires – rassemblant des spécialistes de domaines pertinents comme l’histoire de la construction, la protection des monuments, l’urbanisme et les stratégies, investissements et partenariats financiers – afin de faciliter les échanges de connaissances sur la réhabilitation durable de sites du patrimoine industriel;
4.9. de prendre des mesures pour sauver de la destruction des sites pertinents du patrimoine industriel désaffectés, notamment dans les zones urbaines où la valeur des terrains est élevée;
4.10. d’intégrer tous les sites d’intérêt dans les bases de données officielles des services d’aménagement ou leur équivalent, afin de permettre un dialogue constructif entre les promoteurs immobiliers et les défenseurs du patrimoine;
4.11. d’encourager la participation de la population locale, non seulement à la préservation de l'identité et des témoignages locaux, mais aussi à la définition du champ d’application des projets de réhabilitation;
4.12. lors de la reconversion des bâtiments industriels, de prendre des mesures visant à garantir le respect du caractère et de l’intégrité des bâtiments, ainsi que du caractère de la communauté locale;
4.13. dans le cadre des projets de réhabilitation de sites industriels, de faciliter l’apport de ressources par des partenariats public-privé afin de s’assurer que des fonds soient disponibles pour la conservation du patrimoine;
4.14. de créer des partenariats avec des organismes privés et des organisations non gouvernementales pour attirer l’attention sur la valeur du patrimoine industriel et la faire apprécier, et de nouer des relations avec d'autres ressources et sites culturels existants au niveau local, régional et international (par exemple dans le cadre de promenades culturelles, d’itinéraires et de réseaux culturels, de manifestations pour la Journée européenne du patrimoine, d’activités à thème, etc.).
5. L’Assemblée invite l’Union européenne et l’Unesco:
5.1. à soutenir, en coopération avec le Conseil de l’Europe, la mise en œuvre effective de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société et de la Convention européenne du paysage pour ce qui concerne le patrimoine industriel;
5.2. à examiner la possibilité de lancer, avec le Conseil de l’Europe, l’Année européenne du patrimoine industriel en 2015;
5.3. à organiser un travail en réseau et des échanges paneuropéens avec le Conseil de l’Europe et d’autres organisations spécialisées dans le domaine du patrimoine industriel, comme le réseau de la Route européenne du patrimoine industriel, la Fédération européenne des associations du patrimoine industriel et technique et Europa Nostra, afin:
5.3.1. de formuler des conseils et de mettre en place des incitations financières pour la protection et la préservation des sites du patrimoine européen dans toute l’Europe;
5.3.2. de dresser un catalogue de bonnes pratiques et d’études de cas empruntées à divers pays, en mettant l’accent sur la partie consacrée à la conservation du patrimoine dans différents projets;
5.3.3. de fournir une description d’ensemble du patrimoine industriel européen, pays par pays ou sur une base thématique, et de mener des études thématiques (secteur par secteur) mettant en évidence le rôle joué par le patrimoine industriel dans la construction de l’identité européenne;
5.3.4. de dresser une liste complète et représentative des monuments industriels européens;
5.3.5. d’étudier comment utiliser au mieux les sources potentielles d’énergie se trouvant dans les bâtiments industriels (réutilisation de la structure du bâtiment, recyclage des matériaux, etc.);
5.3.6. d’étudier comment concilier au mieux les mesures écologiques (par exemple les directives sur l'eau de l'Union européenne), les normes de construction et les normes de prévention des risques avec la préservation de l’intégrité du patrimoine industriel.
6. L’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe à tenir compte de la présente résolution et à encourager la coopération entre les pouvoirs locaux et régionaux dans le domaine de la protection et de la valorisation du patrimoine industriel.

B. Exposé des motifs, par Mme Dervoz, rapporteure

(open)

1. Mandat et genèse du rapport

1. Le 30 juin 2011, Mme Rihter et 23 collègues ont déposé une proposition de résolution intitulée «Destruction ou restauration du patrimoine industriel», qui a été renvoyée à la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias pour rapport le 3 octobre 2011. La commission m’a désignée rapporteure le 6 décembre 2011. En avril 2012, M. Keith Falconer, ancien chef de l’archéologie industrielle de l’English Heritage (Royaume-Uni) a été chargé d'élaborer un document de réflexion.
2. Le 28 juin 2012 à Strasbourg, la sous-commission de la culture, de la diversité et du patrimoine a examiné un projet de schéma de rapport et le 21 septembre 2012, elle a tenu une conférence à Maribor (Slovénie) sur le thème du patrimoine industriel, organisée conjointement avec l'Assemblée nationale de la République de Slovénie, la ville de Maribor – en tant que capitale européenne de la culture – et le Forum des cultures slaves 
			(2) 
			A
cette occasion, la sous-commission a tenu un échange de vues avec
M. Keith Falconer et les experts suivants: Mme Andrea Richter, ancienne
présidente de la sous-commission et présidente du Forum des cultures
slaves, Slovénie; M. Francesco Calzolaio, membre du Comité industriel
et technique d’Europa Nostra, Italie; M. Hildebrand de Boer, vice-président
de la Route européenne du patrimoine industriel (ERIH), Pays-Bas;
M. Massimo Negri, European Museum Academy, Italie; M. Stjepan Lončarić,
Section du patrimoine architectural de la Zagreb Society of Architects
(DAZ), Croatie; M. Emir Softić, Commission de préservation des monuments
nationaux de Bosnie-Herzégovine; Mme Aleksandra Berberih Slana,
Musée de la libération nationale, Maribor, Slovénie; M. Lawrence
Fitzgerald, Riverside Museum, Glasgow Museums, Royaume-Uni; M. Karl
Borromäus Murr, directeur de Staatliches Textil- und Industriemuseum
Augsburg, Allemagne; M. Alois Ecker, Département de didactique de
l’histoire, d’études sociales et d’éducation civique, Université
de Vienne, Autriche; Mme Katarina Živanović, Musée de l’Histoire
yougoslave, Belgrade, Serbie; et Mme Karla Oder, Musée régional
de Carinthie, Ravne na Koroškem, Slovénie.. Je tiens à remercier Mme Rihter, ancienne présidente de la sous-commission, à l’origine du présent rapport, pour avoir aidé à organiser cette conférence très réussie.
3. Lors de sa réunion des 2-4 octobre 2012 à Strasbourg, la commission a décidé de changer le titre du rapport et de l’intituler «Le patrimoine industriel en Europe». M. Falconer, sur la base des discussions fructueuses tenues à Maribor, a complété son rapport. Les paragraphes ci-dessous s’appuient sur les contributions extrêmement précieuses et les suggestions judicieuses de M. Falconer, de M. Hilderbrand de Boer, vice-président de la Route européenne du patrimoine industriel (ERIH) et des membres du Comité industriel et technique d’Europa Nostra, auxquels j’exprime toute ma reconnaissance.

2. Objectifs du rapport

4. L’Europe est considérée comme le berceau des sociétés industrialisées. Née en Grande-Bretagne au XVIIIe siècle, la Révolution industrielle a prospéré en Europe de l’Ouest à partir du début du XIXe siècle et, à la fin du siècle, elle avait gagné l’ensemble du continent européen. Prenant toujours plus d’ampleur, l’industrie allait transformer la société et se mondialiser. Cependant, ce n’est pas seulement la manifestation matérielle de l’industrie qui a contribué à forger l’identité européenne, mais aussi sa dimension immatérielle. Si les industries de base qui caractérisaient ce que l’on appelle aujourd’hui l’âge d’or de l’industrie (charbon, fer, acier, textile et ingénierie lourde) ont en grande partie disparu, l’héritage culturel demeure.
5. Le patrimoine industriel européen est un vaste sujet, qui, dans certains pays, est devenu un sujet de préoccupation croissant au cours de la dernière partie du XXe siècle. L’intérêt pour cette question s’est fortement accru dans toute l’Europe à partir des années 1960, avec des prises de contact au niveau international, puis, à partir des années 1970, le lancement de conférences et de projets transnationaux. Le Conseil de l’Europe partage ces préoccupations et s’investit dans ce domaine depuis les années 1980. La Recommandation n° R (90) 20 du Comité des Ministres a reconnu la nécessité de faire mieux connaître et valoriser le patrimoine industriel 
			(3) 
			La Recommandation n° R
(90) 20 du Comité des Ministres relative à la protection et la conservation
du patrimoine technique, industriel et des ouvrages d'art en Europe
(13 septembre 1990) insiste notamment sur la nécessité de faire mieux
connaître et apprécier ce patrimoine par des campagnes de sensibilisation
du grand public et par le tourisme.. Beaucoup de choses ont changé depuis avec la chute du communisme en Europe de l’Est. Il s’agit également d’un domaine dynamique, sur le plan chronologique, géographique et démographique; c’est pourquoi, il y a constamment de nouveaux sites et industries à examiner en vue de leur conservation, réhabilitation ou réaffectation. Des industries déclinent, ralentissent, se transforment ou se réorganisent, et il convient de garder la trace de leur patrimoine immatériel par différents moyens avant que la mémoire ne disparaisse.
6. L’Europe peut s’enorgueillir à juste titre de son patrimoine industriel, non seulement parce que son influence profonde sur l'industrialisation du monde est universellement reconnue, mais aussi parce qu’il est, dans une large mesure, à l’origine du sentiment d’identité de nombreux territoires. Nous pouvons encore nous y identifier, en préserver les édifices, les documents d'archives, les sources photographiques, et en partager le souvenir. C’est aussi un patrimoine commun à l’Europe, les transferts de technologies et de procédés ne connaissant guère les frontières nationales.
7. Dans toute l’Europe, les exemples de transferts de savoir-faire, d’ingénieurs et, bien entendu, de main d’œuvre, sont innombrables. Ainsi, les racines britanniques se retrouvent dans les dentelles confectionnées à Calais, tout comme les influences parisiennes dans les automobiles fabriquées à Londres, une usine de textile de Schio est construite sur le modèle belge, une mine de charbon de Serbie utilise un moteur à vapeur autrichien et l’usine à gaz d’Athènes a été bâtie par des ingénieurs français. Les migrations de main d’œuvre ne sont pas un phénomène moderne – les Huguenots venus de France ont développé l’industrie de la soierie britannique il y a trois siècles, les sidérurgistes britanniques ont apporté, au début du XIXe siècle, leur savoir-faire aux industries sidérurgiques françaises et belges et les terrassiers britanniques ont construit plusieurs des premiers chemins de fer d’Europe. Plus récemment, des immigrés polonais, italiens et turcs ont été employés dans les mines de charbon du Nord Pas-de-Calais et du Limbourg, tous amenant avec eux leur culture sur leur nouveau lieu de travail.
8. C’est pourquoi il importe de transmettre aux générations futures notre connaissance de ce patrimoine et notre intérêt pour celui-ci, notamment pour ses sites les plus remarquables. Mais que faut-il conserver de l’âge d’or de l’industrie – machines, bâtiments, paysages – et comment entretenir le patrimoine conservé? C’est là le dilemme qui traverse l'Europe. Le présent rapport examine ce dilemme, auquel sont confrontés de nombreux pays possédant des sites industriels obsolètes mais historiques, en mettant un accent particulier sur les pays d’Europe centrale et orientale. Il insiste notamment sur les échanges de bonnes pratiques entre les pays d’Europe occidentale, qui possèdent une expérience de cinquante ans en matière de gestion de sites industriels historiques, et les pays où le problème est plus récent.

3. Définition et champ d’application du patrimoine industriel

9. Si le patrimoine industriel européen est le produit cumulé de l’intervention industrielle sur l’environnement et ses habitants depuis plus de deux millénaires, comme en témoignent les mines de silex néolithiques dans l’est de l’Angleterre et le complexe romain de meunerie de Fontvieille, c’est le changement dans l’échelle de production survenu au cours des deux derniers siècles qui a entraîné l’industrialisation quasi généralisée de la société sur une grande partie du continent. C’est pourquoi le présent rapport se concentre sur cette dernière période (XIXe et XXe siècles).
10. Afin de nuancer ce constat, il convient de souligner que de nombreux sites industriels de l’Antiquité et du Moyen-Âge, comme les mines de mercure d’Almaden et d’Idrija et les mines d’argent et de plomb de l’Erzgebirge à la frontière de la Saxe et de la République tchèque, ou du Laurion en Grèce, ont fonctionné jusqu’à la période moderne. Cependant, ces sites sont, en général, suffisamment reconnus et valorisés, dans la mesure où nombre d’entre eux sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial ou sur des listes indicatives nationales, à l’instar des principaux sites industriels des XVIIe et XVIIIe siècles 
			(4) 
			Par exemple: les filatures
de soie d’Italie et d’Ardèche, les premières filatures de coton
du Royaume-Uni et d’Allemagne, les entreprises d’Etat comme les
manufactures de tabac d’Italie, d’Espagne, d’Autriche et de France
et les chantiers navals, les salines et les premières usines sidérurgiques
de Suède, de Russie, du Royaume-Uni et de France..
11. Le patrimoine industriel englobe l’extraction, la production et le traitement de tous les types de matières premières (minérales et biologiques), mais aussi le travail, la fabrication et la commercialisation de ces produits et les infrastructures correspondantes, sites, services essentiels, transports et communications. Le logement industriel est le vestige le plus répandu de l’ère industrielle, mais le moins bien compris et le moins recherché, et donc, sans doute, le plus vulnérable. Les machines constituent un élément essentiel du patrimoine industriel et, bien que plus difficiles à aborder, leur étude et leur préservation méritent la même attention que les bâtiments qu’elles occupent.
12. Le patrimoine industriel change constamment. La plupart des industries en expansion à partir de 1800 ont périclité au cours de la deuxième moitié du XXe siècle et leurs vestiges sont extrêmement vulnérables et fragiles. Les industries de base, qui caractérisaient l’âge d’or de l’industrie – charbon, fer, acier, textile et ingénierie lourde –, ont en grande partie disparu pour être remplacées, au XXe siècle, par de nouvelles activités comme la construction automobile, l’aéronautique, l’électronique, les services, l’industrie des loisirs et l’industrie de l’alimentation et des boissons. Ces dernières ont également connu d’importantes mutations et font également partie du patrimoine industriel européen. De même, les changements opérés dans les technologies, les procédés et les modèles organisationnels font aussi partie du patrimoine industriel et la difficulté pour le patrimoine industriel est de conserver des traces des changements survenus au cours des différentes périodes.

4. Etat actuel du patrimoine industriel en Europe

13. L’importance du patrimoine industriel a été pour la première fois officiellement reconnue par les gouvernements à la fin des années 1950. Par exemple, au Royaume-Uni, au cours du demi-siècle qui a suivi, des milliers de sites ont bénéficié d’une protection juridique, plusieurs centaines ont été préservés et ouverts au public et bien plus encore ont été affectés avec bonheur à d’autres usages. Durant les années 1970 et 1980, les pays d’Europe du nord – et notamment l’Allemagne, la France, la Suède, la Belgique et les Pays-Bas – sont allés encore plus loin dans cette optique en lançant d’ambitieux projets de préservation de vastes sites. Plus récemment, le succès d’initiatives telles que la Route européenne du patrimoine industriel (ERIH) et l’ampleur prise par celles-ci ont montré la puissance du message.
14. En revanche, la situation était très différente dans les anciens pays communistes, où il fallait régler la question des industries obsolètes héritées du passé. Dans l’ancienne République démocratique allemande, par exemple, où le lignite était devenu la première source d’énergie, son exploitation à ciel ouvert en Basse-Lusace avait transformé et dévasté les paysages. Avec la réunification allemande, ce problème a été transformé en atout. En effet, le projet IBA Fürst-Pückler-Land a renforcé l’identité de la région en créant un ensemble de parcs aquatiques et en transformant d’immenses structures industrielles désaffectées, comme le pont transbordeur F60 et les tours de l’ancienne cokerie de Lauchhammer («Biotürme»), en monuments culturels.
15. En Pologne, de nombreuses mesures ont été prises pour sauvegarder le patrimoine industriel, avec la préservation de plusieurs mines et fonderies et la reconversion des grandes usines de textile de Lodz en centres commerciaux et en hôtels. Toutefois, des problèmes de réhabilitation plus délicats se sont posés dans la région polonaise de Haute-Silésie. La région avait connu une industrialisation intensive sous le régime communiste, mais bon nombre de ces industries ont été incapables de faire face à la concurrence sur le marché libre après 1990, de sorte que les nouveaux pôles industriels d’avenir devront cohabiter pendant quelque temps encore avec les anciens sites industriels contaminés du passé.
16. En République tchèque, d’ambitieux projets ont été lancés en vue de préserver des sites majeurs comme la station d’épuration des eaux de Prague ou les mines de charbon et les fonderies de Kladno et d’Ostrava, cette dernière étant un point d’ancrage de la Route européenne du patrimoine industriel (ERIH) 
			(5) 
			Pour plus d’informations,
voir: <a href='http://www.dul-michal.cz/'>www.dul-michal.cz</a> et <a href='http://www.dolnioblastvitkovice.cz/'>www.dolnioblastvitkovice.cz.</a>, tandis qu’en Russie, dans l’Oural, les fonderies et aciéries des XVIIIe, XIXe et XXe siècles sont en cours de préservation. Dans d’autres anciens pays communistes, de nombreux sites du patrimoine industriel doivent encore être reconnus et protégés. Cependant, il existe aussi des exemples très positifs de transferts d’expérience vers la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et la Finlande, qui ont bénéficié d’une collaboration internationale étroite avec le Danemark, la Norvège et la Suède.
17. On ne dispose d’aucune vue d’ensemble de l’état du patrimoine industriel en Europe, même si les rapports nationaux établis tous les trois ans pour les principales conférences du Comité international pour la conservation du patrimoine industriel (TICCIH) donnent certaines indications sur son évolution actuelle. Une analyse détaillée de ces rapports pourrait en donner un aperçu indicatif, mais parcellaire. Le site web de l’ERIH 
			(6) 
			Le
site web de l’ERIH est une mine d’informations sur les sites industriels
ouverts au public et fournit beaucoup de précisions sur le contexte
de l'industrialisation européenne: <a href='http://www.erih.net/'>www.erih.net</a>. fournit également de nombreux détails sur les sites intégrés dans le réseau et sur leur contexte européen.
18. Cependant, le Comité industriel et technique d’Europa Nostra estime qu’une approche secteur par secteur (patrimoine des transports, de l’industrie textile, des meuneries, de la sidérurgie, des houillères, etc.) mettrait davantage en lumière le caractère européen de ce patrimoine industriel et sa place dans l’identité européenne: l’Europe, «premier continent industriel». Commander de tels rapports thématiques paneuropéens, initialement sous la forme de résumés généraux, constituerait un progrès important dans l’évaluation du patrimoine industriel européen.
19. Les tentatives menées pour faire établir, par des professionnels, des bases de données globales et perfectionnées sur le patrimoine industriel du continent restent à ce jour infructueuses, bien que le TICCIH soit en train de mettre au point un système numérisé de base de données internationale. Dans certains pays, l’expérience a montré que la collaboration entre le personnel des services nationaux et des bénévoles enthousiastes et compétents pouvait s’avérer bien plus fructueuse, notamment lorsqu'il s'agissait de mener des études thématiques.

5. Les acteurs du patrimoine industriel en Europe

20. Au-delà des Etats, des associations locales et nationales, des collectivités locales ou des administrations centrales (ministères de la Culture), plusieurs organisations paneuropéennes s’intéressent, directement ou indirectement, au patrimoine industriel.
21. Le Conseil de l’Europe s’investit dans la préservation du patrimoine industriel depuis plusieurs années. Il a abordé pour la première fois ce sujet au milieu des années 1980 lors de ses conférences de Grenade, de Lyon et de Madrid et a insisté sur la nécessité d’adopter une approche pluridisciplinaire globale et des stratégies de sensibilisation et d'incitation. Il a publié le rapport du colloque de Bochum sur “Les monuments techniques de la mine, patrimoine culturel” en 1989, organisé d'autres manifestations en Espagne et au Royaume-Uni dans les années 1990, a assuré la promotion de la campagne «Notre héritage commun» en 2000 et la base de données du son Réseau européen du patrimoine (HEREIN) couvre également le patrimoine industriel.
22. L’Union européenne a mené diverses actions de sauvegarde du patrimoine industriel, notamment: dans le cadre du programme «Raphaël», programme d’action communautaire dans le domaine du patrimoine, un projet relatif aux aéroports de l’entre-deux guerres de Paris, Berlin et Liverpool, dans le cadre de son programme «Culture 2000», le projet sur le patrimoine du travail a étudié la réhabilitation de Roubaix (France), Schio et Terni (Italie), de la colonia Guell (Espagne) et du quartier des bijoutiers de Birmingham (Royaume-Uni), un autre projet a mis en relation trois musées de France, de Belgique et d’Italie et dans le cadre de ses programmes Interreg, elle a lancé le projet pilote de la Route européenne du patrimoine industriel.
23. La Route européenne du patrimoine industriel est née d’un projet Interreg du même nom couvrant une petite région du nord-ouest de l’Europe. Il s’est aujourd’hui largement étendu géographiquement. Le réseau ERIH couvre actuellement plus de 900 sites dans 35 pays et compte 80 points d’ancrage, 16 itinéraires régionaux et 13 routes thématiques. Bien que, sous sa forme actuelle, son réseau soit essentiellement constitué de sites de musées, de plus en plus d’autres sites industriels préservés en font partie.
24. Le Comité international pour la conservation du patrimoine industriel 
			(7) 
			Le
site web du TICCIH (www.ticcih.org) est une source d’informations
approfondies sur le patrimoine industriel. On y trouve sa Charte
de Nizhny Tagil sur le patrimoine industriel et ses Bulletins trimestriels
depuis 2004, qui contiennent de nombreuses informations sur les
études de cas menées dans le domaine du patrimoine industriel et
sur les publications à ce sujet. fait beaucoup pour promouvoir le patrimoine industriel depuis une trentaine d’années, mais est soucieux de demeurer une organisation mondiale sans accent particulier sur l’Europe. Il est le conseiller officiel en matière de patrimoine industriel du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) et a élaboré des rapports thématiques pour la Convention du patrimoine mondial sur les canaux, les chemins de fer, les ponts, les mines de charbon, les villes d’entreprise et les paysages agricoles. Il est à l’origine des Principes conjoints ICOMOS–TICCIH pour la conservation des sites, constructions, aires et paysages du patrimoine industriel («Principes de Dublin») 
			(8) 
			Principes conjoints
ICOMOS-TICCIH, adoptés le 28 novembre 2011. Pour plus d’informations: 
			(8) 
			<a href='http://www.icomos.org/Paris2011/GA2011_ICOMOS_TICCIH_joint_principles_EN_FR_final_20120110.pdf'>www.icomos.org/Paris2011/GA2011_ICOMOS_TICCIH_joint_principles_EN_FR_final_20120110.pdf</a>. et de la Charte de Nizhny Tagil sur le patrimoine industriel» 
			(9) 
			Charte
du TICCIH, adoptée en juillet 2003. Pour plus d’informations: <a href='http://www.mnactec.cat/ticcih/pdf/NTagilCharter.pdf'>www.mnactec.cat/ticcih/pdf/NTagilCharter.pdf.</a> 
			(9) 
			.. De nombreux pays européens ont une section nationale du TICCIH qui organise des conférences nationales et des ateliers. Le manuel complet du TICCIH, intitulé Industrial Heritage Re-tooled, a été publié en novembre 2012. Le prochain congrès – TICCIH 2015 – aura lieu en France, dans le Nord-Pas-de-Calais. Depuis 1965, ICOMOS a élaboré de nombreuses chartes et lignes directrices touchant au patrimoine industriel, notamment les principes relatifs à l’établissement d’archives documentaires et au tourisme culturel et la Charte de Burra 
			(10) 
			Voir: <a href='http://www.international.icomos.org/charters/burra1999_fre.pdf'>www.international.icomos.org/charters/burra1999_fre.pdf</a>. qui, s’appuyant sur la Charte de Venise 
			(11) 
			Voir: <a href='http://www.international.icomos.org/charters/venice_f.pdf'>www.international.icomos.org/charters/venice_f.pdf</a>., définit une suite logique d’étapes (recherches, décisions et actions) à respecter dans le cadre des projets de conservation.
25. Europa Nostra 
			(12) 
			Le
site web d’Europa Nostra présente ses prix et publications: <a href='http://www.europanostra.org/'>www.europanostra.org</a>. œuvre depuis longtemps à la préservation du patrimoine industriel. De nombreux Prix du patrimoine européen (Prix Europa Nostra depuis 2002) ont distingué des sites industriels, dont le plus récent a récompensé la restauration du haut fourneau n° 2 de Sagunto (Espagne), datant des années 1920. Parmi les autres sites récompensés par le passé, on peut citer: la gare d’Anvers, les Vias Verdes (anciennes voies de chemin de fer transformées en voies vertes), le bassin minier de Rio Tinto et le pont transbordeur de Bilbao en Espagne, la Westergasfabriek (usine à gaz «ouest») d’Amsterdam, le Centre du millénaire de Budapest, le chantier naval de Chatham et la gare centrale de Glasgow en Ecosse, l’usine de briquettes «Louise» de Domsdorf en Allemagne, la manufacture de tabac et de cigarettes de Cibali à Istanbul et l’ancien complexe papetier de Konstancin Jeziorna à Varsovie. Europa Nostra a consacré sa revue 2006 du patrimoine culturel européen au patrimoine industriel, qui a aussi été le thème de son congrès annuel de 2008, tenu à Newcastle. En outre, le réseau Europa Nostra a constitué un comité spécialisé dans le patrimoine industriel et technique, qui a un rôle consultatif, notamment dans le cadre des prix susmentionnés.
26. Dans de nombreux pays, la promotion et la préservation du patrimoine industriel sont entre les mains de bénévoles enthousiastes et cette dynamique doit être entretenue car il s’agit d’une ressource d’une valeur commerciale et culturelle considérable. Les organismes d’Etat peuvent proposer des programmes de renforcement des capacités nécessitant un investissement modeste et faire appel à l’expertise de structures telles que le Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel (CILAC) 
			(13) 
			Le site
web du CILAC présente les nombreuses activités du Comité ainsi que
ses publications, notamment la revue semestrielle l’Archéologie
Industrielle en France, qui, depuis 1979, suit l’évolution du patrimoine
industriel en France: <a href='http://www.cilac.com/'>www.cilac.com</a>. en France et l’Association for Industrial Archaeology (AIA) 
			(14) 
			L’AIA
a été fondée en 1973 et sa revue Industrial Archaeology Review ainsi
que son bulletin trimestriel IA News peuvent être téléchargés sur
son site web: <a href='http://www.industrial-archaeology.org'>www.industrial-archaeology.org</a>. au Royaume-Uni. La Fédération européenne des associations du patrimoine industriel et technique (E-FAITH) 
			(15) 
			Le site web de l’E-FAITH
présente les manifestations et les campagnes en cours ainsi que
les nombreuses associations affiliées participantes: <a href='http://www.e-faith.org/'>www.e-faith.org</a>., une organisation gérée par des bénévoles, cherche à faciliter la coopération entre les associations bénévoles d’Europe et fait campagne pour la préservation de sites menacés. Elle organise des ateliers annuels pendant les week-ends et a rédigé un mémorandum insistant sur l’importance culturelle du patrimoine industriel dans le cadre de sa campagne visant à faire de 2015 l'Année européenne du patrimoine industriel et technique.

6. Valorisation du patrimoine industriel en Europe

27. Le soutien du Conseil de l’Europe, les prix décernés par Europa Nostra et les financements obtenus dans le cadre de programmes nationaux et de l’Union européenne ont fortement encouragé les efforts des bénévoles et des organisations non gouvernementales (ONG). Grâce à cet intérêt, il existe aujourd’hui une vaste collection de publications touchant à toutes les ramifications du patrimoine industriel, des centaines d’associations se consacrent à la défense de divers aspects du sujet, des dizaines de milliers de sites d’Europe de l’ouest ont été déclarés sites protégés et plusieurs milliers d'autres sites ont été préservés ou reconvertis. Plus important encore, ces efforts ont conduit, dans certains pays, à faire apprécier la valeur du patrimoine industriel national par le grand public.
28. Cependant, la sensibilité et l’opinion du public doivent être constamment nourries et formées. Dès 1985, la conférence de Lyon du Conseil de l'Europe recommandait d’organiser une campagne européenne d'éducation au patrimoine industriel et d’inclure dans les programmes scolaires à tous les niveaux des documents témoignant du rôle joué par l’industrie dans la formation de la société européenne tout au long de la période moderne. Dans beaucoup de pays, de très nombreux projets de conservation ont abouti grâce à la publication d'ouvrages magnifiquement illustrés qui ont créé un attrait pour les sites industriels. Ces ouvrages ont sensibilisé le public aux questions liées au patrimoine industriel et, en conséquence, ont influencé les responsables politiques locaux et les services de l’urbanisme. Les films ont également un rôle majeur à jouer, en ce qu'ils témoignent souvent des modes de vie de l’ère industrielle aujourd’hui disparus. Les archives cinématographiques nationales regorgent de tels documents, dont on n’apprécie la valeur que depuis peu. De même, les archives photographiques, grâce aux systèmes de recherche documentaire informatisés et à leur disponibilité en ligne, sont devenues accessibles à tous les publics. La télévision a aussi beaucoup contribué à informer et à inspirer le public depuis les années 1960: des émissions vantant les réalisations d’ingénieurs célèbres et décrivant comment les gens vivaient dans la société industrielle ont frappé l’imagination des téléspectateurs.
29. Les émissions touchant au patrimoine industriel sont régulièrement rediffusées sur les chaînes numériques et la plupart des nouvelles émissions historiques et archéologiques traitent couramment des sites industriels et des manifestations sur ce thème. Ces manifestations peuvent être à la fois divertissantes et stimulantes – c’est le cas de la Nuit européenne du patrimoine industriel, mais la réhabilitation de sites industriels peut aussi être l’occasion d’organiser des activités culturelles et de loisirs plus larges ouvrant le patrimoine industriel à un public différent: c'est la perspective adoptée lors de la réhabilitation de l’Emscher Park dans la Ruhr et de la C-mine dans le Limbourg. L’ensemble des moyens cités doivent être utilisés pour faire en sorte que l’opinion publique ait une perception positive du patrimoine industriel et pour diffuser le message d’un héritage industriel commun. Par ailleurs, les industries créatives doivent être encouragées à transmettre ce message par le biais d’outils novateurs comme les guides touristiques sur GPS et autres applications.

7. Reconnaissance, protection et préservation du patrimoine industriel

30. Le patrimoine industriel est extrêmement vulnérable, souvent menacé, et la plupart du temps perdu par manque de connaissance, d’information, de reconnaissance ou de protection, mais aussi en raison des changements de conjoncture économique, des perceptions négatives, des difficultés posées par les questions environnementales, ou de la taille et de la complexité écrasante des éléments à préserver. Par conséquent, le développement d’une gestion, d’une conservation, d’une interprétation et d’une jouissance éclairées des sites et la reconnaissance de leur intérêt culturel sont les principaux objectifs de la conservation du patrimoine industriel, ce qui pourrait passer par la définition de différents niveaux de protection: 1) listes locales et zones de conservation; 2) sites officiellement reconnus à divers niveaux; 3) classement en tant que site ou paysage du patrimoine mondial. Chaque pays aura ses propres codes de classement, qui seront très variables d’un pays à l’autre. Certains pays, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont développé et affiné leur système de classement officiel depuis plus d’un siècle, offrant une protection très générale à des dizaines de milliers de sites du patrimoine industriel. D’autres pays comme la France se concentrent sur des sites moins nombreux mais pour lesquels des recherches plus poussées ont été faites. Les pays d’Europe centrale et orientale, comme la Croatie et la Bosnie-Herzégovine n’en sont qu’à un stade embryonnaire.
31. Le Réseau européen du patrimoine (HEREIN) du Conseil de l’Europe, offre une vue synthétique des différentes politiques nationales du patrimoine. La protection juridique est généralement l’aboutissement d’un processus d’évaluation de l’intérêt d’un site et, par conséquent, la véracité des processus d’identification et d’évaluation est essentielle à l’effectivité de la protection, sachant que ces processus peuvent fortement évoluer au fil du temps, d'autant plus lorsqu'il s'agit de sites industriels. Ainsi, un site jugé commun il y a quelques décennies peut aujourd’hui être très intéressant parce qu’il est l’un des rares vestiges de son époque. C’est pourquoi, idéalement, toutes les évaluations devraient être régulièrement réexaminées et, le cas échéant, réactualisées. L’évaluation de l’intérêt d’un site peut, il est vrai, aussi être influencée par des facteurs géographiques: choix entre les trois macro-régions européennes de même niveau technique – l'Europe centrale/septentrionale, méditerranéenne et orientale – zone urbaine ou rurale, taille relative du site, dominant une petite ville ou absorbé dans le tissu urbain d’une métropole.
32. Dans de nombreux pays, le processus de protection repose sur l’alliance entre l’expertise des bénévoles et l’usage officiel de cette expertise, avec une évolution constante au cours des cinquante dernières années. Ainsi, aujourd’hui, l’expertise tend à devenir l’apanage des organismes officiels et il est largement fait appel à des consultants rémunérés, bien que le meilleur travail demeure en partie réalisé par des experts bénévoles.
33. Les leçons pouvant être tirées de l’expérience de pays ayant largement développé les processus de désignation sont les suivantes:
  • La valeur de l’expertise des bénévoles: pour chaque sujet, il existe probablement des passionnés dont les connaissances et l’enthousiasme doivent être utilisés à bon escient. L’English Heritage travaille en relation étroite avec l’Association for Industrial Archaeology (AIA) et le Council for British Archaeology (CBA) afin de maintenir une vision commune de la gestion du patrimoine industriel tandis qu’en France, le CILAC collabore avec le ministère de la Culture.
  • Le recours à des groupes consultatifs composés d’experts et de représentants d’organismes officiels permet de donner une certaine transparence au travail d’évaluation des sites à protéger.
  • Les évaluations de l'intérêt des sites doivent être tenues à jour car l'intérêt présenté par un site peut fortement évoluer au fil du temps.
  • Une bonne description du contexte permet d'établir un ordre de priorités lorsque les ressources sont limitées.
  • Tous les sites présentant un intérêt devraient être enregistrés dans les bases de données officielles des services d’aménagement ou leur équivalent, aussi bien par des personnes privées que par des organismes officiels, afin de permettre un dialogue constructif entre les promoteurs immobiliers et les défenseurs du patrimoine.
  • Rassembler des informations générales sur une ressource historique peut faciliter sa sélection en tant que site remarquable en vue de sa protection au plus haut niveau ou de son inscription au patrimoine mondial.
  • L’opinion publique est très importante, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de protection et de préservation du patrimoine, et doit être cultivée avec soin. Cela peut paraître évident dans les pays d’Europe de l'ouest, où le public est depuis longtemps familier du patrimoine industriel, ce qui n’est pas le cas dans de nombreux autres pays, où des programmes éducatifs suivis et un travail de sensibilisation par les médias seront nécessaires pour que les populations prennent conscience du rôle joué par l’industrie dans la culture européenne et donc dans leur propre culture. La vigilance du public, qui découle de son intérêt, constitue une première ligne de défense contre le vandalisme et les autres menaces qui pèsent sur les bâtiments industriels vides et désaffectés, mais il importe également de persuader les propriétaires de réduire ces risques en prenant connaissance des nombreux documents établis à cet effet 
			(16) 
			Voir
le site web de l’English Heritage, où l’on peut télécharger en version
PDF «Vacant Historic Buildings; An owner’s guide to temporary uses,
maintenance and mothballing», English Heritage, 2011, et «Arson
Risk: Preserving life and Lancashire’s Industrial Heritage», English
Heritage with Lancashire Fire and Rescue service, 2011: <a href='http://www.english-heritage.org.uk/'>www.english-heritage.org.uk</a>..
34. Le patrimoine industriel européen pourrait être représenté sous la forme d’une pyramide, avec à sa base des centaines de milliers de sites industriels non évalués et donc non protégés, à son milieu des dizaines de milliers de sites identifiés et classés, et à son sommet quelques milliers de sites préservés inscrits au patrimoine mondial. Si l’Unesco reconnaît que le patrimoine industriel est généralement sous-représenté dans la Liste du patrimoine mondial, l’Europe occupe à juste titre une place dominante dans cette liste, compte tenu du rôle qu’elle a joué dans l'industrialisation du monde. Ainsi, dans la liste 2012, sur 46 de ces sites, 36 se trouvent en Europe, dont huit sont situés au Royaume-Uni, quatre aux Pays-Bas, quatre en Belgique, trois en Allemagne, trois en France, trois en Suède, trois en Italie, deux en Suisse, un en Finlande, un en Norvège, un en Pologne, un au Portugal et un en Slovénie. De plus, 18 autres sites industriels figurent sur les listes indicatives de plusieurs pays européens. La plupart de ces sites concernent l’industrie des transports, de l'exploitation minière et de la production primaire, l’industrie manufacturière étant moins représentée.
35. Les sites du Patrimoine mondial doivent présenter une valeur universelle exceptionnelle et comme il s’agit d’une distinction suprême, le nombre d’inscrits doit être limité. Aussi serait-il justifié de disposer d’une norme d’un niveau légèrement inférieur pour les sites du patrimoine industriel présentant un intérêt européen manifeste, à défaut d’être mondial. Certains sites industriels sont déjà visés par le futur label européen, comme la cité industrielle de Tomas Bat'a à Zlin, les mines de charbon Hlubina et les hauts fourneaux de Vitkovice, à Ostrava en République tchèque, l’Hôtel de la monnaie de Kremnica en République slovaque et les chantiers navals de Gdansk en Pologne. Cependant, ces sites, par définition, doivent avoir joué un rôle particulier dans l’émergence de l’identité politique européenne, une condition qui risque d’être relativement restrictive pour la plupart des sites industriels. Peut-être faudrait-il s’inspirer d’autres modèles. Les Japonais reconnaissent les Constellations de patrimoine de la modernisation industrielle, ensembles de sites historiques présentant un intérêt particulier et regroupés par thème, et cette idée pourrait peut-être être transposée dans le contexte européen. Ainsi, les sites de lignite de Saxe, les usines de textile de la région de Sedan, les mines de charbon du Limbourg, les centrales hydroélectriques de Norvège, les colonies textiles de Catalogne, les sites de métallurgie de la Ruhr et de Sheffield, les hauts fourneaux de Suède, de l’Oural et de Cumbrie, les ateliers de bijouterie et de mobilier de Birmingham et de Paris et les voies de chemin de fer des mines de charbon du nord est de l’Angleterre, seraient les types de sites qui bénéficieraient d’une reconnaissance paneuropéenne.

8. Conserver le patrimoine industriel en le réaffectant à de nouveaux usages durables

36. La reconnaissance et la protection ne suffisent pas pour préserver durablement le patrimoine industriel: les compétences et l’investissement de la population locale et le sentiment d’appartenance à une communauté sont essentiels pour préserver le passé et donner de l’élan aux futurs projets de réhabilitation. Les sites industriels ne sont pas seulement faits de briques et de mortier, ils témoignent de la vie et de l’identité locales et font partie du paysage social et du patrimoine immatériel. Tout projet de réhabilitation devrait préserver ce sens du lieu (genius loci), respecter la mémoire des ancêtres qui l’ont créé, éveiller l’imagination des enfants qui y passent et renforcer le sentiment d’appartenance des personnes qui l’habitent. Pour qu'il y ait durabilité, ces qualités devront être présentes et être utilisées à bon escient.
37. Le patrimoine industriel – de par son volume et son impact sur les paysages environnants – peut jouer un rôle pivot dans la revitalisation d’un territoire. La réhabilitation du patrimoine industriel dépendra de nombreux facteurs, tels que sa valeur patrimoniale, son volume et sa situation dans l'environnement (urbain, suburbain ou rural), son potentiel de reconversion identifié par les stratégies de développement local et la possibilité d’y intégrer un ensemble d’activités industrielles ou d’éléments du patrimoine industriel apparentés. La réussite de ces projets dépendra également des possibilités d’interaction avec d’autres ressources culturelles et sites du patrimoine culturel existants à l’échelon local, mais aussi au niveau régional et international (par exemple, dans le cadre de promenades culturelles, d’itinéraires et de réseaux culturels, de manifestations pour la Journée européenne du patrimoine, d’activités à thème, etc.).
38. Le patrimoine industriel peut être le catalyseur de la revitalisation d’un territoire, à condition de recueillir les témoignages de ceux qui l’ont créé. Ainsi, le point de départ de tout projet de réhabilitation réussi sera d’organiser des rencontres avec la population locale afin de connaître sa perception du projet et ses souhaits, et de l’adapter en conséquence. Par exemple, à Roubaix, des associations locales ont été à l’origine de la reconversion de la Condition publique et au Royaume-Uni, le Princes Regeneration Trust, qui aide les associations locales à développer des propositions de projet en vue de reconvertir des sites industriel historiques a eu un tel succès qu’il a mis au point une boite à outils à cet effet 
			(17) 
			La boîte à outil peut
être téléchargée sur le site web du PRT: <a href='http://www.princes-regeneration.org/'>www.princes-regeneration.org</a>..
39. La réutilisation physique des édifices et des sites industriels dans une perspective durable est, dans une certaine mesure, plus simple, et n’est pas une nouveauté, car ces lieux offrent souvent des espaces facilement utilisables à bon prix. Pour autant, cela ne fait guère qu’une quarantaine d’années que l’on se préoccupe de réaffecter les édifices industriels dans le respect de leur caractère et de leur intégrité, le fait de respecter le caractère de la collectivité étant plus récent encore. Il existe aujourd’hui une masse considérable de publications traitant des aspects économiques de la question, qui encouragent l’investissement et qui présentent les bonnes pratiques et les exemples à suivre. Parmi les exemples de bonnes pratiques en matière de reconversions physiques, on peut citer: 1) des reconversions spectaculaires comme celles de l’Albert Dock, des quais de Göteborg, de la Ruhr, de Saltaire, des Dean Clough Mills et des Manningham Mills dans le Yorkshire, des usines Carl Zeiss de Iéna et de l’usine automobile du Lingotto; 2) des projets d’importance moyenne comme les ateliers de construction mécanique du GWR à Swindon, les aciéries de Terni et de Naples et les gazomètres de Vienne et de Dresde; et 3) une multitude de projets bien plus modestes de reconversion d’édifices industriels ordinaires. Plus récemment, nous avons l’exemple des usines de textile d'Augsbourg, qui s’insèrent dans des stratégies économiques et de relance de l'emploi, et celui des chantiers navals de Monfalcone et de l’Arsenal de Venise, plus axés sur la collectivité.
40. La revitalisation par la conservation de quartiers industriels historiques comme le quartier des canaux (Kanaal Ring) d’Amsterdam, l’Ile de Nantes, le quartier des bijoutiers de Birmingham et les usines de Lodz, d’Ancoats, de Roubaix et de Schio, a mis en évidence la valeur commerciale de ces projets, mais des études récentes ont montré qu’un grand travail de promotion est encore nécessaire pour inciter les promoteurs à s’emparer des sites industriels. Un catalogue de bonnes pratiques et d’études de cas empruntées à divers pays, y compris aux pays d’Europe centrale et orientale, serait un guide précieux.
41. La réaffectation des édifices industriels est aujourd’hui considérée comme une bonne solution sur le plan écologique parce qu’ils renferment des sources d’énergie potentielles (structure des bâtiments, matériaux), et le patrimoine industriel peut dont être considéré comme une ressource non renouvelable. Toutefois, la question de la décontamination, nécessaire dans beaucoup de sites industriels, pose d’énormes problèmes. En effet, de nombreuses solutions sont très préjudiciables à l’intégrité des ressources du patrimoine industriel concerné. Bien que primordiales, les directives de l’Union européenne sur la pureté de l’eau, par exemple, peuvent avoir de graves conséquences pour les vestiges miniers situés en altitude. «Patrimoine industriel, écologie et économie» était le thème du XIVe Congrès du TICCIH, tenu en 2009 à Fribourg (Allemagne) et parmi les documents publiés à la suite de la manifestation, certains abordent les problématiques liées aux paysages post-industriels et les problèmes d’incompatibilité entre les directives de l’Union européenne et la préservation durable des monuments 
			(18) 
			Une
sélection de documents du XIVe Congrès
du TICCIH de 2009, éditée par Albrecht, Kierdorf and Tempel, a été publiée
en anglais et en allemand en 2011 par Sachsishes Industriemuseum,
IWTG/TU Bergakadamie, Fribourg..

9. Financement des projets relatifs au patrimoine industriel

42. Les projets relatifs au patrimoine industriel sont rarement entièrement autofinancés et nécessitent un soutien extérieur. Les sources de financement de projets du patrimoine industriel sont diverses et variées, qu’il s’agisse de programmes d’inventaire ou de recherche, ou de projets de restauration. Les soutiens peuvent provenir d’organismes européens, de collectivités locales, d’organismes publics ou d’universités. Le secteur de la préservation – musées et sites – a généralement besoin d’importants financements pour des projets majeurs et peut faire appel à diverses sources. Au Royaume-Uni, par exemple, l’Heritage Lottery Fund, fonds de la loterie nationale pour le financement du patrimoine, est de loin, depuis 15 ans, le principal bailleur de fonds des projets de patrimoine industriel. Il a consacré un milliard d’euros au financement de plus de 2 000 projets, quelque 25 millions d’euros supplémentaires ayant été apportés par des organismes nationaux.
43. Cependant, dans toute l'Europe, la plupart des projets de reconversion de sites industriels sont essentiellement financés par le secteur privé, souvent en partenariat avec les collectivités locales ou des organismes publics, pour combler les éventuels surcoûts liés aux besoins de conservation. Des études récentes ont montré que les promoteurs hésitent encore à se lancer dans la réhabilitation de sites industriels et il faut constamment les encourager et les inciter à le faire. Les permis de construire devraient prévoir le financement d’une enquête préliminaire, permettant d’avoir une connaissance totale de l’édifice à reconvertir, de façon à ne rien perdre de sa valeur historique, ainsi que des financements ultérieurs pour permettre une interprétation in situ. Certains organismes nationaux publient des listes annuelles d'édifices menacés et fournissent des conseils et une aide pour restaurer les bâtiments qui présentent des difficultés particulières, dont beaucoup sont des bâtiments industriels.

10. Conclusions

44. «Le paysage industriel est un patrimoine mal compris. Au pire, c’est une ceinture de friches industrielles, dangereuses, un désert toxique, au mieux, c’est une ressource historique exceptionnelle à réutiliser, une source de revitalisation locale, offrant une richesse et des opportunités réelles, renforçant l'identité culturelle et créant de nouvelles perspectives commerciales. Mais il peut également nous rappeler de façon saisissante comment le monde d’aujourd’hui est devenu ce qu’il est, lorsque l’industrie employait l’ensemble des habitants d’une localité et faisait battre le cœur de nombreuses villes. C’est en cela que les paysages industriels historiques méritent notre plus grande attention» (Sir Neil Cossons dans «Why save the industrial heritage», publication «Industrial Heritage Re-Tooled», TICCIH 2012).
45. Dans toute l’Europe, le patrimoine industriel est extrêmement vulnérable, souvent menacé, et la plupart du temps perdu par manque de connaissance, d’information, de reconnaissance ou de protection, mais aussi en raison des changements de conjoncture économique, des perceptions négatives, des difficultés posées par les questions environnementales, ou de la taille et de la complexité écrasante des éléments à préserver. Il est donc essentiel que les responsables politiques locaux, régionaux et nationaux comprennent et exploitent pleinement le potentiel du patrimoine industriel, qui peut devenir un élément clé de la revitalisation d’un territoire.
46. Dans le contexte d’une revitalisation territoriale et socio-économique plus large, la réhabilitation effective du patrimoine industriel dépendra de nombreux facteurs, tels que sa valeur patrimoniale, son volume et sa situation dans l'environnement, son potentiel de reconversion et la possibilité de l’intégrer dans un ensemble d’activités industrielles ou d’éléments du patrimoine industriel apparentés. La réussite de ces projets dépendra également des possibilités d’interaction avec d’autres ressources culturelles et sites du patrimoine culturel existant à l’échelon local, mais aussi au niveau régional et international, par exemple dans le cadre de promenades culturelles, d’itinéraires et de réseaux culturels, de manifestations pour la Journée européenne du patrimoine ou d’activités à thème.
47. Les bons exemples de tels projets que je tire de l’audition organisée par la sous-commission de la culture, de la diversité et du patrimoine à Maribor (septembre 2012), démontrent que la meilleure façon de préserver le patrimoine industriel ne réside pas tant dans sa protection juridique, même si elle est évidemment importante, que dans la manière dont les populations locales reconnaissent et apprécient leur patrimoine industriel, par son étude, sa compréhension et les échanges de connaissances. L’adhésion de la population locale est essentielle.
48. Le projet de résolution contient plusieurs points qu’il faudrait examiner en vue d’assurer la préservation de l’héritage de l’ère industrielle européenne pour les générations futures. Je voudrais insister en particulier sur les éléments suivants.
49. Il est nécessaire d’encourager les études et la recherche au niveau régional, national et européen, pour fournir une description d’ensemble du patrimoine industriel européen, pays par pays et/ou sur une base thématique. En particulier, l’élaboration de rapports thématiques paneuropéens, initialement sous la forme de résumés généraux, constituerait un progrès important dans l’évaluation du patrimoine industriel européen et contribuerait à une compréhension plus approfondie de la valeur de cet héritage commun.
50. La législation en vigueur relative à la protection des sites historiques n’est pas forcément adaptée aux sites industriels et ne devrait pas être appliquée automatiquement. Une plus grande souplesse semble requise et il pourrait être bon d’envisager de créer une nouvelle catégorie de sites du patrimoine industriel européen et/ou d’identifier des «constellations de patrimoine» témoignant de l’âge d’or de l’industrie européenne.
51. Il faudrait tenter de renforcer la coopération entre les grands acteurs. L’Unesco, l’Union européenne et le Conseil de l'Europe devraient unir leurs forces et chercher à collaborer avec les principales organisations internationales non gouvernementales œuvrant dans le domaine du patrimoine industriel. Cette collaboration devrait être conçue, en particulier, dans le but de mettre en réseau et partager les bonnes pratiques appliquées de manière durable et fructueuse dans certains pays et de les transposer dans les pays qui manquent d’expérience en la matière; il s’agirait également de sensibiliser davantage le public au patrimoine industriel européen, notamment en créant une liste complète et représentative des monuments industriels européens.
52. Dans ce cadre, il serait envisageable de soutenir la campagne de l’E-FAITH pour faire de 2015 l’Année européenne du patrimoine industriel et technique 
			(19) 
			Mémorandum
de la campagne pour une Année européenne du patrimoine Industriel
et technique, signé à ce jour par 95 associations membres, de 18 pays.
Voir: <a href='http://www.e-faith.org/'>www.e-faith.org.</a>. En 2015, cela fera 25 ans que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté sa recommandation visant à susciter un intérêt et un attrait pour le patrimoine industriel. Cela pourrait être l’occasion de célébrer 25 ans de réalisations et d'exprimer nos préoccupations actuelles concernant la pérennité du patrimoine industriel européen. Cette date serait particulièrement appropriée dans la mesure où la Conférence du TICCIH aura lieu en France en 2015. Il serait également envisageable de faire du patrimoine industriel le thème principal d’une Année du patrimoine menacé, afin de renouveler le succès de l’initiative organisée au Royaume-Uni en 2011, qui a rassemblé les diverses tendances concernées par la réhabilitation et a donné naissance à de nouveaux projets de soutien 
			(20) 
			English Heritage Conservation
Bulletin 67, Saving the Age of Industry, Autumn 2011, ed. Falconer
& Gould..
53. A tous les niveaux, il est nécessaire de renforcer les partenariats avec les organismes privés et les organisations non gouvernementales et de favoriser les interactions avec les ressources culturelles et sites du patrimoine culturel existant à l’échelon local, mais aussi régional et international (par exemple, dans le cadre de promenades culturelles, d’itinéraires et de réseaux culturels, de manifestations pour la Journée européenne du patrimoine ou d’activités à thème). L’apport de ressources par des partenariats public-privé pourrait aider à financer le surcoût lié aux besoins de conservation dont s’accompagnent souvent les projets de réhabilitation de sites industriels.
54. Les Etats membres devraient cultiver l’enthousiasme des bénévoles en leur proposant des programmes de développement des ressources. Ils devraient encourager la création d’un réseau de groupes de travail pluridisciplinaires – rassemblant des spécialistes de domaines pertinents comme l’histoire de la construction, la protection des monuments, l’urbanisme, les stratégies financières, investissements et partenariats. Ces groupes de travail nationaux apporteraient une aide précieuse en facilitant les processus de réhabilitation durable axés sur des sites du patrimoine industriel. Ils devraient aussi être encouragés à lancer des projets visant à étudier comment utiliser au mieux l’énergie que recèlent les édifices industriels et concilier les mesures écologiques, comme les directives sur la pureté de l’eau, avec la préservation des vestiges industriels historiques.

Sources

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CBA, Palmer et al., Industrial Archaeology: a handbook, CBA Practical Handbook No. 21, 2012

Ironbridge, Belford, Palmer et White (editeurs), Footprints of Industry, BAR British Series 523, 2010

English Heritage, «Saving the Age of Industry», Conservation Bulletin (automne 2011), Issue 67, English Heritage, Swindon

Stratton M. (ed), Industrial Buildings: Conservation and Regeneration, E & FN Spon, Londres, 2000

TICCIH, Bergeron (ed), Patrimoine de l’industrie, volumes 1-26, 1999-2011

TICCIH, Douet J. (ed), Industrial Heritage Retooled, Carnegie Press, 2012

TICCIH, Albrecht, Keirdorf and Tempel (editeurs), Industrial Heritage – Ecology and Economy: XIV International TICCIH Congress 2009, selected papers

Trinder B. (ed.), The Blackwell Encyclopedia of Industrial Archaeology, Blackwell, Oxford, 1992

Uffelen C. (van), Re-use Architecture, Braun Publishing, Salenstein, 2011